Le plaisir de l’ivresse
Haschich et littérature homoérotique à l’époque mamelouke
p. 288-325
Texte intégral
Haschich et sexualité : entre médecine et cliché littéraire
1Le médecin vénitien Prosper Alpin1, qui visita l’Égypte entre 1581 et 1584, écrit dans le onzième chapitre de l’Histoire naturelle de l’Égypte, où « il est question de la conservation de la puissance prolifique chez les hommes et, en conséquence, des drogues qui sont les plus familières aux Égyptiens pour augmenter l’appétit sexuel », à propos du bernavi et de l’assis2 (translittération latine de l’arabe ḥashīsh) :
Ceux qui utilisent le bernavi et l’assis s’en trouvent plus mal que ceux qui s’adonnent à la thériaque ou au mithridate mais sont moins incommodés que ceux qui prennent du collyre de Philon. Mais tous ont l’avantage de trouver dans ces drogues de très grandes satisfactions : elles les mettent en allégresse, et non seulement elles attisent leurs désirs sexuels, mais elles les rendent plus robustes3.
2En lisant cette description, on se rappellera certainement de l’épisode du mangeur de haschich dans les Mille et Une Nuits où un homme qui avait dépensé toute sa fortune pour les femmes entra un jour dans un hammam pour consommer une dose de haschich. Quand la drogue lui monta au cerveau, il rêva d’être massé et lavé par les garçons du hammam et d’être traité comme un grand vizir. Puis, encore sous l’influence de la drogue, il imagina que des serviteurs et des eunuques, après l’avoir enveloppé dans des serviettes de soie et l’avoir chaussé de sabots, l’amenèrent dans un patio, l’étendirent sur une riche couche et continuèrent à le masser jusqu’à ce qu’il s’endormît :
Il rêva alors qu’il tenait dans ses bras une adolescente. Il l’embrassa, la plaça entre ses cuisses, se mit dans la position du mâle et, le sexe à la main, la pressa et l’écrasa sous lui. Il s’apprêtait à jouir quand une voix l’interrompit dans son élan : « Réveille-toi, vaurien ! C’est l’après-midi et tu dors encore ! » Il ouvrit les yeux et constata qu’il était toujours dans la salle froide au milieu d’autres baigneurs qui se gaussaient de lui, car son pagne avait glissé, offrant le spectacle de son membre en érection. Il comprit alors qu’il avait été victime d’un rêve né dans son imagination exaltée par la drogue. Piteux, il dit à celui qui l’avait réveillé : « Tant qu’à faire, tu aurais pu au moins me laisser le mettre ! – N’as-tu pas honte, effronté mangeur de haschich, de dormir la verge dressée ? » Et tous de lui tomber dessus et de lui assener des soufflets qui lui mirent la nuque en feu. Telle est l’histoire de ce malheureux affamé qui n’avait goûté au bonheur qu’en songe4.
3Aux antipodes de cette histoire, on trouve dans la Rāḥat al-arwāḥ fī al-ḥashīsh wa-l-rāḥ (Le Repos des âmes dans le haschich et le vin) de Taqī al-Dīn Abū al-Tuqā al-Badrī (847-894/1443-1488) un bref épisode comique au sujet du haschich et de son prétendu pouvoir aphrodisiaque : le jour de son mariage, Abū al-Khayr al-ʿAqqād avait reçu d’un de ses amis une pilule de chanvre (lubāba) pour l’aider à se mettre à l’aise et à s’amuser avec sa nouvelle femme lors de la nuit de noces. Mais l’effet soporifique de la drogue, qu’il n’avait jamais absorbée auparavant, fut tel qu’il s’endormit tout de suite après l’avoir consommée. La mariée, au lieu de s’énerver, borda sa couverture et s’occupa d’un enfant à qui elle murmura de faire son besoin. Mais cet ordre entra aussi dans les oreilles du mari endormi qui mouilla le lit. C’est alors que son épouse le secoua en s’exclamant : « Qu’est-ce que c’est que ça ? » Mais al-ʿAqqād fit : « Hem ! », puis il se réveilla et, voyant le lit et sa robe mouillés, il raconta ce qui s’était passé : un de ses amis lui avait dit de prendre une pilule de haschich, mais au lieu de l’aider à se sentir plus à l’aise avec elle pour la nuit de noces, la drogue lui avait fait perdre connaissance, le monde avait commencé à tourner autour de lui, il avait ressenti le besoin d’uriner et rêvé qu’il satisfaisait son besoin, mais quand quelqu’un avait frappé à la porte, il avait dit « Hem ! » pour signaler sa présence et c’est alors qu’il s’était réveillé dans cet état pénible. Sa femme, plutôt que de faire un scandale, garda le secret de cette défaillance de son mari qui, malgré ce qui s’était passé, continua à prendre la drogue mais en moindre quantité que dans sa toute première et embarrassante expérience avec le haschich5. D’ailleurs, c’est ce même al-ʿAqqād, probablement le poète Abū al-Khayr al-ʿAqqād al-Ḥarīrī al-Qāhirī mort en 863/1458 d’après al-Sakhāwī6, qui composera ces vers dans une longue qaṣīda :
[من الوافر]
وَأَحْسَنَ مَا يَكُونُ الْبَلْعُ صُبْحًا بِنَزْلٍ 7فِي نَهَارٍ مَرَّتَيْنِ
وَعَيْنٍ لا تُفيقُ بِنَوْمِ سَرْدٍ عَقْلٍ غَائِبٍ مِنْ سَطْلَتَيْنِ
وَمَأْكُولٍ وَمَشْرُوبٍ وَنَيْلٍ بِزُبٍّ قَائِمٍ مِنْ رَقْدَتَيْنِ
Il vaut mieux avaler [du haschich] au matin,
puis encore deux fois par jour.
Ainsi, l’œil ne revient pas d’un sommeil continu
et, à cause des deux prises de haschich, l’esprit reste absent.
Manger et boire, puis réussir à tenir
une érection pendant les deux assoupissements8.
4La croyance selon laquelle le haschich serait censé stimuler et augmenter le plaisir sexuel est une idée encore aujourd’hui assez bien représentée dans l’imaginaire liée au haschich9. Dans son recueil de contes du folklore égyptien contemporain, El-Shamy rapporte cette histoire drôle :
A woman had two lovers; one was a hashshash, and the other was a khamorgi (liquor drinker). One night both of them stopped by her place at the same time. What shall she do? She said to them, “We will go to the Nile, and the two of you race. The one that wins spends the night with me!” They went to the Nile and the two men jumped into the water. The liquor drinker swam fast, and quickly he was at the other bank. The woman took him home. The following day the hashshash and the women met. She said to him reprimanding, “How come? You have failed me! I suggested the race knowing that you would win. The liquor drinker, as you know, couldn’t do a thing”. He replied, “What could I have done! My ‘thing’ was hard, and it stuck in the mud where I jumped!” She said, “This is not an excuse. Why didn’t you swim on your back?” He replied, “What about the bridges!”10
5Or, cette idée bien ancrée dans le genre de l’anecdote plaisante ne trouve en réalité aucun fondement selon la médecine ancienne. Au contraire, d’après la majorité des traités de pharmacologie et de botanique arabo-islamiques et sur l’ensemble des ouvrages de Dioscoride (Ier siècle après J.-C.) et Galien (m. ca. 210), le haschich mangé en grande quantité était censé limiter le désir sexuel et même entraîner l’impuissance (qaṭʿ al-bāh ou al-jimāʿ et qaṭʿ ou tajfīf al-maniyy)11. D’où viendrait alors un tel cliché ? Dans sa Tadhkīra, Dāwūd al-Anṭākī (m. 1008/1599-1600) écrit à propos du shahdānij, un des noms du cannabis indien :
ويؤكل فيعطى من التفريح بقدر ما فيه من الحرارة واللطف ثم يخدر ويكسل ويبلد ويضعف الحواس – […] والحلاوات تقوى فعله والحموضات تفسده وتضحى آكله وزعم متعاطيه أنه يقوي الجماع ولعل ذلك في المبادئ ثم يحل العصب لبرده
Une fois ingéré, [le shahdānij] provoque égayement comme s’il avait une nature chaude et bienfaisante, mais ensuite il engourdit, rend paresseux, assomme et endort les sens […]. Les sucreries augmentent son effet tandis que les aliments acides le suppriment jusqu’à faire dégriser son consommateur. Ce dernier est convaincu que l’absorption de la drogue rend plus intense le rapport sexuel, et peut-être qu’il en est ainsi tout au début, mais après les nerfs cèdent à sa nature froide12.
6Selon al-Anṭākī, une excitation sexuelle peut donc surgir dans les phases initiales de l’enivrement toxique, mais quand la nature froide de la drogue se révèle, une réaction de sens opposé prend le dessus. Pourtant le haschichomane est en quelque sorte persuadé que la drogue a stimulé son plaisir sexuel, mais tout cela s’avère être une chimère.
7Des notions comme illusion (zaʿama, ailleurs on trouve khayyala ou tawahhama) et lassitude (kasal), à quoi s’ajoutera ensuite dans les sources juridiques le caractère enivrant (muskir) de l’herbe, seront les principales objections soulevées par les experts de droit islamique au sujet du haschich.
Le haschich dans le discours juridique
8Les premières sources juridiques entre le xiiie et le xive siècle soulignent que la consommation de haschich est avant tout une habitude de certains soufis qui, pour atteindre le fanāʾ, l’annihilation mystique en Dieu, se livraient pendant leurs rituels et leurs sessions de samāʿ à toute sorte d’actes à leurs dire pervers, comme la consommation d’enivrants, la musique, le chant, la danse, la contemplation des beaux visages, la fornication et surtout la pédérastie13, comme nous dit Fatḥ al-Dīn Ibn Sayyid al-Nās (m. 734/1334) dans cette célèbre épigramme :
[من الخفيف]
مَا شُرُوطُ الصُّوفِيِّ في عَصْرِنَا اليَوْ ـمَ سِوَى سِتّةٍ بِغَيْرِ زِيَادَةِ
وَهْيَ نِيكُ العُلُوقِ وَالسُّكْرُ والسَّطْـ ـلَةُوالرّقْصُ والغِنَا والقَيَادة
À notre époque, les conditions qui font le soufi
sont six, pas une de plus :
l’enculage des jeunes gens, l’ivresse produite par le vin,
celle qui dérive du haschich, la danse, le chant et le métier d’entremetteur14.
9Ensuite, l’usage du haschich à des fins récréatives deviendra une habitude si répandue dans la société de l’époque ayyubide puis mamelouke que les différents souverains incluront cette drogue dans la liste des munkarāt, les actes répréhensibles, avec la consommation d’autres stupéfiants comme le vin et la bière, mais aussi la prostitution. Ces actes déplorables faisaient même l’objet d’une taxation périodiquement abolie en fonction des remontrances des cadres religieux qui, quant à eux, interprétaient chaque évènement ou désastre naturel comme un signe divin visant à punir la corruption morale de la classe politique15.
