Introduction
p. 8-21
Texte intégral
1Ce livre est une galerie de portraits. On y entre au seuil du xixe siècle pour arriver jusqu’à nos jours, ayant déambulé dans l’histoire des savoirs d’islam et des oulémas du Maghreb. Au fil des chapitres, on y découvre des figures et des paroles de savants, au sein des communautés qu’ils ont guidées, dans le monde qui les a façonnés et qu’ils ont, en retour, pensé et transformé. L’ambition de cet ouvrage est de faire ainsi connaître la contribution des sociétés du Maghreb à l’islam contemporain, souvent mésestimée. Les travaux des spécialistes de l’islam se sont en effet longtemps répartis entre l’Orient, perçu comme producteur d’un islam savant, celui des textes et des doctrines, et le Maghreb, vu comme producteur d’un islam populaire, une religion de marabouts et de pratiques plus ou moins superstitieuses. Certes, des œuvres ont dépassé ce schéma simplificateur, notamment celles de Jacques Berque1, mais les stéréotypes demeurent.
Des érudits et leurs savoirs
2Or, du Maroc à l’actuelle Libye, les sociétés rurales et urbaines du Maghreb ont entretenu au long de la période moderne une vivace tradition d’érudition islamique dont les oulémas sont les acteurs principaux, en tant que dépositaires, producteurs et transmetteurs du ‘ilm. Conçu comme un savoir d’origine divine, le ‘ilm peut être défini « comme l’ensemble de connaissances et de techniques nécessaires en principe au croyant, pour une vie religieuse complète2 » et comprend toutes les sciences qui se sont développées en Islam, de celles qui traitent de la langue arabe aux sciences religieuses au sens strict (exégèse, hadith, théologie, logique, droit islamique, mystique, etc.), en passant par l’algèbre, la médecine, l’astronomie ou l’astrologie hier, et par les sciences humaines aujourd’hui. C’est dire si ses contours sont discutés et combien, depuis deux siècles, les disciplines qu’il recouvre ont changé. De génération en génération, selon des modalités plus ou moins formelles, écrites et orales, les oulémas en ont assuré la pérennité tout en repensant les contours et les contenus de savoirs toujours débattus. Que ce soit dans les sciences religieuses, particulièrement dans la théologie rationnelle, ou la théorie et l’application du droit musulman, dans le travail de la langue, dans l’écriture de l’histoire ou bien dans le déploiement de voies soufies et l’organisation de confréries, l’apport des oulémas du Maghreb a été majeur3.
3Parmi les domaines du ‘ilm, ces savants ont – comme ailleurs dans les mondes musulmans – privilégié la science du droit islamique (fiqh) afin de pouvoir édicter les normes religieuses. Ils s’inscrivaient le plus souvent dans l’école juridique malékite, dominante au Maghreb, l’une des quatre écoles sunnites qui régissent les pratiques cultuelles, les relations sociales et commerciales, les peines légales. Si le malékisme a été et reste prépondérant dans la région, l’Empire ottoman y a importé le hanéfisme qui, du xvie au milieu du xxe siècle, a été l’école juridique (madhhab) des élites turques et de ceux qui s’y identifiaient, comme en témoigne la figure de Muhammad Bayram V*4. Une autre branche de l’islam, ni sunnite ni chiite, et dotée de sa propre tradition normative, est présente de façon très minoritaire au Maghreb : l’ibadisme5, qui joua un rôle important dans l’islamisation de la région à l’époque médiévale, incarné dans ce livre par Ibrahim Bayyud*.
4Le degré d’érudition des juristes était très variable, du fqîh de village – imam de la mosquée chargé de transmettre les rudiments du Coran aux garçons – au jurisconsulte et enseignant dans une mosquée-université prestigieuse, sans oublier les notaires, cadis et muftis, dont le savoir était reconnu et institutionnalisé par une fonction officielle. Ces derniers, et d’autres virtuoses du droit islamique, composaient des recueils d’avis juridiques, reflétant leur pratique, et ont enrichi le corpus des grands textes du malékisme6. Si le développement d’appareils judiciaires étatiques et de codes juridiques à partir du milieu du xixe siècle a bouleversé la place du droit islamique, celui-ci n’en est pas moins demeuré jusqu’à ce jour prépondérant dans le champ du ‘ilm et les préoccupations des oulémas du Maghreb. De Muhammad al-Hajwi*, entre deux guerres, à Abdallah-Serge Althaparro* ou Aïcha al-Hajjami* aujourd’hui, le droit islamique constitue leur principal cadre pour penser et réinvestir la religion et la société. Une autre discipline dans laquelle ils se sont illustrés à la période moderne semble en revanche avoir perdu du terrain au xxe siècle : le kalâm. Renvoyant littéralement à la controverse, souvent traduit par théologie scolastique, ce terme désigne un domaine des savoirs musulmans qui se distingue moins par les thématiques dont il traite que par sa méthodologie. Le kalâm justifie et défend les dogmes de l’islam, étudie la divinité et la condition humaine de façon dialectique et, surtout, il diffuse les croyances fondamentales7. Après l’essor que ce domaine connut au Maghreb aux xvie et xviie siècles, des œuvres de savants de la région ont constitué l’essentiel du cursus en ‘ilm al-kalâm à al-Azhar du xviie à la fin du xixe siècle, avant qu’elles pâtissent du désintérêt des penseurs réformistes pour cette science8. Un savant comme Althaparro tente toutefois aujourd’hui de refaire une place au kalâm dans la formation de ses étudiants. Il s’agit essentiellement pour lui de répondre au wahhabisme, en faisant revivre un islam ancré dans les cadres théologiques et juridiques de l’école malékite.
