Al-Durr al-ṯamīn attribué à Raǧab al-Bursī
Un exemple des « commentaires coraniques personnalisés » shi’ites (Aspects de l’imamologie duodécimaine XVI)
p. 218-266
Texte intégral
Brèves notes sur Bursī et son ouvrage majeur Mašāriq al-ʾanwār
1Aux viiie et ixe siècles de l’hégire / xive et xve siècles de l’ère chrétienne, la pensée ésotérique shi’ite connut un enrichissement considérable1. Cette époque compte en effet, parmi les grandes figures qui l’ont marquée, Sayyid Ḥaydar ʾĀmolī (m. vers 790/1388), artisan d’une grande synthèse entre le shi’isme et un soufisme profondément marqué par Ibn ʿArabī, ou bien Faḍlallāh ʾAstarābādī (m. 796/1394), fondateur de l’école ḥurūfiyya ou encore Ibn ʾAbī Ğumhūr al-ʾAḥsāʾī (838-906/1434-1501), maître de la synthèse entre le soufisme, la philosophie avicennienne et la théosophie shi’ite2. Ce Moyen Âge finissant a été également le temps de notre auteur al-Ḥāfiẓ Raǧab al-Bursī (vivant en 813/1410-1411). Important penseur mystique, Bursī a été introduit dans la recherche académique occidentale – une fois n’est pas coutume – par Henry Corbin, notamment grâce aux séminaires de celui-ci pendant les années 1968 à 1970 à l’École pratique des hautes études en Sorbonne3. La traduction partielle de l’opus magnum de Bursī, les Mašāriq al-ʾanwār, faite à l’occasion de ces séminaires, fut publiée de manière posthume en 1996, excellemment éditée et introduite par Pierre Lory4. Entre temps, B. Todd Lawson consacra à cet ouvrage capital une première monographie contenant d’utiles pages sur la vie et l’œuvre de Bursī (Lawson 1992). En dehors des langues occidentales, les études les plus substantielles sur notre auteur et son œuvre restent celles, en arabe, de Kāmil Muṣṭafā al-Šaybī dans ses deux ouvrages fondamentaux, injustement négligés quoique aujourd’hui quelque peu dépassés, sur les relations entre le soufisme et le shi’isme (al-Šaybī [1963-1966] 1982, t. II, p. 224-256 ; 1966, p. 254 sqq.).
2Malgré l’importance et la portée de sa pensée, la vie de Raǧab al-Bursī demeure presque inconnue ; la quasi-totalité des informations à son sujet doit être conjuguée au conditionnel, et ce malgré le nombre relativement élevé de notices consacrées à lui et ses écrits dans différentes sortes d’ouvrages prosopographiques, bibliographiques ou doctrinaux5.
3Raḍī al-Dīn Raǧab b. Muḥammad b. Raǧab al-Ḥillī al-Bursī est surtout connu grâce à son célèbre ouvrage déjà mentionné, Mašāriq al-ʾanwār ou plus précisément Mašāriq ʾanwār al-yaqīn fī ḥaqāʾiq ʾasrār ʾamīr al-muʿminīn (« les Orients des lumières de la certitude concernant les vérités des secrets du Commandeur des croyants », i.e. ʿAlī b. ʾAbī Ṭālib) qui, comme son titre l’indique, est un ouvrage consacré à la figure de ʿAlī (m. 40/661), premier imam et imam par excellence des shi’ites, considéré ici en tant qu’Homme Parfait (notamment en accord avec la pensée d’Ibn ʿArabī) et le plus haut lieu de manifestation de Dieu6. C’est dans ce livre que l’auteur s’y nomme lui-même « Raǧab al-Ḥāfiẓ » (i.e. « Raǧab le traditionniste », « Raǧab, expert en hadith »), « al-Ḥāfiẓ al-Bursī » ou encore « al-Ḥāfiẓ »7. Il serait né dans le village de Burs au cœur des terres shi’ites d’Irak, entre Ḥilla et Kūfa, autour de l’an 743/1342, peut-être dans une famille d’origine iranienne d’après al-Šaybī. Il aurait fait ses études à Ḥilla avant d’émigrer en Iran, vers 780/1378, probablement lassé des pressions de ses coreligionnaires trop « exotéristes », pour se réfugier dans le Ḫurāsān, auprès de l’éphémère État shi’ite « hétérodoxe » des Sarbedārs. Il se serait ensuite installé à Ṭūs/Mašhad auprès du mausolée du huitième imam des duodécimains, ʿAlī b. Mūsā al-Riḍā (m. 203/818), pour s’adonner totalement à une vie de piété, de méditation et d’écriture. D’après al-Ḥurr al-ʿĀmilī, Bursī aurait rédigé une première version de ses Mašāriq en 773/1371-72 et une seconde et définitive version, d’après ʾAfandī/Efendī, en 813/1410-118. Il serait donc mort après cette date, de mort naturelle. Le rapport sur son assassinat ne semble en effet nullement crédible. Sa tombe se trouverait à Ṭūs, selon la plupart de ses biographes, mais, d’après al-Ḫuwānsārī, le mausolée censé appartenir à un certain Ḥāfiẓ Raǧab à Ardestān au nord d’Isfahan en Iran central serait en fait celui de notre auteur (Rawḍāt, t. III, p. 330 ; voir al-Qummī Fawāʾid, p. 380).
4Raǧab al-Bursī est compté par Henry Corbin parmi les plus grands représentants de la gnose métaphysique shi’ite duodécimaine. Ses Mašāriq contiennent en effet de profondes spéculations théologiques, philosophiques et numérologiques sur les plus anciennes doctrines imamologiques, par un fin connaisseur des sciences occultes islamiques (notamment la science des lettres) et de divers courants soufis allant de l’école de Naǧm al-Dīn Kubrā en Orient musulman aux œuvres d’Ibn ʿArabī en Occident d’une part, du néoplatonisme islamique d’al-Fārābī et d’Avicenne à al-Suhrawardī d’autre part. Se présentant comme étant aussi éloigné des shi’ites exotéristes (ʾahl al-tafrīṭ, littéralement : « les gens de la réduction ») que des ésotéristes extrémistes (ʾahl al-ʾifrāṭ, littéralement : « les gens de la démesure », i.e. les ġulāt), Bursī se range parmi les fidèles duodécimains appartenant à « la voie médiane » (al-namṭ al-ʾawsaṭ) qu’il identifie aux gens de la Connaissance, de la gnose salvatrice (al-ʿārifūn, Mašāriq, p. 198 et 213-215). Pourtant, il est pleinement conscient que sa pensée ne sera pas tolérée par un grand nombre de musulmans, y compris des shi’ites, et qu’il sera taxé, à cause de ses écrits, d’une forme ou d’une autre d’hérésie (Mašāriq, p. 14 et 42). Sa position doctrinale explique l’attitude ambiguë d’un certain nombre d’auteurs imamites à son égard. Par exemple, ses Mašāriq sont cités et exploités, déjà quelques décennies après sa mort, par un auteur aussi important que le traditionniste et théologien Taqī al-Dīn ʾIbrāhīm al-Kafʿamī vers les années 890/1484-85 ou encore plus tard par le philosophe traditionnaliste Fayḍ Kāšānī au xie/xviie siècle9. Pourtant, il faut attendre trois siècles après sa mort pour qu’une notice bio-bibliographique lui soit consacrée, en l’occurrence par Ḥurr al-ʿĀmilī (m. 1104/1693) et ʾAfandī/Efendī al-Ǧīrānī (m. 1130/1718). Ḥurr, justement, cite assez fréquemment et avec admiration Bursī et ses écrits dans ses Ǧawāhir al-saniyya et son ʾIṯbāt al-hudāt mais n’hésite pas à souligner, dans son ʾAmal al-ʾāmil et ses Wasāʾil, que certains ont perçu dans les Mašāriq des doctrines relevant de l’extrémisme shi’ite, al-ġulūw, et que Bursī ne peut être considéré comme un transmetteur de hadiths digne de confiance (ʾAmal, t. II, p. 117 ; Wasāʾil, t. XXX, p. 159-160). Maǧlisī présente la même attitude dans ses Biḥār (t. I, p. 10 et t. XLII, p. 300-301). D’autres, en revanche, ont défendu « l’orthodoxie » shi’ite de notre auteur tout en soulignant une certaine originalité chez lui (ʾAmīnī Ġadīr, t. VII, p. 33-34 ; Burūǧirdī Ṭarāʾif, t. II, p. 162). Enfin, une autorité comme Ḫuwānsārī s’inscrit violemment en faux contre ceux qui abusent de l’accusation d’extrémisme en rejetant des doctrines qui font partie des articles de foi indispensables du shi’isme et décrit Raǧab al-Bursī avec les titres les plus gratifiants des plus grands maîtres spirituels10. En fait, les arguments techniques des experts en hadith contre la crédibilité de Bursī en tant que transmetteur de traditions, concernent surtout certains hadiths rapportés par lui, notamment dans les Mašāriq, qui ne se trouvent nulle part ailleurs ; ce qui est notamment le cas de plusieurs sermons attribués à ʿAlī, comme la ḫuṭbat al-ʾiftiḫār ou la ḫuṭbat al-taṭanǧiyya, où ce dernier déclare son identité théophanique avec Dieu11. Tout cela semble prouver encore une fois, s’il en était besoin, qu’en ce qui concerne les doctrines imamologiques fondamentales, la distinction entre un shi’isme « modéré » et un shi’isme « extrémiste » s’avère artificielle12. On a déjà signalé le grand nombre d’éditions des Mašāriq (ci-dessus note 6). L’ouvrage a eu en effet une grande et rapide popularité surtout dans les milieux mystiques et philosophiques de l’Iran shi’ite. Il en existe une monumentale paraphrase persane commentée intitulée Maṭāliʿ al-ʾasrār et composée par un certain al-Ḥasan al-Ḫaṭīb al-Kirmānī (dit également al-Sabziwārī ou encore al-Mašhadī), écrite en 1090/1680 sur ordre du souverain safavide Šāh Sulaymān13. Il en existe également un résumé inédit en persan écrit en 1286/1869 par un certain Muḥammad Zamān ʿĀrif dit « Sāqī », apparemment inconnu par ailleurs14. Enfin, il est à noter que certains manuscrits des Mašāriq semblent porter d’autres titres comme ʾAsrār al-ʾaʾimma, ʾAsrār al-ḥurūf ou Ḫafī/ʾAḫfā al-ʾasrār15.
D’autres ouvrages et le commentaire coranique al-Durr al-ṯamīn
5Le livre Mašāriq ʾanwār al-yaqīn est le seul ouvrage dont l’attribution à Raǧab al-Bursī ne semble pas poser problème. Les autres écrits qui lui sont attribués ne sont pas encore dûment identifiés ni même retrouvés pour certains. Par ailleurs, il est à noter que ceux qui sont connus comme étant plus ou moins certainement les siens sont tous en arabe16. À cet égard, les informations, fournies aussi bien par la tradition manuscrite que par les notices prosopographiques et bibliographiques, sont des plus confuses : des titres différents peuvent désigner un même livre et des écrits différents ont parfois des intitulés presque identiques. Même le nom de l’auteur est indiqué avec de grosses variantes sur les manuscrits17. Le croisement des différentes listes dressées dans les catalogues de manuscrits ou par divers bio-bibliographes de Bursī aboutit au résultat suivant, sans doute provisoire (dans l’ordre alphabétique) :
(Kitāb) al-ʾAlfayn fī waṣf sādat al-kawnayn, dont il existerait au moins un manuscrit18.
al-Durr al-ṯamīn : ce commentaire coranique centré sur la figure de ʿAlī constitue le sujet de la présente étude. J’y reviendrai plus loin.
Lawāmiʿ ʾanwār al-tamǧīd wa-ǧawāmiʿ ʾasrār al-tawḥīd (fī ʾuṣūl al-ʿaqāʾid) ; présenté par son auteur comme une introduction aux Mašāriq, cet écrit est publié dans la quasi-totalité des éditions de ce dernier ouvrage. Il contient un condensé des doctrines théologiques et mystiques de l’auteur19.
Mašāriq al-ʾamān wa-lubāb ḥaqāʾiq al-ʾīmān, dont le contenu est assez proche de celui des Mašāriq ʾanwār al-yaqīn. Il s’agit de développements ésotériques plus ou moins longs sur une sorte de miscellanées de thèmes importants du shi’isme, allant de la science des lettres aux commentaires du Coran et des hadiths, en passant par toutes sortes de sujets eschatologiques, théologiques et magiques. Une édition récente de l’ouvrage est parue au Liban20.
Tafsīr sūrat al-ʾIḫlās/al-Tawḥīd, commentaire philosophique de la sourate 112 du Coran, ne présentant aucune spécificité shi’ite. Il a été deux fois édité en Iran21.
