Le Kitāb al-zuhd wa-l-raqāʾiq de ʿAbd Allāh b. al-Mubārak (m. 181/797)
p. 32-60
Texte intégral
1Il y a longtemps, Régis Blachère faisait remarquer que la prédication du prophète Muḥammad avait enrichi la littérature narrative arabe, en la dotant d’un élément nouveau : la tradition islamique (sunna, hadith). En effet, celle-ci occupera une place importante dans la littérature narrative des débuts de l’islam, et, tout comme les « récits coraniques » (qaṣaṣ al-Qurʾān) qui, eux, se fondent généralement sur un fonds arabe commun antérieur à l’islam, viendra grossir la littérature narrative et aura droit de cité à côté des données historico-biographiques parmi lesquelles figurent des récits légendaires, aussi bien que des récits semi-historiques (Blachère 1966, p. 796-799). A-t-on besoin de rappeler que cette tradition a été à la base des commentaires coraniques et de l’élaboration de la Sīra (biographie de Muḥammad), et que, pour tout cela, elle a dû exercer son influence sur la littérature arabe ?
2C’est à partir d’un genre particulier de traditions, al-zuhd wa-l-raqāʾiq, que l’on s’est proposé de faire la part du narratif dans l’un des ouvrages les plus anciens du genre, celui de ʿAbd Allāh b. al-Mubārak (m. 181/797). À cet effet, nous examinerons quelques données terminologiques du genre, en guise de point de départ, puis nous attirerons l’attention sur quelques repères qui permettront de suivre son évolution, avant d’étudier la contribution d’Ibn al-Mubārak en ce domaine, et son intérêt pour l’étude de la tradition narrative arabe.
Éléments de terminologie
3Deux termes méritent que l’on s’y arrête un petit instant : d’abord, le terme « zuhd » qui est assez commun, ensuite celui de « raqāʾiq » qui l’est beaucoup moins. L’idée de base rattachée à la racine ZHD est « qillat al-šayʾ », la petite quantité de la chose, l’exiguïté, la paucité, la rareté, d’où le sens de privation volontaire, d’abstention, de continence, ce qui mène à une vie ascétique dans le but de se vouer à Dieu. C’est pourquoi, al-Ḫalīl b. ʾAhmad rattache le zuhd à la religion particulièrement (Ibn Fāris Maqāyīs, t. II, p. 376-377 ; Ibn Manẓūr Lisān, t. III, p. 196-198). Il peut s’agir, donc, d’un détachement, d’un renoncement aux choses de ce monde, ou d’un ascétisme dans le sens d’une privation, d’une mortification, imposée au moi charnel (nafs) (Gobillot 2002, p. 559-560). La racine ZHD ne figure qu’une seule fois dans le Coran, dans un sens profane, et elle est appliquée à Joseph vendu par ses frères qui ne lui attachaient aucune valeur. Le Coran emploie des termes comme « ʿābid » (voué à l’adoration de Dieu) et « nāsik » (ascète, ce qui suppose des sacrifices et des pratiques déterminées)1. Notons, au passage, que le champ lexical du zuhd est assez développé : à ce champ appartiennent des termes comme « bukāʾ » (pleurs, larmes), « ḏamm al-dunyā » (blâmer l’ici-bas), « faqr » (pauvreté), « iǧtihād fī al-ṭāʿa » (zèle dans l’obéissance à Dieu), « ḫumūl » (effacement de soi), « muḫālafat al-nafs wa-l-hawā » (opposition au moi charnel et aux passions), « qanāʿa » (se contenter de peu de choses), « qaṣr al-ʾamal » (mettre des limites à l’espérance), « raqāʾiq » (voir infra), « taqaššuf » (mortification de la chaire), « taqwā » (crainte révérencielle de Dieu), « taṣawwuf » (dans son sens ancien de zuhd), « ʿuzla » (isolement), « waraʿ » (scrupule pieux)2…, malgré les nuances et les différences entre ces termes.
4Quant au pluriel « raqāʾiq » (sing. raqīqa), l’idée de base rattachée à sa racine RQQ est la finesse, la douceur, la délicatesse, l’attendrissement (riqqa), bref, tout ce qui est contraire au « ǧafāʾ » (dureté) (Ibn Fāris Maqāyīs, p. 30-31 ; Ibn Manẓūr Lisān, t. X, p. 121-125). Ainsi, le terme raqāʾiq se trouve employé pour indiquer, en matière de tradition islamique (sunna, hadith), ce qui contribue à adoucir le cœur, le caractère, le comportement, bref, ce qui est de nature à mener à une délicatesse spirituelle ou morale3.
Repères historiques
5Dès la première moitié du ier/viie siècle, la présence du zuhd est manifeste dans la société islamique. Avant al-Ḥasan al-Baṣrī (110/728)4 déjà, il y a « al-zuhhād al-ṯamāniya » (les huit qui vivaient dans le renoncement)5 auxquels ʿAlqama b. Marṯad (120/738)6 consacrera un livre transmis par Ibn ʾAbī Ḥātim al-Rāzī (327/938)7, et qui seront mentionnés par ʾAbū Nuʿaym al-ʾIṣfahānī, dans sa Ḥilya (ʾIṣfahānī Ḥilya, t. II, p. 79-98 ; 102-161). Ils sont qualifiés de « nussāk » (ascètes), « zuhhād » (ceux qui vivent dans le renoncement), « ʿubbād » (voués à l’adoration de Dieu), « bakkāʾūn » (pleureurs)… On mentionne aussi de cette époque une Ṣaḥīfa fī al-zuhd de Zayn al-ʿĀbidīn ʿAlī b. al-Ḥusayn (92/710)8. Mais dès le milieu du iie/viiie siècle, on voit apparaître des ouvrages consacrés au zuhd (renoncement). Il est aussi des ouvrages en rapport avec le zuhd, que l’on désigne sous des titres divers comme : « mawāʿiẓ » (exhortations, sermons), « ḫuṭab » (prônes, oraisons), « waṣāyā » (recommandations), « qaṣaṣ » (histoires, récits), « masāʾil » (questions) (Sezgin 1991, t. I/IV, p. 91-93)…
6Dès le début de la période abbasside, on assiste à une augmentation de la production d’ouvrages consacrés au zuhd. Ces ouvrages rapportent les dires des zuhhād, et décrivent leurs actes de dévotion, sans oublier les bienfaits (barakāt) qui leur sont attribués, et dont ils comblent les croyants. Il est intéressant de noter que la littérature relative au zuhd sera cultivée spécialement par des traditionnistes (muḥaddiṯūn) ; la même remarque peut être faite pour le chiisme, tout en tenant compte des différences techniques dans la transmission du ḥadīṯ qui le séparent du sunnisme. Sezgin mentionne à propos du rôle joué par les traditionnistes dans le domaine du zuhd, un ancien ouvrage de traditions, le Ǧāmiʿ de Maʿmar b. Rāšid (153/770), qui comporte des chapitres consacrés au zuhd9. En même temps, des ouvrages entiers traitent du zuhd, et parmi les plus anciens, on peut citer le Kitāb al-zuhd de Ṯābit b. Dīnār al-Kūfī (150/767) d’obédience chiite, et le Kitāb al-zuhd wa-l-raqāʾiq de ʿAbd Allāh b. al-Mubārak (181/797). Cette production se développera davantage encore à partir du iiie/ixe siècle (Sezgin 1991, t. I/IV, p. 105). Pour la période qui nous intéresse, c’est-à-dire jusqu’à la fin du ive/xe siècle, on peut mentionner au moins 23 auteurs ; au-delà de cette période, on peut avancer facilement le triple de ce nombre10.
7On notera, en passant, qu’une ressemblance entre les corpus des traditionnistes et ceux des mystiques peut être relevée, mais il y a lieu de rappeler que le renoncement (zuhd) n’implique pas nécessairement le mysticisme (taṣawwuf), bien que des zuhhād aient pu être considérés comme des mystiques (Ḏū al-Nūn al-Miṣrī, al-Fuḍayl b. ʿIyāḍ, etc.), et que les termes zuhd et taṣawwuf aient pu, à une période relativement ancienne, être considérés comme synonymes11. Rappelons aussi que la pratique du zuhd diffère, dans le degré de renoncement qu’elle atteint, selon les auteurs, les groupes de zuhhād et les époques12.
