Chapitre 2
Médias musulmans
Résister à l’étiquetage
p. 58-82
Texte intégral
1Ce chapitre analyse ce que le projet de loi initialement intitulé « contre les séparatismes » et devenu « confortant le respect des principes de la République » fait aux citoyens musulmans, en l’inscrivant dans la dynamique plus large de la période post-attentats de 2015. Le corpus est constitué d’articles se référant à la thématique du « séparatisme », publiés entre le 18 février 2020 (discours du président Emmanuel Macron à Mulhouse) et l’adoption de la loi le 24 août 2021, dans les six médias musulmans d’information en ligne les plus suivis1. Par média, on entend des sites dont le contenu est consacré à l’actualité, soit totalement, soit dans une large proportion. Ils présentent une large gamme de positionnements sur le religieux, la société et la politique et s’avèrent donc de bons analyseurs de la diversité intra-musulmane française. Ils révèlent aussi les rapports de pouvoirs entre la « communauté » musulmane (organisations et individus) et l’État d’une part, et intra-musulmans (islam consulaire ou de base, tendances plus ou moins rigoristes ou libérales) d’autre part. Les six médias analysés sont Saphirnews.com (fondé en 2002), Oumma.com (1999), Mizane.info (2017), Ajib.fr (2010), Al-kanz.org2 (2006) et Islametinfo.fr3 (2012).
2On peut schématiquement classer les médias analysés en deux groupes : tendanciellement distanciés et pluralistes pour les premiers, militants et contestataires pour les seconds. Les trois médias du premier groupe emploient aussi des journalistes professionnels, proposent une information globalement attestataire et bénéficient d’une certaine reconnaissance externe4. Du point de vue des contenus, ils ne publient aucun article de prédication et relaient une pluralité d’intervenants et de sources. Si certaines contributions invitées dénotent des approches situées, voire critiques, leurs rédactions privilégient la description et l’analyse. Oumma et Saphirnews apparaissent assez tôt au début d’Internet (1999 et 2002). Leurs fondateurs avaient auparavant fondé des revues imprimées, stoppées par des difficultés économiques. L’effet des attentats du 11 septembre 2001 sur l’image des musulmans a convaincu de la nécessité de produire une information sur le fait musulman (Lamine 2015). Oumma se distingue par la mise en place d’une Web TV dès 2006, alors que Saphirnews s’investit dans une reconnaissance formelle dans le monde des médias5. Le troisième, Mizane, est porté par un journaliste ayant auparavant travaillé pour les deux premiers ainsi que pour le média franco-turc güleniste Zaman (qui a cessé en 2016). Les deux premiers donnent à voir une reconnaissance de la légitimité de diverses sensibilités religieuses et de l’orthodoxie non rigoriste aux options libérales, incluant l’imanat féminin, alors que le troisième dénote une position plus conservatrice.
3Les sites du second groupe (Ajib6, Al-Kanz et Islam&Info) présentent un traitement globalement plus engagé, voire militant, de l’information. Ils accordent une place plus importante aux injustices subies par les musulmans, à la critique du pouvoir politique et des organisations musulmanes institutionnelles et consulaires (principalement le Conseil français du culte musulman – CFCM – et la Mosquée de Paris). En outre, une partie de leur contenu porte sur la « bonne » manière d’être musulman (pratiques et croyances) : articles ou liens (vers des « rappels » ou des vidéos de prédicateurs). Ils se distinguent donc de ceux du premier groupe par une économie morale contestataire, une identité religieuse affirmée ainsi que, pour les deux plus militants (Al-Kanz et Islam&Info), par l’usage d’une grammaire d’émancipation. Leur contestation s’inscrit dans une participation à la société en tant que citoyens français et musulmans tout en revendiquant la légitimité d’une religiosité visible. En effet, même lorsqu’ils affirment que la loi a pour but de stigmatiser les musulmans ou de changer l’islam, leurs propos s’appuient sur une grammaire citoyenne. Ils mobilisent un registre séculier : les droits de l’homme, la législation, la Constitution, l’inégalité économique ou sociale, les discriminations, les effets du capitalisme, l’instrumentalisation politique, ou encore le recours à des travaux de recherche académique7. En cela, quel que soit le degré de rigorisme (ou non) de leurs acteurs et intervenants, et même s’ils comportent du contenu purement religieux (conservateurs), ils se distinguent radicalement des sites salafistes offrant les réponses des savants salafo-wahhabites aux questions sur la licéité de tel ou tel comportement ou encore sur la nécessité de la hijra (départ vers un pays de culture musulmane) pour vivre pleinement son islamité.
4Dans ce chapitre, l’analyse porte d’abord sur les réactions au projet de loi, entre crainte de l’amalgame et traitement différencié des musulmans. On verra ensuite comment les arguments mobilisés par ces médias, prenant appui sur le droit, la citoyenneté et le rapport État-religions, se fondent sur l’héritage des Lumières et les droits humains, ainsi que sur la séparation des religions et de l’État. Enfin, on analysera comment les formes de montées en généralité mises en œuvre s’appuient sur des positions civiles non musulmanes.
Amalgames, stigmatisation et traitement différencié
5Face au projet de loi, deux préoccupations sont communes : la crainte que la loi ne renforce les amalgames entre islam et terrorisme et le fait que l’islam et les musulmans soient l’objet de traitements différenciés par rapport aux autres cultes.
