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  • 1. Le roman de la guerre civile ?
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    Plan détaillé Texte intégral Littérature de guerre, mais de quelle guerre ? Une littérature d’« après 60 » Impact du contexte sociopolitique sur l’écriture et émergence d’une interrogation métafictionnelle Narration éclatée Notes de bas de page

    Elias Khoury

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    1. Le roman de la guerre civile ?

    p. 23-45

    Texte intégral Littérature de guerre, mais de quelle guerre ? Une littérature d’« après 60 » Impact du contexte sociopolitique sur l’écriture et émergence d’une interrogation métafictionnelle Narration éclatée Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Selon l’historiographie officielle, la guerre civile libanaise commence le 13 avril 1975 et prend fin en 1990. Un incident sanglant, dans une banlieue de Beyrouth, entre les phalanges chrétiennes et des Palestiniens met le feu à la poudrière libanaise : le pays restera enflammé quinze années durant. En 1990, avec la bénédiction de Damas et de l’Arabie saoudite, les députés libanais signent l’accord de Taëf — du nom de la province saoudienne où furent menées les négociations — qui instaure une réconciliation nationale. Mais la déconfessionnalisation1 politique prévue dans la charte demeure un vœu hypothétique. Pis encore, la confessionnalisation en ressort renforcée. Les conflits refoulés, sans être apaisés, alimentent sans cesse les scénarios noirs d’une reprise des violences. Le feu n’est pas éteint qui couve sous les cendres, et pourrait à tout moment être ravivé par les intentions bienveillantes. La période de l’après-guerre témoigne de la fragilité de la paix retrouvée.

    2Le roman libanais contemporain peut être considéré comme l’enfant de cette guerre, écrit Khūrī2. Brisant les tabous et ébranlant les assises idéologiques qui prévalaient jusque là, la guerre a libéré l’esprit, et par conséquent l’écriture, du carcan du consensualisme (tawfīqiyya) dominant. Dans al-Dhākira al-mafqūda (« La mémoire perdue »), Khūrī analyse longuement l’échec du projet de modernité arabe, fondé depuis la renaissance (nahḍa) sur ce consensualisme. Vouloir satisfaire les exigences de modernité occidentale tout en sauvegardant conjointement l’héritage culturel, linguistique et religieux arabe a mené à une impasse, que ce soit au niveau de la construction d’un État moderne ou au niveau de la culture, et notamment de la littérature. Les défaites à répétition ont montré les contradictions inhérentes à ce projet. Jusque là, la littérature avait adopté une approche qui tentait de satisfaire les exigences formelles nouvelles sans se détacher d’une certaine pensée traditionaliste, bien que les deux fassent mauvais ménage :

    La guerre civile au Liban est une expérience historique qui a restructuré les forces sociales en place tout en dévoilant leurs contradictions. La guerre ne s’est pas déroulée seulement sur le terrain politique, elle a ravagé la mémoire, notre mémoire collective de la nahḍa. Cette mémoire qui se voulait moderne s’est effondrée avec la guerre, un effondrement caractéristique de la condition générale de la culture arabe. Les pensées toutes faites, les discours, les institutions et les valeurs héritées de la prétendue modernité de la nahḍa sont devenus vains. (al-Dhākira al-mafqūda, p. 26)

    3Une nouvelle littérature a pu ainsi se développer sur un terrain où tout était à reconstruire. Cette thèse n’est pas isolée ; elle fait écho à d’autres études critiques, parues à la même période, qui ont contribué à forger ce qui sera communément appelé « la littérature de la guerre » (adab al-ḥarb).

    4Yumnā al-ʿĪd lie les transformations de l’écriture romanesque dans le roman libanais de la guerre à la guerre elle-même, voyant dans cette littérature une forme de résistance3.

    5Rafīf Ṣīdāwī4 considère que les romans antérieurs à l’explosion de la guerre civile comme ceux de Tawfīq Yūsuf ʿAwwād, Yūsuf Ḥabshī al-Ashqar, Suhayl Idrīs et d’autres, par delà la disparité de leurs visions et malgré leur dénonciation pessimiste des injustices engendrées par les structures sociales familiales et politiques sclérosées, avaient pour dénominateur commun un projet de refondation sociale et politique du Liban : ce projet est, selon elle, mis à mal dans les romans écrits pendant la guerre par des romanciers comme Rashīd al-Ḍa‘īf, Ilyās Khūrī, Ḥasan Dāwūd, ‘Alawiyya Ṣubḥ ou Hudā Barakāt.

    6Sāmī Swaydān5 se situe dans cette même mouvance. Ces approches font ressortir les rapports entre société et littérature, et montrent l’impact, sur le roman libanais, d’un événement aussi déstructurant que la guerre civile.

    7Edward Saïd, quant à lui, a pertinemment souligné l’impossibilité pour le roman arabe en général, non seulement libanais mais aussi bien égyptien, palestinien, syrien, etc., de se désengager du politique : « Le roman arabe, ainsi entouré par le politique et, dans une large mesure, prisonnier des conflits locaux et du climat international, est, véritablement, un genre assiégé6. »

    Littérature de guerre, mais de quelle guerre ?

    8L’œuvre d’Ilyās Khūrī pourrait donc être à bon droit considérée comme le produit de la guerre civile. À double titre : non seulement il a écrit durant cette période, mais ses romans, même ceux parus après 1990, ont la guerre pour sujet.

    9Dans Bāb al-shams (La Porte du soleil), Khalīl, un combattant palestinien réfugié au Liban, se souvient :

    C’était la guerre civile au Liban.
    Lorsque la guerre a commencé, je me suis rappelé ʿAmmān et comment nous en avons été expulsés sans avoir été vaincus. En septembre 1970, nous avons été défaits sans avoir fait la guerre. Nous sommes partis dans les forêts de Jarash et de ʿAjlūn où ce fut la fin. […]
    À Beyrouth, la guerre a été différente. Elle a duré longtemps. Au début, je croyais qu’elle serait comme à ʿAmmān, que le combat ne durerait pas plus que quelques semaines, et que nous nous retirerions ailleurs par la suite. J’avais tort, car le Liban a explosé entre nos mains. Un pays entier volait en éclats, et nous, nous courions parmi les débris des villes, des villages et des diverses communautés religieuses.
    Je ne te ferai pas maintenant l’analyse de cette guerre du Liban, mais elle m’a terrorisé. J’étais terrorisé de voir le ventre de la ville exploser, ses entrailles sortir et les rues se transformer en vestiges des morceaux de la société décomposée. Tout s’est désintégré pendant la guerre civile : même moi, je me suis divisé en un grand nombre de personnages. Chaque jour, nous changions de discours politique et d’alliance, allant de la gauche au soutien des musulmans, des musulmans aux chrétiens, du massacre de Shātīlā en 1982, perpétré par les Israéliens et les phalangistes, au siège/massacre de 1985, mené par le mouvement Amal avec le soutien de la Syrie.
    Comment croire que cette guerre était réelle ? Je la revois encore, comme un rêve mystérieux, comme un nuage qui m’enveloppe de la tête aux pieds. C’est fascinant comme j’ai pu gober une telle quantité de slogans contradictoires. Les mots étaient alors aisés, le sang aussi. C’est pourquoi nous ne nous sommes pas aperçus du gouffre dans lequel nous étions en train de glisser. (Bāb, p. 143-144)

