Muhammad al-Hajwi (1874-1956)
Créer la femme marocaine moderne
p. 84-103
Texte intégral
Muhammad al-Hajwi (1874-1956)

Christian Wouters (CC BY-NC-ND 4.0)
1Muhammad al-Hajwi, l’un des plus ardents réformateurs marocains, rédige, en 1933, un traité intitulé l’Éducation des filles, non le dévoilement des femmes (Ta‘lîm al-fatayât lâ sufûr al-mar’a)1 dans lequel il expose sa conception novatrice de l’accès des jeunes filles à l’instruction. Il préconise de remplacer les écoles coraniques de quartier et les ateliers d’apprentissage, qui constituent alors les cadres informels de l’éducation féminine, par des écoles primaires placées sous direction française. Dans le même texte, il s’exprime aussi contre l’abandon du voile, l’accès des femmes à la sphère publique, la mixité et l’égalité des sexes. À travers son argumentation, Hajwi énonce sa vision de la condition féminine, de la famille et de la femme marocaine moderne.
2Préoccupé par ce qu’il perçoit comme le retard social et culturel du Maroc et aspirant à l’abandon de pratiques oppressives envers les femmes, il fait de l’amélioration de l’éducation la thématique centrale de sa pensée et de la réforme de l’enseignement l’objectif premier de ses activités publiques. Sans rien dissimuler de son attrait pour les vertus de la civilisation européenne, il souhaite néanmoins que le renouveau de la société marocaine se manifeste dans le cadre arabo-musulman2. Ce faisant, Hajwi s’inscrit simultanément dans plusieurs cadres épistémologiques : la théologie et la jurisprudence islamiques, les normes et préoccupations prédominant dans la société marocaine de son époque, les récits modernisateurs et nationalistes qui circulent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et les idées ayant cours dans l’Europe métropolitaine. Dans son projet éclectique, il combine les institutions de l’État colonial ainsi que les idées et pratiques occidentales qu’il pense être utiles à la société marocaine avec des ressources, un vocabulaire et des idées issus de l’histoire arabo-musulmane ainsi que du droit, des principes moraux et de la culture islamiques.
Un intermédiaire culturel
3Muhammad al-Hajwi naît en 1874 dans une famille de notables de Fès. Il grandit dans un environnement hautement cultivé et cosmopolite qui entretient des liens étroits avec des milieux économiques et intellectuels hors du Maroc3. Son père, Hasan ibn al-‘Arabi al-Hajwi, mort en 1910, est un commerçant prospère qui a sillonné l’Europe et le Moyen-Orient arabe, a vécu six ans (de 1882 à 1888) à Manchester, en Angleterre, et parle anglais et espagnol. C’est lui qui initie son fils aux idées en vogue à l’époque dans d’autres régions du monde4. Le jeune Hajwi est élevé par sa mère, qui appartient à la famille Guennoun de Fès, l’une des plus prestigieuses du Maroc. Dans son autobiographie, Hajwi attribue avec fierté sa formation religieuse et morale à sa mère et à sa grand-mère paternelle. Il dit tenir de ces dernières son amour de l’étude, du savoir, de la vertu, de la dévotion religieuse et de la piété5. Comme il en fait état dans le passage suivant, la pensée de Hajwi et son souci de l’éducation féminine, qu’il conserve sa vie durant, trouvent leur origine dans sa petite enfance :
L’éducation que j’ai reçue enfant a influencé ma vie et rend évident à mes yeux que l’éducation dispensée par les mères est essentielle pour former des hommes utiles et préparer les nations à leur renouveau. C’est pourquoi je pense qu’il est nécessaire d’éduquer [les mères] et de les former par un enseignement qui reflète le respect pour notre religion, enrichisse l’avenir de nos enfants et fasse d’elles des membres utiles de notre société. Nous ne pouvons pas faire l’économie de leur soutien à l’éducation des hommes de demain dont dépend l’existence du pays, ni [nous passer] de les former dans l’art d’élever les enfants et d’administrer le foyer, leur donner les bases en matière de santé et de religion, leur inculquer la mémorisation du Coran ou d’une partie de celui-ci, le calcul, la géographie, l’histoire, l’arabe, les belles lettres véritables et non les œuvres d’imagination, ainsi que les autres sujets leur permettant d’assumer leurs responsabilités et d’éclairer leur chemin. De même, l’exercice physique joue un rôle important pour former et fortifier les corps6.
4À l’âge de seize ans, il entre à l’université Qarawiyyin, la plus prestigieuse institution d’enseignement musulman de Fès. Quelques années plus tard, alors qu’il a vingt-quatre ans, c’est à son tour d’y former les étudiants. En parallèle, suivant la voie de son père, il entame une carrière dans le commerce. Comme il le reconnaîtra plus tard, en plus d’être indispensables à sa carrière professionnelle, ses activités et relations commerciales lui permettent de développer sa sensibilité culturelle et son savoir. Dans sa fahrasa (une sorte de curriculum vitae), Hajwi mentionne plusieurs commerçants réputés et enseignants distingués de la Qarawiyyin qui l’ont beaucoup influencé sur le plan intellectuel7. Pour lui, les domaines de l’éducation et du commerce sont étroitement liés et il s’efforcera tout au long de sa vie et de sa carrière de créer des ponts entre ces deux sphères.
5La première décennie du xxe siècle, période durant laquelle le Maroc subit de fortes pressions extérieures et connaît une importante agitation intérieure, fournit à Hajwi l’occasion de se rapprocher des cercles politiques au pouvoir8. De 1900 à 1905, il assume différentes responsabilités dans le gouvernement, ou Makhzen, du sultan Abdelaziz, dont celle de vice-roi (nâ’ib al-malik) à la frontière avec l’Algérie, fonction à laquelle il est élevé en 1904. La frontière orientale, mal définie, est une source de tensions constantes entre le Makhzen et la France. Le sultan a besoin d’un représentant sur place pour surveiller les éléments perturbateurs. Hajwi prend alors en main les affaires administratives et le maintien de la sécurité militaire dans la région9. La même année, le sultan le charge d’une mission en Algérie.
