Chapitre 5
Les usages des ressources numériques musulmanes
p. 130-157
Texte intégral
1Depuis une vingtaine d’années, l’utilisation d’Internet connaît un essor dans la plupart des milieux religieux (Duteil-Ogata & Jonveaux 2020 ; Campbell 2010). D’une part, les recherches portent plus souvent sur l’offre que sur les usages et, d’autre part, la prise en compte de ces usages diffère : alors que nombre de recherches explorent les usages « ordinaires » de l’Internet chrétien, celles qui portent sur l’Internet musulman se focalisent souvent sur la radicalisation, notamment dans la littérature francophone (Guidère 2016). Ces recherches sont tout à fait pertinentes pour comprendre des phénomènes de propagande et d’embrigadement religieux en ligne, dont le rôle, combiné à d’autres facteurs, est avéré (Crettiez 2016). Toutefois, elles masquent les usages « ordinaires » de l’Internet musulman et contribuent indirectement à sa stigmatisation.
2Dans ce chapitre, nous proposons d’appréhender ces usages « ordinaires » du numérique chez les jeunes musulmans et musulmanes ainsi que « les interconnexions entre religion “on line” et “off line” » (Hackett 2005, p. 87), soit les influences réciproques entre les champs musulmans matériel et virtuel. À cette fin, j’ai mené une enquête qualitative, entre août 2020 et août 2021, s’appuyant sur vingt-six entretiens semi-directifs auprès de jeunes de 18 à 29 ans s’identifiant comme musulmans, mais sans critères de croyance ou de pratique ce qui permet d’inclure des musulmans culturels.
3Après une présentation des profils religieux des enquêtés, je procéderai à l’analyse des modalités d’utilisation des ressources musulmanes en ligne. Nous verrons ainsi que tout en étant considérées comme incontournables, ces ressources n’en font pas moins l’objet de défiance. Il conviendra donc de questionner leur légitimité, leurs apports et effets sur la religiosité des acteurs au regard des autres instances de socialisation religieuse. Enfin, dans un contexte de crispation à l’égard de la visibilité musulmane dans l’espace public (Göle 2013), je comparerai les modalités d’expression de la foi musulmane dans l’espace public « réel » et l’espace public « virtuel » – les réseaux sociaux. Cette comparaison permettra de saisir les continuités, les ruptures et les ajustements de l’expression religieuse musulmane d’un espace à l’autre1.
Pluralité des adhésions musulmanes chez les usagers
4Du fait d’une fréquente focalisation sur les liens entre Internet et processus de radicalisation dans les discours politiques ainsi que de nombre de travaux sociologiques documentant ces liens (Alava et al. 2017 ; 2018), la représentation commune des jeunes usagers musulmans du Web s’appuie sur l’image du jeune radicalisé ou en voie de radicalisation. Cependant, comme le montre la présente enquête, on observe une large pluralité de religiosité chez ces jeunes. Pour objectiver ces rapports différenciés à la religion, j’ai combiné des indicateurs subjectifs (affinité avec tel courant, rapport à la pratique religieuse2, place accordée au religieux dans l’identité et dans la société, traitement de l’altérité religieuse) et objectifs (pratique du ramadan, des prières, influence des différentes instances de socialisation religieuse – familles, cours de religion, mosquées, etc.). Il en ressort trois profils d’usagers.
5D’abord, les « pieux » se caractérisent par une orthopraxie et un rapport intégraliste à l’islam, défini comme « l’unification du système d’attitudes s’effectu[ant] essentiellement autour de l’identité religieuse » (Donegani 1993, p. 405). Leur socialisation religieuse secondaire s’inscrit dans la continuité de leur socialisation religieuse primaire qui a été encadrée par leur famille et leurs professeurs d’arabe ou de Coran. Ils ont généralement des meilleurs amis musulmans, s’investissent dans des associations cultuelles ou portées principalement par des réseaux d’acteurs musulmans. À l’exception du cas des mosquées, l’offre associative à laquelle ils se rallient n’est cependant pas réservée qu’aux musulmans. En effet, la plupart de leurs actions associatives comporte une dimension de justice sociale (aide aux devoirs, actions caritatives, lutte contre les discriminations et accès aux soins pour tous, etc.). À ces éléments s’ajoute la poursuite d’un idéal de piété. Il s’agit, pour ces jeunes, d’effectuer un travail sur soi pour se conformer à la norme religieuse et donc « habiter la norme » (Mahmood 2009, p. 32). Cette quête d’un idéal pieux se traduit par différentes « techniques de soi » (Foucault 2001) : une exigence en termes d’orthodoxie hanafite ou malikite pour Esra et Chaynez (voilées3), Zynep ou plus nettement d’orthopraxie pour Sena (voilée), dont la famille est croyante, mais non pratiquante. Cela peut également se manifester à travers une hypercorrection (Nour), l’observance de rituels surérogatoires (Maïssan) ou encore la quête d’un « islam pur » débarrassé des influences culturelles (Sirine). Chez Sarra, ce travail vise à « concilier toutes les parties de son identité avec sa foi musulmane ». Pour d’autres, c’est à travers l’accumulation de connaissances plurielles – théologiques, historiques voire sociologiques – sur l’islam (Lina, Chris), une réflexivité constante pour concilier principes islamiques et vie quotidienne dans un pays non musulman (Mustapha) ou encore par le développement d’une éthique islamique du quotidien chez Dounia (voilée) et Ibrahima que cette discipline de soi s’exprime. Enfin, sur un mode plus contemplatif et introspectif, Chaïma (voilée) effectue ce travail en développant une « pleine conscience » des principes islamiques, en cherchant le sens et l’essence de ces derniers.
6En plus de cette exigence de piété, tous ces jeunes accordent une attention particulière au bien commun et affirment leur volonté de faire société et de vivre sereinement avec leurs concitoyens non musulmans. Cet horizon du bien se traduit notamment par leurs engagements sociaux, mais aussi par la reconnaissance voire la valorisation du pluralisme religieux en France ainsi que par un sens aigu du compromis. Ainsi, on ajuste certaines règles islamiques en recourant à un crédit avec intérêts, en reportant certaines prières ou encore en adaptant le port du foulard en milieu professionnel (ou en l’ôtant). On observe donc un effort de contextualisation et une volonté constante de désamorcer toute situation de tension, voire de conflits, avec leurs concitoyens. Ces positions globalement attestataires de l’ordre social peuvent toutefois se combiner avec une posture occasionnellement critique ou défensive, notamment au regard des amalgames et des discriminations dont les musulmans de France font l’objet. Cette catégorie est donc proche4 des « citoyennes pieuses » de Jeanette Jouili (Jouili 2015, p. 187-100). Quant à Léa, elle se situe à l’écart de ce groupe car sa piété est « rigoriste ». Son rapport à l’islam est marqué par une orthopraxie, une quête d’un « islam pur » ainsi qu’un certain intransigeantisme vis-à-vis des « musulmans autrement ». De plus, dans ses références, elle octroie du crédit aux lectures salafistes et discrédite le chiisme et le soufisme. Enfin, elle exprime publiquement son islamité et adopte une posture apologétique et contestataire vis-à-vis de la société française. Elle est donc seule (dans l’échantillon) dans la catégorie « rigoriste ».
