Al-Aqsa 2.0
Abolir les frontières et défier la contrainte sur Internet
p. 26-57
Texte intégral
1L’esplanade des Mosquées avec ses quatorze hectares représente un sixième de la vieille ville de Jérusalem et abrite plus de deux cents monuments historiques, dont les plus célèbres, le dôme du Rocher et la mosquée du Vendredi, appelée couramment « mosquée de la Qibla » (Musallâ al-Qibla) ou mosquée al-Aqsa1. Sacré pour les trois monothéismes2, ce centre religieux est aujourd’hui coupé d’une part importante de la communauté des musulmans. Ce symbole national est en outre inaccessible pour un grand nombre de Palestiniens3. Dans le contexte d’un territoire fragmenté et contrôlé comme l’espace israélo-palestinien, quel usage est-il fait des nouveaux médias compris comme environnement de libre partage entre des individus connectés virtuellement ?
2Cet article montre en quoi Internet et les nouveaux médias forment une ressource pour se jouer des frontières et des contraintes territoriales ainsi que pour se mobiliser. Quel rôle jouent Internet et les réseaux sociaux dans l’organisation des relations entre le centre (la ville sainte) et les périphéries (la Palestine et les pays étrangers) ? L’analyse interroge le postulat selon lequel « l’essentiel pour les individus et les groupes ne serait plus de “faire territoire”, mais d’accéder à un réseau » (Giddens 1994). Elle s’articule autour de plusieurs acceptions de cette notion :
- Le réseau tel qu’il s’incarne à travers les collectifs en ligne sous la forme d’échanges entre internautes (ici par l’intermédiaire de Facebook essentiellement).
- Le réseau utilisé à des fins de mobilisation à distance à travers des campagnes de sensibilisation, de communion ou de solidarité. La connexion entre les utilisateurs des nouveaux médias se fait grâce au partage d’intérêts mutuels ou de références communes. S’agit-il de nouvelles formes de sociabilité ou simplement d’un espace de publicisation au sein duquel les utilisateurs ne deviennent pas acteurs en tant que tels, mais demeurent pour la plus grande part dans l’ombre du réseau ?
- Le réseau qui permet enfin d’organiser la mobilisation de proximité autour du lieu saint et relève davantage de l’interconnaissance.
3Cet article questionne la nature des collectifs nés de l’usage des nouveaux médias (Mercklé 2016), le rapport de l’individu à ces derniers, ainsi que les modes de présence en partie renouvelés par ces technologies. Mon intérêt pour Internet et les nouveaux médias est né de l’usage qu’en font de jeunes Palestiniens qui entretiennent un rapport quotidien avec l’esplanade des Mosquées4.
4Je m’appuie sur une enquête ethnographique menée entre septembre 2011 et octobre 2014. L’article se concentre notamment sur les mois de Ramadan 2013 et 2014, pendant lesquels des campagnes sont lancées sur Internet pour organiser des réseaux de solidarité autour de l’esplanade des Mosquées. Il s’intéresse aux activités d’un groupe de jeunes Palestiniens résidents de Jérusalem qui font partie des plus actifs dans la mise en réseau du lieu saint à partir d’Internet ainsi qu’au groupe lui-même (frontières sociales, relations avec les institutions). Je m’appuie en outre sur l’étude minutieuse des contenus multimédias partagés, tels que des posts sur des pages Facebook, individuelles ou collectives5. Quelques sites Internet qui ont systématiquement des pages Facebook ont retenu mon attention. Des jeunes de Jérusalem deviennent des personnalités publiques grâce au nombre de leurs abonnés sur leur page personnelle. Les pages collectives, auxquelles on peut adhérer pour recevoir des posts sur son « fil d’actualité » sont plus anonymes, l’identité de l’administrateur étant généralement inconnue. Les organisateurs de la campagne « Ramadan à Jérusalem est différent » ont ainsi créé une page Facebook le 22 juin 2014. Elle regroupe 16 533 personnes qui ont « liké » et ainsi rejoint le groupe « ouvert ».
5Ce matériau est presque exclusivement diffusé en arabe, même si des contenus en langues anglaise et turque principalement, mais aussi macédonienne, albanaise, ou malaise, se sont de plus en plus développés à partir de 2014. J’ai retenu quelques campagnes multimédias qui ont pour objectif commun de désenclaver le lieu saint, selon des stratégies diverses :
- Permettre une pratique et une connaissance du lieu saint à distance.
- Développer des médiations pour replacer la mosquée au cœur des préoccupations des pouvoirs religieux et politiques palestiniens et musulmans essentiellement, et pour mettre en place des réseaux de solidarité locaux et internationaux.
- Encourager une mobilisation de proximité immédiate autour de mots d’ordre diffusés sur Internet.
6Je décris dans un premier temps la situation actuelle de l’esplanade des Mosquées et les contraintes imposées aux mobilités religieuses. Dans ce contexte de fragmentation du territoire national, les Palestiniens en contact direct avec le lieu saint sont investis d’une mission, celle d’organiser les échanges entre l’esplanade et le reste de la population grâce à l’usage d’Internet. La réflexion se poursuit ensuite autour de la notion de médiation (interface, conscientisation, inculcation). Comment ces outils informatiques sont-ils utilisés pour permettre une pratique virtuelle du site, et quelles sont les modalités de cette pratique et dans quelle mesure s’inscrit-elle dans l’histoire longue des pratiques religieuses à distance ? Le recours à Internet offre la possibilité de créer un collectif dématérialisé plus large ; il ne faut pas pour autant négliger les réseaux de proximité qui s’appuient également sur cet outil. La mobilisation de proximité utilise les réseaux sociaux en ayant cependant pour base un réseau qui lui préexiste, celui des habitants palestiniens de Jérusalem notamment.
« Al-Aqsa online » : déjouer les contraintes, recréer du lien
Le lieu saint sous contrainte : un outil de mobilisation historique
7Des musulmans venus du monde entier se rendent à Jérusalem pour « marcher dans les pas des prophètes de l’Islam6 », et découvrir la « Terre sainte » musulmane. Prier dans l’esplanade des Mosquées est décrit comme un immense privilège, car cette visite pieuse (ziyâra) a sa place dans l’économie du salut. Le lieu saint remplit par ailleurs les mêmes fonctions qu’une mosquée du vendredi7. L’édifice situé au sud du sanctuaire abrite la chaire depuis laquelle l’orateur lance son prêche chaque vendredi, jour de la prière collective hebdomadaire. Si cette structure couverte peut regrouper à elle seule 5 000 fidèles, l’ensemble de l’enceinte a la capacité d’en accueillir environ 500 000. Lieu fondamental dans la vie religieuse palestinienne, on s’y rend pour écouter le prêche, effectuer la prière du vendredi, et célébrer les grands événements du calendrier musulman, comme le mois de Ramadan, les célébrations de la ‘îd al-fitr et de la ‘îd al-adhâ, la commémoration de la naissance du Prophète ou encore celle du miracle du Voyage nocturne. Le site accueille par ailleurs d’importantes fêtes communautaires, comme les mariages et les enterrements ou les libérations de prisonniers. Ces cérémonies prennent aujourd’hui une couleur politique, véritables moments d’expression du nationalisme palestinien (Aubin-Boltanski 2004).