6Hajwi se révèle un administrateur habile et ambitieux qui s’élève rapidement dans la hiérarchie de l’État. Jouissant de l’oreille et de la confiance du sultan, qu’il représente, il est un précieux intermédiaire diplomatique et culturel avec la France et on lui confie la conduite de plusieurs délégations dans le pays ainsi qu’en Algérie et en Tunisie. Il établit un solide réseau de contacts culturels qui franchit les frontières politiques et sociales, et qui couvre la France chrétienne et le Maroc musulman ainsi que plusieurs pays du Maghreb et divers secteurs de la société marocaine. Les postes qu’il occupe successivement lui donnent accès au gouvernement marocain, lui permettant ainsi d’acquérir d’importantes compétences relatives aux affaires des ministères de la Guerre, des Finances et des Affaires étrangères. Sur la base de ses observations, Hajwi acquiert la conviction que la société et le système politique marocains sont vulnérables et que des réformes urgentes sont nécessaires pour moderniser le pays face à l’agression coloniale et à la décomposition interne. Sa carrière lui permet également de nouer des relations politiques avec l’administration coloniale française en Algérie et de se former à la diplomatie de haut vol. La pensée de Hajwi est profondément influencée par ces échanges interculturels. Il se fait le chantre de la réforme du système éducatif qu’il voit comme un moyen de moderniser la société marocaine, et est très impressionné par la culture politique et diplomatique française.
7La fortune politique de Hajwi tourne en 1905. Ses liens étroits avec l’administration française en Algérie lui valent de vives critiques et le Makhzen lui retire ses faveurs à la suite de l’intervention de plusieurs ministres influents. Relevé de ses fonctions, il est isolé politiquement et exclu du cercle du pouvoir. Hajwi passe l’essentiel des sept années suivantes à Fès où il se consacre à l’enseignement et au commerce. En 1912, durant les derniers jours du Makhzen de Abdelhafid, il est nommé adjoint du grand vizir pour l’éducation, poste qui correspond à celui de directeur général du système éducatif marocain10.
8Hajwi conserve ses fonctions sous le protectorat français jusqu’en 1914, se gagnant la réputation d’être un moderniste et un réformiste résolu qui aspire à refondre les institutions d’enseignement et à transformer la conception même du savoir. De son point de vue, le savoir islamique (‘ilm) et l’enseignement traditionnel sont arriérés et dans une situation de décrépitude (haram) affligeante. Les oulémas se préoccupent avant tout d’être fidèles à leur école juridique (madhhab). Aussi, ils se consacrent principalement à transmettre (naql) les principes de cette école en matière d’avis juridiques sans en connaître les fondements textuels. Plus personne ne s’emploie à une compréhension véritable du Coran et de la sunna du Prophète ni ne maîtrise les méthodes du raisonnement juridique. Pour Hajwi, la religion (dîn) du prophète Muhammad et des pieux ancêtres (al-salaf al-sâlih) fait autorité. À partir de ce modèle idéal, il prône une connaissance parfaite des sources textuelles de la religion ainsi que l’élimination de la pratique du taqlîd (le respect aveugle des avis juridiques existants) au profit de l’exercice de l’ijtihâd (les efforts d’interprétation juridique), le tout combiné à l’étude des sciences profanes. Son projet de modernisation insiste sur l’interaction entre les cultures, soulignant à la fois la nécessité d’apprendre de l’Europe et l’importance de l’éducation arabo-musulmane comme voie la plus efficace du progrès de la nation. Hajwi s’exprime tout particulièrement en faveur de la modernisation de l’éducation musulmane, de la scolarisation des enfants musulmans dans les écoles primaires françaises et de l’intégration des études arabes et islamiques dans le programme d’enseignement. Il appelle aussi à une réforme et à une réorganisation en profondeur de l’université Qarawiyyin. Ses efforts se heurtent à une vive résistance et à des critiques acerbes de la part des oulémas et des élites politiques qui s’opposent aux réformes en faisant valoir qu’elles représentent un danger politique et ne font que camoufler la domination culturelle française. Déçu, il démissionne de ses fonctions et se retire à Fès où il reprend ses activités dans l’enseignement et le commerce11.
9En 1919, le sultan Youssef lui donne l’ordre de se joindre à une délégation se rendant en France pour assister aux cérémonies du 14 juillet qui sont l’occasion, cette année-là, de célébrer la victoire des Alliés dans la Première Guerre mondiale. Outre Bordeaux, la cité portuaire où il accoste, Hajwi visite Paris ainsi que l’Alsace et la Lorraine où il est témoin de l’étendue des destructions causées par la guerre. Une fois sa mission accomplie, Hajwi se rend de manière privée en Angleterre pour visiter Londres et Manchester. Son récit de voyage (rihla) illustre son rôle d’intermédiaire cherchant à faciliter la compréhension et la communication entre plusieurs cultures12.
10En 1921, Hajwi est nommé délégué à l’Enseignement, autrement dit représentant du sultan pour l’éducation. Il occupe cette fonction jusqu’en 1939, s’occupant aussi bien du système traditionnel musulman que des établissements publics français. C’est dans ce contexte qu’il rédige le texte qui est au centre de ce chapitre.
L’enseignement des jeunes filles dans le Maroc colonial
11L’enseignement français pour les musulmans marocains avait pour double objectif de contribuer à la modernisation économique du Maroc et de maintenir la stabilité sociale et culturelle du pays en préservant l’autorité des élites indigènes sur lesquelles s’appuyaient les Français13. C’est en vertu de cette logique coloniale que la France, en 1913, crée un système d’enseignement primaire pour les jeunes filles musulmanes. Les établissements scolaires s’inspirent des ateliers d’apprentissage ou ouvroirs (dâr al-mu‘allima) du Maghreb précolonial. Dans ce système, une femme habile aux travaux d’aiguille (mu‘allima) enseignait à son domicile les arts féminins et domestiques à des jeunes filles de l’élite musulmane citadine14. Dans les nouvelles écoles sous l’autorité de directrices françaises, les mu‘allimât ne conservent qu’un rôle secondaire. On y apprend aux jeunes filles à lire et écrire en arabe et on leur dispense une instruction coranique. Une bonne partie du programme est consacrée à l’instruction professionnelle et aux travaux manuels féminins, dont la broderie et la couture. On inculque aussi aux filles les bonnes manières, la gestion ménagère et l’hygiène15.