    10Un autre roman de l’auteur, Sīnālkūl7, montre que la guerre, une vingtaine d’années après sa fin officielle, n’est manifestement pas un sujet clos. Le titre, « Sin alcohol » (sans alcool en espagnol), est le surnom d’un milicien qui semait la terreur à Tripoli pendant les premières années de la guerre. Quant à Karīm, un dermatologue de confession chrétienne, militant de la gauche laïque libanaise, il quitte son pays pour fuir la guerre et s’installe à Montpellier, en France, dans l’espoir que l’exil pansera ses blessures et finira par lui apporter l’oubli. N’y trouvant pas la paix souhaitée, il retourne au Liban, déterminé à reprendre les projets qu’il avait abandonnés à son départ. Or, les bombes, les désillusions et un sentiment de perte irrémédiable auront raison de ses espoirs. Même, le manifeste qu’il avait écrit avec son ami Dānī est récupéré par les islamistes ; ces derniers ont juste effacé les termes « Marx » et « la classe ouvrière » et mis à la place le mot « islam ». Karīm prend un billet de retour pour la France. Le chemin qui le mène à l’aéroport est atteint par des coups de feu et d’obus. La fumée bouche l’horizon. Parviendra-t-il à prendre l’avion ? Incertitude, angoisse, échec sont le fin mot de l’histoire.

    11Le fait que, de l’aveu et de la pratique de Khūrī, se soit ainsi autonomisé un roman de la guerre civile, en rupture avec le roman de la génération précédente ne signifie nullement l’enfermement de ce roman dans un temps spécifique sans avant ni après : Khūrī s’attache, en effet, à faire la généalogie de cette guerre, faisant remonter ses prémisses aux massacres qui eurent lieu dans la montagne libanaise en 1858-1860 entre les chrétiens et les druzes.

    12Tentant d’expliquer à ses bourreaux et geôliers les causes de son état de perturbation et de déchéance, Yālū, dans le roman éponyme, leur dit : « l’histoire de Yālū, c’est la guerre8 » (Yālū, p. 290). Ce faisant, le roman lie le sort individuel du personnage à l’histoire collective du pays. Il revient notamment sur les massacres de 1858-1860, les décrivant comme le premier maillon de la longue chaîne de déterminismes à laquelle se réduit l’histoire moderne du Liban.

    13De même, le roman Majmaʿ al-asrār9 (Le Coffre des secrets) s’ouvre sur ces massacres de 1858-1860 ; ces derniers ont provoqué de grandes vagues d’émigration, poussant une partie de la famille Naṣṣār à émigrer et à s’installer en Colombie :

    On dit, et Dieu seul le sait, que les hommes de la famille Naṣṣār ont été égorgés dans le village alors qu’ils fuyaient dans les rues étroites en terre battue. C’était un massacre. En ce temps-là, entre 1858 et 1860, le sud du Mont-Liban, depuis Rāshayya, Ḥāṣbayya, Dayr al-Qamar et Shaḥḥār, baignait dans le sang. (Majmaʿ, p. 150)

    14Le retour à ces événements sanglants de l’histoire du Liban montre que l’hypothèse d’un roman lié à la guerre civile doit, sous peine de rester quelque peu empirique et confuse, être sérieusement travaillée en extension et en compréhension. Ainsi, ʿAbdū Wāzin, écrivain et poète libanais, responsable de la page culturelle du quotidien panarabe al-Ḥayāt, observe que ce qui est communément appelé la « littérature de guerre10 » (adab al-ḥarb), renvoie, dans le contexte libanais, aussi bien aux romans qui ont la guerre pour sujet qu’à ceux qui ont été écrits pendant la guerre civile elle-même : celle-ci demeure un sujet une fois même qu’elle est éteinte et que le contexte a changé. À supposer d’ailleurs qu’il ait véritablement changé et que le moment actif de la guerre civile n’ait pas avant tout révélé une matière spécifiquement libanaise définie par la profondeur et la fatalité de la discorde. ʿAbdū Wāzin souligne en tout cas que la trêve instaurée en 1990 n’est en rien parvenue à chasser le spectre de la guerre. Les conflits idéologiques et confessionnels qui ont atteint leur point culminant pendant la guerre civile de 1975 ont continué à gangréner le système sociopolitique libanais. « Les Libanais, écrit-il, ont l’intime conviction que l’arrêt des combats armés n’a pas été suffisant pour mettre un terme à la guerre qui est essentiellement la résultante d’un long conflit intellectuel et communautaire sans fin. Ainsi, la paix semble faire partie de la guerre elle-même, mais sans combats ni massacres. La guerre libanaise se distingue des autres guerres par sa permanence aussi bien dans le présent que dans la mémoire, que cela soit en temps de paix ou de conflit. »

