Dalil Boubakeur (né en 1940)
Le recteur et le politique
p. 198-221
Texte intégral
Dalil Boubakeur (né en 1940)

Christian Wouters (CC BY-NC-ND 4.0)
1Le 11 janvier 1995, Dalil Boubakeur remet au ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, la Charte du culte musulman. Cette charte, finalement peu représentative puisque les grandes associations musulmanes de France n’y avaient finalement pas souscrit1, définit les positions d’un islam modéré et inclusif. Deux mois plus tard, Charles Pasqua soutient les stratégies hégémoniques de Dalil Boubakeur, au mépris de sa non-représentativité manifeste, en lui décernant les insignes de chevalier de la Légion d’honneur. Dans l’éloge qu’il prononce à cette occasion, Pasqua brosse le portrait du recteur Boubakeur en principal interlocuteur musulman de l’État français et en sage dirigeant des musulmans de France dont les avis seraient respectés partout dans le pays.
Vous avez vous-même assumé des fonctions religieuses après une préparation religieuse sérieuse, et si vous n’avez pas encore comme votre père entrepris une œuvre aussi considérable que la sienne sur le plan de la théologie de l’islam […], vous avez été nommé membre honoraire de l’université AL ASHAR [sic] et vous êtes diplômé des Arts et Lettres de cette même université. […] Car non seulement vous recevez tous les fidèles que la rue du Puits de l’Ermite accueille, mais votre juridiction s’exerce sur la France entière, vous désignez des Imams et des Muftis dans les grandes villes ou les villes moyennes de France, et vos décisions sont respectées car vous êtes un homme sage. Mais votre vocation est d’agir en sorte que l’Islam, multiforme souvent, divisé parfois, mal à l’aise, qui existe en France puisse présenter en quelques années la véritable image qu’il doit avoir selon les préceptes de votre religion, c’est-à-dire, ceux d’un islam tolérant et fraternel pouvant obtenir des pouvoirs publics la reconnaissance que la loi accorde à toutes les forces religieuses, et cela, Monsieur le Recteur, c’est votre œuvre.2 […]
2Charles Pasqua insiste ici sur « la préparation » et l’œuvre religieuses de Dalil Boubakeur. Si cette œuvre ne serait pas encore comparable à celle de son père, le ministre de l’Intérieur semble penser qu’il convient néanmoins de mentionner les compétences du nouveau recteur en matière de religion et d’en citer comme preuve présumée son diplôme de l’université al-Azhar ou son rôle dans la désignation d’autorités religieuses dans toute la France.
3Pourtant, Dalil Boubakeur n’est pas un ‘âlim. Son passage par al-Azhar fait débat et est mis en question par son entourage même : il semble bien qu’il n’a pas acquis de connaissances approfondies en sciences religieuses et qu’il n’a pas suivi de longues études dans une institution religieuse musulmane. Enfin, sa maîtrise de l’arabe littéral – condition nécessaire pour avoir accès aux textes et être reconnu comme savant – est limitée3. Par ailleurs, si Boubakeur joue un rôle symbolique dans la nomination d’autorités religieuses, soit en proposant des noms au gouvernement algérien, soit en entérinant ses choix, c’est bien ce dernier qui prend la décision et envoie en fin de compte les imams algériens en France dans le cadre de différents accords qui ont été conclus ou renouvelés entre les deux pays. Depuis 1991, ces choix doivent être confirmés par la Direction du renseignement et de la sécurité (DRS) algérienne4 et, après cette date, Boubakeur ne choisit d’imam ou d’aumônier en France que dans des cas rares et ponctuels5.
4Durant tout son mandat, le recteur a fait l’objet de vives critiques de la part de musulmans de France, voire de la part d’autorités musulmanes à l’échelle internationale, qui ne reconnaissaient pas son autorité religieuse. Il n’en a pas moins occupé des fonctions centrales dans la gestion de l’islam en France pendant près de trois décennies. Il a réussi à se faire un nom en tant que représentant et défenseur sans relâche d’un islam modéré de France dans ses fonctions de recteur (entre 1992 et 2020) de la plus emblématique mosquée du pays et de président de plusieurs structures musulmanes tentant d’organiser l’islam de France depuis les années 1990, dont le Conseil français du culte musulman, mis en place en 2003 (président entre 2003 et 2008, entre 2013 et 2015 et par intérim en 2019).
5Au cours des dernières décennies, les autorités françaises n’ont pas toujours accordé une place centrale à Dalil Boubakeur. Divers facteurs, au niveau national et international, ont fait de lui et de la Grande Mosquée de Paris des interlocuteurs plus ou moins privilégiés de l’État français, selon les moments6.
Une enfance entre la France et l’Algérie
6Commençons par présenter brièvement notre personnage. Il naît en 1940 dans la ville côtière de Skikda, alors Philippeville, au nord-est de l’Algérie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sa famille s’installe à Alger. Le jeune Dalil grandit dans la périphérie rurale de la capitale, loin de la casbah d’Alger où vivait la majorité des musulmans. Il fréquente les riches quartiers européanisés de la ville durant sa jeunesse7 et reçoit son éducation au lycée Bugeaud d’Alger (aujourd’hui le lycée Abd El-Kader), établissement prestigieux où avait étudié Albert Camus et où son père, Hamza Boubakeur, enseignait l’arabe. L’enfance de Dalil Boubakeur est marquée par la culture française, le mode de vie de la population côtière algérienne, mais aussi par les coutumes du nord-ouest du Sahara algérien d’où vient son père. Né en 1912 dans l’oasis de Brézina, ce dernier appartient à une grande tribu confrérique, les Ouled Sidi Cheikh. En 1957, la famille s’installe à Paris pour des raisons politiques et Dalil Boubakeur poursuit sa formation au célèbre lycée Louis-le-Grand, après quoi il entame des études de médecine et travaille comme cardiologue à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière, à Paris. Il enseigne au sein des facultés de médecine des hôpitaux Paris-Créteil, Bicêtre et La Pitié-Salpêtrière et occupe temporairement le poste de vice-président du Conseil de l’ordre des médecins de Paris8.
7Par la suite, les circonstances l’éloignent du monde des médecins pour le mener au cœur de l’organisation de l’islam en France. Son père, recteur de la Grande Mosquée de Paris de 1957 à 1982, le familiarise progressivement avec la gestion de la prestigieuse institution et Dalil en est finalement nommé recteur sur proposition des gouvernements français et algérien en 1992. Dans de nombreux entretiens, articles et dans des ouvrages tels que la Charte du culte musulman en France (1995), Non ! L’Islam n’est pas une politique (2003), L’Islam de France sera libéral (2004) et Lettre ouverte aux Français (2015), il parle du rôle de la médecine et de la bioéthique en islam, mais surtout de l’islam qu’il qualifie de « modéré », « traditionnel » ou « authentique », compatible avec les valeurs de la société française. Dalil Boubakeur aborde ici et là des questions de droit islamique et de théologie musulmane, mais, contrairement à son père, Hamza, et aux recteurs précédents de la mosquée, il n’est pas un érudit en sciences religieuses. Rien ne laisse penser qu’il est reconnu comme tel par les savants musulmans et son discours n’alimente pas leurs débats.
