4. Le conflit de souveraineté sur les Paracels et les Spratleys de 1954 à nos jours
p. 251-288
Texte intégral
L’affirmation de souveraineté sur les archipels de 1954 à 1975
Les îles Spratleys
1Le conflit de souveraineté sur cet archipel devint particulièrement tendu après la Seconde Guerre mondiale du fait de sa position stratégique très importante. Plusieurs pays affirmèrent leur droit de souveraineté. Pour ne pas sortir du cadre de la présente étude, les Spratleys firent l’objet de discussions entre trois pays : d’abord entre la France, le Vietnam et la Chine, et ensuite entre la Chine et le Vietnam.
2Profitant du climat troublé de la période de transmission des pouvoirs de la France au Vietnam du Sud, la Chine procéda, le 29 mai 1956, à une déclaration de revendication de souveraineté sur les deux archipels des Paracels et des Spratleys1. Cette action heurta les intérêts d’au moins quatre pays : la France, le Vietnam, Taiwan et les Philippines. Sans retard, le 2 juin, la France et le Vietnam du Sud réaffirmèrent chacun leur souveraineté sur ces archipels. La situation se compliqua du fait des contestations surgies alors même entre la France et le Vietnam.
3Pour la France, jusqu’avant la Seconde Guerre mondiale, les Spratleys étaient moins intéressantes que les Paracels. Désormais, son point de vue changea. Ce qui s’était passé en Asie du Sud-Est au cours de la guerre montrait que les Spratleys avaient une position stratégique non négligeable. Le général Pierre-Élie Jacquot, en 1955 commissaire général de France et commandant en chef en Indochine le souligne :
Si les Spratleys ne présentent guère d’importance du point de vue géographique et économique elles peuvent, du point de vue stratégique, prendre une importance dans l’avenir.
Il est concevable, en effet, que ces îles, situées à proximité d’un des carrefours de la navigation dans le Sud-Est asiatique, puissent être utilisées, en période d’hostilités, comme stations de radar ou comme ce fut le cas pour nombre d’atolls du Pacifique au cours des opérations contre le Japon de 1942 à 1945. Elles pourraient aussi être appelées à jouer un rôle dans la mise en œuvre d’armes nouvelles telles qu’engins téléguidés ou avions décollant sur faible piste d’envol.
Enfin, dans l’hypothèse où une base française à caractère océanique serait maintenue en Indochine, les Spratleys constitueraient l’avancée maritime de cette base et présenteraient alors un intérêt stratégique manifeste2.
Et pour ces raisons, « afin de ménager l’avenir, les droits de la France sur les Spratleys doivent être maintenus3 ».
4La France, bien qu’elle n’ait plus de base au Vietnam, maintint son intérêt pour les Spratleys : « Les îles Spratleys auraient pu constituer des avancées insulaires très intéressantes (poste de météorologie, stations radar, contre-mesures radioélectriques, engins, etc4.). » Elle rappela ses droits sur ces îles en insistant bien : « Depuis la date où la France a pris possession, elle n’a à aucun moment renoncé à la souveraineté sur ces îles5 » ; « la souveraineté de la France sur les îles Spratley est incontestable6. »
5Le gouvernement de la République du Vietnam fit aussi une déclaration pour répondre à la Chine. Le Vietnam affirma sa souveraineté sur ces archipels : « Le gouvernement de la République du Vietnam croit devoir réaffirmer ses droits de souveraineté traditionnelle sur ces deux groupes d’îles. Ces droits sont, par ailleurs, reconnus par la conférence de paix de San Francisco, à laquelle le chef de la délégation vietnamienne a fait, le 7 septembre 1951, la déclaration suivante qui n’a soulevé aucune objection […] Nous affirmons nos droits sur les îles Spratleys et Paracels qui, de tout temps, ont fait partie du Vietnam7. »
6Il était problématique que la France et le Vietnam réaffirment séparément leur souveraineté sur ces îles alors que la France était toujours représentante du Vietnam pour régler toutes les questions jusqu’au moment où ses dernières troupes seraient retirées. Ce n’était pas qu’une affaire de forme : le 4 juin 1956, Paris envoya un télégramme à Saigon pour enfoncer le clou : « Notre position juridique au sujet de l’appartenance des îles Spratleys n’a pas été modifiée et nous ne reconnaissons par la revendication vietnamienne8. »
7Après une nouvelle expression de la position française par le représentant de la France à Manille le 7 juin 1956, le secrétaire d’État sud-vietnamien aux Affaires étrangères Vu Van Mau réaffirma le lendemain les droits du Vietnam sur ces îles. Il insista notamment sur son droit de réoccupation des îles après le retrait des Français : « Le transfert au Vietnam de la souveraineté sur tout le territoire vietnamien entraîne donc automatiquement le transfert de la souveraineté de la France sur les îles Spratleys, rattachées à la Cochinchine9. »
8Les Français jugèrent cette position inacceptable. Pour eux, reprenant la question, « il ne s’agissait là que d’un rattachement purement administratif et rien ne nous oblige[ait] à aliéner au profit du Vietnam des droits que nous [avions] fait valoir autrefois au nom de la France10 ». Il fut allégué comme preuve qu’« à la différence de ceux sur les îles Paracels, les droits de la France sur ces territoires d’ailleurs inhabitables, [n’avaient] jamais été officiellement transférés au gouvernement vietnamien. La note du service juridique français du 6 décembre 1946, affirm[ait] que “l’appartenance à la France des îles Spratleys ne saurait être contestée11”[…] La contre-lettre secrète en date du 15 mars 1949 établie par le haut-commissaire de France en Indochine, en commentaire des accords du 8 mars 1949, et adressée à S. M. Bao Dai, précise que : “Les îles Paracels […] relèvent de la souveraineté territoriale du Vietnam”, mais reste muette au sujet des Spratleys. Sur le plan juridique, rien ne vient donc entraver la liberté d’action de la France pour réserver ses droits sur les Spratleys12 ».
9La mise au point vietnamienne supposait en tout cas que la France définisse une bonne fois sa position à l’égard des Spratleys. Dans un télégramme daté du 19 juin 1956 envoyé au ministre des Affaires étrangères Henri Hoppenot, l’ambassadeur de France à Saigon proposa deux hypothèses :
10« Si notre intention était d’abandonner ces îles l’absence de toute réaction de notre part suffirait, ne semble-t-il, à laisser s’opérer un transfert de fait de nos droits au profit du Vietnam sans perte de face. Si, au contraire, nous tenons à les conserver, nous devrions faire dès maintenant une mise au point officielle, car notre silence s’il se prolongeait, ne manquerait pas d’être considéré par Saigon comme un acquiescement à sa thèse13. »
11Cependant, la France tarda à prendre une décision. Presque un an après, le sujet fut évoqué par les ministres concernés. L’idée fut réaffirmée de la souveraineté sur les Spratleys mais aucune décision précise ne fut prise14. Cela peut être expliqué par la faiblesse de la position juridique française et par la crainte de tensions dans les rapports avec le Vietnam. La revendication du côté français pouvait « amener une certaine tension dans les rapports franco-vietnamiens, alors que d’autres problèmes, plus importants, pour nous, sont en discussion15 ». La France se trouvait au pied du mur : il fallait à la fin abandonner ou conserver ses droits sur les Spratleys. La solution d’un règlement par arbitrage apparut trop hasardeuse ; selon le conseil juridique du ministre de la France d’outre-mer, la France avait beau avoir certains titres juridiques à la possession des Spratleys, son dossier, en cas d’arbitrage international, présenterait néanmoins des lacunes16. D’autre part, si la France acceptait d’abandonner ses droits au Vietnam sur les Spratleys avec l’engagement de soutenir ensuite les revendications vietnamiennes, elle allait au devant de difficultés avec la Chine communiste17. Mais si la France voulait maintenir ses droits, avec discrétion, en réduisant le plus possible le nombre de ses démarches et des déclarations publiques, une telle attitude ne serait pas facile à observer, compte tenu de l’agitation des autres prétendants18.
12En dépit de cela, les tournées des avisos français aux Spratleys continuèrent dans les années d’après guerre. Le Commandant Robert Giraud, en 1955, fut suivi, en janvier 1956 par le Francis Garnier, puis par le Dumont d’Urville en juillet 195619.
13Dans cette discussion, le gouvernement de Hanoi fut le seul à ne pas manifester sa position. La RDV n’avait pas protesté contre l’inclusion par la Chine populaire des Spratleys (non plus que des Paracels) dans la cartographie officielle de Pékin, ni contre la revendication de la France, ni contre celle du Vietnam du Sud20.
14Le 22 août 1956, un bâtiment de la marine sud-vietnamienne hissa le pavillon national sur les îles Spratleys. Cependant, aucun communiqué officiel ne fut publié. Les autorités maritimes françaises ne furent pas avisées21. En revanche, la Chine populaire protesta avec vigueur contre le geste vietnamien qui constituait à ses yeux « une grave provocation contre la paix en Asie22 ».
15À cette déclaration, le gouvernement de Saigon répondit par une autre déclaration : « Le gouvernement de la République du Vietnam croit devoir réaffirmer ses droits de souveraineté traditionnelle sur ces deux groupes d’îles. Ces droits sont, par ailleurs, reconnus par la conférence de paix de San-Francisco23. »
16Par ailleurs, des troupes nationalistes chinoises prirent possession d’une partie des Spratleys. Pour affirmer leur souveraineté, les Chinois nationalistes effacèrent les inscriptions faites sur les rochers du milieu des îles par les avisos français Chevreul en 1946 et Dumont d’Urville en 1956 et les remplacèrent par une petite borne avec les caractères chinois pour Free China plantée en juillet 195624.
17La reprise par le Vietnam de l’archipel sur le plan administratif fut actée par le décret no 143/NV du 22 octobre 1956 du président de la République du Vietnam selon lequel cet archipel se rattachait à la province de Phuoc-tuy25. À cette occasion, une nouvelle division territoriale du Sud-Vietnam en vingt-deux circonscriptions fut décrétée par le président de la République. La plupart de ces vingt-deux circonscriptions reçurent de nouveaux noms, même si leurs limites n’étaient pas modifiées par rapport aux anciennes provinces. Le gouvernement vietnamien confirma, d’autre part, « sa volonté de procéder à l’intégration territoriale des îles Spratleys, en spécifiant, dans le décret précité, que cet archipel formera, avec les anciennes provinces de Baria et de Vung Tau, une circonscription26 ».
18Par une lettre du 16 février 1957, le représentant de la France à Saigon demanda au Quai d’Orsay « si cette dernière décision du gouvernement vietnamien a donné lieu, de notre part, à des représentations pour réaffirmer notre souveraineté sur les îles, dont les parages peuvent être fréquentés par des bâtiments français27 ? ».