La crainte de la stigmatisation et de l’amalgame
6La dénonciation du flou autour des termes séparatisme et islamisme est commune à tous les médias, mais les manières de traiter des effets du débat et de la loi diffèrent. Les médias du premier groupe donnent la parole à une pluralité d’acteurs, musulmans ou non, incluant des défenseurs du projet de loi. Ainsi, lors du discours du président Macron à Mulhouse, Saphirnews maintient un équilibre entre l’affirmation de l’inquiétude de nombreux citoyens musulmans et la prise au sérieux de l’argument initial présenté en faveur du terme « séparatisme », qui explicite une « évolution sémantique du président » : les communautés existent et l’attachement à l’une d’elles est pleinement compatible avec la République, seuls des actes contraires aux lois et menaçant la possibilité de « vivre ensemble » (18 février 20208) semblent visés. Oumma souligne que la lutte contre le séparatisme s’allie à celle contre les discriminations (19 février 20209). Les rédactions citent des positions critiques de non-musulmans ou publient celles de musulmans via des tribunes ou des communiqués. La critique prend plus de place avec l’avancée du projet de loi. Ainsi Saphirnews souligne que « la crainte d’une nouvelle stigmatisation grandit parmi les musulmans ». Saphirnews et Oumma relaient l’expression de responsables d’organisations (Rassemblement musulman de France, CFCM) (1710 et 18 juillet 202011). Peu après le discours des Mureaux, où, le 2 octobre 2020, Emmanuel Macron présente sa stratégie de lutte contre le séparatisme, Saphirnews obtient une interview exclusive du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin (13 octobre 202012), qui explicite les avantages du statut d’association cultuelle, alors que le chapeau de l’article rappelle les « réactions mitigées » des musulmans « partagés entre interrogations et hostilité »13. Le journaliste de Mizane analyse pour sa part les « ruptures laïques » du président et ramène les phénomènes d’extrémisme violent et de repli sur soi à leur proportion (13 octobre 202014) ; Mizane propose néanmoins une longue interview du sociologue Jean-Louis Schlegel, dont l’analyse est plus favorable aux arguments présidentiels (8 octobre 202015).
7Du côté des médias (engagés) du second groupe, Ajib déplore l’assignation à une altérité inconciliable (4 octobre 2020) alors qu’Al-Kanz opère une dénonciation beaucoup plus vive : un « populisme [qui] franchit une limite que même Nicolas Sarkozy et ses pires ministres n’ont osé franchir, en l’occurrence glisser grossièrement de la lutte contre le terrorisme à une loi générale d’exception contre l’ensemble des musulmans » (28 septembre 202016). Islam&Info, familier des cadrages dénonciateurs à forte teneur émotionnelle, écrit : « Le président a tout simplement lancé un appel à une véritable croisade contre la minorité musulmane » (2 octobre 202017). Ces deux cas, avec les termes « loi d’exception » et « croisade », illustrent le registre dénonciateur et émotionnel mobilisé par ces deux médias militants.
8L’ensemble des médias souligne la proximité des élections présidentielles, la droitisation des débats politiques et l’effet de diversion. Les plus distanciés relaient les critiques principalement via des tribunes, alors que les rédactions engagées les endossent.
9On observe aussi que, sur la période, la politisation et la légifération entraînent des déplacements vers davantage de critique ainsi qu’un registre politique18 plus marqué pour l’ensemble des médias. Dans tous les cas, la critique ou la contestation s’opèrent à l’appui d’arguments séculiers.
Des croyants comme les autres ?
10La question de l’égalité de traitement des cultes est le second point de focalisation, abordé de manière analytique ou dénonciatrice, notamment avec l’appui de positions extérieures. Oumma relaie le propos du député Alexis Corbière (La France insoumise, LFI) sur France Info : « S’il s’agit uniquement de porter le fer contre l’islam […], je ne suis pas d’accord19 » (8 septembre 202020, cité aussi par Ajib, 14 septembre 202021). Mizane interroge : « Le président ferait-il une différence entre les enfants de la République ? » (13 octobre 202022) Saphirnews relaie la lettre ouverte au président d’une cinquantaine de mosquées et associations musulmanes soutenues par plusieurs fédérations du CFCM (et mentionné aussi par La Croix23), faisant état des « inquiétudes sur l’escalade délétère que prend le traitement de l’islam et des musulmans dans notre pays » et d’un traitement « d’exception » (9 octobre 202024). En janvier 2021, au moment de la discussion de la « charte des principes pour l’islam de France »25, l’argument comparatiste revient dans Oumma, qui, en s’appuyant sur un entretien avec le chercheur Haouès Seniguer (20 janvier 202126), souligne qu’on ne vise pas les engagements politiques de croyants d’autres religions. Mizane développe un discours similaire.
11Les médias les plus militants expriment leur indignation dans une modalité dénonciatrice. Al-Kanz accompagne ainsi la tribune collective des mosquées du sous-titre « La croisade islamophobe en cours mobilise la société civile musulmane de façon inédite » (10 octobre 202027). Ce terme « croisade » apparaît aussi trois fois dans des articles d’Islam&Info.
12Dans la même période, fin septembre 2020, le ministre de l’Intérieur rencontre des responsables musulmans à la Grande Mosquée de Paris. Il tente d’apaiser la situation et vante les avantages du statut d’association cultuelle. Il ajoute néanmoins : « Il faut faire attention à ce que d’autres religions ne soient pas les victimes des modifications souhaitées pour vous [les musulmans]28. » Al-Kanz ne manque pas de dénoncer cette focalisation explicite et la qualifie de « culot monstre », dans la mesure où le propos confirme publiquement que l’ensemble des musulmans est visé. Cette « loi d’exception […] s’en prendra bien à des millions de personnes du fait de leur appartenance réelle ou supposée à une religion […]. Pas aux terroristes, tout musulmans soient-ils. » Des arguments comparatifs complètent le propos, argumentant que des pratiques similaires à celles que l’on reproche à certains musulmans existent dans d’autres groupes ethniques ou religieux, mais ne sont jamais mentionnées par les acteurs politiques : des certificats de virginité demandés pour des dissolutions de mariage catholique, la pratique du mouchoir dans certains mariages roms, un « tribunal religieux qui a pignon sur rue » (allusion à l’inscription visible de certains tribunaux rabbiniques, comme à Vincennes). L’objectif des acteurs politiques n’est donc « pas de mettre fin à des pratiques qu’ils jugent inacceptables », mais de ne les « combattre qu’à la seule condition qu’ils puissent les associer aux musulmans » (Al-Kanz, 28 septembre 202029). Le traitement inégalitaire des groupes est au cœur du cadrage d’Islam&Info, qui argumente que la « minorité » musulmane est victime de lois n’existant que contre elle : « L’État français établit une nouvelle fois, après les lois de 2004 et de 2010 et les mesures de l’État (sic) d’urgence, un véritable arsenal légal d’exception contre les musulmans de France », qui pourrait s’intituler « projet de lutte contre la minorité musulmane en France par des mesures d’exception visant à instaurer contre ces populations un apartheid » (2 octobre 202030).