8À partir des années 1990, ce déficit de savoir religieux fait l’objet d’attaques sévères : si Dalil Boubakeur satisfait le besoin de la société française d’un discours rassurant, en dehors de ses propres réseaux, il ne convainc pas les musulmans en France et se voit confronté à des critiques féroces qui remettent en cause sa capacité à représenter l’islam dans le pays.
9Comment Boubakeur a-t-il pu, malgré cela, agir comme représentant de l’islam en France pendant près de trois décennies et être placé à plusieurs reprises en position centrale tant par les autorités françaises qu’algériennes ? Pour le comprendre, il faut tout d’abord mesurer combien ce poste est politique. La nomination du recteur relève en effet du gouvernement français, en négociation avec le gouvernement algérien, depuis les années 1980. Elle est donc influencée par différents enjeux nationaux et sécuritaires.
Hamza Boubakeur : un choix français
10C’est la guerre d’indépendance algérienne qui a conduit la famille Boubakeur à s’installer en France en 1957 et Hamza Boubakeur à prendre la direction de la mosquée de Paris. Durant les années 1950, Hamza Boubakeur adopte la position d’allié fidèle du gouvernement français et s’emploie, à la demande de Guy Mollet, président du Conseil, à négocier un cessez-le-feu avec l’Armée de libération nationale. Lorsque sa tentative échoue, il s’enfuit en 1957 avec sa famille à Paris9. Au même moment, le gouvernement français intensifie les actions visant à freiner les activités du Front de libération nationale (FLN) en métropole et cherche à reprendre en main la mosquée de Paris, de plus en plus fréquentée par des militants indépendantistes algériens. Après quelques allers-retours entre la France et l’Algérie, Hamza Boubakeur est nommé à la tête de la mosquée de Paris par Guy Mollet10. Outre l’espoir que Hamza Boubakeur contrôlerait de façon efficace les discours tenus à la mosquée, sa nomination comme recteur de la mosquée permet au gouvernement de s’assurer la loyauté de ce personnage influent et politiquement avisé11, qui plus est membre des Ouled Sidi Cheikh. Cette confrérie tribale, autrefois puissante, s’étendait dans le grand sud algérien (Ouled Sidi Cheikh Charaga) et dans l’est du Maroc depuis le xvie siècle12. À l’époque coloniale, ses différentes factions oscillèrent entre coopération et résistance à la domination française. Si certains de leurs dirigeants conclurent, parfois sur fond de luttes intertribales, des alliances secrètes ou ouvertes avec les Français, la branche dont est issu Hamza Boubakeur s’est vivement opposée au pouvoir français à partir du milieu du xixe siècle, avant d’être finalement contrainte de se soumettre13. À partir du dernier tiers du xixe siècle, l’administration française tente à plusieurs reprises de faire jouer aux Ouled Sidi Cheikh le rôle d’un allié tacite – un allié qu’elle essaiera de mobiliser, parfois avec succès, pour atteindre ses objectifs durant la guerre d’indépendance. Robert Lacoste, gouverneur général et ministre de l’Algérie de 1956 à 1958 aurait ainsi espéré s’assurer la loyauté de cette tribu en soutenant, en la personne de Hamza Boubakeur, la nomination d’un de ses membres à la tête de la mosquée de Paris14. En plus de sa fonction de recteur, Boubakeur est aussi élu député du département des Oasis, dans le Sud-ouest algérien entre 1958 et 196215.
11Alors que ses prédécesseurs, Kaddour Benghabrit et son neveu Ahmed Benghabrit, avaient été nommés porte-parole et chefs de la mosquée de Paris (1926-1954 ; 1954-1957), Hamza Boubakeur crée, à son arrivée à Paris, la fonction spécifique de recteur de la mosquée16. Cette fonction inhabituelle dans les mosquées et organisations musulmanes permettra la séparation de principe entre une figure de proue non savante et le personnel remplissant les fonctions religieuses à la mosquée de Paris.
12Cependant, le savoir religieux pesa de manière indirecte dans la carrière de Hamza Boubakeur à la mosquée : la reconnaissance de son œuvre théologique et de sa traduction du Coran, dans le Sahara algérien et, au-delà, jusqu’en France, ainsi que son autorité religieuse en tant que chef administrateur élu du mausolée de Sidi Cheikh à El Abiodh17 ont pu rassurer Guy Mollet sur l’influence de Boubakeur auprès des fidèles à Paris et en Algérie. Ces facteurs étaient importants puisque Mollet voulait un personnage qui contrôlerait les discours religieux à la Grande Mosquée de Paris et assurerait la loyauté des Ouled Sidi Cheikh, des partenaires importants pour le gouvernement français face aux forces indépendantistes en Algérie.
Une succession algérienne
13Avec les recteurs qui suivent Hamza Boubakeur, on voit entrer en scène des détenteurs d’un savoir religieux classique. Abbas Bencheikh El Hocine (recteur de 1982 à 1989, dit cheikh Abbas) et, dans une moindre mesure, Tedjini Haddam (recteur de 1989 à 1992) ont l’un et l’autre suivi un cursus en sciences religieuses – à Tunis et Fès pour le premier, à Tlemcen pour le second. Toutefois, ils ont par la suite embrassé des carrières diplomatiques et politiques et ont surtout été choisis comme recteurs de la mosquée de Paris pour des raisons politiques. Cheikh Abbas était considéré comme un porte-parole de l’islam réformé algérien et appelait en France à la tolérance, au progrès et à la modernisation de l’islam. Ce facteur et sa condamnation des courants islamistes ont fait pencher les représentants du ministère français de l’Intérieur en sa faveur18.
14Après avoir été dans les années 1950 membre du FLN au Caire, Abbas était devenu après l’indépendance du pays ambassadeur d’Algérie en Arabie saoudite, puis son représentant auprès de la Ligue des États arabes et enfin nommé président du Haut conseil islamique de l’Algérie en 1966. Tedjini Haddam avait, quant à lui, occupé le poste de ministre des Affaires religieuses, puis celui de ministre de la Santé avant d’être diplomate en Tunisie et en Arabie saoudite. Imposé à la mosquée de Paris par le gouvernement algérien alors que le ministère français de l’Intérieur était contre son élection, il fut finalement apprécié, notamment par l’Élysée et le Quai d’Orsay, pour sa promesse de lutter contre l’intégrisme islamique. Ainsi, le poids des enjeux politico-stratégiques a une fois de plus été bien plus déterminant que celui du savoir religieux dans la nomination de ces recteurs.19
15Divers facteurs, dont des changements que Hamza Boubakeur a fait introduire dans les statuts de la Société des habous et des lieux saints de l’islam (l’association qui gère la mosquée) font progressivement passer la mosquée de Paris sous contrôle algérien au cours des années 198020. Le gouvernement algérien en nomme dès lors le recteur ainsi que le personnel. Le choix de cheikh Abbas est le fruit d’une stratégie algérienne qui a ouvert la voie à la nomination de Dalil Boubakeur une décennie plus tard. Après l’indépendance du pays, le gouvernement algérien avait d’abord exproprié et marginalisé les branches profrançaises des Ouled Sidi Cheikh, ainsi que d’autres confréries, en raison de leur soutien au pouvoir français à l’époque coloniale. Lorsque Chadli Bendjedid devint président en 1979, cherchant de nouveaux alliés dans un contexte où la popularité du FLN déclinait, il lança une politique de réconciliation avec les grands lignages confrériques du Sahara. Tout comme Dalil Bouakeur, Abbas El Hocine faisait partie d’une confrérie de l’Est algérien qui avait été stigmatisée sous la présidence de Houari Boumédiène (1965-1978) mais qui fut alors réhabilitée21. Sa désignation en tant que recteur s’inscrivait donc dans le cadre de la politique intérieure algérienne.
