Chapitre 4
L’instruction à domicile, un signe de radicalité ?
p. 110-129
Texte intégral
1En octobre 2020, le président de la République, Emmanuel Macron, désignait, dans son discours des Mureaux sur les « séparatismes », la « déscolarisation des enfants » – pour qualifier l’instruction en famille (IEF) – comme un prétexte à l’enseignement de principes non conformes aux lois de la République, révélateur d’une « contre-société » que l’État prend au sérieux1. Il fait alors référence au danger d’une pratique de l’IEF qui serait idéologique et incrimine de fait les familles non scolarisantes. Cette annonce n’est pas surprenante et s’inscrit dans une défiance de l’État vis-à-vis de l’IEF lorsqu’elle ne relève pas directement d’un empêchement pour des raisons familiales, de voyages ou de santé (Quatrevaux 2011 ; Guigue & Walter 2011). En effet, l’IEF a toujours fait l’objet d’une surveillance particulière de l’État, notamment au regard des dérives sectaires. Mais, depuis les attentats de 2015, la « radicalisation » s’est substituée aux « dérives sectaires » qui avaient déjà légitimé l’encadrement croissant de l’IEF (Bongrand & Glasman 2018 ; Farges & Tenret 2017).
2La prévention de la radicalisation se déploie au regard de l’évaluation des intensités de la pratique de l’islam. Si l’IEF est le prétexte pour l’enseignement de principes non conformes aux lois de la République, comme le déclare le président, les familles musulmanes qui la pratiquent sont alors ciblées et la suspicion de radicalisation devient plus grande encore pour elles à travers des contrôles renforcés. On se souvient ici des liens déjà établis dans le plan national de prévention de la radicalisation du 23 février 2018 entre IEF et risque de radicalisation ou encore, bien avant les attentats islamistes de 2015, de la tentative de restriction de l’IEF proposée par des sénateurs en décembre 2013 (Guigue 2015). En octobre 2020, la déclaration du président laisse présager d’un renforcement législatif en vue d’encadrer davantage cette pratique. Il se concrétise en 2021 dans la « loi confortant le respect des principes de la République », qui modifie le recours à l’IEF. Jusqu’au décret de février 2022, venant clarifier les attentes de cette loi, une simple déclaration de la part des parents permettait le relais entre l’école, la mairie et l’inspection académique, toutes trois chargées d’effectuer le contrôle social et pédagogique des enfants non scolarisés. Depuis, une autorisation est requise selon des critères limités (besoins spécifiques de l’enfant, santé, sport de haut niveau, etc.). Deux facteurs peuvent expliquer le renforcement du cadrage de l’IEF. D’une part, même si cela illustre une réalité encore bien marginale au regard de la construction du problème public dont elle fait l’objet (Bongrand 2018 ; Fornerod 2022), le nombre de cas déclarés en IEF a triplé en une décennie, avec une accélération notoire entre 2016 et 20202 : à la rentrée 2020, 62 000 enfants étaient déclarés en IEF. D’autre part, alors que l’école représente un espace central du plan de prévention et de détection de la radicalisation dans la situation post-attentat, les enfants en IEF échappent à ces dispositifs de prévention, de surveillance et de contrôle.
3Dans ce contexte, nous nous sommes intéressées aux motivations et aux pratiques de l’instruction à domicile de familles majoritairement musulmanes : pour quelles raisons et comment ces familles instruisent-elles leurs enfants à domicile ? Quelle part le religieux prend-t-il dans ces pratiques ? Et quelles sont les conséquences du cadrage politique sur ces pratiques ?
4Pour répondre à ces questions, nous proposons, dans un premier temps, une analyse des raisons qui motivent, chez des familles musulmanes, à la fois le recours à l’IEF et à différentes pratiques de l’instruction à domicile. Homeschooling et unschooling apparaissent, comme nous le verrons, fortement liés au capital culturel des mères. Dans un second temps, nous montrerons comment l’IEF se caractérise par un ancrage familial traditionnel qu’elle renforce par ailleurs, notamment parce qu’elle repose essentiellement sur le travail des mères. Enfin, nous verrons comment ce que nous appelons la politique de soupçon à l’égard des familles musulmanes pratiquant l’IEF amène à différentes postures face aux contrôles de l’État, qui vont de la collaboration à la résistance, en passant par les accommodements.
