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20. Les maladies liées à l’eau

p. 240-241


Texte intégral

1Si les maladies transmises par l’eau sont un lourd fardeau pour de nombreux pays pauvres, les pays économiquement développés y sont aussi confrontés (cf. I.8). Entre 1991 et 2002, 73 épidémies ayant entraîné 415 496 cas de maladies liées à l’eau, sont survenues aux États-Unis. Les données de 14 pays de l’Union européenne font état de 354 épidémies sur la période 2000-2007, à l’origine de 47 617 cas de maladies. Leur nombre réel est probablement très supérieur à ce qui est rapporté, les petites épidémies d’infections banales sous forme de gastro-entérites aiguës n’étant souvent pas signalées et les cas isolés n’étant pas pris en compte. La mise en place d’une politique sanitaire de l’eau, avec des dispositifs dits « multibarrières », permet d’assurer la sécurité des consommateurs ; même si les maladies liées à l’eau prennent des formes différentes selon qu’elles surviennent dans des pays développés ou dans des pays en voie de développement.

2Depuis la ressource jusqu’au robinet, l’eau destinée à la consommation humaine peut subir une contamination par des microorganismes ou une pollution par des substances chimiques, qui peuvent être à l’origine de risques plus ou moins graves pour la santé du consommateur. Pour qu’une maladie se déclare, il faut la combinaison simultanée d’un danger microbien ou chimique, d’un facteur d’exposition (aérosol, boisson, contact cutané) et d’une sensibilité de l’individu ou des populations concernés.

3Les conditions d’exposition des êtres humains aux contaminants et polluants hydriques dépendent des usages de l’eau. La voie d’exposition dominante est l’ingestion : ce sont essentiellement des apports alimentaires, par l’eau de boisson elle-même ou par des aliments contaminés par l’eau. Il peut aussi s’agir d’ingestion involontaire d’eau lors de loisirs ou d’opérations professionnelles impliquant des eaux fortement contaminées. Par ailleurs, l’inhalation d’aérosols de microgouttelettes d’eau contaminée n’est pas négligeable : elle concerne, en milieu domestique ou professionnel, la prise de douches, l’utilisation de dispositifs générant des aérosols d’eau (brumisateurs…). La voie cutanéo-muqueuse est aussi concernée par les bains ou par les activités aquatiques récréatives. Il peut s’agir aussi d’un contact avec la muqueuse oculaire à la suite de lavage de lentilles de contact à l’eau du robinet. Enfin, des agents chimiques ou bactériens peuvent être inoculés suite à une dialyse rénale.

Les affections microbiennes

4La plupart des micro-organismes pathogènes* se transmettent par ingestion d’eau présentant une contamination fécale. Les micro-organismes responsables de gastro-entérites aiguës sont des bactéries (Escherichia coli entéropathogènes, Salmonella, Shigella, Yersinia enterolitica, Campylobacter jejuni…), des virus (Calicivirus, Norovirus, Sapovirus, Rotavirus, Adenovirus…) ou des parasites (Cyclospora, Cryptosporidium parvum, Giardia lamblia…). Certaines maladies sont plus spécifiques : fièvre typhoïde (Salmonella typhi), choléra (Vibrio cholerae) ou hépatites (virus des hépatites A et E).

5D’autres micro-organismes se transmettent par inhalation d’aérosols d’eau contaminée. Legionella pneumophila est responsable d’une infection pulmonaire aiguë, nommée légionellose*. Dans les établissements de santé, certains patients à haut risque peuvent développer des infections respiratoires nosocomiales* liées à des bactéries hydriques (Pseudomonas aeruginosa…). Des virus, comme les adénovirus, sont à l’origine de troubles respiratoires aigus, de pneumonies.