8Situé dans la partie est de la vieille ville occupée par l’État israélien depuis 1967, le lieu saint est progressivement coupé d’une frange importante de ses fidèles. Les mobilités religieuses vers l’esplanade des Mosquées sont soumises aux régimes de séparation imposés par les politiques israéliennes de contrôle du territoire. L’accès au site est conditionné par le statut de chaque visiteur et dépend de la nationalité, de la confession, du lieu d’habitation, du genre et de l’âge. Depuis 1993 et la signature des accords d’Oslo, les statuts administratifs se sont multipliés. La construction du mur de séparation à partir de 2002 accentue la distance entre le lieu saint et son arrière-pays. Ce mur implique l’inclusion de facto de Jérusalem-Est dans les frontières de la grande municipalité définie par Israël au-delà de la « ligne verte8 ». L’accès des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza au lieu saint est soumis à des autorisations délivrées par les autorités militaires israéliennes9. C’est souvent pendant les périodes des fêtes ou les vendredis, jour de prière, qu’ils l’obtiennent.
9Les Palestiniens citoyens d’Israël et les Palestiniens résidents de Jérusalem10 ont le droit d’accéder à l’esplanade des Mosquées sans permis, mais sous certaines conditions. Lors des fêtes juives ou dans des contextes de tensions politiques, seuls les Palestiniens âgés de plus de cinquante ans et de moins de quinze ans, les femmes et les enfants (avec certaines variations) peuvent pénétrer dans le lieu saint ; un réseau de barrages policiers et militaires est mis en place de façon concentrique autour de l’esplanade. Les fidèles qui désirent s’y rendre sont en outre tributaires des heures d’attente aux checkpoints permanents ou temporaires, qui augmentent lors des périodes de grande affluence, notamment durant le mois de Ramadan11. Les cartes d’identité sont presque systématiquement réclamées à l’entrée du sanctuaire et conservées par les militaires le temps de la visite.
10L’esplanade des Mosquées constitue l’un des symboles de la dépossession territoriale qui touche les Palestiniens depuis 1948. Corolaire de cette thématique, le lieu saint est décrit comme vidé de ses fidèles dans les discours politiques palestiniens, si bien que l’encerclement et le verrouillage du site deviennent des topos. Dans de très nombreuses représentations, celui-ci apparaît derrière un mur, des barbelés ou des chaînes, inaccessible. L’image du bulldozer est également très présente dans les discours de mobilisation pour la cause palestinienne. Déraciné, le lieu saint se retrouve coupé de sa base, territoire flottant, sans fondations12.
Figure 1 : Graffiti sur un mur de Gaza ville

Crédits : Aymeric Cattenoz (CC BY-NC-ND 4.0)
11La référence au lieu saint comme vecteur d’engagement politique n’est pas nouvelle et dépasse le cadre strictement palestinien. Déjà à la période médiévale, le motif du lieu saint permet de lier dogme religieux et nécessités politiques (Sivan 1995) et constitue une ressource pour la mobilisation. Dans les années 1920, le grand mufti Hajj Amin al-Husseini à l’avant-garde de la lutte nationale cherche à susciter l’adhésion du monde musulman par la référence à la mosquée al-Aqsa (Mattar 1988 ; Porath 1974). On observe par la suite un surinvestissement de la figure de la mosquée al-Aqsa par les mouvements nationalistes palestiniens. En outre, la référence au lieu saint est transnationale, comme en témoigne l’utilisation qui en est faite par la propagande du Hezbollah au Liban. L’imagerie des nouveaux martyrs recourt à un ensemble de symboles islamiques où figure entre autres symboles la mosquée al-Aqsa (Mayeur-Jaouen 2002).
12Cette référence continue d’être utilisée par la majorité des partis politiques palestiniens. C’est la branche nord du Mouvement islamique en Israël13 qui en fait un usage systématique et le traduit en acte. Depuis les années 1990, cette organisation politique diffuse en effet un discours alarmiste sous le slogan, « Al-Aqsa est en danger ». Il médiatise les activités israéliennes jugées suspectes, par exemple les fouilles archéologiques dans la partie méridionale de la vieille ville. Il s’emploie à défendre l’identité arabe et islamique de Jérusalem et de l’esplanade des Mosquées (Reiter & Larkin 2012) par une série d’initiatives portées par des associations comme l’« Association al-Aqsa pour le waqf et le patrimoine » (mu’assasat al-Aqsâ li-l-waqf wa-l-turâth), ou l’« Association pour les bâtiments d’al-Aqsa et des lieux saints » (mu’assasa ‘imârat al-Aqsâ wa-l-muqaddasât), interdites par les autorités israéliennes depuis la fin de l’année 2015.
13Ces associations soutiennent des projets engagés dans la préservation des biens de mainmorte (waqf-s) et des lieux saints musulmans en Israël et à Jérusalem-Est. Un projet connu sous le nom d’« enseignement des estrades » (ta‘lîm al-masâtîb) organise la tenue de cours de lectures du Coran sur l’esplanade des Mosquées. Des groupes de lectures du Coran formés de murâbitûn14 prennent place sur les nombreuses estrades au niveau de la porte des Maghrébins au sud, utilisée par les visiteurs juifs et les touristes internationaux non musulmans. Une autre initiative, intitulée « la marche des étendards » (masîrat al-bayâriq), met à disposition des bus affrétés spécialement depuis des villes israéliennes pour mener gratuitement dès l’aube les fidèles jusqu’à l’esplanade15.
Comment désenclaver la mosquée ? Un rôle d’interface pour les Palestiniens de Jérusalem
14Malgré les contraintes qui leur sont imposées, les Palestiniens détenteurs d’une carte d’identité israélienne ou d’une carte de résident permanent de Jérusalem se désignent comme l’interface entre le lieu saint et les fidèles qui en sont éloignés. Ils se présentent comme les garants d’un lien maintenu, entre le centre religieux et national et ses périphéries. Ce discours sur les Palestiniens de Jérusalem est relayé par l’institution islamique et les partis politiques. On insiste alors sur la mission qui leur incombe.
15Tous les vendredis, dans les prêches donnés depuis le minbar de la mosquée al-Aqsa, l’orateur rappelle le rôle de ces Palestiniens considérés comme les « ambassadeurs16 » de la mosquée, l’avant-garde de la lutte. On rappelle leur qualité de persévérance et d’endurance par les adjectifs suivants : « déterminés » (sâmidûn), « patients » (sâbirûn), « dévoués » (mutamassikûn), « protecteurs » (muhâfazhûn). L’Autorité nationale palestinienne appelle elle aussi à soutenir l’effort de sumûd17 des Palestiniens de Jérusalem. Ce rôle est relayé sur Internet par le Mouvement islamique qui leur donne une place privilégiée : « Notre peuple à Jérusalem est l’interface avec la mosquée al-Aqsa sacrée et sa première porte18. »
16Les institutions musulmanes, comme l’administration des Waqf-s de Jérusalem, son Comité de l’aumône légale (dhakât), ou bien des associations liées aux organes officiels sont finalement peu actives sur Internet. L’administration des Waqf-s a par exemple sa page Facebook, mais celle-ci est rarement actualisée19. L’Autorité nationale palestinienne développe de son côté des sites, notamment pour son ministère des Waqf-s, très souvent en maintenance et peu développés.
17Cet usage limité des nouveaux médias renforce le rôle et l’efficacité des médiations portées par les collectifs citoyens. L’étude des champs lexicaux et des modes d’énonciation utilisés par ces jeunes de Jérusalem montre qu’ils articulent leurs discours entre responsabilité collective et mission individuelle, entre le registre de la raison et celui des sentiments. Certains profils Facebook d’associations civiles fondées par des Palestiniens de Jérusalem, ou des pages destinées à mettre en place des collectifs virtuels, insistent sur l’engagement envers le lieu saint. Celui-ci se décline d’un engagement moral ou religieux (« al-Aqsa est notre croyance » : al-Aqsâ ‘aqîdatnâ) à une mobilisation plus politique à travers les termes de responsabilité (« al-Aqsa est ma responsabilité » : al-Aqsâ mas’ûliyyatî), ou de « cause », un terme plus politique (« al-Aqsa est notre cause » : al-Aqsâ qadiyyatnâ).