13L’emploi du terme loi (ou traitement) « d’exception », faisant écho au régime de Vichy, est fréquent dans ce média (au sein de notre corpus, il apparaît sept fois sur Islam&Info, une seule dans Al-Kanz et aucune dans les autres médias). Islam&Info et Al-Kanz utilisent aussi le terme « minorité » (vingt-cinq et deux fois) pour désigner les musulmans en France, alors que les autres médias le réservent à des contextes internationaux, comme celui des Ouïghours en Chine. Dans la perspective d’Islam&Info (et d’Al-Kanz dans une moindre mesure), la contestation prend donc un caractère spécifique, visant à l’émancipation d’une « minorité » subissant « injustice » et « oppression ». En ce qui concerne l’appel à agir, la tonalité évolue dans Islam&Info, avec, initialement, un appel au « réveil » des musulmans (trois fois en 2020) puis, une fois le constat fait que la critique est aussi portée par d’autres acteurs, des appels à continuer la mobilisation, en s’appuyant sur ces soutiens existants.
14Le projet de loi sur le séparatisme mobilise donc fortement les médias musulmans de diverses tendances, qui décrivent ou dénoncent l’amalgame entre piété musulmane visible et radicalité, ainsi que des inégalités dans le traitement des cultes. Leur registre se déplace globalement vers l’attention au politique, mais le cadrage est très différencié entre une analyse critique et pluraliste d’un côté et une dénonciation vive, alliée à des discours d’émancipation de l’autre.
Des arguments axiologiques et juridiques
15La critique du traitement de l’islam s’appuie sur l’héritage des valeurs des Lumières, la Déclaration des droits de l’homme et la loi de 1905. Elle souligne que les outils juridiques existent déjà et s’inquiète de l’ingérence (excessive) de l’État.
Pédagogie du droit et dénonciation des redondances
16Les sites distanciés offrent des informations fines sur le processus en cours, alliées à une pédagogie du droit. Saphirnews fournit des précisions factuelles et historiques sur les enseignements de langue et de culture d’origine (ELCO) dont le président a annoncé la suppression, détaille les étapes du processus législatif et le contenu de l’avant-projet de loi, ses « dispositions liées à la lutte contre la haine en ligne, l’encadrement des associations, la police des cultes, l’éducation ou encore le mariage et l’héritage » (18 septembre 2020). Le site évoque le passage du terme « séparatismes » au singulier, puis au vocable de « laïcité » et finalement de « valeurs de la république », ainsi que les péripéties de la « charte des principes » et du « conseil national des imams ». Oumma suit aussi de près le processus, en recourant fréquemment à des reprises d’une large gamme de médias généralistes (BFM TV, L’Obs, France Télévisions, Libération, Le Figaro, etc.), alors que des personnalités de diverses sensibilités31 sont interviewées sur sa Web TV. Mizane propose aussi de nombreux articles, certains argumentant de manière très critique sur l’ingérence de l’État dans le religieux et sur l’inadéquation de l’approche top-down, qui ignore les réalités du terrain. Lorsque le Conseil d’État se prononce contre l’interdiction de l'école à domicile, dans un long article qui explicite « Comment est votée une loi en France ? » et « ce qui va changer concrètement », Ajib, qui n’a « pas trouvé de lien entre la volonté de certains parents d’instruire leurs enfants à domicile, qui est […] un droit constitutionnel, et […] une quelconque volonté de séparatisme », participe aussi de cette pédagogie (17 février 202132). La critique n’y est formulée qu’en conclusion : une loi clivante et contraire aux principes de la République. La pédagogie du droit est donc une forme de capacité d’agir proposée aux lecteurs, celle d’être des citoyens informés.
17L’autre type d’argument présent dans les médias distanciés est que les fondements juridiques existent déjà et que leur inutile multiplication risque d’affaiblir le droit. Cette loi est qualifiée de « fourre-tout » (Oumma, 16 février 202133). La déclaration d’un groupe marseillais d’imams et de prêtres en souligne l’inutilité, s’inquiète de la remise en question de la loi de 1905 et critique les effets de surveillance sur les musulmans ainsi que sur les autres croyants :
Ce projet de loi fait passer d’une laïcité qui vise à protéger les libertés de conscience et de culte comme des libertés publiques à une laïcité de contrôle des cultes au nom de valeurs définies par l’État. […] [Il] vise surtout les fidèles de confession musulmane, même si ses conséquences affecteront les fidèles de toutes les confessions religieuses. […] Nous voulons souligner notre malaise devant un texte qui fait des citoyens croyants et pratiquants des citoyens à part, à surveiller. […] Il existe déjà de nombreuses lois permettant de réprimer les propos et comportements haineux, racistes ou antirépublicains. […] Les idées extrémistes se propagent le plus souvent par les réseaux sociaux beaucoup plus que par les lieux de culte. (Oumma et Saphirnews, 1934 et 21 septembre 202135)
18Dans Mizane, le directeur exécutif du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), Jawad Bachare, formule des arguments similaires : « S’il existe des comportements qui contreviennent au respect de la loi, il y a des sanctions prévues par le législateur », à l’encontre de « comportements agressifs », « de rejet » ou « de discrimination », alertant sur le risque d’extension : « On vise les musulmans, demain, ce sera d’autres catégories de la population. » (11 septembre 202036)
Droits de l’homme, Lumières et loi de 1905
19Plusieurs médias soulignent le caractère paradoxal de la situation : nombre d’acteurs politiques, dont le président, appellent à un « islam des Lumières », alors que les moyens mobilisés pour tenter de l’imposer apparaissent en contradiction avec les principes mêmes des droits de l’homme et les valeurs des Lumières. La critique se fonde donc sur la citoyenneté et sur les valeurs de liberté et d’égalité. Ajib formule ainsi un sentiment de « trahison » des principes « les plus fondamentaux » de la République et regrette une volonté de division du « peuple français » :
Ce projet de loi qui « conforterait les principes de la République » est au contraire vécu par la communauté musulmane comme une trahison de ses principes les plus fondamentaux : la liberté et l’égalité. [Il] renforce les clivages […] alors que le monde fait face à une crise économique grave, et où au contraire il faudrait favoriser la tolérance et une vision collective qui incluraient toutes les composantes de la société dans leur diversité et leur richesse. [...] Ce projet de loi divise la classe politique et le peuple français. (17 février 202137)
