Chapitre VI. L’époque d’Urraca et d’Alphonse Ier d’Aragon : un interrègne impérial ?
p. 261-284
Texte intégral
1Avec la mort d’Alphonse VI, le 30 juin 1109, l’histoire du royaume de Castille-León entre dans une phase de bouleversements longtemps perçue comme un interrègne qui s’étendrait jusqu’à la brillante époque d’Alphonse VII. À l’appui de ce jugement, le fait que le gouvernement du royaume fut alors assumé par une femme offrait un argument de poids. Le règne d’Urraca (1109-1126), n’a été que récemment réhabilité1.
2On ne saurait cependant nier que la conjoncture de cette période est fort différente de celle dans laquelle évolua son père. L’influence territoriale de la reine est très loin de ce rayonnement hispanique dont l’empereur pouvait se targuer. Le contrôle préalablement exercé sur al-Andalus a été anéanti par l’installation des Almoravides. Dans le cadre des négociations avec l’Aragon, Urraca abandonne également la région de Saragosse à son époux d’un temps, Alphonse Ier. Enfin, la reine pouvait difficilement prétendre à une position hégémonique sur la Péninsule quand son autorité n’était pas même établie au sein de son royaume.
3L’idéologie impériale, telle qu’elle avait été développée sous le règne d’Alphonse VI, n’était donc guère adaptée à celui de sa fille. Et pourtant le titre impérial, féminisé pour l’occasion en imperatrix Hispaniae, fut utilisé par Urraca à quelques reprises2. Il fut surtout perpétué par Alphonse Ier d’Aragon, qui l’assuma en tant qu’époux de la reine mais aussi après la rupture de leur union. Aussi a-t-on à première vue le sentiment que la fonction impériale créée par Alphonse VI fut héritée par ses successeurs, comme si elle faisait désormais partie du patrimoine castellano-léonais. Dans cette optique, la « pauvreté » idéologique que révèle l’étude de ces manifestations du phénomène impérial, entre les riches expériences d’Alphonse VI et Alphonse VII, tendrait à confirmer cette impression première d’interrègne. L’analyse des modalités de transmission du titre et de la signification qui s’y rapporte invite cependant à nuancer considérablement cette opinion.
I. — URRACA, L’ÉPHÉMÈRE IMPÉRATRICE
4Urraca fut la première femme à accéder au trône en Espagne, situation inouïe et en partie à l’origine de la guerre civile dans laquelle fut plongé le royaume de Castille-León. Elle est surtout la cause de l’image chaotique que donnent de son règne les sources narratives. Malgré les difficultés, « l’indomptable reine » — comme se plaît à la surnommer Bernard Reilly3 — conserva le sceptre du royaume de Castille-León pendant presque deux décennies et n’en fut dépossédée qu’à sa mort, survenue le 8 mars 1126. Le titre d'imperatrix dont elle fit usage n’est intelligible que si on le conçoit dans ce contexte.