16Outre ces questions de politique intérieure algérienne, la nomination des recteurs de la mosquée de Paris doit aussi être considérée sous l’angle de l’histoire récente de la communauté musulmane française, sur laquelle l’Algérie souhaite garder un certain contrôle. Dans les années 1980, le pays perd de plus en plus d’influence sur les émigrés algériens en France. Leur lien avec l’Algérie s’étiole et ils sont attirés par le discours des islamistes, qui se veut pragmatique et plus proche de leur quotidien. Pour contrecarrer cette tendance, l’Algérie essaie d’étendre son influence aux anciens Harkis dont certains, déçus par la France pour laquelle ils se sont autrefois battus, se sentant abandonnés et socialement discriminés, développent un nouvel intérêt pour l’islam. À travers une politique de réconciliation avec les Harkis, le gouvernement algérien espère à la fois attirer la loyauté d’une communauté prête à engager de nouveaux liens avec l’Algérie et avoir un impact sur le processus d’organisation de l’islam en France. Des Harkis avaient déjà commencé à se tourner vers la Grande Mosquée de Paris pour faire part à l’État algérien de leurs revendications, comme le droit au retour au pays, qui leur était jusque-là interdit. Cheikh Abbas était l’homme du moment. Contrairement à Hamza Boubakeur, qui était français et s’entourait de musulmans de nationalité française, faisant donc de la mosquée un lieu fréquenté par les Harkis22, était une figure mal acceptée par beaucoup d’immigrés algériens. Cheikh Abbas, grâce à ses bonnes relations avec l’État algérien, s’acquittait de tâches diplomatiques, et parvenait également, en tant qu’Algérien, à unir efficacement Harkis et immigrés algériens autour de la mosquée de Paris23.
17Les recteurs de la Grande Mosquée étaient donc davantage utilisés par Paris et Alger pour résoudre des questions politiques et influer sur les alliances au sein de la communauté musulmane en France, tâches exigeant des relations et des capacités de négociation plus que de l’érudition religieuse. À partir des années 1980, un autre facteur gagne en importance et conduit Dalil Boubakeur au poste du recteur : la peur de l’islamisme radical. Dans ce contexte, la mosquée de Paris devient un lieu crucial pour les stratégies de prévention déployées par les autorités algériennes et françaises.
18Les autorités françaises acceptent tacitement l’emprise du pouvoir algérien sur la mosquée de Paris pour des questions d’ordre sécuritaire : après la révolution iranienne de 1979, les pouvoirs publics redoutent l’influence de l'ayatollah Khomeiny sur les musulmans vivant en France. Plusieurs événements les conduisent ensuite à percevoir l’islamisme comme une menace : l’assassinat du président égyptien Anouar el-Sadate par des partisans du groupe du Jihad islamique égyptien en 1981 ; plusieurs attaques à motivation islamiste contre la France au début des années 1980 ; et, enfin, l’influence croissante du mouvement islamiste en Algérie. Alain Boyer explique qu’à cette époque, les groupes islamistes algériens considéraient la France comme une base sûre à partir de laquelle ils pouvaient étendre leurs réseaux et coordonner leurs activités sans être trop gênés. Cette situation représentait également un risque sécuritaire élevé pour le gouvernement algérien, toujours très intéressé par le contrôle des émigrés algériens en France24. Ainsi, en 1987, le ministre français de l’Intérieur, Charles Pasqua, se rend en Algérie pour former une alliance contre « l’islamisme radical » avec des hommes politiques du pays : cette alliance comprend notamment un accord selon lequel le recteur de la mosquée de Paris sera mis en avant par les deux pays en tant que représentant des musulmans et de l’islam de France, et aura pour tâche de lutter contre les « courants islamiques radicaux » au nom d’un islam modéré25. Dans les années 1980, la mosquée de Paris devient ainsi un nœud de la coopération sécuritaire entre l’Algérie et la France. L’historien Sadek Sellam résume très bien la situation en écrivant : « Les craintes partagées des deux côtés de la Méditerranée mirent les aspects sécuritaires et diplomatiques au cœur de la politique musulmane de la France. La mosquée de Paris devint alors le haut lieu de ces peurs26. »
19Abbas El Hocine et son successeur Tedjini Haddam correspondaient au profil de personnages modérés requis. Le premier, qui ne parlait pas le français, n’eut de cesse d’appeler à la tolérance, au progrès et à la modernisation de l’islam et il rejeta avec véhémence les groupes islamistes prêts à recourir à la violence. Le second, nommé par le ministère algérien des Affaires religieuses en 1989, tint le même discours d’apaisement et de tolérance et s’impliqua dans le dialogue interreligieux et interculturel27.
Dalil Boubakeur : un choix algéro-français
20Deux enjeux de politique nationale et internationale sous-tendent principalement la nomination de Dalil Boubakeur comme recteur de la Grande Mosquée de Paris et rendent secondaires les compétences du candidat dans le domaine du savoir religieux : la peur de l’islamisme radical, qui atteint un sommet au début des années 1990, et la volonté française d’accélérer l’institutionnalisation de l’islam en France.
21Quand, en 1992, Tedjini Haddam est soudainement appelé au gouvernement de transition de l’Algérie, Dalil Boubakeur devient recteur de la mosquée de Paris – poste pour lequel il s’était déjà proposé en 1989 auprès du ministère des Affaires religieuses en Algérie, qui lui avait alors préféré Haddam. Comme celle de ses prédécesseurs, la nomination de Dalil Boubakeur est d’abord l’objet d’un grand désaccord entre différents acteurs. Le ministère de l’Intérieur propose le converti Yacoub Roty, mais le gouvernement algérien et l’Élysée s’accordent finalement sur Boubakeur28. À la fin des années 1980, le gouvernement algérien a peu à peu perdu sa légitimité à revendiquer de construire et représenter un islam national officiel, par exemple en orientant les sermons et les activités des imams et des érudits religieux qu’il nommait. Cette légitimité a surtout été sapée par le mouvement islamiste, très actif et en pleine expansion en Algérie. Après que ce mouvement a remporté le premier tour des élections avec le Front islamique du salut (FIS) en 1991 et que le pays a glissé vers la guerre civile, suite au coup d’État militaire du FLN, on a vu les médias et les acteurs politiques algériens instrumentaliser fortement le concept d’islam modéré, digne de soutien politique, qu’ils opposaient à l’islam radical ou fondamentaliste. Ce dernier est décrit comme « violent », « dirigé contre l’État », « politisé », « dangereux » ou « wahhabite », et incarné selon le gouvernement par le FIS29.
