Commentaires
p. 97-113
Texte intégral
p. 36 | mon cher Christian — Il s’agit de Georg Christian Otto (1763-1828), l’ami et le conseiller le plus fidèle de Jean Paul. Juriste de formation, il opte en réalité pour la retraite de l’homme de lettres et de sciences. Sa correspondance avec l’écrivain est une source incontournable pour l’étude de la genèse de l’œuvre jean-paulienne. |
p. 37 | avant que les prélats brandebourgeois adultes aient osé revêtir quatre ou cinq fils de couleur — Même si Luther n’accorda pas une importance essentielle à l’habit liturgique, il portait lui-même la toge noire des théologiens de l’université pour le prêche. Le xviiie siècle introduisit également des assouplissements dans ce domaine. Le point de repère humoristique qu’établit le texte de Jean Paul rappelle que ceux-ci tardèrent à se manifester dans le Brandebourg, qui était un des bastions historiques du luthéranisme. Le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III devait du reste édicter en 1811 une ordonnance qui imposa le port de la toge aux célébrants des cultes luthérien et juif ainsi qu’aux juges, comme à autant de serviteurs de l’État. |
p. 38 | un simple coq de bois qu’il avait eu pour Noël — Les fêtes du solstice d’hiver que le christianisme récupéra à ses propres fins religieuses s’accompagnaient chez les Germains de diverses manifestations, dont des banquets où étaient présentés des sangliers, des coqs. Cette tradition du coq de Noël vit encore de nos jours dans les pays de langue allemande à travers certains spectacles pour enfants. |
p. 39 | le motet « Rendons grâce au Très-Haut » — Le motet « Allein Gott in der Höh’sei Ehr’ » fut composé en 1523 comme Gloria de la nouvelle liturgie luthérienne. Il y figure toujours de nos jours et a inspiré jusqu’à la fin du xviiie siècle, y compris chez Bach, de très nombreuses adaptations musicales. |
p. 40 | comme une sainte maison de Lorette — La légende veut qu’en 1295 des anges aient transporté la maison natale de la Vierge Marie de Nazareth à Loreto dans la province italienne d’Ancône. La casa santa est encore vénérée aujourd’hui au cœur d’une vaste basilique. |
p. 41 | l’Orbis pictus de Comenius — L’Orbis sensualium pictus, hoc est, omnium fundamentalium in mundo rerum, et in vita actionum, pictura et nomenclatura/Die sichtbare Welt, das ist : aller vornehmsten Welt-Dinge und Lebensvorrichtungen Vorbildung und Benannung du pédagogue Jean-Amos Kamensky (1592-1671) fut la première encyclopédie destinée aux enfants. On y trouvait une planche (la 36e) illustrant les divers âges de la vie humaine sous la forme d’une pyramide à sept marches. |
p. 42 | le traité de Feder sur l’espace et le temps — Professeur à l’université de Göttingen, Johann Georg Heinrich Feder (1740-1821) s’opposa véhémentement à l’introduction du kantisme dans un établissement originairement lié à la pensée empirique britannique. Il défendit dans ses ouvrages, notamment dans son traité Über Raum und Kausalität. Zur Prüfung der Kantischen Philosophie (1787), les positions de l’Aufklärung pratique. |
p. 43 | catalogue de la foire… moisson de Pâques… regain de la Saint-Michel — Au cours du xviiie siècle, les foires de Leipzig supplantèrent celles de Francfort, notamment dans le domaine de la librairie. En 1594 parut le premier catalogue, qui répertoriait tous les livres publiés depuis 1564. Dès 1632 le nombre de livres présentés à Leipzig dépassait celui de Francfort. Le catalogue de Francfort disparut en 1749. Celui de Leipzig paraissait en général en deux livraisons annuelles, à l’occasion de la foire de Pâques et de celle de la Saint-Michel. Sur la foire de Leipzig voir également notre introduction, p. 7, note 11. |
p. 44 | celle d’un Forster — Voir note précédente.d’un Brydone, d’un Björnstähl — L’Anglais Patrick Brydone (1741-1818) est l’auteur d’un Tour through Sicily and Malta (1773). L’orientaliste suédois Jakob Jonas Björnstähl (1731-1779) a publié en 1779 quatre volumes de lettres sur ses voyages en France, Italie, Turquie, Grèce, etc. |