7Les « musulmans du for intérieur » représentent le second profil type. Cette catégorie est construite à partir de critères combinés d’un attachement fort à l’islam, d’une pratique régulière de la prière et du ramadan, mais plus ou moins assidue, ainsi que d’une conception de la laïcité et de la religion impliquant la privatisation et même l’intériorisation de la religiosité. La discrétion de leur appartenance religieuse n’empêche pas ces enquêtés de déclarer que la religion a assez d’importance dans leur vie (Yassin, Nahim, Aïcha, Ihsane) voire beaucoup (Abdel, Faoud, Nawel). Mais à la différence du premier groupe, ils n’en font pas le moteur ni même le motif de leurs actions séculières. À l’exception de Yassin, ces enquêtés expriment que leur religiosité ne correspond pas l’idéal islamique. En cause : la « baisse de foi » (Faoud), une motivation vacillante dans la pratique (Aïcha, Ihsane), une « pratique insuffisante » de la religion au regard des obligations (Abdel) ou du moins « insatisfaisante » (Nahim). Ce dernier explique notamment « fai[re] plus que le nécessaire, mais [qu’il] pourrait être plus assidu dans les prières et côtoyer moins d’environnements où y a des péchés ». Chez Nawel, ce sentiment d’incomplétude spirituelle est lié au fait qu’elle ne se sent pas prête à porter le foulard. Ces éléments font état d’un religieux ordinaire (Piette 2003) oscillant entre conviction et doute, entre diligence et négligence des pratiques.
8Le dernier profil correspond aux « musulmans pratiquants occasionnels ». Bien que croyants et ne se déclarant pas (Yasmine, Meriem, Élisa) ou pas toujours pratiquants (Bilal), ils observent la prière occasionnellement et le ramadan partiellement ou complètement dans une perspective plutôt culturelle et festive. Bilal, par exemple, alterne des périodes d’observance de la licéité islamique et d’autres (de quelques mois) de « baisse de foi », voire de « sortie de la religion », lors desquelles il en transgresse les frontières (cigarette, alcool). Élisa (convertie) reconnaît abandonner la pratique et faire face à une « baisse de foi » après avoir expérimenté une religiosité rigoriste au début de sa conversion (voilement, orthopraxie, suivi intense de cours coraniques). Partisane d’une « religion qui fait du bien », Yasmine déroge à certains interdits, dont l’alcool, et affirme s’arranger avec la norme religieuse. Meriem, bien qu’ayant la foi, explique que l’islam représente un héritage familial plus qu’une identification choisie et « chacun fait son islam ». Admettant vivre « différemment » (Yasmine), à leur manière (Meriem) ou de façon déviante car non pratiquante leur foi (Élisa, Bilal) et refusant de se déclarer « pratiquants », ces enquêtés révèlent une distance variable à l’orthodoxie et à l’orthopraxie.
9L’échantillon atteste donc d’une forte pluralité intrareligieuse. Il montre aussi que la plupart de ces jeunes enquêtés, y compris ceux qui sont pratiquants réguliers, ne s’estiment pas assez musulmans. En effet, presque tous orientent leurs aspirations vers un « idéal musulman » et jugent, par comparaison à celui-ci, leur religiosité « insuffisante » ou du moins « inaboutie ». Cet idéal renvoie évidemment à des réalités diverses, puisque la « rigoriste », le groupe des « pieux » et la grande majorité des « musulmans du for intérieur » – bien qu’observants réguliers, voire assidus – se considèrent incomplètement musulmans. Si l’on comprend aisément ce sentiment d’inadéquation à la norme musulmane chez les pratiquants occasionnels, au vu de leur non-respect de certaines obligations religieuses, comment expliquer ce sentiment d’incomplétude et cette aspiration à une plus forte religiosité manifestés par les pratiquants réguliers ? Ce phénomène renvoie à d’autres enquêtes qui constatent une montée du religieux contemporain, incluant des phénomènes de retour au religieux. Cette intensification des pratiques (et des normes) touche une partie des croyants, dans tous les groupes religieux. Concernant l’islam, de nombreuses recherches documentent ce « réveil » de la foi chez les jeunes musulmans5. À partir de l’enquête TeO, Patrick Simon et Vincent Tiberj (2013) montrent que les musulmans, tout comme les autres (religieusement) minoritaires et descendants de migrants6 présentent une plus forte religiosité que les « majoritaires » (ethniques ou religieux) (ibid. p. 27). Si la sécularisation touche une fraction significative des descendants de migrants, deux facteurs contribuent à un maintien plus élevé de la religiosité au sein d’une autre fraction d’entre eux depuis les années 19807 : une meilleure transmission familiale ainsi que les expériences d’altérisation (ibid. p. 20). Ces dernières sont fréquentes dans un contexte de défiance à l’égard des populations de culture musulmane, notamment dans les débats publics sur l’incompatibilité de l’islam avec la République et la persistance d’un discours politique sur son extranéité ainsi que la menace sécuritaire qu’il représenterait avec la montée des attentats terroristes islamistes. On peut donc supposer que ce mouvement d’intensification de la norme religieuse impacte tout autant ceux qui en sont les protagonistes, que, plus globalement, la perception par le plus grand nombre de ce qu’est la « bonne » manière d’être musulman.
S’informer et se former à l’islam sur Internet
10Cette enquête traite de l’utilisation de différents supports numériques musulmans que sont les sites de contenus religieux, les médias musulmans, les chaînes YouTube de prédicateurs, les réseaux sociaux (Facebook, Instagram et Snapchat) et les applications (traductions du Coran, citations ou rappels religieux, horaires de prières ou orientation8). Cette diversité de supports atteste du dynamisme de l’offre et donc de l’ampleur de la demande d’islam en ligne. Notons qu’à l’ère de l’interactivité généralisée les supports numériques religieux les plus utilisés9 par les enquêtés sont les réseaux sociaux (vingt et une personnes sur vingt-six), les applications (vingt personnes sur vingt-six) et les chaînes de prédicateurs (dix-sept personnes sur vingt-six), donc les supports aussi accessibles avec le Smartphone10.