10La rédaction du Kitāb al-Sawāniḥ al-adabiyya fī madāʾiḥ al-qinnabiyya d’al-Ḥasan Ibn Muḥammad Ibn ʿAbd al-Raḥmān Ibn Abī al-Baqāʾ ʿAbd Allāh Ibn al-Ḥusayn al-ʿUkbarī, mort probablement en 690/1291, remonte au viie/xiiie siècle. Puisque c’est le seul traité qui apparemment faisait une apologie explicite du haschich, il n’est pas surprenant que ce texte ne nous soit parvenu qu’en fragments dispersés dans d’autres œuvres, notamment dans une épitre de son contemporain Quṭb al-Dīn al-Qasṭallānī (m. 686/1287), les Khiṭaṭ d’al-Maqrizī (m. 845/1442) et la Rāḥa d’al-Badrī16. Selon al-ʿUkbarī, en l’absence d’une interdiction explicite dans les corpus juridiques, le haschich ne peut pas être considéré une substance illicite. Pour conférer autorité à son discours, l’auteur cite une anecdote qui oppose un juge pédéraste à un faqīh haschichomane. Fils du vizir al-Malik al-ʿĀdil Abū Bakr Ibn Ayyūb, al-ʿAlam Ibn Ṣāḥib (m. 688/1289)17 était un jeune homme raffiné très cultivé qui fut bientôt nommé par son père enseignant dans une madrasa malikite. Toutefois, et malgré son immense science et son exceptionnelle faculté de compréhension, il ne cessait de manger du haschich. À la mort de son père, le juge suprême (qāḍī al-quḍāt) d’Égypte, Badr al-Dīn al-Shanjārī, célèbre pour s’entourer d’esclaves imberbes, décida de lui confisquer les biens que son père lui avait laissés, sous prétexte qu’il était un mangeur invétéré de haschich. Pour l’humilier devant les notables, il convoqua alors une assemblée pendant laquelle il entendait lui demander un avis juridique concernant le haschich. Il fit ainsi entrer ʿAlam al-Dīn et le fit asseoir à côté de lui :
ثم قال: يا علم الدين ما تقول في أكل الحشيشة التي هي ورق الشهدانج؟ فأجال علم الدين نظره نحو مماليكه المرد الذين في خدمته حتى فطن مَن في المجلس لمراده وكلّ مَن كان حاضرًا ثم قال: إّنه لم يأتي في تحريم عين هذا الورق نصّ مرفوع ولا أقول على أن آكله يجب عليه حدّ مشروع ولكن اللواط حرام [بإجماع المسلمين ولم يختلف فيه أحد من العلماء المعتبرين]
Puis il lui demanda : « Ô ʿAlam al-Dīn, que dis-tu à propos de la consommation de haschich, ce que sont les feuilles de shahdānij ? » Alors ʿAlam al-Dīn leva sa tête en direction des esclaves imberbes qui l’entouraient et étaient au service [du juge] de sorte que ceux qui étaient présents à la réunion comprennent. Puis il fit : « Il n’existe aucune prohibition au sujet de cette feuille, ni texte rapporté ni parole prophétique qui indiquent que son absorption doit être punie avec le ḥadd. En revanche, la liwāṭ18 est interdite d’après l’accord unanime des musulmans et personne parmi les savants experts ne se distingue à ce sujet. »19
11Ibn Taymiyya (m. 728/1328) a été un des plus fervents opposants à la consommation de haschich. Le shaykh ḥanbalite, tout en s’en prenant lui aussi aux groupes soufis, affirmait que d’un côté le haschich « ouvrait la porte de l’imagination » ([al-ḥashīsha] fataḥat bāb al-khayāl), bien que le genre d’images auxquelles il faisait référence ne saurait être que des images corrompues (khayālāt fāsida) qui portent le croyant à donner peu d’importance aux devoirs religieux (ʿibāda). De l’autre, l’herbe serait censée ouvrir « la porte de l’appétit sexuel » (bāb al-shahwa)20. En effet, dans la conception du shaykh damascène, l’ivresse est un état psychique plus complexe que la simple perte des facultés rationnelles, car elle a pour finalité l’assouvissement d’un plaisir. En ce sens, contrairement aux autres interdits, dont la transgression ne procure aucune satisfaction ni physique ni psychologique, l’ébriété entraîne une forme de ravissement (ṭarab) irrationnel qui ne saurait être comparée qu’à la danse et au chant lors de certaines pratiques telles que le samāʿ, à « la jouissance d’une heure » (ladhdhat al-sāʿa) du fornicateur ou à « l’assouvissement de la colère » (ladhdhat shifāʾ al-ghaḍab) au moment de commettre un meurtre21. Mais le shaykh ḥanbalite va plus loin dans son raisonnement affirmant que du moment où le consommateur de haschich, à l’instar du buveur de vin, trouve de la jouissance (ḥaẓẓ) dans ces actions, il est « naturellement » porté à en désirer (ishtahā) davantage et développe, ainsi, un appétit irrationnel qui dans le cas du haschich est difficile d’abandonner :
Il est des gens qui disent que [le haschich] altère la raison mais n’enivre pas, à l’instar du banj. Il n’en va cependant pas ainsi. Bien au contraire, il provoque ébriété (nashwa), plaisir (ladhdha) et ravissement (ṭarab) comme le vin, et c’est ce qui invite à en consommer : en consommer un petit peu invite à en consommer beaucoup, à l’instar des boissons enivrantes. À l’individu qui y est accoutumé (muʿtād) il est même plus difficile de s’en sevrer que de renoncer au vin22.
12Ainsi, pour Ibn Taymiyya : « Lorsque la nature prend sa part de jouissance interdite (al-ḥaẓẓ al-muḥarram), elle ne se soucie pas de ce qu’elle dépense en contrepartie23 », ce qui porte le shaykh damascène à compter l’ivresse parmi les plaisirs dont la recherche consciente est presque hédonique : la danse et le chant, le plaisir sexuel et la contemplation de belles formes et de beaux visages.
13Toutefois, Ibn Taymiyya insiste surtout sur le fait que le haschich provoque inaction et torpeur (futūr), affaiblit la virilité et produit soit efféminement (takhnīth) et goût pour la sodomie passive (ubna) soit consentement au cocuage (dayyūth), diminution de la jalousie (ghayra) vis-à-vis de la femme et disparition de l’ardeur et du sentiment de l’honneur (zawāl al-ḥamiyya)24.
14Plus tard, Abū al-ʿAbbās Ibn Ḥajar al-Haytamī (m. 974/1567), érudit égyptien de l’école shafiʿite, reprend l’idée de « torpeur » indiquée par la racine arabe kh-d-r qu’il utilise comme synonyme de f-t-r : « al-mufattir kull mā yūrithu al-futūr wa-l-khadar fī al-aṭrāf25. » Même si al-Haytamī ne met pas en question le caractère enivrant (muskir) du haschich, il distingue cependant entre muskir et mukhaddir : le premier se réfère à l’altération produite au niveau de la raison, ce qui est plus proprement l’ivresse (iskār ou nashwa) due à la boisson et qui entraîne vigueur (nashāṭ), colère (ghaḍab) et tendance au tapage (ʿarbada) ; le deuxième, par contre, concerne tout ce qui affaiblit le corps et, même s’il donne une illusion de vitalité et d’excitation (tawahhum al-nashāṭ), provoque, en réalité, mollesse, torpeur, mutisme, endormissement, apathie et indolence (futūr). Or, même si le haschich ne provoquait pas un état d’ivresse, il serait quand même chose méprisable, car il augmente l’inactivité et la paresse chez son consommateur, d’où la nécessité d’appliquer la prohibition prophétique « nahā rasūl allāh ʿan kull muskir wa-mufattir26 ».
15Cette dichotomie entre le vin qui produit vigueur et le haschich qui entraîne lassitude avait été efficacement condensée dans un vers de Ṣafī al-Dīn al-Ḥillī (m. 750/1349) à propos du mélange des deux substances :
[من الكامل]
فَالسُّكْرُ فِيمَا بَيْنَ ذَيْنِ مُرَكَّبٌ كَسَلُ الحَشِيشِ وَنَشْطَةُ الصَّهْبَاء
L’ivresse qui résulte de ces deux combine
la paresse du haschich avec la vigueur du vin27.
16Or, si le vin entraîne vigueur et animosité, il était aussi censé encourager l’adultère. D’ailleurs il avait été aussi qualifié de clé qui ouvre la porte de tous les vices (miftāḥ al-shurūr ou miftāḥ kull sharr)28. Le haschich, en revanche, semble étroitement lié aux liaisons homoérotiques. Cette même conception a été élaborée assez clairement par al-Badrī lui-même dans la Rāḥa quand il écrit :
وقيل: لا تجد أحدًا من الآكلين للحشيشة إلا وتهيّج لنفسه طلب العلوق واللواط بهم أكثر من الزنا وبالعكس لأن شارب الخمر تهيّج نفسه لطلب الزنا أكثر من اللواط.
On dit que l’on ne trouve personne parmi les mangeurs de haschich qui ne soit pas saisi par le désir de posséder sexuellement des imberbes plutôt que d’être attiré par la fornication, vice-versa le buveur de vin sera attiré par le désir de la fornication plutôt que par la pédérastie29.
Al-Badrī et la Rāḥat al-arwāḥ fī al-ḥashīsh wa-l-rāḥ
17Selon al-Sakhāwī (m. 902/1497), qui est la seule source biographique sur le compilateur de la Rāḥa, Taqī al-Dīn Abū al-Tuqā al-Badrī serait né en 847/1443 à Damas où il grandit avant de s’installer définitivement au Caire. Il y travailla comme commerçant, notaire et copiste, envoyant de temps à autre des louanges en vers pour obtenir les bonnes grâces de divers gouverneurs et qādī-s, avant de mourir à Gaza en 894/1488. Il semble qu’al-Badrī cherchait à se donner un air de shaykh, sans pour autant jamais réussir à être accepté par les érudits et, note encore al-Sakhāwī, son travail poétique n’était pas particulièrement méritoire30. Certainement la réserve exprimée par al-Sakhāwī vis-à-vis de l’œuvre d’al-Badrī résume une attitude partagée par d’autres compilateurs d’anthologies de l’époque post-abbaside, tels que al-Ṣafadī (m. 764/1363) ou Ibn Ḥajar al-ʿAsqalānī (m. 852/1449) pour qui la parfaite maîtrise de la poésie était le seul moyen de distinction au sein du groupe des udabāʾ-ʿulamāʾ. En effet, à la période mamelouke, le prestige d’un poète ne passait plus par les récompenses et les honneurs rendus par un patron sur la base d’une relation asymétrique, mais seule la reconnaissance des pairs pouvait confirmer la valeur d’un poète31. Toutefois, al-Badrī nous a laissé un certain nombre d’anthologies thématiques, une dizaine environ selon al-Ziriklī, dont seulement deux ont été éditées jusqu’à présent32.
18La Rāḥat al-arwāḥ fī al-ḥashīsh wa-l-rāḥ (Le Repos des âmes dans le haschich et le vin) est probablement l’anthologie la plus connue d’al-Badrī, du moins la plus originale. La Rāḥa était connue jusqu’à présent en un seul manuscrit, celui conservé à la Bibliothèque nationale de France (Ms arabe 3544). C’est sur cet unique exemplaire ainsi que sur un abrégé de deux feuillets conservé à Berlin que Franz Rosenthal avait basé sa célèbre étude et Indalecio Lozano Cámara en avait publié des fragments33. Dans notre thèse de doctorat, nous avons présenté une édition critique partielle de la partie sur le haschich après avoir individué un deuxième témoin complet de la Rāḥa conservé dans le fond de la Bibliothèque al-Ẓāhiriyya de Damas (adab ʿarabī 7855, majmūʿ 210)34.
19Comme le titre le suggère, la Rāḥa est un recueil de textes en prose et en vers inspirés du haschich et du vin. Dans l’introduction à son ouvrage, al-Badrī trace une comparaison : comme Abū Nuwās (m. 199/813) était considéré le maître du genre bachique, Ibrāhīm al-Miʿmār (m. 749/1348), poète parmi les plus remarquables de l’époque mamelouke, était le maître des compositions inspirées du haschich dénommées azyāh, terme qui dérive de zīh, un des noms du haschich en Égypte35. Donc, l’anthologie d’al-Badrī traite des khamriyyāt et azyāh, ce qui laisserait penser, du moins par la similitude avec la poésie bachique, à une tentative de la part de notre auteur d’élever le corpus de textes sur le haschich au rang de genre littéraire.