19Le Quai d’Orsay, une fois encore, se garda bien de prendre une décision ferme sur ce problème. En fait, depuis que la France n’avait plus d’établissement au Vietnam, cet archipel avait perdu pour elle beaucoup de son importance ; de plus, à ce moment-là, une détente dans le contentieux franco-vietnamien s’esquissait. La France ne voulait pas plus admettre le principe d’une dévolution automatique au Vietnam de tous les territoires sur lesquels s’était exercée sa souveraineté en Extrême-Orient qu’alourdir ces relations ; elle choisit une solution prudente : « Dans ces conditions, il paraît souhaitable de réexaminer le degré d’intérêt qu’il convient d’attacher à la revendication française sur les Spratleys avant de donner la position que nous devrions prendre28. »
20Malgré ce désir de clarification, l’affaire resta en plan. À partir de 1957 la France ne manifesta plus son intérêt pour les Spratleys, bien qu’elle n’ait jamais abandonné formellement ses droits sur cet archipel. Désormais, la Chine et le Vietnam se trouvaient seuls face à cette question.
21Le pouvoir sud-vietnamien confirma le décret du 22 octobre 1956 rattachant cet archipel à la province de Phuoc Tuy le 26 septembre 1973, sous la plume du ministre de l’Intérieur du gouvernement de Saigon29. Cette attribution administrative ne fut pas modifiée jusqu’à l’effondrement du gouvernement de Saigon en 1975.
Les îles Paracels
22Le 27 mars 1956, la France retira son dernier détachement de l’archipel des Paracels. Les troupes du gouvernement de Saigon occupèrent les anciens postes français30 : le transfert fut exécuté sous l’autorité de la marine nationale française. Les troupes communistes chinoises, de leur côté, occupèrent les plus orientales des Paracels en janvier 1956 (notamment l’île Boisée31). La RPC et le gouvernement de Saigon se trouvèrent dès lors face-à-face.
23En fait, le conflit des Paracels entre la Chine communiste et le Vietnam du Sud enfla dès le moment où les deux côtés furent présents sur ces îles. Le conflit se manifesta sous les deux aspects : déclaration officielle et occupation effective.
24Le 27 février 1959, l’agence officielle de Pékin accusa un navire de guerre du gouvernement de Saigon d’avoir pénétré le 22 février dans les eaux des « îles chinoises de Hsi Sha (alias Paracels) et d’avoir emmené de force quatre-vingt-deux pêcheurs et cinq barques de pêche chinoises […] au même moment un appareil portant les couleurs du Sud-Vietnam aurait survolé l’archipel32 ». Le même jour, le gouvernement chinois diffusa une déclaration des plus virulentes : « Les Paracels font partie du territoire de la Chine […] La marine sud-vietnamienne vient de violer ouvertement l’intégrité et la souveraineté territoriales de la Chine sur ces terres et a enlevé de force des pêcheurs et des bateaux de pêche chinois. Ces actions ont soulevé de la part du peuple chinois la plus grande indignation33. » La déclaration ajoutait : « Le ministère des Affaires étrangères de la République populaire de Chine invite solennellement les autorités du Sud-Vietnam à libérer immédiatement les pêcheurs, à rendre les bateaux de pêche et autres biens qui ont été emmenés de force, à dédommager ces pêcheurs et à donner la garantie que de tels actes illégaux ne se produiront pas à l’avenir. Sinon, les autorités sud-vietnamiennes seront tenues responsables de toutes les conséquences qui pourraient en résulter34. » Les Sud-Vietnamiens démentirent l’accusation chinoise. Selon eux, des pêcheurs chinois qui avaient débarqué sur l’îlot Duncan occupé par les Vietnamiens avaient été certes arrêtés, mais relâchés après un bref interrogatoire35. En fait, ce débarquement avorté de quatre-vingt-deux pêcheurs chinois fut considéré par les Vietnamiens comme l’échec d’une tentative chinoise d’occuper les Paracels36. La vigueur de la protestation chinoise n’empêcha pas les Vietnamiens de poursuivre leur processus d’affirmation de souveraineté sur l’archipel — celle-ci fit l’objet d’une série de décrets gouvernementaux.
25Le 13 juillet 1961, le président Ngo Dinh Diem décida de rattacher l’archipel des Paracels à la province de Quang Nam ; l’archipel dans sa globalité reçut le nom de commune de Dinh Hai37.
26Plus d’un an après, le 21 octobre 1969, le ministre de l’Intérieur du Sud-Vietnam décida de rattacher la commune de Dinh Hai à la commune de Hoa Long, du même district38.
27Nous n’avons pas trouvé de documents faisant état de protestations du côté chinois à ce moment-là. Cependant, la Chine prit possession de ces îles à sa façon. En fait, elle ne se départit jamais de son intention de maintenir ses droits sur les deux archipels. On a vu que, dès la naissance de la République populaire de Chine en 1949, ses atlas inclurent les Spratleys dans le périmètre chinois39. Le 4 septembre 1958, le gouvernement de Pékin renouvela officiellement sa revendication dans une déclaration par laquelle il étendait les eaux territoriales de la RPC à douze milles marins. Cette déclaration précisait : « Cette stipulation s’applique à tous les territoires de la R. P. de Chine, y compris [...] les îles Dongsha, les îles Xisha (Paracels), les îles Zhongsha, les îles Nansha (Spratleys) et les autres îles appartenant à la Chine40. » La « carte en U » était reproduite.
28Cette déclaration ne donna pas lieu à contestation de la part de la République démocratique du Vietnam ; celle-ci, se relevant à peine des épreuves de la lutte de résistance antifrançaise, devait éviter de se mettre plusieurs ennemis à la fois sur les bras41. Le 14 septembre 1958, le Premier ministre Pham Van Dong envoya à son homologue Zhou Enlai une note où il affirmait que le Vietnam respecterait la largeur des eaux territoriales chinoises :
Nous tenons à vous informer solennellement que :
Le gouvernement de la République démocratique du Vietnam reconnaît et approuve la déclaration faite le 4 septembre 1958 par le gouvernement de la République populaire de Chine sur sa décision prise au sujet des eaux territoriales de la Chine.
Le gouvernement de la République démocratique du Vietnam respecte cette décision et donnera des instructions à ses organismes d’État responsables pour qu’ils respectent scrupuleusement, en cas de contact en mer avec la République populaire de Chine, la stipulation sur la largeur de la mer territoriale chinoise de douze milles marins42. »
29Cette note ne fait pas la moindre allusion aux îles Paracels et Spratleys et ignore — intentionnellement sans nul doute — les noms de Xisha et de Nansha mentionnés par la partie chinoise43.
30Il faut se rappeler les circonstances de l’époque, le contexte politique et militaire très particulier des événements qui se déroulaient alors, pour mieux comprendre ce à quoi la déclaration du Nord-Vietnam fait allusion. Cette déclaration s’en tient strictement à la reconnaissance de la largeur des eaux territoriales chinoises, et passe sous silence le fait que ce territoire maritime inclut les deux archipels des Paracels et des Spratleys. Le gouvernement de la République démocratique du Vietnam n’exerçait alors son pouvoir qu’au nord du dix-septième parallèle, délimitation qui laissa l’administration des deux archipels sous le contrôle du gouvernement de Saigon jusqu’en 1975. Dans ce contexte, il y a tout lieu de considérer que les déclarations ou prises de position sur les archipels faites conjoncturellement par le gouvernement du Nord étaient sans implication sur le titre réel de souveraineté dans l’esprit de ce même gouvernement44.
31D’autre part, les relations entre la Chine et le Nord-Vietnam étaient alors très amicales. Le gouvernement du Nord, préparant la résistance du pays à la guerre menée par le gouvernement du Sud et les États-Unis, avait besoin d’une aide matérielle et morale des pays socialistes, surtout de celle de la Chine.
32En réalité, ce n’est pas hasard si, dès le bombardement américain dans le golfe du Tonkin en juillet-août 1964, le 7 août, le gouvernement de la République populaire de Chine déclara solennellement : « Le Vietnam et la Chine sont des voisins étroitement unis l’un à l’autre comme les lèvres et les dents, et le peuple vietnamien est le frère du peuple chinois. Une agression des États-Unis contre la RDV est une agression contre la Chine. Le peuple chinois ne restera absolument pas indifférent sans prêter main-forte et apporter son appui. Le gouvernement des États-Unis doit arrêter immédiatement ses provocations armées contre la RDV et ses agressions armées contre le sol sacré, l’espace aérien et les eaux territoriales de cette dernière45. »
33Reste que cette déclaration vietnamienne de circonstance du 14 septembre 1958, citée plus haut, a bien été enregistrée et reste l’un des points discutés entre la Chine et le Vietnam jusqu’à présent.
L’occupation armée chinoise des Paracels en 1974
34La situation changea à partir des années 1970. La Chine commença à orienter sa politique extérieure dans le sens du réalisme. Elle parut désormais viser surtout des objectifs nationaux : l’accroissement de ses moyens d’influence dans toutes les régions du monde ; le développement des échanges économiques avec les autres nations en vue de hâter son propre développement46. Dans un contexte d’antagonisme sino-soviétique grandissant, la Chine commença à établir un dialogue avec le Japon et avec les États-Unis. En juillet 1971, Kissinger se rendit en Chine et s’entretint avec le Premier ministre Zhou Enlai. Cette rencontre marqua un tournant dans les relations sino-américaines. En février 1972, le président des États-Unis Richard Nixon arriva en Chine où il signa le fameux communiqué de Shanghai avec Zhou Enlai, communiqué qui mettait à l’ordre du jour l’établissement de relations étroites entre les deux pays. On vit désormais la Chine poursuivre sa politique de rapprochement avec les États-Unis, sans pour autant délaisser l’allié vietnamien47.
35Du côté vietnamien, la résistance aux agresseurs américains atteignit ses objectifs avec les accords de Paris, signés le 27 janvier 1973. Cet accord de paix prévoyait le retrait de toutes les forces américaines du Vietnam du Sud dans les soixante jours suivant la signature. À la fin du mois de mars 1973, toutes les forces de combat américaines s’étaient retirées.
36La Chine jugea le moment favorable pour effectuer sa conquête insulaire en mer de Chine méridionale. D’une part, elle n’aurait très vraisemblablement pas à affronter les Américains ; dans le cadre des accords, Nixon n’avait apparemment assuré le gouvernement de Thieu de l’aide des forces américaines qu’« en cas de violation importante de ces accords48 ». L’aide des forces américaines au cas où le gouvernement de Thieu serait menacé par des forces étrangères n’avait pas été évoquée. D’autre part, l’approche de la victoire communiste vietnamienne provoquait l’inquiétude du côté chinois… La Chine craignait une alliance entre le Vietnam et l’URSS et une présence de l’URSS aux Paracels49.
37Le précédent de la proposition de délimitation frontalière dans le golfe du Tonkin faite en 1973 par la RDV amena peut-être aussi la Chine à penser qu’une proposition similaire pourrait être faite par la RDV à propos des Paracels et des Spratleys50.