(Risāla fī) Ziyārat (li-) ʾamīr al-muʾminīn, manifestement un traité sur la visite de la tombe de ʿAlī et les prières qu’il convient d’y réciter (selon les deux sens du terme ziyāra : visite de la tombe d’un saint et les prières effectuées pendant cette visite). ʾAfandī/Efendī al-Ǧīrānī, qui l’a apparemment eu entre les mains, déclare, à son sujet, qu’il est très long et très célèbre pour sa beauté et ses subtilités (Riyāḍ, t. II, p. 310 et p. 342 et t. XII, p. 78).
Un certain nombre de poèmes sont attribués à notre auteur. Ils sont tous au sujet de divers aspects de la sainteté des différents membres de la famille du Prophète (ʾahl al-bayt) et reflètent le véritable culte que voue notre auteur à leur égard. Ils ont été publiés à la fin de la plupart des éditions des Mašāriq22.
D’autres écrits dont on ne sait rien sont mentionnés par les sources ; on ignore même s’il en existe des manuscrits (les multiples variantes des titres ne sont pas indiquées ici) : ʾAsrār al-nabī wa-Fāṭima wa-l-ʾaʾimma, Faḍāʾil ʾamīr al-muʾminīn, Mawlid al-nabī wa-ʿAlī wa-Fāṭima, Risāla fī kayfiyyat al-tawḥīd wa-l-ṣalāt ʿalā al-rasūl wa-l-ʾaʾimma, Risāla fī al-ṣalawāt ʿalā al-nabī wa-ʾālihi al-maʿṣūmīn, al-Risālat al-muḫtaṣara fī al-tawḥīd (ces trois derniers sont-ils identiques ?)23.
6Revenons maintenant au commentaire coranique attribué à Raǧab al-Bursī et principalement connu sous le titre suivant : al-Durr al-ṯamīn fī ḫams miʾat ʾāyat nazalat fī ʾamīr al-muʾminīn, « la Perle précieuse sur 500 versets coraniques révélés au sujet du Commandeur des croyants [i.e. ʿAlī] »24. Il a été édité, de manière non critique, par ʿAlī ʿĀšūr à Beyrouth en 1424/200325. S’agit-il d’un ouvrage indépendant comme semble le prétendre ce dernier à la suite de plusieurs bio-bibliographes anciens ? Ou bien a-t-on affaire, comme le déclarent ʿAbdallāh ʾAfandī/Efendī al-Ǧīrānī et ʾĀġā Bozorg al-Ṭihrānī d’un résumé des commentaires coraniques de Bursī dans ses Mašāriq ʾanwār al-yaqīn, fait par un certain Taqī al-Dīn ʿAbdallāh al-Ḥalabī ? Il est vrai que le texte édité, loin d’être identique aux parties correspondantes des Mašāriq, présente pourtant des similitudes évidentes avec elles. Mais le même genre de remarque peut être fait au sujet des parallélismes et des ressemblances entre les Mašāriq al-ʾamān et les Mašāriq ʾanwār al-yaqīn. On peut raisonnablement penser qu’à partir des mêmes matériaux, notre auteur (ou quelqu’un se réclamant de ses idées ?) a rédigé plusieurs ouvrages plus ou moins similaires.
7Le chiffre 500 du titre semble symbolique car aucun comptage des versets abordés ne conduit en définitive à ce total. Les chapitres du livre sont consacrés à 35 sourates sur les 114 du Coran, avec la répétition de trois d’entre elles, à savoir al-Kahf, al-Nūr et al-Furqān. Cependant, à l’intérieur de chaque chapitre, beaucoup d’autres versets appartenant à d’autres sourates, sont utilisés pour corroborer les propos de l’auteur. L’objectif du livre est de révéler ce que ce dernier considère comme des mentions explicites, des allusions présumées ou des significations secrètes de ces versets concernant ʿAlī, ses relations avec Muḥammad, les membres de sa famille, ses fidèles ou ses ennemis.
8Malgré son aspect qui rappelle quelque peu un bloc-note, al-Durr al-ṯamīn appartient pleinement à un genre exégétique particulièrement important dans le shi’isme que j’ai appelé ailleurs « les commentaires personnalisés »26. Avant de traduire quelques extraits de l’ouvrage et les commenter sommairement, essayons de voir de quel genre littéraire il s’agit.
9La genèse et le développement de ce genre de commentaire coranique dans le shi’isme semblent intimement liés aux doctrines shi’ites anciennes concernant la succession du Prophète et une des conséquences majeures de celle-ci, à savoir la falsification (taḥrīf) de la version officielle du Coran qu’on appelle la vulgate ʿuṯmānienne. Selon ces doctrines, à la mort du Prophète (en l’an 11/632 selon la tradition) et à la suite d’un complot longuement préparé à l’avance, ses ennemis prirent le pouvoir. Ceux-ci, principalement menés par le clan des Omeyyades, étaient passés à l’islam, contraints et par opportunisme cynique, surtout après leur cuisante défaite à la bataille de Badr (2/624). Juste après le décès de Muḥammad, ils imposèrent à sa succession, par un véritable « coup d’État », le califat de ʾAbū Bakr et ensuite celui de ʿUmar, écartant violemment du pouvoir le seul successeur légitime du Prophète, ʿAlī, et en réprimant la sainte Famille prophétique (ʾahl al-bayt), notamment Fāṭima, fille de Muḥammad et épouse de ʿAlī. Une des premières implications de ce coup de force a été l’élaboration d’une version falsifiée du Coran et la tentative de son imposition à toute la communauté des fidèles. C’est que la version originelle intégrale du Coran, trois fois plus volumineuse que le Coran officiel étatique, mentionnait, explicitement ou allusivement, d’abord ʿAlī, comme le successeur divinement désigné de Muḥammad, et ensuite d’autres membres de la Famille prophétique, leurs vrais amis et leurs vrais ennemis. Or, ces ennemis étaient maintenant au pouvoir et une de leurs premières tâches ne pouvait être que de supprimer ou altérer les passages compromettants du Livre saint. C’est effectivement ce qu’ils firent, rendant par là même de nombreux passages du texte sacré difficilement intelligibles27.
10Le Coran est révélé en quatre quarts [ʾarbaʿat ʾarbāʿ] : un quart nous concerne [nous, les gens de la Famille prophétique], un autre quart est au sujet de nos adversaires, un troisième au sujet du licite et de l’illicite et un dernier concerne les devoirs et les préceptes28.
11Personne n’égale ʿAlī dans le livre de Dieu quant à ce qui a été révélé en son honneur29.
12Soixante-dix versets ont été révélés exclusivement au sujet de ʿAlī auxquels personne d’autre ne peut être associé30.
13Selon plusieurs traditions, le Coran originel contenait explicitement les noms de plusieurs dizaines des membres éminents de la tribu de Quraysh, ainsi que les noms de leurs pères, présentés comme les ennemis de Muḥammad31.
14Ce sont justement ces versets ou ce qui constituait leur centre de gravité, c’est-à-dire les noms des personnages historiques précis au sujet desquels ils ont été révélés, qui ont été censurés par les califes et leurs hommes, donnant au Coran cet aspect fragmentaire, souvent difficilement compréhensible : « Si on avait laissé le Coran comme il fut révélé, aurait dit l’imam Ǧaʿfar al-Ṣādiq (m. 148/765), nous y aurions trouvé nos noms [nous, les gens de la Famille prophétique] comme y sont nommés ceux qui sont venus avant nous [i.e. les personnages saints des religions antérieures]32. » Le même imam aurait également déclaré : « Si le Coran pouvait être lu comme il fut révélé, même deux personnes n’auraient divergé à son sujet. » (Sayyārī Qirāʾāt, tradition n° 8 et texte anglais, p. 58)
15Les ouvrages shi’ites, en particulier duodécimains, notamment les compilations anciennes de hadiths, à commencer par la monographie d’al-Sayyārī (première moitié du iiie/ixe s.) sur la question de la falsification, contiennent en effet de très nombreuses traditions où sont cités des passages du Coran contenant des noms des personnages historiques contemporains du Prophète, notamment ʿAlī (passages qui ne figurent donc pas dans le Coran connu de tous)33.
16L’articulation entre la Famille prophétique et le Coran est clairement exprimée dans la fameuse tradition des « Deux Objets Précieux » (ḥadīṯ al-ṯaqalayn) attribuée à Muḥammad où celui-ci dit en substance qu’il laisse derrière lui pour sa communauté deux « objets précieux » indissociables, à savoir sa famille et le livre de Dieu34. Pour les shi’ites, la trahison des adversaires de Muḥammad, qui usurpèrent les droits de ʿAlī, de Fāṭima et de leurs descendants, consistait justement en la rupture du lien unissant ces deux éléments, défigurant ainsi la mission du Prophète. Ils violentèrent en effet la Famille prophétique et falsifièrent le Livre divin. Dans une tradition remontant au Prophète et transmis par les shi’ites, celui-ci met en garde sa communauté : « […] Il vous sera demandé des comptes sur ce que vous avez fait subir aux Deux Objets Précieux que je vous laisse après moi, à savoir le livre de Dieu et ma famille. Prenez garde, quant au Livre, ne dites pas que nous l’avons altéré et falsifié [ġayyarnā wa-ḥarrafnā] et quant à ma famille, n’allez pas dire que nous l’avons abandonnée et tuée. » (Ibn Bābūya al-Ṣadūq ʾAmālī [ou Maǧālis], « majlis » 47, n° 9, p. 280) Dans une lettre attribuée à l’imam Mūsā al-Kāẓim (m. 183/799) et adressée à un disciple, on lit : « Ne cherche pas à embrasser la foi de ceux qui ne nous suivent pas [littéralement : ceux qui ne sont pas nos shi’ites »], n’aiment pas leur religion car ce sont des traîtres qui ont trahi Dieu et son Envoyé en trahissant leurs Dépôts [ʾamānāt]. Sais-tu comment ils trahirent ces saints Dépôts ? Le livre de Dieu leur était confié et ils l’ont falsifié et altéré. Leurs vrais dirigeants [i.e. ʿAlī et ses descendants] leur étaient désignés mais ils se détournèrent d’eux. » (Kulaynī Rawḍa, t. I, p. 181) Comme on l’a dit, selon les premiers écrits shi’ites, les principaux éléments censurés du Coran étaient surtout des noms de personnes, notamment ceux des membres de la famille du Prophète et leurs ennemis ; censures qui ont rendu le Coran difficilement compréhensible. D’où la nécessité de l’exégèse, de l’herméneutique. La falsification a rendu le Coran un livre ou un guide muet, silencieux (kitāb/ʾimām ṣāmit). Sa parole, son sens, lui est rendu par l’imam et son enseignement, appelé pour cette raison le Coran parlant (kitāb/Qurʾān nāṭiq) (Ayoub 1988, p. 177-198 ; Amir-Moezzi 2011, passim). Dès ses plus anciennes sources, le shi’isme se définit comme une religion herméneutique dont l’objectif est de révéler le sens caché du Coran. L’imam porte ainsi le titre du « maître » ou du « combattant de l’exégèse spirituelle » (ṣāḥib/muqātil/muǧāhid al-taʾwīl, Amir-Moezzi 2011, p. 104 sqq.). C’est la raison pour laquelle une des formes les plus anciennes d’exégèse coranique dans le shi’isme consiste en l’identification de ces personnes35. Ainsi, « le commentaire personnalisé », sans doute la plus ancienne modalité de l’exégèse ésotérique shi’ite, consiste à dévoiler le sens caché du Coran – car perdu par la falsification –, son vrai esprit recouvert par la lettre altérée, en identifiant les personnes au sujet desquelles la Parole a été révélée. Pour différents courants shi’ites, surtout dans la tradition qui va aboutir à l’imamisme duodécimain, l’importance des personnes et de leurs rôles dans l’Histoire constitue le centre de gravité de la foi ; cela ne pouvait donc pas ne pas figurer explicitement dans le texte de la Révélation. Dans une lettre à son disciple intime al-Mufaḍḍal al-Ǧuʿfī, le sixième imam Ǧaʿfar al-Ṣādiq insiste lourdement sur le fait que la véritable foi, la vraie religion consiste en la connaissance des personnes (ʾinna al-dīn huwa maʿrifat al-riǧāl), que la connaissance des personnes est la religion de Dieu (maʿrifat al-riǧāl dīn Allāh) et que ces personnes sont les amis de Dieu, notamment le Prophète, ʿAlī, les imams de sa descendance et leurs fidèles d’une part, les ennemis de Dieu, c’est-à-dire les adversaires des imams et leurs partisans, d’autre part. Le fondement de la foi consiste par conséquent à reconnaître les alliés de Dieu et leurs adversaires, c’est-à-dire les adversaires de Dieu (Ṣaffār Baṣāʾir, section 10, chapitre 21, p. 526 sqq.). Parmi les personnages ainsi identifiés, ʿAlī se taille, et de loin, la part du lion. J’y reviendrai.