20Les deux parties de la Rāḥa sont symétriquement divisées en sept chapitres. La partie sur le haschich s’ouvre avec un premier chapitre qui traite de l’origine de cette plante, de son aspect et des légendes liés à sa découverte ; le deuxième liste les différents noms du haschich et les façons de le préparer ; le troisième réunit la matière médicale tandis que les questions juridiques sont abordées dans les conclusions de l’ouvrage ; le quatrième réunit des histoires amusantes (laṭāʾif) à propos des haschichomanes ; le cinquième présente une longue digression sur la nourriture et les sucreries car l’ingestion de cette herbe était censée stimuler l’appétit. Le sixième chapitre explore le lien entre haschich et pédérastie : « de celui qui consomme du haschich puis désire sodomiser (wa-lāṭa) et de comment il est fermement convaincu que tout cela est licite, dans le cadre de l’association entre haschich et pédérastie ». Le septième chapitre en revanche traite « de la description de cette plante au moyen d’excellentes compositions d’éloge, des ghazal-s raffinés, de citations de qui dans la description du haschich a revêtu l’habit de l’hétérodoxie jusqu’à perdre toutes les inhibitions et comment le parfum de cette herbe verte (ikhḍirār) a été comparé au premier duvet de la barbe qui apparaît sur les joues d’un jeune imberbe », en jouant sur le double sens du mot ikhḍirār qui indique l’herbe mais aussi, comme dans l’expression al-ʿidhār al-mukhḍarr, le premier duvet d’un imberbe36.
Le haschich et la littérature homoérotique
21Le choix des mots dans les titres des deux derniers chapitres indique clairement que l’auteur oppose le terme liwāṭ du sixième chapitre, qui désigne stricto sensu la pénétration rectale et donc la pédérastie active à une série des mots essentiellement littéraires dans le septième chapitre comme waṣf, madḥ et ghazal. En d’autres termes, al-Badrī oppose les deux tendances de la littérature érotique arabe classique y compris homoérotique : une vision corporelle, explicite sinon obscène du moins provocatrice qui est propre au mujūn, et d’autre part la tendance du ghazal classique avec sa vision cérébrale, élevée, raffinée, sinon chaste de l’amour. Or, si comme affirme Jaakko Hämeen-Anttila, « in Arabic discourse, obscenity was very much related to the use of certain lexical items37 », il suffirait alors de parcourir le champ lexical lié aux relations homoérotiques pour découvrir combien le ton diffère entre les deux chapitres. Ainsi, à travers l’analyse d’un certain nombre d’épigrammes et d’anecdotes, nous nous demanderons quelle langue, entre tradition, convention et innovation, traduit le plaisir de l’ivresse produite par le haschich dans le cadre de cette littérature homoérotique d’époque mamelouke.
Mujūn
22Amrad et son pluriel murd, qui est un des mots indiquant un jeune homme imberbe ou plutôt qui n’a qu’un léger duvet sur les joues et les lèvres38, apparaît quinze fois dans le sixième chapitre et seulement deux fois dans le septième. Mais encore plus intéressante est la récurrence du terme ʿilq et son pluriel ʿulūq. Cette expression qui, dans un registre moins soutenu, semble se référer au partenaire passif et plus en général au rôle réceptif dans une relation entre deux hommes39, apparaît seize fois dans le sixième chapitre et seulement quatre dans le septième. Similairement, les dérivés de la racine l-w-ṭ, qui indique une pédérastie active, apparaissent exclusivement dans le sixième40.
23Mais ce qui fait de ce chapitre un recueil intéressant de mujūn homoérotique41 est l’emploi systématique des termes tels que pénis (ayr, rarement zubb), testicules (khuṣā), anus et trou (ist, faqḥa, thuqb, naqra, ḥijr), derrière (ridf, dubr), sperme (maniyy, nuzāla), ainsi que des nombreuses descriptions de pénétrations, soit quand les deux parties sont consentantes et souvent après payement d’une somme, soit quand il s’agit de la pratique dénommée dabīb, à laquelle al-Badrī consacre tout un paragraphe du sixième chapitre, et qui consiste dans le harcèlement et éventuellement le viol pendant la nuit dans certains lieux (comme des caravansérails) d’un jeune homme en train de dormir ou en état d’inconscience sous l’effet d’une drogue42.
24Or, dans ce sixième chapitre al-Badrī cite seulement deux courts poèmes qui font explicitement référence au haschich sur un total de cent-six épigrammes et deux références marginales dans deux des cinq qaṣāʾid. Parmi ces textes où le haschich est évoqué, on citera la célèbre mawāliyyā d’Ibrāhīm al-Miʿmār :
كربلْ حشيشك وانقيها43 من الطِينه
وامضغْ على الضرس44 واقتلها على هِينه
وابلعْ45 تقيل فان البلع46 لك زِينه
وان قام عليك فلا تنكح سوى تِينه47
Nettoie ton haschich et enlève la boue48,
mâche-le avec les dents et manie-le bien à ta convenance.
Puis, mange une bonne dose car [sa] consommation est un ornement pour toi
et lorsqu’il te fait effet, n’aie d’autre rapport qu’anal49.
25Dans une autre épigramme, probablement composée par al-Badrī lui-même, on fait référence à un muḥshish50 qui pourrait signifier à la fois consommateur ou vendeur de haschich, mais aussi plus simplement vendeur d’herbes. La pointe irrévérencieuse de cette composition correspond au début d’une citation (iqtibās) d’un ḥadīth :
[من مجزوء الرجز]
ومُحْشِشٌ قدْ نِكتُه وكان جُحْرُهُ خَشِنْ
فلمْ أنكْهُ ثانيًا « لا يُلْدَغُ51 ٱلمُؤْمِنُ مِنْ »
J’ai possédé un muḥshish,
mais son trou était trop dur.
Je ne le pénétrerai pas une deuxième fois :
« le musulman ne se fait pas piquer… »52
26Si en poésie le genre mujūn homoérotique ne semble pas avoir particulièrement exploité l’association haschich et pédérastie, l’anecdotique, en revanche, insiste sur le motif de l’homme adulte, du shaykh, parfois du soufi qui consomme du haschich puis, quand ses yeux deviennent rouges et la drogue commence à lui faire effet53, préfère la compagnie d’un jeune garçon. En effet, dans l’introduction au sixième chapitre, al-Badrī décrit efficacement l’attitude du haschichomane après avoir consommé sa drogue :
فيبقى دائرًا في أماكن المنتزهات ورأسه من اللذة محطوط وإن رأى أمردَ صار يتبعه كأنه بقية من قوم لوط.
Il fait le tour des lieux de plaisance et sa tête est tellement soumise au désir que quand il voit un jeune garçon il se met à le suivre comme fait l’élite du peuple de Lot54.
27Dans d’autres occurrences, le haschichomane après avoir pris une dose de drogue se met à la recherche dans les rues du Caire, ou plutôt à la chasse – le verbe arabe utilisé étant iṣṭāda – de jeunes imberbes auxquels proposer du haschich et ensuite convaincre à avoir des rapports sexuels avec lui. Le hammam, lieu de calme, relaxe et isolement à l’abri des regards, mais aussi de chaleur et nudité, souvent associé au plaisir et la sexualité55, est le décor privilégié où consommer du haschich puis, libre de toutes inhibitions, s’abandonner aux plaisirs de la chair avec des gens évidemment du même sexe.
28Dans une de ces histoires, un haschichomane rentre dans un hammam avec un groupe d’amis pour absorber une dose de haschich puis, sortant du bain, aperçoit un jeune imberbe (amrad) entrant dans le hammam. Il retourne alors au bain, affirmant que c’était le haschich qui l’obligeait à aller admirer ce jeune homme et chante ces vers :
[من الرمل]
رُبَّ حَشَّاشٍ تَوَلَّعْنَا بِه قالَ مَا أنْتُمْ وَ مَا هَذَا الوَلَعْ
يَفْعَلُ القُنْبُسُ بِي مَا يَشْتَهِي فِي يَدِي كَانَ وَمِنْ عَيْنِي طَلَعْ
Il arrive qu’un haschichomane pour lequel nous avons été épris d’un désir ardent, demande :
qu’avez-vous et qu’est-ce que cette passion ?
C’est le cannabis qui me pousse à faire ce qu’il désire,
il était d’abord dans ma main puis est monté dans mon œil.
29Une fois à l’intérieur assis devant lui, il commence à le fixer. Quand l’effet de la drogue se fait sentir et que ses yeux rougissent, son pénis est visiblement en érection. Pour se détourner du regard du jeune homme et calmer ainsi son excitation devenue désormais embarrassante, il demande à l’attendant du bain de lui brosser la tête et lui lance le peigne. Mais celui-ci finit dans l’œil de l’attendant qui, à son tour, provoque une blessure à la tête d’un autre client qu’il était en train de raser. Tout cela crée du désordre dans le hammam et le propriétaire demande au gardien (ḥāris) d’aller voir ce qui se passe. Celui-ci, en rentrant à toute vitesse, glisse sur le sol mouillé et se casse la main. Ensuite, le propriétaire se précipite dans la salle, trébuche et renverse la sacoche attachée à sa robe. Enfin, un homme sort de la chambre de sudation pour voir ce qui se passe et, après avoir ri aux éclats, résume ainsi cette scène désastreuse : « Bien : un pénis en érection a fait perdre un œil à quelqu’un, a blessé la tête de quelqu’un d’autre, a cassé la main du gardien et a déchiré l’habit du propriétaire en renversant la sacoche qu’y était attachée, heureusement qu’à moi rien n’est arrivé !56 » Ici le haschich est lié à l’image d’une érection hors du commun ou incontrôlable.
30Dans une autre histoire, un pédéraste repenti après avoir consommé du haschich rentre dans un hammam. Iblīs pense alors le mettre à l’épreuve et se présente devant lui sous l’aspect d’un jeune garçon, beau comme la pleine lune. Il s’assoit devant le haschichomane qui est aussitôt abasourdi par sa beauté et par tant de grâce. Quand le jeune garçon-Iblīs demande au pédéraste repenti de lui masser le dos, ce dernier accepte volontiers et, étant très excité à cause de la drogue, ne pouvant plus se retenir, le saisit et le pénètre, oubliant ainsi sa repentance. Mais quand il veut l’embrasser, il trouve à sa place un vieux décrépi, la bouche dégoulinant de bave. Effrayé et dégouté, il lui demande alors qui il est et l’autre répondit : « Je suis Iblīs, regarde comme j’ai fait briser ta repentance », mais le haschichomane réplique : « Et toi, maudit, regarde mon pénis dans ton trou (unẓur ilā ayrī fī thuqbatika)57. » L’opposition tentateur vs tenté du début de l’histoire est comiquement renversée au profit du haschichomane qui devient le partenaire actif dans la pénétration anale, tandis qu’Iblīs est confiné au rôle réceptif et « dégradant » du partenaire passif, considéré comme l’antithèse de la virilité58.
31Ces deux contes, dont nous n’avons trouvé aucune version similaire antérieure à celles d’al-Badrī59, sont en revanche cités dans un recueil attribué par Carl Brockelmann à un certain ʿUmar al-Ḥalabī ayant vécu dans la deuxième moitié du xii/xviie siècle : la Nuzhat al-udabāʾ wa-salwat al-qurabāʾ60. Dans la version de cette dernière anthologie, qu’al-Ziriklī attribue curieusement à Abū al-Tuqā al-Badrī61, il n’y a aucune référence au haschich dans les deux histoires62. Or, cela ne veut pas forcement dire que al-Badrī a été le premier à élaborer ces deux contes, étant donné que de nombreux recueils de l’époque mamelouke restent encore à explorer. En outre, ces deux histoires drôles apparaissent uniquement dans le manuscrit parisien de la Rāḥa, qui, d’après le colophon, a été copié en 1207/1793 par un certain Ḥasan ʿAbd Allāh Aḥmad al-Jābī al-Badrashīnī, ce qui fait environ un siècle après la date présumée de la première publication de la Nuzha. D’ailleurs, entre les deux manuscrits de la Rāḥa, le témoin parisien insère des matériaux narratifs qui le plus souvent sont omis dans le manuscrit damascène, ce qui nous a fait penser à des ajouts de copiste.
32Quoiqu’il en soit, on constate que dans la Rāḥa le détail de la prise de haschich est souvent inséré à des histoires, certaines très bien représentées dans la tradition anecdotique arabe, qui originellement ne mentionnaient pas la drogue, et que les versions successives ne retiendront pas non plus. Il s’agit là d’une stratégie narrative qui entend resémantiser certains thèmes largement exploités dans la littérature humoristique arabe et qui avaient comme protagoniste des figures telles que le pédéraste, le glouton, l’avide, le stupide, le fou, etc. Ces motifs sont alors manipulés et adaptés à un nouveau contexte, la société mamelouke, marquée par la popularisation de la consommation de cannabis à des fins récréatives63.