20Cette dénonciation prend des formes plus virulentes chez les plus contestataires, notamment lors de la dissolution de l’association Barakacity et du CCIF, qui suivent immédiatement l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020. Al-Kanz écrit : « Au pays prétendu des Lumières et des droits de l’homme, l’autoritarisme a une nouvelle fois primé » (2 février 202038). Islam&Info s’indigne : « La République française proclame être un état de droit, mais il n’en est rien » (25 novembre 202039). L’emploi du terme « liberticide » y est beaucoup plus fréquent que dans les autres supports. La dénonciation s’y appuie aussi sur des comparaisons de la France avec des régimes autoritaires : la Chine face aux Ouïghours pour le traitement des minorités ou les « pires dictatures arabes » à propos de la « charte des principes » de l’islam de France puis du contrôle des prêches au moment de l’épisode du « conseil national des imams ». Quant à l’« islam des Lumières », il est vu, au moment de l’épisode de la « charte », comme l’exigence (par le président) d’un « islam modifié sous le contrôle du pouvoir et de la police » (19 septembre 202040) et impliquant « la soumission à un nouveau Dieu : le gouvernement français et sa police ». On voit donc un élément supplémentaire de cadrage émotionnel dans Islam&Info, qui dénonce à ce propos, comme à celui du contrôle des écoles confessionnelles, une volonté de « désislamisation » et de « modification » de la religion.
21Une autre critique, très présente dans l’ensemble des médias, est celle de l’interprétation du principe de laïcité : on lui reproche de déformer l’esprit et la lettre de la loi de 1905 et de permettre une ingérence excessive de l’État dans la régulation du religieux. Ajib cite le député Alexis Corbière (LFI), lors de l’émission déjà mentionnée de France Info :
J’ai envie de dire : « Aristide Briand, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » La loi de 1905, c’est : liberté de conscience, liberté de culte, pas de financement public des religions. Mais après, une religion, ça n’est pas une démocratie, ça n’est pas la République, qu’on ne mélange pas tout et qu’on ne crée pas l’ère du soupçon généralisé. (8 septembre 202041)
22L’option d’Aristide Briand, qui a prévalu au moment de la loi de 1905, défend le respect de la liberté de conscience individuelle, mais aussi d’une « liberté des cultes », en tant qu’organisations collectives. La rédaction s’appuie donc sur une connaissance historique de la diversité des interprétations politiques de la laïcité42.
23Enfin, les contrôles et fermetures administratives (comme celle de l’école Meo High School de Paris en novembre-décembre 2020) sont contestées par les supports de diverses sensibilités, qui réaffirment la compatibilité de l’islam avec la République (en arguant notamment de l’attitude solidaire et responsable des associations musulmanes pendant la crise sanitaire).
24Pour traiter de la régulation publique de l’islam, tous les médias s’appuient donc sur les arguments séculiers des droits de l’homme et de la loi de 1905, sur le droit et les valeurs communes de la démocratie, afin de mettre la République face à ses contradictions. On constate cependant un grand écart entre les médias distanciés, comme Saphirnews, qui s’appuie sur des acteurs publics, en mentionnant par exemple une déclaration de l’Observatoire de la laïcité sur l’élargissement de l’exigence de neutralité vestimentaire des salariés (7 octobre 202043), et les médias plus militants. Ceux-ci mobilisent les éléments d’une rhétorique de l’indignation, très présente dans Islam&Info et, dans une moindre mesure, dans Al-Kanz, « qui met en scène et en mots les émotions » (Brugidou 2013), évoquant notamment, une volonté de « dés-islamisation », donc de négation des identités.
Faire monter la dénonciation en généralité
25La montée en généralité permet de rendre les dénonciations plus audibles, en s’appuyant sur les positions externes au groupe : celles de politiques, d’acteurs chrétiens ou d’ONG, alors que leurs formulations révèlent la conflictualité intra-musulmane.
S’appuyer sur des critiques non musulmanes
26La commune critique de la loi et du terme « séparatisme », feutrée et pluraliste dans les positions attestataires, se fait, on l’a vu, plus ou moins vive dans les positions contestataires. Elle s’appuie sur des arguments axiologiques et juridiques séculiers, mais aussi sur des critiques non musulmanes, en vue de rendre la dénonciation plus légitime. Ces discours séculiers sont donc des formes de politisation, non pas au sens partisan ou encore d’une dynamique d’intrusion du religieux dans la politique, mais en tant que discours publics non consensuels sur la vie commune44. Ceux-ci font « référence aux principes généraux devant régir une société » et s’appuient sur d’autres positions, opérant donc une montée en généralité (Boltanski 1990) pour asseoir leur légitimité.
27Le premier type d’appui est celui des déclarations de personnalités politiques. Une partie des mouvements de gauche (suivant en cela certaines associations féministes) ont modifié leur interprétation de la laïcité et des signes religieux à partir du milieu des années 2010. Leur critique du foulard se transforme en dénonciation de la double oppression des femmes victimes de racisme et de sexisme (Delphy 2006). Ils constatent les effets pervers et contre-productifs de la critique inconditionnelle des signes religieux, niant la capacité d’agir de femmes (Karimi 2021). Les positions critiques de LFI ou d’Europe Écologie Les Verts (EELV) sont souvent citées dans les médias les plus attestataires. Outre Alexis Corbière, déjà cité, Jean-Luc Mélenchon qualifie, à l’Assemblée nationale, la loi de « bouillie d’amalgames », visant les musulmans, « une loi inutile et […] dangereuse, car elle menace les libertés ». Il qualifie aussi le contrat d’engagement républicain (pour les associations) d’« absurde serment d’allégeance » (Saphirnews, 2 février 202145). Oumma reprend en titre une phrase du député, « Vous stigmatisez les musulmans avec une loi inutile et dangereuse », et souligne l’argument de « la division dans le peuple français ». Le média cite en outre la sénatrice Esther Benbassa (EELV), évoquant sur la chaîne Public Sénat « un acharnement contre les musulmans » (3 avril 202146). Mizane relaie aussi ses propos selon lesquels la loi est un « outil de stigmatisation des musulmans » (21 avril 202147).