Ressources musulmanes en ligne et socialisation
11La majorité de nos enquêtés s’accordent à dire qu’Internet est un bon moyen pour s’informer et se former à l’islam (dix-neuf personnes sur vingt-six). Dans la mesure où les supports en ligne permettent d’intérioriser les normes, les valeurs et les règles islamiques, ils constituent des instances de socialisation religieuse. Pour autant, ce rôle va de pair avec une forte prudence à l’égard de leur fiabilité :
Avec les événements antérieurs – […] les attentats, beaucoup d’éléments sont à analyser avant d’être pris en compte. Si tu n’utilises pas Internet, tu ne peux pas te documenter. Tu peux trouver tout et n’importe quoi sur Internet. Mais, faut faire très attention ! […] Quand tu fais des recherches, il est très important de critiquer, de « prendre avec des pincettes » les informations. (Chaïma, 22 ans, étudiante en sciences humaines et intérimaire, pieuse)
En fait, Internet, c’est super ! C’est peut-être un des meilleurs outils religieux qu’on puisse avoir, mais ça reste dangereux. C’est pour ça que, pour moi, Internet c’est vraiment pas à dissocier du reste. […] Ça peut être comme notre meilleur ennemi ou notre pire ami en fait, ça dépend un petit peu du point de vue. (Mustapha, 27 ans, autoentrepreneur, pieux)
12Ces propos montrent le rapport ambivalent entretenu avec l’Internet musulman. D’une part, ils posent la question de la fiabilité des informations et soulignent l’importance d’adopter un regard critique sur celles-ci. D’autre part, ils soulignent que cette ressource est insuffisante pour connaître l’islam : ses apports étant lacunaires, et au mieux complémentaires, des autres sources (Coran, Sunna, hadiths, livres) ou instances de socialisation religieuse (famille, groupes de pairs, communauté musulmane locale). Cette ambivalence contribue à expliquer la faiblesse des pratiques de « fidélisation » comme l’abonnement aux comptes de prédicateurs, à la newsletter de sites ou encore l’utilisation exclusive d’un site de référence.
13Comment les enquêtés procèdent-ils alors pour évaluer la fiabilité des informations sur l’islam ? Utiliser Internet dans une perspective religieuse requiert le développement d’une éthique de la recherche en ligne. Certaines mettent en série les informations trouvées sur Internet et choisissent celles qui ont la plus forte occurrence (Esra) ou qui correspondent le mieux à leur conception de la religion (Aïcha, Ibrahima, Lina, Yasmine). Pour beaucoup, valider le contenu numérique par une tierce personne est une voie pour fiabiliser l’information, que ce soit un membre de la famille ou un pair (Abdel, Bilal, Chaïma, Élisa, Léa, Meriem, Mustapha, Nahim, Nour, Sarra, Yasmine, Yassin) ou encore un imam ou une personne érudite sur la question (Faoud, Meriem, Nahim, Sena). Ces trois manières de procéder concernent tous les idéaux-types de rapport au religieux. Un autre mode de vérification est d’aller directement aux sources en utilisant le Coran, les hadiths ou la Sunna (Aïcha, Chris, Faoud, Léa, Maïssan, Zynep) et en vérifiant quels sont les savants associés à ces informations (Chaynez, Dounia). Sans surprise, ces deux derniers modes sont mobilisés par les plus religieux : pieux ou du for intérieur. Le retour aux textes fondamentaux pour vérifier l’information ou à l’imam constitue une forme de « validation institutionnelle du croire » (Hervieu-Léger 1999), là où le recours à l’avis ou l’expertise d’une autre personne s’apparente à des formes de « validation mutuelle » du croire (ibid.).
14Si l’ambivalence vis-à-vis des ressources numériques conduit les usagers à vérifier la qualité des informations, cette pratique résulte avant tout de la nature et du fonctionnement de cet outil. La mise en ligne de contenus a été démocratisée dans les années 2000 et a favorisé le développement des fake news, ou plus généralement de données approximatives ou orientées, obligeant les administrateurs à développer à leur tour des dispositifs de régulation des données11. Malgré ce rapport ambivalent, l’analyse montre qu’Internet est une instance de socialisation religieuse secondaire : il est une des ressources qui permet de s’initier à l’islam ou de consolider ses connaissances religieuses.
Les finalités des usages du Web
15Alors que l’Internet est considéré comme une source religieuse complémentaire, mais non indispensable, à quelles fins ces jeunes musulmans l’utilisent-ils ? La pratique religieuse constitue une première finalité : ils y recherchent des informations sur les normes et les conditions de félicité d’une action censée être réalisée ultérieurement. Ainsi, ils vérifient les horaires de prière, s’informent sur les spécificités de la pratique de la prière en voyage ou encore lisent ou écoutent le Coran.
16Ensuite, l’usage à visée didactique répond au besoin d’accroître sa connaissance et sa compréhension de l’islam dans une démarche pluridisciplinaire (théologie, histoire, philosophie, linguistique). Apprendre l’arabe, obtenir des informations sur « l’histoire des prophètes » ou des savants ou connaître la position de l’islam sur un sujet précis (avortement, chirurgie) sont des démarches qui témoignent de ce type d’usage.
17Un autre usage, à des fins éthiques, s’appuie sur des conceptions de la vie bonne, selon le référentiel islamique. Il correspond au besoin d’agir en respectant les principes islamiques, mais aussi de faire le bien. Le terme éthique permet de prendre en compte le non-consensus sur la morale islamique et le déploiement d’une agentivité, d’une capacité d’agir de l’acteur vis-à-vis des normes religieuses. L’information recherchée ne concerne cependant pas exclusivement les obligations et devoirs du musulman ; elle renvoie également au bien, cette méta-valeur sur laquelle reposent à la fois l’intentionnalité et la finalité de l’action. S’assurer du caractère licite d’une activité, c’est s’assurer ou se rassurer sur une conduite menant au bien.
18Enfin, Internet peut être utilisé à des fins spirituelles. Cet usage répond au caractère fluctuant de la foi, et atteste de la place des émotions religieuses. Il renvoie également à une religion qui fait du bien, qui apporte une forme de satisfaction, de plénitude, de sérénité. Ainsi, les recherches de ce type sont autant de réponses pour restaurer, si ce n’est stabiliser, le sentiment de la foi face à l’épreuve ordinaire de « l’oscillation du croire » (Piette 2003) ou aux autres épreuves de la vie intra-mondaine.