    15Khūrī partage ce constat. Il explique, à ce sujet, comment les enjeux géopolitiques et stratégiques font du Liban un projet de guerres civiles à répétition11. D’ailleurs, son discours ne se démarque pas de celui qui est communément accepté par les Libanais. Il dit que le Liban, depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, a toujours été un État faible, exposé aux tiraillements d’intérêt des puissances étrangères et à leur ingérence et que, de ce fait, il n’a jamais réussi à se construire ni une histoire unifiée ni un avenir commun. L’histoire du Liban moderne ne commence pas, contrairement à ce qu’on peut lire, au xvie siècle avec le règne de la dynastie Maan qui a gouverné la montagne libanaise de 1544 à 1697. Car, continue-t-il, au temps des Maan, le Liban n’était qu’une province ottomane, sans délimitation territoriale. C’est la décomposition de l’Empire ottoman qui donne l’occasion aux Druzes de tenter d’acquérir l’hégémonie sur la montagne libanaise. La résistance des maronites à cette offensive débouche sur leur massacre par les Druzes, de 1840 à 1860. Suite à ces tueries, la pression des puissances occidentales sur l’Empire ottoman mène à la création de la moutasarrifiyya, qui jouissait d’une relative autonomie. Le gouverneur, nommé par l’Empire ottoman, était chrétien, non Libanais et de nationalité ottomane. Un conseil consultatif central est formé sur base confessionnelle. Après la Première Guerre mondiale et l’effondrement de l’Empire ottoman, les vainqueurs, France et Royaume-Uni, se partagent la région. La création du Grand Liban, en 1920, entité coloniale française placée sous l’autorité du général Gouraud, consacre la répartition confessionnelle définie sous la moutasarrifiyya. Cette répartition confessionnelle, au fondement du régime politique libanais, gangrénera le pays jusqu’à aujourd’hui.

    16De ce fait, l’histoire du Liban, depuis son indépendance (1943), se résume, poursuit Khūrī, à des conflits interconfessionnels entrecoupés par des moments d’accalmie fragiles. Ces conflits sont la caisse de résonance de crises régionales, les différentes communautés faisant appel, selon les moments, à un soutien étranger ou à un autre. L’évolution des forces politiques dans la région entraîne, chaque fois, une remise en cause de l’équilibre interne du pays entre les différents partis qui se partagent le pouvoir.

    17Le pacte national de 1943 consiste en un accord de partage du pouvoir entre sunnites et maronites : les dirigeants sunnites acceptent de renoncer à leur revendication d’union avec la Syrie. En contrepartie, les dirigeants maronites renoncent au protectorat de la France. Cependant, ce pacte ne sera pas respecté. Les maronites restent alliés à la France tandis que les musulmans cherchent un soutien parmi les pays arabes voisins. Ces alliances provoquent, entre autres, des tensions en 1956, lors de la crise de Suez, lorsque le président Sham‘ūn refuse de rompre son alliance avec la Grande-Bretagne et la France.

    18La montée du nassérisme, en 1958, remanie la scène politique et ravive les tensions entre musulmans et chrétiens. En 1967, la défaite des pays arabes face à Israël incite la coalition des diverses milices chrétiennes (Kataêb, Parti national libéral, Bloc national) à inverser la situation à l’avantage des maronites. La montée de la résistance palestinienne et son implantation au Liban radicalise les positions entre, d’une part, l’OLP et ses alliés dont le Parti socialiste progressiste créé par Kamāl Jumblāṭ dans le fief druze, qui n’a de progressiste que le nom et, d’autre part, le Front chrétien, faisant éclater la guerre civile en 1975. Durant la guerre, les conflits de pouvoir n’ont pas opposé les maronites aux sunnites, comme en 1958, mais le Mouvement national (al-ḥaraka al-waṭaniyya : coalition des partis nationalistes, laïques et de gauche) au Front chrétien. En 1976, le mouvement national était sur le point de remporter la victoire. Les dirigeants chrétiens demandent alors l’intervention de la Syrie qui en profite pour étendre sa domination sur le Liban.

    19La révolution iranienne, en 1979, et la victoire de Khomeiny débouchent sur la création du Hezbollah, qui consolide la montée en puissance du chiisme au Liban ; en résulte l’accentuation des divergences d’intérêts et des tensions entre les deux principales confessions musulmanes, les sunnites faisant allégeance à l’Arabie saoudite et les chiites à la Syrie et à l’Iran.

    20L’invasion israélienne de 1982 conduit au départ des combattants palestiniens et à l’arrivée au pouvoir des alliés chrétiens de l’État hébreu. Bashīr Jmayyil est élu président — et assassiné quelques mois plus tard. Les massacres de Ṣabrā et Shātīlā, commis par les phalanges chrétiennes sous couvert israélien, sont la conséquence directe de cet assassinat. Puis le départ d’Israël, le retour en force de Damas et son alliance avec le Hezbollah signent le début de l’effondrement de l’éphémère pouvoir chrétien. Cet effondrement culmine avec l’accord de Taëf qui met fin, en 1990, à la guerre civile libanaise. En conséquence de cet accord, le Liban se retrouve sous tutelle syrienne et la répartition des forces sur l’échiquier politique est remaniée. Le gouvernement, dont le Premier ministre est sunnite, et l’Assemblée nationale, dont le chef est chiite, concentrent le pouvoir tandis que le président de la République, maronite, en sort affaibli. Pour récompenser la Syrie du soutien qu’elle leur a apporté, les États-Unis donnent leur feu vert à la tutelle syrienne pendant la première guerre du Golfe, consécutive à l’invasion du Koweït par Ṣaddām Ḥusayn en août 1990. Les tensions entre sunnites et chiites continuent de s’exacerber, bloquant le fonctionnement des administrations. Nous sommes toujours, pour le moment, pris dans cette configuration. L’échec de la création d’un État libanais fort et centralisé ainsi que l’instabilité de la région font que le Liban, conclut Khūrī, reste en proie à une guerre civile latente menaçant son intégrité en permanence.

    21La paix, considérée comme un bref moment d’accalmie, ne crevant en rien l’abcès confessionnel et idéologique fait que le malheur libanais demeure, jusqu’à nouvel ordre, sans fin.

    Une littérature d’« après 60 »

    22Ces considérations sur l’histoire du Liban et sur la représentation littéraire de la guerre civile — passée, présente et à venir — incitent à prendre avec précaution une périodisation de la littérature libanaise qui se focaliserait trop exclusivement sur le début des années 1970. Certes, l’idée d’un roman de la guerre civile fait sens. Cependant, ce point de vue, libanocentré, n’est pas inclusif d’autres niveaux d’approche. Car, comment envisager dès lors le tsunami survenu avec l’expulsion des Palestiniens, en mai 1948, de leurs villes et villages, suite à la création d’Israël sur les trois quarts de la Palestine historique, ou encore le problème national arabe en général — des événements qui impactent tout aussi bien la littérature libanaise ?

    23Khūrī, d’ailleurs, considère que la question de la Palestine est le cœur des problèmes du monde arabe ; aucune solution de paix durable n’est envisageable sans le dénouement de cette question. Après Bāb al-shams, la parution de Awlād al-ghetto : Ismī Ādam12 témoigne du caractère imbriqué aussi bien des histoires des pays arabes que de leurs littératures.