17Le « commentaire personnalisé » se retrouve également chez les auteurs non shi’ites, il est vrai dans des proportions beaucoup plus réduites, et surtout dans le contexte des « circonstances de la révélation » (ʾasbāb al-nuzūl). Mais il devient très tôt un véritable genre littéraire particulièrement prisé dans le shi’isme. Citons quelques exemples dans l’ordre chronologique :
Au iiie/ixe siècle : Mā nazala min al-Qurʾān fī ʾamīr al-muʾminīn d’Ibrāhīm b. Muḥammad al-Ṯaqafī (m. 283/896), auteur du célèbre Kitāb al-ġārāt36 (Naǧāšī Riǧāl, p. 12 ; Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. XIX, p. 28) ; le Tafsīr d’al-Ḥusayn b. al-Ḥakam al-Ḥibarī (m. 286/899)37.
Au ive/xe siècle : le Tafsīr de Furāt al-Kūfī (m. vers 300/912), disciple d’al-Ḥibarī38 ; Kitāb al-tanzīl fī al-naṣṣ ʿalā ʾamīr al-muʾminīn (connu également sous d’autres titres) d’Ibn ʾAbī al-Ṯalǧ (m. 322/934 ou 325/936-937, voir Kohlberg 1992, p. 355, n° 594) ; ʾAsmāʾ ʾamīr al-muʾminīn min al-Qurʾān d’Ibn Šammūn ʾAbū ʿAbdallāh al-Kātib (m. vers 330/941-942, voir Naǧāšī Riǧāl, p. 52 ; Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. II, p. 65) ; Mā nazala fī al-ḫamsa (« Ce qui été révélé au sujet des Cinq » – i.e. les Cinq du Manteau : Muḥammad, ʿAlī, Fāṭima, al-Ḥasan et al-Ḥusayn) et Mā nazala fī ʿAlī min al-Qurʾān de ʿAbd al-ʿAzīz al-Ǧalūdī al-Baṣrī (m. 332/944, voir Naǧāšī Riǧāl, p. 180 ; Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. XIX, p. 28 et 30) ; Taʾwīl mā nazala min al-Qurʾān fī ʾahl al-bayt (avec des variantes dans ce titre) de Muḥammad b. al-ʿAbbās al-Bazzāz dit Ibn al-Ǧuḥām (vivant en 328/939-940, voir Kohlberg 1992, p. 369-371, n° 623)39 ; Mā nazala min al-Qurʾān fī ṣāḥib al-zamān (« Ce qui a été révélé dans le Coran au sujet du Maître du temps – i.e. le Mahdi ; titre avec des variantes) d’Ibn ʿAyyāš al-Ǧawharī (m. 401/1010), auteur du Muqtaḍab al-ʾaṯar (Naǧāšī Riǧāl, p. 67 ; Ibn Šahrāšūb Maʿālim al-ʿulamāʾ, p. 20 ; Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. XIX, p. 30).
Au ve/xie siècle : ʾĀy al-Qurʾān al-munazzala fī ʾamīr al-muʾminīn ʿAlī b. ʾAbī Ṭālib d’al-Šayḫ al-Mufīd (m. 413/1022, voir Kohlberg 1992, p. 132, n° 83)40 ; deux livres d’al-Ḥākim al-Ḥaskānī (m. après 470/1077-1078), à savoir Ḫaṣāʾiṣ amīr al-muʾminīn fī al-Qurʾān (voir Ibn Šahrāšūb Maʿālim, p. 78)41 et Šawāhid al-tanzīl (Kohlberg 1992, p. 330-331, n° 542)42.
Au vie /xiie siècle : Nuzūl al-Qurʾān fī šaʾn ʾamīr al-muʾminīn de Muḥammad b. Muʾmin al-Šīrāzī (dates exactes inconnues, voir Kohlberg 1992, p. 307, n° 488) ; Ḫaṣāʾiṣ al-waḥy al-mubīn fī manāqib ʾamīr al-muʾminīn d’Ibn al-Biṭrīq al-Ḥillī (m. 600/1203-1204)43.
Au viiie/xive siècle : l’ouvrage que nous examinons ici, al-Durr al-ṯamīn fī ḫams miʾat ʾāya nazalat fī ʾamīr al-muʾminīn de Bursī.
Au xe/xvie siècle : Taʾwīl al-ʾāyāt al-ẓāhira fī faḍāʾil al-ʿitrat al-ṭāhira de Šaraf al-Dīn al-ʾAstarābādī44.
Aux confins des xie/xviie et xiie/xviiie siècles : deux ouvrages de Hāšim b. Sulaymān al-Baḥrānī, al-Lawāmiʿ al-nūrāniyya fī ʾasmāʾ ʾamīr al-muʾminīn al-qurʾāniyya45 et al-Maḥaǧǧa fī mā nazala fī al-qāʾim al-ḥuǧǧa (« Large voie vers ce qui a été révélé au sujet du Qāʾim de la Preuve – i.e. le Sauveur eschatologique)46.
Au xiiie/xixe siècle : al-ʾĀyāt al-nāzila fī ḏamm al-ǧāʾirīn ʿalā ʾahl al-bayt (« Les versets révélés pour dénoncer les injustes à l’égard de la Famille prophétique ») de Ḥaydar ʿAlī al-Šīrwānī (Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. I, p. 48) ou encore al-Naṣṣ al-ǧalī fī ʾarbaʿīn ʾāya fī šaʾn ʿAlī d’al-Ḥusayn b. Bāqir al-Burūǧirdī (Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. XXIV, p. 172)47.
18Notons enfin que la rédaction de ce genre d’ouvrages continue encore de nos jours dans les milieux shi’ites, surtout duodécimains48.
Extraits annotés d’al-Durr al-ṯamīn
19Comme on va le voir dans les exemples ci-dessous, l’auteur d’al-Durr al-ṯamīn, fidèle à la longue tradition des « commentaires personnalisés », peuple le texte coranique avec différents personnages, souvent censés avoir été supprimés par les falsificateurs du texte de la Révélation, en en modifiant complètement la trame narrative et donc l’intelligibilité.
[Co. 1, al-Fātiḥa] : la Basmala [i.e. la formule : Au nom de Dieu, le Clément le Miséricordieux] « […] Il s’agit du rappel [ḏikr] de Dieu l’Unique qui comporte 19 lettres, c’est-à-dire le total des lettres des cinq silhouettes [al-ʾašbāḥ al-ḫamsa] que Dieu inscrivit avec la lumière, par son Dextre de puissance, dans le monde de la Lumière avant la Création des années et des siècles… Ils constituent l’origine de la Création et sa fin ; le secret de l’Être et son sens profond. » (al-Durr al-ṯamīn, éd. ʿĀšūr, p. 22-23)49
20Les « cinq silhouettes » sont les entités métaphysiques préexistentielles des Cinq Impeccables (maʿṣūm), les gens du Manteau (ʾahl al-kisāʾ), c’est-à-dire Muḥammad, ʿAlī, Fāṭima, al-Ḥasan et al-Ḥusayn dont le total des lettres (i.e. des consonnes) des noms est de 19 (M-Ḥ-M-D, ʿ-L-Y, F-Ā-Ṭ-M-H, Ḥ-S-N, Ḥ-S-Y-N), tout comme le nombre des lettres/consonnes de la formule bi ʾ-smi llāhi(al-)raḥmāni (al-)raḥīm. Selon la science des lettres, particulièrement prisée par Bursī, les lettres composant un nom (ʾism) contiennent l’essence de la réalité du Nommé (musammā). C’est dire que tout comme la basmala ouvre « le monde » qu’est le Coran, c’est par les Cinq Impeccables que s’ouvre l’Être. Ils sont l’alpha et l’omega ainsi que le sens ultime de la Création. Le chapitre se poursuit avec des hadiths sur la préexistence des entités lumineuses de Muḥammad et de ʿAlī lesquels sont « humains extérieurement et divins intérieurement » (ẓāhiru-humā bašariyya wa-bāṭinu-humā lāhūtiyya). Ils ont été manifestés dans des corps/temples humains (hayākil nāsūtiyya) afin que les hommes puissent supporter leur vision, car ils occupent le rang du Seigneur des deux mondes (fa-humā maqāmay rabb al-ʿālamayn) et ils sont les voiles du Créateur des créatures (ḥiǧābay ḫāliq al-ḫalāʾiq). Ainsi, les Impeccables, plus singulièrement Muḥammad et ʿAlī, sont les lieux de manifestations de Dieu, le premier représentant la dimension exotérique et le second la dimension ésotérique de la théophanie divine (Dṯ, p. 23-24)50.
[Co. 1, al-Fātiḥa, 6] : Guide-nous sur la Voie droite. « Dieu fit de ʿAlī la Voie droite [al-ṣirāṭ al-mustaqīm] au sujet de laquelle les gens tombèrent dans la divergence. ʿAlī est le Livre explicite [al-kitāb al-mubīn ; expression coranique récurrente] et la religion de Dieu [dīn Allāh] en dehors de laquelle rien n’est agréé des serviteurs. » (Dṯ, p. 28)51
[Co. 1, al-Fātiḥa, 7] : La voie de ceux que Tu as gratifiés « C’est-à-dire les descendants de Muḥammad. » non pas celle de ceux qui subissent ton courroux et celle des égarés « Cette sage sentence possède deux significations. Selon le sens exotérique [rapporté par les exégètes], les premiers désignent les juifs et les seconds les chrétiens ; mais le sens ésotérique concerne ceux qui ont eu la démarche des juifs et des chrétiens [dans notre communauté]. […] Comme l’a dit l’envoyé de Dieu au sujet de ʿAlī : “Tu vas être le centre des conflits car il y a en toi quelque chose de similaire à Jésus. Les juifs détestèrent Jésus au point de calomnier sa mère et les chrétiens exagérèrent à son égard au point de le prendre pour Dieu…” Les cibles du courroux de Dieu dans cette communauté sont ceux qui se détournent de l’amour [ḥubb] de ʿAlī ; ils sont les « métamorphosés » de cette communauté [musūḫ hāḏih al-ʾumma] et les égarés sont ceux qui exagèrent dans leur amour de ʿAlī [al-mufriṭūn]. » (Dṯ, p. 29-30)52
21L’auteur procure aux lecteurs une véritable clé exégétique pour les passages du Coran qui parlent de manière négative des juifs et des chrétiens. Ces derniers termes ne sont que des symboles, dans le sens étymologique du terme, c’est-à-dire des signes de reconnaissance des groupes particuliers de musulmans : des « sunnites » farouchement hostiles à ʿAlī et à sa famille, les nāṣibī, pl. nawāṣib, et des shi’ites exagérants, extrémistes, les ġālī, pl. ġulāt.
[Co. 2, al-Baqara, 1-4] : […] Cet Écrit que n’entache aucun doute « L’Écrit [kitāb] c’est ʿAlī, exotériquement et ésotériquement53 » est une guidance pour les pieux « C’est-à-dire pour les gens de la walāya et de la piété véridique qu’est l’amour de ʿAlī54 » ceux qui croient en l’Invisible « L’Invisible désigne trois choses : l’avènement du Résurrecteur [al-qāʾim], le jour de la Résurrection et le jour du Retour [yawm al-raǧʿa]55 » et accomplissent la prière « La prière véridique, c’est l’amour des Impeccables ; le reste n’est que métaphore. Car une prière accomplie en l’absence de leur amour et de leur souvenir n’est ni enregistrée ni agréée. La prière, c’est leur amour56 » et offrent de ce que Nous leur avons attribué « Le véritable don c’est l’enseignement que procurent les initiés sur les vertus des Descendants de Muḥammad, [i.e. les imams] [taʿlīm al-muʾminīn faḍāʾil ʾāl Muḥammad] et la présentation de leurs qualités57 » et ceux qui croient en ce qui t’a été révélé et ce qui a été révélé à ceux qui sont venus avant toi « C’est-à-dire ce qui a été révélé au sujet de ʿAlī et de la signification de ʿAlī [fī ʿAlī wa-fī maʿnā-hu]58. » (Dṯ, p. 32 sqq.)
22Toute cette séquence insiste fortement sur le fait que sans l’amour des amis ou des alliés de Dieu, des hommes et des femmes qui manifestent sur terre les noms et attributs de Dieu et accomplissent la volonté divine, sans leur walāya donc, point de véritable religion. Par ailleurs, en tant que symbole suprême de la walāya, de l’homme divin, de la déification de « l’Homme Parfait » ou de l’humanisation de Dieu, ʿAlī constitue le centre de gravité, le sens et l’objectif ultime de toutes les révélations.
