Prologue
p. 13-15
Texte intégral
1Deux heures du matin. Après une traversée pénible de neuf jours depuis Tahiti, durant laquelle je suis resté allongé sur ma couchette sans pouvoir véritablement manger ni boire (hormis les moments d’escale dans les îles du nord de l’archipel) à cause du mal de mer contre lequel je ne pouvais rien faire que d’être patient, le moment tant attendu est arrivé.
2Appelé sur le pont par Uria et d’autres Rapa qui ne peuvent réfréner leur joie, je vois dans l’obscurité la silhouette massive de l’île se dessiner peu à peu à l’horizon. La lenteur du bateau n’est désormais plus un problème. Elle solennise d’une certaine façon notre approche dans le silence de la nuit qui s’impose à nous malgré le rugissement ininterrompu des moteurs.
3Mais l’accostage du bateau à Rapa est compliqué. Pas très loin du quai, nous percutons un pâté de corail et le Vaeanu s’immobilise dans la passe, à la stupeur des hommes et femmes présents à bord et (j’imagine) des insulaires venus chercher leurs proches. Après différentes manœuvres qui me semblent durer une éternité, le cargo déjà bien cabossé se désenclave et nous approchons enfin de l’île.
4Alfred m’attend sur le quai. Il ressemble à Tabarly. Nous faisons connaissance. J’ai l’impression de déjà le connaître. Il parle assez bien français et est très chaleureux. Tandis que l’effervescence se dissipe peu à peu sur le quai, nous marchons tous les deux dans la nuit noire vers chez lui avec mes deux sacs sur l’épaule (le quai est à environ deux kilomètres du village d’Ahurei).
5Alfred me dit qu’il a cinq enfants biologiques et quatre enfants adopté-e-s ; deux de ses fils vivent à Rapa, où résident également leurs sœurs adoptives. La plupart sont marié-e-s et ont des enfants. Au bout d’une vingtaine de minutes, après avoir dépassé l’imposant temple au toit rouge, nous arrivons chez lui : une petite maison en dur côté mer, à la périphérie du village.
6Je fais la connaissance de Mere, sa femme qui est restée éveillée jusqu’à mon arrivée. Autour de la table de la cuisine, nous parlons un peu (ce qui me permet de constater très vite les limites de mon tahitien…). Alfred et Mere me proposent de manger. Mais il est tard. Je suis fatigué et suggère de reporter le repas à demain. Il est temps de laisser mes hôtes se reposer. Alfred et Mere me touchent déjà profondément. Ils m’indiquent ma chambre et la salle de bain.
7Nous allons tous nous coucher, demain sera un autre jour…
8Notes de terrain, 9 août 2001
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