GUERRE CIVILE ET QUERELLES D’ÉPOUX : UN RÈGNE MOUVEMENTÉ
5Le jugement émis à l’encontre du gouvernement de la reine est sans appel dans les sources narratives. La première Chronique anonyme de Sahagún, composée entre 1109 et 1117, ne remet pas en cause la légitimité de son pouvoir4. Elle souligne par contre l’incongruité d’une royauté au féminin en plaçant dans la bouche des « nobles et comtes » le conseil suivant : « Tu ne pourras pas gouverner, ni conserver le royaume de ton père et nous régir si tu ne te maries pas. Ce pour quoi nous te conseillons de prendre pour époux le roi d’Aragon »5. Le malheur voulut que ce conseil fût un remède pire que le mal puisque « cette maudite union et alliance charnelle fut la cause de tous les maux qui surgirent en Espagne, car c’est de là que survinrent de nombreux décès, que s’ensuivirent vols et adultères, et presque toutes les lois et forces de l’Église furent rabaissées et amoindries »6. Si la reine n’est pas directement tenue pour responsable des malheurs du royaume dans ce texte, elle le devient dans les narrations postérieures. Le Chronicon Compostellanum (v. 1130) prend soin de préciser que « faute de descendance masculine » Urraca fut appelée à régner, ce qu’elle fit « de manière tyrannique à la façon d’une femme », avant de finalement rendre l’âme au cours d’un « accouchement adultérin »7. En tant que femme, les mœurs d’Urraca sont ici incompatibles avec l’exercice d’un bon gouvernement, comme le prouve sa fin honteuse. Mais c’est surtout dans l’Historia Compostellana que le portrait de la reine est définitivement noirci. Commencée durant le règne d’Urraca et interrompue en 1149, cette œuvre rédigée à la gloire de son commanditaire, l’évêque puis archevêque de Compostelle Diego Gelmírez, décrit longuement les états par lesquels sont passées les relations entre la reine et le prélat. Toujours à l’avantage du dernier, le récit dresse donc d’Urraca un portrait souvent péjoratif, et franchement misogyne. En dépit des pactes qu’elle signe avec Diego Gelmírez, elle est prompte à se laisser duper par les mensonges des nobles qui tentent d’usurper les biens de l’église et d’éliminer leur rival ecclésiastique, et trame complot sur complot contre l’évêque. Pis encore, elle manigance contre son propre fils afin de garder pour elle le pouvoir qui lui est dû. Tous ces défauts la rendent inapte au gouvernement, puisqu’elle se révèle « depopulatrix regni, pacis et iusticie inimica »8. D’où cette sentence acerbe : « Maudite est la terre où un enfant règne, et où une femme gouverne »9.
6De fait, l’étude du règne d’Urraca laisse apparaître une suite d’épisodes conflictuels. Leurs causes sont d’abord à chercher dans les conséquences des mariages successifs d’Urraca avec le comte bourguignon Raymond puis avec le roi aragonais Alphonse Ier le Batailleur.
7On a vu dans le chapitre précédent que le comte Raymond, époux d’Urraca et gouverneur de la Galice depuis 1089, avait suffisamment d’appuis dans le royaume pour envisager de succéder à Alphonse VI sur le trône. Lorsque le comte meurt à Grajal à la fin de l’été 1107, cette menace disparaît mais l’attention de ses partisans se reporte sur le fruit du mariage, le jeune Alphonse, né en 110510. Si la direction du comté galicien échoit à Urraca, ce parti veille à ce que les intérêts de son fils soient préservés. À la fin du mois de décembre 1107 une curia aurait ainsi réuni à León les principaux magnats et prélats galiciens auprès d’Alphonse VI, qui aurait alors déclaré que
Le père de l’enfant a obtenu le gouvernement et les droits sur toute la Galice. C’est pourquoi vous tous, qui teniez de lui vos droits et honneurs de son vivant, et qui les détenez toujours maintenant qu’il est mort, je vous tiens sans l’ombre d’un doute pour les serviteurs de son fils, mon petit-fils, auquel je confie toute la Galice si jamais sa mère Urraca voulait se remarier11.
8Originellement restreinte au territoire galicien, cette décision fut soumise à interprétation après qu’Urraca eut hérité de l’ensemble du royaume en 1109. Pour les partisans du jeune Alphonse, elle impliquait la mise en place d’un cogouvernement de la reine et de son fils sur la Galice. Ainsi, lorsque dans ses derniers moments Alphonse VI désigna sa fille pour successeur, cette dernière volonté entraînait avec elle l’ampliation des droits de son fils. C’est ainsi que semblait l’entendre l’évêque de Compostelle Diego Gelmírez dans l’homélie qu’il prononçait le 14 juin 1113 à Burgos :
Après que le roi Alphonse eut payé sa dette envers la nature et remis son royaume à sa fille la reine Urraca et à son petit-fils le jeune roi Alphonse et qu’il leur eut transmis le sceptre du gouvernement, la discorde commença immédiatement à poindre. […] Nous savons que la reine Urraca et son fils le roi Alphonse doivent posséder de droit le royaume qui leur fut donné, et tant qu’ils vivront leur gouvernement ne peut de droit être transféré à d’autres12.