5Jusqu’au xxe siècle, la connaissance ésotérique (ma‘rifa) a cohabité avec ces différentes disciplines, les domaines étant imbriqués les uns aux autres. La théorie et les pratiques mystiques formaient le soufisme comme science (tasawwuf)9. L’influence de ce dernier était d’autant plus grande que les confréries traversaient les sociétés. Les lieux de prière et centres d’enseignement que sont les zaouïas quadrillaient les paysages, dans les campagnes comme en ville, infusant les croyances et les pratiques dans toute la région. Au tournant du xixe siècle, un vigoureux renouvellement mystique et un développement confrérique furent impulsés par des fondateurs comme Muhammad ibn Abdel Rahman Buqabrayn (m. 1793), qui fut à l’origine de la Rahmaniyya10, laquelle allait connaître un très fort développement en Kabylie et dans le Sud algérien. Ahmad al-Tijani (m. 1815) est une autre grande figure du soufisme maghrébin, sa Tijaniyya ayant eu une influence immense dans le nord-ouest de l’Afrique11, comme Muhammad al-Sanusi* (1787-1859), dont la Sanusiyya prospéra particulièrement en Libye12.
6Le ‘ilm englobait par ailleurs des savoirs profanes qui pouvaient être utiles à la mise en pratique des normes de l’islam, comme l’algèbre ou l’astronomie. D’autres savoirs contribuaient à délimiter et célébrer le groupe des oulémas : dictionnaires bio-bibliographiques, récits de vie et autres curricula (fahrasa)13, le tout en prose ou en poésie, mode d’expression privilégié des savants. Plus largement, les belles lettres, ce que l’on nomme adab en arabe et qui englobe aussi bien l’éthique et les bonnes manières que la littérature, constituaient un domaine de prédilection des oulémas, qui, au Maghreb, ont particulièrement cultivé l’héritage andalou14.
7Comme serviteurs des princes ou en simples observateurs, les savants de l’islam se sont aussi faits chroniqueurs de leur temps ; une tradition encore vivace dans le Maghreb du xixe siècle, comme en témoignent les chroniques d’Ahmad ibn Abi al-Dhiyaf (v. 1803-1874) en Tunisie ou d’Ahmad al-Nasiri au Maroc (1835-1897)15. À partir du début du xxe siècle, l’influence des méthodes historiques européennes et des idéaux nationaux renouvelle la façon dont les oulémas écrivent et conçoivent l’histoire : un Mubarak al-Mili (1889-1945) et un Tawfiq al-Madani (1898-1983) dotent ainsi l’Algérie de grands récits16. Au même moment, les oulémas du Maghreb s’approprient, de façon directe ou indirecte, d’autres disciplines européennes, enrichissant leur manière d’écrire l’histoire et de décrire leurs sociétés. Ainsi, après avoir assisté le folkloriste français Émile Dermenghem et étudié à Paris, Muhammad al-Fasi* s’emploie à constituer une littérature arabe marocaine. Plus au sud, le célèbre Mokhtar Soussi (1900-1963) écrit l’histoire du Souss, cherchant à saisir les caractéristiques d’une région pourvoyeuse d’érudits en plein bouleversement. Le folklore, la géographie et l’histoire imprègnent les nombreux volumes de son Ma‘sûl, principal volet d’une œuvre qui constitue une « monumentale compilation de notations à caractères littéraires, historiographique et ethnographique […]17 ». Ces initiatives d’écriture de l’histoire reflètent les dynamiques profondes de renouvellement et d’élargissement du ‘ilm à la période contemporaine, alors que le rôle des oulémas se rétrécit, que leurs fonctions se transforment et que leur statut est menacé, notamment par le développement de l’enseignement public et de nouvelles institutions judiciaires.
Transformation des savoirs, métamorphose des oulémas
8Longtemps, en effet, les oulémas ont détenu le monopole de la transmission du savoir. Celle-ci commençait par l’apprentissage du Coran dans des écoles dédiées, les kuttâb, où les enfants étaient immergés dans un processus de mémorisation combinant oralité et trace écrite18. Si l’immense majorité n’allait pas au-delà, certains poursuivaient leur apprentissage dans des écoles de proximité – c’est par exemple le cas du cheikh Bayyud – alors que les plus privilégiés rejoignaient des foyers de savoir prestigieux : grandes zaouïas régionales, madrasa (écoles) urbaines et mosquées-universités, telles la Yusufiyya de Marrakech, la Qarawiyyin à Fès, la mosquée de Kairouan et la Zaytuna à Tunis19. Muhammad Bayram V, Abdel Hayy al-Kattani, Abdel Hamid Ibn Badis*, Muhammad al-Hajwi et Aïcha al-Hajjami, pour ne citer qu’eux, sont passés par l’une ou l’autre de ces prestigieuses institutions. Cette quête du savoir entraînait une importante mobilité des étudiants et des maîtres, qui pouvait dépasser l’espace régional, puisque, dans l’idéal, la formation se parachevait à al-Azhar, au Caire, ou au Hedjaz20. S’ensuivaient des circulations d’idées et d’ouvrages, d’autant que les oulémas étaient souvent impliqués dans l’économie du livre manuscrit, comme copistes, marchands et détenteurs de bibliothèques.
