19. Recyclage et réutilisation des eaux industrielles et agricoles
p. 238-239
Texte intégral
1Les usages de l’eau entraînent, de fait, une mobilisation de la ressource en eau douce, dont les quantités sont limitées, mais surtout qui est répartie de manière très différente sur la planète, selon la géographie, celle-ci étant peu en relation en particulier ces deux derniers siècles avec les développements démographiques et économiques. La mobilisation des ressources est donc en constante augmentation, avec des effets qualitatifs (dégradation de la qualité de la ressource en eau) et quantitatifs (baisse, voire épuisement de la ressource) importants.
2Il est donc nécessaire d’augmenter les capacités d’utilisation de l’eau à prélèvements constants sur la ressource dite « conventionnelle » (eaux de surface continentale et eaux souterraines). Les possibilités d’accroître la ressource en eau douce sont extrêmement limitées, notamment au regard des risques environnementaux représentés par le dessalement de l’eau de mer (consommation importante d’énergie, rejet de saumures concentrées, rejets de produits chimiques), qui ne peut être envisagé durablement que s’il est considéré comme une ressource d’appoint représentant moins de 10 % des besoins. Au contraire, les solutions de réutilisation des eaux ayant déjà été utilisées présentent, quant à elles, des perspectives.
Besoins en eau des usages industriels et agricoles
3Il existe trois grands usages de l’eau : domestique, industriel et agricole. Ces deux derniers usages présentent des situations drastiquement différentes. L’usage industriel est directement lié au développement économique d’une région et représente, entre 6 % des besoins en eau en Afrique et 40 % en Europe et en Amérique du Nord, avec une moyenne de 20 % environ pour la planète. Par ailleurs, l’eau industrielle est utilisée pour l’élimination des pollutions - en particulier chimiques – sans consommation nette. Les usages agricoles sont aussi très disparates entre les continents : ils représentent de l’ordre de 85 % des usages de l’eau en Afrique et en Asie, contre environ 45 % en Europe et en Amérique du Nord, pour une moyenne d’environ 70 % pour la planète. L’usage agricole de l’eau se traduit par une consommation puisque les plantes doivent évaporer l’eau pompée par les racines pour acheminer les nutriments et produits de la photosynthèse vers les feuilles, troncs, fleurs… (cf. II.17). Par conséquent, les rapports entre consommation et prélèvements (appelés « rendements d’utilisation ») sont très différents selon les usages, avec des rendements de l’ordre de 10 % pour les usages industriels et de l’ordre de 70 % pour l’usage agricole. Dans l’agriculture, les volumes mobilisés sont beaucoup plus importants, mais ils sont stratégiques, plus de 40 % de l’alimentation mondiale provenant de productions irriguées. Ces derniers chiffres montrent qu’il apparaît nécessaire de se focaliser plutôt sur l’amélioration du rendement* d’utilisation pour l’usage industriel et sur la gestion des quantités pour l’usage agricole. Cela met en évidence l’importance de s’intéresser à la réutilisation des eaux usées pour des activités industrielles et agricoles.
Réutilisation des eaux industrielles et agricoles
4La dénomination « eaux industrielles », est un terme générique qui regroupe les eaux de refroidissement, de lavage et de process, dont les usages sont complètement différents, tant en qualité qu’en quantité des eaux utilisées et rejetées. Les eaux de refroidissement, essentiellement utilisées pour la production d’énergie, mobilisent de très grandes quantités d’eau, mais ne nécessitent pas d’être d’une grande qualité. Il est néanmoins nécessaire de les stocker de manière temporelle sur des semaines, afin de limiter leur impact sur l’évolution de la température des milieux récepteurs. Ce stockage permet une réutilisation aisée, après un traitement adapté et souvent simple (par exemple : coagulation*-floculation*, séparation), de ces eaux pour tous usages (domestique, industriel, agricole). Les eaux de process sont, quant à elles, caractérisées par des volumes moindres, mais des critères de qualité beaucoup plus sévères et des rejets pouvant poser des problèmes importants de pollutions, suivant la nature des produits fabriqués. Il a déjà été démontré, dans de nombreux secteurs industriels – comme Solvay à Dombasle, STMicrolectronics à Tours, Pocheco à Forestsur-Marque, Remond à Longic ou General motors en collaboration avec Veolia à Mexico – que des solutions de réutilisation intégrée des eaux de process ou de fabrication permettaient de réduire de manière conséquente les prélèvements d’eaux, ainsi que les rejets, tout en offrant quelques fois des possibilités de récupérations de matières. Enfin, les sites industriels sont souvent caractérisés par des grandes surfaces imperméabilisées (de toiture notamment), qui permettent de réduire de manière significative les prélèvements en eau par une gestion et un stockage optimisés des eaux de pluie. Néanmoins, toutes ces solutions de réutilisation et de réduction de l’empreinte eau de l’industrie nécessitent d’avoir, dès la conception d’un site industriel, une vision globale et anticipée du cycle des usages de l’eau. Les sites existants doivent également pouvoir faire des investissements importants, ce qui est actuellement un facteur très limitant.
Représentation simplifiée d'un cycle court d'usages de l'eau permettant de limiter les prélèvements et les rejets en eaux à 10-20 % des besoins. Source N. Roche
5La réutilisation des eaux usées en agriculture est une pratique qui est déjà étudiée et appliquée depuis plusieurs décennies dans certains endroits (Clermont-Ferrand depuis 1996, Noirmoutier depuis 1986). À l’échelle mondiale, elle permettrait de fournir un peu moins de 10 % des besoins en eau de l’agriculture irriguée. De plus, ces eaux ont une valeur nutritive certaine pour les plantes (en particulier l’azote et le phosphore) et leur utilisation permet de baisser le bilan carbone de la production alimentaire par une économie d’engrais. Les eaux réutilisées sont soumises à différentes contraintes, suivant leur qualité, par rapport aux usages et exigences de sécurité pour les personnes et les plantes. Elles soulèvent de nombreuses questions et provoquent des craintes, qui conduisent à une sous-évaluation de leurs bénéfices potentiels. La réutilisation des eaux agricoles permettrait de protéger les aquifères*, d’aider au développement local, de valoriser des déchets considérés comme des intrants en agriculture et de diminuer les impacts sanitaires d’un manque de maîtrise des rejets dans le milieu (World Bank, 2010).
6Les travaux de recherche en cours mêlent différentes disciplines et des mondes qui ne sont pas habitués à travailler ensemble : biotechnologies du traitement, techniques d’irrigation, santé et pathologie, pédologie* et agronomie, sans oublier le recours aux sciences de l’environnement et aux sciences économiques et sociales.
Bibliographie
Référence bibliographique
• PLAN BLEU – Gestion de la demande en eau : Choisir les mesures à mettre en œuvre sur son territoire, Avril 2014.
Auteurs
Génie des Procédés, Professeur à l’Université Aix-Marseille, M2P2, Aix-Marseille, p. 238.
nicolas.roche@univ-amu.fr
Ingénieur à l’IRSTEA, Responsable de la Plateforme PReSTI de l’IRSTEA, G-EAU, Montpellier, p. 238.
bruno.molle@irstea.fr
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L'archéologie à découvert
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2012