8L’intérêt pour le zuhd glissera rapidement vers les grands recueils de traditions : celui de Buḫārī (256/870) comporte un long chapitre intitulé « Bāb mā ǧāʾa fī al-riqāq wa-ʾan lā ʿayša ʾillā ʿayšu al-ʾāḫira » (Chapitre sur ce qui a été rapporté en matière de raqāʾiq, et comme quoi il n’y a de vie [véritable] que celle de l’autre monde) (Buḫārī Ṣaḥīḥ, t. VIII, p. 109-151 ; Bokhâri Traditions, t. IV, p. 271 sqq.) ; et celui de Muslim (261/875) comprend deux chapitres, l’un intitulé « Kitāb al-riqāq » (Le Livre des riqāq) (Muslim Ṣaḥīḥ, t. XVII, p. 52-58), et l’autre « Kitāb al-zuhd » (Le Livre du renoncement) (Muslim Ṣaḥīḥ, t. XVIII, p. 93-151). Chose intéressante, le ʾadab, lui, sera rapidement contaminé : Ǧāḥiẓ (255/869) consacrera, dans al-Bayān wa-l-Tabyīn un long chapitre au zuhd (Ǧāḥiẓ Bayān, t. III, p. 125-202) ; Ibn Qutayba (276/889) en fera de même dans ʿUyūn al-ʾaḫbār (Ibn Qutayba ʿUyūn, t. II, p. 261-376) ; il sera imité, au sens propre du terme, par Ibn ʿAbd Rabbih (328/940), dans le chapitre « Kitāb al-zumurruda fī al-mawāʿiẓ wa-l-zuhd » (Ibn ʿAbd Rabbih ʿIqd, t. III, p. 75-161) ; n’oublions pas al-Mubarrad (286/899) qui parsèmera son Kāmil, de nombreux passages traitant du zuhd aussi (Mubarrad Kāmil, t. I, p. 116, 150, etc.)13.
Le témoignage d’Ibn al-Mubārak et de son livre
9Quelques données biographiques d’Ibn al-Mubārak nous éclairerons sur l’archéologie du livre et sa genèse14.
Données biobibliographiques
10ʿAbd Allāh b. al-Mubārak, de son nom complet ʾAbū ʿAbd al-Rahmān ʿAbd Allāh b. al-Mubārak b. Waḍiḥ al-Ḫurāsānī al-Tamīmī (par clientélisme), est né à Marw, en 118/736, de père turc et de mère kwârizmienne. Il a eu d’éminents maîtres dont Mālik b. ʾAnas, Sufyān al-Ṯawrī, Šuʿba, ʾAwzāʿi, al-Layṯ b. Saʿd… Notons que son père était en relation avec ʾAbū Ḥanīfa (150/767). Ses disciples, comme Sufyān b. ʿUyayna, Yaḥyā b. Saʿīd al-Qaṭṭān, ʾAbū Bakr b. ʾAbī Šayba, al-Ḥasan b. ʿArafa, Yaʿqūb al-Dawraqī figureront parmi les grands traditionnistes de l’époque.
11On savait qu’il était riche, et qu’il avait un important revenu qu’il distribuait aux nécessiteux. Il maîtrisait plusieurs disciplines : les traditions (ḥadīṯ), le droit (fiqh), la grammaire et la lexicographie arabes (al-ʿarabiyya), et les récits historiques (ʾayyām al-nās). Il jeûnait continuellement, participait à la guerre légale (ǧihād) contre les byzantins et cultivait la solitude. Deux jugements portés par ses contemporains achèveront de nous le faire connaître : « Ibn al-Mubārak occupait parmi les traditionnistes, disait-on, un rang égal à celui qu’occupe le prince des croyants [entendre le calife] parmi les gens15. » (Baġdādī Tārīḫ, t. XI, p. 393, lig. 1-7) Quant à Nuʿaym b. Ḥammād, il décrit ainsi la piété de son maître : « Lorsqu’Ibn al-Mubārak lisait Le Livre des riqāq, il devenait semblable à un animal que l’on abat [litt. à un taureau ou une vache que l’on égorge], tellement il sanglotait. Personne n’osait alors s’approcher de lui, ou lui poser une question, sans qu’il ne le repoussât16. » (Baġdādī Tārīḫ, t. XI, p. 406, l. 5-9)
12Pour compléter ce portrait, assez rapide du reste, on devra ajouter qu’Ibn al-Mubārak, contemporain de ʾAbū Ḥanīfa, était un adversaire de l’école du raʾy, mais plus encore et particulièrement de quatre sectes – le kharijisme, le chiisme, le murjisme, et les partisans du libre arbitre (qadariyya) – auxquelles il y a lieu d’ajouter les ǧahmiyya ; évoquons aussi son acharnement contre les innovations blâmables (bidʿa) ; c’était encore un militant très engagé en faveur du califat et de l’islam (Laoust 1965, p. 87, 449-450 ; Laoust 1958, p. 57-60). On comprend ainsi sa pleine appartenance au sunnisme traditionaliste.
13Ibn al-Mubārak nous a laissé quatre ouvrages (Brockelman 1977, p. 56, comp. Brockelmann 1937, p. 256 ; Sezgin 1991, t. I/I, p. 175-176) :
Kitāb al-zuhd wa-l-raqāʾiq, qui a fait, l’objet de deux éditions originales. Nous y reviendrons ci-après ;
Kitāb al-ǧihād, édité aussi par Nazīh Ḥammād ;
un Musnad (recueil de hadiths – bien que, contrairement à l’appellation qui a prévalu par la suite, les traditions ne soient pas ici classées selon les autorités qui les ont transmises d’après le Prophète, c’est-à-dire les Compagnons) qui a été édité à deux reprises par Ṣubḥī al-Badrī al-Sāmarrāʾī puis par Muṣṭafā ʿUṯmān Muḥammad.
Kitāb al-birr wa-l-ṣila (Le Livre des bonnes actions et des bienfaits), édité à deux reprises aussi, à la suite du Musnad mentionné ci-dessus (Ibn al-Mubārak Musnad2).
14On lui doit aussi un Dīwān édité par Muǧāhid Muṣṭafā Bahǧat. À côté de genres courants en poésie arabe (panégyrique, satire et thrène), on y trouve de nombreuses pièces sur le renoncement, les fins dernières, l’éthique islamique, le ǧihād…
15L’étude des manuscrits du Kitāb al-zuhd nous permettra de déceler la structure de l’ouvrage.
Des manuscrits aux éditions
Les manuscrits
16Nous disposons de plusieurs manuscrits (Sezgin 1991, t. I/I, p. 175-176), mais les éditions actuelles se sont fondées sur deux, principalement :
un premier manuscrit antérieur au viie/xiiie siècle : la transmission des données d’après Ibn al-Mubārak est faite par al-Ḥusayn b. al-Ḥasan al-Marwazī (m. 246/860-861), puis par une série de transmetteurs jusqu’à la date du manuscrit en question. Il s’agit, ici, d’une version dite des Orientaux (mašāriqa). Dans cette version, le texte est subdivisé en onze parties (ǧuzʾ), et cinquante chapitres ;
un deuxième manuscrit datant de 466/1073-1074 : la transmission d’après Ibn al-Mubārak est faite par Nuʿaym b. Ḥammād al-Ḫuzāʿī al-Marwazī17, et, par la suite, par des transmetteurs maghrébins ou andalous. D’importantes différences distinguent cette version, en particulier les traditions ajoutées par Nuʿaym b. Ḥammād, mais ne remontant pas à Ibn al-Mubārak ou non rapportées par lui. Le texte qui nous est parvenu comporte 177 chapitres ;
on peut ajouter un troisième manuscrit datant de 606/1209-1210 : la transmission est faite par ʿUmar b. Muḥammad Ibn Ṭabarzad (607/1210), d’après ʾAbū Ġālib ʾAḥmad b. al-Ḥasan b. al-Bannāʾ (527/1132-1133), qui rejoint la chaîne de transmission du premier manuscrit. Ce dernier manuscrit présente d’importantes lacunes, en particulier du début du texte jusqu’au dernier feuillet de la neuvième partie.
