Conclusion de la première partie
p. 127-128
Texte intégral
1Au début du xie siècle, lorsque les marchands de l’Europe chrétienne commencent à développer leurs activités en Méditerranée et à fréquenter le Maghreb, l’infrastructure portuaire nécessaire au grand commerce maritime est déjà en place. Elle est le produit d’une lente affirmation des villes portuaires et de leur insertion progressive dans des réseaux à la fois terrestres et maritimes, et le résultat à la fois de l’intérêt grandissant des pouvoirs pour les zones littorales et des besoins des marchands. Des circuits d’échanges complexes et hiérarchisés se sont construits, dans un espace qui est essentiellement celui de la domination musulmane (carte 9). Les marchés locaux qui se développent autour des ports n’apparaissent pas comme étant à l’origine des réseaux d’échanges à grande échelle, mais sont progressivement intégrés, souvent par des acteurs extérieurs, à des courants commerciaux qui les ouvrent au grand commerce. En dépit de l’unité manifeste de ce monde musulman, plusieurs réseaux ou portions de réseaux coexistent et sont interconnectés, mettant en jeu divers groupes d’acteurs, qui sont presque tous issus du Dār al-Islām — et pour l’essentiel de l’Occident musulman. Les mutations majeures qui s’opèrent au cours du xie-xiie siècle, sous l’impulsion de l’expansion européenne en Méditerranée, s’appuient largement sur cet acquis, mais avec l’émergence d’un nouvel acteur de plus en plus puissant, les marchands latins, qui contribue à modifier profondément la configuration et les logiques des réseaux d’échanges.
2Le développement des ports et des infrastructures littorales en général est un des aspects de l’affirmation de l’Islam et des pouvoirs musulmans sur le territoire maghrébin entre le viie et le xie siècles. Celle-ci se fait très progressivement, à partir de deux pôles et d’un axe qui ont dès les débuts de la conquête été contrôlés par les armées musulmanes : Kairouan surtout, mais aussi en al-Andalus Cordoue qui exerce (davantage que Fès) une influence sur la région du Rif et de plus en plus au-delà, et entre les deux l’axe kharidjite longeant les piémonts du Tell.
3Deux phénomènes se conjuguent dans la formation d’un réseau portuaire intégré à l’espace maghrébin et méditerranéen. Le premier est l’action politique des pouvoirs successifs, et plus particulièrement les conflits qui placent peu à peu les ports au cœur des compétitions territoriales, de manière limitée d’abord, puis de plus en plus à partir du xe siècle. Ce mouvement s’opère depuis les pôles et routes de l’intérieur, qui intègrent progressivement les ports dans des réseaux articulés. Le second est l’essor des échanges au Maghreb et au sein du monde musulman, avec une double impulsion : à la fois depuis l’intérieur pour assurer des débouchés maritimes aux productions, et sous l’action des marins et marchands, notamment andalous, qui développent l’activité des ports dans le cadre de vastes réseaux d’échanges et de navigation étendus à l’échelle du monde musulman. La période voit en effet l’essor du commerce dans un espace qui est principalement celui de la domination de l’Islam, d’abord par terre et de plus en plus par mer, profitant en cela de la multiplication des ports. Ce mouvement culmine à l’époque de la Geniza, avec des réseaux structurés mettant en relation l’Égypte, la Sicile, le Maghreb et al-Andalus, dans lesquels commencent à s’insérer, en position encore marginale, les marchands chrétiens d’Italie du sud.
4Cela se traduit par une meilleure maîtrise de l’espace maghrébin : l’axe ancien des piémonts de l’Atlas tellien est progressivement relié à des routes littorales, d’abord en quelques points, puis par des réseaux de plus en plus denses et hiérarchisés de routes. L’intégration économique du territoire accompagne ainsi l’intégration politique (qui n’est pas nécessairement toujours première), sans doute en relation également avec une diffusion du message religieux de l’islam.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les archevêques de Mayence et la présence espagnole dans le Saint-Empire
(xvie-xviie siècle)
Étienne Bourdeu
2016
Hibera in terra miles
Les armées romaines et la conquête de l'Hispanie sous la république (218-45 av. J.-C.)
François Cadiou
2008
Au nom du roi
Pratique diplomatique et pouvoir durant le règne de Jacques II d'Aragon (1291-1327)
Stéphane Péquignot
2009
Le spectre du jacobinisme
L'expérience constitutionnelle française et le premier libéralisme espagnol
Jean-Baptiste Busaall
2012
Imperator Hispaniae
Les idéologies impériales dans le royaume de León (ixe-xiie siècles)
Hélène Sirantoine
2013
Société minière et monde métis
Le centre-nord de la Nouvelle Espagne au xviiie siècle
Soizic Croguennec
2015