22Dans ce contexte, le gouvernement algérien décide d’ériger la Grande Mosquée de Paris comme un rempart contre « l’islamisme » dans le pays30. Ainsi, outre le fait que la mosquée est surveillée par la Direction algérienne du renseignement et de la sécurité (DRS) depuis cette époque, un inspecteur général des mosquées, expert reconnu des réseaux islamistes, est nommé pour contrôler et attirer à la mosquée le plus grand nombre possible d’acteurs algéro-musulmans en France31. En nommant Boubakeur recteur de la mosquée de Paris, les autorités algériennes espèrent contrer la propagation de l’islamisme parmi les émigrés en France : Boubakeur devait représenter un islam maghrébin sunnite, tolérant et traditionnel32. En tant que membre d’une grande confrérie tribale soufie en Algérie, il semblait particulièrement qualifié pour cette tâche, un fait qu’il a lui-même souligné à maintes reprises.
23Du côté de la politique française les intérêts du ministère de l’Intérieur et ceux de l’Élysée divergent. Pour le premier, l’indépendance vis-à-vis de l’étranger a la priorité : il soutient donc le converti français Yacoub Roty. L’Élysée, quant à lui, est sensible aux avantages sécuritaires de la mainmise algérienne sur la mosquée de Paris et soutient leur candidat, Dalil Boubakeur. Ce choix va s’imposer dans une atmosphère imprégnée, en France, de grands débats autour du danger que constituait « l’islamisme radical ».
24Quels sont les moteurs de ces débats ? Au cours de la guerre civile algérienne (1991-2002), des attentats terroristes sont perpétrés contre la France : la prise en otage d’un Airbus français à Alger en 1994 et l’attentat du RER B à la station Saint-Michel à Paris en 1995, tous deux revendiqués par le groupe terroriste algérien Groupe islamique armé (GIA). Avec la découverte de réseaux islamistes et terroristes algériens sur le sol français, la crainte de la violence s’intensifie33. Dans ce contexte, l’accord sécuritaire entre la France et l’Algérie est renouvelé et Charles Pasqua soutient les généraux algériens du Front de libération nationale (FLN) pour lutter contre le Front islamique du salut (FIS), classé comme islamiste radical34. Les autorités françaises recourent à diverses mesures : détentions, interdiction de « publications islamistes », descentes de police, contrôles d’identité et expulsions d’acteurs musulmans à une échelle jusque-là inconnue35. Ces actions sont largement diffusées dans les médias, ce qui conduit, comme l’écrit Thomas Deltombe, à un véritable « état de psychose » dans la population française36. Le discours sur l’« islam radical » est largement diffusé par les autorités politiques et par les médias, qui développent, en contrepoint, l’image positive d’un islam modéré, « paisible », « intégré », « éclairé », « de l’élite », « ouvert », « républicain », « français » ou « laïc »37. La lutte contre l’islamisme radical passe aussi par l’institutionnalisation de cet islam modéré. Au début des années 1990, la stratégie française se décline en plusieurs grandes ambitions – dont certaines referont surface dans le discours de « lutte contre les séparatismes » tenu par Emmanuel Macron le 2 octobre 2020.
25Tout d’abord, il y a la volonté d’organiser un islam indépendant des pays étrangers. Dalil Boubakeur ayant annoncé à plusieurs reprises qu’il préserverait la Grande Mosquée de Paris des influences étrangères, l’espoir s’est répandu que la mosquée puisse se détacher de l’Algérie et devenir le centre de l’islam indépendant en France38. Toutefois, la stratégie algéro-française plaçant la lutte contre l’islamisme au cœur de ses priorités a un impact contradictoire sur la politique française à l’égard de la mosquée de Paris et rend cet espoir irréalisable.
26Ensuite, vient l’ambition de faire émerger une variante française de l’islam intégrant les valeurs et le cadre juridique de la République. La gauche et la droite divergent sur ce point, mais s’accordent sur l’idée de transmettre des valeurs françaises par la formation d’imams en France et d’ancrer scientifiquement l’islam dans la société française, par exemple par la création de chaires d’islamologie dans les universités39.
27Enfin, des questions relatives au culte comme la fourniture de viande d’abattage halal, l’organisation du pèlerinage à La Mecque, la formation et l’emploi d’imams en France sont soulevées, ainsi que l’émergence d’un islam respectant le cadre juridique républicain et rejetant certaines normes découlant du droit musulman comme la polygamie. La création de structures claires de représentation de l’islam est également souhaitée, pour pouvoir déterminer les acteurs qui gèreront ces questions cultuelles et seront les interlocuteurs de l’État40.
28À partir de 1993, le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, place la Grande Mosquée de Paris en figure de proue d’un islam français respectueux des valeurs républicaines autour de laquelle le culte musulman en France pourrait être organisé41. Les activités de Dalil Boubakeur visent principalement à s’imposer comme le représentant de cet islam modéré et compatible avec la République qui combat l’islamisme radical et organise le culte, tout en restant au service de l’Algérie, qui continue à utiliser la mosquée comme avant-poste pour contrôler l’islam et l’islamisme en France.
Incarner un « islam républicain »
29Dalil Boubakeur parvient à atteindre ce double objectif par un intense travail de relations publiques qui comprend la publication de livres et d’articles, l’organisation de conférences à la mosquée, mais aussi des interventions dans la presse où il défend sans cesse un islam français respectueux du cadre juridique républicain et en incarne les valeurs. C’est dans cette perspective qu’il publie la Charte du culte musulman, remise au ministre de l’Intérieur en 1995, conçue comme un « manifeste anti-intégriste42 » qui présente la Grande Mosquée comme le centre autour duquel s’organisera l’islam modéré en France. Les caractéristiques de cet islam modéré constituent une réponse au climat politique de l’époque : il est décrit comme étant par essence une religion de paix et de non-violence43, de respect de tout être humain44 et de toutes les religions45. Les mosquées sont présentées comme des lieux apolitiques et neutres46, les musulmans comme des citoyens agissant dans le cadre juridique de la République et adhérant entièrement à ses valeurs47. À l’exception de ce dernier point, cette présentation correspond également à la rhétorique de l’État algérien de l’époque, Boubakeur se positionnant comme partenaire des stratégies politiques françaises et algériennes.