    24Quelle place accorder aussi, sur le plan de l’histoire littéraire, à la guerre de 1967 ? Pour Fabio Caiani13, la critique littéraire a lieu de retenir cette date, par « convention », pour marquer l’émergence d’un nouveau roman arabe. Une telle périodisation simplifierait une approche littéraire et historique complexe sans pour autant occulter l’impact d’autres événements déstabilisateurs comme la guerre libanaise. Une approche que nous partageons : « Parler d’une littérature d’« après 60 » — au sein de laquelle le roman libanais est largement représenté — a le mérite de proposer une dénomination plus large et de mettre l’accent sur l’interconnexion de la littérature libanaise contemporaine avec le contexte environnant, comme avec le monde globalisé14. » En effet, pendant deux décennies, de 1950 à 1967, les Arabes avaient gardé l’espoir de se relever de la nakba. Al-nakba, terme employé la première fois par Qusṭanṭīn Zrayq dans son livre Ma‘nā al-nakba15 (« Le sens de la nakba », 1948) signifie littéralement « désastre » ou « catastrophe ». La naksa, en référence à la guerre des Six-Jours, en déstabilisant les valeurs, plonge les Arabes dans une « rechute ». Cette débâcle politique constitue un tournant ; la génération à laquelle appartient Khūrī, après avoir cru que l’unité arabe et le socialisme feraient advenir un monde meilleur, est désormais consciente que « les beaux jours où les sociétés ont un avenir collectif [sont] terminés16 ».

    25Sur la scène mondiale, la foi dans l’histoire fait place au scepticisme. Après la Seconde Guerre mondiale, jusqu’aux débuts des années 1970, le monde connaît une phase d’expansion économique dans un contexte de guerre froide puis de décolonisation. À partir du début des années 1970, l’économie mondiale passe par une période de récession marquée par une forte montée du chômage, de l’inflation et des crises régionales. L’économie mondiale sort de la récession au début des années 1980 par la libéralisation du commerce, la déréglementation financière et l’augmentation massive de l’endettement des particuliers, des entreprises et des États. L’effondrement des communismes dans les années 1980 et l’absence d’alternative à un libéralisme économique à la crédibilité libératrice vacillante marquent l’esprit du temps, et donc aussi la création romanesque. Ce contexte pèse de tout son poids sur le roman de Khūrī et participe de l’émergence de nouvelles formes d’écriture.

    26L’appellation « roman de la guerre civile », tout en gardant une certaine pertinence, ne rend pas compte du fait que les guerres sont désormais mondiales comme l’est également la littérature.

    Impact du contexte sociopolitique sur l’écriture et émergence d’une interrogation métafictionnelle

    27Raconter suppose la capacité de saisir ensemble, d’agencer les éléments épars de l’histoire, d’instaurer un ordre là où règnent confusion et désordre. Or, chez Khūrī, le narrateur réalise que ce pouvoir de présenter une histoire cohérente, achevée et obéissant à un ordre préétabli, n’est plus possible : « Nous trouvons les histoires jetées sur les chemins de la mémoire et les ruelles de l’imagination. Comment les structurer dans un pays où toutes les structures se brisent17 ? » (Mamlakat, p. 103). L’absence de structure, évoquée par le narrateur, est liée à un contexte politique instable et angoissant. Les valeurs se sont effondrées, entraînant dans leur chute toute possibilité de construire un monde cohérent et stable. En semant la confusion et le chaos, cette absence de structure contribue à l’égarement du narrateur dans sa tentative de reconstituer une histoire crédible et achevée. Bāb al-shams insiste sur l’idée selon laquelle la guerre n’a pas de commencement assignable : c’est comme si elle avait toujours été là. Elle brise tout et rend impossible la reconstitution d’une version unanimement reconnue des faits : « La question, c’est la guerre, et la guerre n’a pas de début » (Bāb, p. 282). La guerre comme effacement des traces constitutives des lieux et des personnes mène dans al-Wujūh al-bayḍā ͗ (Un Parfum de paradis) à la folie. Suite à la mort de son fils Aḥmad, enrôlé par les milices lors de la guerre civile libanaise, Khalīl développe une maladie étrange. Il prend des gommes et efface les articles de journaux, puis commence à sortir dans les rues et peindre les murs de la ville en blanc, avant d’être tué, à son tour, dans des circonstances inconnues. La couleur de la guerre, chez Khūrī, est le blanc. Ce n’est ni le rouge, ni le noir. Le blanc est la couleur des linceuls, des précipices, du néant. « La mort est blanche, mon ami, comme les draps qui enveloppent ton corps sur ce lit métallique », lit-on d’ailleurs dans Bāb al-shams (p. 196). Le blanc évoque également la page où rien n’est écrit. La guerre comme éclatement de l’histoire individuelle et collective met le narrateur devant une nouvelle page où tout serait à réécrire et où le travail de la mémoire est fortement sollicité : « Ces guerres n’étaient-elles pas des exercices de la mémoire ? On dit que la guerre est un exercice d’oubli car, si nous n’avions pas oublié les massacres que nous avions perpétrés, nous aurions été ravagés par le remords. » (Mamlakat, p. 95).

    28L’incertitude place le narrateur en face d’un matériau qu’il ne parvient plus à assembler. Cela va déclencher une interrogation métafictionnelle qui engagera le roman dans la réflexivité sur sa nature et son rôle. La fiction devient, elle-même, « une matière à réflexion à l’intérieur du discours romanesque, un mode d’écriture et de déchiffrement18 ». Nous nous référons ici à Mamlakat al-ghurabā͗ (« Le royaume des étrangers »), car ce roman19 est un condensé du discours métafictionnel sur lequel se fonde l’écriture de Khūrī. Le narrateur y est un écrivain chevronné. Il a travaillé au Centre d’études palestiniennes et a enseigné à la Columbia University aux États-Unis. Il connaît aussi bien la littérature libanaise que la littérature mondiale. Il cite les poètes Fu’ād Gabriyāl Naffāʿ et Maḥmūd Darwīsh et des écrivains comme Marūn ʿAbbūd et Jibrān Khalīl Jibrān. Il se réfère à Umberto Eco, à Vladimir Propp et n’hésite pas à se lancer dans une étude comparative entre l’une des histoires qu’il raconte dans ce roman, celle du médecin Luṭfī Barakāt et celle du docteur Adam, racontée par Salman Rushdie dans Midnight’s Children20 (1981).