38Le conflit de souveraineté dans la mer de Chine méridionale entre la Chine et le Vietnam fut porté d’abord sur le tapis diplomatique. Le 11 janvier 1974, cherchant un prétexte pour une attaque armée, le ministère des Affaires étrangères de la Chine protesta contre le rattachement des Spratleys à la province de Phuoc Tuy opéré par le gouvernement de Saigon en septembre 1973 et proclama la souveraineté de son pays sur les deux archipels51. Le lendemain, le gouvernement de Saigon conspua violemment cette déclaration. Les jours suivants, les Chinois entamèrent leur prise de possession des Paracels en faisant pénétrer leurs navires dans les eaux territoriales des îles Robert, Duncan et Drummond (Paracels). Les Chinois débarquèrent sur ces îles et y hissèrent le drapeau chinois.
39Le 16 janvier 1974, le gouvernement de Saigon fit une deuxième déclaration de condamnation des actes d’agression chinois dans la région des Paracels. Cette déclaration précise :
Le fait que les archipels Paracels et Spratleys font partie intégrante du territoire de la République du Vietnam est un fait évident et irréfutable fondé sur des données géographiques, historiques et juridiques conformes au droit international […] La présente et soudaine contestation par la Chine communiste de la souveraineté de la République du Vietnam sur les archipels des Paracels et Spratleys ainsi que ses actes de violation à l’encontre de cette souveraineté constituent un acte inadmissible qui menace la paix et la sécurité de cette région.
Le gouvernement et la population de la République du Vietnam sont déterminés à assurer la défense de la souveraineté et l’intégrité de leur territoire et se réservent le droit de prendre toutes mesures appropriées pour parvenir à cette fin52.
40Cependant, la vive protestation de Saigon ne put empêcher la Chine d’atteindre son but. Le 19 janvier 1974, la Chine lança une offensive avec un appui intense de l’aviation sur les Paracels défendues par une garnison sud-vietnamienne53. La marine de guerre chinoise dépêcha dans les eaux des Paracels de nombreux navires déguisés en bateaux de pêche et escortant des embarcations de débarquement54. Le gouvernement Thieu appela au secours les États-Unis. En vain : son appel n’eut aucun écho bien que la septième flotte américaine n’eût pas cessé de croiser dans la haute mer de Chine méridionale. Même, le Pentagone donna l’ordre à cette septième flotte de s’éloigner des Paracels55. Vraisemblablement, les Américains abandonnèrent leur allié sud-vietnamien afin de tenir l’engagement pris avec leur nouvel allié chinois de ne jamais revenir au Vietnam du Sud, dans n’importe quel cas. Point qui fut explicité dans le télégramme envoyé par l’ambassadeur du Sud-Vietnam à Washington au ministre des Affaires étrangères juste deux semaines après l’attaque chinoise : « Le secrétaire d’État Kissinger [y est-il dit notamment] ne considère le conflit de Hoang Sa (Paracels) que comme un problème marginal, voire un inconvénient dans le cadre des efforts communs avec la Chine communiste visant à endiguer le Nord-Vietnam […] Dans l’actuel état d’esprit du Sénat et du Congrès, tout doit servir le compromis avec celle-ci. On est prêt à nous accorder une aide militaire pour nous défendre contre le Nord-Vietnam et non contre la Chine communiste56. »
41Privée de tout renfort américain, les troupes de Saigon furent défaites rapidement, dès la deuxième journée de l’attaque. Le 20 janvier 1974, les troupes chinoises débarquèrent et occupèrent totalement l’archipel. Elles s’y trouvent encore.
42Dans un dernier effort désespéré, le gouvernement de Saigon, le lendemain, envoya une note aux signataires de l’acte final de la conférence internationale de Paris sur le Vietnam, attirant leur attention sur la situation des Paracels. Invoquant le texte de l’accord de Paris, le Vietnam du Sud sollicita leur intervention afin de trouver une solution : « Le gouvernement de la République du Vietnam a l’honneur d’attirer particulièrement l’attention des membres sur l’article 1 de l’accord de Paris et l’article 4 de l’acte final de la conférence internationale de Paris, lesquels reconnaissent solennellement que l’inviolabilité du territoire du Vietnam doit être positivement respectée par tous les États, surtout par les membres signataires de l’acte final57. »
43Le même jour, le ministre des Affaires étrangères de Saigon envoya une déclaration aux représentants du corps diplomatique présents au Sud-Vietnam sur le même sujet58.
44Le 28 juin 1974, à la troisième conférence de l’ONU sur le droit de la mer, la délégation de Saigon réaffirma que les « archipels Hoang Sa et Truong Sa [faisaient] partie intégrante du territoire national », que le Vietnam « [possédait] des droits souverains indiscutables et inaliénables » sur ces îles, bien que certaines « aient été injustement réclamées ou illégalement occupées par des pays voisins59 ».
45Tous ces appels au secours du gouvernement de Saigon n’obtinrent aucune réponse. Le Vietnam du Sud ne trouva guère de soutien — limité — que de la part du gouvernement révolutionnaire provisoire (GRP) de la République du Sud-Vietnam (RSV). Dans une conférence de presse tenue le 20 janvier 1974 à Saigon, le chef-adjoint de la délégation du GRP de la RSV Vo Dong Giang affirma la position de son gouvernement face aux Paracels en trois points :
- La souveraineté et l’intégrité territoriale sont des problèmes sacrés pour chaque peuple ;
- Concernant le problème des frontières et du territoire, il existe entre pays voisins des différends légués par l’histoire. Ces différends parfois très complexes exigent un examen minutieux ;
- Les pays intéressés se doivent d’examiner ce problème dans l’esprit d’égalité, de respect mutuel, d’amitié et de bon voisinage, et de le résoudre par voie de négociation60.
46À cette occasion, la RDV, pour la première fois, ne fut pas d’accord avec la Chine61. Cependant, elle ne manifesta son opinion qu’après sa victoire du 30 avril 1975. Nous n’avons trouvé aucune déclaration, ni note ou publication de la RDV au sujet des Paracels juste après l’occupation chinoise de ces îles. La Chine, semble-t-il, avait bien calculé en jouant double jeu : accepter la proposition de négociation de la délimitation frontalière dans le golfe du Tonkin avancée par la RDV depuis 1973 ; en même temps, attaquer les Paracels occupées par la RV. Juste un jour avant l’attaque chinoise aux Paracels, le 18 janvier 1974, la Chine donna une réponse positive à la partie vietnamienne concernant sa proposition de négociation au sujet du golfe du Tonkin mais refusa « de laisser un pays tiers mener la prospection et l’exploitation du Golfe62 ».
47La « complicité » ou le « laisser faire » de Washington dans le cas des Paracels provoqua l’inquiétude du gouvernement de Saigon quant au destin des Spratleys. Le président Nguyen Van Thieu prévit que l’armée chinoise pourrait occuper les Spratleys avec « la complicité ou le laisser faire des États-Unis comme dans le cas des Paracels63 ».
48L’inquiétude de Thieu était totalement justifiée, eu égard à ce qui venait d’arriver. Le 4 février 1974, la RPC fit une déclaration par laquelle elle réaffirmait sa souveraineté sur l’archipel des Spratleys. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la République du Vietnam rejeta, le 5 février, la déclaration chinoise et affirma avec force :
Le gouvernement de la République du Vietnam affirme une fois de plus que l’archipel Truong Sa, comme l’archipel Hoang Sa, fait partie du territoire inviolable de la République du Vietnam […]
Le gouvernement et le peuple de la République du Vietnam réaffirment que la République du Vietnam n’a l’intention d’entrer en guerre contre aucun pays, mais qu’elle est fermement déterminée à défendre sa souveraineté, son indépendance et son intégrité territoriale64.
49Cependant, la situation changea au Vietnam avant que la Chine ait pu mener à bien sa deuxième opération dans la mer de Chine méridionale. En avril 1975, l’armée du Nord-Vietnam occupa les îles de l’archipel Spratleys tenues par les troupes de Saigon.
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50Pour nous résumer, la Chine en est venue à occuper totalement les Paracels. Le processus de prise de possession effective de la Chine sur ces îles fut effectué par les forces armées et en deux fois : en 1956 pour la partie orientale et en 1974 pour la partie occidentale. Désormais, la question de souveraineté sur les Paracels entre la Chine et le Vietnam n’est plus traitée que par la voie diplomatique. En fait, la Chine développe des infrastructures considérables et pose une base solide pour une occupation durable.
51S’agissant des Spratleys, le conflit de souveraineté sur ces îles entre la Chine et le Vietnam commence vraiment à partir de 1975. Bien que plusieurs pays occupent des îles de cet archipel, la dispute de souveraineté sino-vietnamienne représente l’élément principal de la situation. Même si l’apparition de nouveaux éléments dans le contexte des relations internationale et régionale a compliqué davantage encore ce conflit.
Le tête-à-tête sino-vietnamien de 1975 à 1991
52La victoire du Vietnam du Nord en mai 1975 impacta profondément les relations entre la Chine et le Vietnam. Le pays victorieux n’était plus le voisin harassé par des années de lutte qu’on aidait dans un cadre de solidarité mi-idéologique, mi-géopolitique, c’était à présent une puissance émergente dont le géant chinois n’allait pas tarder à s’agacer. Le Vietnam, sûr de lui, n’était plus en situation de devoir tolérer des atteintes à ses intérêts. L’atmosphère cessa d’être à la concession, on ne se passa plus rien, avant qu’avec le temps le réalisme ne remette les pendules à l’heure et les deux pays en bonne entente. Le conflit de souveraineté sur les Paracels et les Spratleys fut l’un des éléments importants de cette histoire relationnelle en dents de scie.
53Les deux archipels ont une position hautement stratégique : non seulement ils commandent l’accès au Vietnam, mais encore ils sont placés comme des sentinelles les yeux grand ouverts sur les principales voies de navigation maritime et aérienne en mer de Chine méridionale. Qui plus est, la découverte de pétrole off-shore et de grandes richesses minérales sous-marines au large de ces îles en a accru l’importance.
54La victoire de 1975 du Nord-Vietnam exerça une influence directe sur l’histoire des archipels. Moscou, qui n’entendait pas perdre cette occasion unique de faire progresser ses positions dans la région pour contrer Washington et empêcher l’expansion chinoise dans la mer de Chine méridionale, appuya la revendication de souveraineté vietnamienne ; cela engendra une rivalité durable entre Hanoi et Pékin : elle dure jusqu’à présent. À partir de cette année-là, le contentieux entra dans une nouvelle phase marquée par l’intensification des réclamations, la multiplication des expéditions et la prise de possession de certaines des Spratleys.
55Dans les années de résistance à l’agression américaine, la Chine avait apporté au Vietnam une aide considérable en plusieurs domaines. Par reconnaissance comme par bon sens, la RDV fit tout ce qu’il fallait pour préserver ses relations très amicales avec la Chine. Des intérêts contradictoires avaient beau exister sur certains points, on se garda d’en faire état. Chinois et Vietnamiens devaient tout sacrifier à l’objectif fondamental, la libération totale du pays. L’accord de Paris de 1973 et la victoire de 1975 changèrent sensiblement la donne : le Vietnam pouvait désormais adopter une position plus indépendante dans ses rapports avec la Chine et défendre ouvertement ses intérêts. Les divergences mises sous le boisseau durant de longues années allaient réapparaître.