Des usages du Web, fonction de la religiosité des enquêtés ?
19La diversité intrareligieuse de l’échantillon nous invite à analyser l’influence de la religiosité sur le choix des ressources religieuses numériques consultées. L’enquête montre une corrélation positive entre la pratique assidue de la religion et l’utilisation régulière d’Internet dans une perspective religieuse. Globalement, plus on est pratiquant, plus on utilise Internet dans une perspective religieuse et plus on mobilise des supports numériques divers.
20L’intensité de la religiosité des enquêtés influence également ces usages : dans le cas des pieux comme de Léa (rigoriste), l’utilisation de ressources religieuses numériques est quotidienne et volontariste. Leur temps d’écran est pensé comme un investissement pour se rapprocher de l’idéal islamique qu’ils convoitent. Maïssan et Sirine (pieuses), utilisatrices de l’application Layal12, ont en ce sens activé les notifications quotidiennes afin de recevoir tout au long de la journée des rappels pour se motiver. La consultation quotidienne et attentive de comptes de rappels ou des pages religieuses sur les réseaux sociaux (Chaïma, Ibrahima, Mustapha, Sarra, Sena, Sirine, Zynep), la production ou le partage réguliers de ressources religieuses (versets, bénédictions, rappels ou encore photos) (Chaynez, Esra, Léa, Lina, Nour) illustrent bien cet engagement pieux dans la religion on line. A contrario, la majorité des « musulmans du for intérieur » (Abdel, Aïcha, Fouad, Nahim, Nawel, Yassin) et des « musulmans pratiquants occasionnels » (Bilal, Élisa, Meriem, Yasmine) ont des usages du Web plus contingents et moins engageants. Leurs recherches sur Internet interviennent généralement en raison d’un besoin d’information ou d’un intérêt soudain suscité par des discussions religieuses entre amis et/ou famille, le calendrier musulman ou des faits d’actualité. Ces usages ont donc plus souvent une motivation exogène. Si pour certains l’utilisation d’Internet est très ponctuelle (Abdel, Nahim, Nawel, Yassin), pour d’autres, elle peut être quotidienne notamment via les réseaux sociaux avec la consultation plus dissipée (Aïcha, Fouad) ou la publication occasionnelle de contenus religieux (Bilal, Élisa, Meriem, Yasmine).
21En outre, le fait d’être plus ou moins transigeant vis-à-vis de la diversité interne des rapports à l’islam, tout comme vis-à-vis des croyants des autres religions, influence sensiblement ces usages. On observe une corrélation entre le degré de « transigeantisme » (Donegani 1993, p. 404) de l’enquêté et l’affiliation religieuse des ressources qu’il consulte en ligne. Ainsi, moins l’enquêté est transigeant vis-à-vis des « autrement musulmans » et/ou « autrement croyants », plus il consommera des contenus de sa propre mouvance religieuse et donc adoptera une posture « connivente ». À l’inverse, plus il sera transigeant vis-à-vis des autres musulmans et croyants, plus il consultera des ressources issues de diverses sensibilités islamiques ou religieuses et donc plus il sera pluraliste. Parmi les connivents, Esra et Zynep (pieuses) se réclament de l’école juridique hanafite et Léa (pieuse rigoriste) s’en remet aux enseignements de Nader Abou Anas13. Chaynez (pieuse) justifie la correspondance entre le contenu qu’elle lit et son allégeance à l’école juridique malikite en ces termes :
Y a deux, trois savants, je sais qu’ils sont beaucoup de fois cités et qui font partie du courant salaf donc ça, je lis même pas. C’est pour ça que je me renseigne directement sur les sites malikites comme ça, ils sont pas là, ces savants [salafs] ! […] J’estime qu’on a quand même le devoir de savoir qui a écrit ça. Par exemple, si y a quelqu’un qui écrit sur le Covid : « tout le monde va guérir », dixit quelqu’un qui est pas du tout du monde médical comme Éric Zemmour. Même si juste avant, il a dit : « le ciel est bleu », est-ce qu’on va le citer ? Non parce que de base, c’est une personne controversée ! Moi, je pense la même chose [avec les sources religieuses]. (Chaynez, 25 ans, médecin)
22Pour appuyer l’importance de vérifier les sources, Chaynez effectue un parallèle entre les prédicateurs salafistes et Éric Zemmour : ce sont des figures controversées et non compétentes sur la religion pour les premiers et sur la santé pour le second. L’ancrage malikite est pour elle une condition nécessaire pour faire confiance au contenu. Cet alignement des contenus numériques sur l’appartenance à l’école juridique (hanafite ou malikite) peut se lire comme une réassurance quant à l’orthodoxie et l’orthopraxie. Baigner dans un ensemble homogène de références religieuses permet à ces femmes14 (Chaynez, Esra et Zynep) de se construire comme sujets moraux et croyants à partir de normes islamiques largement partagées.
23Les amateurs du pluralisme (Chris, Dounia, Ibrahima, Lina et Sarra), quant à eux, se saisissent de sources extérieures à leur affiliation pour cheminer spirituellement, développer leur sens « critique » (Ibrahima, Chris) et déployer une réflexivité vis-à-vis de leur conception de l’islam. Notons qu’ils sont dans la catégorie des pieux, donc leur intensité du rapport au religieux n’est pas un obstacle à ce rapport pluraliste aux sources. On retrouve cette pratique chez des individus reconnaissant un commun partagé entre les monothéismes et donc adoptant une posture pluraliste. Sarra (pieuse) déclare suivre des comptes de jeunes chrétiens afin de « concilier sa foi » avec les autres facettes de son identité. Cela peut également passer par l’ouverture aux sources des « autrement musulmans », comme en témoigne Dounia (pieuse) :
Tu vois les différents avis qui sont là, parce que justement notre religion elle est tellement plurielle qu’il y a pleins d’avis et ben, ça apprend aussi ! T’es pas d’accord, toi t’as pris cet avis-là, tu te l’appliques à toi, c’est très bien, mais il y a 10 000 autres avis. C’est pas parce que toi tu te l’appliques à toi-même qu’il faut l’appliquer à l’autre. Parce que l’autre, faut pas le discréditer tout de suite ! (Dounia, 22 ans, étudiante en médecine dentaire)
24Pour autant, le degré de transigeantisme (vis-à-vis des autres musulmans ou croyants) n’est pas le seul facteur déterminant le choix des sources consultées. Du côté de certains « musulmans du for intérieur » (Abdel, Fouad, Nawel) et de la plupart des « musulmans pratiquants occasionnels » (Bilal, Meriem, Yasmine), on remarque une moindre exigence quant à l’identification religieuse des contenus numériques ; ce qui peut les amener à s’appuyer sur des sources islamiques plurielles. Chez ces enquêtés, la sélection des contenus ne s’appuie pas sur un argument théologique, mais bien plus sur un argument moral et/ou émotionnel. C’est en ce sens que Bilal, Fouad et Nawel insistent sur les caractéristiques des contenus à proscrire du point de vue de la morale islamique : les contenus violents ou obscènes comme la pornographie ou certains « clips de rap » sont ainsi évités. Meriem et Yasmine semblent davantage sensibles au ton et à l’émotion éprouvée à la lecture de ces ressources numériques. Déplorant les contenus moralisateurs et qui font « peur », elles sont davantage sensibles aux contenus dépeignant une vision positive de l’islam qui « réchauffe[rait] le cœur ».