    29Le narrateur n’a pas de nom. Mais parlant à la première personne, il écrit que la guerre civile libanaise s’est transformée en « visages blancs » (wujūh bayḍāʾ, p. 28). En mettant cette expression entre guillemets, le narrateur renvoie à l’un des romans de Khūrī, al-Wujūh al-bayḍāʾ (« Les visages blancs »). Le roman fait également implicitement allusion à un autre roman de Khūrī : al-Jabal al-ṣaghīr (La Petite Montagne, p. 115). En y introduisant certains éléments autobiographiques, le narrateur nous autorise à poser une certaine identité entre lui et l’auteur Ilyās Khūrī. Le narrateur-auteur se trouve confronté à la question théorique des apories de l’écriture romanesque vers la fin d’un xxe siècle ravagé par la violence, une violence dénuée de sens et qui marque un certain épuisement de l’humain. Il s’interroge sur les problèmes qui l’empêchent de raconter une histoire crédible pour le lecteur et sur les moyens de les contourner. Les obstacles tiennent à des raisons externes et n’ont rien à voir avec un quelconque tarissement de l’inspiration du narrateur. La crise n’est pas due à un manque de savoir-faire ; elle est la manifestation d’une volonté assaillie par les doutes, qui se remet en question et tente de reconstituer son rapport à un monde ayant perdu son évidence.

    30Mamlakat al-ghurabā ͗ commence par un questionnement, sans cesse répété : « À propos de quoi j’écris ? » (Mamlakat, p. 12). Ce questionnement revient comme un leitmotiv au commencement des quatre chapitres suivants et il n’est pas rare de le voir resurgir au milieu de la narration.

    31Le deuxième chapitre commence ainsi : « À propos de quoi j’écris ? où est l’histoire ? me demanda Maryam. » (p. 21) Et un peu plus loin : « Qu’est-ce que j’écris ? où est le problème ? lui demandai-je. » (p. 26). Le troisième chapitre commence par : « Qu’est-ce que j’écris ? Je ne sais pas. Je sens la parole se désintégrer et se disloquer. Nous sommes devant la mer Morte. » (p. 37) Et le chapitre 4 : « Qu’est-ce que j’écris ? où est le problème dans cette histoire ? » (p. 63) De même pour le début du dernier chapitre : « Qu’est-ce que j’écris ? » (p. 109). « Je ne sais pas », écrit-il à plusieurs reprises. « Je ne dirai plus je ne sais pas, je l’ai déjà dit des dizaines de fois dans ce roman. » (p. 102) Les histoires tournent et demeurent inaccessibles :

    Toutes les histoires que je connais et que je ne connais pas s’étaient assemblées là-bas, sur le bord brisé de cette mer salée de couleur grise. […] Et derrière nous des villes qui glissaient vers les profondeurs du Jourdain comme si elles s’effondraient sous terre, glissant vers un lieu inaccessible, vers des histoires qui tournent et tournent apparemment sans fin. (Mamlakat, p. 11)

    32Cette interrogation métafictionnelle sur le roman était déjà à l’œuvre dans al-Wujūh al-bayḍā͗, paru en 1981, douze ans avant Mamlakat al-ghurabā͗. Sāmī Swaydān y relève le primat du discours métafictionnel sur l’histoire elle-même :

    Al-Wujūh al-bayḍā’ s’applique à attirer l’attention sur son style narratif particulier. Tout comme le roman ne cesse d’égrener les informations, de raconter les histoires, de rappeler les événements, il n’a de cesse de faire prévaloir son style singulier comme étant le vrai domaine de création. La façon de narrer l’événement a une plus grande importance que le sujet de la narration. L’intérêt porté au style n’écarte pas le sujet pour autant mais lui confère par cela même son plus beau rayonnement21.

    33Faite de blancs et d’incertitudes, prisonnière d’un contexte politique chaotique qui la force à se recomposer en permanence, l’histoire perd sa crédibilité. L’hésitation pourrait se répercuter sur le lecteur qui risque de se détacher de la lecture, n’y trouvant plus l’intérêt et le divertissement attendus. Ce souci taraude l’auteur-narrateur : « Et s’il se trouve quelqu’un qui voudrait la lire [l’histoire] » (Mamlakat, p. 71). Dans Riḥlat Ghandī al-ṣaghīr22 (« Le voyage du petit Ghandi »), Alice fait remarquer au narrateur que la télévision est devenue un meilleur moyen de divertissement que les histoires :

    • À quoi bon écrire, nom de Dieu ?
    • Pour faire des livres et inventer des héros ; les gens les lisent et se divertissent.
    • Ils se divertissent en regardant la télévision, n’est-ce-pas mieux ?
    • Peut-être, qu’est-ce que j’en sais ? (Riḥlat, p. 138)

    34La guerre se présente comme un élément déterminant de la perte d’évidence qui installe un malaise dans l’approche que tente le narrateur de son art. Ce malaise constitue un trait distinctif de son écriture, car il est confronté à une situation déstabilisante marquée par l’effondrement des valeurs qui constituaient les assises de la refondation littéraire de la renaissance arabe. C’est pourquoi l’auteur-narrateur de Mamlakat al-ghurabā͗ insiste sur sa rupture avec les romanciers de la génération précédente. Il reconnaît en Marūn ʿAbbūd (1886-1962) un maître incontesté de l’art de conter, et fait état de l’admiration de son père pour Jibrān Khalīl Jibrān (1883-1931), un écrivain reconnu pour son rôle déterminant dans l’évolution et la modernisation de la littérature arabe et pour son influence sur toute une génération d’écrivains arabes. Selon le père du narrateur, son fils ne fait que voler les histoires des gens et prétendre par la suite que ce sont les siennes. Le père dénie ainsi à son fils-écrivain toute créativité littéraire. Cependant, le narrateur fait remarquer que ni Marūn ʿAbbūd ni Jibrān, réputés faire partie des avant-gardes de la renaissance moderne, n’auraient pu écrire comme il le fait lui-même car, eux, savaient, alors que lui ne sait pas. Eux connaissaient et maitrisaient leur sujet, pas lui. En prenant ses distances vis-à-vis d’auteurs ayant fortement marqué leur génération et participé à la refondation littéraire survenue dans le monde arabe, le narrateur instaure un après ʿAbbūd et un après Jibrān, se plaçant lui-même dans l’après. Ilyās Khūrī entend de la sorte affirmer sa différence avec les modèles hérités, jouer un rôle de renouveau et transformer le champ littéraire arabe.