[Co. 2, al-Baqara, 138 et 22] : Une onction de Dieu. Qui peut mieux oindre que Dieu ? « ʾAbū ʿAbdallāh [i.e. l’imam Ǧaʿfar al-Ṣādiq] a déclaré : “[l’onction] désigne notre walāya et l’amour à notre égard [i.e. nous les Impeccables]. Ceci est la lumière de l’initié dans ce monde et dans l’au-delà59.” […] Dieu a considéré ceux qui aiment ʿAlī comme de vrais monothéistes puisqu’Il a dit : “Ne donnez pas d’associés à Dieu.” L’associé signifie semblable. Celui qui donne à ʿAlī un associé donne en fait un égal à Dieu. Or Dieu n’a pas d’égal ; de même ʿAlī, en tant qu’allié de Dieu, n’a pas de semblable. Malheur à ceux qui le comparent à Zurayq et Ġudar [i.e. ʿUmar et ʾAbū Bakr] ; malheur à ceux qui, à la place du Guide de la Vérité, ont choisi Pharaon et Hāmān [i.e. ʾAbū Bakr et ʿUmar]. » (Dṯ, p. 53-54)60
23ʿAlī, l’allié théophanique de Dieu, ne peut être comparé à quiconque. Il est l’élu de Dieu et de Muḥammad. Ceux qui ont usurpé sa place et leurs partisans ont en fait rompu avec la vraie religion de l’unité divine, en écartant de la direction de la communauté le seul vrai initié à la religion de Muḥammad et donc son seul successeur légitime61.
[Co. 3, ʾĀl ʿImrān, 2] : Il n’y a de Dieu si ce n’est Lui, le Vivant, le Subsistant. « Cette sourate vise ʿAlī qui est le livre et le voile de Dieu, son Nom suprême menant à Lui, mystérieux, son Ordre efficace, son Symbole le plus noble, son Annonce solennelle, son Verbe le plus grandiose62. » (Dṯ, p. 59-60)
24ʿAlī est ici clairement présenté dans sa dimension théophanique divine (lāhūt), en tant que lieu de manifestation des noms de Dieu (maẓhar, maǧlā). Il est le livre de Dieu, œuvre divine qui guide vers l’Auteur, le voile qui cache et révèle en même temps, le nom suprême aux pouvoirs illimités menant au Nommé, l’Ordre divin qui régit l’univers63. Il est qualifié, comme dans la quasi-totalité des commentaires shi’ites, par des expressions coraniques telles que « l’auguste symbole » (al-maṯal al-ʾaʿlā [Co. 16, al-Naḥl, 60]), « l’annonce solennelle » (al-nabaʾ al-ʿaẓīm [Co. 78, al-Nabaʾ, 2]) et enfin « le Verbe » (al-kalima [nombreuses occurrences]) qui, très souvent, est associé à Jésus. Ces assertions audacieuses sont notamment illustrées par un certain nombre de sermons attribués à ʿAlī où celui-ci déclare, dans de longues successions d’affirmations, son identité avec Dieu, sermons qui ne sont pas sans rappeler les « propos paradoxaux » (šaṭaḥāt) des mystiques et qui sont particulièrement prisés par Bursī dans ses Mašāriq64.
[Co. 3, ʾĀl ʿImrān, 61] : [...] Venez ! Appelons nos fils et vos fils, nos épouses et vos épouses, nos personnes et les vôtres et livrons-nous à une ordalie [littéralement une imprécation réciproque] « Les fils sont al-Ḥasan et al-Ḥusayn ; par “les épouses” est désignée Fāṭima et par “personne” ʿAlī. C’est par eux que le Prophète défia ses ennemis par ordalie. Or, les fils sont les fils de ʿAlī, l’épouse est celle de ʿAlī et la personne, ʿAlī lui-même. C’est lui qui embrasse la totalité du verset de l’Ordalie [ʾāyat al-mubāhala]. C’est par lui que Dieu défie ses ennemis, qu’Il prouve la véracité de sa Parole, qu’Il rectifie ce qui est dévié dans sa Religion65. »
25Pour l’auteur, le verset de l’Ordalie ne concerne pas tant l’ensemble des Cinq du Manteau, comme le veut la quasi-totalité de la tradition exégétique musulmane aussi bien shi’ite que sunnite d’ailleurs, mais plutôt ʿAlī. Autrement dit, c’est ce dernier qui concentre en lui la sacralité de la sainte Famille prophétique.
[Co. 3, Āl ʿImrān, 106] : Le jour où certaines faces deviendront éclatantes et certaines autres ténébreuses. Quant à ceux qui auront la face noircie : « Vous avez dénié après avoir cru » « Vous avez dénié ʿAlī après avoir cru en sa walāya le jour de Ġadīr et après lui avoir prêté serment de fidélité. […] Le Prophète a déclaré au sujet de ce verset : “le jour de la Résurrection, ma communauté reviendra à la vie et s’avancera sous cinq bannières. Un premier groupe s’avancera sous la bannière du Veau (ʿiǧl ; allusion au Veau d’or biblique repris, avec d’importants écarts, par le Coran) de cette communauté [i.e. ʾAbū Bakr ou ʿUmar]. Je lui demanderai : ‘qu’avez-vous fait avec les Deux Objets Précieux [al-ṯaqalayn] que je vous avais confiés ?’ [voir ci-dessus note 34 et le texte afférent] Ils diront : ‘Quant au plus grand Objet Précieux [i.e. le Coran], nous l’avons mis en pièce et falsifié [mazzaqnā-hu wa-ḥarrafnā-hu] et le plus petit [i.e. la Famille prophétique], nous l’avons haï et pris pour ennemi.’ [voir citation d’Ibn Bābūya al-Ṣadūq « […] Il vous sera demandé des comptes sur ce que vous avez fait subir aux Deux Objets Précieux »] Je leur rétorquerai alors : ‘Éloignez-vous, partez assoiffés [allusion à la soif qui est l’épreuve caractéristique du jour de la Résurrection] et avec des faces ténébreuses.’” »
26Le dialogue continue ainsi avec le groupe des partisans du « Pharaon de cette communauté », c’est-à-dire soit ʾAbū Bakr soit ʿUmar, ceux du Samaritain de la communauté (Sāmirī ; le corrupteur des fils d’Israël dans le Coran66), c’est-à-dire soit ʿUṯmān soit Muʿāwiya, et enfin ceux des kharidjites. Ils disent tous avoir trahi le Coran, détesté et assassiné les membres de la famille de Muḥammad et ils sont renvoyés par ce dernier, terrassés par la soif et faces noircies. Et le hadith prophétique se termine ainsi :
« “Ensuite, s’avanceront vers moi les gens de la bannière du guide des pieux, du sceau des Légataires [i.e. les imams de tous les temps], du seigneur des initités [ʾimām al-muttaqīn wa-ḫātim al-waṣiyyīn wa-sayyid al-muʾminīn, i.e. ʿAlī] et je leur demanderai : ‘Qu’avez-vous fait avec les Deux Objets Précieux que je vous ai laissés après moi ?’ Ils répondront : ‘Le plus grand [le Coran], nous lui avons obéi et suivi ; quant au plus petit [la Famille prophétique], nous l’avons chéri et défendu jusqu’à notre mort’. Je leur dirai alors : ‘Désaltérez-vous en paix, avec des faces éclatantes de blancheur.’” » (Dṯ, p. 66-68)67
[Co. 4, al-Nisāʾ, 167, 168 et 170] : Ceux qui dénient et dressent des obstacles sur le chemin de Dieu « Selon Ibn ʿAbbās, le Chemin c’est ʿAlī. » Ceux qui dénient et sont injustes à l’égard des droits des descendants de Muḥammad « Selon Ibn ʿAbbās c’est ainsi que le verset a été révélé68. Puis [Dieu] identifie la walāya de ʿAlī à la Vérité [du verset suivant]. » Hommes ! L’Envoyé vous apporte la Vérité de la part de votre Seigneur. Croyez-y, mieux vaut pour vous et si vous déniez « C’est-à-dire croyez à la walāya de ʿAlī. » (Dṯ, p. 74)69
[Co. 6, al-ʾAnʿām, 160] : Qui apportera une bonne action en gagnera dix fois plus […] « La bonne action [al-ḥasana], c’est la profession de foi “pas de dieu si ce n’est Dieu”, la foi en Muḥammad et l’amour de la Famille prophétique [ḥubb ʾahl al-bayt]. Et la mauvaise action [al-sayyiʾa] c’est dénier leur walāya… D’où le hadith du Prophète : “l’amour de ʿAlī est une bonne action qu’aucune mauvaise ne pourra altérer et la haine de ʿAlī est une mauvaise action qu’aucune bonne ne pourra racheter.” » (Dṯ, p. 98)70
[Co. 7, al-ʾAʿrāf, 181] : Parmi ceux que Nous avons créés, il y a une communauté qui guide dans le vrai et se montre juste grâce au vrai « L’envoyé de Dieu a déclaré : “Ma communauté se divise en soixante-treize branches dont soixante-douze sont condamnées au Feu [de l’enfer]. Une seule parmi ces branches se dirige vers le Jardin [du paradis] et c’est celle formée par toi, ô ʿAlī, et tes fidèles [littéralement ‘tes shi’ites’ (šīʿatu-ka)], car tu n’es jamais séparé du vrai et tes fidèles jamais séparés de toi. Ils sont donc dans le vrai.” » (Dṯ, p. 99)71
[Co. 7, al-ʾAʿrāf, 143 : [Et lorsque Moïse vint à notre lieu de rencontre et que son Seigneur lui parla, Il dit :] « Mon Seigneur, fais-moi voir, que je puisse te contempler » [Dieu répondit : « Tu ne me verras point, mais regarde la montagne, si elle reste en place, alors tu pourrais me voir. »] Alors son Seigneur se manifesta [sur la montagne et Il la mit en miettes] « Le Coran déclare ainsi que l’Essence sainte de Dieu [ḏāti-hi al-muqaddasa] ne peut être objet de vision oculaire ni à la portée des pensées ; en même temps le Livre parle de la manifestation. Or, il y a manifestation lorsqu’il y a forme [hayʾa] et aspect [maṯāl]. Alors comment peut-on parler de la vision de ce qui ne peut être objet de vision ? La solution de l’énigme se trouve dans l’emploi du mot « Seigneur » [rabb] qui peut désigner des entités différentes et dont les qualificatifs sont ici sous-entendus : ce qui se manifesta [à Moïse sur la montagne] a été la lumière [nūr] de son Seigneur, la grandeur [ʿaẓama] et l’éclat [ǧalāl] de son Seigneur. Or, Muḥammad et ʿAlī représentent la Grandeur et l’Éclat. C’est pour cette raison que le Commandeur des initiés a dit : “C’est moi celui qui parla à Moïse du milieu du buisson [littéralement ‘l’arbre’ (al-šaǧara)]. Je suis cette Lumière qui se manifesta à lui […]” » (Dṯ, p. 102-103)
27Ce que perçoit Moïse dans la montagne et à travers le buisson ardent n’est pas Dieu dans son essence transcendantale mais sa face immanente manifestée à travers l’homme divin dont les symboles par excellence sont les Muḥammad et ʿAlī métaphysiques. Nous sommes ici au cœur de la théologie shi’ite de la figure de l’Imam en équilibre entre l’agnosticisme (taʿṭīl) et l’assimilationnisme (tašbīh)72. L’essence de Dieu (ḏāt) ne peut être que l’objet d’une théologie apophatique car elle est, de manière absolue, au-delà de toute compréhension, toute intelligence, toute perception. Dimension à jamais cachée de Dieu, elle est l’Inconnaissable. Mais si les choses en restaient là, aucune relation, aucune re-connaissance n’auraient été possibles entre Dieu, retranché dans son insondable abscondité, et les créatures abandonnées devant une béance métaphysique. La théologie ne serait alors qu’un agnosticisme et la foi qu’une vacance. Mais Dieu possède un autre niveau ontologique, celui de Ses noms et attributs (ʾasmāʾ wa-ṣifāt) qui, pour intervenir effectivement dans l’Être, se manifestent dans des organes théophaniques (main, face, côté, langue de Dieu), tels que mentionnés par le Coran. Il ne s’agit plus ici d’un Dieu inconnaissable mais inconnu qui aspire à être connu. Or, c’est justement pour cette raison que, loin de tout assimilationnisme faisant de Dieu un existant semblable à l’homme, ces organes sont dits être des métaphores de ce qui manifeste de la façon la plus éclatante ce qui peut être révélé en Dieu, à savoir l’Imam dans son sens cosmique, « l’Homme parfait spirituel », « le Guide de Lumière » dont Muḥammad et encore plus souvent ʿAlī sont les noms, aussi bien dans l’univers spirituel que dans le monde sensible. Cette « Guidance de Lumière », véhicule du Dieu révélé et appelée, entre autres, la walāya, est toujours présente sur terre et traverse les âges en s’incarnant dans les alliés ou les amis de Dieu (walī, pl. ʾawliyāʾ) ou en se manifestant à eux, leur permettant de connaître et de faire connaître ce qui peut être connu en Dieu. Les imams, ou plus généralement les amis de Dieu, ce sont des hommes et des femmes qui, par leur existence et leurs actes, prouvent concrètement l’existence et l’intervention de Dieu dans l’univers. D’où leur titre de « preuve de Dieu » (ḥuǧǧa, pl. ḥuǧaǧ Allāh). Sans eux, Dieu n’est qu’une abstraction, objet de pures spéculations intellectuelles ou de spiritualités théoriques.