25Dans tous les cas de figure, il est essentiel de garder à l’esprit que consommer un contenu ne signifie pas l’approuver. La concordance entre l’affiliation religieuse des enquêtés et les contenus consultés n’est donc pas synonyme d’une adhésion inconditionnelle. Chris (pieux) éclaire ce phénomène en ces termes :
Par exemple, Rachid Eljay15, c’est pas parce que je l’écoute que je suis toujours d’accord. Des fois sur des rappels, je suis pas d’accord. Donc il faut garder son esprit critique ! Par exemple, il donnait un cours aux enfants et c’était un sujet sur la croyance et les mécréants16. Il était très radical dans la manière d’expliquer. Lui, c’était soit noir, soit blanc. Or l’islam, c’est un cheminement spirituel. Pour moi, c’est pas ça, l’islam. (Chris, 25 ans, télévendeur)
26Dans le même sens, certains « musulmans pratiquants occasionnels » écoutent des prédicateurs issus de « l’orthodoxie traditionnelle et moralisatrice » (Lamine & Karimi 2023) – comme Abdelmonaim Boussenna, Nader Abou Anas et Rachid Eljay – sans pour autant partager leur interprétation sur certaines questions (port du foulard obligatoire, sexualité, critères de sortie de l’islam). C’est le cas de Bilal, Élisa, Meriem et Yasmine. La consultation des chaînes de prédicateurs éclaire donc ce rapport couramment critique et distancié aux sources. Les prédicateurs rigoristes non salafistes – qui sont aussi ceux qui ont globalement le plus d’audience sur la toile et qui ont atténué leur rigorisme au cours de la dernière décennie (ibid.) – sont les plus cités17 par les enquêtés, tout en étant fréquemment critiqués. Il peut s’agir d’une critique globale, mais aussi partielle sur tel ou tel élément du discours avec lequel les enquêtés ne sont pas d’accord.
27Par conséquent, qu’il y ait une concordance entre la sensibilité religieuse (courant religieux ou religion) et le contenu consulté ou non, les enquêtés sélectionnent et bricolent toujours les informations religieuses qu’ils consultent. En offrant des ressources religieuses multiples, Internet favorise l’« individualisation du croire » (Hervieu-Léger 1999) et facilite le passage à une religion choisie, qui se manifeste par une autonomisation de la foi vis-à-vis de l’héritage religieux familial.
28Internet est donc à la fois un outil incontournable dans le cheminement spirituel des jeunes musulmans et une ressource religieuse dont ils se distancient. Ce paradoxe révèle aussi que religion « on line » et religion « off line » ne s’équivalent pas. Cette partie a explicité les logiques qui sous-tendent la consommation de ressources musulmanes en ligne. Or, Internet est avant tout un outil de communication. Comment alors permet-il aux usagers musulmans d’échanger sur leur foi ?
Exprimer sa foi du réel au virtuel
29Depuis sa démocratisation dans les années 1990, « Internet a toujours été perçu comme une architecture de communication au service de la liberté d’expression » (Badouard 2020, p. 162). Cette représentation suppose la possibilité pour chacun d’exprimer publiquement sa religion sur Internet. La comparaison des pratiques d’expression dans l’espace public matériel à celles s’inscrivant dans l’espace public virtuel (Dacheux & Rouquette 2013, p. 169) – les réseaux sociaux – permet de comprendre l’influence du virtuel sur les normes de dicibilité de l’islam en public, dans un contexte où ce dernier est marqué par le sceau de l’extranéité et de la méfiance.
Des représentations hétérogènes de la laïcité
30L’analyse des entretiens révèle des visions différentes de la laïcité et de la place accordée à l’expression musulmane dans l’espace public. On constate une intériorisation des principes de la « nouvelle laïcité » (Hennette-Vauchez & Valentin 2015) chez certains enquêtés, défendant la privatisation de la religion, l’interdiction du port de signes religieux (Ihsane [for intérieur], Yasmine [occasionnelle]). D’autres ont des représentations qui traduisent plutôt une méconnaissance du fondement juridique de la laïcité. Aïcha (for intérieur) tient en ce sens un propos ambigu concernant la liberté religieuse dans l’espace public :
Si on regarde les textes, on est censé avoir une liberté d’expression, mais […] pas censé faire du prosélytisme. Si on partage ce que l’on est sans inciter les autres à devenir ce que l’on est, on peut dire qu’on respecte notre droit. […] Mais c’est plus dans l’espace public qu’on n’a pas le droit de faire du prosélytisme. (Aïcha, 23 ans, étudiante en droit)
31Pourtant, faire du prosélytisme dans l’espace public ne constitue pas une entrave à la liberté de conscience des autres et encore moins un délit. Du côté d’Esra (pieuse), la confusion porte sur la neutralité religieuse et ses contextes d’application. Elle explique procéder à un « dévoilement » sur son lieu de travail, car elle reçoit du public et assure des prestations pour le compte d’un service public. Or, l’obligation de neutralité religieuse ne s’appliquait qu’aux agents de la fonction publique et aux agents privés investis d’une mission de service public en juillet 2020, date de l’entretien – avec la loi d’août 2021 « confortant le respect des principes de la République », Esra est désormais soumise au devoir de neutralité. Les propos de ces enquêtés montrent bien le processus de « redéfinition-torsion » (ibid. 2015) du principe de laïcité : il se présente de plus en plus comme le fondement de restrictions à la liberté religieuse alors que, historiquement, il en est le garant.