    Narration éclatée

    35L’œuvre de Khūrī a l’ambition de fonder une esthétique dont le but serait une déconstruction des œuvres canoniques ayant auparavant marqué le genre. Or, ce souci de déconstruction, combiné à une incertitude quant à la survie du genre romanesque, caractérise la littérature postmoderne. Dans une étude consacrée au récit de la quête dans le roman américain postmoderne, Salwa Karoui-Elounelli23, maître-assistante de littérature anglo-américaine à l’université de Sousse en Tunisie, montre que le roman postmoderne puise sa thématique dans cette attitude incertaine et subversive. Le jeu métafictionnel qui permet au narrateur de se jouer des théories littéraires est également qualifié par Pierre-Luc Landry de « postmoderne ». Il se réfère au concept de « suspension volontaire de l’incrédulité », développé par Samuel Taylor Coleridge24 afin de dévoiler la volonté de l’auteur « de mettre la théorie à contribution pour livrer un roman métafictionnel, sinon postmoderne ; tout le roman semble précisément travailler à faire en sorte que le lecteur ne puisse pas s’abandonner à cette suspension volontaire de l’incrédulité, ou encore qu’il s’y abandonne totalement et choisisse de tout accepter de ce que l’auteur fait subir au récit et à ses personnages25. »

    36Comment le narrateur peut-il alors écrire aujourd’hui ?

    37Il est d’abord forcé d’admettre son ignorance. « Je ne connais pas d’histoire achevée. Même l’histoire des buffles d’Abū ʿĀrif je ne la connais pas » (Bāb, p. 348), est un leitmotiv qui vaudrait pour toute l’œuvre de Khūrī. Ou encore : « La scène apparaît maintenant du point de vue de Georges, et nous n’y voyons qu’une image imparfaite. » (Mamlakat, p. 77) Le constat d’ignorance l’amène à suspendre sa recherche de la vérité. Prenons l’exemple de Majma‘ al-asrār — qui n’est pas le seul comme nous aurons l’occasion de le voir — pour illustrer la suspicion du narrateur à l’égard de la vérité. Dans ce roman, les questions restent sans réponse : ʿAbduljalīl Naṣṣār a-t-il été assassiné pendant les massacres de 1860 ou bien a-t-il été pendu à Beyrouth comme le suggère une autre version des faits ? Victor ʿAwwād est-il le véritable assassin des prostituées de la rue Mutanabbī ou bien a-t-il endossé le rôle du criminel afin d’éviter la torture ? Le doute enveloppe toutes les histoires. De même, au sujet des massacres de 1860, tant d’histoires ont été racontées qu’il est devenu impossible d’établir une version consensuelle. Les documents, non plus, ne sont pas crédibles. Le narrateur ne peut se fier aux archives ni aux témoignages directs :

    La véritable histoire, c’est le massacre. Et là, il n’existe aucun document ni texte à ce sujet. Que des paroles dites et oubliées. Dites pour être oubliées, mais elles ne sont pas oubliées puisqu’elles ont été dites. On y ajoute des choses, on en supprime d’autres et personne ne connaît vraiment la vérité. (Majma‘, p. 150)

    38La vérité est symboliquement enfouie à l’intérieur du coffre abandonné dans une chambre de la maison fondée par l’aieul Ibrāhīm Naṣṣār. Après la mort de son fils Yaʿqūb, personne ne l’a plus touché. Or, ce coffre dont l’existence laisserait croire que les secrets de la famille Naṣṣār y sont enfouis ne dévoile rien. Lorsqu’Ibrāhīm, le fils de Yaʿqūb, l’ouvre, de la poussière mêlée à une odeur nauséabonde s’en dégage. Tous les papiers sont endommagés, quelques uns mis à part, rédigés en espagnol et qu’il ne sait pas déchiffrer. Sa tante Sāra lui dit : « Je chercherai moi-même un jour et nous trouverons tout ce que tu veux » (Majma‘, p. 190). Ces paroles de la tante Sāra laissent entendre que le coffre ne contient que ce que nous voulons bien y trouver. Il est le lieu de toutes les illusions. Ḥannā, l’ami d’Ibrahīm, est le plus sceptique ; il conteste l’existence même du coffre, y voyant des élucubrations issues de l’imagination débridée d’Ibrāhīm et de sa tante.

    39N’ayant rien trouvé dans le coffre, Ibrāhīm décide de s’en débarrasser, mais change d’avis, le referme et le laisse à sa place. Pourquoi Ibrāhīm Naṣṣār garde-t-il le coffre tout en sachant qu’il ne renferme rien ? Est-ce par fidélité à la mémoire évanescente du passé de sa famille ? Ou est-ce parce que la présence du coffre, même vide, le rassure et le réconforte ? C’est probablement pour les deux raisons. Il préfère vivre avec des histoires mortes que faire face au vide de l’histoire.

    • […] C’est incroyable comment l’histoire est morte !
    • Quelle histoire ? demanda Ḥannā.
    • L’histoire de mon grand-père, répondit Ibrāhīm.
    • Qu’est ce que tu lui veux à ton grand-père ?
    • J’en sais rien.
    • Que Dieu te vienne en aide, t’as aucune cervelle. Toutes les histoires meurent. (Majma‘, p. 192)

    40Puisque « les histoires meurent », s’effacent ou s’emmêlent dans la mémoire, il faut les recommencer. Majmaʿ al-asrār ne peut être écrit que sous une forme ouverte et fragmentée. L’écriture perd sa cohérence. L’origine des récits est incertaine et leur fin inachevée. Les commencements répétés du récit témoignent de l’éclatement de la narration. Onze chapitres sur seize commencent par l’expression : « Voici comment l’histoire a commencé ». Le chapitre 8 commence par : « L’histoire, c’était Norma ». Tandis qu’au chapitre 12 nous lisons : « La véritable histoire, c’est le massacre ». Aucun point de départ n’est objectivement valable pour commencer une histoire, laquelle peut être reprise une infinité de fois.

