Institutionnalisation d’une « interdiscipline »
Le cas des sciences de l’information et de la communication à l’Université libanaise
p. 36-82
Texte intégral
1Presque trente ans après le modèle émetteur-récepteur de Claude Shannon qui fonde, aux États-Unis, les medias studies, les enseignants-chercheurs français se regroupaient, en 1975, au sein de la 52e section du Comité consultatif des universités1, pour créer une nouvelle discipline : les sciences de l’information et de la communication (SIC)2.
2Qu’il s’agisse des medias studies ou de son pendant francophone, ce domaine disciplinaire se caractérise par l’éparpillement de ses références théoriques et méthodologiques. En France, l’emploi du pluriel pour parler des SIC n’a d’ailleurs jamais fait l’objet du débat qu’a connu la discipline de la/des science/s politique/s tant il semble que l’idée d’une unification disciplinaire autour d’un paradigme fondateur ou même d’une école de pensée semble hors de propos. « Beaucoup de chercheurs en sciences de l’information et de la communication déclarent même ostensiblement que celles-ci n’existent pas comme disciplines autonomes et qu’elles ne se distinguent en rien épistémologiquement soit de la sociologie (des techniques, des usages…), soit des sciences politiques, des sciences du langage ou, le plus souvent, de la discipline “d’origine” ou de référence de ces chercheurs. » (Le Moënne 2008) En outre, dans un contexte où les sciences humaines et sociales (SHS), victimes de l’opposition communément faite entre sciences « dures » et sciences « molles », doivent bien souvent faire la preuve de leur utilité sociale tout en apportant des garanties sur leur légitimité scientifique, ce domaine de savoir ayant pour objet l’information et la communication est particulièrement marqué par la dichotomie problématique entre science et technique.
3À cet égard, Laure Monnoyer-Smith (2008) attire notre attention sur ce qu’il peut y avoir de contestable dans le fait de vouloir à tout prix séparer et opposer ces deux formes de savoir. Qu’il s’agisse de la pratique professionnelle des chercheurs, sollicités pour des travaux d’expertise, ou bien de l’existence d’une demande sociale afin que la formation en information et communication soit non pas uniquement fondamentale, mais également technique, beaucoup d’éléments contribuent à plaider pour une réflexion épistémologique sur les SIC qui évite une opposition stricte entre dimensions théoriques et pratiques.
4Pour l’analyse de ce terrain disciplinaire marqué par la complexité, nous nous inspirons des réflexions de Bruno Ollivier lorsqu’il établit un parallèle entre la construction d’une discipline et celle d’une nation, d’une langue ou d’un territoire. Il considère que si l’enjeu disciplinaire initial est l’établissement de frontières délimitant un espace/territoire propre au travers de l’instauration de normes formelles, la production d’une identité, c’est-à-dire la reconnaissance, de part et d’autre de cette frontière, de l’existence de ce territoire, permet de compléter la construction d’une discipline. Sa réflexion sur l’origine et la nature d’un territoire disciplinaire est structurée autour de trois points d’ancrage : celui de ses origines historiques, c’est-à-dire de sa genèse, celui de ses frontières dans leur « nature double de ligne de séparation et de pont de passage et d’échange », et celui de son unité interne. Alors que certains auteurs, tels qu’Alex Muccchielli, semblent envisager ce rapport aux autres disciplines des SHS comme une tare originelle, considérant que « cette “nouvelle discipline” […], du fait de l’absence de paradigme commun et de la multiplication des référents théoriques possibles est devenue une “interdiscipline” » (Mucchielli 2006, p. 11), Bruno Ollivier encourage plutôt à avoir recours à ce dernier concept pour comprendre les liens entretenus entre les SIC et l’ensemble des disciplines des SHS, et pour comprendre leurs interactions. De même, il en souligne la valeur heuristique pour questionner l’hétérogénéité du territoire disciplinaire (variété des problématiques, des paradigmes et des courants théoriques, des méthodes d’analyse, etc.). Dans cette perspective, Stéphane Olivesi écrit également :
Les SIC peuvent jouer [un rôle] au sein des SHS. En investissant des objets peu coutumiers, irréductibles à une discipline, tels que les cultures, les genres, les sociabilités, les manières d’être, mais aussi les formes de subjectivité qui s’y rattachent, c’est-à-dire des objets qui recoupent des structures et des Expériences de communication, les SIC se positionnent comme une interdiscipline capable de traiter de problématiques que les autres disciplines propres aux SHS délaissent ou ne traitent que partiellement. (Olivesi 2006, p. 194)
5Dans le monde arabe, et malgré une institutionnalisation plus précoce qu’en France, dès les années 19603, le savoir en information et communication est confronté à des difficultés similaires liées à sa constitution en tant qu’espace disciplinaire autonome et légitime au sein des sciences humaines et sociales, en parallèle de pratiques techniques et professionnelles. Des efforts de réflexivité marquent les analyses réalisées dans les années 1980, principalement au Maghreb et en Égypte. Dans leurs études respectives appliquées au monde arabe, des chercheurs tels que Sadok Hammami (2005), Fathallah Daghmi (2014), Mohammed Talel (1993), Youssef Ben Romdhane, Larbi Chouikha, Mohammed Hemdane, Nicole Khouri et Jad Melki (2009), décrivent avant tout les SIC comme un espace de savoir dont l’organisation et le développement restent tributaires des initiatives individuelles de chercheurs isolés. Ils relèvent en outre que le domaine des SIC, dans cette région, semble plutôt soumis à des logiques professionnelles, idéologiques, voire politiques, qu’ils jugent en contradiction avec celles présidant à la constitution d’une discipline autonome.
6Au Liban, le processus d’institutionnalisation disciplinaire débute également dans les années 1960 à une période où le pays connait une prospérité économique et sociale que les réformes chéhabistes4 tentent d’accompagner et d’encadrer. Dans un premier temps, les étudiants sont formés au journalisme au sein de l’Institut de presse (qui deviendra l’Institut d’information en 1971) de l’Université libanaise (UL, université nationale publique fondée en 1951). En 1975, l’Institut devient une faculté où l’on forme non plus seulement des journalistes, mais également, désormais, des documentalistes, des spécialistes en relations publiques ainsi que, depuis 2018, des experts en science des données (data science)5.
7Cet article vise à présenter comment, au sein de l’UL, un domaine de savoir en lien avec les phénomènes d’information et de communication s’est progressivement institué dans sa configuration nationale6. Cette étude de cas n’a pas pour vocation de couvrir l’ensemble du domaine libanais des SIC. Elle cherchera plus modestement à apporter des éléments de compréhension de l’historicité de cette « interdiscipline » dans cette université et des conditions et modes de production d’un savoir relatif à l’information et à la communication.
8S’inspirant des réflexions conduites par Bruno Ollivier, nous interrogerons tout d’abord la genèse des SIC à l’UL en présentant les conditions historiques de leur institutionnalisation. Nous formulerons à cette occasion l’hypothèse que ces débuts institutionnels ont fortement participé, aux côtés d’éléments plus subjectifs de construction de sens commun – la représentation collective du rôle de l’information par exemple –, à l’émergence d’une « tradition » d’enseignement fondée sur une mission professionnalisante, sur la centralité du savoir en information journalistique et la mise en périphérie du savoir en communication.
9Puis nous porterons le regard sur les frontières de la discipline. Comment s’effectuent les échanges entre SIC et les autres disciplines appartenant au domaine des SHS, et quels types de rapports engendrent-ils ? Trois questionnements, inscrits chacun dans des lieux d’analyse spécifiques, retiendront ici notre attention : les modes de mobilisation des autres savoirs en SHS dans les programmes de licence en SIC de la faculté (pour les trois départements d’info/presse, de relations publiques et de documentation), les rapports des SIC aux autres SHS dans la revue universitaire de la faculté d’information et de documentation (FID) et les passerelles entre les champs7 universitaires, socioprofessionnels et politiques, liens forts mis à jour à l’occasion des cycles de conférences organisés par la faculté. Nous envisagerons ce que Robert Boure, un des spécialistes des SIC qui a le plus travaillé sur l’histoire de la discipline en France, appelle les « zones de contacts » et les « interfaces » disciplinaires (Boure 2002). Nous avançons alors l’hypothèse qu’à la faculté, en raison notamment de la pluridisciplinarité du corps professoral, le savoir en information et en communication est fortement marqué par l’interdisciplinarité et ceci au détriment d’une inscription dans un territoire aux frontières bien délimitées.
Constitution d’un territoire disciplinaire
10Si l’information fait partie intégrante du processus d’institutionnalisation des SHS à l’UL dans les années chéhabistes, cette spécialité disciplinaire s’est déployée avant tout en s’adossant aux mutations de la profession de journaliste. Élément fondateur, cette alliance du savoir scientifique et du savoir technique continue aujourd’hui de marquer fortement le développement institutionnel et épistémique de la faculté. Une cartographie – non exhaustive – du savoir transmis à la faculté, effectuée par le biais de l’analyse des programmes de licence successifs (1975, 1999, 2014 et 2017) nous permettra d’étayer l’idée que s’est rapidement imposé un modèle accordant à l’information une place centrale, la documentation et la communication étant reléguées à la marge.
Création d’un cursus universitaire en information journalistique à l’UL
11L’information est érigée comme discipline de formation au Liban lors de la fondation en 1967, de l’Institut de presse8. Le décret de formation précise que l’objectif est de « former les journalistes, surtout les journalistes des pays arabes, en organisant des rencontres médiatiques à un niveau international, [en assurant] l’instruction des principes de la profession de journalisme, et [en mettant en œuvre] des méthodologies de recherches communes entre différents pays de l’Orient arabe » (El Takach 2015, p. 181). Précédemment, un décret de 1962 avait implicitement ouvert la voie en stipulant que, pour être considéré comme journaliste, il fallait être soit titulaire au minimum du bac et posséder quatre années d’expérience, soit « détenteur d’une licence en journalisme délivrée par un institut dépendant de l’Université libanaise ou enfin d’une licence en journalisme reconnue par ladite université » (cité par Mouradian 1985, p. 98).
12Cette initiative répond aux besoins d’une profession qui, bien qu’ayant commencé à s’institutionnaliser après l’indépendance du Liban9, cherche désormais, dans les années 1960, à s’adapter à l’évolution mondiale des techniques de communication et aux mutations du secteur de l’information. En effet, en ce qui concerne la presse écrite, si le libéralisme politique et économique du système libanais contemporain a été favorable au développement d’un secteur né au xixe siècle, il crée également, à partir des années 1950, les conditions d’une forte concurrence entre les différents titres nationaux. Particulièrement dynamique au cours des années 1950-1960, avec des tirages en constante hausse, mais enchaînée par la logique du double marché (celui des lecteurs et celui des annonceurs), la presse écrite doit désormais faire la preuve de son adaptation constante à l’évolution du secteur professionnel. Elle recrute massivement et offre dès lors des débouchés aux jeunes qui souhaitent se former en journalisme. En ce qui concerne l’audiovisuel, le secteur de l’époque, explique Krikor Mouradian dans son étude sur l’enseignement des sciences de l’information au Liban, ne compte alors aucun opérateur privé et ressemble plutôt à une grande administration ; ceux qui assurent le service public de l’audiovisuel sont principalement des fonctionnaires soumis à des règles administratives et financières publiques dont le mode d’application et de fonctionnement s’avère trop lourd, conduisant dès lors à bloquer l’innovation (Mouradian 1985, p. 104).