56L’occupation par les troupes chinoises, en janvier 1974, des îles Paracels65 comme, du 14 au 29 avril 1975, celle de six des îles Spratley par les forces du gouvernement révolutionnaire provisoire (GRP) de la République du Sud-Vietnam (RSV) firent monter la tension. Le 10 septembre 1975, juste avant la visite de Le Duan à Pékin, la Chine réaffirma sa souveraineté sur les deux archipels66. Ce n’était pas encore le bon moment pour que le Vietnam manifestât avec vigueur son opinion à ce sujet. Il fallut attendre jusqu’aux lendemains de la première rencontre entre les plus hauts dirigeants des deux pays le 23 et le 24 septembre à Pékin.
57Ces premiers pourparlers de haut niveau révélèrent de nettes divergences. Le vice-premier ministre chinois Deng Xiaoping prit acte de ce qui séparait la position de chaque partie et proposa que des discussions ultérieures soient mises en place pour trouver une solution à l’amiable au problème des îles. Mais la montée d’un conflit bien plus grave, celui qui concernait le devenir même de l’Indochine fit vite avorter cette tentative. Dès lors, la Chine exigea périodiquement que les Vietnamiens se retirent des Spratleys67. De manière générale, le désaccord s’envenima.
58Le 10 octobre 1975, deux semaines après la visite de Le Duan à Pékin, le Vietnam publia une note en réponse à celle du 10 septembre précédent, qui avait fourni l’avis du gouvernement chinois sur les deux archipels. Cette note sortit dans un contexte où les divergences entre les deux parties devenaient de plus en plus criantes. Le Vietnam proclama « à nouveau la souveraineté sacrée du peuple vietnamien sur les îles relevant de ces deux archipels » et proposa que « les deux parties, dorénavant, s’abstiennent de publier des articles, nouvelles, photos et cartes géographiques concernant les deux archipels pour éviter de créer des malentendus entre les deux peuples et éviter que les impérialistes ne profitent de l’occasion pour diviser les deux pays », en attendant de trouver une solution raisonnable pour régler le problème68.
59À ce stade, le Vietnam ne voulait donc pas aggraver la situation. En fait, Hanoi, à en juger par ses déclarations, voulait que des concessions soient faites des deux côtés : le vice-ministre vietnamien des Affaires étrangères, Phan Hien, souligna que la dispute relative aux îles Paracels et Spratleys devait être réglée par voie de négociation, sur la base « de la compréhension mutuelle et de l’égalité69 ». Cela n’empêcha pas la polémique d’enfler dès novembre et de devenir le fond sonore et lancinant de l’affaire. En 1976, Hanoi publia des cartes incluant les Paracels dans le territoire vietnamien70. La même année, le 5 juin, le ministère des Affaires étrangères du gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud-Vietnam publia une déclaration affirmant la souveraineté du Vietnam sur l’archipel des Spratleys et le droit du Vietnam à préserver cette souveraineté à l’occasion de l’arrivée de certaines sociétés étrangères adoubées par la Chine en vue d’explorer la présence de pétrole dans cet archipel71.
60La signature du traité d’amitié et coopération vietnamo-soviétique en avril 1978 aggrava les relations sino-vietnamiennes sur les deux faces : terrestre et maritime72. Ce traité ouvrait une voie directe à l’intervention de l’URSS dans le cas où se produirait un incident sur les îles contestées entre la Chine et le Vietnam ; il conduisait, en général, à l’installation de moyens navals et aériens soviétiques au Vietnam73. La perspective indisposait les Chinois, qui virent d’un très mauvais œil la présence de la flotte soviétique du Pacifique à Cam Ranh en 1979 ; il craignirent qu’il fût procédé sous cette égide à l’exploitation des ressources off-shore74. Le 29 décembre 1978, la Chine publia une déclaration de rappel de sa souveraineté sur l’archipel des Spratleys. Le lendemain, le Vietnam répondit à cette déclaration en rejetant les arguments chinois et en affirmant sa propre souveraineté, non sans proposer « une solution par des moyens pacifiques et dans l’esprit d’entente et d’amitié de tous les litiges et différends » entre les deux pays75.
61En décembre 1978, les troupes vietnamiennes entrèrent au Cambodge ; le soutien inconditionnel de Moscou à Hanoi et l’ouverture de bases soviétiques au Vietnam à Cam Ranh et Da Nang76 poussèrent les contradictions sino-vietnamiennes jusqu’à l’incandescence. La guerre de frontière éclata.
62Il faut remarquer que ce conflit de 1979 n’eut vraiment lieu que sur la frontière terrestre. Les forces navales ne furent guère mises à contribution, comme on aurait pu s’y attendre vu le conflit de souveraineté sur les deux archipels et la présence récurrente de la question dans les imprécations et, plus tard, dans les négociations. Le plus probable est que la Chine ne voulait pas se hasarder à un affrontement déséquilibré avec les puissantes forces navales soviétiques, et qu’elle ne voulait pas non plus heurter les pays de l’ASEAN sur le concours diplomatique desquels elle misait pour contrer l’occupation vietnamienne du Cambodge77.
63Le 15 mars 1979, le ministère vietnamien des Affaires étrangères du Vietnam publia un mémorandum relatif aux incidents dans la zone frontalière. Le point 9 de ce mémorandum dénonçait l’occupation armée par la Chine de l’archipel des Paracels en 1974 comme un envahissement du « territoire sacré » du Vietnam78.
64Le lendemain de l’entrée des forces chinoises sur le territoire vietnamien, le 19 février 1979, le gouvernement soviétique adressa une énergique mise en garde à Pékin : « L’Union soviétique s’acquittera des engagements qu’elle a pris en vertu du traité d’amitié et de coopération entre l’URSS et la RSV. Ceux qui déterminent la politique à Pékin doivent s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard79. » Des navires soviétiques ne tardèrent pas à débarquer du matériel de guerre dans les ports vietnamiens80.
65Après la bataille de la frontière en 1979, des négociations entre la Chine et le Vietnam furent ouvertes rapidement, mais elles furent vite suspendues. À cause, d’abord, de la présence soviétique dans les eaux territoriales du Vietnam. La Chine ne pouvait supporter l’intensification de cette présence : une station d’écoutes électroniques — suffisamment puissante pour suivre à la trace tous les bâtiments américains de la septième flotte et bien sûr aussi, les navires chinois — installée à Cam Ranh, des navires de guerre faisant escale à Da Nang, l’utilisation des bases aériennes et navales de Hai Phong, Da Nang, Cam Ranh et de Ho Chi Minh ville, etc81. Selon la Chine, « la pénétration militaire accrue des Soviétiques [visait] à transformer l’Indochine tout entière en une base militaire pour son expansion en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique82. » Une deuxième raison de rupture des pourparlers tenait à la revendication chinoise dans la mer de Chine méridionale : les Chinois ne faisaient pas que réclamer la reconnaissance de leur souveraineté sur les archipels des Paracels et des Spratleys, ils exigeaient l’évacuation par le Vietnam des îles qu’il occupait dans le second de ces archipels83.
66Le 23 juillet 1979, la direction générale de l’aviation civile chinoise, au nom de son gouvernement, rendit public un communiqué établissant « quatre zones dangereuses » au sud-est de l’île de Hainan, englobant les Spratleys et se trouvant sur une route de navigation aérienne internationale particulièrement fréquentée. Les avions de ligne, pour pouvoir survoler ces zones, devaient désormais solliciter l’autorisation de Pékin84. Cette note fut complétée en octobre, quand furent déclarées « dangereuses, à partir du 23 octobre, plusieurs zones de la mer de Chine méridionale, en particulier dans la région des Paracels85 ». Par ce biais, les deux archipels contestés entre la Chine et le Vietnam furent de facto annexés dans l’espace chinois. Cette note fut dénoncée par Hanoi comme « à la fois une violation de son espace et de ses eaux territoriales, et la source d’une tension supplémentaire dans la région86 ». Il est vrai qu’elle venait alourdir encore un contexte où les négociations sino-vietnamiennes sur la frontière terrestre étaient dans l’impasse.
67Le 30 juillet 1979, le ministère chinois des Affaires étrangères publia le « Livre blanc » via lequel il prétendait justifier la souveraineté du pays sur les Paracels et les Spratleys, en s’appuyant sur divers documents. Une semaine plus tard, le 7 août 1979, une déclaration vietnamienne s’efforça d’annihiler les arguments chinois87.
68À partir de 1980, après le conflit de frontière terrestre, le Vietnam et la Chine pratiquèrent une manière d’« œil pour œil, dent pour dent » concernant la souveraineté sur les Paracels et les Spratleys. Chacun publia plusieurs déclarations, utilisant ses propres documents pour essayer de justifier sa souveraineté. Le côté vietnamien, de plus, prit des mesures de rattachement administratif des Spratleys à une province du Vietnam88.
69En dehors des déclarations officielles, en réalité, chaque partie essaya d’élargir son influence en établissant des services sur les îles de l’archipel dans l’intention de les occuper au moment le mieux approprié. Le 9 janvier 1980, le Vietnam protesta contre l’exploration chinoise de la zone maritime de Spratleys : « Le gouvernement et le peuple vietnamiens sont résolus à défendre leur souveraineté vis-à-vis de leur territoire comme de leurs ressources naturelles89. » La Chine, pour marquer le coup, inscrivit en mars 1980 plusieurs îles relevant de l’un et l’autre archipels sur la liste des points de navigation aérienne chinois et mit en service une station de radioguidage aérien sur l’île Lincol relevant des Spratleys90.
70Le pétrole fut un évident facteur d’aggravation des divergences sino-vietnamiennes en mer de Chine méridionale. Dès la fin de la guerre en 1975, le Vietnam reprit le dialogue avec des compagnies pétrolières internationales dans le but de construire une véritable industrie pétrolière ; en 1980, le Vietnam et l’URSS signèrent un accord de prospection et d’exploitation communes des richesses pétrolières et naturelles du plateau continental au sud du Vietnam. Les années suivantes, le Vietnam multiplia les offres de concessions sur le plateau continental, dans une région également réclamée par Pékin91.
71Le 10 décembre 1982, les pays concernés par les conflits territoriaux en mer de Chine méridionale signèrent tous la convention des Nations unies sur le droit de la mer. Le développement de ce nouveau droit allait renforcer les bénéfices potentiels que conférait la souveraineté sur les îles. La Chine, bien qu’elle revendiquât l’ensemble de l’archipel, n’occupait jusque là aucune des Spratleys : elle allait dès lors adopter une politique de plus en plus agressive92.
72Dans les années 1980, le Vietnam récupéra plusieurs îles avec le soutien de l’URSS. La Chine, peu enthousiaste à l’idée d’affronter les forces navales soviétiques, ne prit pas possession des Spratleys à proprement parler ; jusqu’à ce que, encouragée par la convention des Nations unies sur la droit de la mer, elle se mit à prendre pied sur des îles relevant de cet archipel.