28Les acteurs religieux chrétiens fournissent le deuxième type d’appui. Après le discours des Mureaux, Saphirnews publie un entretien avec le directeur du Service national pour les relations avec les musulmans (catholique), Vincent Feroldi, qui regrette l’emploi répété du mot « lutte » impliquant « une logique de combat et de confrontation ». Il insiste sur le défi du travail collectif « dans la volonté de servir le bien commun » et assure son soutien aux musulmans (10 octobre 202048). La déclaration commune de catholiques, protestants et orthodoxes « unis pour alerter sur les dangers du projet de loi séparatisme » est aussi relayée (11 mars 202149). Elle qualifie la loi de redondante et restrictive pour la liberté religieuse et associative et ajoute qu’une telle intrusion de l’État dans les affaires religieuses entre en contradiction avec la loi de 1905. Oumma offre une place plus importante aux articles savants et en propose plusieurs (fin 2020) sur l’histoire des religions minoritaires en France et leurs relations avec l’État (protestantisme, Napoléon et les juifs). Mizane publie un long entretien avec François Clavairoly, président de la Fédération protestante, dans lequel il s’oppose « à une laïcité de neutralisation religieuse » et craint qu’« une politique tatillonne de contrôle ne [mette] en cause une liberté fondamentale qui est la liberté de culte » (27 février 202150).
29En comparaison avec d’autres périodes, notamment celle qui a suivi les attentats de 2015 (Lamine à paraître [b]), les paroles d’acteurs juifs sont beaucoup moins mobilisées, car la situation se prête moins à trouver du commun. Les responsables du judaïsme français, outre leurs inquiétudes sur l’antisémitisme, craignent les « dégâts collatéraux » de cette future loi, comme l’exprime le grand rabbin de France, Haïm Korsa, lors de son audition devant une commission de l’Assemblée nationale le 4 janvier 202151. Joël Mergui, président du Consistoire central israélite de France, ajoute qu’il redoute que la « peur maladive » des amalgames concernant l’islam ne débouche sur « l’instauration d’un climat de suspicion qui pèserait sur l’ensemble des religions, même celles qui n’ont posé aucun problème au cours de leur histoire et de celle de notre pays », argument formulé aussi par François Clavairoly52, qui craint qu’une surveillance pointilleuse ne complique fortement le travail d’associations qui ont parfois peu de ressources.
30Un troisième type d’appui correspond aux déclarations des ONG de défense des droits humains (Ligue des droits de l’homme, Amnesty International et Human Rights Watch), relayées par les médias des diverses sensibilités53. On peut y ajouter le relais par Saphirnews d’une tribune critique de professionnels du droit ou de la presse parue dans Libération54.
31Ces trois types d’appui permettent donc une montée en généralité de la critique (ou de la dénonciation) et une légitimité plus grande des arguments déployés.
Les positions de public minoritaire
32Analyser des « médias de minorité » pose la question du rapport entre identités particulières et espace public ou entre « groupes minoritaires » et monde commun. La relecture critique d’Habermas développée par Nancy Fraser et Éric Macé qualifie ces groupes de « contre-publics subalternes » (Fraser 2005) ou de « mouvements culturels contre-hégémoniques » (Macé 2005). Selon Nancy Fraser, « les membres des groupes sociaux subordonnés élaborent et diffusent des contre-discours » dans des « arènes discursives parallèles » où se développe « leur propre interprétation de leurs identités, de leurs intérêts et de leurs besoins » (Fraser 2005, p. 126-128).
33Cette approche s’avère pertinente pour les deux médias les plus contestataires (Al-Kanz et Islam&Info), très critiques vis-à-vis de la régulation étatique de l’islam, ainsi que de l’islam consulaire auquel ils reprochent sa « docilité ». Eux-mêmes défendent la légitimité d’une visibilité de l’islam pieux et de positions à la fois rigoristes et critiques (Barakacity, CCIF). Pour eux, la sphère publique est bien « un espace de conflictualité entre mouvements culturels hégémoniques et mouvements culturels contre-hégémoniques » (Macé 2005, p. 42).
34Mais si l’approche en termes de « contre-public » permet d’analyser la pluralité et la conflictualité de la sphère publique et les ressources que sont ces discours pour la formation des identités, elle obère cependant la pluralité interne des publics « minoritaires », attestée par des options plus ou moins ouvertes à la collaboration avec d’autres publics ainsi que des modes différenciés de demande de reconnaissance. Elle ne permet en effet pas de décrire les médias les plus attestataires, qui ne peuvent pas être considérés comme des « contre-publics » (Saphirnews, Oumma, Mizane), et n’est que partiellement pertinente pour des cas intermédiaires (Ajib55).
35Les réactions à la dissolution de l’association Barakacity et du CCIF exemplifient la complexité et la conflictualité des positions musulmanes. On conçoit la difficulté pour une partie des acteurs musulmans de se positionner vis-à-vis d’une organisation (le CCIF) dont le rôle est de défendre des coreligionnaires victimes de discriminations, alors même qu’ils peuvent avoir de sérieux désaccords avec elle56. Oumma et Saphirnews accordent ainsi moins de place que les autres médias à la défense du CCIF.