13Les mutations du secteur professionnel dans les années 1960 conduisent donc les autorités publiques libanaises à s’engager en faveur d’un encadrement institutionnel de la formation dans le domaine de l’information. Néanmoins, cet engagement étatique ne trouve pas uniquement son fondement dans la prise en compte des évolutions sectorielles10. Il s’explique également par l’évolution de la conjoncture régionale. La décision de créer l’Institut de presse a lieu en octobre 1967, soit quelques mois seulement après la guerre des Six Jours (juin 1967) qui s’est achevée sur la victoire d’Israël face aux forces armées arabes coalisées. En septembre de la même année, alors que les pays arabes réunis à Khartoum font le choix du triple « non » (non à la paix, aux négociations et à la reconnaissance d’Israël), « ils demandent aux politiciens libanais de s’engager dans cette guerre avec le moyen que les Libanais maîtrisaient : l’information11. » La création d’un institut consacré à la formation des journalistes peut donc être comprise comme un acte de positionnement de la part des autorités libanaises face aux impératifs de l’unité arabe12. « Dans la majorité des pays arabes, il s’agissait de former des professionnels qui puissent dégager et diffuser une certaine idéologie dans un contexte d’installation durable du conflit israélo-palestinien », souligne Ali El Takash (2015, p. 79-81)13.
14Prise en compte des nombreux débouchés offerts par le secteur professionnel à cette époque, appel à l’adaptation et à la modernisation du secteur public de l’audiovisuel, et surtout nécessité de former une nouvelle génération de journalistes arabes dans un contexte géopolitique en évolution : la vocation de l’Institut de presse est conçue comme essentiellement professionnalisante, ce qui va constituer un marqueur identitaire durable de la formation en information à l’UL.
Une vocation professionnalisante comme marqueur identitaire fort
15Une réforme en 1971 transforme l’Institut de presse en Institut d’information. Le cursus, qui s’étend désormais sur quatre années au lieu de trois, s’ouvre à de nouvelles spécialisations, en radiotélévision, mais également en publicité et relations publiques. Puis, en 1975, est créée la faculté d’information et de documentation (FID)14 avec, en son sein, des départements spécifiques, pour la presse, les relations publiques et pour la documentation. Coïncidence – ou pas – : c’est également en 1975 que les SIC sont officiellement institutionnalisées en France15. Or malgré les contacts universitaires réguliers entre des enseignants français et libanais16 et la sociabilité qui découle de ces échanges, les conditions d’institutionnalisation de ce domaine de savoir diffèrent radicalement d’un pays à l’autre.
16En France, même si les unités de recherche, les revues existantes, les collections et les thèses contribuent au processus d’institutionnalisation, c’est l’existence de la société savante, la Société française des sciences de l’information et de la communication (SFSIC) qui « va jouer un rôle moteur dans les débats des premières années sur les limites du champ, les orientations théoriques et l’animation du débat d’idées scientifique. » (Durampart 2015, p. 32) Souffrant néanmoins d’un manque de visibilité et d’un malaise identitaire né de l’éclatement de cette science pluridisciplinaire, les SIC sont, en France, plutôt intégrées dans des cursus littéraires ou bien technologiques.
17À l’UL, la volonté qui émane des autorités publiques en faveur de l’institutionnalisation d’un savoir en information – essentiellement journalistique – est bien plus le résultat de la situation géopolitique régionale et des mutations du secteur professionnel que la conséquence de l’existence d’un débat d’idées ou de réflexions théoriques préalables animés par des universitaires. Il est vrai que la création de la faculté d’information et de documentation permet que ce domaine disciplinaire soit reconnu et constitué comme unité indépendante d’enseignement et de recherche, traitement dont ne bénéficient pas les formations de l’UL en histoire ou en science politique, par exemple, qui sont intégrées dans des unités plus larges, respectivement la faculté des lettres et celle de droit. Cependant, cette reconnaissance de l’autonomie d’un savoir scientifique disciplinaire en information et communication reste limitée à l’aspect purement institutionnel.
18Alors que les SIC sont une discipline marquée par la complexité de ses liens avec les autres disciplines, mais aussi par la difficulté à saisir précisément un objet analytique central et à définir un paradigme fondateur, il peut être surprenant de ne trouver trace d’aucune réflexion en interne sur l’identité de la faculté, par exemple, ni même sur les problèmes épistémologiques que peut créer l’existence de langues d’enseignement différentes17. Néanmoins, l’inclusion « originelle » des SIC dans la formation au métier du journalisme constitue un marqueur identitaire suffisamment fort pour ne pas faire débat. C’est ainsi que la faculté a célébré son cinquantenaire en 2017-2018 établissant dès lors une filiation directe avec l’Institut de presse, créé en 1967, quitte asseoir davantage le statut de « pièces rapportées » des relations publiques et de la documentation. Lors de la cérémonie d’ouverture, un documentaire, réalisé par des professeurs de la faculté et projeté devant la communauté universitaire dans son ensemble, a omis de présenter les départements des relations publiques et de la documentation, suscitant quand même quelques murmures et réactions de dépit au sein de l’assemblée. Cet épisode, certes anecdotique, nous apporte néanmoins un éclairage sur l’histoire disciplinaire en train de se construire, que les acteurs en aient conscience ou pas.
19Autre indice du poids du passé dans les représentations collectives : le contenu des programmes de licence. Leur étude tend à montrer l’impact de la genèse institutionnelle sur la structuration épistémique des SIC à la faculté et, ce faisant, sur les conditions de production et de diffusion du savoir dans ces lieux.
Centralité du savoir en information et mise en périphérie des sciences de la communication
20L’étude des premiers programmes de la faculté (1975)18 montre que c’est majoritairement le terme i‘lâm qui est retenu dans l’appellation des différentes matières19, traduit indifféremment par « information » et par « médias ». I‘lâm peut dès lors être entendu comme un système d’émission de messages et de nouvelles portées à la connaissance d’autrui au travers de techniques médiatiques (support papier, poste de télévision ou de radio, ordinateur, smartphones, etc.) et grâce à des institutions médiatiques traditionnelles (télévision, radio, presse) et, plus récemment, des réseaux numériques. En ce sens, il est assimilable au terme akhbâr (les nouvelles) et anbâ’ (les actualités) et fait essentiellement référence au secteur de la presse écrite et audiovisuelle (traditionnelle ou numérique). À la FID, l’imprécision du terme i‘lâm et les multiples acceptions qu’engendre la traduction de ce terme en français vont conduire à imposer, les sciences de l’information comme un domaine plus large que le seul savoir relatif aux médias, et à y intégrer également celui portant sur la gestion de données (idârat al-ma‘lûmât) ou documentation20. Les programmes spécifiques à la filière documentation font en effet référence aux « informations », mais cette fois dans le sens de « données » (terme toujours utilisé sous la forme du pluriel ma‘lûmât). Ainsi, sous le vocable « information » s’unifient, à la faculté, les deux spécialités du journalisme et de la documentation21.
21Mais il en va différemment de la « communication » : dans le cas français, Laurence Monnoyer-Smith souligne qu’il existe « une dichotomie fondamentale dans les SIC entre information et communication (intrinsèquement incompatibles quant à leur mode de rationalité) qui organise une hiérarchisation entre deux formes de cultures. La première, issue des sciences sociales et plus précisément de la rhétorique se veut outil d’observation, de description et d’analyse des processus de communication ; l’autre, technique, instrumentalisée par les pratiques professionnelles […] cherche avant tout à augmenter l’efficacité des processus de médiation. » (Monnoyer-Smith 2008) Ce constat est également commun au domaine des SIC dans le monde arabe. Sadock Hammami note en effet que « la perception de la communication chez les chercheurs arabes correspond […] à la représentation des médias chez les élites politiques qui les considèrent comme instrument de gestion, de contrôle et de changement de la société. [Il existe] une représentation dominante exclusivement techniciste et instrumentale de la communication partagée par les élites politiques, administratives, intellectuelles et académiques et notamment les chercheurs se réclamant des SIC. » (Hammami 2005, p. 8)
22Dans les programmes de 1975, il n’existe pas de « sciences de la communication » ; le terme même de « communication » n’apparaît que pour parler des « moyens de communication » et donc des médias en tant qu’outils de transmission de l’information. Les intitulés des matières relevant de la communication font plutôt référence à la « publicité » (al-i‘lân) ou aux « relations publiques » (‘alâqât ‘âmma), ancrant de ce fait la communication dans le domaine du savoir professionnel et pratique.
23Au fil des programmes qui se succèdent (1999, 2009, 2014 et 2017) s’instaure une tradition dans la structuration du savoir à la faculté : l’information journalistique est particulièrement mise en valeur car elle peut se prévaloir du statut de savoir fondateur ; la gestion des données – traduit pendant longtemps par documentation – et la communication – assimilée à la publicité et aux relations publiques – restent des disciplines pratiques et techniques.
24Pendant presque vingt-cinq ans, les programmes de 1975 restent quasiment inchangés, la division de la FID en deux sections situées de part et d’autre de la ligne de démarcation durant la guerre bloquant durablement toute tentative de réforme22. Ce n’est qu’en 1999 qu’est formé un comité de réforme de sept enseignants nouvellement titularisés, afin de réfléchir à l’évolution de la formation. Les membres de ce comité, tous formés à l’étranger et principalement en France23, introduisent de nouvelles matières au cursus telles que la « méthodologie de la recherche scientifique » ou « les outils de la recherche scientifique »24. Dans l’introduction des nouveaux programmes, ils expliquent que la nécessité de leur mise à jour repose non seulement sur la prise en compte des avancées technologiques dans le domaine de l’information et de la communication, mais également du développement des sociétés et, de ce fait, de l’évolution des théories portant sur l’information et les liens de communication dans leur ensemble. Bien que portés à prendre en compte les avancées théoriques dans le domaine des SIC, ils se conforment aux représentations héritées du passé et aux choix qui ont été faits précédemment et reproduisent le schéma cognitif traditionnellement opérant à la faculté qui tend à placer les sciences de la communication à la périphérie d’un domaine du savoir qui demeure uniquement centré sur les sciences de l’information journalistique.
25Ainsi, non sans avoir rappelé que la faculté recherche l’équilibre entre les connaissances théoriques et les connaissances appliquées ou la compétence professionnelle spécialisée, les programmes de 1999 continuent d’accorder une place prépondérante au terme i‘lâm, qu’il s’agisse d’initier l’étudiant aux théories (nazarîyât i‘lâmiyya – traduit indifféremment par « théories des médias » et « théories de l’information »), aux principes de « l’écriture journalistique » (kitâba i‘lâmiyya), à « la recherche scientifique » (bahth ‘ilmî i‘lâmî). Le terme de « communication » n’apparaît que dans une matière de 3e année intitulée « madkhal ilâ ‘ulûm al-i‘lâm wa-l-ittisâl » traduite par « introduction aux SIC » ainsi qu’une autre portant sur la « communication et [la] globalisation » (ittisâl wa-‘awlama).
26En 2009, la faculté cherche à adapter ses programmes de licence au nouveau système LMD25 adopté cinq ans plus tôt par l’UL, et met en place des programmes de master 1 et 2 (recherche et professionnel) et de doctorat d’État. Elle instaure en outre l’habilitation à diriger des recherches en SIC, en coordination avec l’école doctorale des lettres et des sciences humaines et sociales de l’université.