Ghazal
33On trouve dans le septième chapitre un paragraphe entier au sujet de la consommation de haschich et de la description des ghilmān. En effet, il est question ici des termes appartenant à la tradition du ghazal classique tels que ḥabīb, maḥbūb, ghazāl, ẓabī, malīḥ, shābb, ʿidhār, ghulām, ʿāshiq ou encore waṣl ou wiṣāl pour se référer à la rencontre/union avec un amant récalcitrant et fuyant et des figures s’opposant à cette rencontre telles que le ʿādhil ou le raqīb.
34Ce changement par rapport au sixième chapitre est évident. Par exemple, cette histoire et l’épigramme qui la suit :
وأخبرني صاحبنا الشيخ علاء الدين البلاطيسي الشافعي – أعزه لله تعالى – قال: رأيت أمردًا [كذا]64 مع قواد وقد جاء عليهما الحشيش ودخل عليهما الليل وعزمتُ عليهما فأوحيا عليَّ فوضعت لهما طعام [كذا]65 وحلوى فأكلا ورقدا فأخذتُ أقبل الأمرد فقال : خفّت لا يسمعني رفيقي، فأنشدتُه بديهًا:
[من الكامل]
زَارَ ٱلحبيبُ عَشيّةً ورَقيبُه مَسْطولٌ عَنَّا بالحشيشِ تَغَفَّلا
فَدَنوتُ أَرشُفُ خَمرَ فيه فقالَ لي خَفِّفْ فقُلتُ رَقِيبُنا66 قدْ ثَقَّلا
35Notre ami le shaykh shafiʿite ʿAlāʾ al-Dīn al-Balāṭīsī, que Dieu le fortifie, rapporte : « J’ai vu un jeune garçon avec un entremetteur qui s’étaient procuré du haschich. Je les avais invités à la tombée du soir et ils m’avaient tellement inspiré que je leur ai offert de la nourriture puis du halva qu’ils mangèrent, puis ils s’endormirent. Alors, je me suis approché du jeune garçon qui fit : Je te parle doucement pour éviter que mon ami ne m’entende ; et je lui ai chanté, improvisant :
Un soir l’amant m’a rendu visite et son surveillant
drogué à cause du haschich n’a pas fait attention à nous.
Alors je me suis approché pour humer le vin de sa bouche et il m’a dit : “(Bois) avec modération”, j’ai répondu : “Notre cerbère est accablé [par le sommeil/par l’excès de haschich]” »67.
36Dans ce poème, l’auteur joue avec l’opposition entre khaffafa et thaqqala où le premier signifie aussi boire avec modération en relation au vin, tandis que thaqqala peut aussi signifier un excès de consommation de haschich, comme dans une des épigrammes d’Ibrāhīm al-Miʿmār citée plus haut, mais fait également allusion au pouvoir narcotique de la drogue. En outre, cette composition fait aussi appel à l’image du gardien (raqīb) distrait, endormi ou enivré, ce qui est un cliché typique de la littérature érotique classique.
37Cependant, la référence au haschich a aussi introduit de nouvelles images bien adaptées, elles, au ghazal classique. Avant tout, le jeu de mots évoqué par le terme ḥashīsh lui-même, qui signifie originairement « herbe » et plus précisément « herbe sèche », d’où l’image de la gazelle ou de l’antilope en train de paître, qui est une heureuse métaphore de la consommation de haschich, comme dans ces quatre épigrammes :
38Ibn Aybak al-Dimashqī :
[من الخفيف]
في تَعاطِي ٱلحشيشِ لُمْتُ غَزالًا عادَ منهُ ٱلفُؤَادُ في تَشْوِيشِ
فتَثنَّى سُكْرًا وقال بِلُطْفٍ لَيْسَ بِدْعًا لِلظَّبِي68 أكْلَ ٱلحَشيشِ
J’ai blâmé une gazelle pour son habitude de prendre du haschich,
Ce qui a troublé la quiétude de son cœur.
Puis, chancelant d’ivresse, elle m’a dit aimablement/subtilement :
« Manger de l’herbe n’est pas innovation blâmable pour la gazelle »69.
39Ibn Aybak al-Ṣafadī (m. 764/1363) :
[من مخلَّع البسيط]
حِبِّي ما عابَهُ اصْفِرار كلا ولا شَانَهُ انْسِطالُ
وما ارْتَعى بالحَشيشِ إِلَّا لِتَعلمُوا أنَّهُ غَزالُ
Aucune maladie n’a terni [le teint de] mon ami,
ni l’enivrement du haschich l’a jamais rendu hideux.
Il broute de l’herbe seulement
pour que vous sachiez qu’il est vraiment une gazelle70.
40ʿIzz al-Dīn al-Mawṣilī (m. 789/1387) :
[من الكامل]
قَالُوا حَبِيبُكَ قَدْ غَدَا مُتَوَلّعًا بِحَشِيشَةِ ٱلْفُقَراءِ كَالسَّكْرَانِ
فأَجبتُهُمْ قِلُّوا ٱلمَلامَةَ واقْصِرُوا إِنَّ الحشيشَ مَرَاتِعُ ٱلغِزْلانِ
Ils ont dit : « Ton ami est devenu passionné
de l’herbe des soufis comme un ivrogne. »
J’ai leur ai répondu : « Cessez vos reproches et taisez-vous,
le haschich est les pâturages des gazelles »71
41Ibn al-Wardī (m. 749/1348) :
[من المجزوء الرجز]
مَليحَةٌ مَسْطولَةٌ إِنْ لُمتَها في ما جَرى
تَقولُ كُلُّ ظَبْيَةٍ تَرْعَى ٱلحَشِيشَ ٱلأَخْضَرَا
Une jeune fille enivrée par le haschich,
si tu la critiquais pour ce qui s’est passé,
elle répondrait : « Toutes les gazelles
broutent de l’herbe verte / du haschich »72
42Or, si cette métaphore ainsi que des termes comme ghazāl, ẓabī, rīm, shādin ou rashāʾ, qui sont formellement masculins ainsi que badr et qamar, ne nous disent rien par rapport au genre de l’amant73, la référence au haschich en revanche semble fournir aux poètes au moins une image qui peut être définie comme étant clairement homoérotique. Le terme ʿidhār, outre la signification de « morse », et l’expression khalʿ al-ʿidhār qui signifie abandonner toutes restrictions et inhibitions, est aussi un des synonymes pour khadd ou ʿāriḍ, « joue ». Cependant, l’auteur du Lisān al-ʿArab précise que l’expression ʿadhdhara al-ghulām évoque l’idée que les premiers poils de la barbe commencent à apparaître sur la joue ou le visage, ʿidhār, d’un jeune homme74. Cela implique que, chromatiquement, l’image classique de la joue de l’amant ou de l’éphèbe rose ou rouge comme le vin, la rose ou la fleur de grenadier doit être abandonnée en faveur d’une couleur nécessairement plus sombre. Ainsi le haschich, avec sa tonalité qui va du vert au brun, sera très efficacement utilisé pour représenter les joues à peine recouvertes par la barbe. En outre, un des noms du haschich est khuḍrāʾ ou akhḍar qui évoque justement la couleur verte-brune de l’herbe sèche. Cependant, ces termes dérivés de la racine arabe kh-ḍ-r étaient déjà largement utilisés dans le ghazal homoérotique pour indiquer une nuance entre gris et noir qui colorait les joues et le dessus de la lèvre supérieure d’un garçon pubère75. Le haschich va donc s’ajouter à la liste de motifs floraux et végétaux comme la similitude avec le basilic, le myrte ou le musc utilisés dans la description du visage de l’amant. Ainsi ces vers de ʿAlī Ibn Bardabak :
[من الكامل]
في ذَاتِ مَنْ أَهْوَاهُ لَذَّاتُ ٱلوَرَى76 فتَلَذَّذُوا يا عاشِقِيه77 وعِيشُوا
مَعْجُونُ مِسْكٍ خَالُهُ ورُضَابُهُ منهُ السُّلافُ وعارِضَاهُ حَشِيشُ
Dans le caractère de celui que j’aime, il y a toutes les joies du genre humain,
que ses amoureux puissent éprouver du plaisir, profitez[-en] !
Un électuaire de musc est son grain de beauté, sa salive
est le meilleur vin et ses joues sont du haschich.
43À côté du contraste chromatique, les auteurs exploitent aussi la différence entre l’état liquide du vin, métaphore classique de la salive et plus généralement de la bouche, tandis que l’herbe à l’état solide renvoie encore une fois aux joues, comme dans cette épigramme d’Ibn al-Wardī :
[من مخلَّع البسيط]
لَـمَّا بَدَا حَوْلَ ثَغْرِ حِبِّي عِذَارُهُ أَخْضَرَا فَلامُوا
قُلتُ لَهُمْ ما لَكُمْ جَهِلْتُمْ هٰذا حَشِيشٌ وَذَا مُدَامُ
Quand autour de la bouche de mon amant s’est montré
le premier duvet de barbe sombre, ils ont commencé à critiquer.
Je leur ai dit : « Qu’avez-vous ? Peut-être vous ignorez que
celui-ci est du haschich et celui-là du vin »78
44Et l’ivresse sera ainsi causée en même temps par la bouche et les joues, comme dans ces vers de Shihāb al-Dīn Ibn al-ʿAṭṭār :
[من البسيط]
وأسمرَ اللّوْنِ لِلْبَرَايا بِخَدِّهِ وٱلْعِذارِ أَسْكَرْ
وكَيْفَ لا نَغْتَدِي سُكَارَى والسُّكْرُ مِن أَحْمَر وأَخْضَرْ
Un jeune homme au teint cuivré enivre toute la création
par ses joues et sa barbe naissante.
Comment peut-on ne pas être ivres,
si l’ivresse dérive du rouge et du vert79.
45Le visage du jeune homme prendra alors la forme d’un jardin, comme dans cette mawāliyā d’al-Zaynī Ibn al-ʿAjamī :
حشيش عارضك الاخضر قد تبدّا هَدو80
في روض خدّيْك81 يحدُو82 للصُبابة حَدو
والوهم ما ضرّ خدّك يا رخيم الشَدو83
الاّ لانّ حشيشُو84 قد طلع في بَدو85
Le haschich vert de ta joue a commencé doucement à apparaître,
Dans le verger de tes joues, menant vers le désir.
Ô toi qui a la voix mélodieuse, l’illusion [de la barbe] n’a pas gâté ta joue,
simplement parce que son haschich vient tout juste de surgir.
46Ou encore chez Islām ʿIzz al-Dīn al-Ḥanbalī, probablement le qāḍī al-quḍāt ʿIzz al-Dīn al-Ḥanbalī (m. 846/1442) :
[من الخفيف]
رَوْضَةُ ٱلحُسْنِ سَيَّجَتْ86 بِعِذَار فتَحَلَّتْ في النَّاسِ بالتَّحْشِيشِ87
وغَدَا الطَّرْفُ ناعِسًا في ذَرَاها88 كَيْفَ لا وهو غارِقٌ في ٱلحَشِيشِ
Le jardin de la beauté est entouré par un léger duvet
Si plaisant qu’il enflamme le désir.
Sous son ombre, l’œil somnole,
comment pourrait-il en être autrement alors qu’il est immergé dans le haschich ?
47Avec les vers d’Ibn al-Wardī, on laisse les joues pour une description de la bouche où le poète élabore sur le contraste chromatique entre la couleur brune-dorée du haschich et la blancheur éclatante des dents, plus brillantes que les perles :
[من السريع]
شاهَدتُّ مَحْبُوبِي وفِي فِيهِ حَشِيشَةٌ أَشْهَى مِنَ ٱلْخَمْرَةِ89
فافْتَرَّ عَنْ ذِي شَنَبٍ بارِدٍ مُسْتَعْذِبٍ أَبهَى مِنَ الدُّرَّةِ90
والثَّغْرُ والمَعْلُومُ ما بَيْنَهُ كَلُؤْلُؤٍ نُضّدَ بالشَّذْرةِ
J’ai vu que mon amant avait dans la bouche
du haschich, plus désiré du vin.