28D’où la présence de ʿAlī, seigneur de la walāya et Imam des imams, dans un nombre infini de textes shi’ites, en tant que le lieu de manifestation par excellence des attributs divins. Il constitue ainsi le pivot autour duquel gravite une théologie de la théophanie qui se présente comme un antidote de ce que Corbin appelle le « monothéisme arithmétique », la religion d’un dieu abstrait, purement spéculatif, dont le culte ne peut être qu’illusoire (Corbin 1981, passim)73. Le shi’isme se veut la religion d’un dieu vivant, concret ; un dieu qui intervient effectivement dans la vie de tous les jours pour apporter transformation et salut pour celui qui cherche à Le connaître. Pour être aussi proche de ses fidèles, ce dieu se manifeste dans son ami, dans l’Imam, avec sa double dimension spirituelle divine (lāhūt) et matérielle humaine (nāsūt).
29Quelqu’un demanda à ʿAlī s’il pouvait voir Dieu qu’il priait. Il répondit : « Je n’adorerais pas un dieu que je ne verrais pas [mā kuntu ʾaʿbud rabban lam ʾara-hu] » et d’ajouter ensuite : « Cependant les yeux de la chair ne peuvent L’atteindre par leur regard. Ce sont les cœurs qui Le voient par les réalités de la foi. » (Kulaynī ʾUṣūl, « Kitāb al-tawḥīd », t. I, p. 131, chapitre 9, n° 6 ; Ibn Bābūya Tawḥīd, chapitre 8, n° 6, p. 109) On sait maintenant que cette face de Dieu, celle qui s’est manifestée à Moïse, est l’Imam, le ʿAlī de lumière, qui s’incarne dans « l’Ami divin » terrestre pour le transformer en modèle spirituel et horizon mystique du fidèle.
Un disciple dit à l’imam Ǧaʿfar al-Ṣādiq : « Informe-moi si, au jour de la Résurrection, les fidèles initiés (muʾminūn) pourraient voir Dieu. » Ǧaʿfar répondit : « Oui, mais ils l’ont déjà vu bien avant l’avènement de ce Jour… lorsque Dieu leur demanda : “Ne suis-pas votre Seigneur et ils répondirent certes” [Co. 7, al-ʾAʿrāf, 172] ». Le disciple rapporte qu’ensuite son maître resta silencieux pendant un long moment puis déclara : « Les fidèles initiés Le voient déjà dans ce monde-ci avant le jour de la Résurrection. Ne Le vois-tu pas toi-même en ce moment précis [devant toi, en ma personne] [ʾa-lasta tarā-hu fī waqti-ka hāḏā] ? » Le disciple : « Puissé-je te servir de rançon, est-ce que je peux rapporter cet enseignement sous ton autorité ? » Ǧaʿfar : « Non, car un négateur, ignorant le sens profond de ces mots, l’utilisera pour nous accuser d’assimilationisme et d’infidélité ; la vision par le cœur n’est pas semblable à la vision oculaire. » (Ibn Bābūya Tawḥīd, chapitre 8, n° 20, p. 117)74
Le message des « commentaires personnalisés »
30Y a-t-il un enseignement secret contenu dans les « commentaires personnalisés » en général et dans le Durr al-ṯamīn attribué à Bursī plus singulièrement ? Existe-t-il un « message subliminal » que les auteurs de ce genre littéraire tentaient d’insinuer aux fidèles ?
31Il est évident que les personnages, positifs ou négatifs, directement visés, voire explicitement cités par la Parole divine (selon les tenants de la thèse de la falsification), acquièrent, aux yeux des fidèles, une dimension paradigmatique, emblématique, polarisée respectivement de manière positive ou négative. Lorsque Dieu daigne parler des membres de la sainte famille du Prophète, de leurs amis ou de leurs adversaires, toutes ces personnes deviennent les protagonistes d’une histoire sainte de portée universelle : les acteurs du combat cosmique entre le Bien et le Mal. Les personnages historiques se hissent ainsi au niveau de symboles marquant ce champ de bataille qu’est l’Histoire. Ils répètent et réactualisent, comme ne cesse de le rappeler d’ailleurs le Coran, le combat qu’ont dû mener tous les prophètes et saints du passé contre l’injustice et l’ignorance de leurs adversaires. Or, la lettre du Coran (tanzīl), tout au moins dans sa version connue de tous, ne permet pas la pleine compréhension de cette vérité fondamentale. C’est l’herméneutique (taʾwīl) de l’imam qui permet sa perception. Forces du Bien et forces du Mal d’une part, la lettre et l’esprit du Livre d’autre part, ces deux conceptions doctrinales fondant la littérature de « l’exégèse personnalisée » semblent marquer le passage vers une évolution religieuse capitale : la première forme, encore élémentaire, de ce que j’ai appelé ailleurs la double vision du monde caractéristique du shi’isme, la vision dualiste et la vision duelle, distinctes et néanmoins indissociables et complémentaires (Amir-Moezzi et Jambet 2014 (2004), p. 27-40 ; Amir-Moezzi 2011, chapitre 3).
32À cette étape, la première vision semble se résumer à une conception dualiste de l’humanité. Selon celle-ci, l’univers est un vaste champ de combat où s’affrontent, tout le long de la Création, les gens du Bien et ceux du Mal, autrement dit les différents alliés de Dieu (walī, pl. ʾawliyāʾ, i.e. prophètes, imams, saints de tous les temps) et leurs fidèles d’une part, leurs adversaires et les partisans de ces derniers d’autre part. Adam et ʾIblīs, Abraham et Nemrod, Moïse et Pharaon, Muḥammad et ʿAlī et ʾAbū Bakr et ʿUmar sont les protagonistes de la longue histoire de ce combat. Ce dualisme se développe autour d’une « théorie des opposés » (ḍidd, pl. ʾaḍdād) illustrée par des « couples » fondamentaux comme Imam/ennemi de l’Imam (ʿadūw al-ʾimām), gens de la droite / gens de la gauche (ʾaṣḥāb al-yamīn / ʾaṣḥāb al-šimāl), guides de la Lumière / guides de l’Obscurité (ʾaʾimmat al-nūr / ʾaʾimmat al-ẓalām) ou encore walāya/barāʾa, c’est-à-dire l’amour sacré à l’égard des alliés de Dieu et la dissociation sacrée à l’égard de leurs ennemis (Amir-Moezzi 1998). Les adversaires de la walāya, les puissances ténébreuses visées par la barāʾa, ne sont pas forcément des païens et des incroyants. Les israélites qui trahirent Moïse en se vouant au culte du Veau d’Or, ou encore les compagnons du Prophète qui le trahirent en rejetant ʿAlī, le seul successeur désigné de ce dernier, ne sont pas des non-israélites ou des non-musulmans, mais ceux qui refusent le message essentiel du fondateur de la religion, ce que le shi’isme appelle la walāya, l’amour et l’autorité de l’allié de Dieu en tant qu’être théophanique. Ces ignorants vident ainsi la religion de ce qu’elle a de plus profond et la transforment en un instrument de pouvoir et de violence. En effet, dans la période islamique, les adversaires, les ennemis (ʿadūw, pl. ʾaʿdāʾ), sont ceux qui rejetèrent la walāya de ʿAlī et, par la suite, celle des imams de sa descendance. Il s’agit en l’occurrence de la quasi-totalité des compagnons du Prophète, en particulier les trois premiers califes, les Omeyyades, les Abbassides et d’une façon générale ceux que les shi’ites appellent « la majorité » (al-ʾakṯar) ou « la masse » (al-ʿāmma), c’est-à-dire ceux que l’on finira par appeler « les sunnites »75.
33Cette conception dualiste, très ancienne dans les milieux alides, appelés progressivement les shi’ites, est bien entendu véhiculée par les « commentaires personnalisés » dont celui de Bursī, héritier d’une longue tradition textuelle dont la constante doctrinale et les procédés narratifs à travers les siècles sont remarquablement cohérents. Comme on l’a vu, les sentences et concepts négatifs du texte coranique sont quasi systématiquement reliés aux adversaires, réels ou idéologiquement supposés, de Muḥammad et de ʿAlī, tout comme les discours et notions positifs sont associés, dans la quasi-totalité des cas, à ʿAlī, les membres de sa famille ou ses adeptes. L’une des couches ésotériques de ce genre de commentaire coranique consiste donc à justifier et à maintenir la conception dualiste de l’humanité dans l’esprit des fidèles en l’inscrivant dans la trame même du Livre saint.
34Or, une autre couche semble jouer exactement le même rôle à l’égard de la seconde conception : la conception duelle de la parole de Dieu. Selon celle-ci, la Révélation est composée de deux niveaux : la lettre, sa dimension obvie, littérale, exotérique, et l’esprit, sa dimension cachée, secrète, ésotérique. Les prophètes législateurs, les envoyés (nabī, pl. ʾanbiyāʾ ou plus souvent rasūl, pl. rusul), sont les porteurs de la lettre de la Parole divine destinée à une majorité de fidèles, alors que leurs imams sont les messagers de l’esprit de la même parole, enseigné à une minorité d’initiés. Cette dialectique, fondée sur les couples complémentaires du Prophète et de l’Imam, de la nubūwa (statut de la prophétie) et de la walāya (statut de l’Alliance divine, de l’imamat), de la lettre de la révélation et son herméneutique spirituelle (tanzīl/taʾwīl), se trouve au centre d’une vision duelle de l’Écriture sainte selon laquelle toute Parole divine comporte au moins deux niveaux : un niveau manifeste, exotérique (ẓāhir) lequel cache un niveau secret et ésotérique (bāṭin), le caché donnant sens à l’apparent. Comme on vient de le voir, depuis les plus anciens ouvrages exégétiques shi’ites, les tafsīr-s personnalisés – et l’ouvrage attribué à Bursī appartient à cette tradition – l’essentiel de l’ésotérique du Coran réside dans l’identification des personnages historiques auxquels le texte révélé fait explicitement ou implicitement allusion.
35À cet égard, on pourrait émettre une autre hypothèse aussi : il se peut que cette conception duelle de la Parole divine ait été une conséquence de la croyance en la falsification et la censure du Coran. Le texte originel, intégral de celui-ci, contenant les noms de la totalité des protagonistes conservés aux endroits originels de la Révélation, était assez clair pour ne pas avoir besoin de commentaire. Rappelons-nous la tradition déjà citée de Ǧaʿfar al-Ṣādiq : « Si le Coran pouvait être lu comme il fut révélé, même deux personnes n’auraient divergé à son sujet. » (Sayyārī Qirāʾāt, tradition n° 8 et texte anglais, p. 58) À cette étape, la lettre et l’esprit n’étaient pas séparés et ils n’existaient donc pas en tant que tels : la lettre était l’esprit et l’esprit la lettre. La clarté de la lettre et l’éclat de l’esprit constituaient une même et unique lumière, perceptible par tous. C’est la falsification qui rompt cette unité du texte et rend le commentaire nécessaire. La conception duelle de l’Écriture, faisant du hadith le commentaire du Coran, serait ainsi consécutive à la thèse de la falsification. On peut raisonnablement penser que les deux points de vue – à savoir le Coran rendu inintelligible par la falsification (conception probablement plus ancienne) et donc ayant besoin d’herméneutique et le caractère énigmatique intrinsèque du Coran nécessitant organiquement l’herméneutique – circulaient tous les deux et dans une large mesure dans les milieux shi’ites du iiie/ixe siècle ; on peut même raisonnablement penser que la popularité de ces points de vue était le résultat de leur ancienneté. Cependant, avec le temps et la marginalisation progressive de la thèse de la falsification à partir de l’époque buwayhide, le premier point de vue sera peu à peu écarté et deviendra minoritaire76. Il est à noter que dans ce contexte doctrinal, la figure de ʿAlī, émergeant dans un nombre impressionnant de versets, dépasse le personnage historique pour symboliser aussi bien la figure de l’Imam par excellence, représentant souverainement tous les guides de tous les temps, que la nature et la fonction de ceux-ci, à savoir l’Alliance divine (walāya).