9Le moment qui ouvre cet ouvrage, le milieu du xixe siècle, accuse la fin du monopole des oulémas, tant dans l’enseignement et la diffusion du savoir que dans la définition des normes et l’exercice de la justice. En effet, la poussée impérialiste européenne et les grandes réformes initiées pour la contenir, puis le développement d’appareils étatiques modernes et, enfin, les bouleversements apportés par l’accélération des échanges et le développement de l’imprimé de langue arabe, à partir des années 1880 au Maghreb, ont profondément bouleversé le statut, le rôle et les fonctions des oulémas. La trajectoire de Bayram V illustre ces dynamiques : celle d’un savant de formation classique, qui s’engage dans le réformisme21 et entre en politique, se lance dans l’imprimerie et le journalisme, et qui, face à la domination coloniale, finit ses jours en exil au Caire. Quelques décennies plus tard, au vu du développement d’écoles publiques profanes, coloniales ou nationales, et pour prendre le train de la modernité, les oulémas redéfinissent et institutionnalisent leur enseignement et leurs cursus. Les Algériens Abdel Hamid Ibn Badis et Ibrahim Bayyud fondent ainsi dans les années 1920 et 1930 des écoles réformées, pensées en complémentarité et en concurrence avec les cursus français pour être à la fois les moteurs du « progrès » (taqaddum) des populations colonisées et les garantes de leur « personnalité » (shakhsiyya). Alors qu’émerge l’idée d’un enseignement de masse, Muhammad al-Hajwi, quasi-ministre de l’Éducation au Maroc, argumente en faveur de la formation des filles.
10Par-delà l’enseignement, les contours et le contenu des savoirs se métamorphosent, à mesure qu’ils sont plus largement diffusés, notamment sous l’effet de l’introduction de l’imprimé qui reconfigure progressivement le marché du livre et permet l’émergence de la presse. Aux abrégés, aux gloses et aux commentaires, qui matérialisaient l’accumulation et la transmission du savoir, se substituent progressivement, pour toucher une plus large audience, des éditions de textes de référence et de manuels composés pour le plus grand nombre22. Des périodiques sont fondés, tous à visée encyclopédique et inspirés par l’Égypte et le Liban, tandis que d’autres sont importés directement : à Tunis et Alger, paraissent la Capitale (al-Hâdira), la Fleur (al-Zahra) et le Météore (al-Shihâb). On y trouve aussi la Sélection (al-Muqtataf), périodique égyptien, ou la célèbre revue le Phare (al-Manâr). Des oulémas se font journalistes, comme Abdel Hamid Ibn Badis et Ibrahim Bayyud, ce qui renouvelle leurs façons d’écrire et leur audience : le savant, imprimeur et journaliste algérien Abu al-Yaqzan n’écrit-il pas en 1926 que « la presse est le minbar où se concurrencent les prêcheurs23 » ? Les innovations n’emportent cependant pas tout et les processus suivent des rythmes variés. La culture du livre manuscrit perdure ainsi jusqu’au milieu du xxe siècle, et parfois au-delà : il suffit pour s’en convaincre de lire le portrait d’Ahmad Boularaf*, fin lettré, libraire et bibliophile, qui meurt en 1955 à Tombouctou en laissant derrière lui une riche collection de livres manuscrits et imprimés. Dans le dernier tiers du xxe siècle, la culture religieuse est néanmoins profondément reconfigurée par l’éducation et la consommation de masse : de l’école à l’université, elle intègre les cursus et elle se médiatise successivement par les cassettes audio, les télévisions et les chaînes satellitaires, puis par Internet et les réseaux sociaux.
11C’est ainsi que la figure du savant musulman se métamorphose : à partir du début du xxe siècle, et surtout de la période de l’entre-deux-guerres, il entre en compétition avec d’autres figures émergentes d’intellectuels24. Malgré, et parfois en raison des tentatives plus ou moins fructueuses des États pour le contrôler, le champ religieux se complexifie et se morcelle. La multiplication des formations supérieures, avec notamment la création de cursus universitaires dédiés à l’islam – comme à la faculté de théologie de la nouvelle université de Tunis en 196025 ou à l’université des sciences islamiques de Constantine (1984)26 – conduit à une progressive hybridation des savants et des savoirs, entre profane et religieux. Critiqué de toutes parts pour ses liens supposés avec le colonialisme, ses pratiques jugées arriérées par les uns, contraires à l’islam par les autres, le soufisme est redéfini27. Les zaouïas et les familles qui étaient à leur tête, ceux qu’on a nommés en français les marabouts, perdent de leur centralité, de façon inégale suivant les périodes et les régions28. Les dynasties de religieux cèdent souvent le pas à des nouveaux venus ou bien réinvestissent le charisme hérité en capital social, politique ou culturel, comme en témoignent les figures contrastées d’Aïcha al-Hajjami et Dalil Boubakeur*. Si tous deux sont issus de lignages soufis, la première s’inscrit dans une démarche intellectuelle et le second dans un cadre politique. Toutefois, le mouvement de réislamisation a fait émerger, depuis le milieu du xxe siècle, d’autres acteurs qui ambitionnent de construire un islam englobant tous les aspects de la vie, politique, sociale et culturelle, tant au niveau de la communauté que de l’individu. Ceux-ci sont plus des petits intellectuels (instituteurs, fonctionnaires, ingénieurs) que des oulémas. Les formes héritées du magistère religieux, des petits cheikhs de village aux grandes dynasties savantes, ont été ainsi bousculées. La norme et la parole religieuse émanent désormais de multiples espaces : l’État, les institutions officielles, les médias, des partis et des mouvements politico-religieux. Bien plus, un véritable marché de la consommation religieuse, devenu lui-même normatif, contribue à diffuser des idées, des objets et des pratiques, au quotidien et dans tous les pans de la société.