Quand il sourit en montrant l’éclat et la fraicheur des dents,
d’une beauté plus lumineuse que les perles,
Sa bouche – nous savons bien ce qu’elle contient
est comme perles enfilées avec parcelles d’or.
48Une autre image, qui sera en revanche très peu représentée dans notre corpus, est celle qui figure dans une épigramme de Muḥammad Ibn al-ʿAfīf al-Tilmisānī, connu comme « al-Shābb al-Ẓarīf » (m. 688/1288), comparant le haschich à une mèche de cheveux :
[من المنسرح]
زَارَ وَجَيْبُ الظَّلامِ مُنْسَدِلٌ فانْشَقَّ ثَوْبُ الدُّجَى عَنِ ٱلفَجَرِ
وبِتُّ مِنْ صُدْغِهِ ومَبْسِمِهِ أَجْمَعُ بَيْنَ ٱلحَشيشِ وٱلخَمَرِ91
Il est venu visiter quand une fissure dans l’habit de l’obscurité commençait à s’entrouvrir.
Puis, à l’aube, la veste de la nuit s’est complétement déchirée.
J’ai passé toute la nuit entre sa mèche et sa bouche,
mélangeant ainsi le haschich au vin92.
49En définitive, tout le champ lexical lié à la racine arabe kh-ḍ-r a été largement exploité par les poètes, qui joueront précisément sur sa polysémie pour construire un spectre d’images, souvent en contraste avec la boisson93. Dans ces vers d’al-ʿIzz al-Mawsilī, les joues entourées de haschich sombre (akhḍar) sont une marque de passage à la puberté bien que l’âme du garçon n’ait pas encore atteint l’âge adulte :
[من الوافر]
بِخَدِّ ٱلحِبِّ94 رَيْحانٌ نَضِيرٌ لأسْطُرِهِ حُرُوفٌ95 لَيْسَ تُقْرَا
فرَاعِيتُ النَّظِيرَ96 وقُلتُ حِبِّي97 عِذارُكَ أَخْضَرُ والنَّفْسُ خَضْرَا
Sur les joues de l’amant il y a du basilic éclatant
qui trace [sur leur surface] des lettres illisibles.
J’ai levé les yeux vers le Nadir et j’ai dit : « Mon amour,
ta joue est devenue sombre, alors que ton âme est encore jeune ».
50D’où la jeunesse/nouveauté du haschich, comme celle d’un imberbe, s’opposant au vin vieux de la tradition bachique, comme dans ces vers de Ṣafī al-Dīn al-Ḥillī :
[من الوافر]
تَغانَيْ بالحَشيشِ عن الرَّحيقِ وبالوَرَقِ الجَدِيدِ عن العَتيقِ
وبالخَضْراءِ عن حمراءَ صِرفٍ وكَمْ بَينَ الزَّمرُّدِ والعَتيقِ
Remplace le vin (al-raḥīq) avec du haschich,
le vieux (al-ʿatīq) avec les feuilles nouvelles,
le [vin] rouge pur avec le vert.
Grande est la différence entre la cornaline et l’émeraude98.
Conclusions
51Comment et dans quelle mesure la consommation de haschich a été connectée aux relations homoérotiques ? Nous avons d’abord constaté l’existence d’un clivage entre un discours médical qui voyait dans le haschich un inhibiteur de la virilité, à cause de sa nature froide et sèche, et la croyance populaire et le cliché littéraire qui voulait que le haschich magnifie en revanche l’excitation et l’expérience sexuelle. L’approche juridique a consolidé l’ambiguïté inhérente aux effets du haschich qui était censé exciter la passion d’un côté, et produire passivité et paresse, de l’autre. En effet, non seulement le haschich était considéré muskir comme le vin mais aussi mufattir ; ce qui voulait dire que, contrairement à la boisson fermentée, le haschich rendait son consommateur indolent, oisif et passif. Par conséquent, comme le vin était associé à la virilité masculine car était censé entraîner vigueur, agressivité et, dans le cadre d’une conduite transgressive, à la fornication, le haschich était, en revanche, assimilé à tous les actes et les comportements répréhensibles qui se situaient aux antipodes de ceux associés à la boisson : paresse, lâcheté et liaisons pédérastiques.
52Cependant, le binôme haschich-pédérastie dans les premières sources juridiques semble s’insérer avant tout dans la polémique plus large à propos des conduites hétérodoxes de certains groupes soufis. Or, on connaît bien la controverse autour de la pratique de la contemplation des imberbes (al-naẓar ilā al-murd ou maḥabbat al-murd)99 lors de certains rituels soufis, pratique qui a mené à la cristallisation du stéréotype quelque peu tendancieux du soufi (ou plutôt du faux soufi) pédéraste, comme on le trouve, par exemple, chez al-Jawbarī. Quant au haschich, comme le montre Christiane Tortel, l’habitude de consommer des drogues, et notamment du banj ou bhanj (la décoction de haschich en sanscrit) comme adjuvant de l’extase, était une constante du phénomène des qalandars, renonçants en Islam, qui, à leur tour, l’avait assez probablement héritée de la tradition spirituelle indienne100. Ainsi, la régularité avec laquelle nous trouvons une association entre consommation de substances psychoactives et soufisme dans les sources serait alors révélatrice d’une habitude réellement répandue dans certains milieux soufis. En effet, comme noté par Bernadette Martel-Thoumian, au ixe/xve siècle, la majorité de ceux qui étaient punis pour avoir consommé du haschich était avant tout des religieux, à côté des représentants de l’élite militaire101. En outre, l’existence même d’un débat animé par des représentants du soufisme comme Ibn Ghānim al-Maqdisī (m. 678/1279-1280) et Quṭb al-Dīn al-Qasṭallānī (m. 686/1287), montre qu’il y avait des manifestations de mécontentement vis-à-vis de ce stéréotype au sein même du milieu soufi102.
53L’analyse du champ littéraire lié au haschich a relevé deux tendances. Dans la littérature anecdotique, le haschich semble avoir fonctionné comme un catalyseur thématique dans le cadre d’une redéfinition ou d’un ajustement d’autres motifs. En d’autres termes, le haschich a été utilisé comme une sorte de « porte-manteau » sur lequel pouvaient être accrochés des motifs auparavant amplement narrativisés dans la tradition du khabar humoristique arabe comme les histoires d’ivrognes, ḥamqāʾ, mughaffalīn, avares, pique-assiettes mais aussi les anecdotes piquantes à propos de pédérastes séduisant des jeunes imberbes comme on les trouve, par exemple, dans la Nuzhat al-albāb fī-mā lā yūjad fī al-kitāb de Shihāb al-Dīn Aḥmad al-Tīfāshī. En effet, nous avons évoqué l’histoire du haschichomane pédéraste repenti tenté par Iblīs dans le hammam, histoire qui dans la variante de la Nuzhat al-udabāʾ ne mentionne aucune prise de drogue, mais qui dans la version d’al-Badrī sert à magnifier le désir sexuel du vieux haschichomane. Une raison en plus pour souligner, comme le fait ailleurs Wen-chin Ouyang, « the portability and mobility of khabar in classical Arabic writings challenges us to locate the production of meaning not in the text but in the relationship between “text” and a metanarrative inherent in the act of compilations103 ».
54Sur le plan poétique, si la littérature mujūn homoérotique n’a pas été particulièrement inspirée par le haschich, l’étude du ghazal homoérotique, en revanche, a montré comment le haschich a fourni aux auteurs une série d’images bien adaptées à la description des ghilmān104. Toutefois, au-delà de la Rāḥa, il semble que ces images n’ont pas été longtemps retenues dans la littérature homoérotique. En effet, déjà dans al-Ḥasan al-ṣarīḥ fī mīʾat malīḥ compilé par al-Ṣafadī (m. 764/1363), nous ne trouvons aucune référence au haschich, tandis que dans les Marātiʿ al-ghizlān fī waṣf al-ghilmān min al-ḥisān d’al-Nawājī (m. 1383/1455) seule une seule mawāliyā, celle d’al-Zaynī Ibn al-ʿAjamī citée plus haut, mentionne clairement cette drogue, alors que dans le Khalʿ al-ʿidhār fī waṣf al-ʿidhār on ne trouve que quatre épigrammes et la même mawāliyā105. Contemporain d’al-Badrī, Shihāb al-Dīn al-Ḥijāzī (m. 875/1470) est l’auteur de la Jannat al-wildān fī al-ḥisān min al-ghilmān où le haschich apparaît seulement dans deux courtes épigrammes106. Probablement inspiré par l’anthologie d’al-Nawājī, al-Badrī a lui aussi compilé un recueil d’épigrammes au sujet des jeunes gens : la Ghurrat al-ṣabāḥ fī waṣf al-wujūh al-ṣibāḥ, dont la seule copie connue date du 875/1471. Il est intéressant de noter que dans cette anthologie, le haschich n’apparaît que dans sept brèves compositions sur un total d’environ 2 530 épigrammes107. En outre, dans le Basṭ al-aʿdhār ʿan ḥubb al-ʿidhār d’al-Minhājī (m. 993/1584), qui d’après l’auteur recueille les poèmes sur le ʿidhār précédemment édités dans treize livres portant sur le même sujet, seulement trois épigrammes et une mawāliyā on été inclus108. De même, nous n’avons trouvé aucune référence au haschich dans des ouvrages homoérotiques postérieurs à celui d’al-Badrī comme, par exemple, la Nuzhat al-udabāʾ wa-salwat al-ghurabāʾ et le Kitāb al-ghilmān écrit, ce dernier, autour des xviie-xviiie siècle109. Il serait difficile d’expliquer les raisons du succès limité des figures fondées sur l’analogie avec le haschich dans les autres anthologies de littérature homoérotique écrites avant ou après la Rāḥa et cela en dépit du fait qu’on trouve dans le recueil d’al-Badrī des textes écrits par les poètes les plus importants des époques ayyubide et mamelouke.
55Quoiqu’il en soit, contrairement au discours juridique et à l’anecdotique plaisante qui, eux, ont fait constamment référence au cliché du pédéraste-hachichomane, en poésie, le haschich n’a été qu’un motif parmi d’autres à disposition des poètes, et avec eux, des compilateurs, qui, tout compte fait, ont continué à s’inspirer des métaphores classiques liées à l’apparition du premier duvet de la barbe comme le basilic, le myrte et le musc110, la nuit sombre, les fourmis ou les traits d’écriture décorant les joues d’un jeune homme.
Notes de bas de page
1 Je tiens à remercier les deux rapporteurs anonymes qui avec patience ont relu cet article et dont les observations ont contribué à améliorer la première version de ce texte.
2 À propos du bernavi, Prosper Alpin écrit : « L’électuaire bernavi est préparé dans l’Inde la plus proche et apporté abondamment en Égypte. Les Égyptiens ignorent totalement sa composition. Ses effets sont extraordinaires et ne sont pas indignes de vos oreilles. Dès que les hommes ont pris une once de cet électuaire, ils commencent à être gais, ils parlent beaucoup, ils chantent des chansons d’amour, ils rient beaucoup et profèrent des extravagances amusantes » ; l’assis par contre « n’est autre que la poudre préparée avec des feuilles de chanvre et dont on fait une pâte en la mélangeant à de l’eau douce. Ils en dévorent, à raison de cinq ou plus, des boules de la grosseur d’une châtaigne. Après quoi ils sont comme ivres, profèrent leurs sottises et restent longtemps dans un état extatique en se délectant des visions qu’ils désiraient », Alpin Prosper, La Médecine des Égyptiens, 2 vol., traduite du latin, présentée et annotée par R. de Fenoyl & S. Sauneron, 2e édition, Institut français d’archéologie orientale (IFAO), Le Caire, 2007, II, p. 262.