Les éditions
17Quatre éditions ont vu le jour :
l’édition de Ḥabīb al-Raḥmān al-ʾAʿẓamī (Ibn al-Mubārak Zuhd1) ;
l’édition de Dār al-kutub al-ʿilmiyya (Ibn al-Mubārak Zuhd2) ;
l’édition de Dār ʿUmar b. al-Ḫaṭṭab (Ibn al-Mubārak Zuhd3) ;
l’édition de ʾAḥmad Farīd (Ibn al-Mubārak Zuhd4).
18Seules, la première et la dernière éditions méritent attention :
l’édition de Ḥabīb al-Rahmān al-ʾAʿẓamī a été faite à partir de la transmission d’al-Ḥusayn b. al-Ḥasan al-Marwazī – à laquelle Yahyā b. Muḥammad b. Ṣāʿid (318/930) a ajouté des traditions qui ne remontent pas à Ibn al-Mubārak ou qui ne sont pas transmises par lui – et à partir de celle de Nuʿaym b. Ḥammād. Cette édition comporte en tout 1 627 traditions (celles transmises par Marwazī et celles ajoutées par Ibn Ṣāʿid) et 436 traditions ajoutées par Nuʿaym et placées à la fin de l’édition ;
l’édition de ʾAḥmad Farīd d’où ont été exclus les ajouts d’Ibn Ṣāʿid et de Nuʿaym ; elle comporte 1 203 traditions toutes d’Ibn al-Mubārak.
19Pour l’étude de Kitāb al-zuhd wa-l-raqāʾiq, ces deux éditions devront être utilisées simultanément : la première pour le texte établi et l’apparat critique relatif aux variantes des manuscrits utilisés ; la deuxième – bien qu’elle reprenne le texte de l’édition précédente et qu’elle supprime les premières autorités qui rapportent les traditions d’après Ibn al-Mubārak – reste utile pour ses notes de bas de page.
20Comme l’étude des manuscrits et des éditions du livre nous a permis d’en dégager la structure, il nous sera plus facile maintenant d’en étudier le contenu.
Contenu de l’ouvrage
21Le livre d’Ibn al-Mubārak se fonde sur les paroles et les actes du Prophète qui est considéré comme un modèle en la matière, de ceux de ses Compagnons, de leurs Successeurs et de personnages importants comme al-Ḥasan al-Baṣrī (110/728), mais aussi de paroles attribuées à des prophètes, comme Moïse, David, Salomon, Jean-Baptiste et Jésus18. Plus tard, ces prophètes occuperont une place plus importante dans les livres de zuhd, comme celui d’Ibn Ḥanbal (241/855) (Ibn Ḥanbal Zuhd, p. 74-175).
22La lecture du Kitāb al-zuhd wa-l-raqāʾiq d’Ibn al-Mubārak et de l’extrait que nous proposons ci-après au lecteur avec une traduction et un court commentaire nous éclairent davantage sur le livre et nous permettent de mieux mesurer l’intérêt du genre zuhd en général et du livre d’Ibn al-Mubārak en particulier dans l’étude des origines de la tradition narrative arabe.
23À la lumière de ce texte, et d’autres textes narratifs du livre19, on est autorisé à se poser un certain nombre de questions. On se limitera à deux d’entre elles, car elles ont l’intérêt d’être des questions préalables.
24D’abord, quelle est la place des traditions narratives dans le Kitāb al-zuhd wa-l-raqāʾiq ? D’une façon générale, les traditions islamiques sont des textes courts qui énoncent des jugements, des ordres, des prohibitions, des conseils… à adopter comme des règles de vie. Mais, il n’est pas rare de tomber sur des textes narratifs, souvent d’une certaine longueur. Dans le recueil d’Ibn al-Mubārak les traditions narratives sont relativement nombreuses, et il est souvent facile de les repérer formellement (selon la longueur) avant de les soumettre à un examen de contenu.
25Ensuite, quelle est l’attitude prévalant envers le zuhd dans la tradition islamique en général, et particulièrement envers le réel et l’imaginaire dans les traditions narratives ?
26Dans la tradition islamique d’une façon générale, et plus particulièrement dans le domaine propre au zuhd, il y a eu, de tout temps, des « troubles-fête » qui sont venus critiquer une chaîne de garants (ʾisnād) par ci, un contenu peu convainquant par là, ou qui sont allés plus loin encore pour dénoncer ou réfuter entièrement des ouvrages consacrés au zuhd. L’attitude d’un important théologien et jurisconsulte comme Ibn Taymiyya est à ce propos révélatrice : malgré la grande estime qu’il a pour Ibn al-Mubārak, il dénonce les traditions faibles (wāhiya = débiles) que son livre contient (Ibn Taymiyya Fatāwā, t. XI, p. 315 ; t. XVIII, p. 43-44 ; t. XXXVI, p. 414 index à l’entrée ʿAbd Allāh b. al-Mubārak). Mais il n’a pas fallu attendre Ibn Taymiyya pour agir de la sorte, et, selon Goldziher (1898 ; Gobillot 2002, 560), des restrictions n’ont pas manqué d’être apportées, concernant l’attitude envers le zuhd, par les premières traditions, les plus sûres au niveau de l’authenticité. Le Coran, lui-même, a renforcé ces restrictions, en appelant à la modération [Co. 25, 67 ; 28, 77] ; d’où le recours aux traditions forgées pour contrecarrer cette tendance.
27Cependant, si l’on admet que l’on n’a senti qu’un peu tard le besoin d’une autorité subsidiaire au Coran, donc une autorité sûre – et al-Šāfiʿī y était pour beaucoup – on ne s’étonnera plus devant le laxisme primitif en matière de traditions, et devant la multitude de traditions fondées sur l’imaginaire et le merveilleux, surtout si l’on se souvient que les Arabes anciens n’avaient point notre conception de la propriété littéraire, et que les tribus arabes ne répugnaient pas à modifier des poèmes ou bien à s’adonner à une élaboration poétique commune. J’ajouterais que les traditions merveilleuses n’avaient pas une portée dogmatique ou juridique, mais plutôt une fin édifiante, morale, eschatologique…, ce qui explique le laxisme, mentionné ci-dessus, de nombreux docteurs à l’égard des traditions narratives, où il est de règle – qu’il s’agisse du livre d’Ibn al-Mubārak, ou d’autres ouvrages de zuhd – que l’on n’établisse aucune ligne de démarcation entre le réel et l’imaginaire ou le merveilleux, le tout représentant, aux yeux du narrateur comme de l’auditeur ou du lecteur « anciens », la vérité et rien que la vérité.
28En tout cas, le rigorisme des docteurs orthodoxes n’aura que facilité l’émigration du zuhd, de ses protagonistes, et de ses traditions narratives vers la littérature de ʾadab, domaine où le profane occupe une place de choix.
* * *
29Quel bilan peut-on faire à partir de ces données ? Ce qui est sûr, c’est que l’on ne saurait mésestimer l’importance de l’ouvrage d’Ibn al-Mubārak, et cela pour plusieurs raisons. On peut évoquer la personnalité de l’auteur, signaler le point de départ du genre que l’ouvrage constitue, mentionner le nombre et l’étendue des traditions narratives qu’il contient, mais aussi sa destinée en tant que livre représentatif du genre, sans oublier l’épanchement de ses textes dans les livres de ʾadab, comme ceux d’Ibn Qutayba. Mais, malgré les limites de notre exposé, on peut voir tout l’intérêt que représentera l’établissement d’un corpus général des traditions figurant dans les ouvrages de zuhd, de tradition islamique, et de ʾadab, mais aussi l’inventaire des traditions narratives appartenant à ce domaine, en vue d’en étudier les thèmes, la part de l’imaginaire et du merveilleux qu’elles contiennent, les techniques narratives qu’elles mettent en œuvre, ainsi que leur présence dans les grands ouvrages de ʾadab. Il me semble que l’étude des origines de la tradition narrative arabe ne pourrait que s’en féliciter.