32A contrario, une partie des enquêtés dénonce une application erronée du principe de laïcité. Soulignant l’enjeu de la représentation des musulmans de France, tout comme Abdel (for intérieur), Bilal (occasionnel) affirme que « la société met en lumière des jugements qui dégradent la religion musulmane » en « mettant en avant des guignols […] qui donnent une mauvaise image de l’islam », là où Léa (rigoriste) condamne « l’amalgame fait entre les musulmans et les terroristes ». Leurs témoignages soulèvent le problème d’une dégradation croissante de l’image publique de l’islam en raison des attentats et des controverses sur la compatibilité de l’islam avec la République. En tant que musulmanes portant le foulard, Chaynez, Dounia et Sena (pieuses) rappellent le caractère anticonstitutionnel d’une interdiction du port de signes religieux dans l’espace public. Ces prises de position renvoient aux conséquences de la construction du « problème musulman » en termes de représentations collectives : l’adhésion assumée à l’islam est perçue potentiellement comme une source de conflits et une menace pour la cohésion sociale.
33Qu’elle soit à la source des convictions, des illusions ou des revendications des enquêtés, la « nouvelle laïcité » tend à s’imposer au détriment d’une conception libérale de la laïcité (Baubérot 2017). La récente loi « confortant le respect des principes de la République » marque en ce sens une étape dans l’institutionnalisation de cette « nouvelle laïcité ». Comment ce contexte influence-t-il l’expression de l’islam dans l’espace public ?
Internet facilite-t-il l’expression religieuse ?
34Les représentations et significations multiples de la laïcité sont une donnée précieuse pour contextualiser les modalités d’expression de l’islam dans l’espace public matériel et virtuel. Dix de nos enquêtés affirment ne pas ou peu exprimer leur islamité dans l’espace public matériel, car ils considèrent que cela relève de « l’intime » (Nour [pieuse], Abdel et Fouad [for intérieur], Élisa et Meriem [occasionnelles]), que cela n’a pas sa place dans l’espace public (Ihsane et Yassin [for intérieur], Yasmine [occasionnelle]), car ils ne souhaitent pas être dans le « m’as-tu-vu » (Chris [pieux]) ou heurter la sensibilité des autres (Aïcha [for intérieur]). Pour quatorze autres enquêtés, aborder la foi est possible, si la tournure des échanges le permet (Chaïma, Chaynez, Ibrahima, Lina, Maïssan, Mustapha, Sarra, Sena [pieux], Nahim [for intérieur], Bilal [occasionnel]) ou encore si le type d’interlocuteur le facilite : Nawel (for intérieur) ne parle de sa foi qu’en présence d’autres musulmans, Sirine (pieuse) uniquement dans le cadre de relations informelles en dehors de l’école et du travail et Esra (pieuse) à la seule condition que les personnes soient réceptives aux questions religieuses. Zynep (pieuse) avoue exprimer sa foi dans le seul but de « rétablir la vérité sur l’islam ». Seules Léa (rigoriste) et Dounia (pieuse) considèrent qu’elles expriment publiquement leur foi : la première en raison de l’utilisation d’un lexique islamique en toute circonstance, la seconde admet qu’en portant le foulard, elle est devenue malgré elle une « représentante de l’islam18 ».
35L’idée que les réseaux sociaux permettent d’exprimer librement ses convictions religieuses est presque unanimement partagée par nos enquêtés. Pourtant, ils sont moins de la moitié (onze sur vingt-six) à déclarer exprimer leur foi sur les réseaux sociaux : il s’agit de Léa à la religiosité rigoriste ; d’une bonne moitié des pieux (Chaïma, Chaynez, Chris, Esra, Ibrahima, Lina, Sirine et Zynep) ; mais aussi de deux occasionnelles (Élisa et Yasmine).
36Comment expliquer cet écart entre une représentation positive d’Internet comme espace de libération de la parole religieuse et les pratiques des acteurs ? Outre le fait que l’on peut juger positif – par principe – d’avoir une opportunité sans pour autant y recourir soi-même, le désinvestissement résulte souvent d’une réception sociale négative des contenus musulmans. Plusieurs enquêtés émettent des réserves quant au fait d’exprimer leur foi sur les réseaux sociaux en raison d’une confusion entre extrémisme religieux et expression publique de la foi musulmane dans les représentations collectives. Exprimer sa foi sur Internet ne serait possible qu’en exerçant un contrôle sur les personnes accédant aux contenus personnels publiés. La crainte d’être considérée comme une « terroriste » (Sirine [pieuse]), d’être « fichée S » (Meriem [occasionnelle]), d’être « signalée », agressée verbalement par les autres internautes (Léa [rigoriste]), « stigmatisée » ou même d’être taxée de « victimisation » (Sena [pieuse]) est à l’origine du renoncement de nos enquêtés. Cette crainte est donc partagée par des personnes aussi bien très religieuses que pratiquantes occasionnelles. Comme le dit Denis Salas : « Dans une société traumatisée par les attentats, l’expression religieuse entre dans une ère du soupçon » (Salas 2018, p. 393).
37L’image dégradée de l’islam en France dissuade les musulmans d’exprimer publiquement leur foi. Pourtant, il existe bien un islam en ligne, en témoigne la multitude de comptes de prédicateurs et influenceurs musulmans, hommes et femmes. Quels sont alors les codes qui encadrent l’expression de l’islam sur le Web ?
Continuité, rupture ou ajustement de l’expression
38Nous avons constaté une continuité entre les pratiques réelles et virtuelles chez certains acteurs. Ayant déclaré exprimer son appartenance religieuse dans l’espace public « matériel », Léa mobilise les réseaux sociaux comme un support d’affirmation de sa foi : elle « partage des versets, des hadiths et de belles photos » et s’efforce de réhabiliter l’image publique de l’islam. Une partie des enquêtés (Mustapha [pieux] ; Aïcha et Nawel [for intérieur] ; Meriem [occasionnelle]) déclarent exprimer peu ou pas leur foi en public et consomment discrètement du contenu religieux en ligne.
39Il existe également des ruptures dans les pratiques d’expression religieuse avec le passage au virtuel. Secrets sur leurs convictions, Chris (pieux), ainsi que Yasmine et Élisa (occasionnelles) ont des pratiques numériques à l’opposé : partage massif de contenus (vidéos, photos, citations coraniques), production de rappels, diffusion d’informations d’actualité en lien avec l’islam ou encore écriture de posts pour réenchanter l’image de la religion. Exprimant sa foi publiquement lorsqu’une question est posée, Bilal (occasionnel) publie parfois des bénédictions pour les fêtes religieuses. Chaïma et Lina (pieuses) partagent plutôt des photos et des rappels et s’érigent en « ambassadrices de l’islam » sur les réseaux sociaux. « Entrepreneuse de cause », Chaïma relaie même des publications sur les droits des peuples musulmans palestinien et ouïghour. Ce que nous apprennent finalement ces écarts dans les pratiques, c’est la possibilité, avec le virtuel, de s’émanciper des normes et représentations dominantes qui contraignent l’expression religieuse dans l’espace public matériel. La définition de ce qui est considéré comme « ostentatoire » ou « inapproprié » et les processus de « contrôle social » semblent plus souples sur les réseaux sociaux, les internautes pouvant redéfinir les règles de bienséance.