3 Alpin Prosper, Histoire naturelle de l’Égypte, op. cit., I, p. 134.
4 Les Mille et Une Nuits, Bencheikh Jamel Eddine & Miquel André (trad., intro., annot.), Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2005-2006, I, p. 675-676. Pour le texte arabe voir Kitāb Alf layla wa-layla, 4 vol., al-Ṭabʿa al-thāniya, Muqābala wa-taṣḥīḥ al-shaykh Muḥammad Qiṭṭa al-ʿAdawī, Maṭbaʿat ʿAbd al-Raḥmān Rushdī Bek, Būlāq, 1279/1862, I, p. 404-405. Voir en outre Chauvin Victor, Bibliographie des ouvrages arabes ou relatifs aux Arabes publiés dans l’Europe chrétienne de 1810 à 1885, 12 vol., Liège, H. Vaillant-Carmanne, 1892-1922, IV, p. 124 n° 278 ; Chraïbi Aboubakr, Les Mille et Une Nuits. Histoire du texte et Classification des contes, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 73 et p. 127 ; Marzolph Ulrich, « Hashish Eater, 42 Tale of the », Arabian Nights: Encyclopaedia, Éd. Ulrich Marzolph & Richard van Leeuwen, Santa Barbara, Denver & Oxford, ABC Clio, 2004, p. 216 ; Legnaro Aldo, « Haschisch im islamischen Kulturkreis – am Beispiel der Erzählungen aus den Tausendundein Nächten », Fabula 17 (1977), p. 260-261.
5 Al-Badrī Taqī al-Dīn Abū al-Tuqā, Rāḥat al-arwāḥ fī al-ḥashīsh wa-l-rāḥ, Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms arabe 3544, (ici indiqué par Ms P), Ms P, 16b. Voir aussi Rosenthal Franz, The Herb. Hashish versus Medieval Muslim Society, Leiden, Brill, 1971, p. 82.
6 Al-Sakhāwī Shams al-Dīn Abū al-Khayr Muḥammad Ibn ʿAbd al-Raḥmān al-Shāfiʿī, al-Ḍawʾ al-lāmiʿ li-ahl al-qarn al-tāsiʿ, 12 vol., Bayrūt, Manshawarāt Dār wa-Maktabat al-Ḥayāt, 1998, XI, p. 109.
7 ينزل : Ms P, 16b.
8 Al-Badrī, Taqī al-Dīn Abū al-Tuqā, Rāḥat al-arwāḥ fī al-ḥashīsh wa-l-rāḥ, Dimashq, Maktabat al-Ẓāhiriyya, adab ʿarabī 7855, majmūʿ 210 (ici indiqué par Ms D), Ms D, 73b ; Ms P, 16b.
9 Dans la littérature arabe contemporaine la consommation du haschich et des autres drogues est largement évoquée, voir à ce sujet The Literary Life of Cairo. One Hundred Years in the Heart of the City, Samia Mehrez (dir. et intro.), Cairo & New York, The American University in Cairo Press, 2011, p. 363-411. Parfois les drogues sont considérées comme un moyen de fuir la réalité, comme dans le roman de Najīb Maḥfūẓ (1911-2006), Tharthara fawq al-Nīl ; dans d’autres, elles sont un dispositif narratif lié à la fascination pour les marginaux, comme chez Khayrī Shalabī (1938-2011). À cet égard, voir Lagrange Frédéric, « Le marginal comme modèle national. Fumeurs de haschich et gueux sublimes dans le Ṣāliḥ Hēṣa de Ḫayrī Šalabī », Étrangeté de l’autre, singularité du moi. Les figures du marginal dans les littératures, Ève Feuillebois-Pierunek & Zeïneb Ben Lagha (dir.), Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 567-588. En outre, il faudrait encore mentionner Tripping with Allah. Islam, Drugs, and Writing, ouvrage singulier publié en 2003 par Michael Muhammad Knight, qui s’offre comme une tentative de réconcilier religion musulmane et expérience des psychotropes.
10 El-Shamy Hasan M., Folktales of Egypt, Chicago, The University of Chicago Press, 1980, p. 230-231.
11 Dioscuridis Pedanii, De Materia Medica. Libri quinque, Éd. Max Wellmann, Berlin, Weidmannsche Verlagsbuchhandlung, 1958, II, p. 157 [n° 148 et 149] ; Galeni Claudii, Opera Omnia, 20 vol., Éd. et trad. C. G. Kühn (1821), Hildesheim, Georg Olms Verlagsbuchhandlung, 1965, XII, p. 8 ; pour la traduction française, voir Fabre André-Julien, « Cannabis, chanvre et haschich : l’éternel retour », Histoire des sciences médicales 40-2 (2006), p. 193. Voir, entre autres, Thābit Ibn Qurra Abū al-Ḥasan Ibn Zahrūh al-Ḥarrān, Kitāb al-dhakhīra fī ʿilm al-ṭibb, Éd. G. Sobhy, al-Qāhira, al-Maṭbaʿa al-amīriyya, 1928, p. 185-186 ; Ibn al-Jazzār Abū Jaʿfar Aḥmad, « Zād al-musāfir wa-qūt al-ḥāḍir », Ibn al-Jazzār on Sexual Diseases and their Treatement. A Critical Edition of Zād al-musāfir wa-qūt al-ḥāḍir, Provisions for the Traveller and Nourishment for the Sedentary, Éd. Gerrit Bos, London & New York, Kegan Paul International, 1997, p. 251-253 ; al-Rāzī Abū Bakr Muḥammad Ibn Zakariyyā, Kitāb al-ḥāwī fī al-ṭibb, 45 vol., Éd. Aḥmad Sharaf al-Dīn, Ḥaydarābād, Dāʾirat al-maʿārif al-ʿuthmāniyya, 1955, XXI, p. 124 ; Ibn Sīnā Abū ʿAlī al-Ḥusayn Ibn ʿAbd Allāh, al-Qānūn fī al-ṭibb, 3 vol., Būlāq, 1877, réimprimé Bayrūt, Dār Ṣādir, 1960, II, p. 423 ; al-Bīrūnī Abū al-Rayḥān Muḥammad Ibn Aḥmad al-Khawārizmī, Kitāb al-ṣaydana fī al-ṭibb, 2 vol., Éd. et trad. Muḥammad Saʿīd, Karachi, Muʾassasat Hamdard al-waṭaniyya, 1973, I, p. 387-388 ; Ibn Jazla Abū ʿAlī Yaḥyā Ibn ʿĪsā, Minhāj al-bayān fī-mā yastaʿmilu-hu al-insān, Éd. Maḥmūd Mahdī Badawī, al-Qāhira, Maʿhad al-makhṭūṭāt al-ʿarabiyya li-l-tarbiya wa-l-thaqāfa wa-l-ʿulūm, 2010, p. 531 [n° 1421].
12 Al-Anṭākī Dāwūd Ibn ʿUmar, Tadhkirat ūlī al-albāb, 2 vol., Bayrūt, al-Maktaba al-Thaqāfiyya, 1950, I, p. 219.
13 Voir par exemple ce que le shafi’ite Quṭb al-Dīn al-Qasṭallānī (m. 686/1287) dit à ce propos dans son Kitāb tatmīm al-takrīm li-mā fī al-ḥashīsh min al-taḥrīm, Lozano Cámara Indalecio, Estudios y documentos sobre la historia del cáñamo y del hachís en el Islam medieval, 2 vol., Tesis Doctoral, Departamento de estudios semíticos, Universidad de Granada, 1993, II, p. 63-64. Voir aussi al-Jawbarī ʿAbd al-Rahmān, Kitāb al-mukhtār fī kashf al-asrār = Al-Ǧawbarī und sein Kašf al-asrār. Ein Sittenbild des Gauners im arabisch-islamischen Mittelalter (7./13. Jahrhudert), Éd. Manuela Höglmeier, Berlin, Klaus-Schwarz Verlag, 2006, p. 115-116 ; al-Djawbarî ʿAbd al-Rahmâne, Le Voile arraché. L’autre visage de l’Islam, 2 vol., trad. René Khawam, Paris, Éditions Phébus, 1979, I, p. 80-84 et Ibn Taymiyya Taqī al-Dīn Aḥmad, Majmūʿ fatāwā, 37 vol., al-Qāhira, Maktabat Ibn Taymiyya, 1985, XXXIV, p. 211 ; Le Haschich et l’Extase, trad. Yehya Michot, Beyrouth, Les Éditions Albouraq, 2001, p. 113. Voir aussi à propos de cela Lozano Cámara Indalecio, « La hierba de los derviches y los mendigos, droga maldita en el Islam », Identidades Marginales. Estudios onomástico-bibliográfico de al-Andalus, XIII, Cristina de la Puente (dir.), Madrid, Consejo superior de investigaciones científicas, 2003, p. 334-342.
14 Al-Maqrizī Taqī al-Dīn Abū al-ʿAbbās Aḥmad Ibn ʿAlī Ibn ʿAbd al-Qādir, Kitāb al-mawāʿiẓ wa-l-iʿtibār bi-dhikr al-khiṭaṭ wa-l-āthār, 2 vol., Bayrūt, Dār Ṣādir, 1970, II, p. 414 et al-Kutubī Ibn Shākir, Fawāt al-wafiyyāt, 4 vol., Éd. Iḥsān ʿAbbās, Bayrūt, Dār Ṣādir, 1973-1974, III, p. 291. Rosenthal Franz, The Herb, op. cit., p. 75.
15 Marino Danilo, « Raconter l’ivresse à l’époque mamelouke. Les mangeurs de haschich comme motif littéraire », Annales Islamologiques 49 (2015), p. 61. Pour un aperçu de la situation des drogues dans l’Iran postclassique voir Matthee Rudi, The Pursuit of Pleasure. Drugs and Stimulants in Iranian History, 1500-1900, Princeton-Oxford, Princeton University Press, 2005.
16 Il s’agit du Kitāb Tatmīm al-takrīm li-mā fī-l-ḥashīsh min al-taḥrīm, Lozano Cámara Indalecio, « Quṭb al-Dīn al-Qasṭallānī y sus epístolas sobre el hachís », al-Qanṭara 17 (1997), p. 103-120 et al-Maqrizī, Khiṭaṭ, II, p. 126-129.
17 Ibn Kathīr ʿImād al-Dīn Ismāʿīl Ibn ʿUmar, al-Bidāya wa-l-nihāya, 14 vol., Bayrūt, Maktabat al-maʿārif, 1969-1979, XIII, p. 314-315 affirme que ʿAlam al-Dīn aurait connu le haschich après avoir rejoint un groupe de ḥarāfīsh.
18 On entend par liwāṭ « la pénétration rectale, hétérosexuelle ou homosexuelle, et par extension d’autres actes entre partenaires masculins ». Voir Lagrange Frédéric, Islam d’interdit, Islam de jouissance, Paris, Téraèdre, 2008, p. 229.
19 Ms D, 59b ; voir Ms P, 50b-51a et Lozano Cámara Indalcio, « Fragmentos inéditos del Kitāb al-Sawāniḥ al-adabiyya fī madāʾiḥ al-qinnabiyya d’al-Ḥasan B. Muḥammad al-ʿUkbarī », Andalus-Maghreb 5 (1997), p. 45-60, p. 60 pour les variantes. Voir aussi Rosenthal Franz, The Herb, op. cit., p. 84-85.
20 Ibn Taymiyya, Majmūʿ fatāwā, 34, p. 210-211 ; Le Haschich et l’Extase, op. cit., p. 109-110.
21 Ibn Taymiyya, Majmūʿ fatāwā, p. 223.
22 Ibn Taymiyya, Majmūʿ fatāwā, p. 206 ; Le Haschich et l’Extase, op. cit., p. 86-87.
23 Ibn Taymiyya, Majmūʿ fatāwā, p. 223 ; Le Haschich et l’Extase, op. cit., p. 135.
24 Ibn Taymiyya, Majmūʿ fatāwā, p. 205, 211 et 223 ; Le Haschich et l’Extase, op. cit., p. 85-86, 113-114 et 135-136. Sur l’interprétation de l’expression fataḥat bāb al-shahwa voir aussi Rosenthal Franz, The Herb, op. cit., p. 81-82 pour qui elle ne se réfère pas aux pulsions sexuelles mais à l’assuétude provoquée par la drogue. Voir aussi sur cela al-Dhahabī Shams al-Dīn, Kitāb al-kabāʾir, Bayrūt, Manshūrāt Dār maktabat al-ḥayāt, 1990, p. 97-99.