27La restructuration formelle des programmes de licence, avec une répartition des matières par crédits, offre la possibilité de créer des passerelles entre les différentes formations de la faculté : des matières empruntées au tronc commun d’un département, se retrouvent dans le groupe des matières optionnelles d’un autre. Ainsi, un étudiant en journalisme pourra-t-il choisir une option en stratégie marketing ou en sources bibliographiques spécialisées (masâdir al-ma‘lûmât al-mutakhassisa), un étudiant en relations publiques, une option en organisation médiatique ou exploitation des données, un étudiant en documentation, une option en étude du public ou réalisation et production écrite. Néanmoins, le schéma global de la formation reste inchangé avec, toujours, cette centralité du savoir en « information journalistique » et l’assimilation de la « communication » aux relations publiques ou aux relations internes à l’entreprise commerciale. Sur ce point, nous pouvons noter que les programmes de 1999, de 2009 et de 2014 n’apportant aucune modification sur ce point, le projet de fin d’études des étudiants de licence en relations publiques s’inscrit jusqu’à aujourd’hui – du moins jusqu’en 2020, première année d’application de la réforme de 2017 pour la troisième année de licence – dans cette perspective de communication avant tout commerciale : il leur est demandé de réaliser un plan de communication qui, dans la majorité des cas, porte sur un produit ou un service commercial et privilégie une approche de type marketing et la mise en place d’une stratégie publicitaire. Là encore, tout comme pour les étudiants en presse, la formation en relations publiques est conçue en rapport avec la nature et la structuration du secteur professionnel de la communication : les métiers de communicant et de relationniste sont assez peu connus ou du moins très peu mis en valeur au Liban. L’influence d’auteurs français tels que Lucien Matrat ou Philippe Boiry (2004), qui militent pour faire des relations publiques une science du comportement relationnel, reste faible à la faculté, et c’est avant tout l’approche publicitaire et commerciale qui domine la formation26. Selon certains enseignants de la faculté, la situation serait néanmoins en train d’évoluer. En effet, en 2017, de nouveaux programmes sont établis qui créent deux licences distinctes au sein du département des relations publiques, l’un en publicité et communication marketing (i‘lân wa-ittisâl taswîqî) et l’autre en relations publiques et communication des organisations (‘alâqât ‘âmma wa-ittisâl al-mu’assasât). De nouvelles matières font leur apparition dans les programmes de cette dernière, telles que « communication des institutions publiques », « communication politique publique », « relations publiques des organisations non lucratives », « communication de crise », etc. Selon Nisrine Zammar, membre des comités de réforme des programmes, la création de cette seconde licence permettrait « de proposer un autre aspect des relations publiques, plus axé sur la communication en général et non pas seulement sur la communication commerciale27 ». Il faudra néanmoins attendre quelques années pour envisager dans quelle mesure et sous quelle forme peut se construire une perception plus globalisante, voire humaniste, de la discipline, moins tournée vers les liens commerciaux et davantage vers les échanges entre les publics.
28Au niveau du master, les étudiants licenciés en journalisme peuvent ensuite s’inscrire en première année de « sciences de l’information » : tronquée du terme « communication », la formation est essentiellement centrée sur l’information journalistique avec des matières telles que technologies et médias, médias et connaissance, mais également médias et crise.
29Aux côtés de masters 2 professionnels en journalisme, en communication des entreprises et en gestion de données et bibliothèques, un master recherche en SIC28 voit le jour qui, jusqu’à maintenant, et malgré des programmes révisés en 2014 et 2017, n’accepte que les étudiants issus de la spécialisation presse. Un étudiant inscrit en licence de relations publiques ou de gestion de données ne pourra poursuivre qu’en master professionnel, celui-ci constituant une étape supplémentaire de spécialisation, en continuité directe avec la licence29. Ce choix de l’association exclusive entre info-presse et SIC enracine une peu plus une représentation spécifique des SIC, conçues avant tout comme un domaine lié à l’étude des médias.
30L’étude des programmes de licence et de master de la faculté met en lumière une certaine hiérarchisation des différentes branches disciplinaires et domaines d’étude à l’intérieur de l’espace institutionnalisé de formation en SIC. Intéressons-nous maintenant aux frontières des SIC, non plus en tant que ligne de séparation, mais plutôt comme « pont de passage et d’échange », dans le sillage de Bruno Ollivier.
La question des frontières disciplinaires
31La faculté possède une autonomie institutionnelle dans le sens où elle s’est historiquement constitué autour d’un corpus de règles qui lui sont spécifiques, notamment au travers des lois et des décrets ministériels, ainsi que des circulaires émises par les responsables de la faculté afin d’en organiser le fonctionnement interne. L’ensemble de ces règles, procédures et formalités participe de la construction et de la visibilité d’un espace administratif formel et bien distinct. Néanmoins, l’analyse de la production du savoir à la faculté permet de montrer que les SIC constitue un domaine de savoir que les acteurs construisent en s’appuyant sur l’idée de son appartenance au domaine plus large des SHS. Dès lors, les frontières entre les SIC et les autres disciplines des SHS apparaissent relativement poreuses. Cette question est abordée au travers de l’étude de trois lieux de production du savoir en information et communication : les programmes, la revue institutionnelle et les conférences de la faculté.
Les autres disciplines de SHS dans les programmes de licence : des matières de « culture générale »
32Les premiers programmes de la faculté, en 1975, sont institués sur un modèle qui a perduré jusqu’à la mise en place du système LMD en 2009 : après un tronc commun en première année, les deuxième et troisième années introduisent un apprentissage spécialisé avec des formations aux métiers de l’information (secteur de la presse et des agences d’information, secteur de la publicité et des relations publiques, secteur de la radio-télévision) et des métiers de la documentation. La quatrième année – qui a disparu avec l’introduction du système LMD – est conçue comme une année entièrement consacrée à la spécialisation professionnelle dans le domaine de l’information-presse et agence d’information (fusionnant désormais presse écrite et presse télévisée), dans le domaine de la publicité et des relations publiques et, enfin, dans le domaine de la documentation.
33Dans son étude des programmes officiels de 1975, Krikor Mouradian, un des premiers doyens de la FID, fait une classification qui, à la fois, est caractéristique de l’état de la formation en sciences de l’information à la faculté à cette époque et, en même temps, va fortement et durablement influencer les modalités de production et de diffusion du savoir en information et communication30.
34Il établit en effet une distinction entre, d’un côté, ce qu’il nomme les « matières spécialisées », à savoir les techniques rédactionnelles et les sciences de l’information et, de l’autre, les matières de « culture générale » (Mouradian 1985, p. 150), qui regroupent des disciplines en sciences sociales telles que l’économie politique, la science politique, la sociologie, le droit et l’histoire31. Les premières semblent être considérées avant tout comme des outils de spécialisation servant de support cognitif à la production professionnelle journalistique et c’est autour de cette représentation que va s’établir, à la faculté, le rapport aux autres disciplines des SHS.
35Dans son analyse des programmes, l’association que Krikor Moradian établit entre SHS et culture générale a pour incidence de présenter cet ensemble disciplinaire comme un savoir généraliste participant, au même titre que l’expérience et la curiosité, au processus d’apprentissage personnel des futurs journalistes, documentalistes, relationnistes et publicitaires. Ce caractère accessoire des disciplines de sciences sociales est également mis en lumière par plusieurs déclarations venant aussi bien des étudiants que de responsables au sein de la faculté. Celles des étudiants de la section 2 de la FID, parues dans un article du quotidien al-Ahrâr du 20 mars 1980, sont particulièrement révélatrices de la perception de la mission de la faculté et des objectifs attendus d’un cursus en information et communication. Les étudiants critiquent l’éparpillement de la formation qui se résumerait selon eux à « l’enseignement de petites parties de toutes les disciplines ». Ils se plaignent d’avoir des programmes trop remplis où tout est enseigné sauf le journalisme, certains qualifiant la FID de « faculté de la culture générale » (al-Ahrâr, 20 mars 1980). Des critiques similaires sont exprimées, dans le premier numéro de leur revue étudiante de mai 1986, par les étudiants de la section 1 qui souhaiteraient voir l’enseignement être réorienté vers des aspects plus pratiques et professionnels. Le directeur de l’époque de cette section, Ahmad Khansa, leur répond d’une manière qui confirme le statut accordé aux enseignements de SHS au sein de la faculté :
Sur ce plan, l’université oriente les étudiants et ne leur donne pas tout. Cette orientation doit être accompagnée par l’acquisition d’une culture générale. C’est ce que nous tentons d’assurer au travers de nombreuses matières telles que la science politique, les sciences sociales, le droit international, etc. (al-Sahâfî al-jadîd, no 1, mai 1986, p. 40)
36Avec la réforme de 1999, le cursus, qui s’étale toujours sur quatre années, est structuré selon le modèle hérité de 1975 avec un tronc commun de deux ans ouvrant sur deux autres années de spécialisation. Le document préparatoire des programmes, émis par le comité de réforme de l’époque, stipule que « la Faculté d’Information et de Documentation est une faculté académique appliquée qui se concentre dans ses programmes sur les sciences des médias, la culture générale, la méthodologie scientifique et les langues. Elle permet aux étudiants d’apprendre à utiliser des techniques modernes pour travailler dans les professions suivantes : la presse écrite sous toutes ses formes, l’information des institutions, la publicité et la science de l’information.32 » Or, plus loin, le document préparatoire propose une répartition des matières et distingue explicitement – sans toutefois apporter d’éclaircissements – les matières de « culture générale33 », de celles portant sur la culture « médiatique générale34 » et les matières spécialisées propres à chacune des formations35. La distinction que faisaient les premiers programmes de la faculté entre deux équivalences, à savoir SIC/savoirs spécialisés et SHS/culture générale n’est pas aussi explicite. Ainsi, dans la catégorie de ces « matières de culture générale » que proposent les programmes, certaines sont orientées vers une dimension pratique – telles que l’informatique, la traduction arabe ou l’apprentissage des langues étrangères. Dans cette catégorie, nous retrouvons également deux matières – quelque peu décalées pour une première année de licence professionnalisante – portant respectivement sur la méthodologie et les outils de la recherche scientifique – ceci ouvrant un autre débat, que nous ne pouvons aborder ici, sur le rapport qui peut être pensé à la faculté entre enseignement pratique et professionnel d’une part et recherche, d’autre part.