36Saphirnews publie d’abord un long article (17 octobre 202057) recensant les réactions de condamnation et de sidération de nombreuses organisations musulmanes nationales et régionales, y compris turques, de diverses sensibilités, à l’attentat de Samuel Paty (comme il l’avait fait suite à ceux de 2015). Peu après l’annonce de dissolution du CCIF, il publie un long éditorial de son directeur et cofondateur, Mohammed Colin, intitulé « De l’éthique de la responsabilité contre l’esprit victimaire » (26 octobre 202058), marquant sa distance avec « l’islam identitaire », dont relève, selon lui, le CCIF : « La dissolution du CCIF qu’entame le gouvernement va dangereusement conforter le sentiment de victimisation, véritable carburant de l’islam identitaire. » Suit, peu après, une tribune intitulée « La posture du CCIF n’est pas illégale, mais elle est irresponsable » (16 novembre 202059), où le sociologue-islamologue Omero Marongiu écrit :
Le CCIF a fait le choix de s’inscrire dans une vision du monde et dans un réseau d’associations et d’acteurs qui se sont clairement positionnés dans la défense d’une identité religieuse intransigeante avec une absence de critique. Pourtant, il n’échappe à personne que les adeptes de cet islam prétendent représenter la normalité à laquelle tout musulman devrait se conformer.
37Omero Marongiu rappelle le soutien indéfectible du CCIF au président de Barakacity, alors que ce dernier avait publiquement refusé de condamner explicitement Daech (en janvier 2016, sur Canal +) et dit qu’il ne serrait pas la main aux femmes, ajoutant que ces normes étaient celles d’un « musulman normal ». Il avait ultérieurement fustigé dans un tweet « le président Macron pour avoir reçu Asia Bibi », une Pakistanaise chrétienne longtemps incarcérée, car accusée (à tort) de blasphème, « comme pour la remercier de sa haine de l’islam ». L’auteur critique l’intransigeance religieuse du CCIF, qui de plus prétend représenter la norme commune musulmane. Néanmoins, Saphirnews (à travers sa rédactrice en chef, Hanan Ben Rhouma) ne manque pas de souligner que la dissolution « suscite incompréhension et inquiétude » (23 septembre 202060).
38Concernant Oumma, la place accordée au CCIF entre 2005 et 2021 est tout à fait révélatrice d’une certaine distanciation. Alors qu’entre 2011 et 2016 le CCIF est relayé en moyenne 9,3 fois par an (articles ou communiqués), ce chiffre tombe en dessous de 2 ensuite et n’inclut plus de communiqués. Dans ces deux médias, on s’inquiète donc fermement de l’atteinte à la liberté associative, tout en se distanciant de la sensibilité du CCIF et de Barakacity.
39A contrario, les vives critiques des dissolutions portées par les ONG de défense des droits humains sont relayées avec plus d’insistance par les quatre médias les plus engagés, notamment avec des liens vers leurs sites (Al-Kanz, 12 décembre 202061). On rit aussi de la difficulté du président à expliquer la laïcité aux journaux américains s’inquiétant des limitations à la liberté religieuse, et on relaie une tribune de Marwan Muhammad, le président du CCIF, qui évoque les « aspects structurels du racisme » (2 décembre 202062). Le traitement de ces dissolutions exemplifie les positions très contrastées des publics minoritaires musulmans.
* * *
40L’analyse du traitement de la thématique du séparatisme dans des médias dont la sensibilité va du rigorisme à l’ouverture au libéralisme et dont les positions varient entre contestation et attestation révèle la pluralité interne de l’islam ainsi que les conflictualités à la fois internes et externes avec la société. On observe que tous les médias – y compris ceux qui offrent des articles religieux de tendance plus ou moins rigoriste et pratiquent une rhétorique de l’indignation – appuient leurs positions sur la citoyenneté et la participation sociale. La crainte de l’amalgame est commune, tout comme celle d’un traitement différencié par rapport aux autres cultes. On peut aussi souligner que, sur ce sujet, la préoccupation est telle que même les médias « distanciés » ont donné bien plus de place qu’ils ne le font habituellement à des positions engagées, notamment par des tribunes externes ou internes (Lamine 2015 ; Lamine à paraître [a] & à paraître [b]).
41Les formes de capacité d’agir sont de trois ordres. D’abord, on développe une information et une pédagogie du droit et de la formation des lois. Ensuite, on informe sur les critiques et appuis extérieurs (religieux, politiques, associatifs), permettant d’opérer une montée en généralité de la critique et de la mobilisation. Enfin, on informe des effets déjà visibles du débat sur la loi (et des politiques publiques de régulation du religieux) et on insiste sur la nécessité de propositions alternatives venant de la base. Pour les médias plus distanciés, la capacité d’agir est principalement intellectuelle et non oppositionnelle, avec une argumentation dans le registre des valeurs et de la cohérence démocratique, la réflexivité sur les dynamiques internes d’organisation, de dialogue et d’ajustement au contexte. Pour les médias plus militants, elle est nettement contestataire, s’appuie sur l’indignation et l’émotion et inclut des appels à manifestations et pétitions.
42Ce terrain d’enquête permet d’affiner la notion de « contre-public » à propos des groupes minoritaires, puisque, si ce terme convient bien aux plus contestataires qui valorisent des discours et des formes de différenciation sociale, il ne s’avère pas pertinent pour les plus attestataires. Ces derniers assument leur islamité comme une des composantes de leur identité, mais valorisent en même temps une appartenance commune, une citoyenneté ou un professionnalisme « comme les autres » et donc une dé-singularisation. Cette différence fait, comme on l’a vu, l’objet d’une conflictualité intra-musulmane. Enfin, l’enquête montre que les équipes des médias étudiés pratiquent « l’enquête sociale » au sens pragmatiste et qu’avec leur lectorat ils constituent un « public » pour veiller aux actes dont les conséquences les affectent (Dewey 2010, p. 95).
Bibliographie
Boltanski Luc (1990), L’Amour et la justice comme compétence, Paris, Métailié.
Brugidou Mathieu (2013), « L’institutionnalisation de la norme sociale entre stigmatisation et dénonciation », Langage et Société, no 144, p. 85-105.
Delphy Christine (2006), « Antisexisme ou antiracisme ? Un faux dilemme », Nouvelles questions féministes, vol. 25, no 1, p. 9-83.