Face à l’État
12Dès avant la colonisation, les États ont tenté, de façon croissante, de capter le potentiel politique de la religion et d’en tirer parti. Ainsi, les gouverneurs ottomans de Tunis interviennent de façon croissante à partir du milieu du xviiie siècle dans la formation et la nomination des oulémas de haut rang, dont ils financent les activités29. Lorsqu’ils refondent les institutions de la province, au milieu du xixe siècle, ils placent leurs réformes sous l’égide de l’islam et cherchent à obtenir l’assentiment des oulémas30. Au Maroc, les savants musulmans pensent la réforme de l’État31. De véritables carrières se font au service des pouvoirs provinciaux ottomans ou du sultanat marocain : des oulémas sont secrétaires ou fonctionnaires, comme Ahmad al-Nasiri, ou bien gravissent les échelons de la judicature et de l’enseignement dans les grandes madrasa, ainsi des dynasties Bayram et Ben Achour à Tunis.
13Les pouvoirs coloniaux bousculent les sociétés maghrébines. Échelonnées de 1830, en Algérie, aux années 1930 au Maroc et en Libye, les conquêtes constituent une rupture majeure pour les oulémas, sommés de se positionner face à un pouvoir étranger et non musulman. Différents facteurs les conduisent à se comporter soit en hérauts de la résistance, soit en intermédiaires des pouvoirs coloniaux, soit, enfin, à demeurer dans une prudente réserve. Certains, se fondant sur la jurisprudence islamique, déclarent le jihad : dans les années 1830, les oulémas de Fès soutiennent la lutte d’Abdelkader contre les Français en Algérie32 ; en 1871, Muhammad Ameziyan al-Haddad, cheikh de la Rahmaniyya en Kabylie relaie l’appel à la révolte de Mokrani ; petit-fils de Muhammad ibn Ali al-Sanusi et chef de sa confrérie, Muhammad Idris al-Sanusi s’engage contre l’occupation italienne en Libye dans les années 191033. D’autres, se fondant sur la tradition d’allégeance des oulémas envers le pouvoir, se mettent au service des administrations coloniales. Ils acceptent ainsi d’entrer dans l’organisation du culte et de la justice en Algérie, à l’instar d’Ibnou Zakri (1853-1914) ou de Abdel Qadir al-Majawwi34. Les promesses de réforme des protectorats rejoignent pour certains oulémas, soit leurs ambitions personnelles, soit les aspirations qu’ils nourrissent pour leurs sociétés. Il en va ainsi du cheikh al-Hajwi, qui a espéré voir ses projets de réforme relayés par l’administration française et, de manière fort différente, de Kattani, qui va jusqu’à se faire le défenseur zélé de l’ordre colonial à l’heure des luttes anticoloniales. Les stratégies adoptées face au colonisateur sont multiples, allant de l’évitement ou du repli sur soi à l’opposition frontale, en passant par maintes formes d’accommodement35.
14De la même manière, la contribution des oulémas à la construction des nationalismes a été variable, tout comme leur attitude dans les luttes indépendantistes. Des oulémas se sont impliqués dans le Destour tunisien ou l’Istiqlal marocain dès la fondation de ces partis : ainsi de Abdel Aziz al-Thaalibi et de Allal al-Fasi36. En Algérie, leur contribution a été plus indirecte : l’Association des oulémas musulmans algériens, principale organisation réformiste fondée en 1931, a davantage investi le champ culturel que politique, mais a néanmoins formé de nombreux futurs cadres du mouvement national37.
15Avec les indépendances, on assiste à d’importantes reconfigurations des champs religieux. Au Maroc se renforce l’alliance de la monarchie et des oulémas qui se partagent le maniement du référentiel religieux38. Dans la Tunisie de Bourguiba, les oulémas sont en général mis au pas : si l’université de la Zaytuna avait été réformée sous le protectorat, elle est absorbée par l’université de Tunis au tournant des années 196039. Les confréries musulmanes perdent quant à elles leur assise économique avec la nationalisation des biens habous40. Leur influence décline face à un pouvoir qui tantôt affiche un discours sécularisant, tantôt prétend incarner l’autorité religieuse, proposant – à l’instar de Bourguiba41 – ses propres interprétations de questions telles que le statut des femmes, les règles du jeûne du ramadan, etc. En Libye, après le règne d’Idriss Ier, héritier de l’illustre famille Sanusi qui appuyait son pouvoir sur son charisme confrérique, l’avènement de Mouammar Kadhafi marque une marginalisation des confréries et des autorités musulmanes dans le pays ; le « guide » entend incarner seul l’autorité religieuse et évince, exile, voire liquide toute opposition islamique42. Enfin, dans l’Algérie indépendante, des tendances sécularistes et religieuses coexistent au sein du FLN, les tenants de l’islam gagnant en puissance à mesure que le projet socialiste s’érode, après les années 197043. Dans tous ces pays, les politiques d’arabisation de l’administration et de l’enseignement menées des années 1960 aux années 1980 sont l’occasion pour les oulémas de regagner des places dans l’appareil d’État44.