25 Ibn Ḥajar al-Haytamī Abū al-ʿAbbās Aḥmad Ibn Muḥammad Ibn Muḥammad Ibn ʿAlī, al-Fatāwā al-kubrā al-fiqhiyya, Bayrūt, Dār al-fikr, 1983, p. 226 ; Kitāb al-zawājir ʿan iqtirāf al-kabā’ir, al-Qāhira, al-Maṭbaʿat al-azhariyya, 1907, p. 172-173. Pour l’auteur du Lisān al-ʿArab, al-khidr signifie originairement voile, rideau (al-sitr), tandis que al-khadir et al-khidra sont respectivement un engourdissement (iḍmiḥlāl) qui atteint les membres inférieurs du corps et une pesanteur (thiqal) qui ne permet pas de marcher. Ensuite, l’auteur rapporte futūr et kasal comme synonymes de khadar. Voir Ibn Manẓūr, Lisān al-ʿArab, 15 vol., Bayrūt, Dār Ṣādir, 1955-1956, IV, p. 231-234.
26 Ibn Ḥajar al-Ḥaytamī, al-Fatāwā al-kubrā, p. 226 et 231 et Kitāb al-zawājir, p. 172-173.
27 Al-Ḥillī Ṣafī al-Dīn Abū al-Faḍl ʿAbd al-ʿAzīz Ibn Sarāyā Ibn ʿAlī, Dīwān, Bayrūt, al-Dār al-ʿarabiyya li-l-mawsūʿāt, 2005, p. 431 ; Rosenthal Franz, The Herb, op. cit., p. 174.
28 Ms D, 83a et 83b ; Ms P, 140b.
29 Ms D, 85a.
30 Al-Sakhāwī, al-Ḍawʾ, XI, p. 41.
31 Bauer Thomas, « Mamluk literature, misunderstandings and new approaches », Mamlūk Studies Review 9-2 (2005), p. 109-111.
32 Al-Ziriklī Khayr al-Dīn, al-Aʿlām. Qāmūs tarājim li-ashhar al-rijāl wa-l-nisāʾ min al-ʿArab wa-l-mustaʿribīn wa-l-mustashriqīn, 8 vol., Bayrūt, Dār al-ʿilm li-l-malāyīn, 2002, II, p. 66 liste les ouvrages suivants : la Rāḥat al-arwāḥ fī al-ḥashīsh wa-l-rāḥ, la Ghurrat al-ṣabāḥ fī waṣf al-wujūh al-ṣibāḥ, la Nuzhat al-anām fī maḥāsin al-Shām, les Maṭāliʿ al-badriyya fī manāzil al-qamariyya, al-Durr al-maṣūn al-musammā bi-Siḥr al-ʿuyūn, la Nuzhat al-anām fī faḍāʾil maḥāsin al-Shām, les Ṣanāʾiʿ al-badriyya fī-mā tazahhada wa-tāba min al-barīyya, la Nuzhat al-udabāʾ wa-salwat al-ghurabāʾ, le Sukkar Miṣr fī dhawq ahl al-ʿaṣr, un Dīwān shiʿr, la Nuzhat al-khāṭir wa-qurrat al-nāẓir, lse Shurūṭ al-wafāʾ fī anbāʾ al-khulafāʾ, la Rawḍat al-jalīs wa-nuzhat al-anīs et le Tabāshīr al-sharāb. Les ouvrages édités sont al-Durr al-maṣūn al-musammā bi-Siḥr al-ʿuyūn, Éd. Sayyid Ṣiddīq ʿAbd al-Fattāḥ, al-Qāhira, Maṭbūʿāt al-shaʿb, 1998 et la Nuzhat al-anām fī maḥāsin al-Shām, Éd. Ibrāhīm Ṣāliḥ, Dimashq, Dār al-bashāʾir, 2006.
33 Rosenthal Franz, The Herb, op. cit., ; Lozano Cámara Indalecio, « Un fragmento del Kitāb Rāḥat al-arwāḥ fī al-ḥashīsh wa-l-rāḥī », Miscelánea de Estudios Árabes y Hebraicos 37-1 (1988), p. 163-183 ; « Un nuevo fragmento del Kitāb Rāḥat al-arwāḥ fī al-ḥashīsh wa-l-rāḥ », Bulletin d’études orientales 49 (1997), p. 235-248 ; Solaz del espíritu en el hachís y el vino: y otros textos árabes sobre drogas, Granada, Editorial Universidad de Granada, 1999.
34 Pour une exposition plus détaillée voir Marino Danilo, « Raconter », op. cit., p. 57-60.
35 Ms D, 23b. À propos d’Ibrāhīm al-Miʿmār, voir l’introduction à Der Dīwān des Ibrāhīm al-Miʿmār (gest. 749/1348-49). Edition und Kommentar, Éd. Thomas Bauer, Anke Osigus & Hakan Özkan, Baden-Baden, Ergon Verlag, 2018, p. 11-39.
36 Marino Danilo, « Raconter », op. cit., p. 59 et Ms D, 55b.
37 Hämeen-Anttila Jaakko, « What is obscene? Obscenity in Classical Arabic Literature », The Rude, the Bad and the Bawdy. Essays in honour of Professor Geert Jan van Gelder, Adam Talib, Marlé Hammond & Arie Schippers (dir.), Cambridge, Gibb Memorial Trust, 2014, p. 15.
38 À propos du amrad et du rôle des moustaches et de la barbe dans la définition de la masculinité dans la société persane du xviiie et xixe siècle, voir Najmabadi Afsaneh, Women with Mustaches and Men without Beards. Gender and Sexual Anxieties of Iranian Modernity, Berkeley, New York & London, University of California Press, 2005, chapitre 1, « Men, Amrads and Women ».
39 Voir El-Rouayheb Khaled, Before Homosexuality in the Arab-Islamic World, 1500-1800, Chicago & London, The University of Chicago Press, 2005, p. 167 n 41. Ce terme est utilisé encore aujourd’hui dans le dialecte égyptien avec la même signification, voir Badawi El-Said & Hinds Martin, A Dictionary of Egyptian Arabic, Beirut, Librairie du Liban, 1986, p. 593.
40 Amrad-murd : Ms D, 65b, 66a, 67a-b, 74a ; Ms P, 22b, 30a, 32b-33a-b, 38a, 40a, 46a, 47a ; ʿilq-ʿulūq : Ms D, 65b, 67a-b, 68a, 71b, 76a, Ms P, 34a-b, 35b, 37a-b, 38b, 42b, 46b ; dérivés de la racine l-w-ṭ : Ms D, 66a, 67b ; Ms P, 30a, 33b, 39a, 45a, 47a.
41 Selon Zoltan Szombathy, liwāṭ dans la littérature mujūn semble jouer un rôle plus important que la zinā probablement « due to the greater potential of homosexuality for sheer scandalousness and its greater distance from all normative patterns of sexual behaviour », Szombathy Zoltan, Mujūn. Libertinism in Medieval Muslim Society and Literature, Exeter, Gibb Memorial Trust, 2013, p. 132. Le rapport entre stimulants et sexualité est aussi au cœur de littérature yéménite sur le café et le qāt au xviie-xixe siècles. Wagner Mark, « The Debate Between Coffee and Qāt in Yemeni Literature », Middle Eastern Literatures 8-2 (2005), p. 121-149.
42 Ms D, 69b-70b ; Ms P, 43a-45b. Voir aussi le chapitre fī adab al-dabb dans al-Tīfāshī Shihāb al-Dīn Aḥmad, Nuzhat al-albāb fī-mā lā yujad fī kitāb, Éd. Jamāl Jumaʿa, London & Cyprus, Riyāḍ al-Rayyis li-l-kutub wa-l-nashr, 1992, p. 207-220 ; Lagrange Frédéric, « Une affaire de viol », Tumultes 41 (2013), Dire les homosexualités d’une rive à l’autre de la Méditerranée, Sonia Dayau-Herzbrun & Yacine Tassadit (dir.), p. 61-70 et le paragraphe « From dabīb to homosexual rape: the perspective of Modern fiction » dans Lagrange Frédéric, « Modern Arabic Literature and the Disappearance of Mujūn: Same-Sex Rape as a Case Study », The Rude, the Bad and the Bawdy, op. cit., p. 244-251.
43 وانقها : Ms D, 66a ; وافقه : Rosenthal Franz, The Herb, op. cit., p. 83.
44 على الفرس : Rosenthal Franz, The Herb, op. cit., p. 83.
45 واسكر : Der Dīwān des Ibrāhīm al-Miʿmār, op. cit., p. 278.
46 ثقيل : Ms P, 30a et Der Dīwān des Ibrāhīm al-Miʿmār, op. cit., p. 278 ; فان السكر: idem, p. 278. Dans le Dīwān, ce vers est placé en deuxième position.
47 التينه : Ms P, 30a.
48 Le verbe arabe karbala peut signifier « mêler », « mélanger » (Kazimirski). Cette signification avait été adoptée par Rosenthal Franz, The Herb, p. 83 qui traduit ainsi : « mix your hashish with the appropriate amount of clay ». Cependant, d’après le Lisān, karbala veut aussi dire nettoyer (Ibn Manẓūr, Lisān al-ʿArab, XIII, p. 43) et wa-nqī-hā est un impératif du verbe naqā (purifier, nettoyer).
49 Littéralement : « et lorsqu’il te fait effet, pénètre seulement le derrière », car tīnah signifie, ici, derrière, cul. À propos des compositions sur le haschisch dans le Dīwān d’al-Miʿmār voir Özkan Hakan, « The Drug Zajals in Ibrāhīm al-Miʿmār’s Dīwān », Mamlūk Studies Review 17 (2013), p. 212-248.
50 Celle-ci est la vocalisation demandée par le taqṭīʿ.
51 لا يلذغ : Ms P, 34a.
52 Le ḥadīth complet est :
لا يُلْدَغُ ٱلمُؤْمِنُ مِنْ جُحْرٍ وَاحِدٍ مَرَّتَيْنِ
Le musulman ne se fait piquer deux fois sur la même piqure.
Al-Bukhārī Muḥammad Ibn Ismāʿīl Abū ʿAbd Allāh, Ṣaḥīḥ, 9 vol., Éd. M. Zuhayr Ibn Nāṣir al-Nāṣir, Dimashq, Dār Ṭawq al-Najāh, 2000, VIII, p. 31. À propos de la citation coranique (iqtibās) en poésie voir Van Gelder Geert Jan, « Forbidden Firebrands: Frivolous Iqtibās (Quotation from the Qurʾān) According to Medieval Arab Critics », Quaderni di Studi Arabi 20-21 (2002-2003), p. 3-16 et Szombathy Zoltan, Mujūn, op. cit., p. 69-71.
53 L’expression qāma ʿalā dans ce contexte signifie que la drogue fait effet mais elle peut faire aussi allusion à l’érection.
54 Ms D, 65b ; Ms P, 30a.
55 Van Gelder Geert Jan, « The Ḥammām: a space between Heaven and Hell », Quaderni di Studi Arabi N.S.3 (2008), p. 9-24.
56 Ms P, 32a-b.
57 Ms P, 33b.
58 Sur le rôle réceptif dans une relation sexuelle homme-homme, voir Lagrange Frédéric, Islam d’interdit, op. cit., p. 125-130 et 157-163 ; El-Rouayheb Khaled, Before Homosexuality, op. cit., p. 10-12 et 16-21.
59 Dans la Nuzhat al-albāb fīmā lā yujad fī kitāb d’al-Tīfāshī (m. 651/1253) plusieurs histoires à propos des pédérastes se déroulent dans le hammam mais aucune ressemble à ces anecdotes ni mentionne une prise de haschich.
60 Brockelmann Carl, Geschichte der Arabischen Litteratur. Supplement (GALS), 2 vol., Leiden, Brill, 1937-1938, II, p. 414 et El-Rouayheb Khaled, Before Homosexuality, op. cit., p. 24 et p. 166.
61 Al-Ziriklī, al-Aʿlām, II, p. 66.
62 Nuzhat al-udabāʾ wa-salwat al-qurabāʾ, Ms Cambridge University Library, Or 1256(8), 2081-b, Ms British Library, Or. 1357, 94b-95b, Ms al-Maktabat al-azhariyya, adab 7030, 78b-79a. Ces deux histoires ne sont pas présentes cependant dans la copie de la Nuzha conservée à la Nadwat al-ʿulamāʾ de Lucknow (Ms 357).