    41Les multiples facettes de l’histoire ne sont pas autant de pièces d’un gigantesque puzzle qu’il suffit de réagencer de manière à reconstruire un paysage homogène et cohérent. La contradiction n’est pas juste l’effet d’un manque de savoir, ni la conséquence d’une mauvaise lecture de la réalité ; elle n’est pas non plus une simple apparence qu’il s’agit de dépasser. La contradiction résiste à toutes les tentatives hasardées pour la dissiper ; elle est inhérente à l’ordre des choses et est essentiellement insurmontable. C’est pourquoi chaque histoire est relatée par au moins deux narrateurs différents, et c’est toujours à la disparité des versions que l’on se heurte, ces lectures distinctes ne pouvant aboutir à une histoire unique qui ferait la synthèse de tous les points de vue. Une lecture unifiante n’existe tout simplement pas et est synonyme de leurre. Le principe de vérité qu’est l’adéquation entre une version des faits et le réel est remis en question. Dans Bāb al-shams, Khalīl raconte l’histoire de Yūnus en la commençant chaque fois différemment. À chaque commencement correspond une version différente. La répétition engendre le trouble, car le narrateur se retrouve en face d’une multitude d’histoires concernant un même sujet et n’arrive plus à savoir laquelle est la vraie. Plus il fouille, plus il découvre des éléments contradictoires, ce qui l’oblige à recommencer chaque fois : « Je ne sais pas, et je dois savoir pour raconter ; mais je ne connais pas l’histoire et je dois la chercher depuis le début. » (Bāb, p. 236) « Il était ou il n’était pas, dans la nuit du temps » (Bāb, p. 31) : ainsi nos ancêtres commençaient leurs histoires, explique le narrateur. Cette phrase résume le mieux la conception du jeu narratif chez Khūrī et annonce l’impossibilité de toute tentative de délimitation des sphères du réel et du fictionnel. Le réel est lui-même fictionnel.

    42Plutôt que « vrai », le narrateur opte pour un récit « plausible » (Bāb, p. 6). Le plausible est le degré minimum de cohérence requis dans le récit sans lequel l’histoire devient un chaos insurmontable. L’adhésion du narrateur à ce qu’il raconte devrait entraîner celle du lecteur : « L’histoire que j’ai racontée à mon ami Emil Azayev est vraie parce qu’elle me convainc. » (Mamlakat, p. 76) Il admet que l’écriture est une réécriture : « Nous écrivons ce qui est déjà écrit ; si ce n’était pas écrit, nous n’aurions pas écrit. » (Mamlakat, p. 291) « Écrire c’est mentir » (Mamlakat, p. 65), dit-il, reprenant à son compte l’expression de l’écrivain jordanien Ghālib Halasā.

    Notes de bas de page

    1 Le Liban est doté d’un système politique pluriconfessionnel fondé sur une répartition du pouvoir déterminée par l’influence de chaque communauté religieuse. Ainsi le chef de l’État est chrétien maronite, le président du conseil des ministres est sunnite et le président du parlement est chiite.

    2 Cf. Ilyās Khūrī, al-Riwāya, al-riwā ‘ī wa-l-ḥarb (« Le roman, le romancier et la guerre »), Majallat al-abḥāth, Beyrouth, éditions de l’Université américaine, no 52-53, 2004.

    3 Cf. Yumnā al-ʿĪd, al-Kitāba, taḥawwul fi al-taḥawwul (« L’écriture, une mutation au sein d’une mutation ») Beyrouth, Dār al-ādāb, 2003.

    4 Cf. Rafīf Ṣīdāwī, al-Naẓra al-riwā ˀiyya ilā-l-ḥarb al-lubnāniyya : 1975-1995 (« Le regard romanesque sur la guerre libanaise »), Beyrouth, Dār al-Fārābī, 2003.

    5 Sāmī Swaydān, Faḍā ˀāt al-sard wa-madārāt al-takhayyul (al-ḥarb wa-l-huwiyya al-ʿarabiyya), Beyrouth, Dār al-ābāb, 2006.

    6 Edward Saïd, Ta’ammulāt ḥawla-l-manfa, Beyrouth, dār al-ādāb, 2004, p. 178. La traduction est de nous. Titre original : Reflections on Exile and other Essays, Harvard University Press, 2002. London, Granta books, 2001.

    7 Ilyās Khūrī, Sīnālkūl, Beyrouth, Dār al-ādāb, 2012. Traduction par Rania Samara, Sinalcol : Le miroir brisé, Arles, Actes Sud, 2013.

    8 Ilyās Khūrī, Yālū, Beyrouth, Dār al-ādāb, 2002. Traduit par Rania Samara, Yalo, Arles, Actes Sud, 2004.

    9 Ilyās Khūrī, Majmaʿ al-asrār, Beyrouth, Dār al-ādāb, 1994. Traduction en français par Rania Samara, Le Coffre des secrets, Arles, Actes Sud, 2009.

    10 ‘Abdū Wāzin, Riwāyat al-ḥarb al-lubnāniyya, madkhal wa namādhij (« Le roman de la guerre libanaise, introduction et exemples »), Dubai, Dār al-ṣadā, 2009, p. 19

    11 Le point de vue de Khūrī ici reproduit est tel qu’il l’a exprimé lors d’un entretien personnel avec nous, réalisé à Beyrouth en août 2016.

    12 Ilyās Khūrī, Awlād al-ghetto : Ismī Ādam, Beyrouth, dār al-ādāb, 2016. Traduction en français par Rania Samara, Les Enfants du ghetto : je m’appelle Adam, Arles, Actes Sud, 2018.

    13 Cf. Fabio Caiani, Contemporary Arab Fiction : Innovation from Rama to Yalo, London and New York, Routledge, 2007, p. 9.

    14 Katia Ghosn, « Le roman de Rachid el-Daïf à l’ère de la globalisation », in Rachid el-Daïf : Le roman arabe dans la tourmente de la modernisation, Katia Ghosn (éd.), Paris, Demopolis, 2016, p. 16.

    15 Qusṭanṭīn Zrayq, Ma‘nā al-nakba, Beyrouth, Dār al-‘ilm lil-malāyīn, 1948.

    16 Basma Kodmani, « Une génération arabe traumatisée par la défaite », Le Monde diplomatique, juin 2007.

    17 Ilyās Khūrī, Mamlakat al-ghurabā ˀ, Beyrouth, Dār al-ādāb, 1993.

    18 Jean-Paul Sermain, Métafictions, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 12.

    19 Non traduit en français.

    20 Trad. fr. Les Enfants de minuit, Stock, 1983 ; Gallimard, « Folio », 2010.

    21 Sāmī Swaydān, Abḥāth fī al-naṣṣ al-riwā’ī al-ʿarabī (“Études sur le texte fictionnel arabe”), 2000, p. 173.

    22 Ilyās Khūrī, Riḥlat Ghandī al-ṣaghīr, Beyrouth, Dār al-ādāb, 1989. Traduit par Luc Barbulesco Le Petit Homme et la guerre : Le voyage du petit Gandhi, Paris, Arléa, 1994 ; Actes Sud, 2004.