Dewey John (2010 [1927]), Le Public et ses problèmes (trad. J. Zask), Paris, Folio/Gallimard.
Fraser Nancy (2005 [1992]), « Repenser l’espace public. Une contribution à la critique de la démocratie réellement existante » (trad. M. Valenta), in Nancy Fraser, Qu’est-ce que la justice sociale, reconnaissance et redistribution, Paris, La Découverte, p.107-144.
Hamidi Camille (2006), « Éléments pour une approche interactionniste de la politisation. Engagement associatif et rapport au politique dans des associations locales issues de l’immigration », Revue française de science politique, vol. 56, no 1, p. 5-25.
Karimi Hanane (2021), « Nous, féministes… », in Elsa Dorlin (dir.), Feu. Abécédaire des féminismes présents, Paris, Libertalia, p. 443-453.
Lamine Anne-Sophie (2015), « Média minoritaire, diversité intrareligieuse et espace public. Analyse du site Saphirnews.com », Sociologie, vol. 6, no 2, p. 139-156.
Lamine Anne-Sophie (à paraître [a]), « Islamic Framing of French Reinforced Secularism as a Radicalization Prevention Policy », article soumis pour publication à French Politics, Culture & Society.
Lamine Anne-Sophie (à paraître [b]), « Les attentats de Charlie Hebdo vus par les médias musulmans en ligne. Dé-singularisation, regard en biais ou polarisation ? », en cours de soumission à une revue.
Macé Éric (2005), « Mouvements et contre-mouvements culturels dans la sphère publique et les médiacultures », in Éric Maigret & Éric Macé (dir.), Penser les médiacultures, Paris, Armand Colin, p. 41-66.
Notes de bas de page
1Audience mesurée par les nombres de visiteurs uniques mensuels et d’abonnés sur les réseaux sociaux (Lamine à paraître [a]).
2Al-Kanz, spécialisé dans le traitement de l’économie et la consommation musulmane, fait aussi place à l’actualité.
3Pour alléger l’écriture, on omet l’extension dans la suite du chapitre.
4Ces médias sont invités à des émissions ou événements organisés par des journalistes des médias généralistes ; leurs animateurs sont diplômés et expérimentés (ingénieurs, masters, etc.) ; leur contenu semble aussi viser un public dont le capital culturel est plus élevé que celui du second groupe.
5Il est le seul à avoir le statut de publication « d’information politique et générale » auprès de la Commission paritaire des publications et agences de presse.
6Ajib a effacé de son site tous les contenus non religieux, à compter de début mars 2021. Nous nous basons donc dans tout ce qui suit sur les copies que nous avions effectuées des articles, avant leur effacement. Dans le cas où l’article est discponible sur Archive.org, nous l’indiquons.
7Comme cela a été observé au cours des périodes précédentes (Lamine à paraître [a] ; Lamine à paraître [b]).
8https://www.saphirnews.com/ELCO-imams-detaches-organisation-de-l-islam-Ce-qu-il-faut-retenir-du-discours-de-Macron-contre-le-separatisme_a26914.html [archive]
9https:/www.oumma.com/la-plaisanterie-demmanuel-macron-face-a-un-jeune-homme-qui-la-interpelle-pour-demander-sa-naturalisation/ [archive]
10https://www.saphirnews.com/Lutte-contre-le-separatisme-la-crainte-d-une-stigmatisation-annoncee-des-musulmans-grandit_a27260.html [archive]
12https://www.saphirnews.com/Gerald-Darmanin-C-est-la-grandeur-des-musulmans-de-France-de-constater-qu-il-existe-des-derives-au-nom-de-leur-religion_a27463.html [archive]
13Saphirnews avait aussi interviewé Bernard Cazeneuve en mars 2016, avant la deuxième convocation de l’instance de dialogue avec l’islam, dédiée à la prévention de la radicalisation (Lamine à paraître [b]).
15https://www.mizane.info/la-france-est-elle-menacee-par-le-separatisme-entretien-avec-jean-louis-schlegel [archive]
17https://www.islametinfo.fr/2020/10/02/emmanuel-macron-declare-la-guerre-aux-musulmans-en-france/ [archive]
18« Politique » dans le sens de la place donnée pour les préoccupations pour les affaires de la cité, leur gestion par l’État et les conséquences pour les citoyens. Voir aussi plus loin la discussion sur le terme « politisation ».
19« Loi contre le séparatisme : “S’il s’agit uniquement de porter le fer contre l’islam, je ne suis pas d’accord”, déclare Alexis Corbière », France Info, 8 septembre 2020. [En ligne] https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/religion-laicite/loi-contre-le-separatisme-s-il-s-agit-uniquement-de-porter-le-fer-contre-l-islam-je-ne-suis-pas-d-accord-declare-alexis-corbiere_4098365.html [archive]
20https://www.oumma.com/loi-contre-le-separatisme-sil-sagit-uniquement-de-porter-le-fer-contre-lislam-je-ne-suis-pas-daccord-declare-alexis-corbiere/ [archive]
23Héloïse de Neuville et Xavier Le Normand, « “Séparatisme”, le malaise des Français musulmans », La Croix, 13 octobre 2020. [En ligne] www.la-croix.com/Religion/Separatisme-malaise-Francais-musulmans-2020-10-13-1201119231 [archive]
24https://www.saphirnews.com/Separatisme-mosquees-et-federations-denoncent-le-traitement-d-exception-des-musulmans-par-l-Etat_a27457.html [archive]
25Quelques mois après le discours de Mulhouse, le CFCM était invité à produire une charte favorisant l’émergence d’un islam français. Présentée le 18 janvier 2021 au président de la République, elle constitue une profession de foi républicaine, conforme à la « civilité républicaine » qu’il avait mentionnée dans son discours. C’est « un engagement, clair, net et précis envers la République, un acte fondateur pour l’islam de France », selon Emmanuel Macron. La charte rappelle entre autres que les musulmans de France sont tenus de « respecter la cohésion nationale, l’ordre public et les lois de la République ».