40D’autres encore opèrent des ajustements pour exprimer leur foi sur les réseaux sociaux. Pour détourner les contraintes en termes de publicisation et personnalisation du contenu, nos enquêtés ont mis au point plusieurs stratégies : l’anonymisation, la montée en généralité du contenu et la privatisation des espaces d’échanges. Esra anonymise ses comptes pour se noyer dans la masse des internautes. Chaynez (pieuse) recourt à des comptes collectifs pour porter des revendications et prendre position publiquement sur des faits ou propos portant atteinte à l’islam. La privatisation du contenu religieux se concrétise avec la création de groupes et de discussions privés (Dounia, Ibrahima, Sirine [pieux]) ou la réduction de l’accès au contenu aux internautes de son choix (Sarra [pieuse]). La construction d’un espace privé virtuel fait écho à cette entreprise de relégation du religieux dans la sphère privée qu’encourage la « nouvelle laïcité ». C’est en revanche en valorisant le commun partagé entre les musulmans et « autrement croyants » qu’Ibrahima (26 ans, ingénieur) effectue cette montée en généralité du contenu religieux : « S’il y a un aspect philosophique derrière que les gens peuvent comprendre, parce qu’il faut être utile aux autres, pas qu’aux musulmans, c’est à tout le monde [que je partage]. » Comme pour l’interreligieux et l’interconvictionnel dans l’espace public matériel, la promotion du pluralisme religieux sur Internet est un levier de reconnaissance sociale et publique pour les musulmans (Lamine 2005). Ce faisant, ceux-ci attestent de leur « foi bonne » et de leur « bonne foi ».
41Si dans l’imaginaire collectif Internet représente un espace de liberté transcendant les frontières spatiales et temporelles, les pratiques numériques des individus n’en demeurent pas moins le produit d’un contexte. Le cadrage sécuritaire et polémique de la question musulmane en France et la poussée d’une interprétation restrictive de la laïcité participent de la redéfinition des normes discursives d’un « islam socialement acceptable » (Asad 1993) et donc de la régulation sociale et politique du religieux. Dans l’espace public matériel comme virtuel, la visibilité religieuse dérange. Les ajustements dans les pratiques d’expression publique réalisés par les jeunes musulmans sont révélateurs d’une reconfiguration de l’expression publique musulmane plus que de sa censure.
* * *
42Penser les usages des ressources numériques musulmanes au-delà du paradigme de la radicalisation permet d’objectiver le statut d’Internet dans la socialisation religieuse et donc ses effets sur la religiosité des jeunes musulmans. Si la religiosité des jeunes (affiliation à une école juridique ou un courant musulman, rapport à l’altérité et place de l’identité religieuse dans l’identité sociale) représente bien un facteur déterminant de la consommation de contenus religieux en ligne, on ne saurait affirmer sa réciproque. En effet, les ressources musulmanes en ligne sont abordées avec distanciation et scepticisme par ces jeunes, leur influence sur la religiosité de ces derniers est donc limitée. Plus encore, l’enquête prouve qu’il est fréquent de consulter un contenu sans y adhérer complètement, voire en le critiquant.
43Ce point s’explique aussi par le fait que les ressources religieuses en ligne (et en librairies religieuses) de sensibilité salafiste ont longtemps occupé une place quasi hégémonique (facilitée par les ressources financières et symboliques d’organisations infraétatiques saoudiennes), et que, globalement, l’offre a longtemps été quasiment limitée à trois options : sensibilité salafiste, Tabligh et héritage frériste. La diversification de l’offre va croissante, mais elle est récente. En outre, dans ce domaine comme dans d’autre, avec la démocratisation du Web, les défenseurs des options les plus tranchées se sont rapidement saisis de cet outil et ont acquis une visibilité bien plus importante que leur poids réel. C’est notamment le cas des plus extrémistes qui se sont servi d’Internet dans le processus d’embrigadement (Alava et al. 2018).
44Enfin, le constat d’une pluralité intrareligieuse parmi les usagers musulmans d’Internet et de leur ouverture à l’altérité (interne et/ou externe) permet de rompre avec la représentation erronée commune du musulman en ligne radicalisé et intransigeant.
45Utiliser Internet dans une perspective religieuse constitue pour ces jeunes finalement plus un moyen de consolidation que de structuration de la foi, une « technique de soi » (Foucault 2001), leur permettant de se construire en tant que sujets croyants en fonction des idéaux qu’ils poursuivent. Les stratégies de fiabilisation de l’information peuvent s’appréhender comme une façon de replacer leur subjectivité croyante dans l’ordre des normes communément partagées et donc de se distinguer de l’islam radical. Il se dessine alors avec Internet de nouvelles modalités d’individualisation du croire, comme le montre la pluralité des finalités des usages du numérique (éthique, pratique, didactique, spirituelle) et des formes d’expression de la foi musulmane (expression publique de la foi, anonymisation ou montée en généralité).
46Pour autant, ces nouvelles modalités d’individualisation du croire sont contraintes par les représentations négatives de l’islam alimentant une conception stricte de la laïcité dans la société. Ces éléments de cadrage structurel déterminent les pratiques d’expression religieuse et leur réception dans l’espace public (réel comme virtuel). En ce sens, la crispation à l’égard de la visibilité religieuse révèle bien la façon dont le religieux peut faire conflit dans une société qui peine à accepter sa diversité (Bracke & Fadil 2012). Face à ce défi, on assiste à une rigidification des modes de régulation publique et sociale du religieux. Dans l’espace public réel, cette rigidification s’est concrétisée avec la loi confortant le respect des principes de la République d’août 2021 et qui s’inscrit dans une forme de gallicanisme croissant de l’État français quant aux affaires religieuses. Du côté du virtuel, les lois votées entre 2018 et 2020, relatives à la lutte contre « la manipulation de l’information » et « les discours de haine en ligne », participent à la régulation des contenus en ligne (Badouard 2020). Impliquant une collaboration forte entre acteurs politiques et acteurs numériques, ces lois contraignent les plateformes à retirer sous vingt-quatre heures les contenus jugés « problématiques » et donc à pratiquer une forme de « surcensure » sous peine de sanctions financières. Les motifs de modération des contenus jugés illicites étant inconnus, on peut questionner l’indépendance des plateformes vis-à-vis du politique. Dans ce contexte où l’interventionnisme public dans les affaires religieuses connaît un regain, ne contribuent-elles pas aussi à la définition d’un religieux socialement acceptable ? Cette norme sociale se combine aux autres normes religieuses et séculières, dessinant le cadre dans lequel s’opèrent la critique des sources, le travail sur soi et l’individualisation du croire des jeunes musulmans.