37À l’étude des programmes de 1999, les années de licence restent donc essentiellement axées sur une formation de l’étudiant aux métiers de l’information et, dans l’interprétation qui en est donnée par nos acteurs, est régulièrement réaffirmé le rapport de type utilitariste aux SHS. Ainsi, en témoigne le doyen actuel de la faculté :
La philosophie des programmes exprime la vocation de la faculté : c’est une vocation professionnelle et de culture générale. Les étudiants qui viennent chez nous ont le niveau bac alors ils n’ont pas de culture générale. C’est pour cela que l’on trouve dans nos programmes de la sociologie, de la politique, de l’économie, etc. […] Bien qu’il y ait une matière de méthodologie de recherche [en licence], une licence ne devrait pas orienter l’étudiant pour être chercheur. Son objectif est de former de bons professionnels pour le marché du travail. Or […] il n’y avait que la licence à l’époque [avant 2009]. Il n’y avait pas de master ni de doctorat à l’Université libanaise. Celui qui voulait faire plus, il devait partir en France ou ailleurs, pour faire un DEA. (Entretien avec Georges Sadaka, doyen de la faculté d’information, 19 janvier 2017)
38Proposant le master, la réforme de 2009 effectue un découpage en crédits d’enseignement et revoit la répartition traditionnelle des matières de licence en optant pour une répartition entre un ensemble de matières obligatoires et un autre, moins important, de matières optionnelles. Héritée de la représentation qui dominait à l’époque des fondateurs de l’Institut de presse, les SIC restent donc avant tout perçues par les autorités académiques de la faculté comme un espace disciplinaire de formation axé essentiellement sur la transmission de compétences (pratiques et professionnelles) et de « culture » générale et spécialisée (traduit en français par « connaissances »).
39Après un amendement des programmes en 2014 visant à corriger des problèmes issus de la réforme de 2009 et du passage au système de crédits, une réforme des programmes de licence intervient en 2017 afin de prendre en compte non seulement les mutations engendrées par le numérique, mais également l’évolution du marché de l’emploi dans le secteur de la presse écrite, frappé par une crise économique sans précédent. Dans l’introduction des curriculums du département de presse, il est mentionné que « ce qui a sous-tendu notre réflexion dans l’élaboration préliminaire [de ces] nouveaux programmes, [c’est le fait que] la majorité de la presse imprimée a été obligée de passer à l’espace numérique ; [ce qui demande] du journaliste de posséder de multiples compétences ». C’est précisément le mot « compétences » que ces programmes mettent en avant et visent à renouveler. Cette terminologie ne cède jamais la place à celle relative au « savoir ».
40Si l’on considère la structuration et l’esprit des programmes, l’information et la communication seraient donc des disciplines envisagées au regard de leur utilité sociale, les autres disciplines de SHS (sociologie, économie politique, sciences politiques, droit principalement) étant mises à contribution pour enrichir le fonds de connaissance et apporter à la formation une certaine épaisseur théorique. En prolongement de ce rapport établissant, dans les cursus de la faculté, les SIC et les autres SHS comme des domaines disciplinaires, certes, institutionnellement distincts, mais académiquement très complémentaires, apparaît donc également, en filigrane, une association entre pratique spécialisée (SIC) et savoirs fondamentaux (SHS).
41Outre les mémoires de recherche, et en parallèle des nombreuses recherches personnelles des enseignants de la faculté qui mobilisent leurs propres réseaux universitaires, scientifiques et professionnels pour publier dans des revues étrangères, régionales ou nationales36, la revue institutionnelle, dont les premières livraisons remontent à la création de la FID, est également un lieu de production de savoir. Nous allons voir comment les SIC s’y déploient et dans quelles conditions s’effectue la mobilisation d’autres disciplines des SHS. Cette fois, nous chercherons à comprendre comment l’évolution du profil des enseignants-chercheurs a pu jouer son rôle dans cette construction spécifique d’un savoir en information et en communication.
L’interdisciplinarité dans la revue de la faculté
42À partir des années 1980, une autre étape est franchie dans l’institutionnalisation d’un domaine du savoir en SIC avec la création d’une revue académique publiée par la faculté37. L’étude de ses sommaires met cependant à jour l’aspect très hétérogène de la revue, que ce soit sur le plan des sujets ou sur celui des approches retenues pour étudier des objets ou des phénomènes de type communicationnels. Il est vrai qu’en tant que domaine de savoir dont l’objet central porte sur les phénomènes de transmission de l’information et de communication, les SIC entretiennent avec les autres disciplines des relations forcément complexes. La majorité des auteurs français en SIC en revendique le caractère véritablement interdisciplinaire dans le sens où, selon eux, en portant un regard communicationnel sur des objets qui ne le sont pas forcément, les SIC s’insèrent dans les interstices parfois délaissés par les autres disciplines de SHS, cette posture des SIC leur permettant d’établir néanmoins un discours scientifique qui leur soit propre. Nous l’avons mentionné en introduction, Bruno Ollivier revendique lui aussi le potentiel heuristique du concept d’interdiscipline afin de mieux comprendre les rapports entretenus entre les SIC et le domaine plus large des SHS. Si l’on se rapporte au savoir produit au sein de la revue de la faculté (ou, nous le verrons, de ses déclinaisons successives), il apparaît que la relation entre les disciplines est appréhendée et construite suivant une orientation que l’on peut qualifier d’interdisciplinaire dans le sens où les auteurs, issus d’une pluralité de disciplines, cherchent à « établir [des] connexions entre concepts, outils d’analyse et modes d’interprétation de différentes disciplines [et] d’étendre le champ des interprétations. » (Charaudeau 2010) Ce faisant, cette démarche, propre aux SIC, s’accommode mal d’une territorialisation disciplinaire trop stricte.
43Le constat, dressé à la suite de l’étude des revues successives de la faculté, de la sollicitation régulière et presque systématisée de différentes disciplines appartenant aux SHS pour expliquer des phénomènes ou des pratiques de communication des plus divers, nous invite à penser que les contributeurs ont recours aux SHS comme « prestataires d’une offre de service » et qu’en ce sens, ils reproduisent le schéma épistémique présent dans les programmes d’enseignement. L’emprunt de concepts, de problématiques ou d’outils d’analyse forgés sur d’autres terrains disciplinaires (histoire, sociologie, droit, sciences politiques, etc.) nous semble permettre de pallier l’absence de consensus, voire même de réflexion, sur un paradigme fondateur ou du moins un corpus théorique défini et un lexique spécifique. S’intéressant essentiellement à des faits ou des phénomènes en lien avec l’univers médiatique, les auteurs ont recours aux outils conçus au sein des SHS pour conduire un raisonnement scientifique. En outre, nous notons que le choix du sujet ou l’angle d’analyse adopté par les auteurs semble le plus souvent davantage s’expliquer par la trajectoire académique, par l’expérience professionnelle, voire par les centres d’intérêt personnels de chaque auteur, que par l’existence d’une ligne éditoriale et scientifique propre à la revue.
44La première revue de la faculté est créée dans les années 1980 par Jean Charaf, historien de formation et professeur à la faculté des lettres de l’UL, mais qui, à cette époque, est le directeur de la section 2 de la FID. Auparavant, à l’époque de l’Institut de presse (puis d’information), les enseignants, essentiellement recrutés au sein des secteurs professionnels de la presse écrite, de l’audiovisuel, des agences de presse, etc., produisaient un savoir professionnel, mais sous un format différent de celui des revues qui paraitront ensuite. Non académiques, habitués à une prise de parole directe, ils intervenaient lors de conférences qui, ultérieurement, étaient éditées sous forme d’actes. Or, une décision du recteur de l’UL, Georges Tohmé (1980-1988), va progressivement changer le profil du corps professoral de la faculté. Réagissant au déséquilibre numérique en faveur des professionnels, le recteur impose en effet que les enseignants qui prétendent à la titularisation38 au sein de l’institution soient désormais détenteurs d’un doctorat39. Cependant, la politique de recrutement des deux sections s’avère différente : la section 2, où est publiée la première revue de la FID, recrute plus tardivement des spécialistes en SIC. Outre les professionnels qui continuent d’assurer les travaux pratiques, le corps enseignant de cette section est formé de titulaires de doctorat dont la spécialisation relève d’une autre discipline que les SIC. D’après l’étude (non exhaustive) des dossiers des enseignants de cette époque, c’est la science politique et le droit qui sont les disciplines de formation les plus courantes des enseignants de la section 2 ; viennent ensuite, mais dans une bien moindre mesure, la sociologie, les spécialisations en langue et littérature arabe, l’histoire, la philosophie et la pédagogie40.
45La première publication al-I‘lâm wa-l-tawthîq (Information et Documentation) est donc créé en 1982 à la section 2 et compte dix-huit numéros publiés régulièrement entre 1982 et 198541. Ce qui est appelé « revue » prend plutôt, à cette époque, la forme de simples feuillets à auteur unique. En mars 1986, une structure de supervision, composée du doyen Michel Assi (ultérieurement de Anis Moussalem) et du directeur de la section 2 Jean Charaf, est créée pour al-I‘lâm wa-l-tawthîq, dont les numéros ultérieurs sont tantôt consacrés à la documentation (année 1986), tantôt à l’information (années 1988 et 1992)42. Alors que les premières livraisons (de 1982 à 1985) accordaient une place non négligeable à des professeurs issus d’autres facultés de l’UL (cinq sur les douze au total), les contacts semblant s’être faits au gré des relations professionnelles interfacultaires qu’entretenaient les professeurs entre eux, celles de 1986, 1988 et 1992 font, quant à elles, essentiellement appel au corps professoral de la faculté.
46Avec la présence de Jean Charaf dans le comité de supervision, les contributions adoptant une approche historique – c’est-à-dire ayant recours à des outils et des méthodes d’analyse propres à l’histoire – sont les plus nombreuses. Le premier numéro de 1982 est une contribution de cet historien qui a pour titre « Crise de l’historiographie au Liban. Essai critique ». Le seul numéro de la revue consacré à la documentation, en 1986 (5e année, no 1), réunit des contributeurs essentiellement historiens, enseignants au département d’histoire de la faculté des lettres de l’UL43. L’exclusivité de l’approche historique veut dès lors être justifiée par les objets d’étude retenus – sources historiques, documents d’archives et données bibliographiques – qui peuvent également intéresser les sciences de l’information et de la gestion des données. Jusqu’à la fin du mandat de Jean Charaf à la tête de la section en 1992, les contributions ayant recours à une approche historique sont donc largement majoritaires44. Les autres articles, tout en portant sur un objet en lien avec le domaine de l’information et plus largement des médias de masse, se répartissent entre approches sociologiques, juridiques, littéraires ou sociopolitiques, selon la spécialisation et les centres d’intérêt de chaque contributeur. Ainsi, Jean Karam, docteur en études arabes et islamiques de l’université de la Sorbonne, propose une contribution intitulée « Vers une compréhension moderne des composantes de l’écriture télévisuelle » (1988, no 6). Georges Kallas, détenteur d’un doctorat en langue et littérature arabe de l’UL, écrit sur « La presse féminine dans la renaissance arabe (1892-1931) », sujet qu’il maîtrise bien puisque sa thèse de doctorat portait sur le rôle de la femme dans la Nahda arabe (1992, no 7). Anis Moussalem, politologue45, aborde des sujets traités directement dans ses cours d’opinion publique : « La liberté de la presse et les régimes politiques » (1982, no 5) mais surtout « Phénomènes de l’opinion publique » (1983, no 9) et « Les sondages de l’opinion publique » (1984, no 14). Cet enseignant, un des premiers titulaires d’un diplôme en SIC qui a fait partie du corps professoral fondateur de la faculté46, avait soutenu en 1974 à l’université Paris 2, une thèse de doctorat intitulée « la presse libanaise, expression du Liban politique et confessionnel et forum des pays arabes47 ».
47Al-I‘lâm wa-l-tawthîq est une revue institutionnelle et réunit, au cours de son histoire, une proportion de plus en plus importante d’enseignants issus du corps professoral de la FID. Pourtant, elle ne permet pas d’établir une circonscription très nette de la discipline des SIC : elle se présente plutôt comme une publication où se déploie un savoir spécialisé qui assume pleinement sa filiation avec l’ensemble plus large des SHS, mais peine à s’en autonomiser.