9La reine refusait quant à elle l’idée d’une autorité partagée et considérait que le rôle de son fils demeurait de son vivant circonscrit à la Galice13. Aussi la discorde fut-elle quasi constante entre elle et le parti d’Alphonse Raimúndez, dirigé par le noble galicien Pedro Froilaz et régulièrement rallié par Diego Gelmírez. Les relations du jeune Alphonse avec sa mère furent par conséquent elles aussi houleuses, à en croire les allégations partiales de l’Historia Compostellana14, et en tout cas conditionnées par la rivalité suscitée par ces conflits d’intérêts.
10L’hostilité des Galiciens est renforcée par les effets du second mariage d’Urraca, qui complique la situation initiale. Cette union fut imaginée dans l’urgence par Alphonse VI après le désastre d’Uclés et la mort de son successeur Sanche au printemps 1108. La logique voulait qu’Urraca, veuve et désormais héritière du trône, fût rapidement pourvue d’un nouvel époux, sans lequel les conflits pour le pouvoir semblaient inévitables. La rivalité des factions nobiliaires aurait alors joué en faveur de la désignation d’un prétendant extérieur au royaume15 et le choix du roi aragonais semble avoir été approuvé par une assemblée des nobles du royaume après la mort d’Alphonse VI16. L’union eut donc lieu au château de Monzón à l’automne 110917. Les capitulations matrimoniales (carta de arras), datées de décembre 1109, furent rédigées dans un esprit de préservation des intérêts de la reine et de son fils18. Il y est d’abord stipulé que les dispositions testamentaires sont conditionnées par la loyauté des époux et surtout par l’interdiction qui leur est faite de se séparer. Alphonse Ier cède à la reine toute une série de terres et s’il décède avant elle, il est prévu qu’Urraca héritera de son royaume, quand bien même ils n’auraient pas eu d’enfant. Si un enfant est né de leur union, Urraca gouvernera avec lui. Pour le cas d’un décès préalable de la reine, l’acte stipule que le Batailleur héritera du royaume castellano-léonais, mais à l’unique condition qu’un successeur soit né. Dans le cas contraire, il ne pourra jouir de ces terres que pour la durée de sa vie, ses droits revenant ensuite à Alphonse Raimúndez. En revanche, l’acte ne spécifie pas quelle sera la participation de chaque conjoint dans le gouvernement du royaume patrimonial de l’autre.
11Ce dernier point ne représente qu’un des nombreux problèmes que l’union allait susciter. Pedro Froilaz organise dès le mois de juillet 1109 la résistance face au nouveau roi19. Le mariage pose en effet le problème de la mise en œuvre des dispositions établies par Alphonse VI à la mort du comte Raymond, selon lesquelles le gouvernement de la Galice était censé revenir au jeune Alphonse en cas de remariage de sa mère. Or, la carta de arras ne prévoit rien en ce sens, ce qui entérine le refus de la reine de céder une partie de son autorité. Bien pire, si l’acte garantit les droits du fils du comte Raymond à hériter, il les réduit dans le même temps à l’extrême puisque cette possibilité est liée à l’absence d’un enfant né d’Urraca et du Batailleur. Ailleurs, l’accueil réservé au nouvel époux de la reine n’est pas toujours plus enthousiaste, ce que la Chronique anonyme de Sahagún justifie en soulignant le mécontentement que suscite la cruauté du roi envers les nobles20. Urraca elle-même ne semble avoir eu aucune inclinaison pour son époux et le mariage n’avait sans doute pour elle pas d’autre objectif que celui de produire un héritier dont l’existence aurait mis fin à ses difficultés à régner21. La reine n’était en tout cas pas prête à se contenter du rôle de « bonne femme [faisant honneur] à son bon seigneur »22 qu’exigeait Alphonse Ier. Quoi qu’il en soit, la perspective de la naissance d’un héritier dut rapidement se révéler hors de portée23. Aussi, lorsque fut prononcée au printemps 1110 la condamnation pontificale du mariage pour cause de consanguinité24, Urraca saisit cette occasion de se séparer de son encombrant époux25. À partir de ce moment commence une lutte aux multiples rebondissements ponctués de trêves, le Batailleur revendiquant notamment le contrôle de la Castille orientale et de Tolède. L’union est pourtant bel et bien rompue dès 1112, sans qu’on ait trace d’une formalisation de la séparation des époux26.