Motivations et pratiques de l’IEF
Les motivations : intérêt de l’enfant et pédagogie
5Pour aborder la question du choix de l’IEF, nous avons retenu les deux principales motivations évoquées par chaque famille justifiant l’instruction de leurs enfants en dehors de l’école. Nous avons ensuite classé les réponses en cinq catégories. La première catégorie regroupe les motivations qui ont trait à l’intérêt de l’enfant : elles sont évoquées par près des trois-quarts des familles. Elle inclut des situations de mal-être scolaire voire de harcèlement (lié aux enseignants ou aux autres enfants) et des besoins spécifiques (enfants très avancés, haut potentiel intellectuel, troubles dys). Par exemple, on y retrouve Catherine, qui évoque les troubles anxieux (perte d’appétit, pleurs fréquents) que sa fille a développés à l’école primaire face à la montée en charge des devoirs et des évaluations. La deuxième catégorie regroupe les volontés d’individualiser les apprentissages, évoquées là encore par les trois-quarts des familles, qui préfèrent des pédagogies dites « alternatives » à celles de l’Éducation nationale (celle de Maria Montessori étant l’une des plus connues). Plusieurs familles rapportent ici les grandes différences de rythme et de méthode d’apprentissage d’un enfant à l’autre au sein de la même fratrie et ne souhaitent donc pas les laisser évoluer dans un groupe à la méthodologie unique propre à la pédagogie scolaire. Ces deux premières motivations correspondant aux tendances majoritaires avancées en général par les familles en IEF (Bongrand & Glasman 2018 ; Puzenat 2018), les familles musulmanes ne manifestent ici aucune spécificité.
6En troisième position arrivent les justifications religieuses : une seule famille les a évoquées exclusivement, et deux autres les ont associées à d’autres catégories. Ces trois familles (Aziza, Fatima et Dominique-Malika) évoquent l’interdiction du port de signes religieux à l’école, et l’une d’elles y ajoute les valeurs et les programmes enseignés (Aziza). En quatrième position, trois familles convoquent un refus de la carte scolaire, les établissements correspondant à leurs quartiers d’appartenance étant jugés comme insatisfaisants (niveau scolaire, fréquentations, etc.). Enfin, des éléments conjoncturels amènent à l’IEF : une famille, rencontrée en 2020, évoque l’expérience d’instruction à domicile pendant le premier confinement lié à la pandémie de Covid 19 comme motivation à prolonger l’expérience, tandis que deux familles évoquent un projet de départ à l’étranger comme déclencheur, qu’il soit effectif ou non.
Une alternance entre scolarisation et déscolarisation
7Ces premiers éléments étant posés, intéressons-nous maintenant à ce que ces familles font en pratique. Tout d’abord, nous avons constaté que le recours à l’IEF varie entre périodes de déscolarisation et rescolarisation. En effet, on note que tous les enfants concernés par cette étude (à l’exception d’une famille, dont les enfants sont âgés de moins de cinq ans, et d’une autre dont le plus grand a douze ans) transitent entre école et IEF dans un sens ou dans l’autre, une ou plusieurs fois, ce qui fragilise l’incrimination idéologique imputée aux familles musulmanes en IEF. Deux familles ont instruit leurs enfants à domicile pendant la période correspondant à l’école maternelle puis les ont scolarisés en école primaire. La première rescolarisation est conséquente à la demande de l’enfant et à la pression familiale, et la seconde relève de motifs professionnels. La moitié des familles rencontrées a inscrit ses enfants à l’école lors des cycles maternel et élémentaire puis en IEF à partir du collège. Parmi ces enfants, certains ont fréquenté l’école publique (six familles), d’autres des établissements confessionnels (catholique pour une famille et musulman pour une autre) et d’autres enfin une école alternative hors contrat (une famille). Pour plusieurs d’entre elles, l’autonomie de l’enfant, alors plus âgé, permet d’envisager l’instruction à domicile dans de meilleures conditions.
8Pour expliquer la temporalité du départ de l’école, deux autres familles invoquent des motivations religieuses à l’adolescence, notamment liées à l’interdiction du port du foulard. Quatre familles présentent des carrières variables d’instruction pour chaque enfant, alternant à plusieurs reprises des périodes scolaires avec des périodes de déscolarisation (Glasman 2018). Les passages d’un mode d’instruction à un autre, pour ces familles, sont motivés par l’insuffisance de l’offre scolaire publique (établissements d’affectation, instituteurs, etc.). Le recours à l’IEF représente alors le seul moyen de contourner une offre insatisfaisante pour ces familles d’origine populaire (Bongrand & Glasman 2018).