18Ces formules apparaissent sur Twitter sous la forme de hashtags, par exemple : « #al-Aqsa est ma responsabilité » (#al-Aqsâ mas’ûliyyatî). On interpelle le collectif puis l’individu. Ces trois termes de responsabilité, de cause et de croyance témoignent de l’attachement au lieu saint et amènent à s’interroger sur la place de la référence religieuse dans les médiations virtuelles autour du lieu saint.
19Le rôle principal d’Internet et des réseaux sociaux tels qu’ils sont utilisés par les jeunes Palestiniens évoqués en introduction est d’établir du lien, de permettre la circulation de l’information entre ce qu’on peut appeler les acteurs du lieu saint et les fidèles palestiniens ou musulmans étrangers pour qui celui-ci est difficilement accessible. Il s’agit de maintenir un échange avec l’extérieur et de désenclaver l’esplanade, en organisant également une veille médiatique comme rempart à la fragmentation imposée par les politiques israéliennes et le système panoptique de contrôle autour du lieu saint. Le champ lexical du lien est omniprésent quand on étudie ces contenus multimédias, à travers principalement les racines arabes « w s l » (lier, relier) et « r b t » (« lier, attacher, tenir fermement quelque chose et donc affermir »). Le terme islamique de ribât qui désigne au début de l’Islam la posture à la fois ascétique et guerrière de personnes qui défendent le territoire islamique à ses marges (Borrut & Picard 2003)20 est constamment repris dans ce contexte pour décrire la position de « murâbitûn » des Palestiniens de Jérusalem et d’Israël. Ces derniers se tiendraient en « première ligne21 » pour défendre le site et le désenclaver en créant des liens avec la communauté musulmane et palestinienne (solidarité, aide financière, appel à visiter le site).
Qui sont-ils ?
20Ces jeunes Palestiniens résidents de Jérusalem, engagés sur Internet dans la création de collectifs virtuels encouragent une pratique du site religieux au-delà du territoire sacré. Ils sont une trentaine dont le travail est reconnu, parfois même au-delà des frontières palestiniennes. En Jordanie par exemple, nombreux sont les Palestiniens qui suivent l’actualité diffusée par certains d’entre eux. Eyad Tawil qui se décrit sur son profil Facebook comme photographe, habitant de Jérusalem, est suivi par 46 145 personnes au début de l’année 201622. Ce sont de jeunes adultes qui ont entre vingt-cinq et trente-cinq ans. On y trouve une majorité d’hommes, même si des femmes sont également présentes, qui appartiennent à des classes sociales assez variées. Certains viennent de familles de Jérusalem qui occupent des fonctions religieuses sur l’esplanade des Mosquées depuis de nombreuses générations. Muhammad Qazzaz appartient par exemple à une famille traditionnelle dont sont issus les muezzins les plus réputés de la mosquée depuis sept cents ans. Ce jeune homme est très actif sur les réseaux sociaux et anime des ateliers d’apprentissage photographique. Ces jeunes sont connus des responsables de l’administration des Waqf-s. Ils bénéficient ainsi d’avantages tels que la possibilité de pénétrer dans des lieux inaccessibles aux simples fidèles, le haut des minarets par exemple, qui constituent de formidables observatoires pour des photographies panoramiques.
21À ces médiations virtuelles s’ajoute un travail de documentation photographique. Ces jeunes sont photographes amateurs ou professionnels, freelances ou bénévoles. Certains d’entre eux accompagnent leur activité sur Internet de la publication occasionnelle de leurs photos sur des sites de médias palestiniens comme Hunâ al-Quds ou travaillent pour des chaînes internationales comme Al-Jazîra mubâshar23.
22Ils appartiennent à un réseau d’interconnaissance. Entre 2014 et 2016, plusieurs d’entre eux se marient. Nombreux sont ceux qui décident de célébrer leur union dans la mosquée al-Aqsa. Les couples s’affichent devant le dôme du Rocher et les photographies sont ensuite diffusées sur Facebook. En septembre 2015, Muhammad Qazzaz, photographe freelance, épouse Latifa Abdellatif, elle-même très investie dans la mobilisation autour du lieu saint. Tous deux lancent une série de vidéos, postées sur YouTube, intitulée « vrai ou faux24 » (sahh am khatâ’), dans lesquelles ils donnent des informations sur l’histoire de l’esplanade des Mosquées et sur les textes religieux qui lui sont associés.
23Beaucoup sont encore étudiants, d’autres travaillent, dans des associations de bienfaisance palestiniennes dans la vieille ville de Jérusalem par exemple. Tous musulmans, leur pratique effective de la religion est néanmoins variable. Certains semblent très pieux quand d’autres entretiennent un rapport plus distant avec la religion, ce qui n’entre pas en contradiction avec leur engagement envers le lieu saint. Si leur affiliation politique reste un sujet peu discuté, certains ne cachent pas leur affinité avec le Mouvement islamique en Israël. Ainsi, la figure de Raed Salah, chef emblématique du mouvement et célèbre défenseur du lieu saint, connu sous le surnom de « Shaykh al-Aqsâ », est très présente dans les médiations décrites ici. Si les pages Facebook étudiées ressemblent à des initiatives indépendantes et sont défendues comme telles par les photographes freelances avec qui je me suis entretenue, certaines initiatives toutefois font écho aux activités du Mouvement islamique et à son expertise dans le développement de projets éducatifs ou solidaires. L’aspect alternatif et indépendant de ces médiations reste donc à interroger, tout comme la nature des liens avec le Mouvement islamique qui peuvent aller de simples affinités idéologiques à d’importants soutiens financiers.
24Le discours mobilisateur étudié n’est pas nouveau. En revanche, l’usage d’Internet permet de créer du collectif et de donner dans le même temps une place à l’individu et à la dimension affective avec le lien saint, qui est extrêmement valorisée sur les nouveaux médias. Quel est le rôle joué par les acteurs qui sont au contact direct avec le lieu saint et dans quelle mesure la dimension affective de la mobilisation est-elle la plus visible ici ?
Médiations virtuelles, conscientisation et mobilisation
La campagne « Le mois de Ramadan à Jérusalem est différent »
Cette campagne s’adresse aux personnes de tous les âges et de toutes les nationalités, mais particulièrement à ceux qui ne peuvent pas accéder à la ville de Jérusalem ; c’est pourquoi nous devons être leurs yeux, leurs oreilles et leurs cœurs hiérosolymitains25.
25Les Palestiniens de Jérusalem servent de médiateurs pour donner à voir la mosquée, à sentir l’atmosphère de la ville. Les destinataires sont en premier lieu les fidèles dans l’impossibilité de visiter le site. Ainsi la campagne « le mois de Ramadan à Jérusalem est différent » se donne l’objectif suivant :
Révéler l’esprit de la ville de Jérusalem pendant le mois béni de Ramadan et son atmosphère spirituelle, et les partager avec vous pendant tout ce temps, minute après minute, à travers des photographies, des vidéos, la diffusion des prières et d’autres événements26.
26Ce « vous » désigne des destinataires indistincts, distants du lieu saint, mais ayant un intérêt pour celui-ci. La page Facebook regorge de commentaires, de photographies qui témoignent des traditions (culinaires, comme la fabrique de qatâyîf27 ou artisanales, comme la vente de lanternes), de l’ambiance (la décoration des quartiers de la vieille ville avec des créations lumineuses), des activités religieuses (appels à la prière, prière et tarâwîh28, présence de pèlerins étrangers) et d’intendance (nettoyage, mise en place de parasols, équipes de premiers secours) sur l’esplanade29.