73Le 14 septembre 1983, le ministère chinois des Affaires étrangères réaffirma une fois encore la souveraineté de Pékin sur l’archipel, souveraineté qui « ne saurait être violée sous aucun prétexte, par aucun pays93 ». Suite à cette déclaration, le 10 mai 1984, la Chine envoya dix navires transportant deux mille fusiliers-marins qui quittèrent les Paracels pour accomplir une circumnavigation des Spratleys94. Ils n’effectuèrent pas de débarquement sur cet archipel, mais le propos de l’opération était très clair.
74Les relations sino-vietnamiennes restèrent tendues au cours de ces années en dépit des appels à la normalisation des Soviétiques et des Vietnamiens, car la Chine posait comme préalable à tout rapprochement un règlement politique au Cambodge comprenant obligatoirement un retrait militaire vietnamien — or le Vietnam ne laissait pas prévoir un changement de politique sur ce sujet95.
75En avril 1987, les troupes vietnamiennes occupèrent le récif Barque Canada des Spratleys. Le 15 avril, le ministre chinois des Affaires étrangères condamna vivement cette occupation, demanda le retrait de ces troupes et déclara que la Chine ne manquerait pas de recouvrer sa souveraineté sur l’île au moment le mieux approprié96. À partir de ce moment, la Chine intensifia vraiment son occupation. L’île Fiery Cross fut la première occupée en décembre 1987 ; ensuite diverses interventions concernèrent onze îles et récifs de l’archipel. L’expansion chinoise aggrava l’hostilité sous-jacente entre les deux pays depuis leur conflit frontalier de mars 1979.
76En 1988, la Chine effectua un autre bond vers le sud de la mer de Chine méridionale en délogeant brutalement les Vietnamiens, dont la marine était beaucoup plus faible, de six de leurs positions dans les Spratleys : le 14 mars 1988, un accrochage eut lieu entre la Chine et le Vietnam au large des îles ; des navires de guerre chinois ouvrirent le feu sur des bâtiments vietnamiens qui ripostèrent. Cet incident fut le deuxième engagement armé entre les deux pays dans la décennie 1979-1988. Il fut jugé plus grave que celui des Paracels en 1974, étant données la quantité de bâtiments de guerre mobilisés et les pertes des deux côtés. La Chine reconnut qu’au moins six navires de guerre chinois furent engagés et que l’affaire avait fait un certain nombre de blessés. Le Vietnam, de son côté, fit état de dommages plus graves : l’un de ses bâtiments coula, deux autres furent endommagés, ses pertes s’élevèrent à soixante-seize tués ou disparus97.
77Le même jour, les ministères des Affaires étrangères des deux pays échangèrent des protestations énergiques, s’accusant mutuellement de « provocations armées » dans les eaux des Spratleys98. Cependant, comme pour tous les accrochages déjà survenus, aucun des deux côtés ne voulut être responsable de la première salve. Chacun se contenta de réaffirmer fortement sa souveraineté sur les Spratleys en réclamant le départ immédiat des forces de l’adversaire.
78Cet incident naval survint en porte-à-faux avec l’espoir du Vietnam et de l’URSS de dégager une voie de normalisation avec la Chine99. L’URSS, depuis 1987, appelait en effet à une normalisation avec la Chine et à la normalisation sino-vietnamienne. Mais ces appels étaient restés sans écho, car ni Hanoi ni Pékin n’envisageaient de renoncer à leurs objectifs respectifs. Là, le Vietnam, sous pression des Soviétiques, fit à la Chine une proposition d’ouvrir des négociations, le 17 mars. La Chine la rejeta, rendue intransigeante, notamment, par la modernisation et le renforcement de sa marine militaire depuis 1987100. On tend même à penser que la Chine fit, via cet accrochage, un test de la capacité de ses forces navales et de l’attitude de l’URSS face à son expansion dans la mer de Chine méridionale. Après cet incident, elle continua de renforcer ses forces navales, véritable bras armé pour une politique de reconquête de la mer de Chine méridionale. Ce qui ne l’empêchait nullement de tenir un autre fer, diplomatique et juridique, au feu. Pour en revenir aux Spratleys, début 1988 elle envoya ses troupes occuper six îlots et clama bien fort ses ambitions.
79Ces actions chinoises vinrent directement heurter les intérêts des pays riverains de la mer de Chine méridionale. Les gouvernements des Philippines et de Malaysia revendiquèrent sans plus attendre leur souveraineté sur les Spratleys. Cela compliqua encore le conflit en venant brocher sur la rivalité sino-vietnamienne exacerbée.
80Le changement radical des situations régionale et internationale depuis 1989 a influé directement sur les relations entre la Chine et le Vietnam. L’effondrement brutal de l’Union soviétique a constitué pour les relations sino-vietnamiennes un facteur essentiel d’évolution. Le retrait des Soviétiques de leurs bases vietnamiennes et, par-delà, la disparition du « camp socialiste » et de ses clivages profonds qui avaient isolé la Chine au sein même du monde idéologique auquel elle s’était ralliée, a fait disparaître l’une des causes de divergences entre la Chine et le Vietnam. Hanoi a retiré ses troupes du Cambodge en 1989, ce qui a fait s’évanouir la dernière cause sérieuse de conflit entre la Chine et le Vietnam. D’autre part, à partir de 1989, la Chine s’est efforcée de sortir de la situation d’isolement diplomatique et économique qui était la sienne depuis des décennies, en même temps qu’elle a opéré une mutation inédite à l’échelle planétaire, restant « communiste » mais s’imposant comme un des principaux rouages du système capitaliste mondial. Pour les ex-pays communistes asiatiques, la conservation d’un modèle politique et social disqualifié en Europe est devenue une option crédible sous condition d’aggiornamento économique, et de ce point de vue, le Vietnam a fini par se positionner d’une manière qui n’est pas si différente de celle de la Chine. Il est loin, le temps du Comecon…
81Entre le 3 et le 7 septembre 1990, le secrétaire général du Parti communiste vietnamien Nguyen Van Linh fit sa première visite en Chine. Cette visite marqua le début du processus de normalisation entre la Chine et le Vietnam après douze ans de brouille101. Cependant il y avait encore bien des obstacles. L’un de ceux-ci était, toujours, la question des Paracels et des Spratleys. Les Chinois continuèrent de revendiquer leur souveraineté sur les deux archipels et de faire de sa reconnaissance l’une des conditions de toute normalisation pleinement aboutie102.
82Toutefois, Hanoi et Pékin se résolurent à laisser provisoirement cette question de côté pour engager sérieusement le processus. « Nous avons à résoudre des problèmes légués par l’histoire et nous le ferons graduellement par la négociation », déclara Jiang Zemin lors de la rencontre au sommet du 7 novembre 1991103. Les Vietnamiens s’exprimèrent dans le même sens : « Ces litiges sont un legs de l’histoire qui devra être discuté dans l’avenir, et réglé par des moyens pacifiques104. »
Les problèmes de 1991 à nos jours
83Malgré la normalisation, le conflit sur les Paracels et les Spratleys resta vivace. Les deux côtés, d’une part, cherchèrent une solution pour régler le problème par la voie pacifique, et, d’autre part, restèrent à l’affût pour prendre possession de ces îles au premier moment favorable. Avant la normalisation, le Vietnam occupait vingt et une îles et îlots de l’archipel des Spratleys ; la Chine occupait six des Spratleys et la totalité des Paracels105.
84Le 25 février 1992, la Chine publia une loi relative à ses « eaux territoriales et aux zones contiguës106 » en phase avec la convention de 1982. Aux termes de cette loi, les eaux territoriales chinoises étaient portées à douze milles marins, les zones contiguës à douze milles marins également, et la souveraineté chinoise devait s’exercer sur 85 % de la superficie de la mer de Chine méridionale. Fait important, entrait parmi ces dispositions la souveraineté intégrale et indiscutable de la Chine sur les îles Paracels et Spratleys — qui, selon Hanoi, incluent une partie du plateau continental vietnamien107. Cette loi autorisait l’armée chinoise à utiliser la force pour défendre sa souveraineté sur ces îles. En revanche, la Chine ne fixait pas les limites de son plateau continental ou de sa zone économique exclusive. À cette même époque, les troupes chinoises occupèrent une autre des Spratleys, l’île Da ba dau108 (« Rocher à trois têtes »).
85En vertu de cette loi et pour en manifester l’application, la Chine signa en mai 1992 avec une entreprise pétrolière américaine, la Crestone Energy Corporation, un contrat autorisant cette dernière à explorer et exploiter du pétrole et du gaz dans une zone intégralement située sur le plateau continental réclamé par le Vietnam, et non, selon Hanoi, dans les eaux territoriales des Spratleys : d’où une vive protestation vietnamienne. Pékin rassura l’entreprise américaine en déclarant que ses forces armées protègeraient les activités de Crestone s’il le fallait109.
86À partir de ce moment, Chine intensifia ses activités dans la mer de Chine méridionale. En septembre 1992, Pékin envoya des navires d’exploration pétrolière dans un endroit du golfe du Tonkin situé dans la zone économique exclusive du Vietnam (en mai 1993, l’opération fut renouvelée, tout près de la côte du centre Vietnam ; les navires se retirèrent peu avant une visite du ministre chinois de la Défense au Vietnam). Début juillet, après avoir rejeté les protestations du Vietnam, la Chine dépêcha des renforts sur l’archipel et Hanoi exigea immédiatement leur retrait ; le 8 juillet, le Vietnam accusa la Chine d’avoir violé sa souveraineté en prenant possession d’un récif de l’archipel et en y posant une « borne de souveraineté110 » ; le 16 septembre 1992, Hanoi annonça que la Chine avait de nouveau arraisonné un de ses navires, au large de Hongkong. Pour Hanoi, il s’agissait d’une violation du droit de la mer, le navire ayant été intercepté dans les eaux internationales. Pékin accusait les navires vietnamiens d’approvisionner des filières de contrebande en Chine du Sud111.
87En janvier 1995, les troupes chinoises occupèrent un autre récif des Spratleys, le Mischief (Da Lac en vietnamien), également réclamé par les Philippines. En mars 1995, la Chine envoya, dans la zone Vanguard (Tu Chinh en vietnamien) relevant entièrement de la zone économique exclusive du Vietnam, des navires pour bloquer le transport des équipements d’exploration et de forage de l’entreprise américaine Mobile Corporation et d’une entreprise pétrolière japonaise qui avaient été autorisées par le Vietnam à y procéder à des explorations pétrolières112. [Voir carte 4.]
88Il y a quelque chose d’ambigu dans l’attitude de Pékin. Les Chinois se montrent rassurants dans les forums internationaux, en affirmant notamment que les différends en mer de Chine méridionale doivent être réglés par la négociation113. Mais, contradictoirement, ils refusent toute solution qui serait issue d’instances multilatérales et n’acceptent d’approche que bilatérale ; ils refusent aussi de porter cette question devant la Cour internationale de justice ; quant au recours à la force pour faire respecter la « souveraineté » chinoise, on a vu qu’il faisait partie des dispositions législatives adoptées en 1992 par le parlement chinois114.

Carte 4. Revendications territoriales et maritimes en mer de Chine méridionale.