26https://www.oumma.com/haoues-seniguer-la-charte-des-principes-pour-lislam-de-france-est-un-marche-de-dupe/ [archive]
27L’article n’est plus disponible sur Al-Kanz, mais consultable sur Archives.org. https://www.al-kanz.org/2020/10/10/lettre-ouverte-president-republique/ [archive]
28Propos aussi rapporté par Libération. Voir Bernadette Sauvaget, « “Séparatisme” religieux : une loi, mais pas avant fin 2021 », 24 septembre 2021. [En ligne] https://www.liberation.fr/france/2020/09/24/separatisme-religieux-une-loi-mais-pas-avant-fin-2021_1800396/ [archive]
30https://www.islametinfo.fr/2020/10/02/emmanuel-macron-declare-la-guerre-aux-musulmans-en-france/ [archive]
31Dominique Vidal (Le Monde diplomatique), Hakim El Karoui (auteur de rapports pour le libéral Institut Montaigne), Mohamed Moussaoui (président du CFCM), Halim Karzazi (docteur en sociologie).
32Article effacé du site, mais consultable sur Archives.org. Voir aussi Pierre Delvolvé, Xavier Bioy, Pierre Egéa et Nicolas Sild, « La liberté d’instruction en famille est constitutionnelle ». [En ligne] https://www.liberteeducation.com/la-liberte-dinstruction-en-famille-est-constitutionnelle/ [archive]
33https://www.oumma.com/projet-de-loi-sur-les-separatismes-premices-dun-nouveau-concordat/ [archive]
34https://www.oumma.com/declaration-du-groupe-imams-pretres-de-marseille-a-propos-du-projet-de-loi-contre-le-separatisme/ [archive]
35https://www.saphirnews.com/Loi-separatisme-pretres-et-imams-de-Marseille-expriment-ensemble-leur-malaise_a27913.html [archive]
36https://www.mizane.info/separatisme-aujourdhui-on-vise-les-musulmans-demain-ce-sera-dautres-categories-de-la-population/ [archive]
39https://www.islametinfo.fr/2020/11/25/barakacity-dissolution-approuvee-par-le-conseil-detat-etatdenondroit/ [archive]
40https://www.islametinfo.fr/2020/11/19/ultimatum-de-macron-pour-que-les-musulmans-changent-lislam/ [archive]
41https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/religion-laicite/loi-contre-le-separatisme-s-il-s-agit-uniquement-de-porter-le-fer-contre-l-islam-je-ne-suis-pas-d-accord-declare-alexis-corbiere_4098365.html [archive]
42L’argument de ce fondement de la loi de 1905 (qui visait alors les associations catholiques) est connu et régulièrement mobilisé. Ajib avait déjà mobilisé la référence Briand en 2015, lorsque les signalements d’enfants se multipliaient après les attentats de Charlie Hebdo (1er février 2015). Islam&Info, à propos de l’opposition d’un maire aux mères musulmanes voilées accompagnatrices de sorties scolaires, s’exclamait aussi : « Où sont les politiciens dignes de Jaurès et d’Aristide Briand ? » (13 juin 2019) (voir Lamine à paraître [a]).
43https://www.saphirnews.com/Separatismes-l-Observatoire-de-la-laicite-r-appelle-medias-et-politiques-a-leurs-responsabilites_a27445.html [archive]
44Un des éléments « permettant de repérer la politisation à l’œuvre dans les discours profanes » est, selon Camille Hamidi, « la reconnaissance de la dimension conflictuelle des positions adoptées (au sens où le locuteur admet l’existence de clivages sur la question en jeu et non pas au sens où il mobiliserait nécessairement un registre discursif revendicatif ou contestataire) » (Hamidi 2006).
45www.saphirnews.com/Loi-separatisme-Melenchon-denonce-une-bouillie-d-amalgames-visant-les-musulmans_a27798.html [archive]
48https://www.saphirnews.com/Apres-le-discours-sur-le-separatisme-l-heure-est-venue-de-passer-aux-actes-et-de-se-donner-les-moyens-d-une-politique_a27460.html [archive]
49https://www.saphirnews.com/Catholiques-protestants-et-orthodoxes-unis-pour-alerter-sur-les-dangers-du-projet-de-loi-separatisme_a27895.html [archive]
50https://www.mizane.info/francois-clavairoly-nous-sommes-en-tant-que-protestants-opposes-a-une-laicite-de-neutralisation-religieuse/ [archive]
51Assemblée nationale, XVe législature, « Lundi 4 janvier 2021, compte-rendu no 8. Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République ». [En ligne] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/csprincrep/l15csprincrep2021008_compte-rendu.pdf [archive]
52Assemblée nationale, XVe législature, « Lundi 4 janvier 2021, compte-rendu no 11. Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République ». [En ligne] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/csprincrep/l15csprincrep2021008_compte-rendu.pdf [archive]
53Comme en 2016 sur les effets de l’état d’urgence (Lamine à paraître [b]).
54https://www.saphirnews.com/Loi-separatisme-associations-universitaires-et-avocats-denoncent-une-grave-atteinte-aux-liberte-associatives_a27769.html [archive]
55Le degré de conflictualité de ces sujets (et l’autocensure qui peut en découler) est par ailleurs attesté par le fait qu’Ajib efface de son site tous les contenus non religieux à compter de début mars 2021.
56Une partie de l’accusation portée à l’encontre du CCIF sera invalidée le 24 septembre 2021 par le Conseil d’État, qui juge qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier que l’association CCIF ou ses membres se seraient livrés à des agissements en vue de provoquer à des actes de terrorisme ». Toutefois le Conseil d’État valide la dissolution.
57https://www.saphirnews.com/Un-professeur-decapite-a-Conflans-Sainte-Honorine-l-effroi-unanime-des-musulmans-de-France-exprime_a27482.html [archive]
58https://www.saphirnews.com/De-l-ethique-de-la-responsabilite-contre-l-esprit-victimaire_a27523.html [archive]
59https://www.saphirnews.com/La-posture-du-CCIF-n-est-pas-illegale-mais-elle-est-irresponsable_a27592.html [archive]
Auteurs
SAGE et Université de Strasbourg
SAGE et Université de Strasbourg

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