Quand tu es assis dans la mosquée al-Aqsa après les tarâwîh pour Ramadan ! Quand tu marches dans les souqs de la vieille ville pendant Ramadan ! Quand tu admires les décorations de ses différents quartiers ! Tu entends toujours une phrase : « Ramadan à Jérusalem est différent » […] Mais cette année, ce ne sont pas seulement les enfants de Jérusalem qui la prononceront !! Non, non ! Au nom de Dieu, tout le monde la prononcera, car cette année, nous allons répandre l’ensemble des ambiances du mois de Ramadan à Jérusalem, grâce à des photos, des vidéos, nous allons diffuser les prières, les discours, les initiatives, les actions, les stratégies de développement. Vous allez pouvoir toutes les vivre avec les fils de Jérusalem jour après jour […]30
27Grâce aux nouveaux médias, ces jeunes Palestiniens de Jérusalem mettent en place un espace de partage et encouragent ce qu’on pourrait appeler « une communion virtuelle » dans laquelle ils occupent une position de relais. Ils s’appuient sur des collectifs désignés par « nous » et « vous ». On distingue alors entre une population d’« enfants de la ville » (abnâ’ al-balad), presque consubstantielle à Jérusalem (Grugeon 2017), et un public distant, étranger. Ce passage programmatique a pour vocation de créer un lien d’intimité, comme en témoigne l’usage du pronom « tu » qui instaure un climat de complicité. C’est la mission assignée qui sert de liant au collectif.
28On cherche à reproduire une expérience sensorielle. La dimension expérientielle est valorisée, tout comme un rapport affectif à la ville et à l’esplanade. La médiation est décrite comme une mission citoyenne pour les « enfants de la ville ». Il s’agit d’une entreprise collective permise par l’utilisation des réseaux sociaux sur lesquels on lance des appels à envoyer du contenu photographique et audiovisuel. Certains résidents de la ville se spécialisent bénévolement dans ce secteur des médiations, en témoigne un jeune photographe résident de Jérusalem :
Le plus important c’est de documenter, pour les gens qui ne peuvent pas venir, à la fois les Palestiniens [de Palestine], mais aussi les Palestiniens de la diaspora. Il faut documenter ce que la mosquée al-Aqsa veut dire pour les gens. Il faut documenter l’histoire des résidents de Jérusalem pour que les gens à l’extérieur puissent y avoir accès. J’ai vécu en Arabie saoudite, les gens voulaient absolument connaître plus de choses sur la mosquée al-Aqsa et sur Jérusalem en général, en Jordanie pareil. Nous avons une grande responsabilité envers les gens qui ne peuvent pas venir31.
29Leur rôle concerne également tout ce qui a trait aux modalités d’une première visite au lieu saint. La page Facebook « Ramadan à Jérusalem est différent » sert, à l’instar d’un guide touristique, de vade-mecum à l’usage des fidèles qui se rendent pour la première fois sur l’esplanade. Les administrateurs y publient ainsi des cartes créées par des associations touristiques palestiniennes afin de faciliter la visite à Jérusalem. L’une de ces cartes répertorie les moyens d’accéder au lieu saint par les différentes portes. Elle est accompagnée d’adresses pratiques à Jérusalem-Est : restaurants, hôtels, hôpitaux, associations, musées, ainsi que des numéros pour les taxis collectifs. Apparaissent également les horaires des prières, les restrictions imposées ou non par les autorités israéliennes32 ou encore les annonces des événements culturels dans la vieille ville.
Enfin, les « enfants de la ville » se présentent à la fois comme acteurs et sujets des médiations virtuelles.
Les grands médias ne s’intéressent pas à la vie quotidienne des gens de la ville ; nous cherchons à donner leur place aux gens ordinaires : marchands de la vieille ville, simples fidèles. C’est à travers eux que tu peux redécouvrir la ville33.
30Ces jeunes de Jérusalem se donnent effectivement pour mission d’accorder une voix aux habitants palestiniens qui vivent la ville au quotidien, en photographiant par exemple les commerçants de la vieille ville et en les questionnant sur leur rapport au lieu saint. Ils se mettent d’ailleurs eux-mêmes en scène sur des supports photographiques ou audiovisuels.
31Ils cherchent à contrer un discours ambiant qui défend l’idée que les habitants de Jérusalem-Est et en particulier de la vieille ville seraient des délinquants ou des musulmans extrémistes et que les quartiers seraient malfamés 34. Ce discours, présent au sein de la société israélienne, émane également d’une frange de la bourgeoisie palestinienne qui a déserté la vieille ville pour s’installer dans des infrastructures moins vétustes. Ces jeunes font par conséquent des réseaux sociaux un moyen de donner une « bonne image »35 des habitants de la vieille ville et d’être visible sur la scène nationale et internationale. Il arrive néanmoins que dans ce type de médiation l’individu prenne le pas sur le collectif, ce qui est vivement critiqué par certains internautes. Ces derniers estiment que l’aura donnée par les réseaux sociaux leur « monte à la tête36 ».
Une pratique des lieux à distance
32Depuis plusieurs années, ces Palestiniens de Jérusalem sont devenus les artisans de nouvelles pratiques du lieu saint à distance (Debarbieux 1995). Il s’agit de réduire l’éloignement avec la mosquée par tous les moyens, d’abord par la multiplication des images de ce dernier qui participent de son efficacité symbolique. Ceci renvoie à la question du pèlerinage virtuel ou cyberpèlerinage (MacWilliams 2004) dans lequel la pratique physique du lieu est remplacée par une pratique de son image.
33« Ton nom depuis al-Aqsa » (ismak min al-Aqsâ) est une page Facebook collective créée en janvier 2013 et administrée par une jeune palestinienne de Jérusalem, photographe amatrice, qui se fait appelée « al-Yatîma » (l’orpheline)37. Elle appartient au même groupe d’interconnaissance que les jeunes évoqués plus haut. « Aujourd’hui ton nom à al-Aqsa, demain ce sera toi38 » : l’idée est simple, photographier son nom sur une feuille volante avec en toile de fond les principaux monuments de l’esplanade39 puis utiliser la photographie comme image de profil, avec pour objectif de « revivifier la cause40 », d’exprimer sa responsabilité et sa solidarité envers le lieu saint et de défendre son droit d’y prier.
Figure 2 : Exemple de photographie de la campagne « Ton nom depuis al-Aqsa »

Source : https://www.facebook.com/AqsaNames/
34À défaut de rapporter un souvenir du lieu saint, les fidèles s’y rendent symboliquement par l’entremise d’un tiers, généralement un Palestinien de Jérusalem qui y photographie leurs noms. Cette pratique est également développée chez des pèlerins étrangers qui se photographient devant le dôme du Rocher avec le nom d’un proche qui n’a pas pu venir. Ce type de pratiques existe également lors du pèlerinage à La Mecque. Le pèlerinage spirituel est permis par un tiers, en mesure de se rendre sur le lieu saint et par un objet transitionnel, ici une feuille de papier. Par ces initiatives, c’est l’idée même du pèlerinage spirituel qui est relancée, bouleversant ainsi les modes de présence. Le nom ne demeure pas inscrit, contrairement aux graffiti que les pèlerins sur le chemin de La Mecque gravaient dans les pierres de certains lieux saints (Imbert 2011). En revanche, la photographie reste, et sur celle-ci le patronyme est éternellement lié au lieu saint. L’espace cybernétique élargit la possibilité de transcender les limites du temps et de l’espace.