30De nombreux passages de la Charte du culte musulman reprennent des éléments du néo-républicanisme tel qu’il a été popularisé depuis la fin des années 1980 par des auteurs comme Régis Debray, Pierre André Taguieff et Henri Pena-Ruiz, notamment lorsque la charte présente l’islam modéré comme un islam des Lumières, promoteur de la connaissance et donnant la priorité à la raison en cas de conflit entre la raison et la tradition48. Il y est également souligné que la cohésion nationale s’appuie sur la volonté de vivre ensemble sur la base des valeurs de la République :
La cohésion sociale et l’unité nationale de la France ne sont pas fondées sur une ethnie ou une religion, mais sur une volonté, celle de vivre ensemble et de partager les principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et les valeurs républicaines. (art. 4, p. 41)
La Charte du culte musulman en France s’inscrit délibérément dans ce cadre. Elle affirme son apolitisme et sa neutralité, laissant à chacun des musulmans de France sa liberté d’opinion ou de conscience, conformément à la loi et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Pour rédiger cette charte, nous nous sommes appuyés sur un certain nombre de textes législatifs, à commencer par l’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées sur l’utilité commune. » (p. 63-64)
31Deux décennies durant, Dalil Boubakeur va poursuivre son objectif de construire un islam modéré de France, compatible avec les valeurs et lois de la République, à le justifier en invoquant l’histoire et des sources religieuses musulmanes, et de rejeter les interprétations politisées voire violentes de l’islam dans maintes prises de positions publiques ainsi que dans des publications telles que Foi et République (1995), Les Défis de l’islam (2002), Non ! L’Islam n’est pas une politique (2003), L’Islam de France sera libéral (2004) ou Lettre ouverte aux Français (2015).
Négocier entre la France et l’Algérie
32Boubakeur est en négociation continue avec le ministère français de l’Intérieur, en particulier avec le Bureau central des cultes (BCC), sur des sujets sensibles entre la France et l’Algérie. Nous reprenons ci-après à titre d’exemple un extrait de sa correspondance avec les autorités politiques concernant le débat sur la formation des imams en France au début des années 1990. Ces lettres montrent que Dalil Boubakeur instrumentalise la rhétorique sécuritaire de l’époque pour se présenter comme le défenseur acharné d’un islam modéré en France tout en agissant dans l’intérêt de l’État algérien.
33Boubakeur a recours une rhétorique sécuritaire. Ainsi, dans une lettre adressée au ministère de l’Intérieur en date du 7 décembre 1993, il estime que la situation en France est grave :
La situation, sans être critique est néanmoins grave. Les menées internationales fondamentalistes, intégristes et extrémistes conjuguent leurs efforts en FRANCE, pour déstabiliser une communauté majoritairement modérée lorsqu’elle est encadrée par les Imams de la mosquée de Paris49.
34Selon Boubakeur, pseudo-imams et extrémistes seraient actuellement en train de conquérir le territoire français et, poursuit-il dans la même lettre, les « conduites fanatiques rétrogrades » se propageraient dans le pays50. Bien plus, Boubakeur relie le caractère modéré des musulmans en France à l’activité de la Grande Mosquée de Paris. Ayant mis son rôle en avant, il affirme que seuls un important soutien financier et la constitution de la Grande Mosquée de Paris en pôle de référence pourraient empêcher la dangereuse propagation de l’islam radical en France51.
35Dans d’autres lettres inédites, Boubakeur utilise la même rhétorique sécuritaire pour soutenir l’envoi en grand nombre d’imams par l’Algérie plutôt que les initiatives de formation d’imams sur le sol français, envisagées par le ministère de l’Intérieur à l’époque. En effet, contrairement à des institutions concurrentes, l’Institut de formation des imams ouvert en 1993 à la Grande Mosquée de Paris n’a pas réussi à réellement démarrer ses activités. Les autorités françaises exercent de fortes pressions sur Boubakeur pour que la formation d’imams, qui n’existait que sur le papier, soit effectivement mise en pratique à la mosquée de Paris52. Cependant, cet objectif n’est pas atteint et l’institut ferme officiellement ses portes quelques années plus tard avant d’être rouvert en 2001.
36Dans une lettre adressée à Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, en 1993, Dalil Boubakeur explique que la formation d’imams en France constitue un objectif à long terme qu’il poursuivrait sans aucun doute avec l’ouverture récente de l’Institut de formation religieuse Al-Ghazali, rattaché à la Grande Mosquée53. Mais, en raison de la situation sécuritaire, selon lui alarmante, il plaide pour une solution plus rapide, soit l’envoi d’encore plus d’imams d’Algérie.
37Poursuivant cette politique, en mars 1997, Dalil Boubakeur demande à Jean-Louis Debré, ministre de l’Intérieur, des conditions d’obtention de visas plus souples pour les imams algériens dont la formation et les positions modérées seraient contrôlées par l’État algérien ; la France en aurait un besoin urgent pour neutraliser les idées islamistes sur son sol54 :
La maîtrise des dérives de la vie religieuse musulmane en France échappe de plus en plus à l’Autorité. Un Islam « dur » aura-t-il le monopole de la parole musulmane chez nous ? La société française s’interroge et nous vivons un vrai malaise. Pourtant, chacun sait que l’Islam humaniste et modéré a pour capitale la mosquée de Paris, et ses lieux dans nos mosquées contrôlées […]. Comme vous le savez, il y a une pénurie et un manque évident d’Imams compétents et respectueux des lois de la République française. Jusqu’à ce jour, faute de moyens financiers et de candidats sérieux, nous n’avons pas pu réaliser efficacement notre projet de formation d’Imams dans le cadre de notre Institut de Théologie à Paris. Pour répondre aux légitimes aspirations des musulmans de notre pays, tous les ministres de l’Intérieur de la République qui se sont succédé, se sont montrés compréhensifs et tolérants en nous permettant de faire venir, sur la base d’une sélection draconienne et contrôlée, des imams des pays musulmans (particulièrement d’Algérie) en assouplissant les procédures d’obtention de visas et de séjour. […]. Pour nous permettre aujourd’hui de mieux neutraliser le développement dangereux de l’Islamisme en France, je prends la liberté de soumettre à votre haute et bienveillante attention l’examen de notre présente requête relative aux visas de séjour d’Enseignants-Imams en provenance d’Algérie55.
38Quelles que soient les motivations de Dalil Boubakeur, ce passage montre clairement qu’il s’inscrivait dans deux missions : d’une part, se présenter aux Français comme un interlocuteur privilégié et l’organisateur de l’islam modéré en France et, d’autre part, œuvrer pour les intérêts algériens par l’envoi d’imams en France, envois qu’il justifiait auprès des autorités françaises en termes de politique de sécurité.