Des apprentissages plus ou moins formels
9L’IEF rassemble un ensemble de pratiques très hétérogènes. Nous proposons de les regrouper en trois grandes catégories pour les rendre le plus lisible possible. La première correspond à des apprentissages que nous qualifions de « formels », car ils s’articulent autour du programme officiel de l’Éducation nationale. Elle comprend les pratiques de cinq familles. Fatima, Dominique-Malika, Ayse, Sarah et Aziza utilisent des cours par correspondance basés sur les ressources pédagogiques et les programmes de l’Éducation nationale. Dominique-Malika et Ayse inscrivent leurs enfants au Centre national d’enseignement à distance (CNED), qui dépend directement de l’Éducation nationale, et travaillent à partir de ressources en ligne (Éduscol) et de manuels scolaires. Fatima organise des cours particuliers pour sa fille, tout comme Sarah pour ses trois enfants, à partir également de manuels scolaires et de ressources Éduscol. Un enseignant privé accompagne cette démarche dans le cas de Fatima. Aziza choisit les cours par correspondance pour ses enfants, mais via un établissement privé sous contrat qui promeut des pédagogies centrées sur les besoins individuels de l’enfant. Cet organisme suit également les programmes de l’Éducation nationale. Ces pratiques correspondent à ce qui est communément désigné comme le homeschooling (soit l’école à la maison).
10La deuxième catégorie regroupe les familles de Rachida, Coralie, Myriam et Houria, qui utilisent des apprentissages que nous qualifions de « semi-formels ». Si ces familles ne s’appuient pas sur les cours et le programme de l’Éducation nationale, elles ont cependant un programme qui organise des temps d’apprentissages quotidiens dédiés. Des cahiers ou des manuels sont utilisés en support, inspirés de ceux de l’école, notamment à partir de sites Internet tels que La classe de Lucia ou encore Le lutin bazar. Toutefois, l’usage de pédagogies alternatives est majoritaire (par exemple, l’apprentissage de la lecture avec les « lettres alphas », petits personnages colorés, ou encore l’acquisition de notions de mathématiques par la manipulation d’objets ludiques). Bien que les mères soient attachées à certains temps formels d’apprentissage, à l’image de l’organisation scolaire, elles ont majoritairement recours à des activités culturelles et ludiques comme supports d’instruction.
11Enfin, la troisième catégorie d’instruction est celle des apprentissages que nous qualifions d’« informels » et qui sont aussi appelés unschooling. Cette catégorie regroupe quatre des familles rencontrées (Amelia, Asma, Catherine et Carole-Adila). Les apprentissages se font au fil de l’intérêt des enfants, à travers de nombreuses activités quotidiennes manuelles et/ou culturelles. Les enfants apprennent à compter et mesurer en cuisinant ou au potager, ils font de la géographie lors des voyages familiaux, ils apprennent les langues à travers l’immersion lors de voyages et de correspondance à distance et découvrent l’art et l’histoire dans les musées et les expositions. Dans ce cas, il n’y a pas de planning de cours ni d’horaires fixes et on ne retrouve pas ou très peu de matériel scolaire (manuels, cahiers, etc.). Si les enfants de cette catégorie sont, pour beaucoup, encore jeunes (maternelle, primaire), les enfants de Catherine sont en revanche plus âgés, ils ont passé des diplômes nationaux en candidats libres (brevet et baccalauréat) avec succès et effectuent actuellement des études supérieures pour les uns et sont insérés professionnellement pour les autres.
Quelles motivations pour quelles pratiques ?