12À ces relations conflictuelles qui fragilisent la cohésion castellano-léonaise s’ajoute une autre tendance désagrégatrice. Si Urraca fut la seule héritière d’Alphonse VI de naissance légitime, elle n’en était pas moins la cadette d’une sœur naturelle qui pouvait elle aussi nourrir des espoirs de succession. Le rôle politique de Thérèse, née vers 1080 de la liaison entretenue par Alphonse VI avec Jimena Muñoz, avait été considérablement accru après que l’empereur l’eut mariée au cousin du comte Raymond, Henri. Devenus à cette occasion comte et comtesse du Portugal, Henri et Thérèse donnèrent naissance en 1109 à un fils, Alphonse Enríquez. Or, dans le contexte de guerre civile qui suit la mort d’Alphonse VI, et après le décès du comte Henri en 1112, les espoirs de Thérèse se portent sur ce fils qui, dans le cas où Urraca et son propre fils viendraient à mourir ou à être écartés du pouvoir, s’avère être un héritier potentiel pour le trône castellano-léonais27. Dans les premières années du règne d’Urraca, le Portugal constitue donc un acteur supplémentaire dans le jeu d’alliances qui se nouent autour de la reine. Toutefois, au fur et à mesure que les relations entre la reine, son fils et les différentes factions du royaume s’apaisent, réduisant en conséquence les expectatives de Thérèse, le Portugal tend à rechercher l’indépendance. Il est ainsi révélateur que Thérèse revendique le titre de regina Portugalie à partir de 1117, c’est-à-dire après qu’a été confié à Alphonse Raimúndez le gouvernement de Tolède, ce qui marque la stabilisation de ses relations avec Urraca en même temps que son entrée véritable dans le métier de roi.
13Le règne d’Urraca est déterminé par les relations changeantes qu’elle maintient avec les groupes évoqués. Son itinéraire politique se présente en ce sens comme un ajustement constant aux multiples sources de remise en question de son autorité qui, dans l’ensemble, porte ses fruits. Dans ces circonstances troublées, il est légitime de s’interroger sur le sens qu’eut pour la reine l’utilisation du titre d’imperatrix.
USAGES DE L’IMPERIUM HISPANIQUE AU TEMPS D’URRACA
14À l’examen du phénomène impérial tel qu’il apparaît dans les sources, le doute surgit immédiatement. Comme à l’époque d’Alphonse VI les diplômes sont les seules sources officielles dans lesquelles Urraca adopte le titre impérial. Une différence de taille concerne cependant la quantité de ces actes, que l’on peut presque dénombrer sur les doigts d’une seule main. En outre, à quelques rares exceptions, le titre d'imperatrix n’est pas rapporté ailleurs, ni durant, ni après le règne28. Quel intérêt portait donc Urraca à ce titre ?
15L’analyse de la collection diplomatique révèle la présence de cinq notaires assumant un rôle important au sein de la chancellerie d’Urraca29. Fernando Pérez et Pedro Vicéntez, dont les premiers actes apparaissent en 1110, demeurent au service de la reine respectivement jusqu’en 1123 et 1124, et font figure d’organisateurs de la chancellerie. Le dernier entre par la suite au service d’Alphonse Raimúndez. Juan Rodríguez rédige les actes de la reine entre 1109 et 1116, et intervient aussi dans la confection de chartes entre particuliers. Le compostellan Martín Peláez était au service du comte Raymond et compte parmi les partisans d’Alphonse Raimúndez. Son soutien à la reine n’est acquis en conséquence qu’à partir de 1111, lorsque certains membres de ce parti se rallient à Urraca, et seulement jusqu’en 1120, date à laquelle il passe exclusivement au service de son fils. Enfin Martín de Palencia intervient entre 1112 et 1116 pour rédiger les actes d’Urraca lorsqu’elle se trouve dans la région de cette cité. En dehors de ces cinq personnages, de nombreux autres scribes interviennent ponctuellement dans la confection des diplômes royaux. Ces premières observations autorisent quelques remarques. D’abord, les notaires de la chancellerie d’Alphonse VI ne sont pas entrés, à la mort du roi, au service de sa fille. Ensuite, en dépit du renouvellement de personnel constaté, il est certain qu’on accorde toujours autant d’importance à l’existence d’un service organisé de rédaction et d’expédition des diplômes. L’existence de notaires supervisant la chancellerie et d’un personnel régulièrement sollicité l’atteste. En ce sens les diplômes d’Urraca ont pu être conçus, à l’instar de ceux de son père, comme les vecteurs de diffusion de formulations à même de servir les intérêts de la reine. Mais les luttes entre factions rendent difficile cette permanence et l’évolution de cette équipe illustre aussi les difficultés à établir une stabilité de l’institution pendant toute la durée du règne.