89La position vietnamienne, quant à elle, est de pousser au règlement des disputes par des négociations pacifiques s’appuyant sur la déclaration de l’ASEAN de 1992115 et sur la convention de l’ONU de 1982 sur le droit de la mer. Hanoi préconise le maintien du statu quo116 et tente d’utiliser en même temps les divers mécanismes (bilatéraux, multilatéraux) adaptés pour trouver une issue au problème.
90Face à ces problèmes frontaliers et territoriaux qui empoisonnent leurs rapports bilatéraux, Hanoi et Pékin déploient certes des efforts. Les premières négociations sur les problèmes frontaliers et territoriaux depuis la normalisation des relations ont commencé en octobre 1992117 et conduit, en octobre 1993, à la conclusion d’un accord sur les principes de base du règlement des différends frontaliers118. En ce qui concerne les Paracels et Spratleys, les deux parties sont convenues de continuer les négociations afin de trouver une solution fondamentale à long terme. Elles ont aussi accepté le principe selon lequel les parties ne compliqueront pas la situation par l’usage de la force ou la menace du recours à la force. Ces principes ont été réaffirmés dans le communiqué commun publié à l’issue de la visite du président chinois Jiang Zemin au Vietnam en novembre 1994119. À cette occasion, les dirigeants des deux pays sont également convenus d’un autre principe de base propre à guider le comportement des parties en conflit à propos de la mer de Chine méridionale. Ce principe s’énonce comme suit : les parties procèdent à des consultations et adoptent une attitude modérée et constructive afin de résoudre leur désaccord ; elles ne doivent pas laisser leur désaccord affecter le développement normal des relations bilatérales. Les deux parties ont également décidé de former, chacune, un groupe d’experts pour traiter les questions concernant cet espace maritime et procéder à des dialogues et consultations120.
91En dépit de tous ces sages principes, les litiges entre la Chine et le Vietnam dans la mer de Chine du Sud ne cessèrent de se multiplier…
92Avec l’entrée en vigueur du droit de la mer, le contentieux des Spratleys a pris des proportions considérables. Le chevauchement des zones économiques exclusives a été aggravé par les dispositions de l’article 121 (titre 8) de la convention de 1982, qui rend licite l’extension des zones économiques exclusives (ZEE) à partir d’îles ou d’îlots, à la seule condition que ceux-ci se prêtent à l’habitation humaine ou à une « vie économique » propre121.
93Autre fait important, le 28 juillet 1995, le Vietnam est entré dans l’ASEAN, se sortant de son isolement régional antérieur. Cet événement a fait changer l’attitude de la Chine à l’égard du Vietnam. La Chine, dont les relations avec les États-Unis étaient au plus bas depuis la crise de Tienanmen en 1989, souhaitait entretenir de bons rapports avec ses voisins, notamment avec l’ASEAN. Le Vietnam, avec son entrée dans cette association, pouvait jouer un rôle d’intermédiaire pour un rapprochement entre la Chine et les pays de l’ASEAN, avec lesquels les relations étaient très tendues après la découverte par Manille d’installations et de bornes chinoises sur les récifs de Mischief, assez près de l’île philippine de Palawan122.
94En juillet 1995, la Chine et le Vietnam créèrent officiellement un groupe de spécialistes de la frontière maritime et du 13 au 15 novembre, à Hanoi, eut lieu la première séance de ce groupe. Les deux côtés ont répété une fois de plus que les négociations sur le problème maritime devaient être exécutées en vertu des droits internationaux, y compris la convention de droit maritime de 1982, pour chercher une solution à long terme. Depuis, plusieurs séances de négociations ont eu lieu, mais les deux côtés persistant toujours dans leur position, l’impasse est demeurée totale entre Hanoi et Pékin ; le contentieux est devenu chaque année plus complexe et potentiellement plus dangereux.
95En avril 1996, tout en s’engageant à ratifier la convention internationale sur les droits de la mer de 1982, la Chine a revendiqué, dans la mer de Chine méridionale, une zone économique exclusive de deux cents milles marins. Le Vietnam a bien entendu protesté.
96En 1998, le voyage de neuf jours du président des États-Unis, Bill Clinton, en Chine marqua un tournant tant dans les relations sino-américaines que dans l’histoire du rôle stratégique de la Chine en Asie. Il fut clair à cette occasion que la Chine avait repris le rôle de grande puissance qu’elle avait perdu jadis avec les guerres de l’opium123. L’amélioration dans les relations entre ces deux pays influença positivement la situation politique en Asie-Pacifique. Nul hasard aussi, si, dès après la visite de Clinton, le Parti communiste du Vietnam, dans un communiqué interne, réaffirma la souveraineté vietnamienne dans la mer de Chine méridionale y compris : golfe du Tonkin, golfe du Siam, archipels Paracels et Spratleys124. Un mois après, dès la fin des conférences de l’ASEAN (27 juillet 1998), le côté vietnamien réaffirma sa souveraineté sur les archipels Paracels et Spratleys125. Le Vietnam confirma sa présence sur vingt et une îles et récifs de l’archipel des Spratleys contre sept récifs occupés par les Chinois126. Il faut voir là la réponse du Vietnam aux cinq points que le ministre chinois des Affaires étrangères, Tang Jiaxuan avait exposés à la conférence de l’ASEAN127.
97Début 2001, malgré la signature des traités de délimitation du golfe du Tonkin et de la frontière terrestre, les relations entre le Vietnam et la Chine se tendirent à nouveau, dans un contexte de déploiement d’activités militaires en mer de Chine méridionale. Pour contrer notamment les manœuvres maritimes communes des États-Unis et des Philippines, la Chine n’a cessé d’accroître ses forces dans cet espace maritime et plusieurs accrochages ont eu lieu entre les forces navales chinoises et celles d’autres pays128.
98Les tensions entre le Vietnam et la Chine augmentèrent après que la Chine eut publié un décret « d’interdiction de mer » dans la mer de Chine du Sud pour effectuer des tirs lors d’une manœuvre à grande échelle dans la zone des Paracels du 27 mai au 3 juin 2001. Le 28 mai, le porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères fit valoir (pour la deuxième fois en un mois129) que « le Vietnam [avait] des preuves historiques et une base juridique au complet pour affirmer sa souveraineté sur les archipels Paracels et Spratley. N’importe quelle action d’un autre pays sur les Paracels et Spratley et aussi sur la zone économique exclusive et le plateau continental du Vietnam sans consentement du gouvernement vietnamien sera considéré violer la souveraineté du Vietnam130 ».
99Pour renforcer ses bases juridiques, le 17 juin 2003, l’Assemblée nationale du Vietnam a adopté un « droit de la frontière nationale. » C’est la première fois que le Vietnam créait et promulguait une loi relative à la frontière. L’article 1 (chapitre I) de ce droit stipule : « La frontière nationale de la République socialiste du Vietnam constitue une ligne et une façade verticales sur lesquelles s’appuyer pour déterminer la limite de notre territoire de ses îles et de ses archipels y compris ceux des Paracels et Spratleys131. »
100Ainsi, à l’heure actuelle, plusieurs revendications s’expriment en mer de Chine méridionale. La Chine contrôle totalement les Paracels. Elle occupe une dizaine d’îles aux Spratleys132 ; le Vietnam en contrôle vingt et une133. Les autres pays, Indonésie, Malaisie, Philippines tiennent certaines îles mais en quantité moindre que la Chine et le Vietnam.
101Le Vietnam et la Chine jouant le rôle principal dans le conflit de la mer de Chine du Sud, n’ont cessé d’affiner leur arsenal juridique, d’affirmer leur souveraineté sur ces îles et en même temps d’y renforcer leurs activités.
102Le 29 septembre 2002, la Chine a achevé, pour la première fois, un périple maritime mondial de quatre mois134, événement qui atteste de son désir de renouer avec la grande mais lointaine période de sa marine, du xie au xve siècle. Parallèlement au renforcement de son potentiel naval, la Chine continue à s’appuyer sur un argument historique fort controversé : la mer de Chine méridionale lui appartiendrait, fondamentalement, même si elle est prête à en exploiter les ressources avec les pays riverains135 dans un cadre coopératif. Mais cette ligne de revendication chinoise, qui englobe la plupart des gisements de pétrole de cette mer, est jugée inacceptable par les pays de l’ASEAN, et surtout par le Vietnam.
103Ainsi, le conflit de souveraineté sur les archipels des Paracels et Spratleys continue à poser problème et appelle sans doute d’autres développements.
Notes de bas de page
1 MFD, SHM, Série UU-SUP : Guerre d’Indochine, UU-SUP 12 : îles Spratley, télégramme des forces maritimes du Pacifique, division d’escorteurs côtiers d’Extrême-Orient, Saigon, 31 mai 1956.
2 MFAE, Asie-Océanie (1944-1955), Chine, les îles Spratleys, volume 213, commissariat général de France en Indochine, lettre du général de corps d’armée P.-E. Jacquot, commissaire général de France et commandant en chef en Indochine au secrétaire d’État, chargé des relations avec les États associés, 1955.
3 Ibid.
4 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1960), volume 523, télégramme du secrétaire d’État aux forces armées-marine au ministre des Affaires étrangères, le 3 août 1956.
5 Ibid., télégramme du 2 juin 1956.
6 MFAE, Asie-Océanie (1944-1955), Chine, les îles Spratleys, volume 213, commissariat général de France en Indochine, lettre du général de corps d’armée P.-E. Jacquot, commissaire général de France et commandant en chef en Indochine au secrétaire d’État, chargé des relations avec les États associés, 1955.
7 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1960), volume 523, télégramme du 2 juin 1956. Voir annexe 33. Voir également MFD, SHM, Série UU-SUP : Guerre d’Indochine, UU-SUP 12 : îles Spratley, Saigon (V. P) 1er juin 1956.
8 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1967), volume 522, télégramme du 5 juin 1956 du ministre des Affaires étrangères à Saigon.
9 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1960), volume 523, télégramme de l’ambassadeur de France au Vietnam au ministre des Affaires étrangères du 9 juin 1956.
Voir aussi MFAE, Asie-Océanie, Chine (1944-1955), Les îles Spratleys, volume 213, commissariat général de France en Indochine, lettre du général de corps d’armée P.-É Jacquot commissaire général de France et commandant en chef en Indochine au secrétaire d’État, chargé des relations avec les États associés, 1955.
10 Ibid.
11 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1967), volume 522, télégramme du 31 mai 1956 de Saigon à M. Hoppenot, ministre des Affaires étrangères.
12 Ibid.
13 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1960), volume 523, télégramme du 19 juin 1956.
14 Ibid., télégramme du 29 mai 1957.
15 Ibid., télégramme du 3 juillet 1956 du ministre des Affaires étrangères au ministre de la France d’outre-mer. Voir annexe 35.
16 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1960), volume 522, note pour le cabinet du ministre, août 1956.
17 Ibid.
18 Ibid.
19 Ibid., télégramme du secrétaire d’État aux forces armées-marine au ministre des Affaires étrangères, le 3 août 1956.
20 MFAE, Asie-Océanie, Chine, Les îles Spratleys, volume. 213, direction générale des affaires politiques, note du 11 juillet 1955.