48Après une interruption de plus d’une décennie, la parution de la revue intitulée cette fois al-Ittisâl wa-l-ma‘lûmât – titre traduit en français par « Information et Communication », renvoyant encore une fois au flou terminologique qui prévaut quand il s’agit de nommer les branches disciplinaires – est relancée à partir de 2005 sans faire toutefois preuve de la régularité des débuts puisque seuls trois numéros paraissent, respectivement en 2005, en 2013 et en 2016. Il n’existe plus de comité de supervision, la publication étant désormais à la charge du doyen – successivement Georges Kattoura, Georges Kallas et Georges Sadaka – qui supervise le travail.
49Elle se distingue des précédentes publications par la réunion d’articles des membres du corps enseignant des deux sections de la faculté, la proportion des contributions de professeurs non issus de la faculté étant désormais très faible – seule la revue de 2016 fait appel à deux enseignants de la faculté de tourisme de l’UL, ainsi qu’à l’ancien doyen de la faculté de philosophie et des sciences humaines et ancien recteur de l’université Saint-Esprit de Kaslik.
50De plus, entre la revue al-I‘lâm wa-l-tawthîq et la revue al-Ittisâl wa-l-ma‘lûmât, le profil des contributeurs évolue : désormais l’écrasante majorité d’entre eux sont docteurs en SIC, principalement diplômés des universités françaises. En effet, à partir des années 1990, il est devenu courant de recruter les anciens étudiants de l’UL, licenciés en journalisme ou bien en documentation, qui reviennent au Liban avec un doctorat de SIC en poche. Le plus souvent, ils ont obtenu leur diplôme dans une université française (Paris 2, Bordeaux 3 essentiellement, mais également Lyon ou Grenoble).
51Pourtant, les deux sections se distinguent dans la composition de leur corps professoral respectif : les nouvelles recrues de la section 2 qui possèdent un doctorat en SIC continuent d’être numériquement moins importantes qu’à la section 148. Ainsi, l’étude du premier Guide de l’UL paru en 1998 montre qu’au sein de la section 1, plus de 50 % des enseignants sont titulaires d’un doctorat en SIC (quinze sur vingt-huit) alors qu’ils représentent à peine plus de 25 % à la section 2 (cinq sur dix-neuf). Dans les deux sections, la proportion des enseignants docteurs en langue et littérature arabe est particulièrement importante (cinq sur vingt-huit à la section 1 mais surtout sept sur dix-neuf à la section 2). Le reste se répartit entre sciences de l’éducation, histoire, sociologie, lettres, droit et sciences politiques. Le second Guide de l’UL, paru en 2005, montre que si la proportion de spécialistes en SIC reste importante à la section 1 (plus de 60 %, soit dix-neuf sur trente enseignants), à la section 2, elle diminue : ils ne sont plus que trois sur dix-huit enseignants (soit un peu plus de 16 %), la majorité provenant des lettres et sciences humaines (huit dont quatre pour les langues et littérature arabes), de la sociologie (quatre), et des sciences de l’éducation (deux) et de la science politique (un). Il faut attendre une nouvelle génération et plus précisément les titularisations de 2008 et de 2014 pour constater l’intégration plus importante de diplômés en SIC à la section 2. L’étude du corps professoral de la section 1 pour l’année académique 2018-2019 montre que plus de 56 % des enseignants cadrés et à plein temps (soit dix-huit sur trente-deux enseignants au total) sont détenteurs d’un doctorat en SIC, principalement obtenu en France. Les quelque 43 % restants sont issus d’autres formations en SHS (cinq en langue et littérature française ou arabe, deux en sociologie, deux en philosophie, un en droit tout comme en sciences politiques) ou en sciences exactes (un en mathématiques appliquées et deux en informatique) même si l’écrasante majorité a, dans son cursus, une spécialisation en information et communication. Pour la même année, et en ce qui concerne la section 2, les informations qui nous ont été communiquées signalent que désormais 48 % (douze sur vingt-cinq) des enseignants cadrés et à temps plein ont obtenu un doctorat en SIC, principalement d’universités françaises. Le nombre de spécialistes en SIC à la section 2 a donc augmenté de plus de 33 % par rapport à 2005. Les 52 % restants se répartissent entre la langue et la littérature arabe (trois), la sociologie (quatre), les sciences politiques (deux), la philosophie, le droit et les sciences de l’éducation, un seul enseignant étant ici détenteur d’un doctorat en informatique.
52Ces évolutions trouvent un pendant dans les profils des auteurs de la revue nouvelle formule. Sur les onze articles que compte le premier numéro de la revue de 2005, seuls quatre ont été écrits par des professeurs de la section 2, un seul étant docteur en SIC49. En revanche, sur les 7 auteurs issus de la section 1, un seul a un doctorat qui ne relève pas de cette spécialisation. La revue de 2013 (no 2) compte des contributeurs pour moitié de la section 1 (tous issus des SIC) et pour moitié de la section 2 (un seul issu des SIC), le troisième numéro (2016) se caractérisant par l’accueil de contributeurs non titularisés à la faculté, des jeunes docteurs en SIC, recrutés sous contrat et qui souhaitent publier en fin de thèse, des enseignants titularisés au sein d’autres facultés, voire des enseignants issus du secteur privé.
53Les profils des contributeurs des revues et le choix de leur sujet d’étude ou de leur approche disciplinaire se prêtent difficilement à l’exercice de systématisation. Beaucoup de raisons peuvent venir expliquer l’absence de cohérence scientifique dans le contenu des revues de la faculté et ceci malgré l’intégration croissante de spécialistes en SIC. Tout d’abord, il convient de noter la très grande diversité de statuts institutionnels du corps enseignant, le sentiment de collégialité ayant dès lors du mal à s’instaurer durablement. Car, si la décision de Georges Tohmé a été pensée pour favoriser la délimitation des conditions d’accès au secteur universitaire public, elle n’a pas pour autant permis d’homogénéiser le corps professoral. Bien au contraire. Le constat est particulièrement probant à la faculté d’information qui, en raison de la jeunesse de sa discipline, peine à trouver des titulaires de doctorat en SIC. Ainsi, à côté des enseignants titulaires, la faculté continue de recruter, sous forme de contrats annuels, des titulaires d’un doctorat qui ne présentent pas encore les conditions requises pour la titularisation50 ou bien des professionnels des secteurs du journalisme, de la communication et de la documentation dotés d’un niveau de licence ou de master afin qu’ils assurent les cours techniques et les travaux pratiques. Payés à l’heure, ces enseignants contractuels ne touchent leur salaire que sur une base annuelle et ne peuvent prétendre à un droit à rémunération avant, au mieux, le début de leur troisième année d’enseignement51. Ainsi, faute de revenus réguliers à l’UL, ils enseignent parallèlement dans les nombreuses universités privées, anglophones ou francophones, ouvertes dans le pays depuis la fin de la guerre. En outre, et bien que l’UL offre des financements ponctuels pour des projets de recherche individuels ou collectifs, il n’existe pas un statut de chercheur en tant que tel – notamment par la prise en compte des heures de recherche dans son volume horaire total de travail qui est strictement consacré à l’enseignement. À la faculté, un centre de recherche a pourtant été créé en 2016 : il est prévu que la publication de la revue soit supervisée directement en son sein. Suite au départ à la retraite de la directrice à la rentrée 2017-2018, le poste est resté vacant quelques années avant qu’une nouvelle nomination n’intervienne en 2020. Les travaux de structuration des différents laboratoires sont en cours et la recherche scientifique continue, pour le moment, de se développer au gré des initiatives personnelles des enseignants.
54L’analyse de la production du savoir à la faculté permet donc de mettre en exergue la porosité des frontières disciplinaires quand il s’agit, pour nos acteurs, de traiter des SIC. Nous nous proposons maintenant de poursuivre cette réflexion en envisageant les passerelles, voire les incursions, entre, d’un côté, le champ universitaire et, de l’autre, les champs professionnel et politique.
Institution de savoir, espace public et arène politique : une confusion des lieux
55En raison de l’objet d’étude des SIC en général, des conditions historiques et sociales de création de la faculté, mais également de l’évolution des modes d’accès au secteur universitaire public, les interfaces et les zones de contact avec les champs professionnels et politique sont particulièrement larges.
56Sur les terrains occidentaux, des réflexions existent qui encouragent le domaine disciplinaire des SIC à se construire dans son rapport avec une praxis. Ainsi Vincent Meyer plaide-t-il en faveur d’une démarche de recherche-action en SIC : « Les recherches doivent être en prise avec les préoccupations actuelles des exercices professionnels et se situer dans une coproduction de savoir entre des experts et des profanes ayant un rapport différent à la situation ou à un objet technique à vocation communicationnelle. » En retour, il s’agirait d’une « démarche adaptée pour développer des stratégies permettant de soutenir des professionnels attachés au développement de leur métier. » (Meyer 2006, p. 89) Mais pour certains chercheurs qui souhaiteraient asseoir la légitimité scientifique des SIC dans le monde arabe, les interrelations des universitaires avec les professionnels sont avant tout envisagées comme préjudiciables à l’émergence d’une sphère scientifique autonome car constitutives d’interférences des logiques sociales et politiques extérieures.
57En 2004, l’Université libanaise publiait un rapport d’autoévaluation faisant état de ses problèmes structurels internes. Cet effort n’engendra pas un mouvement de réformes ni même l’institutionnalisation d’une autoévaluation régulière, mais le document publié a permis de mettre en évidence la perte d’autonomie de l’université depuis la fin de la guerre. Il souligne notamment « la liaison juridique qui lie l’université à l’autorité politique et l’emprise sur elle des hommes politiques52 ». Ces phénomènes de dépendance se sont renforcés lorsque, à la sortie de la guerre, la tendance a été non seulement d’ignorer les nombreuses atteintes à l’autonomie du secteur universitaire public commises pendant la guerre, mais au contraire de les institutionnaliser. Ainsi, une loi votée en 1992 a autorisé le transfert de compétence du Conseil de l’université au Conseil des ministres pour toutes les questions relevant du recrutement du personnel universitaire. Les décrets régissant les recrutements et nominations stipulent qu’un enseignant peut prétendre à la titularisation en remplissant les critères académiques courants (être titulaire d’un doctorat reconnu par l’État libanais), mais, dans la pratique, d’autres conditions sont apparues : des conditions de volume horaire (deux cent cinquante heures d’enseignement par an) et d’ancienneté (deux ans consécutifs minimums d’enseignement au sein de l’UL). En principe, les droits à la titularisation s’ouvrent tous les ans et visent essentiellement à pourvoir les postes laissés vacants après des départs à la retraite. De fait, le renouvellement du personnel universitaire est immanquablement l’occasion de rapports de force entre les entre les différents partis politiques : âprement discuté, le nombre d’enseignants titularisés est le résultat de compromis politiques issus de négociations aussi longues qu’opaques. L’enjeu essentiel de la politique de recrutement au niveau de l’UL n’est donc pas interne et propre au fonctionnement et à l’évolution de l’institution universitaire, mais plutôt externe et relevant des équilibres propres à l’arène partisane.
