Avant-propos
p. 49-50
Texte intégral
1En raison du caractère insaisissable des populations étudiées, la grande majorité des sources rassemblées appartient aux archives judiciaires. La richesse de ces dernières est considérable, mais la nature même de ces archives représente également le risque de ne pas être capable de percevoir la société coloniale autrement qu’à travers le prisme du conflit et de la violence. C’est pourquoi il apparaît nécessaire d’effectuer au préalable une analyse dépassionnée de ces documents et de les considérer dans un premier temps pour leur valeur purement « anthropologique1 ». Par conséquent l’effort d’analyse repose dans un premier temps sur les informations fournies par les différents témoins interrogés en les isolants du contexte judiciaire immédiat. La base de données constituée de cette manière reprend ainsi la calidad, le métier, le statut marital et enfin le statut du conjoint et les villes dans lesquelles les individus concernés ont séjourné. En raison de ce choix, la première partie est donc consacrée à faire le portrait d’un groupe, celui des plèbes urbaines dans leur ensemble, et d’une région, celle du Centre-Nord, perçue à travers les mobilités des individus étudiés. De ce fait, les pages qui suivent se situent essentiellement dans la lignée des études quantitatives chères à l’histoire sociale depuis les années 19602 même s’il a fallu par moments effectuer des aller-retour entre le niveau global et le niveau individuel pour compléter et enrichir les informations fournies par ce type de travail, pour donner à voir, à travers quelques exemples précis, l’impact des réalités décrites par l’analyse sérielle dans la vie quotidienne du Centre-Nord au XVIIIe siècle.
2Le classicisme de la démarche est ici consciemment et pleinement assumé dans la mesure où une telle étape fondatrice apparaît nécessaire pour jeter les bases du portrait des plèbes urbaines que nous entendons réaliser à partir d’une analyse sérielle d’un corpus englobant de larges pans de la société urbaine métissée, depuis les échelons les plus bas de la servitude et du peonaje jusqu’au seuil d’une intégration socio-économique réussie. Ce sont également les fragilités de tout un groupe qui sont mises en lumière à travers l’analyse d’une marginalité toujours présente voire menaçante. Néanmoins, cette partie est également l’occasion de réfléchir sur la société du Centre-Nord dans son ensemble à travers le prisme des plèbes urbaines. La démarche quantitative adoptée permet ainsi de renverser la perspective et de considérer la société coloniale comme un objet façonné en partie par les comportements et les stratégies de ces populations : au fil de l’analyse, ce sont donc les lignes de structuration qui apparaissent, sur le plan social, à travers la question toujours renouvelée de la stratification sociale, et sur le plan géographique, à travers le problème de l’organisation régionale.
Notes de bas de page
1 J. Poloni-Simard, « Redes y mestizaje », p. 126.
2 Pour nous en tenir aux études américanistes, nous pouvons évoquer les travaux de P. Chaunu, Séville et l’Atlantique, 1504-1650 dans le domaine économique, ou ceux de W. Borah et S. Cook, Ensayo sobre historia de la población : México y el Caribe pour les questions démographiques. Plus généralement, c’est cette démarche quantitative qui a guidé la plupart des monographies urbaines (travail de John Chance sur Oaxaca, de Th. Calvo sur Guadalajara, de D. Carbajal sur Bolaños) depuis les années 1960 et que l’on retrouve également dans les études démographiques ou prosopographiques (voir M. Bertrand sur les officiers des finances en Nouvelle-Espagne ou Fr. Langue sur les élites minières zacatecanas).
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