18. Réutilisation des eaux usées domestiques
p. 236-237
Texte intégral
1Le cycle anthropique actuel de l’eau a été élaboré à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. La conception hygiéniste a conduit au développement en ville de grands réseaux centralisés de distribution d’eau potable desservant tous les usages et de collecte et traitement de l'ensemble des eaux usées avant leur restitution à l’environnement (cf. I.8). En conséquence, la réglementation française relative à l'adduction* d'eau s'est focalisée sur la définition de critères de potabilité de l'eau. Or, actuellement, à peine 1 % de l’eau potable distribuée est effectivement utilisée comme eau de boisson. Dans ce contexte, recourir à des ressources alternatives pour des usages ne réclamant pas une telle qualité suscite un intérêt croissant.
La piste des eaux grises
2Ces ressources sont de natures diverses et leur utilisation relève de plusieurs échelles. À l’échelle régionale et urbaine, il peut s’agir d’eaux brutes (canal du bas Rhône Languedoc, réseau d’eau non potable de Paris), d’eaux usées traitées (objet depuis août 2010 d’un arrêté spécifique, modifié en 2014), d’eau de mer dessalée (dans certaines îles, telle que Belle-Ile-en-mer) et plus ponctuellement d’eau de puits et d’eaux d’exhaure*. Enfin, à l’échelle du bâtiment, deux technologies se dégagent : l’utilisation de l’eau de pluie et le recyclage des eaux grises*.
3L’utilisation de l’eau de pluie est une pratique ancestrale, progressivement restreinte aux endroits non dotés d’autres modes d’adduction d’eau. Au début des années 2000, elle a commencé à se déployer de nouveau en milieu urbain, à la faveur de nouvelles approches environnementales et de l’appui de collectivités locales. Aujourd’hui, une réglementation spécifique encadre partiellement l’utilisation de cette ressource (arrêté du 21 août 2008). Elle ne s’applique qu’aux eaux issues de toitures inaccessibles, non ou peu traitées, et limite les usages intérieurs au bâtiment au lavage des sols, aux toilettes et, à titre expérimental, au lavage du linge.
4Le recyclage des eaux grises est une pratique beaucoup plus récente et plus technologique. Elle consiste à réutiliser – après traitement - une partie des eaux usées du bâtiment, à l’exception des eaux-vannes (issues des toilettes). La quantité d’eaux grises produites varie au cours de la journée : dans l’habitat, leur production est principalement concentrée avant et après une journée de travail classique et correspond à 60 % de l’eau potable utilisée. Leur qualité dépend du rapport qu’entretiennent les usagers avec l’eau et de leurs pratiques spécifiques, notamment en ce qui concerne la charge en micro-organismes pathogènes* et en composés organiques synthétiques (produits chimiques domestiques et produits pharmaceutiques). Les eaux grises issues des salles de bains (douches et bains) sont les moins chargées en polluants ; elles contiennent essentiellement les substances présentes dans les produits d’hygiène et des substances biologiques (poils, desquamations, traces de sang, d’urine et de matières fécales). Les eaux grises de laverie, plus chargées en phosphates et métaux lourds, sont 5 fois moins biodégradables que les précédentes. Les eaux de cuisine, fortement chargées en matières grasses, sont le plus souvent écartées du recyclage (figure 1).
Fig. 2 – Principe de fonctionnement d’un dispositif de recyclage d’eaux grises. EGB : eaux grises brutes ; EGT eaux grises traitées. © E. Godet
Les principes techniques à respecter
5D’un point de vue technique, le recyclage de ces eaux grises nécessite un savoir-faire en matière de procédés et implique la mise en place d’un système dédié totalement dé connec té du réseau d’eau potable : un appoint permettant la desserte des points d’usage en cas de défaillance du système est néanmoins à prévoir. Le dispositif de recyclage comprend des étapes de collecte des eaux grises brutes, des étapes de stockage pour assurer l’adéquation entre la production et l’utilisation de la ressource alternative, des étapes de traitement (allant de la simple décantation à un traitement plus sophistiqué utilisant des procédés physiques, chimiques et/ou biologiques) suivies éventuellement de désinfection, puis un acheminement vers les points d’usage ne nécessitant pas une qualité d’eau potable (figure 2). Les principaux usages envisagés pour cette eau recyclée concernent les chasses d’eau, le lavage des véhicules et l’arrosage des espaces verts.
6Le traitement des eaux grises collectées est indispensable avant leur usage. Il permet d’éviter l’encrassement prématuré des canalisations et des points d’usage (la faible durabilité des équipements et l’augmentation de l’utilisation de produits de nettoyage réduiraient immédiatement l’intérêt écologique de l’utilisation des eaux grises) et de limiter l’apparition de nuisances olfactives générées lors du stockage prolongé d’eaux grises. Ce traitement a également un rôle sanitaire important. Il permet d’éliminer certaines substances (métaux lourds, xénobiotiques*). Associé à une désinfection, il assure l’abattement des micro-organismes pathogènes susceptibles de présenter des risques pour la santé humaine (usagers et professionnels assurant l’entretien des installations), via les aérosols émis lors des chasses d’eau, du lavage des véhicules ou de l’irrigation.
7La pertinence et la pérennité économique de ces systèmes reposent beaucoup sur le rapport entre la préservation de la ressource engendrée et le coût financier global généré. À ce titre, si l’habitat individuel est une cible des procédés en cours de développement, le recyclage des eaux grises reste plus particulièrement adapté à certains types de bâtiments, tels que les hôtels. En effet, il est, d’une part, plus aisé d’opérer un lissage entre ressource et demande au-delà d’un certain nombre d’usagers et, d’autre part, de mettre en place à cette échelle des modalités de gestion spécifiques pour garantir le bon fonctionnement du procédé. Alors que dans certains pays, le recyclage des eaux grises est déjà une pratique courante, la France ne compte que quelques réalisations. L’absence de cadre réglementaire national limite aujourd’hui cette diffusion.
Bibliographie
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Références bibliographiques
• B. DE GOUVELLO – La gestion durable de l’eau : gérer durablement l’eau dans le bâtiment et sa parcelle, CSTB-Editions, Bâtir le développement durable, 2010.
• B. DE GOUVELLO – Ressources alternatives, In Tout savoir sur l’eau du robinet, A. EUZEN et Y. LEVI (dir.), CNRS Éditions, 2013.
10.3917/re.063.0096 :• B. DE GOUVELLO – L’utilisation de l’eau de pluie à l’intérieur des bâtiments. Les enjeux d’une pratique appelée à se développer, Les annales des Mines, Responsabilité & environnement, n° 63, juillet 2011.
Auteurs
Hydrologue urbain, Chercheur, au CSTB, LEESU, Marne-la-Vallée, p. 236.
bernard.degouvello@leesu.enpc.fr
Microbiologiste, Ingénieure recherche expertise au CSTB, Nantes, p. 236.
nathalie.garrec@cstb.fr
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