58Au sein de la faculté, la perte d’autonomie semble redoubler en raison de sa vocation spécifique de formation aux métiers de l’information. Adossée à une pratique professionnelle, la formation universitaire en information en épouse les caractéristiques en cherchant à devenir un acteur à part entière du débat public. Ce constat est particulièrement évident lorsque l’on étudie les rencontres ou conférences publiques que la FID a eu l’occasion d’organiser dès sa création dans les années 1970. Des personnalités extérieures à l’institution, généralement issues du secteur professionnel, sont invitées, en tant que porteuses d’une parole experte, à s’exprimer sur une situation sociale ou politique particulière en lien plus ou moins étroit avec les phénomènes de l’information et de la communication. Ces interventions de personnalités extérieures au sein de l’enceinte universitaire montrent qu’il existe des passerelles entre champ universitaire et champ professionnel.
59Dans les premières années qui ont suivi sa création, l’Institut de presse ne proposait pas un programme d’étude académique et les étudiants assistaient plutôt à des conférences données par des professionnels du secteur de l’information. Il est vrai que jusque dans les années 1980, la formation s’appuyait essentiellement sur des journalistes ou propriétaires de journaux. En 1967, quand le président de la République Charles Hélou crée, par décret, l’Institut de presse, il nomme à sa direction un journaliste, Khalil Gemayel, avec qui il fut associé lors de la fondation du quotidien le Jour en 1934 et qui sera son conseiller en communication au palais présidentiel. Celui-ci – tout comme le feront ses successeurs immédiats – cherchera à recruter de grandes figures du journalisme libanais53. Ainsi, à titre d’exemple, au cours du printemps 1969, une vingtaine de personnalités du journalisme interviennent devant les étudiants pour faire état de la situation dans le domaine des médias (presse, radio et télévision) (Les Médias dans la vie actuelle, 1969).
60Ultérieurement, avec la création de la FID, des programmes officiels ont été adoptés et les conférences publiques sont devenues accessoires. Pendant longtemps, ce fut surtout la section 2 qui organisait des rencontres, celles-ci s’offrant alors comme autant d’occasions de rappeler la place de la FID dans l’espace professionnel journalistique. En 1980, lors d’une rencontre des étudiants de la section 2 avec certains dirigeants de presse dont Melhem Karam, alors président de l’ordre des rédacteurs de presse, le directeur de la section 2 de l’époque, Georges Chami, positionne explicitement l’institution dans un rapport d’étroite interrelation pour ne pas dire de dépendance avec la profession. Il déclare en effet devant les représentants du secteur de la presse libanaise : « [L’] avenir [des étudiants] dépend du travail et des garanties que vous leur offrirez. Dans quelques mois, ils seront à votre disposition, [se présentant comme des] élément[s] de transformation et de renouveau sous vos directives. » (Revue du Liban, 29 mars 1980) Souligner cette interdépendance autorise alors les acteurs du champ professionnel à intervenir plus ou moins directement dans les débats internes de la faculté. Ainsi, lors de cette rencontre, les débats entre universitaires et professionnels des médias s’orientent vers la question du renforcement des travaux pratiques au sein de la formation dans le but « d’ôter tout cachet théorique aux études de la Faculté d’Information. » (Revue du Liban, 29 mars 1980) Nous l’avons vu plus haut, les étudiants s’expriment également sur ce point (al-Ahrâr, 20 mars 1980). Ainsi, ce sujet qui relève du fonctionnement interne de la faculté fait l’objet d’une polémique qui s’installe dans l’espace public lors de déclarations dans les journaux, mais également lors de ces rencontres organisées à la FID.
61Des passerelles sont également observables entre champ universitaire et champ politique. À partir de 1976, soit moins d’un an après le début de la guerre civile, la FID – tout comme l’ensemble des facultés de l’UL – est subdivisée en sections, selon les lignes de division communautaires : les bâtiments de la section 1 (Beyrouth) sont situés à Bir Hassan, dans une partie majoritairement musulmane de la capitale, tandis que la section 2 (Mont-Liban) déménage à Furn el-Chebak puis à Fanar, en zone chrétienne. Hautement représentatif des forces centripètes désormais à l’œuvre au sein de la société libanaise, l’éclatement géographique et physique de ces unités va également contribuer à faire de l’UL un des lieux du savoir où vont le plus se cristalliser les logiques conflictuelles.
62Entre février et juin 1977, le directeur de la section 2, Krikor Mouradian, organise une série de dix-neuf conférences sur des thématiques sociales et politiques les plus diverses, mais qui ont en commun de faire particulièrement sens au sein de la communauté chrétienne54 : la « résistance libanaise », le Liban et la question de l’unité, les valeurs spirituelles chrétiennes, la patrie, la défense civile, etc. Des personnalités issues de la société civile chrétienne (magistrats, prêtres, journalistes, enseignants, etc.) se voient offrir une tribune pour communiquer, indirectement ou pas, sur l’actualité du conflit, à travers leur témoignage personnel55. Au lendemain de la guerre, des cycles de conférences continuent d’être organisés à la section 2 de manière plus ou moins ponctuelle et sur des thématiques moins ostensiblement politisées. Pour l’année 1999, ce sont essentiellement des journalistes ou des réalisateurs télé qui viennent témoigner de leur expérience professionnelle56. Lorsque des hommes politiques sont invités (Dory Chamoun, leader du PNL, l’ambassadeur Fouad Turk ou le ministre druze de Beyrouth, opposant à Rafic Hariri, Issam Naaman), une censure informelle se met en place, révélatrice de l’ambiance qui régnait au sein de l’espace politique de l’époque – notamment chrétien : « On notait nos questions sur un papier et on le donnait au discutant qui les triait ; les questions politiques étaient évitées dans la mesure du possible57. »
63À la section 1, l’organisation de conférences est visiblement plus tardive et n’a lieu que dans la période de l’après-guerre, mais celles-ci sont également l’occasion d’exposer aux étudiants, à travers l’analyse professionnelle et universitaire de l’actualité, des points de vue et des positions d’ordre politique. Dans la période d’après-guerre, beaucoup d’interventions se cristallisent autour de la situation au Sud-Liban et dans la Beqaa et, ce faisant, sur le problème de l’occupation et sur les faits de résistance à Israël. En 1997, une conférence organisée pour la Journée de l’information réunit des personnalités politiques, des journalistes et des enseignants afin de présenter la situation des populations dans ces régions. Le quotidien al-Safîr rapporte qu’à cette occasion, le directeur de la section 1 insiste sur le rôle essentiel de l’UL et de la FID dans cette « cause nationale » (al-Safîr, 22 décembre 1997). Plus tard, lors d’un colloque organisé par la faculté, les 18 et 19 avril 2000, sur « l’information nationale et les défis du développement technologique », une conférence se tient en parallèle afin de commémorer le massacre de Cana58 et de discuter avec le public et les étudiants des questions de la situation des médias libanais et arabes et de leur lien avec la résistance du Sud-Liban (al-Nahâr, 19 décembre 2000).
64Considérée comme le lieu privilégié de formation des journalistes et spécialistes de l’information, la « Faculté de la parole » (Kullîyat al-kalâm), comme elle sera surnommée lors des cérémonies du jubilé en avril 2018, se fait, à l’occasion de ces cycles de conférences, selon les sections et selon les époques, le relai des prises de parole politiciennes. Espace de socialisation, elle devient dès lors un lieu à la fois de résonance et de reproduction des débats, des idées, des opinions qui animent l’espace public. En se constituant en espace-relai de production idéologique, elle épouse les lignes de conflictualité de l’arène politique libanaise. Krikor Mouradian résume ainsi l’objectif de ces rencontres :
Il s’agit de créer un pseudo-événement. […] Il ne suffit pas d’adresser le message à un auditoire réduit composé de soixante-quinze à deux cent vingt-cinq auditeurs. Il faut que le message sorte du cadre étroit des témoins, et soit communiqué à un public plus nombreux. Ainsi, la conférence n’est pas spontanée, mais se produit parce qu’on l’a prévue, suscitée ou provoquée. […] La question de savoir si [ce pseudo-événement] est « réellement arrivé » importe moins que celle de savoir s’il aura « une bonne presse ». (Mouradian 1985, p. 243 et 248)
65De cette étude, nous pouvons dégager une idée essentielle : si la création de la faculté d’information a permis historiquement d’institutionnaliser un lieu distinct de production de savoirs, les SIC à l’UL n’en sont pas moins restées réfractaires – ou juste indécises – face à la perspective d’une circonscription dans des frontières disciplinaires trop strictes. À croire que c’est justement le passage transfrontalier lui-même qui en constitue le territoire. Nous l’avons vu, les deux raisons principales qui expliquent cette situation sont, d’une part, la nature même des SIC mais également les modes de pensée culturels, disciplinaires et scientifiques libanais, particulièrement enclins au pluralisme (diversité des cursus de formation des enseignants, pluridisciplinarité des profils et des trajectoires, plurilinguisme de l’enseignement, etc.).
66Afin de mieux comprendre comment les SIC à l’UL se pensent comme interdiscipline, il nous semble important d’envisager les modalités historiques de leur construction comme autant d’éléments capables de charrier des questionnements sur l’identité propre et spécifique du savoir en information et en communication à la faculté.
67De nombreux chantiers attendent d’être entrepris ; par exemple, il nous parait essentiel de poser la question du plurilinguisme – et de ce fait de la traduction de la terminologie et du lexique utilisés – celui-ci introduisant de la diversité dans les références théoriques (ne serait-ce que dans l’intitulé même du domaine de spécialité, SIC pour les enseignants francophones et media studies pour les anglophones). Or de tels débats n’ont, à notre connaissance, jamais eu lieu à la faculté. Tout comme n’a pas encore été pensée ou débattue l’histoire institutionnelle, officielle ou celle des chercheurs (Fleury & Walter 2007). On voit, en revanche, apparaître des préoccupations liées à la nécessaire évolution du savoir au regard des profondes mutations actuelles du secteur de la presse et des médias. Le passage au numérique apporte son lot de transformations et donc de questionnements : la création d’un département en data science (‘ilm al-bayânât) à la rentrée académique 2017-2018 ne s’est pas faite facilement, notamment face aux inquiétudes, exprimées par une partie du corps professoral, d’une altération identitaire. L’adoption d’un cursus en data science, clairement axé sur les sciences exactes avec des matières de programmation informatique, irait pour ses détracteurs à l’encontre de la tradition de la formation, plutôt littéraire et sociologique. Autre mutation fondamentale à prendre en considération : celle du métier du journalisme et des modes de gestion des entreprises médiatiques. Le constat est régulièrement dressé de la nécessité de dépasser l’image trop « romantique59 » du journaliste, écrivain littéraire et héraut de l’opinion publique, pour envisager le métier au regard des exigences du marché économique. Il serait judicieux de s’interroger sur la portée d’un tel constat en ce qui concerne la place dans les programmes du savoir en communication/relations publiques, gardé jusque-là en périphérie du savoir en information journalistique. Mieux comprendre comment s’est construit le savoir en sciences de l’information et de la communication à la faculté et dresser précisément l’état des lieux actuel de ce savoir devrait permettre non seulement l’accompagnement des transformations du secteur professionnel, mais également une réflexion épistémologique « localisée » (Olivesi 2007) sur les SIC à l’Université libanaise.
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Al-Ittisâl wa-l-ma‘lûmât (Information et Communication), faculté d’information, année 2016, no 3.