35D’autres pages du même type se développent, comme celle intitulée « Avant moi, mon nom est arrivé à Jérusalem » (wa-qablî, wasal ismî ‘a-l-Quds)41. Ces campagnes ont deux objectifs principaux. Elles permettent d’abord à la population coupée du lieu saint un accès symbolique, comme en témoigne cet article du journal Al-Monitor qui retranscrit des entretiens avec des Palestiniens de Gaza ayant participé à la campagne42. Samah Abou Odeh transmet sa joie immense : « alors qu’en réalité mon corps n’y a jamais été, à travers cette photo c’était comme si mon esprit dansait dans la cour de la mosquée43 ». Elles sont aussi l’occasion de rappeler son appartenance au lieu pourtant inaccessible.
36Par ailleurs, ce réseau de jeunes s’engage à des envois personnalisés et gratuits de photographies du lieu saint ou de la vieille ville. Ainsi une nation et une communauté religieuse se familiarisent avec un site symbolique grâce à la démultiplication des images de ce dernier (Debarbieux 1995).
37Ces médiations sont étroitement associées à la défense de l’identité du lieu saint, comme en témoigne cet habitant de Gaza, Ahmed Zeituneh, interviewé par le journal Al-Monitor : « Étant résidants de Gaza, nous ne pouvons pas nous rendre physiquement à Jérusalem. En mettant nos noms là-bas, nous avons prouvé aux Israéliens que Jérusalem est arabe, musulmane et palestinienne44. »
38Le patrimoine que représente l’esplanade des Mosquées est un support d’identification pour la nation palestinienne et pour la communauté musulmane ; et c’est en cela qu’il doit être défendu. Si les médiations virtuelles décrites jusque-là ont pour objectif de permettre d’établir un contact avec l’esplanade des Mosquées, elles ont également pour vocation d’augmenter la connaissance du site, à la fois historique, géographique et liturgique : la multitude de ses monuments, leur toponymie, leur genèse, leur histoire et leur place dans le dogme musulman. Grâce à leur orientation éducative, elles vont dans le sens d’un travail de conscientisation et de sensibilisation autour du site religieux, comme en témoigne cette publicité pour une campagne lancée en décembre 2013 intitulée « I love al-Aqsa » : « Savez-vous ce qu’est al-Aqsa ? Le monument au dôme doré ? Le monument au dôme gris ? Les deux bâtiments ? Allez sur le site Ilovealaqsa.com pour en savoir plus sur toutes les questions concernant la mosquée al-Aqsa45. »
39Les nouveaux médias offrent la possibilité d’effectuer des visites virtuelles du lieu saint à travers l’expérience du site religieux en 3D46. L’agence Aramco World a par exemple développé un site Internet conçu comme une visite virtuelle du lieu saint (« a 360° tour »). De même, de nombreuses vidéos sont diffusées sur les pages Facebook. Cette appréhension des lieux saints à distance a longtemps été l’apanage des guides de pèlerinage qui offraient la possibilité d’avoir une connaissance intime de ceux-ci (Lagerlöff 1994).
40La campagne intitulée « I love al-Aqsa »47, constituée d’une page Facebook et d’un site Internet, est organisée par le groupe de jeunes déjà évoqué. Elle fonctionne également comme un voyage virtuel à travers la géographie du lieu saint et son histoire. Sur le modèle du quizz, le pèlerin virtuel peut progresser au sein de l’esplanade. La visite passe en revue non seulement la genèse du site, mais également ses fondements liturgiques à travers des hadiths célèbres, ainsi que son histoire et son actualité. Ces médiations ont non seulement pour mérite de faire connaître le site à distance, mais aussi d’établir un discours unanime sur celui-ci.
41Aujourd’hui les instances musulmanes officielles, principalement l’administration des Waqf-s, ou de simples fidèles insistent sur la nécessité de désigner l’ensemble de l’esplanade comme « mosquée al-Aqsa », mais il n’en a pas toujours été ainsi. Au cours de l’histoire, le toponyme est utilisé indistinctement pour l’intégralité du site, ou parfois uniquement la structure au sud-est de l’enceinte, monument couvert qui sert de mosquée du vendredi. H., une femme d’origine palestino-jordanienne, m’affirme avoir appris beaucoup de ce type de campagne de sensibilisation en confiant : « Avant, je pensais que la mosquée al-Aqsa c’était le Dôme48. » Or de nombreuses vidéos postées sur les pages Facebook décrites plus haut insistent sur le fait que le lieu saint comprend toute l’enceinte de l’esplanade et pas uniquement les deux monuments couverts.
42Ces campagnes de sensibilisation sont éducatives, mais elles ont aussi pour vocation d’encourager la visite pieuse et sont décrites comme des outils d’inculcation de l’amour du lieu saint. Si ces pratiques à distance s’inscrivent dans un temps long, en revanche la dimension affective de la mobilisation politique prenant sa source dans les réseaux sociaux semble relativement nouvelle. Ainsi cette formule revient comme un leitmotiv, « Enseignez à vos enfants l’amour d’al-Aqsa49. »
Figure 3 : « Enseignons à nos enfants l’amour d’al-Aqsa »

43À travers ces formes de médiations virtuelles, des collectifs plus larges que celui qui vit à proximité du lieu saint se forment, dans le partage de sentiments communs. Il s’agit, on l’a vu, d’insister sur la centralité de l’esplanade dans le dogme musulman et donc pour la communauté (umma) toute entière, au-delà de la nation palestinienne et du monde arabe. Dès lors, certaines campagnes, la dernière évoquée « I love al-Aqsa » par exemple, sont développées dans différentes langues, notamment l’anglais, le turc, l’albanais. La connexion décrite ici est d’ordre spirituel et se distingue alors de la solidarité spatiale des communautés territoriales. La thématique de l’amour pour le lieu saint constitue le ciment du collectif, désigné par l’expression des « amoureux d’al-Aqsa » (ahbâb al-Aqsâ)50. L’idée est de « connecter les cœurs et les esprits des musulmans à travers le monde autour de la mosquée al-Aqsa51 » pour défier les contraintes territoriales.
44Ces campagnes s’adressent aux musulmans étrangers : en témoigne un article du journal libanais al-Safîr52 qui voit dans ces entreprises des façons d’établir des relations et des liens de solidarité entre les Palestiniens et la communauté musulmane libanaise.
45Cette utilisation des réseaux sociaux et d’Internet a pour objectif de donner une vie à un réseau de solidarité. Les dons sont encouragés par des slogans, comme celui-ci qui revient à chaque page du site « I love al-Aqsa » : « Dis-le avec amour, dis-le avec un cadeau53. » Un hadith faisait déjà dire à Maymouna, une des femmes du Prophète : « Jérusalem est la terre du rassemblement et de la résurrection. Allez-y pour y prier. Celui qui ne peut se rendre à Jérusalem, qu’il envoie de l’huile pour les lampes et ce sera comme s’il était venu. » Le motif ancestral de la lampe à huile réapparaît dans un environnement 2.0 à travers des dons pour l’achat de repas pour les étudiants, des exemplaires du Coran, des rénovations de mosquées ou de maisons et des bus affrétés pour transporter des fidèles.