12Malgré ses ambitions modestes, l’enseignement colonial est en rupture avec les anciennes institutions dans sa manière de concevoir l’éducation des jeunes filles musulmanes. Un système fondé sur les règles et la discipline remplace le cadre informel des mosquées, des écoles coraniques ou des ateliers d’apprentissage à domicile. L’accent est volontairement mis sur la lecture et l’écriture de l’arabe plus que sur la récitation du Coran. Les espaces de travail et le personnel sont entièrement réorganisés16. L’intérêt des Marocains pour ces établissements s’avère limité. En 1929, 1 915 jeunes filles musulmanes sont inscrites dans les écoles françaises soit 20,5 % de l’ensemble des enfants scolarisés. En 1933, leur nombre se monte à 3 250, une augmentation certaine mais qui ne représente toujours que 20,7 % du total des élèves musulmans17. Les familles de notables hésitent à envoyer leurs filles dans des écoles étrangères par crainte qu’elles ne soient exposées à une influence néfaste et que leur réputation n’en pâtisse. Certains oulémas et fonctionnaires du Makhzen considèrent l’enseignement à destination des filles comme une innovation dangereuse (bid‘a), étrangère à la culture marocaine et source de corruption morale menant immanquablement à l’abandon du voile18.
13De fait, la classe moyenne et l’élite expriment des inquiétudes à propos de l’influence morale que peut avoir l’éducation étrangère sur la vie de famille et les normes patriarcales. De telles réactions à l’éducation coloniale ne sont pas sans lien avec la situation politique, sociale et culturelle au Maroc et au Maghreb en général, et plus précisément avec la lutte politique contre la domination étrangère. Le « dahir berbère » de 1930, stipulant que les tribus berbères sont régies par le droit coutumier et soustraites à la législation islamique, est perçu par les Marocains comme une atteinte à l’identité religieuse et culturelle du pays et comme une preuve que les motivations et décisions des institutions françaises représentent un danger politique. Les manifestations populaires qui suivent l’annonce du dahir marquent le durcissement et l’essor du nationalisme anticolonial marocain19.
14Les discours sur la modernisation et le nationalisme qui s’expriment partout au Moyen-Orient et en Afrique du Nord à l’époque sont un autre ressort des inquiétudes de la société marocaine. Depuis le milieu du xixe siècle, la question du rôle des femmes est au centre des projets de réforme sociale et de consolidation des identités nationales dans le monde arabe, question qui se décline en débats sur l’éducation, le mariage et le voile. Des intellectuels arabes – dont, parmi bien d’autres, les Égyptiens Rifaat al-Tahtawi (1801-1873), Ali Mubarak (1824-1893) et Muhammad ‘Abduh (1849-1905), le Tunisien Ahmad ibn Abi Diyaf (1802-1874), le Libanais Boutros al-Boustani (1819-1883) et l’Algérien Abdel Hamid Ibn Badis (1889-1940) – réfléchissent à la question des droits de la femme et formulent des critiques à l’encontre des contraintes familiales et des normes et pratiques basées sur le genre20. Les débats régionaux sur la « question de la femme » inquiètent les élites religieuses et politiques marocaines. Les écrits d’intellectuels arabes influents, dont la Libération de la femme (Tahrîr al-mar’a) de l’Égyptien Qasim Amin (paru en 1899) et Notre femme dans la législation islamique et la société (Imra’tu-nâ fî al-sharî‘a wa-l-mujtama‘) du Tunisien al-Tahir al-Haddad (paru en 1930), sont lus et discutés21. Telle qu’elle s’exprime au début des années 1930, la réaction des Marocains à l’éducation coloniale est influencée par de nouvelles idées en provenance de Beyrouth, du Caire, de Tunis et d’Alger et reflète la crainte que la société marocaine ne soit dépouillée de ses pratiques sociales et culturelles propres et de son identité nationale.
Le traité de Hajwi
15Hajwi écrit l’Éducation des filles, non le dévoilement des femmes (Ta‘lîm al-fatayât lâ sufûr al-mar’a) à l’occasion d’une conférence publique qu’il donne à Rabat en 193322. En ouverture, il affirme que l’éducation des jeunes filles est en accord avec les préceptes du Coran et de la sunna, avec les avis et le modèle fournis par les compagnons du Prophète et, de manière générale, avec les pratiques des débuts de l’islam. Il s’appuie sur des exemples tirés des sources scripturaires de l’islam selon lesquelles il était, à l’époque, permis aux femmes d’acquérir une connaissance poussée de la langue arabe, du Coran, de la sunna et des sciences religieuses afin de leur permettre d’exercer de manière autonome leurs efforts d’interprétation juridique (ijtihâd). Il invoque l’exemple d’Aïcha, l’épouse du Prophète. Celle-ci excellait dans les domaines de la poésie, de la littérature et de la médecine, et les compagnons recherchaient ses avis juridiques dont ils appréciaient la justesse23. Hajwi estime inconcevable que l’islam, une religion de culture, de savoir et de vertu, interdise aux femmes l’accès à l’éducation et prive ainsi la moitié des croyants de la connaissance et de la morale. Il insiste tout autant sur le fait qu’encourager l’éducation des filles ne saurait être le prétexte à l’abandon du voile, ce qui, de son point de vue, représente un grave péché24. Pour corroborer son argument, il puise également dans les hadiths. Selon certains, à l’époque du Prophète et de ses compagnons, les femmes assistaient aux assemblées (majlis pl. majâlis) pour s’instruire et étaient libres de poser des questions relatives aux devoirs et obligations tout comme de débattre de sujets religieux et profanes. Selon d’autres, les femmes jouèrent un rôle actif au sein de la communauté lors de la migration en Abyssinie, de la prestation d’allégeance au Prophète, des campagnes militaires ou d’autres épisodes des premiers temps de l’islam. À l’instar des hommes, avance l’auteur, les femmes ont contribué au bien collectif et à la préservation de l’intégrité de la communauté des croyants. Et ce sans jamais avoir à ôter leur voile25.
16Tout comme les autres réformistes de son époque26, Hajwi ne ménage pas ses efforts pour démontrer, preuves à l’appui, que l’éducation des femmes est caractéristique de l’islam des premiers temps. Il cite le Coran, s’appuie sur le vaste corpus des hadiths, puise dans les pratiques et les enseignements religieux et recourt à des analogies avec la tradition et le droit musulmans. Ce travail sur les sources et la tradition le prépare à réfuter les critiques qui voient dans l’éducation féminine une perversion occidentale portant atteinte à l’intégrité de la société marocaine. Il leur oppose que ses idées réformistes procèdent en droite ligne de la révélation et de pratiques sanctionnées par le Prophète.