Notes de bas de page
1 En 1987, elle deviendra la 71e section de l’actuel Conseil national des universités (CNU).
2 Préexistent à cet acte fondateur des lieux de savoir, tels que la revue Communication et le Centre d’études des communications de masse, où « les différents auteurs et courants entretiennent des relations mais pas forcément une convergence scientifique de proximité ». Fondée également en 1975, la Société française des sciences de l’information et de la communication (SFSIC) « va jouer un rôle moteur dans les débats des premières années sur les limites du champ, les orientations théoriques et l’animation du débat d’idées scientifique » (Durampart 2015).
3 L’université américaine du Caire a été la première à proposer un cursus en journalisme, à partir de 1935. Elle est restée la seule formation du monde arabe jusqu’aux années 1960, époque où ont été fondées des unités d’enseignement du journalisme, en Tunisie, en Algérie, au Soudan et en Irak (El Takach 2015, p. 107-108).
4 Avec l’arrivée à la présidence de la République du général Fouad Chéhab se mettent en place des projets de développement économique et social sur l’ensemble du territoire libanais en vue de renforcer la cohésion nationale.
5 La faculté d’information et de documentation (FID) change d’appellation en 2014 pour devenir la faculté d’information.
6 Mes remerciements amicaux vont à mes collègues, Roy Jreijiry, Georges Sadaka, Ali Rammal, Sleiman Bssawmai et Nisrine Zammar, qui ont pris le temps de me lire, qui m’ont donné accès à leur documentation et avec qui j’ai pu discuter de certains points de mon travail. Je remercie également Jacques Walter d’avoir bien voulu relire et commenter la première ébauche de cet article.
7 Nous utilisons le terme de « domaine » disciplinaire pour parler d’un lieu ou d’un secteur couvert par un savoir spécifique, identifié, voire institutionnellement reconnu. Il nous permet ainsi de poser la question de l’histoire, du territoire et des frontières d’une discipline. L’usage du terme bourdieusien de « champ », ici plus parcimonieux, renvoie à un espace d’affrontement symbolique entre des acteurs qui utilisent leur capital et leur position dans ce champ pour assurer leur domination et, au final, tenter d’agir sur l’ordre social.
8 Des deux sections qui doivent ouvrir, l’une consacrée aux études spécialisées de presse et l’autre à la recherche et à la documentation en matière d’information, seule la première voit le jour.
9 L’ordre des journalistes, fondé en 1948, se scinde en 1953 en deux syndicats différents, celui des propriétaires et directeurs de journaux et celui des rédacteurs.
10 Tout comme le secteur de l’information, le tourisme et l’hôtellerie constituent « un secteur très ancien de l’économie libanaise » qui connaît un développement notable dans les années 1960. Et pourtant, ce n’est qu’en 1997 que l’État libanais institue une formation universitaire spécifique au sein de l’UL en créant la faculté de tourisme et de gestion hôtelière. https://www.ul.edu.lb/faculte/branches.aspx?facultyId=18&lang=3 [archive]
11 « Entretien avec Talal Salman », Jarîdat al-masâr (le Journal de la Voie), no 2, Koweït, 1981 (cité par El Takach 2015, p. 162).
12 Les programmes de l’Institut comprennent notamment une matière portant sur la « propagande sioniste ». Nous retrouverons ensuite, dans les programmes de 1975 de la faculté d’information et de documentation, la même matière intitulée « Information arabe et propagande sioniste ».
13 En matière d’orientation idéologique, le Liban fait néanmoins un choix différent d’autres pays arabes où celle-ci passe par le contrôle étatique de la presse et la fonctionnarisation des journalistes. La presse égyptienne a en effet été nationalisée en 1960 et devient la propriété de l’Union socialiste nationale. Durant la courte période de l’union syro-égyptienne au sein de la République arabe unie (1958-1961), celle-ci contrôle également les journaux syriens. Et en Syrie, la loi d’urgence émise après le coup d’État de 1963, qui donne le pouvoir au régime de contrôler la presse, est toujours en vigueur.
14 La documentation devient à cette date une nouvelle spécialisation afin, là encore, de tenir compte du marché de l’emploi et des débouchés potentiels offerts aux étudiants (entretien avec Anis Moussalem, le 20 juin 2017).
15 En France, l’histoire « officielle » ou du moins communément admise des SIC retient également que les premiers programmes spécialisés en SIC sont apparus antérieurement, au sein des Instituts universitaires de technologies, alors que, parallèlement, la rencontre de personnalités de courants scientifiques différents (sémiologie et sémiotique, sciences de l’information et de la documentation et sciences de la communication) à l’École pratique des hautes études a posé les jalons de la constitution d’une interdiscipline (Ollivier 2001, p. 340-341).
16 Des journalistes libanais, enseignants à l’Institut de presse, poursuivent leur formation universitaire à l’Institut français de presse (université Paris 2). C’est le cas notamment d’Anis Moussalem, doyen de la faculté de 1977 à 1978 puis de 1991 à 1993.
17 Si la majorité des matières leur est enseignée en arabe, les étudiants ont le choix entre un cursus complémentaire – de volume horaire inégal selon les années d’enseignement – de cours en français ou bien en anglais. Pour un cours (donné d’un côté en français, de l’autre en anglais), il est demandé que les syllabus et les questions d’examens soient unifiés. Se posent alors plusieurs problèmes : celui de la traduction des termes (de l’arabe au français ou anglais, voire même du français à l’anglais) et celui des références paradigmatiques et théoriques (SIC et/ou medias studies)
18 Les sources que nous avons consultées sont uniquement en arabe.
19 Les programmes de licence, toutes années confondues, proposent des matières telles qu’« introduction à l’information », « moyens d’information », « médias et sociétés », « histoire de la presse », « droit de l’information », « théories de l’information », « effets de l’information », « éthique de l’information », etc.
20 S’interrogeant sur le rapport entre la documentation et la science de l’information (qu’il unifie dans un singulier), Hubert Fondin considère que cette dernière a pour objet essentiel la recherche d’informations. En tant « qu’activité communicationnelle à finalité préétablie », elle met en relation un producteur et un « rechercheur » d’informations. Cette discipline s’intéresse aux dispositifs de traitement, de gestion et de restitution des données ainsi qu’à l’archivage et à la bibliométrie (Fondin 2002).
21 Cet état de la discipline a été pris en considération par les autorités universitaires lorsqu’elles ont modifié le nom de la faculté en 2012 : la disparation du terme « documentation » – au profit de l’appellation communément admise dans le domaine disciplinaire français de « gestion de l’information » – consacre la reconnaissance de son intégration dans un domaine disciplinaire unifié, celui des sciences de l’information (i‘lâm).
22 En 1984 sont organisées des rencontres entre des enseignants des deux sections de la FID afin de réformer les programmes de 1975. Ces tentatives internes, qui auraient dû être entérinées par décret en conseil des ministres, avorteront systématiquement, faute de consensus politique. Voir la déclaration de Ahmad Khansa, directeur de la section 1 de la FID, lors d’un entretien publié dans la revue estudiantine de la section 1. Al-Sahâfî al-jadîd, no 1, mai 1986, p. 39-40.
23 Si le doyen de la faculté, Assaad El Nadari, qui préside le comité de réforme, n’est ni un ancien étudiant de la FID, ni spécialisé en SIC (mais en philologie islamique), quatre des six autres membres, titularisés en 1991 ou en 1995, ont en commun d’être titulaires d’un doctorat en SIC d’une université étrangère. En effet, Hassana Mieheddine, Georges Sadaka, Habib Rammal et Mohammed Mohsen font partie de la première génération d’enseignants titulaires qui, après leur licence en information de la FID, obtiennent de l’étranger (en France pour les trois premiers, en Angleterre pour le quatrième), un doctorat en SIC. Jérôme Chahine et Gladys Saadé sont, quant à eux, titulaires d’un doctorat respectivement en lettres et sciences humaines et en sciences de l’éducation.
24 Faute d’avoir eu accès aux programmes signés, nous présentons ici la version préparatoire.
25 Cycle diplômant au grade de licence, master et doctorat.
26 Un travail d’investigation plus approfondi nous permettrait d’envisager les conditions et les conséquences de cette évolution : s’agit-il d’un simple alignement mimétique sur les cursus existants en France ou en Europe ou d’un plus grand engagement dans les débats actuels au sein de la profession des relationnistes français ? Il reste également à envisager comment se structureront les projets de fin d’études. Les premiers, postréforme, ne seront soutenus qu’à la fin de l’année universitaire 2019-2020.
27 Entretien informel, juin 2019.
28 À la rentrée 2017-2018, deux formations en master recherche sont instaurées : l’une arabophone, l’autre francophone.
29 Les licenciés de presse peuvent poursuivre en master 1 journalisme avec des matières telles que le scénario, la technologie des médias, politique et législation dans le domaine des bibliothèques et des données, marketing politique, etc. ; ceux de gestion des données poursuivent une formation pratique avec des enseignements sur la politique de conservation, les technologies spécialisées en données, la gestion des bibliothèques, etc. Enfin, les étudiants de relations publiques se voient enseigner l’éthique internationale des affaires, la gestion des ressources humaines, l’audit, la comptabilité, etc.
30 Doyen de la faculté de 1976 à 1977, Krikor Mouradian a commencé à enseigner, en 1969, à l’Institut de presse. Il a donc formé une grande partie des membres du corps enseignant actuels, qui sont très majoritairement d’anciens diplômés de la faculté.
31 Constitutives du tronc commun aux trois spécialisations, ces matières sont progressivement remplacées par des matières spécialisées.
32 Document préparatoire des programmes de la faculté d’information et de documentation, mai 1999, p. 3.
33 C’est dans cette catégorie que nous retrouvons des disciplines appartenant au domaine des SHS (sociologie, droit, économie, politique, science politique). Elles seront présentées sous la forme spécifique d’une introduction à la discipline ou d’une présentation des principes disciplinaires.
34 Cette appellation englobe ici plusieurs matières où une approche en sciences sociales est mobilisée pour étudier des faits en lien avec les médias, par exemple la psychologie sociale médiatique ou bien le droit des médias.
35 Les spécialisations offertes étant la presse écrite, la presse radio et télévision, les relations publiques, la publicité et la science des données et de la documentation.
36 Des efforts ont été faits ces dernières années afin de fédérer les chercheurs au sein d’espaces locaux de production scientifique. Ainsi peut-on mentionner la parution de la revue al-Ittisâl wa-l-tanmiya dont trois numéros ont été publiés en format numérique entre 2011 et 2013 sous la direction de May Abdallah, enseignante à la section 1 de la FID et membre du portail des SIC arabes Arab Medias Studies.
37 Nous nous sommes référés aux sommaires des revues en cherchant à prendre en compte l’évolution du profil de leurs contributeurs. Le format de l’article ne nous permet pas d’analyser le contenu des revues de manière plus détaillée. En outre, notre ambition de le mettre en lien avec les trajectoires des contributeurs s’est heurtée aux difficultés d’accès aux dossiers individuels des enseignants-chercheurs de la faculté. Ultérieurement, dans un autre cadre, nous envisageons de partir des données de base auxquelles nous espérons un jour avoir accès (discipline du doctorat, année d’obtention et université, rattachement professionnel ou associatif éventuel), afin d’établir une cartographie plus précise de la production du savoir en SIC à la faculté. Il s’agit notamment de mettre en exergue les principaux modèles scientifiques de référence (principalement francophone ou anglophone, selon l’université de formation) et d’en envisager l’influence sur la production scientifique locale.