16Ces observations permettent également de formuler certaines suggestions quant à l’usage du titre impérial. Puisqu’on ne retrouve pas dans la chancellerie d’Urraca le personnel qui avait été à l’origine de cette pratique au sein de celle de son père, on peut d’ores et déjà concevoir que l’intégration du titre dans les diplômes d’Urraca n’est pas qu’une simple transposition des pratiques antérieures, et qu’elle est le résultat d’un choix spécifique. Étant donné l’itinéraire politique d’Urraca, il est permis de supposer qu’il s’agit pour elle d’introduire dans ses actes des éléments permettant d’appuyer la légitimité qui lui fait défaut dans sa pratique quotidienne du pouvoir.
17De ce point de vue, avant même que n’apparaisse le titre d'imperatrix, on constate une référence constante à Alphonse VI. Dans la suscription de ses actes — et parfois dans leur corroboration — Urraca se présente comme « fille du roi Alphonse et de la reine Constance », ou parfois uniquement fille d’Alphonse VI. Ce rappel de la filiation de la reine apparaît très régulièrement dans plus d’une cinquantaine des 149 diplômes recensés par I. Ruiz Albi30. Comme c’était le cas par exemple avec Ferdinand Ier dans la documentation de son fils Alphonse VI, on retrouve ici la mise en valeur de la filiation avec le souverain précédent. Toutefois, les circonstances ne sont pas identiques puisque cette pratique est bien plus fréquente que dans les diplômes d’Alphonse VI et persiste pendant toute la durée du règne d’Urraca. La reine ne peut en réalité se passer de cette légitimation dynastique pour affirmer son pouvoir face aux factions nobiliaires et face à son rival Alphonse Ier d’Aragon. Par ailleurs, au même moment la comtesse Thérèse revendique cette même filiation pour justifier son pouvoir à la tête du comté portugais31. Or, dans les actes portugais le titre impérial d’Alphonse VI est souvent mentionné. Aussi les notaires d’Urraca ne pouvaient-ils pas faire moins que de rivaliser avec ces pratiques, et dans presque la moitié des documents présentant la reine comme fille d’Alphonse VI, le défunt souverain est intitulé imperator au lieu ou en plus de rex32, ce qui fait de ces actes un des principaux vecteurs du souvenir de la dignité impériale d’Alphonse VI.
18Dans ces conditions, on comprend a priori mieux l’innovation que représente le titre d'imperatrix. Fille et héritière désignée d’Alphonse VI, Urraca peut légitimement revendiquer le titre que portait son père et elle a même tout intérêt à le faire pour renforcer symboliquement son droit de succession. Sa titulature ordinaire est celle de regina Hispaniae33, ce qui témoigne déjà d’une continuité de la projection hispanique du gouvernement d’Alphonse VI et de l’évolution du concept de regnum Hispaniae qui achève durant les premières décennies du XIIe siècle d’être assimilé au royaume de Castille-León. Mais, puisque le titre le plus régulièrement employé par Alphonse VI fut celui d'imperator, pourquoi ne pas également le revendiquer ? Aussi l’époux aragonais d’Urraca est-il intitulé dès 1109, dans les capitulations matrimoniales, imperator totius Hispaniae, titre qui lui est attribué régulièrement par la suite34. En outre, en six occasions échelonnées entre le 6 septembre 1110 et le 28 octobre 1114, puis en 1120, Urraca adopte pour elle-même le titre d’imperatrix (totius) Hispaniae35.