Figure 4 : Exemple d’une page de la campagne « I love al-Aqsa »

46L’élan amoureux envers le lieu saint se retrouve à la base de l’engagement guerrier et de la mobilisation politique. Les militants et fidèles utilisent un vocabulaire amoureux pour suggérer un lien indéfectible et intime avec celui-ci, même s’ils en sont séparés. Beaucoup affirment « avoir la mosquée al-Aqsa dans le cœur » : même lorsqu’ils en sont absents, le lieu saint leur est présent de manière permanente. Ce motif de l’amour permet en outre de justifier toutes les formes de mobilisation politique et de donner un caractère absurde aux mesures de répression israéliennes : « Pourquoi est-il en prison ? », « Parce qu’il aimait trop al-Aqsa » ou encore « Arrestation de Yasmin Abd al-Rahman al-Sharif sous le prétexte d’aimer al-Aqsa54. »
« Abtâl al-dîjîtâl » : actualité, politique et mobilisation
47Les médiations virtuelles sont associées à des formes de mobilisations politiques alternatives qui passent avant tout par la mise à disposition d’informations directes, comme en témoigne cet extrait d’entretien :
M. : Nous, on informe sur Facebook. Il y a des gens qui prennent des photos depuis leur téléphone et envoient les photos sur Facebook. Mais c’est nous qui parlons de ce qui se passe, si bien qu’on dit de nous que nous sommes les « héros du digital » (abtâl al-dîjîtâl). Aujourd’hui, qui a parlé des femmes sur al-Aqsa ? Toutes les télévisions, tous les journalistes sont à Hébron et à Ramallah. Qui est resté à Jérusalem ?
E : Et toi tu es à al-Aqsa chaque jour ?
M. : Mmm, pas tous les jours… Mais il y a toujours quelqu’un. Par exemple, l’un d’entre nous va prier, s’il voit quelque chose, il fait une photo.
48À l’importance de la mise en réseau, s’ajoute la nécessité de médiatiser les événements qui s’y déroulent. Ces photographes bénévoles décrivent leur activité comme nécessaire, car ils parlent de ce qui se passe dans les zones non couvertes par les autres médias. Ils présentent en outre leur travail comme un engagement politique et contestataire affranchi des grandes organisations partisanes55. Cela, ajouté à la difficulté d’effectuer un travail de presse indépendante les encourage à se présenter comme « l’armée des photographes » (jaysh al-musawwirîn) et à comparer leur appareil photo à une arme56.
49Le rapport à l’actualité politique est fondamental. Prenons le cas de la campagne « Ramadan à Jérusalem » de 2014. Durant ce mois de Ramadan, les lumières festives de la vieille ville sont restées éteintes en signe de soutien à la famille de Mohammad Abou Khdayr, brûlé vif en représailles de l’assassinat de trois colons israéliens près d’Hébron le 12 juin 2014, puis en signe de deuil et de solidarité avec les habitants de Gaza57. C’est le 8 juillet, douze jours après le début du mois de Ramadan, que commence la guerre à Gaza58. Les affrontements entre les « jeunes » (shabâb) et l’armée israélienne sont quotidiens dans la vieille ville de Jérusalem et ses alentours, si bien que les médias parlent d’« Intifada de Jérusalem ». Deux des organisateurs de cette campagne sont arrêtés et condamnés par la cour de justice israélienne à rester éloignés de l’esplanade des Mosquées pendant trente jours. Les mesures de fermeture du lieu saint, systématiques le vendredi, ont cours pendant toute la durée de la guerre. La campagne « Ramadan à Jérusalem est différent » prend par conséquent une tout autre tournure. Ce qui compte désormais, c’est la médiatisation des atteintes faites aux fidèles et au lieu saint.
50Des informations sont relayées sur les arrestations, le nombre de victimes, les manifestations, les mesures coercitives israéliennes. L’« usage militant de cette technologie ordinaire » (Boëx 2012) fait écho aux modalités des actions citoyennes engagées sur Internet par des activistes syriens depuis 2011 et le début de la révolution. L’usage d’Internet induit en effet des effets de résonnances entre les modes d’action populaire : ces jeunes de Jérusalem qui déclarent faire la guerre avec leur appareil photo59 font écho à l’assimilation des outils audiovisuels et numériques à des armes dans les contextes syriens et égyptiens60 (Boëx 2012).
Figure 5 : Prières de rue devant un barrage militaire au niveau de la porte de Damas à Jérusalem

Crédits : Muath Khatib, photographe de Jérusalem
51De nombreuses photographies de prières de rue aux alentours des murs de la vieille ville circulent61. Le 11 juillet, Muath Khatib poste par exemple la photographie d’un homme en prière sur un tapis posé en pleine rue entre un militaire et une grenade de gaz lacrymogène. Le 18 juillet, un message précédé de la mention « Urgent » annonce que le directeur de la mosquée al-Aqsa a été blessé dans des affrontements sur l’esplanade. Les réseaux sociaux permettent par conséquent de médiatiser l’actualité de Jérusalem et du lieu saint dans les zones peu couvertes par les grands médias ou selon un angle considéré comme biaisé.
Figure 6 : Logo de l’agence de presse palestinienne Qpress

52On pense à d’autres pages comme « Le pouls de Jérusalem » (Nabd al-Quds) qui médiatise en temps presque réel chaque incident dans la ville de Jérusalem, ainsi que la page « La porte de Damas maintenant » (Bâb al-‘Amûd al-’ân).
53À cette médiatisation organisée sur Facebook s’ajoute la création en 2015 d’un organe de presse décrit comme indépendant, mais clairement lié au Mouvement islamique, pour lequel ces jeunes photographes de Jérusalem sont très actifs. Qpress se spécialise dans l’actualité sur Jérusalem et plus particulièrement al-Aqsa. On reconnaît par exemple dans le logo une représentation imagée du dôme du Rocher62. Le slogan de la page Facebook en anglais, gérée par l’agence Qpress, est le suivant : « malgré le nombre incalculable de journalistes et d’agences de presse, la vérité est toujours enterrée à Jérusalem. À Qpress nous sommes là pour découvrir la vérité et pour la diffuser telle quelle63. »
54Par ailleurs, la page Facebook « Ramadan à Jérusalem est différent » sert à la diffusion de mots d’ordre. Le 10 juillet 2014, les organisateurs appellent les « groupes de jeunes palestiniens de Jérusalem et des territoires de 1948 à se rendre dans la mosquée pendant la nuit du jeudi au troisième vendredi de Ramadan pour effectuer l’i‘tikâf64 ou pour rompre le jeûne (iftâr) et ainsi maintenir une présence dans le lieu saint ». Lors des journées où les autorités israéliennes décident de bloquer les accès ou lors d’importantes tensions politiques avec des groupes nationalistes juifs, c’est toute la population de la vieille ville qui est mobilisée pour aller « protéger l’esplanade » (al-difâ‘ ‘an al-Aqsâ), notamment grâce à certaines pages Facebook. La journée du 4 décembre 2013, avant-dernier jour de la fête juive de Hanuka, des affrontements ont lieu sur l’esplanade entre fidèles musulmans et armée israélienne depuis plusieurs jours. De nombreux Palestiniens se voient refuser l’entrée dans la mosquée et se font confisquer leurs papiers d’identité. Les magasins des quartiers musulmans de la vieille ville sont fermés, car une grève a été lancée en signe de protestation. Des déclarations sur Facebook appellent ce jour-là à « descendre à al-Aqsa pour le seul amour de la patrie », comme sur la page intitulée « La porte de Damas maintenant ». Les commerçants sont invités à participer à la prière du matin à la mosquée al-Aqsa. Les écoles aussi ont été appelées la veille à se rassembler sur l’esplanade. Les nouveaux médias relaient donc les appels à la grève des associations. Il est finalement peu question de religion : c’est l’actualité immédiate, conjoncturelle et conflictuelle, qui domine. Facebook est alors utilisé comme un outil de propagation à destination de la population en prise directe avec le lieu saint.