38 Au Liban, la titularisation est, à la différence du cas français, le passage du statut de contractuel à l’heure à celui de contractuel à temps plein. Dans les textes, la titularisation impose au bénéficiaire de consacrer 80 % de son volume horaire total d’enseignement à l’UL (à l’exception de missions d’expertise ou de conseil) et n’ouvre pas de droits à la retraite, même si les années passées sous ce statut seront rétroactivement comptabilisées une fois le passage au cadre – équivalant à la titularisation en France. Loi du 23 février 1970 portant organisation générale du travail du corps professoral de l’UL. Ces enseignants ne constituent, au moins jusqu’à la vague massive de titularisations en 1988, que la portion congrue dans la plupart des facultés, la grande majorité étant constituée de contractuels (à l’heure).
39 En ce qui concerne la FID, la titularisation est ouverte à tout détenteur d’un doctorat, quelle que soit sa discipline. Cette décision est mentionnée dans la thèse de doctorat de Georges-Gériès Sadaka : « Le président de l’Université libanaise, M. Georges Tohmé, comparait en 1981 cette faculté à “un hôpital sans médecins”. La majorité des enseignants est composée soit de journalistes qui ne font que transmettre à leurs successeurs la mauvaise conception qu’ils ont du métier, soit des diplômés d’autres disciplines étrangères à celles qu’ils enseignent. » (Sadaka 1991, p. 353)
40 Les informations issues des dossiers que nous avons pu consulter ont été utilement complétées par les témoignages d’enseignants que nous avons rencontrés, ainsi que par la thèse de Krikor Mouradian (1985) sur « l’enseignement des sciences de l’information et la formation des informateurs au Liban ». Ces sources nous ont permis de pallier les difficultés d’accès aux archives les plus anciennes de la faculté. Le travail d’archivage a en effet été fortement perturbé par le sectionnement de la faculté ainsi que par les déménagements successifs durant la guerre et reste jusqu’à présent relativement aléatoire.
41 Six numéros paraissent en 1982, quatre numéros par an paraitront ensuite de manière régulière, en 1983, en 1984 et en 1985. Dans sa thèse, Krikor Mouradian précise que, sous son mandat (1976-1977), avait été éditée une revue intitulée ‘Alâqât ‘âmma (Relations publiques) dont nous n’avons pas retrouvé d’exemplaires à la faculté. Durant la guerre civile, le fonctionnement des bibliothèques de l’Université libanaise – comme celui de ses services d’archives administratives – a été très largement perturbé, voire complètement interrompu. Certains témoignages nous donnent à penser qu’au cours de cette période, le chaos a autorisé ce que nous pourrions appeler « l’emprunt sans retour » de nombreux ouvrages et revues appartenant aux facultés et instituts de l’UL.
42 Trois numéros sont publiés, en 1986, en 1988 et en 1992.
43 Charaf Jean, « Les sources ottomanes de l’histoire libanaise », Tabar Sarkis (P.), « Inventaire des documents du synode libanais (1736) conservés dans les archives de la Propaganda Fide (1734-1741) », et Qattar Élias, « Bibliographie de l’histoire médiévale du Liban », al-I‘lâm wa-l-tawthîq, 1986, 5e année, no 1.
44 Gemayel Boutros (Mgr), enseignant en histoire des civilisations à la faculté, « Les manuscrits maronites dans le monde » (1982, no 6) ; Charaf Jean, « Bilan des études maanites. Essai de bibliographique en langues occidentales » (1983, no 10), Haroun Georges, historien, également enseignant en sciences politiques à la faculté de droit de l’UL, « Répertoire de la presse libanaise de province de 1867 à 1984 » (1985, no 17), Labaki Joseph, historien et ancien doyen de la faculté des lettres, « Éclairages sur le journal Al-‘Othmânî’ publié au Brésil – 1915-1916 » (1988, no 2) et « La presse et son éclosion à l’époque du moutassaref Youssef Pacha » (1992, no 7), Élias Joseph, spécialiste de littérature arabe mais auteur réputé d’ouvrages en histoire de la presse, « Hadîqat al-Akhbar. Études et évaluation » (1988, no 2), El Mellah Abdallah, historien, « Éclairages sur le journal Al-Moursil publié en Argentine – 1913-1917 », (1992, no 7).
45 Anis Moussalem est détenteur d’un doctorat en sciences politiques (1974) ainsi que d’un diplôme en études supérieures en SIC (1970) de l’université de Paris 2.
46 Il en a d’ailleurs été le doyen à deux reprises (1977-1978 et 1991-1993).
47 Il y défend l’idée d’une « vocation » de la presse libanaise et y inscrit sa réflexion dans le discours sur l’exception libanaise, chère aux nationalistes libanistes. Il est vrai que les articles adoptant une approche sociopolitique ne sont pas les seuls à comporter une forte dimension idéologique : l’article cité plus haut publié dans le premier numéro de la revue par Jean Charaf porte par exemple sur une thématique (la crise de l’historiographie au Liban) qui s’est avérée hautement polémique dans le contexte des années 1980. Outre sa qualité d’historien, l’auteur était aussi un membre actif du parti des Phalanges libanaises.
48 Les trois premiers directeurs de la section 1 possédaient des doctorats respectivement en pédagogie, droit et littérature. Or, à partir de 1991, le corps professoral possède suffisamment de spécialistes en SIC pour permettre que la direction leur soit systématiquement confiée. Il en va différemment de la section 2 : à l’exception de Georges-Gériès Sadaka (2005-2006), aucun directeur ne possède cette spécialisation. À la section 2 se pose toujours régulièrement le problème de recrutement de spécialistes en SIC, docteurs dans cette discipline. Les étudiants qui, diplômés de la section 1, s’inscrivent en doctorat dans les universités françaises bénéficient, pour la plupart, de bourses d’études du gouvernement français ou bien de la Fondation Rafic Hariri. Dépourvus de financements, ceux de la section 2 préfèrent généralement tirer profit de leur diplôme en intégrant le marché du travail. Faute de docteurs en SIC, la section 2 recrute donc dans d’autres disciplines en SHS. En effet, la mobilité intersection est très rare : même en manque d’enseignants spécialisés en SIC, la section 2 ne recrute pas parmi les anciens étudiants de la section 1 ; cette politique semble a priori s’expliquer par la logique de cloisonnement communautaire qui a prévalu dès le début de la guerre et a abouti au sectionnement de l’UL à une plus grande échelle. L’encouragement actuel d’initiatives en vue de réunir, lors d’événements scientifiques ou festifs, les enseignants et les étudiants des deux sections, est un indicateur, en creux, du fonctionnement compartimenté de la faculté – et de l’UL – pendant les années du conflit.
49 Certains sujets abordés renvoient clairement à des problématiques propres au domaine des SIC comme l’article de May Abdallah, docteur en SIC, section 1, « Les SIC : les problèmes théoriques et méthodologiques » ou bien celui de Hassana Rachid, docteur en SIC, section 1, « Le pouvoir de médias ». D’autres apparaissent résulter d’un choix personnel de l’auteur de traiter un sujet en rapport direct avec ses thématiques de prédilection : ainsi Georges Kallas, docteur en littérature arabe, section 2, publie un article sur la presse culturelle libanaise, sujet qu’il développe dans un ouvrage paru précédemment en 1993. De même Hilal Natout, docteur en littérature arabe, section 1, dont le doctorat porte sur la caricature au Liban, écrit sur le même sujet.
50 Deux conditions cumulatives s’imposent aux prétendants à la titularisation : être sous contrat d’enseignement d’un minimum de 250 heures et depuis au moins deux ans. Notons que les candidats qui cumulent ces conditions et sont donc recevables de facto – les textes de loi ne le stipulant pas – à la titularisation, restent dans l’attente, plusieurs années durant, d’un accord entre les partis politiques afin que soient prises les décisions de titularisation à l’échelle de l’UL, la décision finale relevant du Conseil des ministres.
51 Concrètement, cela signifie que leur premier salaire ne leur sera versé qu’au bout de la troisième année à compter de leur premier contrat d’enseignement. Ces enseignants constituent à peu près le tiers de l’effectif total du corps enseignant de la faculté.
52 Repris dans Association libanaise des sciences de l’éducation (2006).
53 Wafic Tibi, issu d’une des plus anciennes familles de la presse libanaise, est lui-même propriétaire et rédacteur en chef du quotidien al-Yawm ; Anis Moussalem, journaliste et fondateur du journal al-Bilâd ; Melhem Karam, journaliste qui deviendra le propriétaire d’al-Bayraq, d’al-Hawâdith et de la Revue du Liban ; Bassem al Jisr, ancien directeur de l’Agence nationale de l’information (ANI) ; Georges Chami, journaliste à al-Hayât et également ancien directeur de l’ANI ; Antoine Rémy, un des pionniers de la télévision libanaise, directeur des programmes et de production à Télé Liban en 1983 ; Youssef Ibrahim Yazbeck, historien et journaliste à al-Insâniyyât ; Émile Dagher, journaliste à al-Nahâr ; Michel Abou Jaoudé qui en était le rédacteur en chef, Rajeh Khoury, rédacteur en chef de al-Anwâr, etc.
54 Les textes de ces conférences n’ayant pas été archivés, nous n’avons pu prendre connaissance de leur contenu exact et nous nous fondons sur les documents publiés par Krikor Mouradian et qui font état du nom et de la qualité professionnelle des intervenants, de l’intitulé et de la date de l’intervention (Mouradian 1985, p. 245-247). Selon les témoignages que nous avons recueillis, la section 1 n’a jamais organisé de conférences à cette époque.
55 Ainsi, deux journalistes viennent parler de « L’information et la Résistance libanaise ». Le mois suivant, est invité à témoigner « l’un des pionniers de cette Résistance » (pharmacien de profession) sous le titre « Pourquoi avons-nous combattu ? » Des représentants de deux partis politiques chrétiens – les Phalanges libanaises et le Parti national libéral (PNL) – interviennent également. Moussa Prince, responsable politique au sein du PNL, présente une conférence intitulée « Le Liban entre l’unité rationnelle et l’unité politique » tandis que Michel Samaha, alors chef du service des Étudiants des Phalanges, intervient pour « une rencontre et un dialogue » sur le campus.
56 Gibran Tuéni du journal al-Nahâr ; Maguy Farah, journaliste à la MTV ; Marcel Ghanem et Jinane Mallat, respectivement journaliste animateur et conceptrice de l’émission Kalam al-Nâs ; les réalisateurs Marwan Najjar et Antoine Ghandour.
57 Entretien avec Roy Jreijiry, ancien président du comité des étudiants de la FID (1998), le 29 septembre 2017.
58 Le massacre de Cana résulte, en 1996, du bombardement par l’armée israélienne d’un camp de l’ONU accueillant des déplacés libanais placés sous la protection de la FINUL.
59 Réflexion conduite par Malek Mrowa, journaliste et propriétaire du journal the Daily Star, à l’occasion d’une journée d’étude organisée conjointement par la Maison du Futur et la faculté, le 21 mars 2019.
Auteur
Université libanaise, faculté d’information

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