19On pourra s’étonner du très faible nombre de documents dans lesquels apparaît ce titre, ce qui « donne l’impression que les notaires de la cour [avaient] conscience de ce que la continuité du titre impérial était réservée à la personne du Batailleur », qui l’utilise bien plus souvent36. Une explication réside peut-être dans la connotation militaire que conserve le titre37. Or, dans la société médiévale, si les femmes pouvaient être amenées à gouverner, elles ne combattaient pas. En ce sens, le titre est davantage masculin que féminin, ce dont les notaires d’Alphonse VI avaient peut-être déjà conscience puisqu’ils n’avaient pas été jusqu’à faire des épouses du roi des imperatrices, conservant le titre traditionnel de regina. Quand bien même elle aspirait à jouer pleinement son rôle de détentrice du pouvoir suprême, Urraca ne pouvait ignorer ce fait.
20Si bien qu’il est permis de s’interroger sur la signification et sur les raisons de la présence de ces références à l’empereur Alphonse VI et de la féminisation du titre d'imperator. Doit-on y déceler une réelle volonté de fonder la légitimité d’Urraca sur une idéologie impériale ? En admettant que le titre d'imperatrix totius Hispaniae n’ait pas été adapté à la qualification du pouvoir d’Urraca, il était toujours possible de procéder différemment en la présentant comme « fille de l’empereur de toute l’Hispania », ce qui aurait permis une revendication indirecte du titre impérial38. Pourtant, si la filiation avec Alphonse VI est récurrente dans les diplômes d’Urraca, le défunt roi y est intitulé au moins aussi souvent rex qu’imperator. On ne distingue pas non plus un rôle spécifique des notaires de la chancellerie royale dans le choix de ce titre, puisqu’ils ne sont à l’origine que de 11 des 21 diplômes dans lesquels Alphonse VI est imperator39 et que les 10 autres sont rédigés par 7 mains différentes. Les notaires de la reine intitulent d’ailleurs Alphonse VI tout autant rex qu'imperator dans leurs diplômes40. Cela ne semble pas révéler une pratique à même de faire bénéficier la reine de l’effet indirect que pouvait susciter le titre impérial d’Alphonse VI. On remarquera en outre qu’Alphonse VI est le plus souvent intitulé imperator sans que ce titre soit rapporté à un espace en particulier41. Il est vrai que ces références viennent après la propre titulature d’Urraca, regina Hispaniae, aussi la répétition du terme géographique n’est-elle pas nécessaire. Mais même lorsqu’Urraca est simplement regina on constate le même usage42. La projection hispanique de l’autorité impériale d’Alphonse VI n’est donc pas mise en valeur. Par ailleurs, dans les actes où Urraca est imperatrix, Alphonse VI est rarement imperator43, alors même qu’on pourrait penser que cette filiation aurait pu renforcer le poids du titre. Il semble même qu'imperator soit parfois un simple surnom qui permette l’identification directe d’Alphonse VI, car dans certaines suscriptions son nom n’apparaît pas même à côté du titre44. Force est donc de conclure que la mention récurrente d’Alphonse VI ne vaut que pour son effet légitimant et le fait qu’il soit intitulé rex ou imperator importe finalement peu. De surcroît, certaines expressions ponctuellement insérées dans les actes présentent la reine Urraca non pas seulement comme descendante d’Alphonse VI, mais comme héritière de son pouvoir ou de son royaume. « Regnante eadem regina in honore patris sui », lit-on dans la datation d’un diplôme daté du 19 septembre 111145. L’année suivante, Urraca s’intitule dans un autre acte « tocius Ispanie regina post mortem patris mei regis domni Adefonsi »46, comme pour rappeler que la succession dynastique s’est faite en toute logique. On peut y voir une réponse aux revendications exprimées par le Batailleur. Seule Urraca peut légitimement gouverner la Castille-León car elle est la fille d’Alphonse VI, ce qu’on retrouve enfin dans toute une série d’actes émis entre 1113 et 1125, où il est précisé en datation qu’Urraca règne « in regno patris sui »47.