p. 45 | quelles autres oreilles du tyran Denys — Dans une antique carrière située à Syracuse, en Sicile, se trouve une grotte artificielle à laquelle Le Caravage donna le nom d’« Oreille de Denys ». La référence au tyran Denys l’Ancien reprenait la tradition qui veut que Denys se soit servi du lieu comme d’une prison et ait pu surprendre les conversations et les secrets de ses prisonniers en raison des propriétés acoustiques singulières de la cavité. |
p. 46 | les exceptions thorax, caudex pulexque — Il s’agit des exceptions en-x de la 3e déclinaison latine qui sont du genre masculin. |
p. 47 | un tel misanthropinum en philanthropinum — Le pédagogue hambourgeois Johann Bernhard Basedow (1724-1790) avait fondé à Dessau une institution qui se proposait d’orienter l’instruction des enfants sur la pratique et de mettre en place des méthodes d’apprentissage ludiques. Il l’avait appelée « Philanthropinum ». Jean Paul s’amuse à forger un antonyme pour dénoncer les carences des écoles de village de son temps. |
p. 48 | des élèves de Saint-Thomas à Leipzig — Au cloître des augustins de Saint-Thomas à Leipzig avaient été rattachés dès le xiiie siècle une école et un chœur de garçons. Jean-Sébastien Bach fut maître de chapelle du Thomanerchor, encore fameux de nos jours, de 1723 à sa mort en 1750. Jean Paul se moque du costume des pensionnaires. |
p. 49 | Dans son art d’être toujours joyeux — L’expression est démarquée d’un poème didactique de Johann Peter Uz, un représentant de la littérature anacréontique en Allemagne. Le poème était paru en 1760 sous le titre Versuch über die Kunst, stets fröhlich zu sein et était lui-même inspiré par un très influent recueil de sermons latins, l’Ars semper gaudendi (1664-1667) du jésuite belge Alphonse Antoine de Sarasa. |
p. 50 | autant de pages du Robinson… pourvu qu’elles soient extrêmement excitantes — Il s’agit bien sûr du Robinson Crusoé de Daniel Defoe (1719). |
p. 53 | la roue d’Ixion — Dans la mythologie grecque Ixion est un prince thessalien qui fut condamné à un châtiment éternel par Zeus pour avoir tenté de séduire Héra. Il fut précipité dans le Tartare puis attaché avec des serpents à une roue enflammée et ailée, pourvue de quatre rayons et tournant sans fin dans les airs. |
p. 54 | une vallée de Tempé ombreuse et solitaire — La vallée de Tempé est le nom donné par les anciens Grecs à la gorge du Pénée, au nord du pays, entre le mont Olympe et le mont Ossa. Sa beauté a été louée par les poètes grecs et latins. |
p. 55 | sa Jeanne, Thérèse, Charlotte, Marianne, Clarisse, Héloïse — Accumulation humoristique des noms d’amantes de romans célèbres de l’époque : Charlotte évoque l’héroïne Lotte du Werther de Goethe (1774), Marianne vraisemblablement celle du roman de Johann Martin Miller Siegwart (1776), Clarisse celle du roman éponyme de l’Anglais Samuel Richardson (1747-1748), Héloïse renvoyant naturellement à la Julie de Rousseau. Toutes ces œuvres furent des textes de référence du romancier Jean Paul à ses débuts, dans les premières années 1790. |
p. 56 | la tsarine (la précédente) — La tsarine Elisabeth (1709-1762). |
p. 58 | pour la Révision de l’institution scolaire — De 1785 à 1792, le linguiste et pédagogue Johann Joachim Campe (1746-1818) fit paraître un ouvrage en 16 volumes intitulé Allgemeine Revision des gesamten Schul-und Erziehungswesens. |
p. 59 | Norcia… (li quatri illiterati) — On apprend dans le volume V du Dictionnaire de Trévoux que la ville de Norcia, quoique située sur les terres du Pape, avait conservé de nombreux privilèges. Jalouse de ses libertés, elle vouait une grande défiance aux gens de lettres, notamment aux prêtres, et avait établi que ne pouvaient prétendre aux fonctions de magistrat dans ses murs que les gens qui ne savaient ni lire ni écrire. C’est pourquoi on appelait les magistrats de la ville « li quatri illiterati ». Ce fait historique était connu à l’époque de Jean Paul. Kant, par exemple, l’évoque dans ses cours du semestre d’hiver 1772/73. |