55Dans un contexte où l’appropriation religieuse du territoire de la vieille ville par des nationalistes israéliens appuyés par les politiques d’urbanisation de la municipalité israélienne de Jérusalem est de plus en plus manifeste, la mobilisation autour du lieu saint fédère par conséquent un groupe d’individus autour de certains mots d’ordre comme la défense de la liberté de culte et d’accès au lieu saint, ou celui de la lutte pour la préservation de l’identité palestinienne de Jérusalem. Quelques exemples :
- « Descends prier dans la rue » (Inzil sallî bi-l-shâri‘) : cette campagne encourage la prière dans les rues de Jérusalem, les vendredis où l’accès au site est limité. Il s’agit donc de revendiquer son droit d’aller prier au lieu saint, à travers par exemple la publication de photographies de prières de rue65.
- « Campagne pour la visite pieuse à Jérusalem » (Hamla shaddû al-rihâl) : l’objectif de cette campagne de 2012 est de faire venir en Palestine en majorité des Palestiniens de la diaspora ainsi que des ressortissants arabes pour faire « revivre la vieille ville de Jérusalem fantôme ».
- « L’or d’al-Aqsa – la campagne internationale pour la victoire des murâbitât » (Dhahab al-Aqsâ # / Al-hamlat al-‘âlamiyya li-munâsarat al-murâbitât) : les murâbitât, l’équivalent féminin des murâbitûn, se rendent sur l’esplanade des Mosquées et organisent une présence continue.
56Ces projets et mots d’ordre, s’ils n’apparaissent pas d’emblée comme des initiatives impulsées et soutenues par le Mouvement islamique en Israël sont pourtant bien assimilables aux lignes de son programme. Le dernier exemple amène à se questionner sur l’indépendance de ces initiatives vis-à-vis des partis politiques. Pour compléter l’analyse, il faudrait cependant insister sur les destinataires de ces campagnes. S’ils sont désignés clairement par les initiateurs des campagnes, comment prouver qu’ils forment ou non un réseau efficient ? Comment juger de l’efficacité de ces initiatives lancées sur Internet ?
* * *
57Dans un contexte de fragmentation territoriale, la place qui est faite aux Palestiniens comme gardiens et garants de l’esplanade des Mosquées dans les discours religieux et politiques palestiniens trouve un écho dans les réseaux sociaux. Les « fils de la ville » deviennent les médiateurs privilégiés du lieu saint et des activités qui y ont cours. Internet est alors utilisé comme un espace de partage qui permet de renouveler les modalités de pratique du lieu saint à distance. Grâce à l’observation de la place qui est faite à l’esplanade des Mosquées dans les réseaux sociaux, c’est l’influence des nouvelles formes électroniques de communication sur certaines pratiques religieuses qui doit être analysée. Désormais il est possible par l’intermédiaire d’Internet d’avoir à la fois une connaissance du site ainsi qu’une pratique de celui-ci.
58Les internautes affirment en outre leur désir d’être à l’origine d’un mouvement de résistance aux contraintes imposées et aux discours dominants. Cette mobilisation va d’une dématérialisation de l’engagement à travers des dons d’argent à une simple solidarité virtuelle par l’intermédiaire de « like ». Pour les « enfants de la ville », l’importance numérique des initiatives sur Internet (nombres de followers, importance du tweet, etc.) serait déjà un moyen de désenclaver le lieu saint et de lui apporter un soutien. On peut ici s’interroger sur l’efficacité de cette solidarité 2.0, finalement peu suivie d’effets concrets sur le terrain. La mobilisation de proximité, abordée en dernier lieu, semble de prime abord menée par des militants qui ne suivent pas d’engagement a priori partisan. Le Mouvement islamique est cependant présent en filigrane dans ces médiations virtuelles et son engagement sur Internet, et dans les réseaux sociaux devrait faire l’objet d’une autre discussion approfondie. C’est l’horizontalité du réseau qui doit être interrogée (Dumoulin-Kervian & Pépin Lehalleur 2012). Enfin si la mobilisation autour du lieu saint n’est pas nouvelle, cet article montre le rôle des réseaux sociaux dans la cristallisation des affects autour de l’esplanade des Mosquées d’une part, et la place occupée par les Palestiniens de Jérusalem, à travers un collectif de jeunes photographes, d’autre part.
59Cette analyse est aussi l’occasion de repenser le territoire articulé à la notion de réseau. Les réseaux sociaux permettent de rendre l’absent présent. À travers l’espace du web dématérialisé, ils donnent une place à un territoire. L’impossibilité d’accéder au lieu saint pour y effectuer les actes de dévotion a pour conséquence l’invention de nouvelles formes de pratiques qui renouvellent les modes de présence des fidèles. Aujourd’hui, on peut être absent physiquement de la mosquée tout en y étant présent à travers son patronyme inscrit sur une feuille blanche. Non seulement le nom est présent physiquement sur le site, mais il est également présent virtuellement, car posté sur les réseaux sociaux. Les fidèles absents acquièrent une place et une voix. Ainsi, derrière les objectifs individuels, c’est la communauté des croyants qui se dessine dans l’espace cybernétique ainsi que son lien consubstantiel à l’esplanade des Mosquées. Internet encourage le sentiment d’appartenance au site sans qu’il soit forcément nécessaire d’y être présent physiquement.
60Au-delà du territoire, les nouveaux médias sont à l’origine de collectifs éphémères. Leur analyse permet « d’enregistrer des connexions inattendues » (Latour 2006). Elle dessine de nouveaux types d’associations qui se développent à la fois au sein de la nation palestinienne et de la umma musulmane, et qui sont marqués par leur fluidité et leur caractère inclusif.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 « Masjid al-Aqsâ » peut désigner à la fois la mosquée du Vendredi au sud de l’esplanade et l’esplanade dans sa totalité. Les toponymes qui désignent l’ensemble du site sont nombreux, « Masjid al-Aqsâ », « Haram al-Sharîf », « Masjid al-haram al-qudsî ».
2 Mont du Temple dans les traditions juives en souvenir du premier et du second Temple, détruit en 70 apr. J.-C., ce lieu saint figure par ailleurs dans les Évangiles (Luc 2.41-52). Enfin il représente la première direction de la prière des musulmans et le lieu de commémoration du miracle du Voyage nocturne (Coran XVII) durant lequel le prophète Mohammad voyagea de La Mecque vers Jérusalem en une nuit (al-Isrâ’), depuis laquelle eut lieu son ascension céleste (al-Mi‘râj).
3 La mosquée est en effet inaccessible pour les Palestiniens musulmans et chrétiens de la diaspora, difficilement accessible pour les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, et pour les musulmans étrangers ressortissants de certains pays.
4 Ces pratiques font écho à l’utilisation intensive des nouveaux médias par les mouvements du troisième Temple, ces associations de juifs radicaux dont les revendications vont du droit de prier sur l’esplanade à son annexion pour y reconstruire le Temple. Certaines des informations diffusées sur leurs réseaux sociaux en hébreu sont relayées et traduites sur les pages Facebook d’organisations palestiniennes.
5 Le cadre de cet article ne permet pas de traiter la question des codes graphiques, iconiques et photographiques qui mériterait d’être approfondie par ailleurs.
6 Entretien avec un pèlerin musulman britannique, mars 2013.
7 La prière du vendredi ne peut se faire que dans une mosquée d’assemblée, qui doit être pour cela équipée d’une chaire (minbar) du haut de laquelle le prédicateur (khatîb) prononce son prêche hebdomadaire et d’un mihrâb indiquant la direction de prière vers La Mecque.