36Nous avons déjà vu quelle relation organique relie la Révélation à la figure de l’Imam qui, messager de l’esprit, est la langue du Livre sans laquelle celui-ci reste « muet ». Sans l’explication de l’Imam, l’Écriture sainte ne demeure que lettre close puisqu’inintelligible et par conséquent inapplicable. ʿAlī est le symbole de ce « maître de l’herméneutique » (ṣāḥib al-taʾwīl) qu’est le walī/Imam, conception que viennent illustrer d’innombrables traditions. De plus, le premier imam des shi’ites est également le symbole suprême et la personnification de la walāya, notion qui, avec le temps, prendra de plus en plus de densité77.
37Les deux conceptions sont ainsi intimement liées. L’Écriture possède un niveau caché. La révélation de ce niveau met en lumière le combat entre le Bien et le Mal en identifiant les personnages antagonistes, les alliés de Dieu et leurs ennemis. Ainsi, une nouvelle relation est établie entre l’exégèse coranique, le hadith, l’éthique et la théologie. Ici, il est utile de rappeler une évidence : l’islam est né et s’est développé dans la violence, dans une ambiance multiséculaire de guerres civiles. Les premières réflexions théologiques en islam sont par conséquent nées dans cette ambiance. Les interminables discussions entre shi’ites, murji’ites, qadarites, muʿtazilites, jabrites, etc. tournent principalement autour de questions aussi vitales que les suivantes : pourquoi nous battons-nous sans cesse entre nous ? Qu’est-ce qui se trouve à l’origine de ces violences : volonté divine ou actes des hommes ? Qu’est-ce que c’est qu’une autorité légitime ? Celle-ci tire-t-elle son origine du vouloir de Dieu ou bien du choix des hommes ? Autrement dit : déterminisme ou libre-arbitre ? Qui est le guide juste ou le dirigeant injuste ? Qui est croyant et qui est incroyant ? Quels sont les critères de la véritable foi, de l’apostasie, de l’incroyance ? Quelles sont les solutions à ces problèmes, etc.78 ? La pensée doctrinale shi’ite prend forme dans la même ambiance et ses réponses à ce genre de questions sont fondées dans sa perception des événements historiques des débuts de l’islam et ses implications : trahison à l’égard du prophète Muḥammad et son message, conspiration contre son successeur ʿAlī, défiguration de sa religion et falsification de son Livre rendu ainsi insaisissable dans sa lettre, nécessité de l’herméneutique comme moyen d’atteindre l’esprit et donc l’intelligibilité du texte révélé.
Bibliographie
Ouvrages édités de Bursī (ou attribués à lui)
Bursī = Raḍī al-Dīn Raǧab b. Muḥammad b. Raǧab al-Ḥillī al-Bursī
al-ʾAšʿār, publiés à la fin de la quasi-totalité des éditions des Mašāriq ʾanwār al-yaqīn.
Dṯ = al-Durr al-ṯamīn fī ḫams miʾat ʾāya nazalat fī ʾamīr al-muʾminīn, éd. ʿA. ʿĀšūr, Beyrouth, Muʾassasat al-ʾaʿlamī li-l-matbūʿāt, 1424/2003.
Lawāmiʿ ʾanwār al-tamǧīd wa-ǧawāmiʿ ʾasrār al-tawḥīd, édité comme l’introduction des Mašāriq ʾanwār al-yaqīn.
Mašāriq al-ʾamān wa-lubāb ḥaqāʾiq al-ʾīmān, éd. ʿAbd al-Rasūl Zayn al-Dīn, Beyrouth, Dār al-maḥaǧǧa al-bayḍāʾ, 1430/2009.
Mašāriq = Mašāriq ʾanwār al-yaqīn, s.e., Beyrouth, s.l., 1379/1959.
Mašāriq, éd. ʿA. ʿĀšūr, Beyrouth, Muʾassasat al-ʾaʿlamī li-l-matbūʿāt, 1419/1999.
Mašāriq, éd. ʿAbd al-Ġaffār ʾAšraf al-Māzandarānī, Qom, al-Maktaba al-ḥaydariyya, 1426/2005 (il existe de très nombreuses autres éditions).
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Tafsīr sūrat al-ʾIḫlāṣ/al-Tawḥīd, éd. M. Ḥ. Derāyatī, dans la revue Āfāq-e nūr, 2 (Pāyīz va zemestān-e 1384 solaire [ = automne-hiver 2006]), p. 25-34.
Voir infra Corbin 1996.
Sources
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Ḥurr al-ʿĀmilī, ʾIṯbāt = Muḥammad al-Ḥasan al-Ḥurr al-ʿĀmilī, ʾIṯbāt al-hudāt bi-l-nuṣūṣ wa-l-muʿǧizāt, s.e., Qom, s.n., 1378-79/1958-59.
Ḥurr al-ʿĀmilī, Ǧawāhir = Muḥammad al-Ḥasan al-Ḥurr al-ʿĀmilī, al-Ǧawāhir al-saniyya fī al-ʾaḥādīṯ al-qudsiyya, s.e., Qom, s.n.n.d.
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Ḫuwānsārī, Rawḍāt = Muḥammad Bāqir b. Zayn al-ʿĀbidīn al-Ḫuwānsārī, Rawḍāt al-ǧannāt fī ʾaḥwāl al-ʿulamāʾ wa-l-sādāt, s.e., Beyrouth, s.n., 1411/1991 (rééd. de Téhéran, 1970-1972).
Ibn Bābūya al-Ṣadūq, ʾAmālī = Muḥammad b. ʿAlī b. al-Ḥusayn b. Mūsā b. Bābūya al-Qummī al-maʿrūf bi-l-Ṣadūq, ʾAmālī (ou Mağālis), éd. M. B. Kamareʾī, Téhéran, s.n., 1404/1984.
Ibn Bābūya al-Ṣadūq, Kamāl al-Dīn = Muḥammad b. ʿAlī b. al-Ḥusayn b. Mūsā b. Bābūya al-Qummī al-maʿrūf bi-l-Ṣadūq, Kamāl al-Dīn wa-tamām al-niʿma, éd. ʿA. ʾA. Ġaffārī, Qom, s.n., réimp. 1405/1985.
Ibn Bābūya al-Ṣadūq, Tawḥīd = Muḥammad b. ʿAlī b. al-Ḥusayn b. Mūsā b. Bābūya al-Qummī al-maʿrūf bi-l-Ṣadūq, Kitāb al-Tawḥīd, éd. al-Ḥusaynī al-Ṭihrānī, Téhéran, s.n., 1398/1978.
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Ibn Šāḏān, Miʾat = Muḥammad b. ʾAḥmad b. ʿAlī b. al-Ḥasan Ibn Šāḏān, Miʾat manqaba, éd. N. R. ʿUlwān, Qom, s.n., 1413/1993.
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Kafʿamī, Maqām = Taqī al-Dīn ʾIbrāhīm b. ʿAlī al-Kafʿamī, al-Maqām al-ʾasnā fī tafsīr al-ʾasmāʾ al-ḥusnā, s.e. Qom, s.n., 1412/1992.
Kafʿamī, Miṣbāḥ = Taqī al-Dīn ʾIbrāhīm b. ʿAlī al-Kafʿamī, al-Miṣbāḥ, s.e., Téhéran, s.n., 1321/1903.
Kantūrī, Kašf = ʾIʿǧāz Ḥusayn Kantūrī, Kašf al-ḥuǧub wa-l-ʾastār ʿan ʾasmāʾ al-kutub wa-l-ʾasfār, s.e., Qom, s.n., 1409/1988.
Kantūrī, Kitāb Allāh wa-ʾahl al-bayt fī ḥadīṯ al-ṯaqalayn, s.e., Qom, s.n., réimp. 1388/2009.
Kulaynī, Rawḍa = ʾAbū Ǧaʿfar Muḥammad b. Yaʿqūb b. ʾIsḥāq al-Kulaynī, al-Rawḍa min al-Kāfī, éd. et traduction persane par H. Rasūlī Maḥallātī, Téhéran, s.n., 1386/1966.
Kulaynī, ʾUṣūl = ʾAbū Ǧaʿfar Muḥammad b. Yaʿqūb b. ʾIsḥāq al-Kulaynī, al-ʾUṣūl min al-Kāfī, éd. Ǧ. Muṣṭafawī, Téhéran, 4 vol. , s.d., avec traduction persane (le 4e vol. traduit par H. Rasūlī Maḥallātī date de 1386/1966).
Maǧlisī, Biḥār = Muḥammad Bāqir al-Maǧlisī, Biḥār al-ʾanwār, s.e., Téhéran/Qom, s.n., 1376-1392/1956-1972.
Maʿṣūm, Ṭarāʾiq = ʿAlī Šāh Maʿṣūm, Ṭarāʾiq al-ḥaqāʾiq, éd. M. Ǧ.Maḥǧūb, Téhéran, s.n., 1345 solaire/1967.
Mudarris, Rayḥāna = Muḥammad ʿAlī Mudarris, Rayḥānat al-ʾadab, s.e., Téhéran, s.n., 1967-1970.
Naǧāšī, Riǧāl = ʾAbū al-ʿAbbās ʾAḥmad b. ʿAlī b. ʾAḥmad b. al-ʿAbbās al-Naǧāšī, Kitāb al-Riğāl, éd. M. al-Šubayrī al-Zanǧānī, Qom, s.n., 1407/1987.
Nuʿmānī, Ġayba = Muḥammad b. ʾIbrāhīm b. Ğaʿfar al-Nuʿmānī, Kitāb al-Ġayba, éd. ʿA. ʾA. Ġaffārī, Téhéran, s.n., 1397/1977.
Qummī, Tafsīr = ʿAlī b. ʾIbrāhīm al-Qummī, Tafsīr al-Qummī, éd. Ṭ. al-Mūsawī al-Ǧazāʾirī, Beyrouth, s.n., réimp. 1411/1991.
Qummī, Fawāʾid = al-Šayḫ ʿAbbās al-Qummī, al-Fawāʾid al-riḍawiyya fī ʾaḥwāl ʿulamāʾ al-maḏhab al-ğaʿfariyya, s.e., Téhéran, s.n., 1327 solaire/1949.
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Qundūzī, Yanābīʿ = Sulaymān b. ʾIbrāhīm al-Qundūzī, Yanābīʿ al-mawadda, s.e., Najaf, s.n., 1384/1965.
Sayyārī, Qirāʾāt = ʾAḥmad b. Muḥammad al-Sayyārī, Kitāb al-Qirāʾāt, voir ci-dessous E. Kohlberg et M.-A. Amir-Moezzi (2009).
Ṣaffār, Baṣāʾir = Muḥammad b. al-Ḥasan al-Ṣaffār al-Qummī, Baṣāʾir al-daraǧāt al-kubrā fī faḍāʾil ʾĀl Muḥammad, éd. M. Mīrzā Kūčebāġī, Tabriz, s.n.n.d. (vers 1960).
Ṭihrānī, Ḏarīʿa = ʾĀġā Bozorg al-Ṭihrānī, al-Ḏarīʿa ʾilā taṣānīf al-šīʿa, s.e., Téhéran/Najaf, s.n., 1353-1398/1934-1978.
Études
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Fihrist-e nusḫa hā-ye ḫaṭṭī-ye ketābḫāne-ye… āyatollāh Marʿašī, S. M. Marʿāšī (dir.), Qom, Marʿašī, 1411/1991.
Fihrist-e ketābḫāne-ye markazī-ye dānešgāh-e Tehrān, vol. 1-2, éd. ʿA. N. Munzawī, Téhéran, Astān-e Quds, 1330-1332 solaire/1951-1953 ; vol. 3-18, éd. M. T. Dāneshpažūh, Téhéran, Dāneshgāh-e Tehrān, 1332-1364 solaire/1953-1985.
Fihrist-e nusaǧ-e ḫaṭṭī-ye… ketābḫāne-ye mellī, éd. ʿA. N. Munzawī, Téhéran, Ketābḫāne-ye Mellī, 1348-1353 solaire/1969-1974.
Notes de bas de page
1 Cet article est le seizième d’une série consacrée à l’imamologie duodécimaine. Les dix premiers sont réunis maintenant dans Amir-Moezzi 2006a, La Religion discrète, chapitres 3 et 5 à 14 ; les suivants se trouvent en bibliographie. Les références de cet article renvoient systématiquement à cet ouvrage.