63 Marino Danilo, « Raconter », op. cit., p. 65-76.
64 Ainsi dans Ms P, 40a.
65 Ainsi dans Ms P, 40a.
66 رفيقنا : Ms P, 40a.
67 Ms D, 72a ; Ms P, 40a ; voir aussi al-Badrī Taqī al-Dīn Abū al-Tuqā, Ghurrat al-ṣabāḥ fī waṣf al-wujūh al-ṣibāḥ, Ms British Library, 1423 (add. 23,445), 188a.
68 للطبي : Ms D, 72a.
69 Ms D, 72a ; Ms P, 30b qui ne rapporte pas le nom de l’auteur. Voir aussi al-Badrī, Ghurrat al-ṣabāḥ, 127a.
70 Ms D, 72a ; Ms P, 30b qui ne rapporte pas le nom de l’auteur. Voir aussi al-Badrī, Ghurrat al-ṣabāḥ, 188a.
71 Ms D, 72a ; Ms P, 30b qui ne rapporte pas le nom de l’auteur. Le dernier vers est une claire référence à l’ouvrage d’al-Nawājī (m. 859/1455), les Marātiʿ al-ghizlān fī waṣf al-ghilmān al-ḥisān.
72 Ms D, 72a ; Ms P, 33a. Voir aussi Ibn al-Wardī Zayn al-Dīn, Dīwān, Éd. ʿAbd al-Ḥamīd Handāwī, al-Qāhira, Dār al-āfāq al-ʿarabī, 2006, p. 276.
73 Thomas Bauer suggère cependant que dans la plupart des cas ces termes se référent au genre biologique de l’amant. Bauer Thomas, Liebe und Liebesdichtung in der Arabischen Welt des 9. und 10. Jahrhunderts. Eine Literatur-und Mentalitätsgeschichtliche Studie des Arabischen Ġazal, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 1998, p. 150-162.
74 Ibn Manẓūr, Lisān al-ʿArab, IX, p. 77. Ce motif semble une constante de la littérature homoérotique arabe. Voir sur cela Bauer Thomas, « Male-Male Love in Classical Arabic Poetry », The Cambridge History of Gay and Lesbian Literature, E. I. McCallum & Mikko Tuhkanen (dir.), Cambridge, Cambridge University Press, 2014, p. 109-114 et Liebe und Liebesdichtung, op. cit., p. 255-280. Voir également l’article de Brigitte Foulon dans ce volume, à propos de l’emploi de ce motif en poésie andalouse.
75 Voir sur cela les deux recueils d’épigrammes au sujet du ʿidhār : al-Nawājī Muḥammad Ibn Ḥasan, Khalʿ al-ʿidhār fī waṣf al-ʿidhār, Éd. Ḥasan Muḥammad ʿAbd al-Hādī & Muḥammad Yūsuf Banāt, Bayrūt, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, 2016 et al-Minhājī Muḥammad Ibn Yūsuf Badr al-Dīn, Basṭ al-aʿdhār ʿan ḥubb al-ʿidhār, Éd. Ḥasan Muḥammad ʿAbd al-Hādī & Muḥammad Yūsuf Banāt, Bayrūt, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, 2017.
76 الهوي : Ms P, 46a.
77 يا عاشقين : Ms P, 46a.
78 Ms P, 46a place en guise d’introduction au poème l’anecdote suivante :
وأخبرني المحب ابن الأثير الحلبي قال : خرجت متنزهًا إلى بولاق فوجدت أمردًا ولفته فأقبل عليَّ فأحضرنا خمرًا وحشيشًا وصرنا نشرب ونبلع إلى أن ملنا فأخذت أعنقه وأبوسه في عذاره وثغره فقلت : هذا مضى لم أسبق إليه.
al-Muḥibb Ibn al-Athīr al-Ḥalabī m’a relaté : je suis sorti vers Būlāq pour me distraire quand j’ai rencontré un jeune homme que j’ai invité à s’unir à moi. Il accepta et après avoir préparé du vin et du haschich, nous avons bu et mangé jusqu’à ce que nous ressentions une attirance mutuelle. Alors je l’ai saisi par le cou et je l’ai embrassé sur la joue et la bouche et j’ai pensé : il n’est plus un imberbe comme avant (littéralement : il n’est plus comme il était avant).
79 Ms D, 72b et Ms P, 46a.
80 قد تخطر هدو : al-Nawājī, Khalʿ al-ʿidhār, p. 60 et al-Nawājī Muḥammad Ibn Ḥasan, Marātiʿ al-ghizlān fī waṣf al-ghilmān al-ḥisān, Ms University of Princeton, Garrett n. 14L, 111b ; Ms Dār al-kutub al-miṣriyya, adab taymūr 7748, 59a ; Ms Dār al-kutub al-miṣriyya, adab taymūr 1507, 84b ; Ms Escorial, 339, 111a, Ms Escorial, 427, 113b ; لخطوا هدو : al-Minhājī, Basṭ al-aʿdhār, p. 71.
81 وجنتك : al-Nawājī, Khalʿ al-ʿidhār, p. 60 ; al-Minhājī, Basṭ al-aʿdhār, p. 71 ; وجنتيك : al-Nawājī, Marātiʿ al-ghizlān, Ms Dār al-kutub al-miṣriyya 1507, 84b ; Ms Escorial, 427, 113b.
82 يحدوا : Ms P, 50b, al-Nawājī, Marātiʿ al-ghizlān, Ms Princeton, 111b.
83 يا رخيم الشذو : Ms P, 50b ; يا رخيمًا شدو : al-Nawājī, Marātiʿ al-ghizlān, Ms Princeton, 111b.
84 حشيشوا : Ms P, 50b et al-Nawājī, Khalʿ al-ʿidhār, p. 60 et Marātiʿ al-ghizlān, Ms Dār al-kutub al-miṣriyya 7748, 59a, Ms Escorial, 427, 113b ; al-Minhājī, Basṭ al-aʿdhār, p. 71.
85 لو بدو : Ms P, 50b mais en marge le copiste écrit : نسخه في بدو .
86 سبحت : Ms D, 72b.
87 للناس في التحشيش : Ms P, 50b.
88 دراها : Ms D, 72b.
89 الخمرى : Ms D, 72b.
90 الدر : Ms D, 72b.
91 الخمرى : Ms D, 72b.
92 Voir aussi al-Nawājī, Khalʿ al-ʿidhār, p. 60 et al-Minhājī, Basṭ al-aʿdhār, p.71.
93 En outre, il faudrait encore mentionner un autre sens du mot al-khaḍr qui, si l’on lit al-khaḍir ou al-khiḍr, renvoie au célèbre et mystérieux personnage coranique de la Sūrat al-Kahf, versets 59-81 (Wensinck Arent Jan, « al-khaḍir [al-khiḍr] », EI2). La référence à ce personnage mythique renvoie à la composante mystique et impénétrable de l’herbe, au point que quand al-Badrī liste les noms du haschich, ziyārat al-khaḍir (ou al-khiḍr) est le nom que les soufis donnent à cette plante (Ms D, 57b ; Ms P, 9a).
94 بدا في الخد : al-Minhājī, Basṭ al-aʿdhār, p. 43.
95 لأسطره حروفًا : Ms P, 50b ; لأحرفه سطور : al-Nawājī, Khalʿ al-ʿidhār, p. 157 et Marātiʿ al-ghizlān, Ms Princeton 119a, Ms Dār al-kutub al-miṣriyya 7748, 63a, Ms Escorial 339, 111a, Ms Escorial, 427, 121a, Ms Dār al-kutub al-miṣriyya 1507, 90a.
96 الضير : al-Nawājī, Marātiʿ al-ghizlān, Ms Princeton, 119a.
97 بدري : al-Nawājī, Marātiʿ al-ghizlān, Ms Escorial 427, 121a,
98 Ms D, 74a-b ; Ms P, 46a et al-Ḥillī, Dīwān, p. 430.
99 Ze’evi Dror, Producing Desire. Changing Sexual Discourse in the Ottoman Middle East, 1500-1900, Berkeley, Los Angeles & London, University of California Press, 2006, p. 83-88 et El-Rouayheb, Before Homosexuality, op. cit., p. 98-99 et p. 108.
100 Tortel Christiane, L’Ascète et le Bouffon. Qalandars, vrais et faux renonçants en Islam, Paris, Actes Sud, 2009, p. 38-40.
101 Martel-Thoumian Bernadette, Délinquance et ordre social. L’État mamelouke syro-égyptien face au crime à la fin du ixe-xve siècle, Bordeaux, Ausonius Éditions, 2012, p. 167 et Petry Carl F., The Criminal Underworld in a Medieval Islamic Society, Chicago, The Middle East Documentation Center, 2012, p. 133.
102 Lozano Cámara Indalecio, Tres Tratados árabes sobre en Cannabis Indica. Textos para la historia del Hachís en las Sociedad islámicas S. XII-XVI, Madrid, Agencia española de cooperación internacional, Instituto de cooperación con el Mundo Árabe, Estudios y documentos, 1990, p. 57 ; « Quṭb al-Dīn al-Qasṭallānī », op. cit., p. 108-109, « Edición crítica del Kitāb takrīm », op. cit., p. 335.
103 Ouyang Wen-chin, « Mujūn, Junūn, Funūn », The Rude, the Bad and the Bawdy, op. cit., p.12.
104 Pour les principales métaphores liées à l’image du premier duvet de barbe voir Bauer, Liebe und Liebesdichtung, op. cit., p. 263-265.
105 Al-Ṣafadī Ṣalāḥ al-Dīn Khalīl Ibn Aybak, al-Ḥasan al-ṣariḥ fī miʾat malīḥ, Éd. Aḥmad Fawzī al-Hayb, Dimashq, Dār Saʿd al-Dīn, 2003. Al-Ṣafadī est aussi l’auteur d’un autre recueil d’épigramme au sujet du grain de beauté, al-Ṣafadī, Ṣalāḥ al-Dīn Khalīl Ibn Aybak, Kashf al-ḥāl fī waṣf al-khāl, Éd. Sihām Ṣallām, Dimashq, Dār Saʿd al-Dīn, 1999. Les manuscrits d’al-Maktaba al-azhariyya des Marātiʿ al-ghizlān (adab 7220 et adab 7086), ainsi que l’abrégé du Dār al-kutub al-miṣriyya, adab taymūr 583, ne rapportent pas ce texte. Al-Nawājī, Khalʿ al-ʿidhār, p. 59-60 et 156-157.
106 Al-Ḥijāzī Shihāb al-Dīn, Jannat al-wildān fī al-ḥisān min al-ghilmān, dans al-Kunnas al-jawārī fī al-ḥisān min al-jawārī, Éd. Raḥāb ʿAkkāwī, Bayrūt, Dār al-ḥarf al-ʿarabī, 1998, p. 71.
107 Al-Sakhāwī, al-Ḍawʾ, II, p. 41 et Rosenthal Franz, « Male and Female: Described and Compared », Homoeroticism in Classical Arabic Literature, J. W. Wright Jr & Everett K. Rowson (dir.), New York, Columbia University Press, 1997, p. 33-43 et surtout 50-51 ; al-Badrī, Ghurra, 127a et 188a.
108 Al-Minhājī, Basṭ al-aʿdhār, op. cit., p. 43, 71 et 36 où l’auteur fait la liste de ces treize livres. À la page 316 du même recueil, une histoire a comme protagoniste un aveugle et un muḥashshish, qui doit être entendu comme se référant à un « vendeur d’herbes » plutôt qu’un haschishomane.
109 Talib Adam, « Pseudo-Ṯaʿālibī’s Book of Youths », Arabica 59 (2012), p. 599-649.
110 À propos de la symbolique du musc, voir King Anya H., Scent from the Garden of Paradise. Musk and the Medieval Islamic World, Leiden & Boston, Brill, 2017, p. 328-336.
Auteur
Berlin Graduate School Muslim Cultures and Societies

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