De vaines tentatives pour organiser l’islam en France
39Dalil Boubakeur remplit son rôle de représentant de l’islam modéré en France à travers ses efforts pour fonder des organisations qui, comme l’exigeait la politique française, devaient prendre en charge la régulation administrative des affaires musulmanes, en dialogue avec l’État. À partir de 1992, Dalil Boubakeur prit la tête de plusieurs organisations, souvent éphémères et peu efficaces, qui visaient à rassembler les différents acteurs musulmans en France, tout en voulant instituer la Grande Mosquée de Paris comme le centre de l’islam modéré en France. Ces initiatives avaient pour but de répondre à la tentative du ministère de l’Intérieur de structurer le paysage musulman par le haut, autour de la Grande Mosquée de Paris, tout en abandonnant la précédente initiative du Conseil d’orientation et de réflexion sur l’islam de France (CORIF), lancée par Pierre Joxe en 1990, qui réunissait des courants et acteurs musulmans variés56. Boubakeur devait donc prouver au ministère de l’Intérieur qu’il était capable de fédérer les tendances modérées autour de la mosquée de Paris et il s’efforça par conséquent d’investir plusieurs associations musulmanes. Ainsi, il présida l’informelle Coordination nationale des musulmans de France (CNMF, fondé en 1992 juste après sa nomination, avec l’appui du ministère de l’Intérieur) ainsi que le conseil qui lui succéda, le Conseil consultatif des musulmans de France (CCMF, fondé en 1993), qui regroupait le CNMF, l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), pour un court moment la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) ainsi que le Tabligh57. Au moment où pratiquement tous les acteurs, sauf les partisans de Boubakeur, avaient quitté le CCFM, notamment après des disputes autour du rôle central accordé à la mosquée de Paris dans la Charte du culte musulman, ce dernier fut ironiquement renommé Conseil représentatif des musulmans de France (CRMF)58. Les initiatives de Boubakeur furent désormais principalement soutenues par les amis de la Grande Mosquée de Paris59.
40Dalil Boubakeur tenta aussi de mettre en place une organisation et un contrôle hiérarchisés des imams en France : il soutient la création du Conseil des imams, en 1993, puis des structures qui lui ont succédé comme le Conseil supérieur des mosquées de France, et qui sont associées au CCMF. Selon ce modèle, les imams travaillant dans une région devaient élire un porte-parole chargé de signaler leurs préoccupations au CRMF60. Le grand imam, nommé aussi imam régional, devait veiller au niveau de connaissances en français des imams travaillant dans sa région et s’assurer qu’ils aient suivi une formation religieuse reconnue61. Bien que Boubakeur compare ce modèle à l’organisation de l’Église catholique à laquelle il déclare l’avoir emprunté62, cette structure découle plus vraisemblablement du modèle algérien d’organisation du culte musulman. En effet, pour contrôler les prêcheurs, le ministère des Affaires religieuses s’appuie sur les imams régionaux chargés de signaler les éventuels dysfonctionnements survenus dans leurs régions63.
41En vue de nourrir le dialogue avec l’État français, Boubakeur informe aussi régulièrement les autorités françaises des réunions, des activités et des décisions prises par ces conseils. Cependant, les imams représentés dans les conseils boubakeuriens sont en grande majorité ceux envoyés par l’État algérien et ils ne représentent nullement la diversité des courants musulmans en France. La représentativité revendiquée par Boubakeur reste donc limitée.
42Cela n’empêche pas Boubakeur de promouvoir le Conseil des imams comme la seule autorité en France de façon à « protéger » les musulmans en France des fatwas émises par d’autres acteurs :
À l’issue de ces débats, l’ensemble des membres présents ont décidé conformément à l’article 23 de la Charte et dans le cadre de l’organisation du culte musulman la création d’un Conseil Régional des Imams, afin d’assurer la coordination des activités cultuelles en particulier la fixation des dates religieuses du calendrier musulman et d’unifier l’émission des avis juridico-théologiques (FETWA). Conscient de ses responsabilités, le Conseil des Imams informe la communauté musulmane pour la soustraire à tout avis religieux irresponsable émis par des personnes incompétentes, qu’il est le seul compétent de concert avec la commission cultuelle permanente à émettre des avis juridico-théologiques64.
43La conjoncture et les décisions politiques du début des années 1990 nécessitaient des acteurs musulmans qui rassurent l’opinion publique en défendant l’islam modéré et promettent de l’institutionnaliser en contact étroit avec l’État. C’est ce qui a permis à Dalil Boubakeur de s’ériger comme le représentant de l’islam modéré en France au début des années 1990 même s’il est loin d’être reconnu comme expert en matière de religion.
La question du savoir religieux
44La question de l’érudition islamique n’est toutefois pas sans importance. Nous avons vu que même Charles Pasqua, dans son éloge de Boubakeur, faisait référence à son savoir religieux et à son autorité auprès des imams en matière de fiqh. Des questions liées au droit musulman, comme celle de la polygamie, faisaient partie des préoccupations sociales et politiques de l’époque. Les compétences de la mosquée de Paris dans le domaine du fiqh n’étaient donc pas sans importance : des positions juridiques musulmanes « justes » devaient produire l’effet souhaité, à savoir rendre l’islam compatible avec le cadre juridique français. Boubakeur a répondu à cette demande en soulignant que le Conseil des imams possédait ces compétences et qu’il devait devenir une autorité nationale en matière de droit musulman. Il ne précisait toutefois pas – du moins pas dans les documents auxquels nous avons eu accès – quelles positions les membres de ce conseil défendraient. De plus, la grande majorité de ces imams étant envoyés d’Algérie65, leur formation et leur compétence étaient examinées par le ministère algérien des Affaires religieuses et non pas par Boubakeur.
45Si Boubakeur est parvenu à diffuser l’image d’un islam modéré auprès du public français, il est toutefois apparu clairement, dès le milieu des années 1990, que le recteur n’allait pas satisfaire les attentes des autorités françaises, du fait de son déficit d’autorité religieuse auprès des musulmans de France. Certes, il jouit d’une certaine autorité au sein de la branche parisienne des Ouled Sidi Cheikh, fondée quand son père était recteur de la Mosquée en 1957. La fraction des Ouled Sidi Cheikh qui l’avait suivi à Paris avait nommé Hamza puis, après sa mort en 1995, son fils Dalil, chef de leur groupe auquel ils jurent obéissance66. Dalil Boubakeur peut donc être assuré de leur loyauté et ils soutiennent normalement ses décisions67. Comme ils représentent une majorité des membres de la Société des habous et des lieux saints de l’islam, ils ont aussi un certain poids dans les affaires de la Grande Mosquée et y renforcent le pouvoir du recteur, même si les cadres administratifs détachés depuis l’Algérie et parfois le gouvernement algérien lui-même s’en mêlent régulièrement. Toutefois, par-delà ce cercle des fidèles de la Grande Mosquée de Paris, Boubakeur n’a pas su établir un dialogue avec les musulmans de France, peu intéressés par les structures qu’il proposait. Le fait que Boubakeur n’est pas un savant religieux a joué un rôle non négligeable dans cet échec, l’empêchant d’être reconnu comme représentant des musulmans de France, et ternissant aussi le prestige de la Grande Mosquée.
46Le poste de recteur créé par Hamza Boubakeur est sans équivalent dans l’organisation des mosquées ailleurs en Europe. En France, comme dans d’autres pays européens, une division du travail prévaut d’ordinaire entre, d’une part, l’association gestionnaire d’une mosquée et le personnel responsable de son administration et, d’autre part, l’imam embauché pour s’occuper du culte. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, lui, cumule des fonctions à la fois administratives, politiques et religieuses. Administratives et politiques dans le sens où, en tant que chef de la mosquée, il négocie avec les gouvernements français et algérien la place de cette dernière dans l’organisation de l’islam en France, ainsi que le financement et le type d’activités qui y sont organisées. Cependant, sa fonction est aussi religieuse puisque le recteur est considéré comme le représentant le plus en vue de l’islam à l’échelle nationale, celui qui en façonne l’image dans l’Hexagone, incarne les positions religieuses de la mosquée et les défend devant le public français et les musulmans de France. Théoriquement, le recteur a aussi la responsabilité du culte, notamment en dirigeant la prière du vendredi à la mosquée et en délivrant les sermons.