Bibliographie
Sources
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ʿAsqalānī, ʾIṣāba = ʾAbū al-Faḍl ʾAḥmad b. ʿAlī Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī, al-ʾIṣāba fī tamyīz al-ṣaḥāba, 1re édition, éd. ʿAbd Allāh b. Muḥsin al-Turkī et ʿAbd al-Sanad Ḥasan Yamāma, s.l.n.n., 1429/2008.
ʿAsqalānī, Tahḏīb = ʾAbū al-Faḍl ʾAḥmad b. ʿAlī Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī, Tahḏīb al-tahḏīb, s.e., Beyrouth, Dār Ṣādir, 1968 [reproduction de la 1re édition, Hayderabad, Dāʾirat al-maʿārif al-ʿuṯmāniyya, 1325/1907-1327/1909].
ʿAsqalānī, Taqrīb = ʾAbū al-Faḍl ʾAḥmad b. ʿAlī Ibn Ḥaǧar al-ʿAsqalānī, Taqrīb al-tahḏīb, 3e édition (revue et corrigée), éd. Muḥammad ʿAwwāma, Alep, Dār al-rašīd, 1411/1991.
Baġdādī, Tārīḫ = ʾAbū Bakr ʾAḥmad b. ʿAbd al-Maǧīd al-maʿrūf bi-l-Ḫaṭīb al-Baġdādī, Tārīḫ madīnat al-salām, éd. Baššār ʿAwwād Maʿrūf, Beyrouth, Dār al-ġarb al-ʾislāmī, 1422/2001.
Bayhaqī, Zuhd = ʾAbū Bakr ʾAḥmad b. al-Ḥusayn al-Bayhaqī, al-Zuhd al-kabīr, éd. ʾĀmir ʾAḥmad Ḥaydar, Beyrouth, Dār al-ǧinān/Muʾassasat al-kutub al-ṯaqāfiyya, 1408/1987.
Bokhâri, Traditions = Muḥammad b. ʾIsmāʿīl al-Buḫārī, Les Traditions islamiques, traduction française par Octave Houdas et William Marçais pour les deux premiers volumes, Paris, Ernest Leroux, 1903-1914.
Buḫārī, Ṣaḥīḥ = Muḥammad b. ʾIsmāʿīl al-Buḫārī, Beyrouth, Dār ʾiḥyāʾ al-turāṯ al-ʿarabī, s.d. [reproduction de l’édition du Caire, éd. Muṣṭafā al-Babī al-Ḥalabī, 1378/1958, d’après l’édition sulṭāniyya fondée sur la copie de la yūnīniyya].
Buḫārī, Tārīḫ = Muḥammad b. ʾIsmāʿīl al-Buḫārī, al-Tārīḫ al-kabīr, vol. III, s.e., Hayderabad, Dāʾirat al-maʿārif al-ʿuṯmāniyya, 1377/1958.
Ḏahabī, Siyar = ʾAbū ʿAbd Allāh Šams al-Dīn Muḥammad b. ʾAḥmad al-Ḏahabī, Siyar ʾaʿlām al-nubalāʾ, 11e édition, éd. Šuʿayb al-ʾArnaʾūṭ et Naḏīr Ḥamdān, Beyrouth, Muʾassasat al-risāla, 1417/1996.
Ḏahabī, Taḏkira = ʾAbū ʿAbd Allāh Šams al-Dīn Muḥammad b. ʾAḥmad al-Ḏahabī, Taḏkirat al-ḥuffāẓ, s.e., Beyrouth, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, s.d. [reproduction de l’édition de Hayderabad, Dāʾirat al-maʿārif al-ʿuṯmāniyya, 1375-1377/1955-1957].
Damīrī, Ḥayāt = Kamāl al-Dīn Muḥammad b. Mūsā al-Damīrī, Ḥayāt al-ḥayawān al-kubrā, 1re édition, éd. ʾIbrāhīm Ṣāliḥ, Damas, Dār al-bašāʾir, 1426/2005.
Ǧāḥiẓ, Bayān = ʾAbū ʿUṯman ʿAmr b. Baḥr al-Ǧāḥiẓ, al-Bayān wa-l-Tabyīn, Beyrouth, Dār al-fikr, s.d. [reproduction du texte établi par ʿAbd al-Salām Muḥammad Hārūn, 4e édition, Le Caire, s.d., coll. « Maktabat al-Ǧāḥiẓ »].
Ibn ʿAbd Rabbih, ʿIqd = ʾAbū ʿUmar ʾAḥmad b. Muḥammad b. ʿAbd Rabbih, al-ʿIqd al-farīd, 2e édition, éd. Muḥammad Saʿīd al-ʿAryān, Le Caire, al-Maktaba al-tiǧāriyya al-kubrā, 1372/1953.
Ibn Fāris, Maqāyīs = ʾAbū al-Ḥusayn ʾAḥmad b. Fāris, Muʿǧam maqāyīs al-luġa, éd. ʿAbd al-Salām Muḥammad Hārūn, Beyrouth, Dār al-ǧīl, 6 vol., vol. II, 1420/1999 [édition reprographiée].
Ibn al-Ǧarrāḥ, Zuhd = Wakīʿ b. al-Ǧarrāḥ b. Malīḥ, Kitāb al-zuhd, éd. ʿAbd al-Raḥmān b. ʿAbd al-Ǧabbār al-Faryawāʾī, Riyad, Dār al-Ṣumayʿī, 1415/1994.
Ibn al-Ǧawzī, ʾĀdāb = ʾAbū al-Faraǧ ʿAbd al-Raḥmān b. ʾAbī al-Ḥasan ʿAlī al-Ǧawzī, ʾĀdāb al-Ḥasan al-Baṣrī wa-zuhdu-hu wa-mawāʿiẓu-hu, 1re édition, éd. Sulaymān al-Ḥurš, Damas, Dār al-ṣiddīq, 1426/2005.
Ibn al-Ǧawzī, Ṣifa = ʾAbū al-Faraǧ ʿAbd al-Raḥmān b. ʾAbī al-Ḥasan ʿAlī al-Ǧawzī, Ṣifat al-ṣafwa, 3e édition (revue, augmentée et corrigée), éd. Maḥmūd Fāḫūrī et Muḥammad Rawwās Qalʿahǧī, Beyrouth, Dār al-maʿrifa, 1405/1985.
Ibn al-Ǧawzī, Talbīs = ʾAbū al-Faraǧ ʿAbd al-Raḥmān b. ʾAbī al-Ḥasan ʿAlī al-Ǧawzī, Talbīs ʾiblīs, Beyrouth, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, s.d. [reproduction de la 2e édition du Caire, ʾIdārat al-ṭibāʿa al-munīriyya, 1368/1948-1949].
Ibn Ḥanbal, Zuhd = ʾAbū ʿAbd Allāh ʾAḥmad b. Ḥanbal al-Šaybānī, Kitāb al-zuhd, éd. ʿIṣām Fāris al-Ḥarastānī et Muḥammad ʾIbrāhīm al-Zuġlī, Beyrouth, Dār al-ǧīl, 1414/1994.
Ibn al-ʿImād, Šaḏarāt = Šihāb al-Dīn ʿAbd al-Ḥayy b. ʾAḥmad Ibn al-ʿImād al-ʿAkrī al-Ḥanbalī al-Dimašqī, Šaḏarāt al-ḏahab fī ʾaḫbār man ḏahab, [reproduction de l’édition du Caire, 1351/1932-1933], éd. Maḥmūd al-ʾArnaʾūṭ, Beyrouth, Dār al-masīra, 1399/1979.
Maǧlisī, Biḥār = Muḥamad Bāqir b. Muḥammad Taqī Maǧlisī, Biḥār al-ʾanwār, s.e., Beyrouth, Muʾassasat al-ʾAʿlamī, 1429/2008.
Ibn Manẓūr, Lisān = Muḥammad b. Mukarram b. ʿAlī Ibn Manẓūr, Lisān al-ʿArab, Beyrouth, Dār Ṣādir/Dār Bayrūt, 15 vol., vol. III, 1388/1968.