16À partir des années 1970, les nouveaux entrepreneurs religieux qui prônent un islam politique gagnent en visibilité et entrent en action, cherchant tantôt à s’emparer du pouvoir pour (ré)islamiser les sociétés, tantôt à (ré)islamiser ces dernières pour faire advenir un État islamique45. Certains jouent le jeu du parlementarisme, à l’instar de Rached Ghannouchi, leader du parti Ennahda proche des Frères musulmans en Tunisie46, puis de Abdelilah Benkirane chef du Parti de la justice et développement (PJD) au Maroc47. Là, Abdesselam Yassine (1928-2012), fondateur du mouvement Justice et Bienfaisance (al-‘Adl wa-l-Ihsan), conteste la légitimité des institutions postcoloniales et incarne un autre visage de ce renouveau islamiste, puisqu’il est imprégné de soufisme48. En Algérie, après l’interruption du processus électoral en 1991, le Front islamique du salut d’Abassi Madani et d’Ali Belhadj entre en dissidence sur fond de guerre civile49. Face aux oppositions islamistes, les pouvoirs maghrébins oscillent entre répression et compromis. Leur attitude est tout aussi fluctuante, voire parfois ambiguë, face à l’emprise sur les sociétés des doctrines wahhabites insufflées par l’Arabie saoudite. Si l’identité malékite est de nouveau revendiquée dans les discours officiels, les pouvoirs publics n’en laissent pas moins le wahhabisme s’infiltrer dans les institutions religieuses, tout en affirmant contrer cette dynamique50.
Douze portraits
17Les portraits de cette galerie d’oulémas s’insèrent dans l’histoire brièvement rapportée plus haut, qui en est le contexte général et le fil conducteur. Ils ne prétendent ni à l’exhaustivité ni à la représentativité. Il ne s’agit pas d’établir une typologie des acteurs mais de rendre compte de la diversité des profils et des parcours, au-delà de cursus et de fonctions supposés figés, tout en explorant la façon dont le religieux peut se conjuguer au social, au culturel et au politique. Certains personnages sont fameux, tel Ibn Badis, figure du mouvement réformiste algérien, alors que d’autres jouissent d’une renommée plus restreinte comme le saharien Ahmad Boularaf, jusque-là seulement connu d’une poignée de spécialistes. Les portraits brossés révéleront des aspects ignorés de ceux que l’on connaît déjà et feront découvrir les autres. Chaque chapitre a une coloration particulière qui se dégage tant de la trajectoire retracée que de la thématique dont il traite. Aussi le lecteur peut-il déambuler à son gré dans cette galerie ou s’y engager du début à la fin, en suivant la chronologie ; les indications fournies dans les notes permettent en tout cas à celui qui le souhaite de se documenter plus avant. La visite commence avec un fondateur qui exerça son magistère au xixe siècle, Muhammad ibn Ali al-Sanusi dit « le grand al-Sanusi » et s’achève par le portrait de la seule femme qui y est présente, Aïcha El Hajjami – comme un pari sur l’avenir. Si les femmes, on le sait, n’ont pas été absentes des cercles des savants51, elles y étaient assez rares, et sont souvent peu visibles dans les sources. Des figures de femmes lettrées ont toutefois été mises en lumière, comme Lalla Zaynab (m. 1904), fille d’un cheikh de la Rahmaniyya qui, tenant tête à son cousin et aux administrateurs français, succéda à son père et dirigea la zaouïa d’al-Hamel, dans le Sud algérien, à la fin du xixe et au début du xxe siècle52. En Mauritanie, certaines femmes, le plus souvent issues de lignages savants, ont contribué depuis le xviiie siècle à la production et à la transmission du savoir53. Plus anonymes encore, les laveuses de mortes (ghassalat) du Mzab étaient chargées d’enseigner le Coran et quelques rudiments d’arabe aux femmes ibadites de la région, dont elles surveillaient le comportement, sous l’égide des cheikhs54. Plus récemment, à la faveur de la multiplication des autorités religieuses et de la présence accrue des femmes dans les espaces académiques et publics maghrébins, des personnalités aussi variées que la militante islamiste Nadia Yassine, l’islamologue tunisienne Olfa Youssef ou la féministe islamique Asma Lamrabet ont émergé, qui proposent leurs interprétations religieuses au plus grand nombre55.
18Christian Wouters a mis son talent au service de cet ouvrage pour en faire une véritable galerie de portraits qui s’assortit d’un rappel des lieux où se sont déployées leur trajectoire et où ils ont laissé leur empreinte. L’artiste offre ainsi une mise en perspective qui vient enrichir les analyses des historiens, des anthropologues et des sociologues, contributeurs de cet ouvrage56. Il a toute notre gratitude.
Le Maghreb dans son environnement régional à la fin des années 1930

Christian Wouters (CC BY-NC-ND 4.0)
Notes de bas de page
1 Voir notamment Jacques Berque, Al-Yousi : problèmes de la culture marocaine au xviie siècle, Paris, Mouton, 1958 ; Ulémas, fondateurs, insurgés du Maghreb : xviie siècle, Paris, Sindbad, 1982. Pour sa bibliographie complète, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 83-84 (1997), p. 21-43.