47Dans ce contexte, son manque d’érudition religieuse apparaît comme l’une des raisons pour lesquelles Dalil Boubakeur est devenu le recteur le plus contesté dans l’histoire de la mosquée de Paris. Dans la France et ses musulmans, Sadek Sellam explique que le manque manifeste de connaissances de Boubakeur dans le domaine du fiqh a non seulement conduit à son désaveu par les musulmans en France mais aussi au refus de subventions de la part d’acteurs islamiques ainsi qu’à sa marginalisation croissante au sein de son propre conseil, le CRMF. Toujours selon Sellam, ce manque de savoir dans le domaine religieux aurait longtemps été compensé par la présence à la mosquée de cadres détenteurs d’une plus large érudition arabe et islamique que celle de Boubakeur68.
48Depuis la nomination de Dalil Boubakeur, une division du travail s’est instaurée à la Grande Mosquée pour pallier le manque d’érudition du recteur. Des imams et des professeurs dotés d’une éducation religieuse plus au moins approfondie, nommés et employés par le ministère des Affaires religieuses algérien sont chargés des sermons, de l’enseignement à l’institut de formation religieuse Al-Ghazali (relancé en 2001) ou de l’émission de fatwas69. Le ‘ilm y semble conçu comme une expertise exercée par les savants réunis au sein de la commission des fatwas qui répondent aux questions des fidèles, par le personnel assurant la leçon et le sermon du vendredi ou des grandes fêtes et, enfin, par les professeurs de l’institut, qui offre une formation religieuse de trois ans. C’est probablement ce qui explique pourquoi la mosquée demeure populaire auprès de nombreux musulmans en France, qui s’y rendent pour participer à la prière du vendredi et écouter le sermon donné à cette occasion ou à celles des fêtes religieuses, ou bien auprès de ceux qui contactent le service religieux de la mosquée, ce dernier comprenant un conseil des fatwas répondant aux questions sur les normes religieuses70. Comme on a pu l’observer durant notre séjour de recherche à la mosquée en 2008-2009, c’est par peur des érudits autoproclamés ou de ceux qui adhèrent, par exemple, à des interprétations salafistes vues comme fausses, que de nombreux musulmans, souvent algériens ou d’origine algérienne, s’orientent vers les déclarations de la mosquée considérées à la fois comme plus fiables et comme « malékites traditionnelles ». Ces croyants accordent ainsi leur confiance à la formation religieuse de son personnel, même si d’autres critiquent ces imams détachés qu’ils considèrent comme des agents de l’Algérie. La réputation assez positive du personnel religieux de la mosquée de Paris que nous avons pu constater lors de nombreux entretiens informels est diamétralement opposée à celle de Dalil Boubakeur et aux décisions politiques et publiques associées à la gestion de la mosquée en général. Ceci montre le poids symbolique du savoir religieux dans l’image de cette institution, le ‘ilm ne pouvant être négligé sans entraîner de conséquences ou de réactions négatives parmi les musulmans français. Chems-Eddine Hafiz, le recteur actuel, élu le 11 janvier 2020 pour succéder à Dalil Boubakeur, n’est pas non plus un érudit musulman. Si l’on peut voir dans sa nomination, là encore, un acte hautement politique, il faudra sans doute être aussi attentif à la place accordée au savoir religieux sous sa direction pour mesurer la capacité de Chems-Eddine Hafiz à redonner à la Grande Mosquée de Paris un rôle national structurant.
Grande Mosquée de Paris

Christian Wouters (CC BY-NC-ND 4.0)
Notes de bas de page
1 Bernard Godard & Sylvie Taussig, Les Musulmans en France. Courants, institutions, communautés. Un état des lieux, Paris, Robert Laffont, 2007, p. 168.
2 Remise des insignes de chevalier de la Légion d’honneur à Dalil Boubakeur, Intervention de Monsieur Charles Pasqua. Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, jeudi 23 mars 1995, Archives nationales, AN 19970154, article 5, 1.1.
3 Sadek Sellam, La France et ses musulmans. Un siècle de politique musulmane. 1895-2005, Paris, Fayard, 2006, p. 292-293.
4 Notes de préparation de la visite de Daniel Vaillant au gouvernement algérien en février 2001, circulant au ministère de l’Intérieur sous Alain Billon, 23 janvier 2001, Archives nationales, AN 20050132, article 1.
5 Alain Boyer, L’Islam en Fance, Paris, PUF, 1998, p. 201.
6 Ces analyses s’appuient sur différentes sources : outre la littérature secondaire sur le sujet, les publications de Dalil Boubakeur ; la correspondance interne entre Boubakeur et les autorités françaises ; des discours, rapports et notes circulant dans les ministères français, dépouillées aux Archives nationales de France ou au Bureau central des cultes. Enfin, elles se fondent sur des observations effectuées en 2008-2009, dans le cadre d’une thèse de doctorat sur la Grande Mosquée de Paris (Ricarda Stegmann, Verflochtene Identitäten. Die Große Moschee von Paris zwischen Algerien und Frankreich, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2018).
7 Serge de Sampigny, Quand l’Algérie était française. 1830-1962 [DVD], Paris, M6 Vidéo/C-Production, 2016, min. 13-16.
8 Bernard Godard & Sylvie Taussig, Les Musulmans en France. Courants, institutions, communautés. Un état des lieux, Paris, op.cit., p. 258.
9 Sadek Sellam, La France et ses musulmans, op. cit., p. 258.
10 Ibidem, p. 257.
11 Mohammed Telhine, L’islam et les musulmans en France, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 206.
12 Ibid.
13 Cheikh Si Hamza Boubakeur, Un soufi algérien, Sidi Cheikh : sa vie, son œuvre, son rôle historique, ses descendants (Oulâd Sidi-Cheikh), Paris, Maisonneuve et Larose, 1990, p. 274.
14 Mohammed Telhine, L’Islam et les musulmans en France. Une histoire de mosquées, op. cit., p. 206-207. Sur ordre du Conseil d’État, la nomination du recteur par les autorités françaises doit être révoquée en vertu de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. Le gouvernement algérien déclare également les fonctions que Boubakeur prend à la mosquée juridiquement invalides. Toutes les tentatives pour doter la mosquée d’une administration légale échouent mais Boubakeur refuse de renoncer à ses fonctions, conservant donc son poste et agissant comme porte-parole des musulmans de France jusqu’en 1982, Ibid., p. 208-209.
15 Mohammed Telhine, L’Islam et les musulmans en France, op. cit., p. 206.
16 Document intitulé « Récapitulation chronologique des principaux événements concernant l’Institut Musulman de Paris », non-publié et sans auteur, provenant des archives du Bureau central des cultes.
17 Sidi Cheikh est un saint soufi du xvie siècle que les Ouled Sidi Cheikh vénèrent. Voir Cheikh Si Hamza Boubakeur, Un soufi algérien, Sidi Cheikh, op. cit., p. 274.