Ibn Marṯad, Zuhd = ʾAbū al-Ḥāriṯ ʿAlqama b. Marṯad al-Ḥaḍramī, Zuhd al-ṯamānya min al-Tābiʿīn, éd. ʿAbd al-Raḥmān b. ʿAbd al-Ǧabbār al-Faryawāʾī, 2e édition, Médine, Maktabat al-dār, 1408/1987-1988, coll. « Rasāʾil al-dār ».
Ibn al-Mubārak, Dīwān = ʿAbd Allāh b. al-Mubārak b. Wāḍiḥ al-Ḥanẓalī al-Marwazī, éd. Muǧāhid Muṣṭafā Bahǧat, 4e édition (revue et augmentée), Riyad, 1432/2010.
Ibn al-Mubārak, Ǧihād = ʿAbd Allāh b. al-Mubārak b. Wāḍiḥ al-Ḥanẓalī al-Marwazī, Kitāb al-ǧihād, éd. Nazīh Ḥammād, Djeddah, Dār al-maṭbūʾāt al-ḥadīṯa, 1403/1983.
Ibn al-Mubārak, Musnad1 = ʿAbd Allāh b. al-Mubārak b. Wāḍiḥ al-Ḥanẓalī al-Marwazī, Musnad al-ʾimām ʿAbd Allāh b. al-Mubārak, éd. Ṣubḥī al-Badrī al-Sāmarrāʾī, 1re édition, Riyad, Maktabat al-maʿārif, 1407/1987.
Ibn al-Mubārak, Musnad2 = ʿAbd Allāh b. al-Mubārak b. Wāḍiḥ al-Ḥanẓalī al-Marwazī, Musnad al-ʾimām ʿAbd Allāh b. al-Mubārak suivi de Kitāb al-birr wa-l-ṣila, éd. Muṣṭafā ʿUṯmān Muḥammad, Beyrouth, Dār al-Kutub al-ʿilmiyya, 1411/1991.
Ibn al-Mubārak, Zuhd1 = ʿAbd Allāh b. al-Mubārak b. Wāḍiḥ al-Ḥanẓalī al-Marwazī, Kitāb al-zuhd wa-l-raqāʾiq, éd. Ḥabīb al-Raḥmān al-ʾAʿẓamī, 1386/1967.
Ibn al-Mubārak, Zuhd2 = ʿAbd Allāh b. al-Mubārak b. Wāḍiḥ al-Ḥanẓalī al-Marwazī, Kitāb al-zuhd wa-yalī-hi kitāb al-raqāʾiq, s.e., Beyrouth, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, s.d.
Ibn al-Mubārak, Zuhd3 = ʿAbd Allāh b. al-Mubārak b. Wāḍiḥ al-Ḥanẓalī al-Marwazī, Kitāb al-zuhd wa-l-raqāʾiq, éd. Ḥabīb al-Raḥmān al-ʾAʿẓamī, Alexandrie, Dār ʿUmar b. al-Ḫaṭṭāb, s.d. [édition reprographiée].
Ibn al-Mubārak, Zuhd4 = ʿAbd Allāh b. al-Mubārak b. Wāḍiḥ al-Ḥanẓalī al-Marwazī, al-Zuhd wa-l-raqāʾiq, éd. ʾAḥmad Farīd, Riyad, Dār al-miʿrāǧ al-dawliyya, 1415/1995.
Ibn Qudāma, Riqqa = Muwaffaq al-Dīn ʿAbd Allāh b. ʾAḥmad b. Qudāma, Kitāb al-riqqa wa-l-bukāʾ, 1re édition, éd. Muḥammad Ḫayr Ramaḍān Yūsuf, Damas/Beyrouth, Dār al-qalam/al-Dār al-šāfiya, 1415/1994.
Ibn Qutayba, ʿUyūn = ʿAbd Allāh b. Muslim b. Qutayba al-Dīnawarī, ʿUyūn al-ʾaḫbār, Le Caire/Beyrouth, al-Hayʾa al-ʿāmma li-l-kitāb, s.d. [reproduction de l’édition du Caire, Dār al-kutub al-miṣriyya, 1343-1349/1925-1930].
Ibn Saʿd, Ṭabaqāt = ʾAbū ʿAbd Allāh Muḥammad b. Saʿd b. Manīʿ al-Baṣrī al-Hāšimī, Kitāb al-ṭabaqāt al-kabīr, 1re édition, éd. ʿAlī Muḥammad ʿUmar, Le Caire, Maktabat al-Ḫānǧī, 1421/2001.
Ibn al-Ṣalāḥ,ʿUlūm = ʾAbū ʿAmr ʿUṯmān b. ʿAbd al-Raḥmān Ṣalāḥ al-Dīn al-Šahrazūrī, ʿUlūm al-ḥadīṯ, éd. Nūr al-Dīn al-ʿItr, Beyrouth/Damas, Dār al-fikr al-muʿāṣir/Dār al-fikr, 1406/1968.
Ibn Taymiyya, Fatāwā = Taqī al-Dīn ʾAḥmad b. ʿAbd al-Ḥamīd b. ʿAbd al-Salām b. Taymiyya, Maǧmūʿat al-fatāwā, éd. ʿAmir al-Ǧazzār et ʾAnwar al-Bāz, al-Manṣūra/Riyaḍ, Dār al-wafāʾ/Maktabat al-ʿubaykān, 1418/1997.
ʾIṣfahānī, Ḥilya = ʾAbū Nuʿaym ʾAḥmad b. ʿAbd Allāh al-ʾIṣfahānī, Ḥilyat al-ʾawliyāʾ wa-ṭabaqāt al-ʾaṣfiyāʾ, Le Caire/Beyrouth, Maktabat al-ḫānǧī/Dār al-fikr, 1416/1996.
Kūfī, Zuhd = Hannād b. al-Sarī b. Muṣʿab al-Kūfī, Kitāb al-zuhd, Koweit, 1re édition, éd. ʿAbd al-Raḥmān b. ʿAbd al-Ǧabbār al-Faryawāʾī, Dār al-ḫulafāʾ li-l-kitāb al-ʾislāmī, 1406/1985.
Kulaynī, Kāfī = ʾAbū Ǧaʿfar Muḥammad b. Yaʿqūb al-Kulaynī, al-Kāfī. Kitāb al-rawḍa, Beyrouth, Manšūrāt al-faǧr, 8 vol., 1428/2007.
Maʿmar, Ǧāmiʿ = Maʿmar b. ʾAbī ʿAmr Rāšid al-ʾAzdī, al-Ǧāmiʿ, éd. Ḥabīb al-Raḥmān al-ʾAʿẓamī, dans al-Ṣanʿānī Muṣannaf =ʿAbd al-Razzāq b. Hammām al-Ṣanʿānī, al-Muṣannaf, Johannesbourg/Beyrouth, al-Maǧlis al-ʿilmī/al-Maktab al-ʾislāmī, 1390-1392, 2e édition, 12 vol., vol. X-XI , 1983 [1970-1972].
Mizzī, Tahḏīb = Ǧamāl al-Dīn Yūsuf b. ʿAbd al-Raḥmān al-Mizzī, Tahḏīb al-kamāl fī ʾasmāʾ al-riǧāl, 1re édition, éd. Baššār ʿAwwād Maʿrūf, Beyrouth, Muʾassasat al-risāla, 1413/1992.
Mubarrad, Kāmil = ʾAbū al-ʿAbbās Muḥammad b. Yazīd al-maʿrūf bi-l-Mubarrad, al-Kāmil, éd. Muḥammad ʾAbū al-Faḍl ʾIbrāhīm, Le Caire, Dār nahḍat Miṣr, s.d.
Muslim, Ṣaḥīḥ = ʾAbū al-Ḥasan Muslim b. al-Ḥaǧǧāǧ al-Qušayrī al-Nīsābūrī, al-Ṣaḥīḥ bi-šarḥ al-Nawawī, Beyrouth, Dār ʾIḥyāʾ al-turāṯ al-ʿarabī, 1392/1972 [reproduction de l’édition de Muḥammad Muḥammad ʿAbd al-Laṭīf, Le Caire, al-Maṭbaʿa al-miṣriyya, 1347/1929].