21Venons-en à présent au titre d'imperatrix Hispaniae. Si l’absence d’usage permanent de ce titre peut s’expliquer par la connotation militaire et masculine du terme imperator, cette même raison tendrait à signifier que lorsqu’il apparaît il s’agit soit d’une tentative d’introduire une innovation, soit d’une pratique dont l’incongruité est perçue, mais qu’une circonstance précise impose. Quatre des six diplômes concernés furent confectionnés par trois des principaux notaires de la chancellerie, Pedro Vicéntez48, Juan Rodríguez49 et Martín Peláez50. Ces titulatures impériales n’ont donc peut-être pas été utilisées au hasard, mais concertées au sein de la chancellerie dans le but de servir les intérêts de la reine à un moment crucial de son itinéraire politique. L’examen de la chronologie de ces documents est sur ce point révélateur. En dehors de la confirmation de 1120, les diplômes concernés sont émis dans un court intervalle d’années, entre 1110 et 1114. Cette période est marquée par la rivalité naissante entre la reine et son époux aragonais, consécutive à la condamnation pontificale de leur union, et conduit à l’annulation en faits du mariage. Urraca fut prompte à saisir cette occasion de récupérer le rôle politique que son époux ne lui reconnaissait pas d’après la Chronique anonyme de Sahagún. Or, la première titulature impériale, insérée dans un diplôme du 6 septembre 1110, intervient dans les semaines qui suivent l’arrivée de cette nouvelle. Il est tentant d’y lire la volonté de la reine de rompre ses liens matrimoniaux puisqu’elle reprend à son compte le titre impérial utilisé exclusivement par le Batailleur depuis 1109 en vertu de leur union51. Ce premier acte est d’ailleurs le seul à octroyer à Urraca et Alphonse VI en parallèle le titre impérial : « Urracha, regina et imperatrix Yspanie, filia regis Yldefonsi beate memorie imperatoris »52. L’idée est précisément de signifier qu’Urraca, en se séparant de son mari, recouvre la souveraineté dont elle avait hérité à la mort de l’empereur. Les deux diplômes du 26 décembre 1110 entérinent cette évolution : Urraca y réitère son titre d'imperatrix, tandis que le Batailleur ne fait que confirmer53. Cela contraste tout particulièrement avec les actes émis un an plus tôt par Alphonse Ier conjointement à la « reine »54. Le titre d'imperatrix ne réapparaît par la suite que deux fois dans les suscriptions des diplômes d’Urraca, en 1112 et 1114, là-encore durant les années qui marquent la séparation définitive des époux55.
22Si l’usage du titre d'imperatrix est ciblé, quantitativement et chronologiquement, c’est parce qu’il n’est ni plus ni moins qu’un procédé supplémentaire auquel eurent recours les notaires, dans le contexte de cet ajustement constant aux besoins du moment qui caractérise le règne d’Urraca. La reine n’eut pas la prétention de faire revivre la structure impériale imaginée par son père : le titre ne prend son sens que dans le cadre de la lutte d’influence que se livrèrent la reine et le Batailleur.
II. — ALPHONSE Ier, ROI D’ARAGON ET DE PAMPELUNE : L’ANTI-EMPEREUR
23Un autre prétendant à la dignité impériale, durant les années tourmentées qui séparent la mort d’Alphonse VI de la montée sur le trône de son petit-fils, fut en effet Alphonse Ier, le Batailleur, souverain d’Aragon et de Navarre de 1104 à 113456. Fameux pour son goût de la guerre, ce qui lui valut son surnom et l’amena à considérablement repousser les frontières du royaume dont il avait hérité de son demi-frère Pierre Ier, son destin fut aussi étroitement lié au royaume de Castille-León en raison de son infortuné mariage avec Urraca. Aussi sa figure est-elle présente dans les chroniques castellano-léonaises de la période, conditionnée par les conséquences malheureuses de cette union peu fructueuse. De fait, ce souverain y est systématiquement considéré comme un intrus. Dans ces conditions, on peut s’étonner qu’elles ne mentionnent pas le titre impérial qu’il usurpa — si l’on maintient leur point de vue — à la reine Urraca et à son fils pendant presque vingt ans. Dans les sources contemporaines aragonaises, ce titre si fréquemment usité n’a guère laissé plus de traces57. Postérieurement, il fut tout aussi peu transmis et n’apparaît que dans quelques actes diplomatiques58 et dans la Chronique de San Juan de la Peña déjà mentionnée59.