8 La ligne verte désigne la ligne d’armistice de 1949 entre Israël et la Jordanie. Elle passe au cœur de Jérusalem séparant la partie palestinienne à l’est de la partie israélienne à l’ouest, et au-delà, elle distingue la Cisjordanie et Israël dans ses frontières de 1948 (Latte Abdallah & Parizot 2011).
9 Ces permis sont donnés de façon totalement discrétionnaire.
10 Certains habitants palestiniens de Jérusalem ont la citoyenneté israélienne. D’autres ont un statut de « résidents permanents » défini par les autorités israéliennes qui leur délivre une « carte de résident » (huwiyyat al-Quds). Certains enfin ont un statut de réfugié donné par l’UNRWA.
11 Ces heures d’attente n’épargnent pas les détenteurs d’une carte de résident de Jérusalem.
12 Voir Figure 1.
13 Le Mouvement islamique est un parti politique créé en Israël en 1971 par Abdallah Nimr Darwich. Depuis 1996, le parti est scindé en deux, la branche nord-est dirigée par le cheikh Raed Salah. Elle boycotte les élections israéliennes et s’investit beaucoup dans les questions du patrimoine musulman en Israël ainsi que dans les affaires concernant la mosquée al-Aqsa.
14 Le terme de murâbitûn désigne les personnes qui défendent le territoire musulman à ses frontières. Dans le contexte contemporain de Jérusalem, le terme désigne notamment les fidèles qui organisent une présence continue sur l’esplanade des Mosquées pour contrer les activités des mouvements du Temple et revivifier les activités pieuses, en particulier la prière et l’apprentissage du Coran.
15 https://www.facebook.com/iaqsacom/
16 Extrait du prêche donné dans la mosquée al-Aqsa, le 14 novembre 2008 avant le départ à La Mecque.
17 Sumûd qui signifie « tenir bon » définit une posture de résistance qui consiste à rester coûte que coûte malgré les difficultés.
18 Citation traduite de l’anglais, tirée du site Internet du Mouvement islamique en Israël et citée par Craig Larkin et Michael Dumper (2012).
19 https://www.facebook.com/دائرة-الاوقاف-الاسلامية-في-القدس-596728080441294/
20 On le trouve dans certains hadiths, dans lesquels il signifie « monter la garde ».
21 En juillet 2015, on lit cette définition sur les réseaux sociaux : « les murâbitûn sont les fidèles qui se rendent chaque jour sur l’esplanade et constituent la première ligne de défense ».
22 https://www.facebook.com/EyadTawil
23 Il s’agit de la chaîne en direct de la télévision satellitaire qatarie fondée en 1996. Une émission intitulée « Histoires de Jérusalem » (Hikâyât al-Quds) y développe des sujets en rapport avec le quotidien de la ville sainte.
24 https://www.youtube.com/watch?v=ZQYih9H1F9I
25 Extraits, traduits de l’arabe, de la page Facebook « Le Ramadan à Jérusalem est différent » en 2014.
26 Idem.
27 Sorte de crêpe farcie de crème de lait, de pistache ou de noix, servie pendant le mois de Ramadan.
28 Les tarâwîh sont des prières surérogatoires qui prennent place quotidiennement après celle de ‘ishâ’ pendant le mois de Ramadan.
29 Extraits de la page Facebook « Ramadan à Jérusalem est différent » en 2014 et 2015.
30 Page Facebook personnelle d’un des organisateurs de la campagne, juin 2014.
31 Extrait d’entretien avec trois photographes freelances de Jérusalem (juin 2014, locaux de l’African Community Society).
32 Le 7 juillet 2014, on relève par exemple cette information : « Tous les habitants d’Hébon, peu importe leur statut, sont interdits d’accès à la mosquée, même s’ils possèdent des permis valides » (page « Le Ramadan à Jérusalem est différent »).
33 Extrait d’entretiens avec trois photographes freelances hiérosolymitains (juin 2014, locaux de l’African Community Society).
34 Il faut préciser ici que la vieille ville est délaissée par les autorités israéliennes, ce qui aggrave encore une situation humanitaire très préoccupante en raison d’un taux de pauvreté important, d’un fort décrochage scolaire, de la consommation de drogues et enfin d’affrontements violents réguliers avec l’armée et la police israéliennes et des incarcérations et emprisonnements quotidiens. Voir International Peace and Cooperation Center (IPCC) (2009).
35 https://www.facebook.com/AqsaNames/
36 Extrait d’entretien (mars 2016).
37 Idem.
38 Idem.
39 Voir Figure 2.
40 Extrait d’entretien (mars 2016).
41 Page Facebook : https://www.facebook.com/qudsana ; campagne sur YouTube pour lancer la page : https://www.youtube.com/watch?v=6y-LIwubDXI
42 http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2014/03/aqsa-mosque-dome-jerusalem-gaza-israel-occupation.html
43 Texte traduit de l’anglais.
44 Le texte a été traduit de l’anglais et extrait du site : http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2014/03/aqsa-mosque-dome-jerusalem-gaza-israel-occupation.html
45 Le texte a été traduit de l’arabe et extrait du site : https://www.facebook.com/aqsasanctuary/?fref=ts
46 Tout comme il est possible de se rendre en pèlerinage virtuel à Saint-Jacques-de-Compostelle ou de faire une puja en Inde.
48 Extrait d’entretien (juin 2015, Erbil, Irak, Gouvernement régional du Kurdistan).
49 Extrait de la page Facebook « La porte de Damas maintenant », traduit de l’arabe : on y voit un enfant embrassant une maquette du dôme du Rocher. Voir Figure 3.
50 Extrait de la page Facebook « Ramadan à Jérusalem est différent », traduit de l’arabe.
51 Extrait du site « I love al-Aqsa », traduit de l’anglais.
52 Al-Safir, 13 août 2013 : http://assafir.com/Article/317768#.UhsjatJgecJ
53 http://ilovealaqsa.com/send-gift. Voir Figure 4.
54 Statut, traduit de l’arabe, sur la page Facebook intitulée « Akhbâr bayt al-maqdis », le 10 juin 2014.
55 Même si certains ne cachent pas leur sympathie pour certains partis.
56 Extrait d’entretien avec un des photographes freelances de Jérusalem (mai 2013).
57 Éléments chronologiques, 2014 :
— 28 juin au 28 juillet : mois de Ramadan.
— 2 juillet : assassinat de Mohammad Abou Khdayr, brûlé vif, apparemment en représailles de l’assassinat de trois colons israéliens près d’Hébron le 12 juin 2014, imputé au Hamas.
— 8 juillet au 26 août : guerre à Gaza.
— 24 juillet : nuit du destin. La station de police qui se trouve sur l’esplanade est incendiée.
58 La guerre de Gaza commence le 8 juillet et prend fin le 26 août 2014.
59 Voir Figure 5.
60 « “Leurs armes/nos armes”. Arme à feu vs caméra ». Ce graffiti cairote reprend une formule visuelle qui circule aussi en Syrie : https://suzeeinthecity.wordpress.com/2011/06/11/cairo-street-art-after-the-revolution-zamalek/
61 Voir Figure 6.
62 Voir Figure 5.
63 Extrait de la page Facebook de l’agence Qpress, traduit de l’anglais : https://www.facebook.com/qpress.en/
64 L’i‘tikâf est une pratique qui consiste à vivre dans la mosquée jour et nuit, parfois plusieurs journées consécutives, notamment lors des dix derniers jours de Ramadan.
65 Voir Figure 5.
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