17Une fois ce point établi, Hajwi développe l’idée selon laquelle « la femme est non seulement le pilier de la famille mais encore celui de la nation, car la fillette d’aujourd’hui est la mère de demain27 ». En s’employant à illustrer les bienfaits de l’éducation féminine sur la société, il s’inscrit dans un courant réformiste indigène fortement influencé par les idées occidentales et la politique coloniale28. En guise d’introduction à ce nouvel argument, Hajwi avance que « la mère est la première école de l’enfant. Un enfant acquiert son éducation (tarbiya) et sa culture (tahdhîb) par sa mère29 ». Il ajoute que l’éducation reçue dans le foyer est celle qui marque le plus profondément et le plus durablement les enfants dans la mesure où ceux-ci apprennent de leur mère à s’exprimer ainsi qu’à développer leurs idées, leur caractère et leur comportement ; ils acquièrent auprès de leur mère le savoir pratique et la morale. L’enfant sera vif si sa mère est intelligente et sait s’exprimer. À l’inverse, si l’attitude et les manières de sa mère laissent à désirer, l’enfant sera faible de caractère (tibâ‘)30. La formation religieuse repose, elle aussi, sur les mères, car les jeunes enfants font l’apprentissage de la croyance religieuse (‘aqîda pl. ‘aqâ’id) au sein du foyer et ne se départissent pas aisément de ces convictions à l’âge adulte31.
18Hajwi insère ici un thème central de son argumentation : le lien entre l’éducation féminine et le devenir de la nation. Il s’exprime ainsi :
Éduquer les filles est un impératif religieux et social […]. Je me range à l’opinion qui prévaut au Maroc et ailleurs selon laquelle le niveau d’éducation des mères est la source de la vertu (salâh) ou de la corruption morale (fasâd) d’un pays, lequel ne peut donc s’assurer le progrès (ruqîy) autrement que par l’instruction des filles32.
19Hajwi pense que les institutions d’enseignement existantes et les modèles éducatifs auxquels elles se réfèrent sont indigents. Il pointe du doigt la méthode d’acquisition de la lecture et de l’écriture qui se base sur des textes archaïques, ardus et sans rapport avec les réalités contemporaines. Il souligne que la mémorisation et la récitation du Coran ne s’accompagnent pas d’effort de compréhension du texte sacré. Et il critique un système dans lequel on forme les jeunes filles à des métiers sans leur donner une culture générale. Pour sa part, il propose de refondre l’instruction féminine pour en faire une éducation primaire, morale, musulmane et professionnelle ayant pour objectif d’affermir le caractère, le savoir et les compétences des jeunes filles33. Bien qu’un tel programme de réforme corresponde à l’offre des écoles coloniales, il ne s’agit pas ici de créer des « femmes françaises » mais bien des femmes musulmanes dotées de capacités intellectuelles et d’excellence morale, et ce dans le respect de la différence entre les sexes et des coutumes locales.
20L’auteur envisage un nouvel enseignement organisé autour de huit domaines : (1) la lecture et l’écriture ; (2) les bases de la religion, dont les principes du culte, ainsi que la grammaire et les belles-lettres arabes (adâb) ; (3) les sciences, c’est-à-dire le calcul, « utile aux veuves qui sont les tutrices de leurs enfants et aux femmes qui doivent gérer leurs propres finances », ainsi que la géographie, l’histoire, les notions scientifiques de base et ce qui, dans la littérature (adâb), « permet aux femmes de penser correctement » ; (4) les valeurs morales de l’islam (akhlâq) permettant à la femme d’être une bonne épouse, une mère attentive et une maîtresse de maison accomplie ; (5) l’économie domestique (tadbîr al-manzil) et les arts ménagers ; (6) l’attention à la santé, à l’hygiène et à l’éducation physique afin d’élever des enfants sains de corps ; (7) la pédagogie (fann al-tarbiya) ; et enfin (8) une compétence pratique (san‘a) telle la couture, la broderie ou la cuisine, qui permette à la femme de faire face à l’imprévu34. La nouvelle femme marocaine est conçue tout à la fois comme une mère éduquée et une épouse dévouée sachant tenir sa maison dans le respect des normes de genre essentielles pour la société marocaine.
21En conclusion de cette partie, Hajwi énonce sa vision de l’avenir :
Toute jeune fille bénéficiant d’une telle éducation pourra s’acquitter de sa fonction sociale (wazîfa) et être utile à la nation. [Cette éducation] est la seule voie pour progresser et dépasser notre arriération, le manque d’intelligence de nos hommes et la déficience de notre système (nizâm) sociopolitique35.
22L’essayiste s’emploie ensuite à délimiter le périmètre du système éducatif féminin et à lui poser des règles en harmonie avec l’ordre socioculturel marocain. Il voit en effet ce dernier comme le cadre auquel la femme marocaine moderne doit se conformer afin d’être utile à la nation36.
23La première règle concerne l’âge de la scolarisation. Selon Hajwi, les fillettes doivent entrer à l’école primaire à 5 ans et en sortir quand elles en ont 9 ou 10, soit au moment où elles commencent à porter le voile et sont nubiles au regard de la charia. Celles qui désirent continuer à étudier doivent le faire à la maison, étant cependant posé que l’éducation secondaire ou supérieure n’est pas nécessaire aux filles. Notons que Hajwi s’exprime clairement contre le système éducatif de l’Orient arabe, particulièrement celui adopté par l’Égypte où les jeunes filles continuent d’être scolarisées après l’âge de la prise du voile et où certaines poursuivent leurs études en Europe37. Dans le contexte marocain, une jeune fille recevant une telle éducation serait :
[…] mal considérée et perdrait son honneur, sa vertu morale et toute marque de respect. On se méfierait d’elle au lieu de lui témoigner amour et affection. Quiconque aspire à ce que les femmes aient des droits égaux à ceux des hommes aspire également à la destruction des préceptes de la charia38 […]
24Hajwi affirme, tout en restant prudent, que donner aux filles une éducation au-delà du niveau primaire, c’est risquer que les femmes se retrouvent sans emploi sur le marché du travail ou qu’elles y prennent la place des hommes. La seule exception à cette règle concerne la formation des enseignantes. Aussi appelle-t-il à la création d’écoles normales primaires39. Enfin, il précise que les écoles de filles doivent être séparées des établissements pour les garçons et que les enfants des deux sexes ne doivent pas se mélanger.