12Nous avons présenté les motivations et les pratiques séparément, intéressons-nous maintenant aux liens et articulations entre elles. On remarque assez distinctement que les familles dont les motivations sont convictionnelles et/ou institutionnelles (justifications religieuses, refus de la carte scolaire) ont majoritairement recours à des apprentissages formels, notamment via le CNED, des cours privés ou par correspondance. On retrouve souvent dans ces cas une reproduction des apprentissages scolaires, au moins dans la forme, plus ou moins complète. Les familles qui s’inscrivent dans ce cas expriment des attentes non satisfaites vis-à-vis de l’Éducation nationale. Ainsi, Dominique-Malika et Aziza disent qu’elles n’hésiteraient pas à remettre leurs enfants à l’école si leurs filles avaient la possibilité d’y porter le foulard, tandis qu’Ayse et Fatima attendent davantage de moyens alloués à l’école publique (environnement, enseignants, etc.) pour y rescolariser leurs enfants. En revanche, les familles dont les motivations sont pédagogiques (individualisation des apprentissages, souhait de pédagogies dites « alternatives », etc.) pratiquent davantage le unschooling ou les apprentissages semi-formels. Dans ce cas, elles ne sont pas dans une attente déçue vis-à-vis de l’institution scolaire, mais portent un tout autre projet d’instruction et de socialisation pour leurs enfants. Elles ne partagent pas les méthodes et plus généralement les philosophies éducatives de l’Éducation nationale. Par exemple, plusieurs déplorent le fait d’être contraint de côtoyer les mêmes enfants du même âge toute l’année, quand les leurs fréquentent au fil des activités des personnes plus jeunes et plus âgés, adultes et enfants sans distinction. La rescolarisation, sauf contrainte, n’est donc pas une option envisagée.
13Si ces catégories sont utiles, elles ne sont toutefois pas rigides et se caractérisent par une certaine flexibilité. Carole-Adila rapporte par exemple qu’à certaines périodes de l’année elle a davantage recours à des supports scolaires. Elle explique cela par le temps qu’elle n’a pas toujours pour la recherche ou la confection de supports, ou simplement parce que son enfant le choisit. Chez Aziza, les journées de unschooling se complètent par des journées d’apprentissages semi-formels. On entend dans cette alternance une déconstruction partielle de la socialisation scolaire de la mère, qui revendique la pertinence des pédagogies alternatives pour ses enfants, mais s’empresse d’ajouter que « quand même, ils ont besoin de cadre et de cahiers pour bien apprendre ». Catherine, elle, explique qu’au début de l’instruction à domicile de ses enfants (niveau collège) elle utilisait des apprentissages semi-formels, mais qu’elle les a progressivement délaissés pour de l’informel quasi exclusif. Ce choix a notamment fait suite à une remarque de sa fille au début de son instruction à domicile – « Si c’est pour refaire l’école à la maison, autant y retourner ! » –, qui regrettait l’usage de pédagogies et de support formels.
14Comme évoqué précédemment, différents éléments viennent expliquer les changements : ils peuvent être dus à des causes propres à l’enfant (adaptation du type d’apprentissage à son âge, ses besoins, ses capacités à travailler dans un cadre plutôt qu’un autre, etc.), mais également à des situations familiales changeantes ou de contraintes extérieures, comme nous l’aborderons ci-après.
Économie domestique de l’IEF
15Sans grande surprise, l’IEF se caractérise très distinctement par sa dimension genrée et familiale traditionnelle (à l’exception d’une seule famille). Notre constat est que l’instruction en famille est un travail de mères, qui implique une réorganisation professionnelle, familiale et spatiale. Tout d’abord, cette pratique nécessite une disponibilité biographique et un engagement familial total peu compatible avec une activité salariée à temps plein et, dans ce cas, ce sont les mères qui se rendent disponibles. On remarque d’ailleurs que l’IEF implique souvent une absence d’activité salariale. Quatre des mères rencontrées ont choisi l’auto-entrepreneuriat, du fait de l’autonomie de ce statut, pour réinvestir une activité professionnelle (Amelia, Catherine, Dominique-Malika et Sarah).
16Ensuite, toutes les familles rencontrées sont dans un schéma familial traditionnel, que l’IEF renforce, notamment au regard de la division sexuée du travail, où l’homme assure la dimension productive (économique) et la femme assure la dimension reproductive (travail domestique et care). Les hommes sont significativement moins engagés dans l’organisation de l’IEF (sauf pour certaines matières, par exemple scientifiques chez Rachida), ils travaillent la majeure partie du temps et ne participent à l’instruction des enfants que ponctuellement, notamment lors des activités récréatives et ludiques ou de celles qui demandent une faible préparation (sorties, lectures, activités le week-end, participation aux contrôles, etc.).