6Enfin, certains micro-organismes se transmettent par contact avec une eau contaminée. Les mycobactéries non tuberculeuses ou atypiques peuvent provoquer une série de maladies affectant la peau et les tissus mous, les appareils respiratoire, gastro-intestinal et génito-urinaire, le squelette et les ganglions lymphatiques. Dans les établissements de santé, des bactéries hydriques, nommées « pathogènes opportunistes », peuvent être responsables chez des patients fragilisés d’infections du tractus urinaire, d’infections de plaies, d’infections oculaires, de bactériémies* et méningites secondaires. Pseudomonas aeruginosa peut provoquer après un contact prolongé avec une eau contaminée (piscines, spas…) des infections ORL (otites) et de la peau (folliculites). En milieux de soins, chez des patients présentant une affection sous-jacente, la bactérie colonise principalement les sites lésés (brûlures, plaies chirurgicales…), l’appareil respiratoire ou les yeux. Depuis ces sites, elle peut envahir l’organisme et causer des lésions destructives ou des septicémies et méningites.

Les risques chimiques

7Le risque hydrique chimique se manifeste parfois à court terme et de manière (sub) aiguë dans des circonstances accidentelles, mais le plus souvent de manière différée. Il peut être relié soit, le plus communément, à la pollution des ressources en eau (produits phytosanitaires, nitrates, solvants, hydrocarbures), soit au traitement de l’eau destinée à la consommation humaine (dérivés de l’aluminium utilisés comme coagulants, sous-produits de la désinfection), (cf. V. 4) soit encore à des altérations de l’eau en cours de distribution ou de stockage (plomb, hydrocarbures aromatiques polycycliques*).

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Les trois voies d'exposition aux maladies liées à l'eau : digestive (boisson), contact cutanéo-muqueux (baignade) et aérienne (aérosol de douche). © Konstanty Paluchowski, PLRANG Thomas Brauchle

8Les sous-produits de la désinfection par le chlore (trihalométhanes, acides halo-acétiques, acétonitriles, aldéhydes…) peuvent induire à forte concentration des excès de risques de cancers (vessie) et de troubles de la reproduction (bébés de petits poids, malformations congénitales). Parmi les métaux lourds (cuivre, nickel, cadmium…) qui provoquent un large spectre de symptômes cliniques, le plomb constitue un danger plus important pour les enfants, en raison d’une exposition plus importante, une absorption gastro-intestinale plus élevée, et une susceptibilité plus grande aux effets toxiques. Les effets provoqués par une exposition chronique au plomb peuvent commencer dès le développement intra-utérin et se traduisent par une altération du développement staturo-pondéral, psychomoteur et intellectuel. L’arsenic, substance cancérogène pour les humains, peut se concentrer dans les nappes phréatiques*, suite à des processus naturels de dissolution de dépôts minéraux ou de roches. Des composés organiques, tels que le benzo (a) pyrène, le styrène, le chlorure de vinyle, sont responsables d’affections cancéreuses après une exposition sur plusieurs années. Les nitrites, formés dans le tube digestif à partir des nitrates ou présents dans des liquides de traitement d’équipements, peuvent induire une méthémoglobinémie*, dont les symptômes comprennent des nausées, des vomissements, une cyanose*, une dyspnée*, des maux de tête, vertiges, tremblements, faiblesse, perte de conscience.

9Les travaux sur les conséquences du changement climatique laissent prévoir une augmentation des risques de maladies liées à l’eau. En effet, la modification du régime des pluies, l’augmentation des températures, l’évolution de l’utilisation des sols et les changements des pratiques agricoles et d’élevage accentuent le risque de dégradation de la qualité des eaux. La réglementation actuelle devra faire face à ces nouveaux défis.

Bibliographie

Références bibliographiques

• OMS – L’eau pour la santé. Directives de l’OMS sur la qualité de l’eau de boisson, Troisième édition, 2004.

• OMS – Combattre les maladies véhiculées par l’eau à la maison, 2007.

• OMS – Plans de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau, 2010.

• OMS – Principales maladies liées à l’eau, www.who.int, 2014.

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