2 Sur Ḥaydar ʾĀmolī, voir par exemple Corbin 1972b et 1980 ; Antes 1971 ; Kohlberg 1989 ; Ḥamiyya 1425/2004. Sur Faḍlallāh ʾAstarābādī voir maintenant Bashir 2005 ; Mir-Kasimov 2015. Sur Ibn ʾAbī Ǧumhūr voir par exemple Madelung (1978) 1985 ; Schmidtke 2000 et 2009.
3 Voir maintenant Corbin 1980, p. 104-107 et p. 111-118.
4 Rajab Borsi, Les Orients des Lumières (voir Corbin 1996).
5 Par exemple (par ordre alphabétique) ʾAfandī/Efendī al-Ǧīrānī Riyāḍ, t. II, p. 304 sqq. (la notice la plus fournie) ; ʾAmīn ʾAʿyān, t. XXXI, p. 193 sqq. ; ʾAmīnī Ġadīr, t. VI, p. 33 sqq. et t. VII, p. 50 sqq. et index s.n. ; Baḥrānī Ḥilyat, surtout t. II, p. 128 sqq., etc. (lorsque toutes les pages ne sont pas indiquées, se référer à la table des matières ou à l’index de l’ouvrage sub Bursī ou Mašāriq) ; Id. Madīna, t. I, p. 228, 230, et 253 ; Burūǧirdī Ṭarāʾif ; Daylamī ʾIršād ; Fayḍ al-Kāšānī Kalimāt ; Ḥasanī Mawḍūʿāt, p. 293 sq. ; Ḥurr al-ʿĀmilī ʾAmal, t. II, p. 44 et 117 sqq. ; Id. ʾIṯbāt ; Id. Ǧawāhir, p. 30, 195, 526 sqq. ; Id. Wasāʾil ; Ǧazāʾirī ʾAnwār ; Kafʿamī Maqām ; Id. Miṣbāḥ, p. 46, 78, 91 sqq. ; Kantūrī Kašf, p. 479 sqq. ; Ḫuwānsārī Rawḍāt, t. III, p. 327-345 ; Ḫāqānī, Šuʿarāʾ al-ḥilla ; Maǧlisī Biḥār, surtout « al-Madḫal », t. I, p. 10 sqq. ; Maʿṣūm Ṭarāʾiq, t. II, p. 114 sq. ; Mudarris Rayḥānat, t. II, p. 11 ; Qummī Fawāʾid, p. 178 sqq. ; Id. Kunā, t. II, p. 305 sqq. ; Ṭihrānī Ḏarīʿa (plusieurs notices rédigées sous les différents titres des ouvrages de notre auteur). Je vais essayer de faire la synthèse la plus brève des informations fournies par ces sources tout en complétant, sur certains points, les recherches modernes déjà mentionnées sur Bursī.
6 À ce sujet voir les études de Corbin et de Lawson déjà citées, notamment dans les notes 3 et 4. Depuis la fin du xixe siècle, le livre a été édité des dizaines de fois, notamment en Inde, en Iran et au Liban. Les dernières éditions sont celles faites par ʿAlī ʿĀšūr (Beyrouth, 1419/1999) et par ʿAbd al-Ġaffār ʾAšraf al-Māzandarānī (Qom, 1426/2005). J’utilise, ici, l’édition de Beyrouth parue en 1379/1959.
7 Bursī, Mašāriq, p. 5 et 14 et dans les poèmes de l’auteur, édités en annexe, p. 240, 246 et 247.
8 Respectivement : ʾAmal, t. II, p. 117 et Riyāḍ, t. II, p. 307. Il est cependant à noter que dans le Fihrist-e nusḫa hā-ye ḫaṭṭī-ye ketābḫāne-ye markazī-ye dānešgāh-e Tehrān (nombreuses éditions), vol. 12, le manuscrit n° 2598 des Mašāriq, considéré (à tort ?) comme étant un autographe, est daté de 815 de l’hégire. Voir al-Šaybī 1966, p. 258 et notes, qui parle d’un manuscrit autographe datant de 768/1367, écrit sous le règne du dernier souverain sarbedār, ʿAlī al-Muʾayyad.
9 Nombreuses citations dans Miṣbāḥ et Maqām du premier et dans les Kalimāt du second.
10 Rawḍāt, t. III, p. 337 sqq. : al-mawlā al-ʿālim… al-muršid al-kāmil… al-quṭb al-wāqif… al-ʿārif al-qudsī… (« le grand maître sage… le guide spirituel parfait… le pôle solidement établi… le gnostique saint… » ; passage cité également par Lawson 1992, p. 263, note 8).
11 Sur ces sermons de ʿAlī et leur ancienneté, tout au moins pour ce qui est leur contenu, voir Amir-Moezzi 1996.
12 J’ai examiné cette question selon plusieurs perspectives et dans différentes publications ; voir par exemple Amir-Moezzi (2007 [1992]), index s.v. ghâlî, ghulât, ghuluww ; 2006, index s.v. ghuluww ; 2011, index s.v. ghuluww.
13 Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. IX/2, p. 660 ; t. XIV, p. 65 ; t. XXI, p. 141. Corbin cite à plusieurs reprises cet auteur – qu’il appelle al-Ḥasan al-Ḫaṭīb al-Qāriʾ al-Mašhadī – et son ouvrage resté à l’état de manuscrit (Corbin 1993, séminaires EPHE des années 1968-1969 et 1969-1970 et Corbin 1972, vol. 4, p. 212).
14 Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. VII, p. 233. Le même Ṭihrānī signale une qaṣīda d’un certain Sinǧārī dans l’éloge des Mašāriq de Bursī (Ḏarīʿa, t. IX/2, p. 472).
15 Fihrist-e nusaḫ-e ḫaṭṭī-ye… ketābḫāne-ye mellī (nombreuses éditions), vol. 9, p. 496 ; Fihrist… ketābḫāne-ye āyatollāh Marʿašī (nombreuses éditions), vol. 16, p. 159.
16 Sauf peut-être un traité en persan attribué à Bursī et intitulé Risālat al-Lamʿa ou Lamʿa-ye kāšif (notamment sur les secrets ésotériques des noms divins et des lettres) ; voir Ḏarīʿa, vol. 18, p. 354 et Kaḥḥāla, Muʿǧam al-muʾallifīn, vol. 4, p. 153.
17 De ce point de vue, les hésitations du grand savant allemand Carl Brockelmann dans son célèbre Geschichte der arabischen Literatur (1943-1949) sont significatives. Notre auteur y est en effet nommé sous trois formes différentes : Bursī (GAL, suppl. 2, p. 204), Birsī (GAL, suppl. 3/2, p. 1266) et Brussawī (GAL, suppl. 2, p. 660).
18 Maǧlisī a eu à sa disposition un exemplaire de cet ouvrage (Biḥār, t. I, p. 10) ; voir aussi Ṭihrānī Ḏarīʿā, t. II, p. 299 et GAL, suppl. 2, p. 204.
19 Sur le rapport entre ce texte et les Mašāriq ʾanwār al-yaqīn, voir Kantūrī, Kašf, p. 481 et Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. XVIII, p. 362. Dans l’édition que j’utilise (Beyrouth, 1379/1959), l’ouvrage occupe les pages 5 à 13.
20 Par ʿAbd al-Rasūl Zayn al-Dīn, Beyrouth, 1430/2009. Selon ʾAfandī/Efendī (Riyāḍ, t. II, p. 305), il s’agit d’un des derniers ouvrages de Bursī ; voir Kantūrī Kašf, p. 521. On ne sait pourquoi, malgré la pluralité des manuscrits de l’ouvrage (voir Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. XXI, p. 33 ; Fihrist… Marʿašī, t. V, p. 163), l’édition a été effectuée sur la base d’un seul et très tardif manuscrit.
21 Respectivement par Ḥasan Ḥasanzādeh ʾĀmolī, Waḥdat az dīdgāh-e ʿārif va ḥakīm, « Annexe » ; et par Muhammad Ḥusayn Derāyatī, dans la revue Āfāq-e nūr, 2, p. 25-34 (le second éditeur ignore apparemment la première parution). Aucune des deux éditions n’est critique.
22 Mašāriq, p. 225-247 ; voir aussi Daylamī ʾIršād, p. 446 ; Qummī Kunā, t. II, p. 306 (le taḫmīs de Faḫr al-Dīn al-ʾAḥsāʾī sur un poème de Bursī) ; ʾAmīnī Ġadīr, t. VII, p. 33 sqq. ; Ḫāqānī (1951, t. II, p. 371-379).
23 Voir par exemple ʾAfandī/Efendī Riyāḍ, t. II, p. 305 et p. 307-308 ; Ḥurr al-ʿĀmilī ʾAmal, t. II, p. 117 ; Fihrist… Āstān-e Quds (nombreuses éditions), t. XI, p. 682.
24 Variantes les plus fréquentes : al-Durr al-ṯamīn fī ḏikr ḫams miʾat ʾāyat nazalat fī mawlā-nā ʾamīr al-muʾminīn (bi-ittifāq ʾakṯar al-mufassirīn min ʾahl al-dīn) et al-Durr al-ṯamīn fī ʾasrār al-ʾanzaʿ al-baṭīn ; voir par exemple ʾAfandī/Efendī Riyāḍ, t. II, p. 306 ; Ṭihrānī Ḏarīʿa, t. VIII, p. 64. Sur al-ʾanzaʿ al-baṭīn (« le chauve ventru ») comme qualificatifs de ʿAlī voir Naǧāḥ Ṭāʾī, Šamāʾil-e amīr al-muʾminīn, p. 36-37 et 53 sqq. (ouvrage apologétique mais qui s’appuie sur un grand nombre de sources dont certaines très anciennes).
25 L’ouvrage occupe les pages 19-219 du volume et est suivi (p. 224-317) de la reproduction d’un chapitre des ʾUṣūl min al-Kāfī de Kulaynī concernant la mention de ʿAlī et d’autres membres de la famille de Muḥammad ainsi que celle de leur walāya dans le Coran (Bāb fī-hi nukat wa-nutaf min al-tanzīl fī al-walāya). La question touche évidemment la question shi’ite du « Coran intégral originel » et la version falsifiée de la vulgate ʿuṯmānienne. Sur ce chapitre de Kulaynī, ainsi que d’autres textes similaires, voir maintenant Amir-Moezzi 2014b.
26 Amir-Moezzi (2009, p. 3-23). Repris et développé dans Le Coran silencieux et le Coran parlant (Amir-Moezzi 2011, p. 118 sqq.).
27 Sur ces sujets, voir maintenant Kohlberg et Amir-Moezzi 2009 et Amir-Moezzi 2011, passim.
28 Tradition attribuée souvent à ʿAlī mais aussi au Prophète ; voir Ḥibarī Tafsīr, tradition n° 2, p. 233 ; Furāt al-Kūfī Tafsīr, p. 45 sq. ; Ḥākim al-Ḥaskānī Šawāhid, t. I, p. 40 sqq., n° s 57 sqq.
29 Tradition attribuée à Ibn ʿAbbās ; Ḥākim al-Ḥaskānī Šawāhid, t. I, p. 39 sqq.
30 Tradition remontant à Muǧāhid ; Ḥākim al-Ḥaskānī Šawāhid, vol. 1, p. 43.
31 Voir par exemple Kulaynī, ʾUṣūl, « Kitāb faḍl al-Qur’ān », “bāb al-nawādir”, t. IV, p. 440-441, n° 3570 ; Nuʿmānī Ġayba, chapitre 21, n° 5, p. 452.
32 Sayyārī Qirāʾāt, tradition n° 9, texte arabe, p. 8 ; pour d’autres sources, voir les commentaires, texte anglais, p. 59.
33 Voir Sayyārī Qirāʾāt, Amir-Moezzi 2011 ainsi que Amir-Moezzi 2007 (1992), p. 200-227 et Bar-Asher 1993, p. 39-74.
34 Sur ce hadith, ses variantes et ses sources voir maintenant l’ouvrage collectif anonyme Kitāb allāh wa-ʾahl al-bayt fī ḥadīṯ al-ṯaqalayn ; voir aussi Bar-Asher 1999, p. 93-98.
35 C’est, semble-t-il, un peu plus tard que le Coran sera considéré comme un texte à plusieurs niveaux dont l’herméneutique de l’imam en révélera le ou les sens cachés ; voir Amir-Moezzi 2011, et ici-même, la 4e partie.
36 L’ouvrage semble aujourd’hui perdu ; d’une manière générale, cela serait le cas lorsqu’une édition du texte en question n’est pas annoncée.