2 Jacques Berque, « Dans le Maroc nouveau : le rôle d’une université islamique », Annales d’histoire économique et sociale, vol. 10, no 51, 1938, p. 193-207, ici p. 201.
3 Vincent J. Cornell, Realm of the Saint. Power and Authority in Moroccan Sufism, Austin, University of Texas Press, 1998 ; Khaled El-Rouayheb, Islamic Intellectual History in the Seventeenth Century. Scholarly Currents in the Ottoman Empire and the Maghreb, Cambridge, Cambridge University Press, 2015 ; Augustin Jomier & Ismaïl Warscheid (dir.), « Écrire l’histoire de l’islam moderne et contemporain », Annales. Histoire, sciences sociales, vol. 73, no 2, 2018, p. 311-439 ; Mohamed Mansour, The Power of Islam in Morocco. Historical and Anthropological Perspectives, New York, Routledge, 2020 ; Justin Stearns, Revealed Sciences. The Natural Sciences in Islam in Seventeenth-Century Morocco, Cambridge, Cambridge University Press, 2021.
4 L’astérisque marque la première occurrence des noms des oulémas qui font l’objet d’un portrait dans ce livre.
5 Pour une introduction à l’ibadisme, voir Virginie Prévost, Les Ibadites. De Djerba à Oman, la troisième voie de l’Islam, Turnhout, Brepols, 2010.
6 Elise Voguet, Le Monde rural du Maghreb central (xive-xve siècles). Réalités sociales et constructions juridiques d’après les Nawāzil Māzūna, Paris, Publications de la Sorbonne, 2014 ; Ismaïl Warscheid, Droit musulman et société au Sahara prémoderne. La justice islamique dans les oasis du Grand Touat (Algérie) aux xviie-xixe siècles, Leyde, Brill, 2017.
7 Norbert Oberauer, Verpflichtungskonzepte im Kalām, Würzburg, Ergon, 1999, p. 17 ; Jacob Lassner and Michael Bonner, Islam in the Middle Ages. The Origins and Shaping of Classical Islamic Civilization, Santa Barbara, Praeger, 2010, p. 271-272.
8 El-Rouayheb, Islamic Intellectual History in the Seventeenth Century, op. cit., p. 188-203.
9 Vincent J. Cornell, Realm of the Saint, op. cit.
10 Julia A. Clancy-Smith, « Between Cairo and the Algerian Kabylia: the Rahmaniyya Tariqa, 1715-1800 », dans Dale F. Eickelman & James Piscatori (dir.), Muslim Travellers. Pilgrimage, Migration, and the Religious Imagination, London, Routledge, 1990, p. 200‑216.
11 Jillali El Adnani, La Tijâniyya, 1781-1881: les origines d’une confrérie religieuse au Maghreb, Rabat, Marsam, 2007 ; Zachary Wright, Realizing Islam: The Tijaniyya in North Africa and the Eighteenth-Century Muslim World, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2020.
12 Knut S. Vikør, Sufi and Scholar on the Desert Edge. Muhammad b. ’Ali al-Sanusi and his Brotherhood, London, Hurst, 1995.
13 Pour un exemple éloquent, voir : Jean-Louis Michon, « L’autobiographie (fahrasa) du soufi marocain Aḥmad Ibn ʿAǧība (1747-1809) », Arabica, vol. 15, no 3, 1968, p. 225‑269.
14 María Rosa Menocal, Raymond P. Scheindlin & Michael Sells (dir.), The Literature of Al-Andalus, Cambridge, Cambridge University Press, 2000 ; Maribel Fierro, « The “Bestsellers” of al-Andalus », dans Marcos Cobaleda M. (dir.), Artistic and Cultural Dialogues in the Late Medieval Mediterranean. Mediterranean Perspectives, Londres, Palgrave Macmillan, 2021, p. 31-56. Sur l’adab, Catherine Mayeur-Jaouen (dir.), Adab and Modernity. A “Civilising Process”? (Sixteenth-Twenty First Century), Leiden, Brill, 2019.
15 Évariste Lévi-Provençal, Les Historiens des Chorfa. Essai sur la littérature historique et biographique au Maroc du xvie au xxe siècle, Paris, Émile Larose, 1922 ; Ahmed Abdesselem, Les Historiens tunisiens des xviie, xviiie et xixe siècles. Essai d’histoire culturelle, Paris, Klincksieck, 1973.
16 Mustapha Haddab, « Histoire et modernité chez les réformistes algériens », dans Jean-Claude Vatin (dir.), Connaissances du Maghreb. Sciences sociales et colonisation, Paris, Éditions du CNRS, 1984, p. 387‑400 ; Houari Touati, « Algerian Historiography in the Nineteenth and Early Twentieth Centuries: from Chronicle to history », dans Michel Le Gall & Kenneth J. Perkins (dir.), The Maghrib in Question: Essays in History & Historiography, Austin, University of Texas Press, 1997, p. 84‑94 ; James McDougall, History and the Culture of Nationalism in Algeria, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.
17 Hassan Rachik, « La science est une chasse : aperçu sur la pensée de Mokhtar Soussi », dans Penseurs maghrébins contemporains, Casablanca, EDDIF, 1993, p. 249-267, p. 250. Sur Susi, voir aussi Ahmad Boukkous, « Mohammed Mokhtar Soussi. Figure emblématique de la différence », in Naqd, vol. 11, no 1, 1998, p. 101-118 ; Tsuyoshi Saito, « Narrating the Life of a Man Known as a Sufi: An Anthropological Reflection on Narratives on al-Ḥājj ‘Alī al-Darqāwī by His Son al-Mukhtār al-Sūsī and Others », Kyoto Bulletin of Islamic Area Studies, Kyoto, vol. 6, mars 2013, p. 4-20.