21 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1960), volume 522, télégramme de Saigon à l’ambassade à Paris, le 29 août 1956.
22 Ibid., le Quotidien du Peuple de Pékin, cité par le télégramme du haut-commissariat de la République française au Vietnam à ministre des Affaires étrangères à Paris, le 3 septembre 1958.
23 MFD, SHM, Série UU-SUP : Guerre d’Indochine, UU-SUP 12 : îles Spratley, Saigon, extrait du Bulletin de Vietnam press du vendredi 8 juin 1956, édition de Midi (V. P)
24 MFD, SHM, Série UU-SUP : Guerre d’Indochine, UU-SUP 12 : îles Spratley, message du 25 juillet 1956.
25 Décret no 143/NV du 22 octobre 1956 du président de la République du Vietnam (Ngo Dinh Diem) portant sur le rattachement de l’archipel des Spratleys à la province de Phuoc-Tuy, recueil des lois et règlements, tome I (du 26 octobre 1955 au 31 janvier 1959, p. 465466, cité par dossier « Les archipels des Paracels et Spratleys », tome II, Le Courrier du Vietnam, Hanoi, 1984. On peut noter certains arrêtés pris auparavant : avis du 26 juillet 1933 du ministère français des Affaires étrangères relatif à l’occupation de certaines îles de l’archipel Truong Sa par des unités navales françaises (Journal officiel de la République française, 26 juillet 1933, p. 7857), cité dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, Hanoi, 1984, p. 21 ; arrêté no 4762 CP du 21 décembre 1933 du gouverneur de la Cochinchine J. Krautheimer, rattachant l’archipel de Truong Sa à la province de Baria ; lettre no 46-S/PL du gouverneur général de l’Indochine du 22 août 1940 sur les candidatures aux fonctions de chef de détachement à Itu-Aba (îles Spratleys). Source : « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, Hanoi, 1984, p. 22-25.
26 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1960), les îles Spratleys, volume 522, télégramme de Saigon, le 25 octobre 1956.
27 Ibid., direction générale des affaires politiques, note pour le secrétaire général, le 20 février 1957.
28 Ibid.
29 Arrêté no 420-BNV/HCDP/26 du 6 septembre 1973 du ministre de l’Intérieur de la République du Vietnam Le Cong Chat, reproduit dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome II, Hanoi, 1984, p. 30.
30 MFD, SHAT, 10H3342, îles Paracels, télégramme du 27 mars 1956.
31 MFD, SHAT, 10H3342, îles Paracels, télégramme du général de corps d’armée Pierre-Élie Jacquot au vice-amiral, commandant les forces navales en Extrême-Orient.
32 MFAE, Asie-Océanie, Chine (1956-1960), télégramme de Gérard Raoul-Duval, ministre plénipotentiaire, en charge du consulat général de France à Hongkong au ministre des Affaires étrangères, le 2 mars 1959, p. 1.
33 Ibid., p. 2.
34 Ibid.
35 Ibid., p. 3.
36 « Les archipels Hoang Sa et Truong Sa (Paracels et Spratleys) », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome I, Hanoi, 1981, p. 33. Voir également « Les archipels Hoang Sa et Truong Sa et le droit international », ministère des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam, avril 1988, cité par Monique Chemillier-Gendreau in La souveraineté sur les archipels Paracels et Spratleys, op. cit., 1996, p. 119.
37 Décret no 174-NV du 13-7-1961 du président de la République du Vietnam portant sur le rattachement de l’archipel des Paracels à la province de Quang-Nam et l’organisation de ces îles en village de Dinh-Hai placé sous l’autorité d’un « délégué administratif », Journal officiel de la République du Vietnam, 27 juillet 1961, p. 2695, cité dans « Les archipels Hoang Sa et Truong Sa (Paracels et Spratleys) », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome II, Hanoi, 1981, p. 29. On peut noter certains arrêtés antérieurs : au temps des Nguyen (1802-1884) et au début de l’époque coloniale), les Paracels appartiennent à la province de Quang Nghia ; le 30 mars 1938, l’empereur Bao Dai prit une ordonnance pour rattacher les Paracels à la province de Thua Thien ; le 15 juin 1938 le gouverneur général de l’Indochine J. Brévié publia un arrêté portant création de la délégation des Paracels dépendant de la province de Thua Thien ; le 5 mai 1939 le même J. Brévié publia un arrêté créant deux délégations administratives aux îles Paracels, dépendantes de la province de Thua Thien. Source : « Les archipels Hoang Sa et Truong Sa (Paracels et Spratleys) », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome II, Hanoi, 1981, p. 16-24.
38 Arrêté no 709-BNV/HCDP/26 du 21 octobre 1969 du ministre de l’Intérieur du gouvernement de la République du Vietnam (M. Tran Thien Khiem) portant sur le rattachement du village de Dinh-Hai (archipel des Paracels) au village de Hoa-long de la circonscription de Hoa-Vang, province de Quang-Nam, recueil des lois et règlements, tome XII du 1er janvier 1969 au 31 décembre 1969, fascicule II, éditions du Journal officiel, p. 1558, in « Les archipels des Paracels et Spratleys », tome II, Le Courrier du Vietnam, Hanoi, 1984, p. 29.
39 MFAE, Asie-Océanie, Chine, volume 522, les Spratleys (1956-1967), direction générale des Affaires politiques, aide-mémoire, note du 5 septembre 1955.
40 Cité par Vu Can, « De l’annexion par les cartes à l’annexion par les armes », dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome I, Hanoi, 1981, p. 33. Voir aussi « Le Droit international et la ligne fragmentée de neuf morceaux de la Chine », recherche, revue La Frontière et le Territoire, no 5, avril 1999, p. 29.
41 Ibid.
42 Chemillier-Gendreau, Monique, La souveraineté sur les archipels Paracels et Spratleys, op. cit., p. 122.
43 Ibid.
44 Ibid., p. 123
45 Le Monde, le 7 août 1964. Voir également les autres proclamations dans le même sens rapportées dans la brochure À propos du « Livre blanc du ministre vietnamien des Affaires étrangères » sur les relations Vietnam-Chine, par les commentateurs du Renmin Ribao et de l’agence Xinhua, éditions en langues étrangères, Beijing, 1979, p. 16-17.
46 MFAE, Asie-Océanie, Chine, problème de mer de juillet à décembre 1972, volume 731, note sur la Chine le 16 octobre 1972.
47 Ibid., télégramme à l’arrivée au ministère des Affaires étrangères à Paris, le 4 juillet 1972.
48 The Bettmann Archive/UPI/, noté par l’encyclopédie Microsoft Encarta 2004, « La guerre du Vietnam ».
49 Garver, China’s Push Through the South China Sea, p. 1001, cité par Greg Austin, « China’s Ocean Frontier : International Law, Military Force and National Development », Australian National University, Canberra, 1998, p. 75
50 Greg Austin, China’s Ocean Frontier : International Law, Military Force and National Development, Australian National University, Canberra, 1998, p. 73.
51 Peking Review, 18 January 1974, cité par Chi-kin Lo, China’s Policy Towards Territorial Disputes. The Case of the South China Sea Islands, Routledge, 1989, p. 35. Voir également Hungdad Chiu and Choon-ho Park, Legal Status of the Paracel and Spratly Island, Ocean Development and International Law, vol. 3, no. 1, 1975, p. 21.
52 Déclaration no 015/BNG/TTBC/TT du 16 janvier 1974 du ministère des Affaires étrangères de la République du Vietnam sur les actes d’agression de la RPC dans la région de l’archipel Hoang Sa, annexée à « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome II, Hanoi, 1984.
53 Il est difficile de déterminer quel côté commença à attaquer. Il n’y pas d’accord entre les trois sources : Kesesing’s Contemporary Archives, ministère des Affaires étrangères du Sud-Vietnam, document chinois.
54 Vu Can, « De l’annexion par les cartes à l’annexion par les armes », in « Les Archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome I, Hanoi, 1981, p. 30.
55 AP-Saigon, le 21 janvier 1974 ; Le Soir, le 22 janvier 1974, cité par Mai Dong, « Des événements militaires sur les archipels Paracels et Spratleys du xixe siècle à nos jours », Revue d’histoire de l’Armée, no 6, numéro spécial au sujet des Paracels et Spratleys, 1998, p. 69
56 Archives du ministère sud-vietnamien des Affaires étrangères, télégramme envoyé de Washington par l’ambassadeur Tran Kim Phuong au ministre Vuong Van Bac, le 2 février 1974, cité par Vu Can, « De l’annexion par les cartes à l’annexion par les armes », in « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome I, Hanoi, 1981.
57 Déclaration no 015/BNG/TTBC/TT du 16 janvier 1974 du ministère des Affaires étrangères de la République du Vietnam sur les actes d’agression de la RPC dans la région de l’archipel Hoang Sa, présentée en annexe dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome II, Hanoi, 1984. Voir annexe 37.
58 Déclaration du 21 janvier 1974 du ministre des Affaires étrangères de la République du Vietnam à l’adresse des représentants du corps diplomatique au sujet des violations commises par la RPC contre la souveraineté de la République du Vietnam sur les archipels Hoang Sa et Truong Sa, mise en annexe dans « Les Archipels des Paracels et Spratleys », op. cit.
59 « La souveraineté du Vietnam sur les archipels Hoang Sa et Truong Sa », département de la presse et de l’information, ministère des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam, Hanoi, 1974, p. 55.
60 Déclaration de Vo Dong Giang, chef-adjoint de la de la délégation du GRP de la RSV auprès de la commission militaire mixte, le 20 janvier 1974, en annexe dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », op. cit. Voir également dans « La souveraineté du Vietnam sur les archipels Hoang Sa et Truong Sa », département de la presse et de l’information, ministère des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam, Hanoi, 1974, p. 55.
61 Pao-min Chang, The sino-vietnamese Territorial Dispute, The Center for Strategic and International Studies, Washington, DC, Georgetown University, 1986, p. 24-27.
62 Extrait du mémorandum du 15 mars 1979 du ministère des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam in « Les archipels des Paracels et Spratleys », op. cit.
63 Document du 12 février 1974 du ministre des Affaires trangères de Saigon, cité par Mai Dong in « Des événements militaires sur les archipels Paracels et Spratleys du xixe siècle à nos jours », Revue d’histoire de l’Armée (Quan doi Nhan Dan), numéro spécial au sujet des Paracels et Spratleys, p. 69.
64 Déclaration du 5 février du ministre des Affaires étrangères de la République du Vietnam, cité in « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, tome II, Hanoi, 1984.
65 Tran Cong Truc, « Les archipels des Paracels et Spratleys – une part territoriale sacrée du Vietnam », Revue d’histoire de l’Armée, no 6, 1998, p. 11.
66 Note du 10 novembre 1975 de l’ambassade de la RDV à Pékin au ministère des Affaires étrangères de la Chine, le 10 novembre 1975, cité dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, Hanoi, 1984, p. 38.