17On remarque également que l’IEF s’inscrit dans une bifurcation biographique qui suit la maternité pour la moitié des femmes rencontrées. Nombreuses sont celles qui prennent la décision de l’IEF à l’âge de l’entrée en maternelle de l’enfant, sans que des réflexions sur le mode d’instruction n’aient été vraiment présentes chez elles avant la maternité. Aussi ce choix de vie est valorisé comme un engagement parental lié au bien-être de l’enfant, à son rythme, ses besoins et ses spécificités. Cette valorisation implique parfois une activité entrepreneuriale autour de l’IEF, avec la production de supports numériques et matériels d’enseignement, qui mobilise et convertit des ressources professionnelles déjà disponibles dans les formations et les pratiques antérieures (Sarah, enseignante en inactivité). Parfois, elle est également virtuelle via les réseaux sociaux (Instagram, Facebook notamment). Dans l’espace numérique de l’IEF, la virtuosité de l’engagement féminin est notable. C’est un double renforcement des rôles familiaux et religieux (notamment celui de la bonne mère) que l’on remarque. Ces femmes investissent donc particulièrement l’espace domestique, y compris parfois jusqu’à le professionnaliser. Il est ainsi intéressant d’interroger le recours aux espaces numériques comme moyen de valorisation du travail traditionnellement invisible et gratuit des femmes au foyer, laissant percevoir l’agentivité de celles-ci. Ce dernier point nécessiterait de plus amples développements, qui ne sont pas l’objet de ce chapitre3.
18Enfin, l’IEF structure le temps des enfants et des mères et implique une réorganisation temporelle et spatiale afin que l’accès aux connaissances soit central. On observe que les livres, les jeux et le matériel pédagogique sont au centre de l’agencement du lieu de vie pour au moins trois des familles rencontrées (celles de Sarah, Amelia, Coralie), sans que nous n’ayons d’informations sur ce point pour les autres. Ainsi, les murs du salon de Coralie sont tapissés des dessins des enfants, que l’on voit évoluer avec leurs apprentissages (coloriages de figures animées, puis lettres et chiffres). Plusieurs familles, notamment celles pratiquant les apprentissages informels, mentionnent une ou plusieurs salles dédiées aux apprentissages, où le matériel pédagogique est laissé à la disposition des enfants.
Contrôle de l’État, accommodements et résistances
19Après cette analyse des motivations et des usages de l’IEF, il semble nécessaire de s’arrêter maintenant sur les contraintes extérieures qui s’appliquent aux familles la pratiquant, notamment en s’intéressant aux différentes formes de contrôle institutionnel. Nous l’avons dit en introduction, jusqu’en février 2022, la législation en France n’impose, pour accéder à l’IEF, qu’une déclaration des familles qui instruisent leurs enfants. Cette déclaration ne s’applique pas aux enfants scolarisés au CNED (deux familles), tout comme le contrôle ne se pose pas pour eux (une autorisation est toutefois nécessaire pour une telle inscription). Dans les autres cas, les familles reçoivent à domicile les services de la mairie d’une part (en charge de vérifier que l’enfant reçoit effectivement une instruction dans de bonnes conditions) et ceux de l’académie dont elles dépendent d’autre part (responsables du contrôle de la qualité de l’instruction dispensée). Sur notre terrain d’enquête, les inspections académiques se font au sein d’établissements scolaires à partir du collège, auprès de professeurs de l’Éducation nationale et d’inspecteurs.
20On observe différentes attitudes face aux contrôles institutionnels, que ce soit avant leur réalisation, pendant et après. Plusieurs familles anticipent le contrôle, notamment en prenant appui sur des supports conventionnels (cahiers, cartables, emploi du temps, etc.), afin de prouver l’instruction donnée à l’enfant. Cette stratégie peut être tout à fait opportune ou effective. Elle est liée au fait que, lors des contrôles académiques, les inspecteurs demandent à voir les travaux réalisés par les enfants pour vérifier « la réalité de l’instruction dispensée » ce qui illustre la « suspicion de principe » qui prévaut à l’égard de l’IEF (Farges & Tenret 2020 ; Wagnon 2020). Par exemple, pour les familles ayant fait le choix d’apprentissages semi-formels ou informels, les contrôles induisent une « crainte d’être jugés pour leur choix » (Coralie), « une source de pression pour toute la famille » (Amelia), voire « une épée de Damoclès » (Carole-Adila) au-dessus de leur tête. Carole-Adila explique donc « remplir quelques cahiers en prévision des contrôles pédagogiques » et fait diagnostiquer les troubles de l’apprentissage de son enfant par peur d’être mise en difficulté lors des contrôles.