Nawawī, Tahḏīb = Muḥyī al-Dīn Yaḥyā b. Šaraf al-Nawawī, Tahḏīb al-ʾasmāʾ wa-l-luġāt, s.e., Beyrouth, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, s.d. [reproduction de l’édition du Caire, ʾIdārat al-ṭibāʿa al-munīriyya, s.d.].
Rāzī, Ǧarḥ = ʾAbū Muḥammad ʿAbd al-Raḥmān b. ʾAbī Ḥātim Muḥammad b. ʾIdrīs b. al-Munḏir b. Dāwid b. Mahrān al-Rāzī, al-Ǧarḥ wa-l-taʿdīl, s.e., Beyrouth, Dār al-kutub al-ʿilmiyya, s.d. [reproduction de la 1re édition de Hayderabad, Dāʾirat al-maʿārif al-ʿuṯmāniyya, 1371/1952-1373/1953].
Études
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Blachère, Régis (1966), Histoire de la littérature arabe des origines à la fin du xve siècle de J.-C., 3 vol., t. III., Paris, Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve.
Brockelman, Carl (1977), Tārīḫ al-ʾadab al-ʿarabī, 6 vol., t. IV, traduction arabe par Sayyid Yaʿqūb Bakr et Ramaḍān ʿAbd al-Tawwāb, 2e édition, Le Caire, Dār al-maʿārif.
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Laoust, Henri (1958), La Profession de foi d’Ibn Batta. Traditionniste et jurisconsulte musulman d’école hanbalite, mort en Irak à ʿUkbarâ en 387/997, Damas, Institut français de Damas.
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Annexe
« Ṣila b. ʾAšyam » – Extrait du Kitāb al-zuhd wa-l-raqāʾiq d’Ibn al-Mubārak
[ صِلة بن أشيَم وهشام بن عامر ]
أَخبركم أبو عمر بن حَيُّوية قال1 : حدّثنا يحيى قال : حدّثنا الحسين قال : أخبرنا عبد لله بن المبارك قال : أخبرنا مُستلِم بن سعيد الواسطيّ قال : أخبرنا حمّاد بن جعفر بن زيد – أراه قال العبديّ – أنّ أباه أخبره قال :
خرجنا في غزوة إلى كابُل وفي الجيش صلة بن أشيم. قال : فنزل الناس عند العتمة، فقلت : لَأرمُقنّ عمله فأنظر ما يذكر الناس من عبادته. فصلّى العتمة، ثم اضطجع. فالتمس غفلة الناس حتّى إذا قلتُ قد هدأت العيون وثب، فدخل غَيضة قريبًا منّا. ودخلتُ في إثره. فتوضّأ، ثمّ قام يصلّي، فافتتح الصلاة. قال : وجاء أسدٌ حتى دنا منه. فصعدت شجرة. [أفلم يره أم عدّه جروًا]2، ثمّ سلّم وقال : أيّها السبع، اطلب الرزق من مكان آخر. فولّى، وإنّ له لزئيرًا ؛ أقول : تصدّعُ الجبال منه. فما زال كذلك يصلّي، حتّى لمّا كان الصبح جلس، فحمد لله بمحامد لم أسمع بمثلها إلا ما شاء لله. ثمّ قال : اللهمّ إنّي أسألك أن تجيرني من النار ؛ أَوَمِثلي يجترئ أن يسألك الجنّة ؟ ثمّ رجع، فأصبح كأنّه بات على الحشايا، وأصبحت وبي من الفترة [شيء]3 لله به أعلم.
فلمّا دنا من أرض العدوّ، قال الأمير : لا يَشُذَّنَّ أحد من العسكر. فذهبتْ بغلته بِثِقْلها4. فأخذ يصلّي. وقالوا له : إنّ الناس قد ذهبوا. فمضى، ثمّ قال لهم : دعوني أصلّي ركعتين. فقالوا له : إنّ الناس قد ذهبوا. قال : إنّهما خفيفتان. فدعا، ثمّ قال : اللهمّ إنّي أقسم عليك أن تردّ إليّ بغلتي وثقلها. فجاء حتّى قامت بين يديه.
قال : فلمّا لقِيْنا العدوّ حمل هو وهشام بن عامر، فصنعا بهم صنيعًا ضربًا وقتلاً، فكسرا ذلك العدوّ. وقالوا : رجلان من العرب صنعا بنا هذا، فكيف لو قاتلونا ؟ فأعطوا المسلمين حاجتهم.
فقيل لأبي هريرة : إنّ هشام بن عامر – وكان يجالسه – ألقى بيده إلى التهلكة. وأخبره خبره. فقال أبو هريرة : كلا، ولكنّه التمس هذه الآية : { وَمِنَ النّاسِ مَنْ يَشْرِي نَفْسَهُ ابْتِغاءَ مَرْضاةِ اللـهِ، واللـهُ رَؤُوفٌ بِالْعِبادِ}5.
Traduction
Ṣila b. ʾAšyam
Vous tenez6 la tradition suivante de ʾAbū ʿUmar b. Ḥayyūya7, d’après > Yaḥyā8 > al-Ḥusayn9 > ʿAbd Allāh b. al-Mubārak > Mustalim b. Saʿīd al-Wāsiṭī10 > Ḥammād b. Ǧaʿfar b. Zayd [al-ʿAbdī]11 (m’a-t-il semblé l’avoir entendu dire) > le père de Ḥammād12 :
Nous entreprîmes une campagne contre Kaboul. Avec l’armée, se trouvait Ṣila b. ʾAšyam13. À la tombée de la nuit, les gens descendirent de leurs montures pour établir un camp. Je me dis : « Je ne manquerai pas de regarder furtivement ce que fera Ṣila b. ʾAšyam ; je verrai ainsi ce que l’on raconte à propos du culte qu’il voue à Dieu. » Ṣila fit la prière du soir, puis il se coucha, guettant le moment où les gens manqueront d’attention. Dès que les regards se furent dissipés, Ṣila bondit et entra dans un marais tout proche de nous, couvert de roseaux. Je le suivis. Il fit ses petites ablutions, puis se leva pour prier, et entama sa prière. Alors, un lion arriva et avança jusqu’à ce qu’il fut tout près de lui. Je grimpai sur un arbre. « Eh donc ! A-t-il vu le lion, ou l’a-t-il pris pour un lionceau ? » Il en fut ainsi jusqu’à ce que Ṣila se prosterna en priant. Je me dis : « Maintenant, le lion va le dévorer ! » Mais il n’en fut rien. Ṣila s’assit en priant, puis il fit la double salutation. Ensuite, il dit : « Ô bête féroce [lion], vas ailleurs chercher la subsistance que Dieu t’a octroyée. » Le lion se détourna de Ṣila b. ʾAšyam et rugit. Oh ! quel rugissement ! Les montagnes devaient se fendre, tellement le rugissement était fort. Ṣila ne cessa de prier ainsi, jusqu’à l’aube. Alors, il s’assit, adressa des louanges à Dieu dont je n’avais jamais rien entendu de pareil, hormis ce que Dieu voulut14. Puis, Ṣila b. ʾAšyam dit : « Ô mon Dieu ! Je te supplie de me protéger du feu ; quelqu’un comme moi, ose-t-il te demander de le destiner au Paradis ? » Puis il revint à son premier état, comme s’il avait passé la nuit sur des matelas confortables. Moi, j’étais abattu ; Dieu seul pouvait savoir combien j’étais épuisé.
Lorsque nous fûmes proches du territoire ennemi, le commandant [l’émir] nous dit : « Que personne ne s’éloigne de la troupe. » Or la mule de Ṣila b. ʾAšyam s’en était allée, emportant avec elle toute sa charge. Alors Ṣila se mit à prier. Des gens lui dirent : « Tout le monde est déjà parti ! » Alors, il s’en alla. Puis il leur dit : « Laissez-moi faire une prière en deux prosternations [rakʿa]. » Ils lui dirent : « Mais les gens sont partis déjà ! » Il dit : « Deux prosternations, c’est peu de chose ! » Alors, il invoqua Dieu, puis dit : « Ô mon Dieu ! je te conjure de me rendre ma mule et sa charge. » La mule revint, et se tint devant lui.