25Il conclut cette partie du traité en s’élevant contre l’abandon du voile et en réitérant que son projet de réforme n’a pas pour but d’ébranler les fondements de l’ordre socioculturel marocain :
La charia protège la femme, lui garantit ses droits naturels et lui permet d’être couverte du voile de la dignité et de l’honneur. Quiconque appelle à la libération de la femme ouvre en réalité la porte à son dévoilement, à l’immoralité, à la dégradation d’une progéniture que Dieu nous ordonne de protéger et à la ruine de la charia. C’est la cause du malheur de nombreux peuples dont les existences sont détruites et qui vivent dans l’angoisse. Musulmans, suivez Dieu et tenez-vous à la corde solide (al-habl al-matîn) de la charia et de la foi […]40
26Hajwi reporte alors son attention sur le statut des femmes en islam, sur leur rôle social et leurs droits selon la charia. Tirant une fois encore ses arguments du texte coranique et de la sunna, il avance que l’islam a amélioré le statut de la femme en lui attribuant des droits qu’elle n’avait pas auparavant ainsi que des devoirs afférant. L’islam a fait de la femme l’égale de l’homme en matière de pratiques cultuelles (‘ibâdât) – la prière, le jeûne, l’aumône légale (zakât) et le pèlerinage à La Mecque – tout comme pour ce qui est des relations sociales et des transactions (mu‘âmalât) gouvernées par des prescriptions juridiques – dont le meurtre, la propriété, les contrats et les affaires commerciales41.
27Hajwi cautionne les normes et pratiques patriarcales. Il écrit en effet :
L’islam considère que l’homme et la femme ont été créés pour assumer des rôles différents. Au premier incombe la responsabilité de travailler dur pour subvenir aux besoins de sa famille, tandis que la seconde est une terre ensemencée qui produit des descendants, les éduque et parfait leur conduite42.
28À chacun reviennent donc les qualités conformes à son rôle : à l’homme, le pouvoir, l’endurance, la force spirituelle, l’intelligence et le courage ; à la femme, la compassion et la tendresse43.
29L’auteur n’en affirme pas moins que l’éducation des filles est un principe du système juridique et moral de l’islam et que le statut de la femme est étroitement lié à celui de la umma musulmane :
Lorsque les musulmans vivaient dans un système (nizâm) islamique et ne s’abandonnaient pas aux habitudes (‘awâ’id) et aux coutumes (ma’lûfât), les femmes jouissaient de leur droit à l’éducation en application des préceptes du Coran et de la sunna. La femme musulmane était alors supérieure à toute autre et constituait l’assise de la glorieuse umma. […] C’est grâce à [l’éducation de la femme] que l’Islam atteint un niveau de progrès et de civilisation supérieur à celui des autres nations44 […].
30Revenant à la question du voile, Hajwi affirme que ce ne sont pas les femmes qui le contestent mais des hommes musulmans, tout particulièrement le Tunisien al-Tahir al-Haddad (1899-1935) et l’Égyptien Qasim Amin (1865-1908) :
Malheureusement, il ne s’agit pas d’étrangers mais d’hommes qui invoquent l’islam et sont nés en son sein. […] Désireux à tout prix de se faire un nom au-delà des frontières, ils ont appelé à la libération de la femme par ignorance du système de l’islam qu’ils prétendent pourtant être leur religion […]. En réalité, ce sont eux les esclaves. Ils n’ont jamais connu de liberté véritable et ne comprennent pas le sens de ce mot. […] Les femmes ont-elles jamais été esclaves dans l’islam ? La femme musulmane a été comblée par la liberté que l’islam lui a octroyée et par les préceptes que la charia a établis à son endroit. La liberté absolue est condamnable et incompatible avec la dignité et le système musulman. Afin de garantir la modération, la liberté doit être limitée par la foi, le système et la morale. Sans quoi l’immoralité et le désastre sont imminents45.
31Dans un contexte où les élites marocaines sont alarmées par les critiques que certains intellectuels musulmans expriment à l’encontre de la umma ainsi que par la montée en puissance d’un discours sur la libération de la femme favorable à de nouvelles normes de comportement, Hajwi accuse les intellectuels en question de ne pas comprendre le système socioculturel de l’islam et de s’égarer, tout particulièrement sur la question du voile.
32Il estime que l’abandon du voile est un acte terrible qui déshonore et enlaidit les femmes, quelles qu’elles soient. À l’appui de son opinion, il compare le statut actuel des femmes dans les « nations non voilées » (al-umam al-sâfira) à celui de femmes dans les pays musulmans. Dans les premières, il ne voit qu’inconduite et immoralité : après avoir découvert leur visage et leurs cheveux, les femmes exposent leur cou, leurs bras, leur poitrine ; elles portent du maquillage, du parfum et des bijoux et utilisent, à la plage, les mêmes toilettes que les hommes46. Au prétexte de libérer la femme, le retrait du voile mène immanquablement à la recherche des apprêts, à la mixité (ikhtilât) et, in fine, à la destruction de la famille. En ruinant la réputation et la vie des femmes, le dévoilement et le mélange des sexes ne font que retarder l’amélioration de la condition féminine. Par contraste, les nations musulmanes, où le voile et la séparation des sexes sont la norme, connaissent la paix des esprits et des cœurs ; les femmes et les hommes y sont comblés et heureux. Hajwi lance à ses lecteurs un avertissement : « Ceux qui se laissent séduire par l’apparence trompeuse d’une fausse civilisation (al-madaniyya al-kâdhiba) et abandonnent la vraie civilisation (al-madaniyya al-haqqa) s’effondrent47 ».