21Les mères rapportent également que certains inspecteurs prennent encore les programmes scolaires pour références lors des contrôles, sans tenir compte des différences de rythmes d’apprentissages et/ou de pédagogies4. Cela ne manque pas de mettre les familles dans une position de justification de leur choix d’instruction et de leurs méthodes pédagogiques dès lors qu’elles s’écartent de celles de l’Éducation nationale. Si l’enfant développe un apprentissage, par exemple la lecture, plus tard que ce qu’attend l’école (six ou sept ans), la famille doit justifier la pertinence de son choix d’instruction lors des contrôles, notamment avec les apprentissages informels. À l’inverse, avec la même méthode, lorsqu’un enfant s’est intéressé plus précocement à la lecture, il sera valorisé lors du contrôle. L’approche par la performance et la comparaison avec les programmes scolaires pousse ainsi certaines mères à développer des stratégies, mais cela en amène aussi à angoisser, voire à culpabiliser, à l’approche ou à l’issue de ces contrôles, ce qui contraint directement leurs pratiques de l’IEF.
22On distingue également et assez nettement chez les femmes ayant une formation et un métier dans le travail social ou l’éducation (trois d’entre elles) une coopération active durant les contrôles. Cette catégorie recouvre principalement des familles qui utilisent des méthodes basées sur le CNED ou les apprentissages formels, donc issues de la norme scolaire officielle. Houria (monitrice éducatrice en inactivité) explique que les contrôles sont nécessaires pour s’assurer du respect des droits des enfants, ils permettent selon elle de détecter des carences ou d’éventuelles violences éducatives. Dans cette catégorie, la maitrise des codes institutionnels peut contribuer à transformer les échanges avec les inspecteurs ou les enseignants pour passer d’une relation asymétrique de contrôlant/contrôlé à une relation plus équilibrée de pair à pair.
23Catherine – qui pratique des apprentissages informels tout en maitrisant les codes institutionnels – raconte que ses enfants ont, au fil du temps, développé des « stratégies » : « On essaie de dire les choses qui leur plaisent : “Oui, on suit le programme, oui, ils ont des horaires.” » Jouer le jeu, se conformer aux attentes des inspecteurs en ayant conscience de la relation de pouvoir asymétrique, permet d’éviter l’injonction à la rescolarisation dans le cas d’un contrôle négatif. Sarah (enseignante du secondaire en inactivité) explique que les contrôles se sont « toujours bien passés », mais note « un malaise » lié à sa visibilité religieuse parce qu’elle porte un foulard. Dans cette situation, elle se résigne à la souplesse face aux traitements inégalitaires déjà expérimentés dans sa carrière professionnelle (qui ont déterminé sa sortie de l’Éducation nationale).
24La suspicion à l’égard des musulmans amène un second type de rapport aux contrôles, notamment chez les femmes musulmanes qui portent le foulard (majoritaires dans cet échantillon). Dans le contexte actuel de stigmatisation de l’IEF des familles musulmanes, ces dernières appréhendent la suspicion dont elles font l’objet et sont vigilantes quant au périmètre de l’inspection, qu’elles n’hésitent pas à rappeler quand l’agent outrepasse son rôle. C’est le cas de Myriam (juriste en inactivité), qui, du fait de sa formation, ne joue pas le jeu de rassurer les inspecteurs, car « ce n’est pas dans la loi », dit-elle.
Politisation et engagement
25La sécuritisation dont fait l’objet l’IEF implique une politique du soupçon qui pèse sur les familles musulmanes inspectées. Dans ce contexte, le cadrage des inspecteurs bascule quasi systématiquement d’un contrôle pédagogique à un contrôle sécuritaire de prévention de la radicalisation et du séparatisme, en fonction de la visibilité religieuse de la mère. La perception de cette politique du soupçon liée à l’islamité est partagée par toutes les enquêtées et implique « un stress supplémentaire » (Myriam). Elle prend la forme de questions « intrusives » et « soupçonneuses » (Carole-Adila), de demandes de justification sur le choix de porter le foulard (Fatima), mais également de prouver les activités sociales et culturelles pratiquées en dehors de la maison. Carole-Adila rapporte un comportement « très soupçonneux » de l’inspecteur, qui demande à voir la carte de médiathèque ou la raquette de badminton de sa fille. Elle ajoute : « C’est la fois où j’ai eu un homme, où je l’ai reçu avec mon foulard. » Coralie dit sentir une « crainte de l’islamisation » dans les contrôles, et ajoute : « Je ne sais pas à quel point je suis radicale pour les gens de l’État, et ça fait peur. » Agacée au sujet de la suspicion liée à son islamité, Rachida dit : « Moi, mes enfants, les activités manuelles, je ne leur apprends pas à faire des bombes, ils font de la peinture comme les autres. » C’est le lien entre pratique religieuse et suspicion de radicalisation qui est directement relevé ici5. Les mères sont conscientes que leur visibilité religieuse influe sur les contrôles et est stigmatisée. Dans ce cas, certaines femmes peuvent choisir le dévoilement de circonstance (en présence d’une inspectrice) ce qui peut faciliter l’épreuve. Elles notent dans ce cas la différence de traitement par rapport aux inspections où elles portent le foulard. Le poids de la menace islamiste est un stigmate avec lequel ces familles doivent composer du fait de leur islamité, qui vient s’ajouter à ceux liés à l’IEF et éventuellement à l’usage d’apprentissages informels.