Lorsque nous rencontrâmes l’ennemi, Ṣila lui-même, et Hišām b. ʿĀmir15 l’attaquèrent impétueusement et lui infligèrent une défaite, à force de coups d’épées et de combattants tués. Des ennemis dirent alors : « Voilà ce que deux hommes ont fait de nous ; qu’en aurait-il été si, eux tous, nous avaient combattus ! Donnez aux musulmans ce qu’ils veulent. »
On dit à ʾAbū Hurayra16 : « Hišām b. ʿĀmir – qui lui tenait compagnie –, s’est exposé à sa perte de ses propres mains17, et on lui raconta ce qu’il avait fait ». ʾAbū Hurayra dit alors : « Non, mais il a cherché à mettre en application le verset suivant : { [Toutefois], parmi les Hommes, il en est qui vouent leur personne [à la cause d’Allah], recherchant l’agrément d’Allah. Allah est bienveillant envers Ses serviteurs18. } »
Observations
Le récit est fait par un seul narrateur qui a participé aux événements relatés.
Le texte est composé de trois séquences : 1 - Ṣila b. ʾAšyam et le lion ; 2 - Ṣila b. ʾAšyam et la mule ; 3 - Ṣila b. ʾAšyam et Hišām b. ʿĀmir contre l’ennemi.
Dans les deux premières séquences, un appel est lancé à Dieu qui intervient ; ce qui n’est pas le cas dans la troisième séquence ; et l’on perçoit une critique du comportement audacieux de Hišām ; mais ; à la fin du texte, il y a une consécration de ce comportement par ʾAbū Hurayra, compagnon du Prophète.
Notes de bas de page
1 Pour le détail et les renvois au Coran, voir Gobillot 2002, p. 560.
2 Selon l’ordre alphabétique.
3 À ce propos, voir l’explication donnée par ʿAsqalānī Fatḥ, t. XI, Livre 81, p. 233.
4 Voir à son sujet Ibn al-Ǧawzī ʾĀdāb.
5 Il s’agit de Harim b. Ḥayyān (après 26/647), ʾUways b. ʿĀmir al Qaranī (37/657), ʿĀmir b. ʿAbd Allāh b. Qays (avant 60/680), ʾAbū Muslim ʿAbd Allāh b. Ṯawb al-Ḫawlānī (62/682), al-Rabīʿ b. Ḫuṯaym (62/682), Masrūq b. al-ʾAǧdaʿ (63/683), al-ʾAswad b. Yazīd al-Naḫʿī (75/694), et al-Ḥasan al-Baṣrī (Sezgin 1991, t. IV/I, p. 92-93).
6 Il s’agit de ʾAbū al-Ḥāriṯ ʿAlqama b. Marṯad al-Ḥaḍramī al-Kūfī considéré, en matière de tradition islamique, comme un homme digne de confiance (ṯiqa), sûr (ṯabt), et, pour le moins, bon, sans défaut (ṣāliḥ). Voir Rāzī Ǧarḥ, t. III/I, p. 406 ; Ḏahabī Siyar, t. V, p. 206 ; ʿAsqalānī Tahḏīb, t. VII, p. 279-280 ; ʿAsqalānī Taqrīb, p. 398. Son livre a été édité sous le titre : Zuhd al-ṯamānya min al-Tābiʿīn ; voir Ibn Marṯad Zuhd.
7 Corriger Sezgin 1991, t. I/IV, p. 93, n. 72, et t. I/I, p. 354, n. 7, qui attribue à Ibn ʾAbī Ḥātim al-Rāzī ce livre d’Ibn Marṯad.
8 Cette courte Ṣaḥīfa se trouve dans Kulaynī Kāfī, t. VIII, p. 12-14.
9 Sezgin 1991, t. I/IV, p. 105 ; Le Ǧāmiʿ de Maʿmar b. Rāšid a été publié en annexe du Muṣannaf de ʿAbd al-Razzāq b. Hammām al-Ṣanʿānī. Voir Maʿmar Ǧāmiʿ, t. X., p. 379 sqq. et t. XI. Le Ǧāmiʿ et le Muṣannaf qui le contient méritent une étude particulière.
10 Les index de Brockelmann 1977 et de Sezgin 1991 sont révélateurs à ce propos. Des données utiles se trouvent dans l’introduction de Ḥabīb al-Raḥmān al-ʾAʿẓamī (Ibn al-Mubārak Zuhd, p. 14-16 ; voir note infra), dans les introductions de ʿAbd al-Raḥmān b. ʿAbd al-Ǧabbār al-Faryawāʾī au Kitāb al-zuhd de Wakīʿ b. al-Ǧarrāḥ (Ibn al-Ǧarrāḥ Zuhd, p. 144-153) et à celui de Hannād al-Kūfī (Zuhd, p. 6-8), ainsi que dans l’introduction de ʿĀmir ʾAḥmad Ḥaydar au al-Zuhd al-kabīr de Bayhaqī (Zuhd, p. 47-56).
11 Un Kitāb al-zuhd a été attribué à tort à Bišr al-Ḥāfī (227/841) ; exemple dans Sezgin 1991, t. I/IV, p. 110-111. Voir la rectification par ʿAbd al-Ḥakīm al-ʾAnīs 2015.
12 Il est bien connu que le hanbalisme, d’une façon générale, s’est plu à relever les excès de « dévôtisme » et d’un certain mysticisme ; voir Ibn al-Ǧawzī Talbīs, p. 150-161 (contre les ʿubbād et les zuhhād), et p. 161-378 (contre les mystiques) ; Ibn Taymiyya Fatāwā, t. XI (en entier).
13 Voir la table des matières.
14 Sources principales : Buḫārī Tārīḫ, t. III, p. 212 ; Baġdādī Tārīḫ, t. XI, p. 388-409 ; Nawawī Tahḏīb, t. I, p. 285 ; Mizzī Tahḏīb, t. XVI, p. 5-25 ; Ḏahabī Siyar, t. VIII, p. 378-421 ; Ḏahabī Taḏkira, t. I, p. 274-279 ; ʿAsqalānī Tahḏīb, t. V, p. 382-387. Sezgin 1991, t. I/I, p. 175-176 et t. I/IV, p. 93, 105 ; Robson 1971 (article maigre).
15 كان ابن المبارك في أصحاب الحديث مثل أمير المؤمنين في الناس.
16 كان ابن المبارك إذا قرأ كتاب الرقاق يصير كأنّه ثَور منحور أو بقرة منحورة من البكاء، لا يجترىء أحَد أن يدنو منه أو يسأله عن شيء إلاّ دَفعه.
17 Rappelons que les avis sont partagés sur la probité de Nuʿaym b. Ḥammād en matière de traditions islamiques : certains le considèrent comme digne de confiance (ṯiqa) et sincère (ṣadūq) ; pour d’autres, il passe pour avoir transmis des traditions d’après des personnages à qui l’on ne peut pas faire confiance, ce pour quoi ils le qualifient de faible (ḍaʿīf), et attirent l’attention sur les traditions inconnues ou appuyées sur l’autorité d’un seul transmetteur (munkar, pl. manākīr) qu’il a pu rapporter ; certains faisaient remarquer, enfin, qu’il se trompait, mais reconnaissait sa faute quand on lui faisait remarquer l’erreur commise. Il est connu, par ailleurs, pour avoir été un adversaire de ʾAbū Ḥanīfa et des ǧahmiyya (comprendre : muʿtazila). Il était en Égypte lorsqu’il fut convoqué pour subir la miḥna. Il meurt en prison, en 227/841-842, Ǧumāda 1er 228/février 843, ou encore en 229/843-844. Voir, pour le détail : Mizzī Tahḏīb, t. XXIX, p. 466-481 ; Ḏahabī Siyar, t. X, p. 595-612 ; Ḏahabī Taḏkira, t. II, p. 418-420.