67 Libération, 25 mars 1988.
68 Note du 10 novembre 1975 de l’ambassade de la RDV à Pékin au ministère des Affaires étrangères de Chine, le 10 novembre 1975, cité dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, Hanoi, 1984. p. 38-39.
69 Pao-min Chang, The Sino-Vietnamese Territorial Dispute, The Centre for strategic and International Studies, Washington, D. C., Georgetown University, 1986, p. 29-30.
70 Hervé Coutau-Bégarie, Géostratégie du Pacifique, IFRI/Economica, 1987, p. 231.
71 Déclaration du 5 juin 1976 du porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la République du Sud-Vietnam, cité dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, Hanoi, 1984, p. 40.
72 Voir le premier chapitre de notre troisième partie.
73 Jacques Guillermaz, « Les impératifs de la Chine », Le Figaro, 19 février 1978.
74 Greg Austin, China’s Ocean Frontier : International Law, Military Force and National Development, Australian National University, Canberra, p. 79.
75 Déclaration du 30 décembre 1978 du porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam, cité dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », dossier, Le Courrier du Vietnam, Hanoi, 1984, p. 40-41.
76 Eric Denécé, Géostratégie de la mer de Chine méridionale et des bassins maritimes adjacents, op. cit., p. 33.
77 Pao-min Chang, The Sino-Vietnamese Territorial Dispute, Praeger, New York, 1986.
78 Extrait du mémorandum du 15 mars 1979 du ministère des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam, cité dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », op. cit.
79 Antoine Dauphin, op. cit, p. 114.
80 « Sanglante “leçon” de la Chine au Vietnam », Le Matin, 19 février 1979.
81 Philippe de Bausset, « Pékin menace le Vietnam d’une nouvelle correction », Le Figaro, 21 mai 1979. Voir également Le Monde, 7 août 1979, « Nouvelle tension à la frontière sino-vietnamienne ».
82 Chine nouvelle, citée par Le Monde, le 7 août 1979, « Nouvelle tension à la frontière sino-vietnamienne ».
83 Alain Jacob, « Hanoi juge « arrogantes » les propositions de Pékin », Le Monde, le 28 avril 1979.
84 S. Scherer, « La stratégie expansionniste chinoise en mer de Chine du sud », Défense nationale, janvier 1997, p. 105-127.
85 Alain Jacob, « Hanoi s’inquiète d’une note chinoise déclarant “dangereux” le survol de plusieurs zones de la mer de Chine », Le Monde, 22 octobre 1979.
86 Ibid.
87 Déclaration du 7 août 1979 du ministère des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam, cité dans « Les archipels des Paracels et Spatleys », dossier, op. cit.
88 De 1980 à 1983, les deux côtés publièrent plusieurs déclarations : déclaration du 30 janvier 1980 du ministère chinois des Affaires étrangères justifiant sa souveraineté sur les Paracels et les Spratleys ; déclaration du 5 février 1980 du ministère vietnamien des Affaires étrangères réfutant la déclaration publié le 30 janvier 1980 par les Chinois et affirmant sa souveraineté sur ces deux archipels ; déclaration du 31 mai 1980 du ministère vietnamien des Affaires étrangères condamnant la Chine pour avoir mis en service une station de radioguidage aérien sur l’île Linh Con, relevant des Spratleys ; décision du 9 décembre 1982 du conseil des ministres de la République socialiste du Vietnam portant création du district de Truong Sa relevant de la province de Dong Nai ; résolution de l’Assemblée nationale de la RSV du 28 décembre 1982 portant rattachement du district de Truong Sa à la province de Phu Khanh ; déclaration du 6 mai 1983 du porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la République socialiste du Vietnam protestant contre la publication par les autorités chinoises des noms d’îles, de récifs et de bancs dans la mer Bien Dong — Pour l’ensemble, voir notamment « Les archipels des Paracels et Spratleys », op. cit.
89 Déclaration du 9 janvier 1980 du porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la RSV, citée dans « Les archipels des Paracels et Spratleys », op. cit., p. 45.
90 Ibid., p. 47.
91 Frédéric Lasserre, Le dragon et la mer : stratégies géopolitiques chinoises en mer de Chine du Sud, L’Harmattan, Montréal/Paris, 1996, p. 220-229.
92 Eric Denécé, Géostratégie de la mer de Chine méridionale et des bassins maritimes adjacents, op. cit., p. 195.
93 Ibid.
94 Hervé Coutau-Bégarie, Géostratégie du Pacifique, op. cit., p. 23.
95 Jean-Claude Pomonti, « Les appels de Moscou pour une normalisation entre Hanoi et Pékin sont restés lettre morte », Le Monde, 8 janvier 1987.
96 Eric Denécé, Géostratégie de la mer de Chine méridionale et des bassins maritimes adjacents, op. cit., p. 196.
97 Ibid., p. 197. Les sources divergent. Selon certaines, quatre-vingt Vietnamiens auraient été tués dans cet accrochage.
98 Francis Deron, « Incident naval au large des îles Spratleys », Le Monde, 16 mars 1988.
99 Patrick Sabatier, « L’Archipel des Spratleys : Pékin s’ancre dans le refus », Libération, 25 mars 1988.
100 “China turns down Hanoi call for talks on Spratlys”, The Guardian, 25 mars 1988.
101 Patrick Sabatier, « La Chine et le Vietnam renouent », Libération, 18 septembre 1990.
102 Le Monde, 21 juin 1991.
103 Dominique Bari, « Entente cordiale », L’Humanité, le 7 novembre 1991.
104 Ibid.
105 Selon des sources vietnamiennes, le Vietnam occupe vingt-deux îles des Spratleys, Revue d’histoire de l’Armée, no 6, 1988, p. 38.
106 Eric Denécé, Géostratégie de la mer de Chine méridionale et des bassins maritimes adjacents, op. cit., p. 197
107 Jean– Claude Pomonti, « Hanoi cherche à résister aux ambitions régionales chinoises », Le Monde, 30 janvier 1995.
108 C. A. Thayer, op. cit, p. 526. Voir également Éric Denécé, Géostratégie de la mer de Chine méridionale et des bassins maritimes adjacents, op. cit., p. 197. Pour une analyse détaillée des disputes relatives à la mer de Chine méridionale, on pourra consulter, par exemple : Lee Lai To, « Managing Potential Conflit in the South China Sea : Political and Security Issues », The Indonesian Quarterly, vol. 43, no 2, 1990 ; Mark Valencia, « Troubled Waters : Disputes in the South China Sea », Harvard International Review, vol. 16, no 2, 1994 ; Khoo How San, « ASEAN and the South China Sea problem », in C. Jeshurun (dir.), China India Japan and the security of South Asia, Singapore, ISEAS, 1993 ; Chen Jie, « China’s Spratly Policy », Asian Survey, vol. 34, no 10, octobre 1994 ; Sheng Lijun, « Beijing and the Spratly », Issues and Studies, vol. 31, no. 7, juin 1995.
109 BBC, 29 mars 1995. Voir également Ruben Alabastro, « ASEAN Wins Assurance from China on Spratlys », China News Digest, 23 July 1992, cité par Greg Austin, China’s Ocean Frontier, op. cit., p. 87.
110 Le Monde, 21 juillet 1992, AFP.
111 Le Monde, 17 septembre 1992, AFP.
112 BBC, 29 mars 1995.
113 Jean–Claude Pomonti, « Pékin et Hanoi discutent de leur contentieux frontalier », Le Monde, 22 septembre 1992.
114 Jean Leclerc du Sablon, « Pékin veut rassurer Hanoi », Le Figaro, 21 novembre 1994.
115 La déclaration de l’ASEAN de 1992 réclame une solution pacifique de la question des Spratleys et condamne tout usage de la force : voir, Le Monde, 4 novembre 1992.
116 Voir le discours prononcé par le ministre des Affaires étrangères Nguyen Manh Cam à l’ONU le 2 octobre 1995, Daily Report East Asia, 4 octobre 1995, p. 70.
117 Le Monde, 14 octobre 1992.
118 Voir le deuxième chapitre de notre troisième partie.
119 Le Monde, 30 janvier 1995.
120 BBC, 23 novembre 1994.
121 Étienne Hirsch, « Tension en mer de Chine méridionale », in Serge Bésanger et Guy Schulders (dir.), Les relations internationales en Asie-Pacifique, Alban Editions, 1998, p. 118.
122 Jean-Claude Pomonti, « La Chine maintient sa position sur le contentieux des îles Spratleys face aux pays de l’ASEAN », Le Monde, 1er août 1995.
123 Noté par « Le communiqué interne du Parti communiste vietnamien », 8/1998, p. 6 (Thong bao noi bo cua Ban Chap Hanh Trung Uong Dang Cong san Vietnam, 8/1998, p. 6.).
124 Op. cit. p. 11.
125 Op. cit. p. 12.
126 Op. cit. 9/1998. p. 12.
127 Lors de la conférence de l’ASEAN, la Chine formula son souhait (cinquième point) d’étendre la coopération dans l’exploitation des ressources de la zone maritime commune avec les pays de l’Asie du Sud-est. Op. cit. p. 8.
128 Dans la première moitié de 2001, les forces armées chinoises eurent des acrochages avec l’armée de l’air américaine, les forces navales australienne et philippine, des bateaux de pêche taiwanais, etc. Op. cit. no 6/TBNB, 6/2001.
129 En mai, le porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères réaffirma la souveraineté du Vietnam sur les archipels des Paracels et Spratleys pour protester contre une décision unilatérale du côté chinois d’interdire la pêche (deux à trois mois chaque année sous le prétexte d’aider à reconstituer les réserves halieutiques) dans la mer de Chine méridionale. Op. cit., no 6/TBNB, 6/2001.
130 Nhan Dan, le 28 mai 2001.
131 « Le droit de la frontière nationale », éditions de Politique nationale, Hanoi, 2003, p. 2.
132 La Chine contrôle une dizaine d’îles dont : Fiery Cross, Eldad, Cuarteron, Subi, Hughes, Johnson, Mischief, Cornwallis, Gaven. La présence chinoise n’est pas confirmée sur Loa-Ita southwest et Louisa. Source : Greg Austin, China’s Ocean Frontier, op. cit., p. 199-200.
133 Les îles contrôlées par le Vietnam sont : Southwest cay, Sin Cowe, Nam Yit, Amboyna cay, Spratley, Sanday cay et les récifs South, Discovery, South Cornwallis, Grierson, Central London, East London, South London, Pearsons, Barque Canada, Alison, Tennent, Petley, Ladd, Collins et Landsdowne. Certaines sources parlent de 25 îles, en y incluant les récifs Johnson North, Bombay, Castle, Vanguard, et Prince of Wales, mais aucune vérification sérieuse n’a pu être faite. Source : Ibid.
134 Nguyen Hong Thao, « La Chine et la situation dans la mer de Bien Dong », revue La Frontière et le Territoire, no 14, 2003, p. 29.
135 Francis Deron et Jean-Claude Pomonti, « La Chine avance ses pions vers le Sud », Le Monde, 7 mars 1999.
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