26Pourtant, dans notre enquête, comme on l’a vu, l’influence du religieux comme motivation de l’instruction en famille est assez faible. Dans les familles où nous nous sommes rendues, et c’est un effet du terrain d’enquête choisi, onze femmes portent le foulard et ont une pratique religieuse quotidienne (prières, jeûne, alimentation halal, etc.). Leur religiosité se vit sur un mode ordinaire. Pour sept familles, les enseignements religieux sont délégués aux mosquées ou aux établissements musulmans hors contrat. Pour les six autres l’instruction religieuse se fait en famille, en cohérence avec les choix pédagogiques. Chez les familles non musulmanes rencontrées lors de nos observations6, la politisation est souvent plus franche et peut impliquer des positions de refus assumées du contrôle de l’État. Dans ce cas, les familles ne déclarent pas leurs enfants, et affirment vouloir « se libérer de ce poids » qu’est le contrôle (carnet de terrain, octobre 2021). Ce risque semble impossible à assumer pour Amelia qui dit avoir conscience de « cumuler les stigmates » (choix pédagogique, religiosité visible).
27L’expatriation peut également représenter soit une sortie du contrôle de l’État soit une entrée dans l’IEF (Ayse et Carole-Adila) pour les familles qui en ont les moyens. C’est le cas pour Mylène (mère de trois enfants, non musulmane), qui a fini par choisir l’expatriation pour échapper au contrôle de l’État face à un unschooling de plus en plus stigmatisé, ainsi que de Johanna (non musulmane, mère de six enfants), qui, depuis deux ans, ne déclare plus ses enfants à la mairie, ou encore de Jeanne (non musulmane), qui organise les voyages familiaux pour être systématiquement absente pendant les périodes de contrôle.
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28Cette enquête originale présente deux grands types de familles musulmanes ayant recours à des pratiques d’instruction non scolarisantes. Les familles dont les motivations sont pédagogiques utilisent le unschooling et les apprentissages semi-formels. Les familles ayant généralement des motivations institutionnelles ou convictionnelles reproduisent davantage, à domicile, des apprentissages formels à travers des pédagogies scolaires. Ces catégories sont éclairantes mais elles ne sont pas fixes. En effet, la majorité des familles présente, d’une part, des alternances entre IEF et scolarisation, et, d’autre part, des variations entre apprentissages formels et informels au cours de l’année (disponibilité pour la préparation des supports, anticipation des contrôles académiques, déconstruction progressive de la socialisation scolaire, etc.).
29Ce chapitre illustre le fait que la pratique de l’IEF renforce la distribution des rôles genrés traditionnels au sein des familles et entraîne des réorganisations familiale, spatiale et professionnelle. Concernant cette dimension genrée, on constate que la disponibilité biographique de la mère – presque exclusivement en charge de l’IEF – et ses ressources culturelles sont des éléments déterminants dans le recours à l’instruction en famille. Les ressources financières et environnementales du foyer jouent également un rôle important.