33Si devenir civilisé implique le rejet de la morale et de l’ordre social musulmans, alors la société marocaine préfère résolument l’islam :
Mes frères, si nous ne sommes pas dignes du nom de civilisés […] sauf à retirer la responsabilité de la famille à celui qui en assume avec zèle la protection […] ; à enlever à l’homme ses droits et à le charger de plus qu’il ne peut supporter sans lui accorder l’honneur, la dignité et le respect ; [à laisser] la femme le dominer et se rebeller contre la charia en se dévoilant – alors […] nous ne pouvons pas nous réjouir d’être appelés civilisés (mutamaddin) plutôt que croyants (mutadayyîn). Et nous ne pouvons être [satisfaits] que notre existence heureuse et sereine soit remplacée par la libération de la femme qui, en réalité, signifie l’asservissement de l’homme, le renversement de l’ordre social musulman et le rejet de la charia48 […]
34Après s’être élevé avec vigueur contre l’abandon du voile et l’égalité entre les sexes, Hajwi s’en prend à l’opinion des intellectuels musulmans qu’il a mentionnés plus haut :
Je suis choqué par un homme qui prétend être musulman et écrit un ouvrage dans lequel il déclare défendre la voie du véritable islam et adhérer à ses principes ; qui affirme en outre appeler à une réforme religieuse et sociale en conformité avec le Coran ; et qui soutient [pourtant] que le voile ne trouve pas son fondement dans le Coran et, qu’à l’origine, seules les femmes de Muhammad avaient l’obligation de le porter. En réalité, [cet homme] cherche à s’opposer aux enseignements du Coran et à falsifier la charia dans le sens de ses propres convictions49.
35Aux yeux de Hajwi, quiconque arbore de telles idées ne peut être qu’un menteur et un imposteur. Afin de réfuter ces arguments, Hajwi cite, outre des exemples tirés de la sunna du Prophète, de nombreuses sourates dont le verset 59 de la sourate Les Coalisés (Coran 33 :59 – al-Ahzâb) : « Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs grands voiles. » Pour Hajwi : « La vérité est claire et le chemin qui y mène évident. Que Dieu guide sur la voie droite celui qui en a le désir. Que Dieu combatte ceux qui appellent au dévoilement (al-sufûr) et abatte sur eux la malédiction qu’il abat sur ceux qui corrompent la charia […]50 ».
36Hajwi s’étend sur les méfaits de l’absence de voile et de l’égalité des sexes en leur imputant la crise économique mondiale qui touche tout particulièrement l’Europe et l’Amérique. Selon lui, le fort taux de chômage masculin dans les nations dites « civilisées » ainsi que l’accroissement de la faim dans le monde sont des conséquences de la participation des femmes au marché du travail. Il voit comme seul remède à ces maux le retour des femmes à la maison pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants et aux affaires domestiques. La charia définit l’espace social des femmes en fonction de leur nature délicate : elles régentent le foyer tandis que les hommes, créés d’une nature différente, règnent sur ce qui est au-delà de la maisonnée51.
37Hajwi clôt son traité en revenant sur son argument principal : rien dans l’islam ne s’oppose à l’éducation des femmes. La cause de l’arriération qu’a connue la femme musulmane dans les siècles passés n’est pas la charia mais bien les musulmans eux-mêmes qui ont « négligé l’éducation féminine car ils la considéraient, par paresse ou ignorance, comme interdite ou immorale52 ». Pourtant, il est avéré que les compagnons du Prophète et ceux qui leur ont succédé partout dans le monde musulman ont été nombreux à s’engager en faveur de l’éducation et du développement intellectuel des femmes. Durant l’âge d’or de l’islam, les fillettes recevaient une éducation hors du foyer, puis, lorsqu’elles atteignaient l’âge de porter le voile, poursuivaient leur instruction à la maison ou à la mosquée53. C’est ainsi que les femmes ont atteint un niveau supérieur dans l’étude et la récitation du Coran, et qu’elles ont joué un rôle de premier plan dans la transmission du savoir en tant que muftis, poètes, expertes, écrivaines, prédicatrices, conseillères et enseignantes54. Mais les femmes musulmanes et leur éducation furent les premières victimes du déclin du monde musulman, un facteur qui contribua à son tour à la paralysie de la umma.
* * *
38En se faisant l’avocat de l’éducation féminine, Hajwi opère la jonction entre la tradition religieuse et les normes sociales musulmanes, le discours arabe de modernisation et les catégories de pensée et institutions coloniales. Son approche, qui met l’accent sur l’adaptation et la collaboration interculturelles, donne à son projet de réforme un caractère hybride.
39Fournir aux jeunes filles une éducation primaire dans les établissements français se justifie par les bienfaits d’une telle éducation aussi bien pour la foi religieuse et que pour le progrès de la nation. Pour Hajwi, l’éducation universelle est indispensable à l’édification d’un État efficace et au progrès de la umma, et les écoles sous direction française sont seules à même de transformer les jeunes filles en citoyennes utiles. Néanmoins, l’auteur s’exprime en réponse à un discours hostile à ce système d’éducation féminine et qui mêle les arguments religieux et anticoloniaux. Aussi, Hajwi formule-t-il son projet réformiste dans un cadre discursif musulman. Il ne se donne pour objectif ni une éducation à l’européenne pour les jeunes filles musulmanes ni une transformation des relations entre les sexes. Sa vision de la femme musulmane moderne s’inscrit dans le respect de l’idéologie patriarcale et d’un modèle familial où les rôles sont strictement définis. Dans le même temps, il cherche à faire évoluer les normes patriarcales marocaines en mettant en avant le droit des femmes à l’éducation ainsi que leurs rôles d’épouse et de mère. Il redéfinit la femme comme une maîtresse de maison dotée de qualités intellectuelles et morales qui a la charge d’éduquer les nouvelles générations musulmanes. Ce faisant, Hajwi offre une image de la femme marocaine moderne en rupture avec les normes culturelles locales. Malgré son usage limité du vocabulaire réformiste et en dépit du cadre restreint dans lequel son projet est susceptible de se réaliser, l’approche que prône Hajwi demeure novatrice dans le contexte marocain de l’époque.
La mosquée-université Qarawiyyin

Christian Wouters (CC BY-NC-ND 4.0)
Notes de bas de page
1 Une version de ce chapitre a été publiée dans French Politics, Culture & Society, vol. 39, no 1, 2021. Le texte est reproduit ici avec la permission de l’éditeur. Le traité est inclus dans l’ouvrage de Sa‘îd Binsa‘îd al-‘Alawî, Al-Ijtihâd wa-l-tahdîth. Dirâsa fî usûl al-fikr al-salafî fî al-Maghrib, Valletta, Markaz dirâsât al-‘âlam al-islâmî, 1992, p. 206-237.
2 Pour une introduction au réformisme de Hajwi, voir Alain Roussillon, « Salafisme, réformisme, nationalisme. Essai de clarification », Hespéris-Tamuda, vol. 39, no 2, 2001, p. 27-30.