p. 60 | un cri en faveur de l’école du concret — On sait qu’un des axes de la pédagogie des Lumières consistait, par opposition aux idées traditionnelles, à mettre l’accent sur la formation par la connaissance sensorielle du monde, l’observation des choses et l’expérience plutôt que par les livres. Le Zurichois Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827) avait accueilli, à partir de 1773, dans le domaine qu’il venait d’acquérir en Argovie, baptisé le Neuhof, des enfants pauvres des villages voisins, qu’il faisait travailler tout en leur apprenant à lire, écrire et compter. L’entreprise avait fait faillite en 1780. Jean Paul a cette originale mais malheureuse expérimentation à l’esprit dans sa satire. |
p. 61 | le Symbole d’Athanase en latin — Une profession de foi faussement attribuée à saint Athanase, qui formule la doctrine de la Trinité et de l’Incarnation du Christ. |
p. 64 | sa Messiade… les trois derniers chants exceptés… quoi que ce soit d’inintelligible — La Messiade (Der Messias) est un poème épique en vingt chants de Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803). C’est une œuvre fondatrice de la littérature allemande, tant dans sa forme (adaptation du modèle homérique de l’hexamètre) que dans son langage et son contenu (annonce de la « sensibilité » — Empfindsamkeit). Sa nouveauté lui valut une réputation d’obscurité auprès du public contemporain. C’est précisément ce à quoi Jean Paul fait ici allusion sur le mode humoristique. Il a également à l’esprit le fait que la publication de La Messiade s’est étalée de 1749 à 1773, la dernière livraison comportant cinq et non trois chants comme la première. |
p. 71 | Oh ! qu’elle est belle la Terre de Dieu — Il s’agit de la dernière strophe d’un poème de Ludwig Christoph Heinrich Hölty (1748-1776) qui a pour titre « Exhortation à la joie » (« Aufmunterung zur Freude »). Le lyrisme de Hölty se caractérise par sa délicatesse et ses tonalités souvent mélancoliques. Certains de ses vers ont été mis en musique par Mozart, Schubert, Mendelssohn, etc. |
p. 72 | ânes… de Balaam — Dans la Bible, Balaam est l’incarnation du faux prophète : les chapitres 22 à 24 du Livre des Nombres racontent comment, mandé par le roi Balak pour maudire les Israélites qui traversaient son territoire vers le pays de Canaan, juché sur son ânesse et menacé par un ange, il finit tout au contraire par les bénir. |
p. 73 sq. | le Paris de Schulz — Référence à l’ouvrage de Friedrich Schulz, Über Paris und die Pariser paru chez l’éditeur berlinois Vieweg en 1791. Le passage se trouve vol. I, p. 397 sq. |
p. 74 | Alphée — Le plus grand fleuve du Péloponnèse. |
p. 75 | les noces de sang de Paris — On reconnaît ici une référence humoristique aux « noces vermeilles » d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, le 18 août 1572, qui étaient censées réconcilier parti protestant et parti catholique et qui débouchèrent sur la tentative d’assassinat de l’amiral de Coligny, suivie de la Saint-Barthélemy. |
p. 77 | ce fut une fenêtre haute… tout le portrait d’Amour — Une source d’inspiration de cet épisode est sans doute à voir dans un passage du premier tome du Tristram Shandy de Lawrence Sterne (1713-1768), où l’oncle Toby laisse aussi s’échapper une mouche qui l’a longtemps agacé avec son bourdonnement continu. Sterne est une des grandes références romanesques de Jean Paul. |
p. 78 | le 8 juin — Voir note p. 111. |
p. 86 | au temple des antiques de Sans-Souci ou de Dresde — C’est en 1765 que Frédéric II, dit Frédéric le Grand, avait fait construire ce cabinet à Sans-Souci, par Karl von Gontard. Il y abrita sa petite collection d’antiques. Quant à la grande collection de moulages de Dresde, elle était abritée depuis 1786 dans le Zwinger. |
p. 88 | cahier d’écriture du roi de Prusse — Il s’agit de Frédéric II. |
p. 89 | Le Prédicateur en chambre de Cober — Voir note de la p. 98. |
p. 90 | à partir d’une mâchoire d’âne une source — Jean Paul fait ici allusion à l’histoire d’un combat de Samson contre les Philistins telle qu’elle est rapportée dans l’Ancien Testament (Juges, 15) : Samson se serait servi d’une mâchoire d’âne pour tuer un millier d’ennemis. Se sentant assoiffé après le combat, il aurait imploré l’aide de Dieu qui aurait fait jaillir une source d’un rocher voisin. |
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