18 La table des matières du livre d’Ibn al-Mubārak permet de se rendre compte des principaux thèmes traités.
19 On peut se reporter, à titre d’exemple, aux textes suivants (le premier numéro renvoie aux traditions visées dans Zuhd1, le second à leurs équivalents dans Zuhd4) : 64 = 55, 99 = 89, 105 = 95, 133 = 122, 166 = 154, 220 = 207, 221 = 208, 225 = 212, 228 = 214, 237 = 223, 431 = 407, 435 = 411, 469 = 444, 506 = 467, 621 = 576, 694 = 646, 863 = 812, 865 = 814… Voir aussi, Zuhd1, p. 161-171 = Zuhd4, p. 406-418.
Notes de fin
1 Les ajouts et les propositions de lecture ont été placés entre crochets droits. Pour ce texte, l’édition de base est celle de ʾAʿẓamī (p. 295-296 ; comp. l’édition de Farīd, p. 652-653), mais nous avons fait de notre mieux pour améliorer la présentation et la compréhension du texte, non seulement en reprenant la vocalisation, la ponctuation, et la subdivision en paragraphes, mais aussi en adoptant certaines lectures grâce à d’autres sources ; et en ajoutant les notes nécessaires, tant au texte arabe qu’à la traduction française.
2 Le texte retenu par ʾAʿẓamī et Farīd donne : أَفَتَراه عذبه حردا (sic), avec la remarque suivante de ʾAʿẓamī : عذبه أي طرده، وقوله : أَفَتَراه استفهام إنكار (p. 296, n. 1).
3 Le « شيء » est absent chez ʾAʿẓamī et Farīd, avec une variante dans l’édition de ʾAʿẓamī : وأصبحت بي من الفترة شيء لله به عليم (p. 296, n. 4). Comp. ʾIṣfahānī Ḥilya, t. II, p. 240 ; Ibn al-Ǧawzī Ṣifa, t. III, p. 217 ; Ibn Qudāma Riqqa, p. 292. Notre « ما » est emprunté à Ibn al-Ǧawzī et Ibn Qudāma.
4 On peut lire : بِثَقَلِها, ce qui signifie : bagages (مَتاع المُسافِر).
5 [Co. 2., 207]
6 Il s’agit du verbe ʾaḫbara : faire savoir, apprendre quelque chose à quelqu’un. La formule de transmission serait généralement dans un cas pareil : ʾAbū ʿUmar b. Ḥayyūya nous a fait savoir (ʾaḫbara-nā, à la première personne du pluriel) ; or ici, il s’agit de ʾAbū ʿUmar b. Ḥayyūya vous a fait savoir (ʾaḫbara-kum, à la deuxième personne du pluriel). Dans cette transmission, le disciple (qui lit un texte ou le récite), au lieu de prononcer les paroles mêmes de son maître, commence par s’adresser à lui puis rapporte la suite de la chaîne de transmission, ce qui convient bien à la situation du disciple par rapport à son maître. Un exemple est donné par Ibn al-Ṣalāḥ ʿUlūm, p. 41).
7 Muḥammad b. al-ʿAbbās b. Muḥammad, ʾAbū ʿUmar al-Ḫazzāz, connu sous le nom d’Ibn Ḥayyūya (295-908/382-992) est jugé communément comme digne de confiance (ṯiqa) ; mais l’on signale chez lui aussi un certain manque de rigueur (tasāmuḥ) (Baġdādī Tārīḫ, t. IV, p. 205-206 ; Ibn al-ʿImād Šaḏarāt, t. III, p. 104).
8 Yaḥyā b. Muḥammad b. Ṣāʿid b. Kātib, ʾAbū Muḥammad (228-318/842 [843]-930), considéré comme digne de confiance (ṯiqa) (Ḏahabī Siyar, t. XIV, p. 501-507).
9 Al-Ḥusayn b. al-Ḥasan b. Ḥarb al-Sulamī al-Marwazī, ʾAbū ʿAbd Allāh (246/860-861), considéré comme digne de confiance (ṯiqa), sincère (ṣādiq), ou véridique (ṣadūq) ; il est qualifié de « compagnon d’Ibn al-Mubārak » (ṣāḥib Ibn al-Mubārak) (Mizzī Tahḏīb, t. VI, p. 361-363 ; Ḏahabī Siyar, t. XII, p. 190-191).
10 Mustalim b. Saʿīd al-Ṯaqafī al-Wāsiṭī est considéré, par Ibn Ḥanbal, comme digne de confiance (ṯiqa), mais d’autres trouvaient seulement « qu’il n’était pas mal » (lā baʾsa bi-hi) (Mizzī Tahḏīb, t. XXVII, p. 429-432 ; ʿAsqalānī Tahḍīb, t. X, p. 104).
11 Ḥammād b. Ǧaʿfar b. Zayd al-ʿAbdī (de ʿAbd al-Qays), homme digne de confiance (ṯiqa), à ne pas confondre avec Ḥammād b. Ǧaʿfar al-Baṣrī qui semble ne pas partager cette qualité (Mizzī Tahḏīb, t. VII, p. 229-231 ; ʿAsqalānī Tahḍīb, t. III, p. 5-6).
12 Ǧafar b. Zayd al-ʿAbdī, père du précédent, et digne de confiance d’après Ibn ʾAbī Ḥātim al-Rāzī ; il rapporta des traditions d’après ʾAnas b. Mālik (Buḫārī Tārīḫ, vol. II, t. I, p. 191 ; Rāzī Ǧarḥ, vol. I, t. I, p. 480).
13 Ṣila b. ʾAšyam al-ʿAdawī est un Successeur (Tābiʿ) dont on vante la dévotion, le renoncement (zuhd) et le scrupule pieux (waraʿ). Il fut tué avec son fils dans un combat qui a opposé les musulmans aux Turcs, dans le Siǧistān, soit en 62/681, soit au début de l’émirat d’al-Ḥaǧǧāǧ b. Yūsuf (40-95/660-714) sur l’Iraq ; il est à noter qu’al-Ḥaǧǧāǧ ne fut nommé gouverneur de Baṣra et de Kūfa que plus tard en 75/694-695. Voir Ibn Saʿd Ṭabaqāt, t. IX, p. 134-137 ; comp. Ḏahabī Siyar, t. III, p. 497-500 ; t. IV, p. 509.
14 Le thème du lion occupe une place de choix dans la culture arabe. Voir, par exemple, l’étendue de l’article « ʾAsad » (Lion), dans le dictionnaire de Damīrī ; sans tenir compte de l’ordre alphabétique, l’auteur commence l’ouvrage par le vocable en question (Damīrī Ḥayāt, t. I, p. 32-65). M. Ḥusayn ʿAbd al-ʾAmīr Marʿašī (université de Téhéran) a bien voulu attirer mon attention sur la place occupée par le lion dans la littérature chiite imamite relative aux grands imams, et sur la référence suivante : Maǧlisī Biḥār, t. XLVIII, p. 300, n° 17 ; t. XLIX, p. 124, n° 16 ; t. L, p. 313, n° 30. Pour la tradition chrétienne orthodoxe, voir Hiéromoine Macaire de Simonos-Petras (1991) – texte aimablement mis à ma disposition par Sœur Bénédict Cauchois (Sœur Moubarakah).
15 Hišām b. ʿĀmir b. ʾUmayya al-ʾAnṣārī, des Banū al-Ḥāriṯ, des Ḫazraǧ, compagnon de Muḥammad ; il s’établit à Baṣra, et mourut, semble-t-il, sous le gouvernorat de Ziyād b. ʾAbīh (m. 53/673) ; celui-ci fut nommé gouverneur de Baṣra en 45/665-666, et de Kūfa en 50/670 (Ibn Saʿd Ṭabaqāt, t. V, p. 367 – notice très courte ; ʿAsqalānī ʾIṣāba, t. XI, p. 223 et note ; t. V, p. 492-493 notice relative à son père).
16 ʾAbū Hurayra al-Dawsī, compagnon de Muḥammad, mort en 58/678 ou 59/679 ; il a transmis un grand nombre de traditions. Ibn Saʿd Ṭabaqāt, t. II, p. 312-314 ; t. V, p. 230-258 ; Robson 1960, p. 129.
17 [Co. 2., 195]. Trad. R. Blachère.
18 [Co. 2., 207]. Trad. R. Blachère.
Auteur
Université Saint-Joseph, Beyrouth

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