3 Voir son autobiographie, Muhammad al-Hajwî, Al-Fikr al-sâmî fî târîkh al-fiqh al-islâmî, Bayrût, al-Maktaba al-‘asrîyya, 2006, p. 6-16 ; et également sa fahrasa, Mukhtasar al-‘urwa al-wuthqâ, Salâ, Matba‘at al-thaqâfa al-jadîda, 1937. Pour des détails biographiques supplémentaires, voir Âsya Bin‘adâda, Al-Fikr al-islâhî fî ‘ahd al-himâya, al-Dâr al-baydâ’, al-Markaz al-thaqâfî al-‘arabî, 2003, p. 61-88.
4 Sur la biographie que Hajwi a consacrée à son père, voir Muhammad al-Hajwî, Al-Fikr al-sâmî, op. cit., p. 643-645.
5 Ibidem, p. 7-9.
6 Ibid., p. 8.
7 Muhammad al-Hajwî, Mukhtasar al-‘urwa al-wuthqâ, p. 19-21.
8 Sur le contexte de l’époque, voir Abdallah Laroui, Les Origines sociales et culturelles du nationalisme marocain (1830-1912), Casablanca, Centre culturel arabe, 1993, p. 337-370.
9 Sur les campagnes françaises dans le sud-est du Maroc, voir Georges Salmon, « Une opinion marocaine sur la conquête du Touat », Archives marocaines, no 1, 1904, p. 416-424 ; Daniel Nordman, « L’armée d’Algérie et le Maroc. Le dynamisme de la conquête (fin du xixe siècle-début du xxe siècle) », dans Jacques Frémeaux, Daniel Nordman & Guy Pervillé (dir.), Armées, guerre et politique en Afrique du Nord (xixe-xxe siècles), Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1977, p. 33-51.
10 Muhammad al-Hajwî, Al-Fikr al-sâmî, p. 12-13.
11 Ibid., p. 13; Bin‘adâda, Al-Fikr al-islâhî, op.cit., p. 283; Spencer D. Segalla, The Moroccan Soul. French Education, Colonial Ethnology, and Muslim Resistance, 1912-1956, Lincoln/London, University of Nebraska Press, 2009, p. 37-38. Sur l’approche de Hajwi en matière de réforme de l’enseignement et sur l’intervention du protectorat français, voir Âsya Bin‘adâda, « Mafhûm al-himâya ‘inda al-Hajwî », Hespéris-Tamuda, vol. 39, no 1, 2001, p. 105-117.
12 Hajwi a écrit son récit après son retour au Maroc. Une version publiée est disponible dans Sa‘îd Binsa‘îd al-‘Alawî (dir.), Urubbâ fî mir’ât al-rihla, al-Dâr al-baydâ’, Matba‘at al-najâh al-jadîda, 1995, p. 103-205. Une traduction française par Alain Roussillon et Abdallah Saaf a été publiée sous le titre Voyage d’Europe, Casablanca, Afrique Orient, 2001. Pour une analyse intéressante de l’opinion de Hajwi sur la France, voir Alain Roussillon, « La division coloniale du Monde à l’épreuve du voyage : deux Marocains à Paris en 1845 et 1919 », Genèses, no 35, 1999, p. 31-64. [En ligne] https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3406/genes.1999.1566
13 Daniel Rivet, Lyautey et l’institution du protectorat français au Maroc, 1912-1925, 3 vol. , Paris, L’Harmattan, 1996, vol. 2, p. 223-224 et 241-252 ; Spencer D. Segalla, The Moroccan Soul, op. cit., p. 7-8 et 33-41 ; Susan Gilson Miller, A History of Modern Morocco, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 89-90 et 99-101 ; Alan Scham, Lyautey in Morocco. Protectorate Administration, 1912-1925, Berkeley/Los Angeles, University of California Press, 1970, p. 146-151.
14 Sur les ateliers d’apprentissage, voir Julia Clancy-Smith, « A Woman Without Her Distaff: Gender, Work, and Handicraft Production in Colonial North Africa », dans Margaret L. Meriwether & Judith Tucker (dir.), A Social History of Women and the Family in the Middle East, Boulder, Westview, 1999, p. 34-36; Julia Clancy-Smith, « Envisioning Knowledge: Educating the Muslim Woman in Colonial North Africa, c. 1850-1918 », dans Rudi Matthee & Beth Baron (dir.), Iran and Beyond. Essays in Middle Eastern History in Honor of Nikki R. Keddie, Costa Mesa, Mazda, 2000, p. 102-103; Rebecca Rogers, A Frenchwoman’s Imperial Story. Madame Luce in Nineteenth-Century Algeria, Stanford, Stanford University Press, 2013, p. 137-139; Hamid Irbouh, Art in the Service of Colonialism. French Art Education in Morocco 1912-1956, Londres, I.B. Tauris, 2012, p. 109-112.
15 Voir, entre autres, Louise Bouillot, « L’atelier de broderie : projet de création d’un atelier de tapis », décembre 1914, Centre des archives diplomatiques de Nantes, collection Maroc (CADNM) DIP 25. Sur l’éducation des filles dans la Tunisie coloniale à peu près à la même époque, voir Julia Clancy-Smith, « L’École Rue du Pacha, Tunis : l’enseignement de la femme arabe et “la Plus Grande France” (1900-1914) », Clio. Femmes, Genre, Histoire, no 12, 2000, p. 1-16.
16 Voir, entre autres, Louise Bouillot, « L’École ouvroir de Salé : considérations générales », janvier-février 1914, CADNM DIP 25 ; Louise Bouillot, « L’École ouvroir de Salé : son installation définitive. Compte rendu de travail de l’année », juin-juillet 1914, CADNM DIP 25 ; Hamid Irbouh, Art in the Service of Colonialism, op. cit., p. 111-119.
17 Âsya Bin‘adâda, Al-Fikr al-islâhî fî ‘ahd al-himâya, op. cit.¸ p. 166-170.
18 Sur les controverses relatives à l’enseignement des filles voir, Âsya Bin‘adâda, Al-Fikr al-islâhî fî ‘ahd al-himâya, op. cit.¸p. 283 ; Paul Marty, Le Maroc de demain, Paris, Comité de l’Afrique française, 1925, p. 194-202 ; Daniel Rivet, Lyautey et l’institution du protectorat, op. cit., vol. 2, p. 249-250 ; Spencer D. Segalla, The Moroccan Soul, op. cit., p. 50-53 et 109 ; Hamid Irbouh, Art in the Service of Colonialism, op. cit., p. 122-125.