30Un autre élément apparaît prédominant dans cette étude : on constate une sécuritisation des politiques socio-éducatives liées à l’IEF, qui vient se cumuler à la construction du « problème musulman » (Hajjat & Mohammed 2022), voire de la « menace islamiste ». Les familles musulmanes voient l’inspection pédagogique se transformer en un contrôle sécuritaire de prévention de la radicalisation et du séparatisme. Les éléments de cadrage qui y sont associés lors des entretiens avec l’académie ou la municipalité semblent largement définis par la visibilité religieuse de la mère de l’enfant instruit en famille. Cette politique du soupçon amène différentes réactions de la part des familles musulmanes, fortement liées à leur maîtrise des codes institutionnels et juridiques (collaboration active, accommodements, résistances). Mais elle produit également des effets en dehors de ces temps de contrôles, notamment sur les pratiques pédagogiques et la relation à l’institution (anticipation, angoisses, stratégies de justification, etc.). On retrouve chez les quelques familles non musulmanes de notre étude une politisation plus marquée face à cette sécuritisation de l’IEF, et même des réactions de rupture avec l’institution plus fréquentes. On peut faire l’hypothèse que les conséquences institutionnelles et juridiques d’une telle rupture avec l’institution (refus de déclarer les enfants notamment) seraient plus répressives pour des familles musulmanes que pour d’autres, du fait de la construction du cadre sécuritaire dont elles sont l’objet.
31Enfin, une catégorie plutôt visible sur Internet mais à laquelle nous n’avons pas eu accès lors de notre terrain d’enquête présente une justification exclusivement religieuse du recours à l’IEF et de l’utilisation d’apprentissages informels. Cela souligne l’intérêt que pourraient avoir des études complémentaires, quantitatives et prenant en compte ces familles, pour analyser l’ensemble des motivations et pratiques d’instruction des familles musulmanes qui s’inscrivent dans l’IEF.
Bibliographie
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Guigue Michèle & Sirmons Rébecca (2015), L’Instruction en famille. Une liberté qui inquiète, Paris, L’Harmattan.
Hajjat Abdellali & Mohammed Marwan (2022), Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », Paris, La Découverte.
Puzenat Amélie (2018), « L’instruction en famille. Les familles musulmanes représentent-elles un cas spécifique ? », Bulletin de l’Observatoire international du religieux, no 21. [En ligne] https://obsreligion.cnrs.fr/bulletin/linstruction-en-famille-les-familles-musulmanes-representent-elles-un-cas-specifique/ [archive]
Quatrevaux Alain (2011), « Le système scolaire face à l’instruction dans la famille. Analyse des rapports de contrôle », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, no 10, p. 29-43.
Wagnon Sylvain (2020), « L’instruction à domicile, l’ambiguïté d’un refus », in Julien Cahon (dir.), Refus et refusés d’école, Fontaine, Presses universitaires de Grenoble, p. 77-88.
Notes de bas de page
1« La République en actes : discours du président de la République sur le thème de la lutte contre les séparatismes ». [En ligne] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/10/02/la-republique-en-actes-discours-du-president-de-la-republique-sur-le-theme-de-la-lutte-contre-les-separatismes [archive]
2Voir ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, « Projet de loi confortant le respect des principes de la République : quelles mesures pour l’Éducation nationale ? ». [En ligne] https://www.education.gouv.fr/projet-de-loi-confortant-le-respect-des-principes-de-la-republique-quelles-mesures-pour-l-education-307871 [archive]
3De la même manière, on n’abordera pas ici le champ des acteurs ultra-orthodoxes salafistes de l’IEF, dont l’accès est contraint, voire impossible, lors de cette enquête. Un lien observé – dans notre enquête – avec ce milieu est celui d’une mère qui mobilise de manière sélective quelques ressources pédagogiques proposées par une actrice salafiste de l’IEF, malgré son désaccord avec sa vision du religieux. Cela illustre le fait que l’on puisse reconnaître la pertinence d’une ressource pédagogique sans adhérer à la doctrine de ceux qui la proposent.
4En effet les objectifs de compétences et de connaissances concernent les cycles et non chaque année scolaire. Les familles mentionnées par la commission parlementaire rapportent également ce point. Voir Assemblée nationale, XVe législature, « Session ordinaire de 2020-2021, Séance du 11 février ». [En ligne] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2020-2021/troisieme-seance-du-jeudi-11-fevrier-2021 [archive]
5Dans le plan de prévention contre la radicalisation, la mesure I.I.3 explicite les modalités de contrôle de l’instruction dans la famille afin de « prémunir les esprits contre la radicalisation », p. 9, 2018. [En ligne] https://www.seine-maritime.gouv.fr/contenu/telechargement/54984/353117/file/DP2018-02-23-CIPDR-Radicalisation-V5.pdf
6Lors d’un rassemblement d’une douzaine de familles pratiquant l’IEF, dont une seule musulmane.
Auteurs
SAGE et Université de Strasbourg
LinCS et Université de Strasbourg

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