18 Dale F. Eickelman, « The Art of Memory: Islamic Education and its Social Reproduction », Comparative Studies in Society and History, vol. 20, no 4, p. 485-516 ; Knowledge and Power in Morocco. The Education of a Twentieth-Century Notable, Princeton, Princeton University Press, 1985 ; Fanny Colonna, Les Versets de l’invincibilité. Permanence et changements religieux dans l’Algérie contemporaine, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1995 ; Helen Nolan Boyle, Quranic Schools. Agents of Preservation and Change, New York, Routledge Falmer, 2004.
19 Jacques Berque, « Dans le Maroc nouveau : le rôle d’une université islamique », Annales d’histoire économique et sociale, n° 51, 1938, p. 193‑207 ; Noureddine Sraieb, « Université et société au Maghreb : la Qarawîyin de Fès et la Zaytûna de Tunis », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, n° 38, 1984, p. 63‑74.
20 Houari Touati, Entre Dieu et les hommes. Lettrés, saints et sorciers au Maghreb (17e siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, 1994, p. 31-34.
21 « À la fois retour aux Écritures et reformulation du dogme en vue de répondre aux exigences du siècle, le réformisme est apparu en maints endroits du monde musulman et sous des formes très diverses » (Sabrina Mervin, « Réformes et réformismes, entre réaction et modernisme », dans Histoire de l’islam. Fondements et doctrines, Paris, Flammarion, 2016, p. 185-186). Les trajectoires de certains oulémas de cet ouvrage ont connu des inflexions réformistes : voir les chapitres concernant Bayram V, Ibn Badis, Hajwi, Bayyud, Muhammad al-Fasi et Hajjami.
22 Etty Terem, Old Texts, New Practices. Islamic Reform in Modern Morocco, Stanford, Stanford University Press, 2014.
23 Wâdî Mîzâb, n° 7, 12 novembre 1926, « Mujmal al-qawl fī al-sihâfa » (Opinions sur la presse).
24 Anne-Laure Dupont & Catherine Mayeur-Jaouen, « Monde nouveau, voix nouvelles : États, sociétés, islam dans l’entre-deux-guerres », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n° 95‑98, 2002, p. 9‑39. [En ligne] https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/remmm.224
25 François Siino, Science et pouvoir dans la Tunisie contemporaine, Paris/Aix-en-Provence, Karthala/Iremam, 2004, p. 93-94. [En ligne] https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.iremam.507
26 Charlotte Courreye, L’Algérie des oulémas. Une histoire de l’Algérie contemporaine (1931-1991), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020, p. 407-412.
27 Sossie Andézian, Expériences du divin dans l’Algérie contemporaine. Adeptes des saints dans la région de Tlemcen, Paris, CNRS Éditions, 2001 ; Katia Boissevain, Sainte parmi les saints. Sayyda Mannûbiya ou les recompositions cultuelles dans la Tunisie contemporaine, Paris, Maisonneuve & Larose, 2006 ; Emilio Spadola, « The Scandal of Ecstasy : Communication, Sufi Rites, and Social Reform in 1930s Morocco », Contemporary Islam. Dynamics of Muslim Life, vol. 2, no 2, July 2008, p. 119-138 ; Emilio Spadola, The Calls of Islam. Sufis, Islamists, and Mass Mediation in Urban Morocco, Bloomington, Indiana University Press, 2014.
28 Voir, par exemple, dans le cas de l’Aurès, Fanny Colonna, Les Versets de l’invincibilité, op. cit., p. 349-356.
29 Robert Brunschvig, « Justice religieuse et justice laïque dans la Tunisie des deys et des beys jusqu’au milieu du xixe siècle », Studia Islamica, no 23, 1965, p. 27‑70 ; Noureddine Sraïeb, « Université et société au Maghreb : la Qarawîyin de Fès et la Zaytûna de Tunis », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, no 38, 1984, p. 63‑74.
30 Arnold H. Green, The Tunisian Ulama, 1873-1915. Social Structure and Response to Ideological Currents, Leiden, Brill, 1978.
31 Etty Terem, « Navigating Modernity: Lessons in Government and Statecraft in Precolonial Morocco », Mediterranean Studies, vol. 25, no 1, 2017, p. 76‑97 ; Bettina Dennerlein, Religion als Reform. Iṣlāḥ und Gesellschaft in Marokko, 1830-1912, Berlin, Klaus Schwarz Verlag, 2018.
32 Amira K. Bennison, Jihad and its Interpretations in Pre-colonial Morocco. State-Society Relations during the French Conquest of Algeria, London/New York, Routledge, 2002.
33 Jean-Louis Triaud, La Légende noire de la Sanûsiyya. Une confrérie musulmane sous le regard français, 1840-1930, vol. 2, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1995.
34 Allan Christelow, Muslim Law Courts and the French Colonial State in Algeria, Princeton, Princeton University Press, 1985 ; Kamel Chachoua, L’Islam kabyle. Religion, État et société en Algérie, Paris, Maisonneuve & Larose, 2001.