19 Pour une analyse du « dahir berbère », voir Charles-Robert Ageron, « La politique berbère du protectorat marocain de 1913 à 1934 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 18, no 1, 1971, p. 74-88 [en ligne] https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3406/rhmc.1971.2135 ; John P. Halstead, Rebirth of a Nation. The Origins and Rise of Moroccan Nationalism, 1912-1944, Cambridge, Harvard University Press, 1967, p. 68-75 et 178-90; Kenneth Brown, « The Impact of the Dahir Berbère in Salé », dans Ernest Gellner & Charles A. Micaud (dir.), Arabs and Berbers. From Tribe to Nation in North Africa, Lexington, D. C. Heath, 1972, p. 201-215; David M. Hart, « The Berber Dahir of 1930 in Colonial Morocco: Then and Now (1930-1996) », Journal of North African Studies, vol. 2, no 2, 1997, p. 11-33.
20 Voir, entre autres, Leila Ahmed, Women and Gender in Islam, New Haven, Yale University Press, 1992, chapitres 7 et 8; Beth Baron, The Women’s Awakening in Egypt. Culture, Society, and the Press, New Haven, Yale University Press, 1994; Beth Baron, Egypt as a Woman. Nationalism, Gender and Politics, Berkeley, University of California Press, 2005; Margot Badran, Feminists, Islam and Nation. Gender and the Making of Modern Egypt, Princeton, Princeton University Press, 1995; Marylin Booth, May Her Likes Be Multiplied. Biography and Gender Politics in Egypt, Berkeley, University of California Press, 2001; Jakob Krais, « Girl Guides, Athletes, and Educators: Women and the National Body in Late Colonial Algeria », Journal of Middle East Women’s Studies, vol. 15, no 2, 2019, p. 200-201; Lisa Pollard, Nurturing the Nation. The Family Politics of Modernizing, Colonizing and Liberating Egypt (1805-1923), Berkeley, University of California Press, 2005.
21 Qâsim Amîn, Tahrîr al-mar’a, al-Qâhira, s.n., 1899; al-Tâhir al-Haddâd, Imra’tu-nâ fî al-sharî‘a wa-l-mujtama‘, Tûnis, al-Matba‘a al-fanniyya, 1930. Pour une traduction en français de l’ouvrage d’al-Haddâd, voir Maurice Borrmans, « Documents sur la famille au Maghreb de 1940 à nos jours avec les textes législatifs marocain, algérien, tunisien et égyptien en matière de Statut Personnel musulman », Oriente Moderno, vol. 59, no 1-5, 1979, p. 25-69.
22 Sa‘îd Binsa‘îd al-‘Alawî, Al-Ijtihâd wa-l-tahdîth, op. cit., p. 206-207. Le traité en question développe le texte d’une conférence datant de 1922.
23 Ibid., p. 207.
24 Ibid., p. 207-208.
25 Ibid., p. 208-210.
26 Par exemple, al-Tahtawi, Mubarak, ‘Abduh et Ibn Badis mentionnés plus haut.
27 Sa‘îd Binsa‘îd al-‘Alawî, Al-Ijtihâd wa-l-tahdîth, op. cit., p. 211.
28 De nombreux historiens se sont penchés sur les discours croisés des Européens et des élites arabes à propos du progrès de la femme comme fondement de la famille et du progrès de la nation. Je me suis plus particulièrement appuyée ici sur le chapitre d’Omnia El Shakry, « Schooled Mothers and Structured Play: Child Rearing in Turn-of-the-Century Egypt », dans Lila Abu-Lughod, Remaking Women. Feminism and Modernity in the Middle East, Princeton, Princeton University Press, 1998, p. 126-170. Au sujet des discours coloniaux et nationalistes relatifs à la femme dans le contexte marocain, voir Jonathan Wyrtzen, Making Morocco. Colonial Intervention and the Politics of Identity, Ithaca, Cornell University Press, 2015, p. 225-240; Ellen J. Amster, Medicine and the Saints. Science, Islam, and the Colonial Encounter in Morocco, 1877-1956, Austin, University of Texas Press, 2013, p. 185-188 ; Louise Bouillot, « Rapport sur les possibilités d’installation à Salé d’un ouvroir pour les jeunes filles musulmanes », décembre 1913, CADNM DIP 25.
29 Sa‘îd Binsa‘îd al-‘Alawî, Al-Ijtihâd wa-l-tahdîth, op. cit., p. 211.
30 Ibid.
31 Ibid., p. 212.
32 Ibid., p. 212-213.
33 Ibid., p. 213.
34 Ibid., p. 213-215.
35 Ibid., p. 215-216.
36 Il existe une importante littérature sur la question féminine dans le contexte de la formation des États-nations et sur la production des discours autochtones d’identité nationale, dont : Omnia El Shakry, The Great Social Laboratory. Subjects of Knowledge in Colonial and Postcolonial Egypt, Stanford, Stanford University Press, 2007, chapitre 6; Deniz Kandiyoti, « Identity and its Discontents: Women and the Nation », dans Patrick Williams & Laura Chrisman (dir.), Colonial Discourse and Post-Colonial Theory. A Reader, New York, Columbia University Press, 1994, p. 376-391; Afsaneh Najmabadi, « Hazards of Modernity and Moralit: Women, State and Ideology in Contemporary Iran », dans Deniz Kandiyoti (dir.), Women, Islam and the State, Philadelphia, Temple University Press, 1991, p. 48-76.
37 Sa‘îd Binsa‘îd al-‘Alawî, Al-Ijtihâd wa-l-tahdîth, op. cit., p. 216.
38 Ibid., p. 217.
39 Ibid.
40 Ibid., p. 219.
41 Ibid., p. 219-220.
42 Ibid., p. 220-221.
43 Ibid., p. 221.
44 Ibid., p. 223.
45 Ibid., p. 224.
46 Ibid., p. 225.
47 Ibid., p. 226.
48 Ibid., p. 227.
49 Ibid., p. 228.
50 Ibid., p. 229.
51 Ibid., p. 231.
52 Ibid., p. 232.
53 Ibid., p. 235.
54 Ibid., p. 233.

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