37 Voir ci-dessus note 28.
38 Idem.
39 De cet ouvrage, il ne reste que des fragments dans les sources postérieures. Ces fragments sont réunis maintenant dans Ibn al-Ǧuḥām Taʾwīl.
40 Sur la position d’al-Mufīd à l’égard de la question de la falsification, voir maintenant Amir-Moezzi 2014b.
41 L’appartenance doctrinale de Ḥākim al-Ḥaskānī n’est pas certaine. Il semble avoir été un sunnite ḥanafite avec de fortes sympathies shi’ites ou encore plus probablement un crypto-shi’ite pratiquant la taqiyya (le devoir de la garde du secret). Voir Kohlberg 1992, p. 150-151
42 Sur l’édition du livre voir ci-dessus note 28.
43 Éd. al-Maḥmūdī, Téhéran, 1406/1986.
44 Éd. al-Ustād Walī, Qom, 1417/1996.
45 Édité à Qom, 1394/1974-1975.
46 Éd. al-Mīlānī, Beyrouth, 1413/1992.
47 L’ouvrage a été édité à Téhéran, 1320/1902-1903 (non vu). Il faut noter que des auteurs sunnites, aux sympathies shi’ites, ont également composé ce genre d’ouvrages, mais beaucoup moins souvent bien entendu. Citons comme exemples le promystique ʾAbū Nuʿaym al-ʾIṣfahānī (m. 430/1038) dans son Mā nazala min al-Qurʾān fī ʾamīr al-muʾminīn (Ḏarīʿa, vol. 19, p. 28 ; les fragments, rapportés par d’autres sources, de cet ouvrage ont été édités par al-Maḥmūdī dans al-Nūr al-muštaʿal al-muqtabas min kitāb Mā nazala min al-Qurʾān fī ʾamīr al-muʾminīn) ; Ibn al-Faḥḥām al-Nīsābūrī (m. 458/1066), auteur d’al-ʾĀyāt al-nāzila fī ʾahl al-bayt (Ibn Ḥaǧar, Lisān al-mīzān, Beyrouth, 1407-8/1987-1988, vol. 2, p. 251) ou encore al-Ḥākim al-Ǧušamī al-Bayhaqī (m. 494/1100-1101), de tendance muʿtazilite, dans son Tanbīh al-ġāfilīn.
48 Voir par exemple l’ouvrage monumental en persan du savant religieux M. Ḥusaynī Bahārānčī, ʾĀyātal-faḍāʾil yā faḍāʾil-e ʿAlī dar Qurʾān, 1380 solaire/2002.
49 Dorénavant Dṯ. Dans ma présentation, le texte coranique est en italique et les commentaires de Dṯ en romain et entre guillemets. Par ailleurs, je renonce à identifier les passages parallèles aux textes traduits de Dṯ dans les Mašāriq ʾanwār al-yaqīn et les Mašāriq al-ʾamān. Ils sont très nombreux et dispersés tout le long de ces ouvrages, avec des variantes plus ou moins importantes.
50 La lecture ʿālamayn (les deux mondes, i.e. l’ici-bas et l’au-delà, le monde visible – ʿālam al-šahāda – et le monde invisible – ʿālam al-ġayb) au lieu de celle, plus habituelle, de ʿālamīn (des mondes) correspond mieux, me semble-t-il, au couple Muḥammad/ʿAlī qui occupe le centre de la tradition et qui explique d’ailleurs l’emploi des autres duels du texte. Par ailleurs, il faut noter qu’ici les chaînes de transmetteurs des traditions ne sont pas indiquées ; cependant, le croisement avec d’autres sources montre clairement qu’il s’agit dans la quasi-totalité des cas de traditions shi’ites. remontant aux imams et souvent rapportées par de nombreuses compilations de hadith. Sur les entités préexistentielles des Impeccables et les mondes métaphysiques d’avant le monde voir Amir-Moezzi 2007 (1992) (partie II, « La pré-existence de l’Imam », surtout p. 73-111) et 2014c. Sur les Lumières préexistentielles de Muḥammad et de ʿAlī, voir les travaux fondamentaux de Rubin (1975 et 1979).
51 Voir Qummī Tafsīr, t. I, p. 57. ʿAlī est le Chemin, la Voie et la Vérité à laquelle mène ce Chemin, à savoir la vraie religion de Dieu. Les résonances « christiques » du propos sont à souligner.
52 Sur ces points voir aussi Sayyārī, Kitāb al-qirāʾāt, n° 33, p. 14 (texte arabe) et p. 69 (texte anglais) pour d’autres sources ; Furāt al-Kūfī Tafsīr, p. 51, n° 10 ; ʿAyyāšī Tafsīr, t. I, p. 22, n° 17. Sur les « métamorphosés », c’est-à-dire des ennemis de la Famille prophétique transformés, soit avant leur mort soit après, en bêtes méprisables et maléfiques, voir Amir-Moezzi2007 (1992), index sub maskh. Sur les notions de métempsycose et de réincarnation en islam voir Monnot 1980 ; Freitag 1985, p. 128-159 ; Rubin 1997 ; Schmidtke 1999.
53 Voir aussi Qummī Tafsīr, t. I, p. 59-60 ; ʿAyyāšī Tafsīr, t. I, p. 26, n° 1 ; Ḥākim al-Ḥaskānī Šawāhid, t. I, p. 86, n° 106. Sur l’application du terme kitāb à l’Homme Parfait, voir Fayḍ al-Kāšānī Ṣāfīn, t. I, p. 92 sq. Dans de nombreux autres passages de Dṯ, ʿAlī est identifié au kitāb coranique.
54 Voir aussi ʿAyyāšī Tafsīr, t. I, p. 26, n° 1 ; Ibn Bābūya Kamāl al-Dīn, p. 18 et 340.
55 Voir ʾAstarābādī Taʾwīl, p. 33, n° 1 ; Maǧlisī Biḥār, t. XXIV, p. 352, n° 69. Sur la notion eschatologique shi’ite de raǧʿa (retour à la vie d’un certain nombre de personnes avant la Résurrection universelle), voir Kohlberg, EI2 et Amir-Moezzi, Encyclopaedia Iranica, s.v.
56 Sur la nécessité de l’amour/walāya dans l’accomplissement des devoirs canoniques par le fidèle et leur acceptation par Dieu, voir « Notes à propos de la walāya imamite » (Amir-Moezzi 2006a, chapitre 7, p. 183-186).
57 Sur les sens techniques proprement shi’ite des termes ʿilm/taʿlīm et ʾīmān/muʾmin, voir Guide divin et Religion discrète, index, s.v.
58 Sur la walāya et ʿAlī, symbole suprême de la walāya, comme objectifs ultimes des révélations divines, voir Amir-Moezzi (2006a, note 77).
59 Le mot ṣibġa, deux fois utilisé dans ce verset et que j’ai traduit par « onction » (son sens littéral est plutôt « la teinture »), est un hapax et la compréhension de sa signification a posé énormément de problèmes aussi bien aux exégètes musulmans qu’aux orientalistes et islamisants.
60 Sur le hadith de Ǧaʿfar, voir aussi ʿAyyāšī Tafsīr, t. I, p. 62, n° 109. Les appellations méprisantes Zurayq, Ġudar et les rebelles contre Dieu que sont Pharaon et son mauvais conseiller Hāmān, désignent ici ʾAbū Bakr et ʿUmar, le second étant souvent présenté comme le manipulateur du premier (cependant l’ordre des appellations péjoratives désignant les deux personnages n’est pas toujours clair). Sur ces noms péjoratifs et d’autres, désignant les ennemis historiques de ʿAlī et des alides/shi’ites et sur la pratique de sabb al-ṣaḥāba (« injurier les Compagnons du Prophète »), voir Goldziher 1970 (repris dans Gesammelte Schriften, vol. 4, p. 291-305) ; Tritton 1947, p. 27 sqq. ; Arazi 1987 ; Bar-Asher 1999, index s.v. ṣaḥāba, « vilification of- » ; et surtout l’excellente étude monographique de Kohlberg (1984), article tiré de la thèse de doctorat de l’auteur : The Attitude of the Imāmī Shīʿīs to the Companions of the Prophet, Oxford University, 1971.
61 Voir aussi Dṯ, p. 56-57, les commentaires des versets 208, 211, 256 et 257 de la sourate II.
62 wa-l-murād fī hāḏihi al-sūra ʿAlī kitābu-hu wa-ḥiǧābu-hu wa-ʾismu-hu wa-l-ʾaʿẓam al-marmūz al-maknūz wa-ʾamru-al-nāfiḏ wa-maṯalu-hu al-ʾaʿlā wa-nabaʾu-hu al-ʿaẓīm wa-kalimatu-hu al-kubrā.
63 Sur le nom suprême de Dieu, voir Amir-Moezzi 2006a, index s.v. al-ʾism al-ʾaʿẓam, al-ʾism al-ʾakbar ; sur l’Ordre, voir Amir-Moezzi (sous presse).
64 Amir-Moezzi 1996 ; Lawson 1992, p. 269 sqq.
65 Dṯ, p. 63 ; Voir Ḥibarī Tafsīr, p. 247, n° 12 ; ʿAyyāšī Tafsīr, t. I, p. 176 sq. Sur ce verset voir Ballanfat et Yahia ; sur la notion voir Schmucker (1993).
66 Voir [Co. 20, Ṭāhā, 85 sqq.]
67 Voir Qummī Tafsīr, t. I, p. 109 ; Maǧlisī Biḥār, t. XXX, p. 240 sq. Sur le jour de Ġadīr ou l’évènement de Ġadīr Ḫumm où, selon les shi’ites, Muḥammad désigna explicitement ʿAlī comme son successeur voir la somme de ʾAmīnī Ġadīr ; aussi Veccia Vaglieri (1991) ; Dakake et Kazemi Moussavi, « Gadīr Komm », Encyclopaedia Iranica, vol. 10, p. 246-249 ; Amir-Moezzi, « Ghadīr Khumm », EI3.
68 L’expression « c’est ainsi que le verset a été révélé » (hākaḏā nazalat) signifie qu’il s’agit d’une version différente du Coran officiel : ici effectivement la phrase « à l’égard des droits des descendants de Muḥammad » (ʾāl Muḥammad ḥaqqa-hum) est un ajout par rapport à la vulgate ; voir aussi Sayyārī Kitāb al-qirāʾāt, n° 138, p. 39 (texte arabe), p. 106 (texte anglais, pour d’autres sources). L’auteur de Dṯ cite à plusieurs reprises ce « Coran originel » (par exemple sub [Co. 2, 90] p. 52-53 ; [Co. 4, 65] p. 76). Voir aussi Bar-Asher 1993, p. 56.
69 Chez Sayyārī, l’expression qui termine la séquence, à savoir fī walāyat ʿAlī, fait partie du verset (Qirāʾāt, n° 139, p. 39 du texte arabe ; p. 106-107 du texte anglais pour les nombreuses autres sources qui rapportent la tradition). Voir Bar-Asher 1993, p. 56.
70 Voir aussi Ibn Šāḏān Miʾat, p. 96 ; Qundūzī Yanābī, t. II, p. 75 ; Maǧlisī Biḥār, t. CVIIII, p. 99.
71 Selon l’auteur, le verset coranique, loin de parler de la communauté musulmane dans sa totalité comme le veut l’exégèse « orthodoxe », ne vise qu’une minorité au sein d’elle, à savoir les fidèles de l’Alliance divine (walāya) que représente par excellence ʿAlī.
72 Voir sur ce sujet les réflexions profondes de Corbin (1972a), passim, et de Jambet 2011, partie III, chapitres 6 à 8.
73 Voir aussi les réflexions subtiles d’Ayada sur le sujet (2010, passim et surtout les chapitres 2 à 4 de la première partie).
74 Il est intéressant de noter que ces traditions sont rapportées au sein du chapitre concernant le monothéisme, l’unicité de Dieu (tawḥīd). Sur la vision de l’Imam par le cœur voir Amir-Moezzi (2007 [1992], p. 112 sqq.), l’excursus « La vision par le cœur » et Amir-Moezzi (2006a, p. 253-272), « Visions d’imams en mystique duodécimaine moderne et contemporaine ».
75 Cette attitude des shi’ites à l’égard de leurs adversaires est surtout cristallisée dans la notion de sabb al-ṣaḥāba (« injurier les Compagnons ») ; voir ci-dessus, note 59.
76 J’ai consacré de nombreuses études au tournant buwayhide de l’imamisme ; voir en dernier lieu Amir-Moezzi 2014b, première partie.
77 Amir-Moezzi (2006a, p. 183-186).
78 Le panorama le plus complet de ces discussions dans leur phase la plus ancienne est offert par Van Ess (1991-1997) et maintenant dans la nouvelle somme du même savant (2011).
Auteur
École pratique des hautes études, Paris

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