    23 Salwa Karoui-Elounelli, « Le récit de la quête dans le roman américain postmoderne : entre version parodique et stéréotype. L’exemple de John Barth », Cahier de narratologie, 2011. http://naratologie.revues.org/1192.

    24 Cf. Taylor Coleridge, Biographia Literaria, volume ii, 1983, p. 6.

    25 Pierre Luc Landry, « Quand l’auteur joue avec la (méta) fiction », in Salon double, 2011. http://salondouble. contemporain.info.

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    1 Le Liban est doté d’un système politique pluriconfessionnel fondé sur une répartition du pouvoir déterminée par l’influence de chaque communauté religieuse. Ainsi le chef de l’État est chrétien maronite, le président du conseil des ministres est sunnite et le président du parlement est chiite.

    2 Cf. Ilyās Khūrī, al-Riwāya, al-riwā ‘ī wa-l-ḥarb (« Le roman, le romancier et la guerre »), Majallat al-abḥāth, Beyrouth, éditions de l’Université américaine, no 52-53, 2004.

    3 Cf. Yumnā al-ʿĪd, al-Kitāba, taḥawwul fi al-taḥawwul (« L’écriture, une mutation au sein d’une mutation ») Beyrouth, Dār al-ādāb, 2003.

    4 Cf. Rafīf Ṣīdāwī, al-Naẓra al-riwā ˀiyya ilā-l-ḥarb al-lubnāniyya : 1975-1995 (« Le regard romanesque sur la guerre libanaise »), Beyrouth, Dār al-Fārābī, 2003.

    5 Sāmī Swaydān, Faḍā ˀāt al-sard wa-madārāt al-takhayyul (al-ḥarb wa-l-huwiyya al-ʿarabiyya), Beyrouth, Dār al-ābāb, 2006.

    6 Edward Saïd, Ta’ammulāt ḥawla-l-manfa, Beyrouth, dār al-ādāb, 2004, p. 178. La traduction est de nous. Titre original : Reflections on Exile and other Essays, Harvard University Press, 2002. London, Granta books, 2001.

    7 Ilyās Khūrī, Sīnālkūl, Beyrouth, Dār al-ādāb, 2012. Traduction par Rania Samara, Sinalcol : Le miroir brisé, Arles, Actes Sud, 2013.

    8 Ilyās Khūrī, Yālū, Beyrouth, Dār al-ādāb, 2002. Traduit par Rania Samara, Yalo, Arles, Actes Sud, 2004.

    9 Ilyās Khūrī, Majmaʿ al-asrār, Beyrouth, Dār al-ādāb, 1994. Traduction en français par Rania Samara, Le Coffre des secrets, Arles, Actes Sud, 2009.

    10 ‘Abdū Wāzin, Riwāyat al-ḥarb al-lubnāniyya, madkhal wa namādhij (« Le roman de la guerre libanaise, introduction et exemples »), Dubai, Dār al-ṣadā, 2009, p. 19

    11 Le point de vue de Khūrī ici reproduit est tel qu’il l’a exprimé lors d’un entretien personnel avec nous, réalisé à Beyrouth en août 2016.

    12 Ilyās Khūrī, Awlād al-ghetto : Ismī Ādam, Beyrouth, dār al-ādāb, 2016. Traduction en français par Rania Samara, Les Enfants du ghetto : je m’appelle Adam, Arles, Actes Sud, 2018.

    13 Cf. Fabio Caiani, Contemporary Arab Fiction : Innovation from Rama to Yalo, London and New York, Routledge, 2007, p. 9.

    14 Katia Ghosn, « Le roman de Rachid el-Daïf à l’ère de la globalisation », in Rachid el-Daïf : Le roman arabe dans la tourmente de la modernisation, Katia Ghosn (éd.), Paris, Demopolis, 2016, p. 16.

    15 Qusṭanṭīn Zrayq, Ma‘nā al-nakba, Beyrouth, Dār al-‘ilm lil-malāyīn, 1948.

    16 Basma Kodmani, « Une génération arabe traumatisée par la défaite », Le Monde diplomatique, juin 2007.

    17 Ilyās Khūrī, Mamlakat al-ghurabā ˀ, Beyrouth, Dār al-ādāb, 1993.

    18 Jean-Paul Sermain, Métafictions, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 12.

    19 Non traduit en français.

    20 Trad. fr. Les Enfants de minuit, Stock, 1983 ; Gallimard, « Folio », 2010.

    21 Sāmī Swaydān, Abḥāth fī al-naṣṣ al-riwā’ī al-ʿarabī (“Études sur le texte fictionnel arabe”), 2000, p. 173.

    22 Ilyās Khūrī, Riḥlat Ghandī al-ṣaghīr, Beyrouth, Dār al-ādāb, 1989. Traduit par Luc Barbulesco Le Petit Homme et la guerre : Le voyage du petit Gandhi, Paris, Arléa, 1994 ; Actes Sud, 2004.

    23 Salwa Karoui-Elounelli, « Le récit de la quête dans le roman américain postmoderne : entre version parodique et stéréotype. L’exemple de John Barth », Cahier de narratologie, 2011. http://naratologie.revues.org/1192.

    24 Cf. Taylor Coleridge, Biographia Literaria, volume ii, 1983, p. 6.

    25 Pierre Luc Landry, « Quand l’auteur joue avec la (méta) fiction », in Salon double, 2011. http://salondouble. contemporain.info.

    Elias Khoury

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    Ghosn, K. (2018). 1. Le roman de la guerre civile ?. In Elias Khoury (1‑). Demopolis. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.demopolis.1476
    Ghosn, Katia. « 1. Le roman de la guerre civile ? ». In Elias Khoury. Paris: Demopolis, 2018. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.demopolis.1476.
    Ghosn, Katia. « 1. Le roman de la guerre civile ? ». Elias Khoury, Demopolis, 2018, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.demopolis.1476.

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    Ghosn, K. (2018). Elias Khoury (1‑). Demopolis. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.demopolis.1437
    Ghosn, Katia. Elias Khoury. Paris: Demopolis, 2018. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.demopolis.1437.
    Ghosn, Katia. Elias Khoury. Demopolis, 2018, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.demopolis.1437.
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