35 Julia A. Clancy-Smith, Rebel and Saint. Muslim Notables, Populist Protest, Colonial Encounters (Algeria and Tunisia, 1800-1904), Berkeley, University of California Press, 1994 ; Charlotte Courreye, L’Algérie des oulémas, op. cit. ; Arnold H. Green, The Tunisian Ulama, 1873-1915, op. cit. ; Augustin Jomier, Islam, réforme et colonisation. Une histoire de l’ibadisme en Algérie (1882-1962), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020 ; David Robinson, Paths of Accomodation. Muslim Societies and French Colonial Authorities in Senegal and Mauritania, 1880-1920, Athens/Oxford, Ohio University Press/James Currey, 2000.
36 Jamil Abun-Nasr, « The Salafiyya Movement in Morocco: The Religious Basis of the Moroccan Nationalist Movement », dans Albert Hourani (dir.), St. Antony’s Papers, no 16, Middle Eastern Affairs, no 3, 1963, p. 90–105.
37 Charlotte Courreye, L’Algérie des oulémas, op. cit. ; James McDougall, History and the Culture of Nationalism in Algeria, op. cit. ; Shoko Watanabe, « To Be Religious and to Be Political in Colonial Algeria: The Ulama and the Nationalists, Two Approaches », UTCP Booklet, no 17, 2010, p. 119-130.
38 Abdellah Hammoudi, Master and Disciple. The Cultural Foundations of Moroccan Authoritarianism, Chicago, The University of Chicago Press, 1997 ; Mohamed Tozy, Monarchie et islam politique au Maroc, Paris, Presses de Sciences Po, 1999.
39 François Siino, Science et pouvoir dans la Tunisie contemporaine, op. cit., p. 93-94.
40 Larbi Chouikha & Éric Gobe, Histoire de la Tunisie depuis l’indépendance, Paris, La Découverte, 2015, p. 17-18.
41 Michel Camau & Vincent Geisser, Habib Bourguiba. La trace et l’héritage, Paris, Karthala, 2004.
42 Dirk Vandewalle, A History of Modern Libya, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 2006, p. 87 et p. 122-128.
43 James McDougall, A History of Algeria, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 270-284.
44 Gilbert Grandguillaume, Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Paris, Maisonneuve & Larose, 1983.
45 Sabrina Mervin & Nabil Mouline (dir.), Islams politiques. Courants, doctrines et idéologies, Paris, CNRS Éditions, 2017.
46 François Burgat, L’Islamisme au Maghreb. La voix du Sud, Paris, Karthala, 1988.
47 Malika Zeghal, Les Islamistes marocains. Le défi à la monarchie, Paris, La Découverte, 2005.
48 Mohammed Tozy, Monarchie et islam politique au Maroc, Paris, Presses de Sciences Po, 1999 ; Mohammed El Ayadi, « Abdessalam Yassine ou le poids des paradigmes dans le parcours d’un nouveau clerc », Naqd, n° 11, vol. 1, 1998, p. 6-40 ; Youssef Belal, Le Cheikh et le Calife. Sociologie religieuse de l’islam politique au Maroc, Lyon, ENS Éditions, 2011.
49 Luis Martinez, La Guerre civile en Algérie, 1990-1998, Paris, Karthala, 1998.
50 Frederic Wehrey & Anouar Boukhars (dir.), Salafism in the Maghreb. Politics, Piety, and Militancy, Oxford, Oxford University Press, 2019.
51 Asma Sayeed, Women and the Transmission of Religious Knowledge in Islam, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.
52 Julia A. Clancy-Smith, « The Saykh and his Daughter. Implicit Pacts and Cultural Survival c. 1827-1904 », dans Rebel and Saint, op. cit., p. 214-253.
53 Britta Frede, « Le savoir islamique féminin en Afrique : une histoire oubliée », Oasis, année XV, no 30, 2020, p. 25-36. [En ligne] https://www.oasiscenter.eu/fr/savoir-islamique-feminin-en-afrique [archive]
54 Augustin Jomier, « Muslim Notables, French Colonial Officials, and the Washers of the Dead: Women and Gender Politics in Colonial Algeria », French Politics, Culture & Society, vol. 39, no 1, 2021, p. 9‑33.
55 Sara Borrillo, « Entre égalité de genre et Islam : les féminismes au Maroc », Oasis, année XV, no 30, 2020, p. 69-78. [En ligne] https://www.oasiscenter.eu/fr/feminisme-maroc-islam-egalite [archive] ; Sara Borrillo, « Islamic Feminism in Morocco. the Discourse and the Experience of Asma Lamrabet », dans Moha Ennaji, Fatima Sadiqi & Karen Vintges (dir.), Moroccan Feminisms. New Perspectives, Trenton, Africa World Press & Red Sea Press, 2016, p. 111-127.
56 Cet ouvrage est l’un des fruits du programme ILM, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR-16-CE27-0015) et hébergé par le Centre Jacques Berque, puis par le CéSor. Nous tenons à remercier les auteurs qui y ont participé ainsi qu’Arnaud Chabrol et son équipe qui nous ont accompagnés tout au long du processus éditorial, Ismaïl Warscheid pour sa relecture de cette introduction, et David Goeury pour son travail préparatoire sur les cartes.
Auteurs
Historien du Maghreb contemporain, maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales, membre du Centre de recherches Moyen-Orient Méditerranée (Cermom)
Historienne de l’islam contemporain, directrice de recherche au CNRS, membre de l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (Iremam)

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