18 Sadek Sellam, La France et ses musulmans, op. cit., p. 271-272, Mohammed Telhine, L’Islam et les musulmans en France, op. cit., p. 220-221.
19 Bernard Godard & Sylvie Taussig, Les Musulmans en France, op. cit., p. 165, Mohammed Telhine, L’Islam et les musulmans en France, op. cit., p. 272.
20 En 1982, l’assemblée générale de la Société des habous décide sur sa proposition le transfert du patrimoine de l’Institut musulman à l’État algérien – décision qui n’a pas eu de conséquence juridique car les démarches nécessaires pour valider la décision n’ont pas été poursuivies. Néanmoins, le gouvernement algérien comprend la mosquée de Paris désormais comme institution qui lui appartient. Voir Alain Boyer, L’Institut musulman de la mosquée de Paris, Paris, Centre des hautes études d’administration musulmane, 1992, p. 43-53.
21 Nicolas Beau, Paris, capitale arabe, Paris, Seuil, 1995, p. 224-225.
22 Mohammed Telhine, L’Islam et les musulmans en France, op. cit., p. 277.
23 Gilles Kepel, Les Banlieues de l’islam. Naissance d’une religion en France, 1991, Paris, Seuil, p. 324-329 ; Nicolas Beau, Paris, capitale arabe, op. cit., p. 223-230.
24 Alain Boyer, L’Islam en Fance, op. cit., p. 201.
25 Constanze von Krosigk, Der Islam in Frankreich. Laizistische Religionspolitik von 1974 bis 1999, Hamburg, Dr. Kovac, 2000, p. 258.
26 Sadek Sellam, La France et ses musulmans, op. cit., p. 271.
27 Nicolas Beau, Paris, capitale arabe, op. cit., p. 232.
28 Bernard Godard & Sylvie Taussig, Les Musulmans en France, op. cit., p. 167.
29 Kate Zebiri, « Islamic Revival in Algeria. An Overview », The Muslim World, vol. 83, no 3-4, 1993, p. 212.
30 Alain Boyer, L’Institut musulman de la mosquée de Paris, op. cit., p. 53 et 57.
31 Notes de préparation de la visite de Daniel Vaillant au gouvernement algérien en février 2001, circulant au ministère de l’Intérieur sous Alain Billon, 23 janvier 2001, Archives nationales, AN 20050132, article 1.
32 Nicolas Beau, Paris, capitale arabe, op. cit., p 222.
33 Constanze von Krosigk, Der Islam in Frankreich, op. cit., p. 260-262 ; Thomas Deltombe, L’Islam imaginaire. La construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005, Paris, La Découverte, 2007, p. 170-171 et 198.
34 Thomas Deltombe, L’Islam imaginaire, op. cit., p. 200-206.
35 Constanze von Krosigk, Der Islam in Frankreich, op. cit., p. 259.
36 Thomas Deltombe, L’Islam imaginaire, op. cit., p. 209.
37 Ibid., p. 218-219.
38 Constanze von Krosigk, Der Islam in Frankreich, op. cit., p. 153.
39 Ibid., p. 156-157.
40 Ibid., p. 153-160.
41 Thomas Deltombe, L’Islam imaginaire, op. cit., p. 215-216; Constanze von Krosigk, Der Islam in Frankreich, op. cit., p. 233.
42 Sadek Sellam, La France et ses musulmans, op. cit., p. 291.
43 Dalil Boubakeur, Charte du culte musulman en France, Monaco, Éditions du Rocher, 1995, p. 45, 67 et 74.
44 Ibid., p. 46.
45 Ibid., p. 59.
46 Ibid., p. 47.
47 Ibid., p. 55.
48 Ibid., p. 70-83. Notons que cette rhétorique a également été utilisée par les présidents algériens Boumedienne et Bouteflika, notamment dans leur lutte contre les courants islamiques radicaux. Autre signe que les propos de Dalil Boubakeur ne sont pas simplement ceux d’un acteur musulman démontrant sa capacité à s’intégrer dans le contexte français, mais qu’ils servent en même temps les exigences de l’État algérien.
49 « État de l’Islam en France », rapport de Dalil Boubakeur au ministère de l’Intérieur français datant du 7 décembre 1993. Archives nationales, AN 19971054, art. 5, 1.1.
50 Ibid.
51 Ibid.
52 « Institut de Théologie », note du ministère de l’Intérieur (sans mention d’auteur) datée du 16 novembre 1993. Archives nationales, AN 19970154, art. 5, 1.1.
53 Lettre de Dalil Boubakeur adressée à Alain Juppé le 27 août 1993. Archives nationales, AN 19970154, art. 5.1.1.
54 Lettre de Dalil Boubakeur adressée à Jean-Louis Debré le 28 mars 1997. Archives nationales, AN 19970154, art. 5.1.1.
55 Ibid.
56 Alain Boyer, L’Islam en Fance, op. cit., p. 213-214.
57 Mouvement musulman sunnite, fondé en 1926 dans l’Inde britannique et aujourd’hui actif à l’échelle globale. Les groupes du Tabligh se caractérisent par des activités missionnaires et le focus est mis sur la piété et la pratique religieuse.
58 Alain Boyer, L’Islam en Fance, op. cit., p. 215.
59 Bernard Godard & Sylvie Taussig, Les Musulmans en France, op. cit., p. 360.
60 Dalil Boubakeur, Charte du culte musulman en France, p. 95.
61 Ibid., p. 95.
62 Ibid., p. 37.
63 Hanspeter Mattes, « Die staatliche Religionspolitik in Algerien im Umbruch. Vom Lavieren zur profilierten Steuerung », in Sigrid Faath (dir.), Staatliche Religionspolitik in Nordafrika/Nahost. Ein Instrument für modernisierende Reformen ?, Hamburg, GIGA Institut für Nahost-Studien, 2007, p. 75. [En ligne] https://epub.sub.uni-hamburg.de/epub/volltexte/2015/40954/pdf/wuquf_2007_staatliche_religionspolitik.pdf [archive]
64 Communiqué de Dalil Boubakeur adressé au ministère de l’Intérieur le 13 juin 1996, Archives nationales, AN 19970154, art. 5.1.1.
65 Alain Boyer, L’Islam en Fance, op. cit., p. 217.
66 Certification de nomination de Dalil Boubakeur/français le 04.03.1995, AN 19973074, art. 3, 2+4. Certification de nomination de Dalil Boubakeur/arabe le 04.03.1995, AN 19973074, art. 3, 2+4.
67 Sadek Sellam, La France et ses musulmans, op. cit., p. 292-293.
68 Ibid., p. 291-293.
69 Bernard Godard & Sylvie Taussig, Les Musulmans en France. Courants, institutions, communautés. Un état des lieux, Paris, op.cit., p. 398 ainsi que données récoltées sur le terrain par l’autrice en 2008-2009 et 2016.
70 Données récoltées sur le terrain par l’autrice en 2008-2009 et 2016.
Auteur
Université de Fribourg, département des sciences sociales

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