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Notes de bas de page
1J’ai conscience que cette focale sur la religiosité peut tendre à invisibiliser le rôle d’autres critères sociaux (classe sociale, genre, race et ethnicité) dans l’analyse. L’objectif de cette enquête est avant tout de comprendre le rôle que joue l’outil numérique dans la socialisation religieuse des jeunes musulmans. Je reconnais l’apport qu’aurait pu représenter une approche plus intersectionnelle (Crenshaw, 2005). Cette enquête permet tout de même d’identifier des pistes d’analyse prenant en compte la classe sociale, le genre et l’origine migratoire. Je les évoquerai tout au long de mon propos en notes de bas de page.
2 Le rapport à la pratique que déclarent les enquêtés est à distinguer des indicateurs objectifs de pratique. L’orthopraxie (critère objectif) ne s’accompagne pas toujours du sentiment d’être un (bon) « musulman pratiquant ». Lorsqu’ils effectuent leurs prières de manière assidue ainsi que le jeûne du Ramadan, certains acteurs émettent des réserves sur leur catégorisation en tant que « pratiquants ». En effet, ces jeunes se rapportent à un idéal islamique qui les conduit à vouloir être plus musulmans qu’ils ne le sont.
3Dans ce paragraphe, je précise pour les jeunes femmes si elles portent le foulard (donc une absence d’indication signifie qu’elles ne le portent pas). Bien que préférant le terme foulard, plus neutre, j’utilise pour cette précision « voilée » pour alléger l’écriture.
4Je n’ai pas assez d’éléments empiriques pour ajouter le terme « citoyen », même s’il est probable qu’il soit pertinent aussi.
5Des premières études comme celle de Cesari (1997), ou de Tietze (2002) aux plus récentes comme l’ouvrage collectif de Bucaille et Villechaise (2020).
6Ils montrent l’effet de chacun de ces deux facteurs, qui se cumulent pour les musulmans.
7En gardant à l’esprit qu’un réel regain religieux ne concerne qu’une petite minorité de jeunes musulmans.
8Les applications les plus souvent citées sont : Muslim Pro, Adhan ou sa version turque Ezam. En troisième position, on retrouve l’application Coran Pro pour lire, traduire ou reciter le Coran.
9Les femmes interrogées utilisent davantage l’outil numérique et ses différents supports (applications, réseaux sociaux, sites religieux, etc.) que les hommes. Un élément explicatif peut être trouvé dans leur relative relégation dans les lieux de culte (espace de prière réduit, voire absent, absence d’espace pour les ablutions), combiné à l’argument religieux de la non-obligation pour elles d’assister à la prière du vendredi. Même si leur place progresse dans certaines mosquées (Boursin 2017), ces éléments restent globalement prégnants. Une grande partie des enquêtées étant « pieuses » et aspirant à l’être davantage, cet investissement en ligne pourrait être considéré comme un moyen de compenser leur assignation aux espaces privés tout en se formant à l’islam. Cette hypothèse appelle évidemment à la prudence au regard de la taille notre échantillon.
10Les sites de contenus religieux sont consultés par six personnes sur vingt-six et ceux d’information par seulement deux personnes de notre échantillon.
11L’obtention de diplômes du supérieur (BTS, licence et master) chez vingt-deux enquêtés – dont une grande partie est issue des classes populaires – est un facteur explicatif de leur plus grande compétence en matière d’éducation à l’information et aux médias (multiplication et recoupement des sources, développement d’un esprit critique).
12Sur Apple Store, Layal est décrite comme « une application qui t'accompagne dans ta journée avec ses notifications quotidiennes pleines d'ondes positives et de rappels simples et utiles ».
13Nader Abou Anas est un conférencier qui s’est distancié du salafisme et enseigne maintenant un malikisme rigoriste (Lamine & Karimi 2024). Certains de ses prêches sur YouTube cumulent plusieurs centaines de milliers de vues.
14Les seules figures de connivence sont des femmes. À rebours d’une lecture en termes de soumission, il me semble pertinent dans ces cas de figure d’envisager leur religiosité comme un outil d’émancipation et parfois d’empowerment face à la minoration et l’infériorisation de ces femmes dans la société française en tant que musulmane (Brun & Galonnier 2016) et en tant que femme et descendante d’immigrés (Bucaille & Villechaise 2020). Si nous n’avons pas d’éléments concrets pour Esra et Zynep, Chaynez mobilise cette identité religieuse comme un instrument pour faire valoir ses droits en tant que Française, descendante d’immigrés marocains et musulmane. C’est dans cette perspective qu’elle a cofondé un mouvement social visant à dénoncer les discriminations et faire reconnaître le droit des femmes musulmanes à porter le foulard.
15Rachid Eljay est un imam passé du salafisme au malikisme (assez rigoriste). Sa chaîne YouTube a plus de deux millions d’abonnés.
16Allusion à son rigorisme antérieur, qui s’est atténué à partir du milieu des années 2010 (Lamine & Karimi 2024).
17Dans l’ordre décroissant : Rachid Eljay, Nader Abou Anas, Abdelmonaïm Boussenna, Hassan Iquioussen, Rachid Haddache, alors que les plus intellectuels Ismaïl Mounir (Lina et Meriem) et Mohammed Bajrafil (Mustapha) ne sont cités que par une ou deux personnes.
18Il se pose ici une question d’ordre philosophique : la visibilité religieuse constitue-t-elle toujours une forme d’expression publique de la foi ? Il nous semble d’une part qu’approuver sans condition une telle acception nourrit l’idée que le foulard représente le symbole d’un islam politique et prosélyte. D’autre part, il importe de distinguer le fait de rendre visible son appartenance religieuse et le fait de porter un signe religieux induisant une appartenance religieuse. Cette nuance permet de penser les intentions et les raisons multiples du voilement. En effet, parmi les cinq enquêtées (pieuses) concernées (Chaïma, Chaynez, Dounia, Esra et Sena), seule Dounia considère qu’elle exprime publiquement sa religiosité du fait de son foulard ; les autres déclarent exprimer leur foi en fonction des situations ou de leur interlocuteur.
Auteur
SAGE et Université de Strasbourg

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