24Pour comprendre ce fossé entre l’usage récurrent du titre d'imperator dans les diplômes du Batailleur et sa faible réception, il faut s’intéresser aux circonstances dans lesquelles il l’a utilisé, puis a cessé de le faire. Comme dans le cas d’Urraca, ces circonstances sont liées à des revendications contextuelles précises, plus qu’à la volonté d’exalter l’idéologie impériale alphonsine. L’usage du titre impérial par le Batailleur doit en effet être mis en relation avec la rivalité qui l’opposa à Urraca d’une part, et à Alphonse VII d’autre part. Dans ce contexte, le souverain ne faisait toutefois pas que mettre à l’arrière-plan les motifs impériaux forgés sous le règne d’Alphonse VI : il les modifiait et se créait une image propre, celle d’un imperator guerrier. Pour toutes ces raisons, et pour reprendre un qualificatif que Menéndez Pidal octroyait à Sanche III, le Batailleur est à même d’être qualifié d’anti-empereur.
LE TITRE IMPÉRIAL DANS LE CADRE DE LA RIVALITÉ ENTRE ALPHONSE Ier, URRACA ET ALPHONSE VII
25En vertu de son mariage avec la fille de l’empereur Alphonse VI, le Batailleur reprend à son compte la titulature employée par le défunt conquérant de Tolède. Cette pratique apparaît dans les capitulations matrimoniales échangées par les époux en décembre 1109, dans lesquelles Alphonse Ier s’intitule pour la première fois « totius Hispanie imperator »60. À partir de cette date et jusqu’en 1127, le roi d’Aragon délaisse dans presque un diplôme sur deux son titre jusqu’alors habituel de rex Aragonensium et Pampilonensium61 pour le titre impérial62.
26Ce titre sanctionne les conséquences du mariage du Batailleur avec Urraca. D’après la carta de arras qu’ils ont échangée, Alphonse Ier ne devient pas un simple consort d’Urraca puisque la reine lui donne « toute la terre qui a appartenu au roi Alphonse » et qu’elle en fait le seigneur de « tous [ses] hommes »63. En outre ce document suggère clairement une supériorité du roi aragonais puisqu’il fait de lui le dominus de la reine64. Cette position prééminente d’Alphonse Ier apparaît de nouveau dans certains des actes que les époux émettent en commun entre 1110 et 1112. Dans deux donations au monastère de Valvanera datées de 1110, c’est le roi qui se présente comme imperator puis « détenteur de la monarchie de toute l’Iberia », tandis qu’Urraca, « reine », n’intervient que « conjointement » à lui65. On retrouve presque la même configuration l’année suivante, dans une donation à San Salvador d’Oña dans laquelle le Batailleur s’arroge le titre utilisé habituellement par Urraca66. Enfin, dans un acte dont la datation est problématique, par lequel les souverains confirment le fuero octroyé autrefois par Alphonse VI aux habitants de Sepúlveda, Alphonse Ier est très clairement désigné comme le successeur du conquérant de Tolède, puisqu’il s’y intitule « le second empereur de l’Hispania »67. Cette situation est d’abord acceptée par Urraca, qui reconnaît cette supériorité de son époux dans ses propres actes68. L’union des deux royaumes semble par ailleurs se profiler au travers de certaines formulations. Dans la seconde des donations à Valvanera, la suscription laisse entendre une telle vue : « ego Adefonsus, totius Hiberie monarchiam tenens […] una cum coniuge Urracha dicta nomine, strenuissimo regi Adefonso suo existente genitore michique quodammodo iuncto consanguinitate, a Pirineis montibus usque ad refluxus Occeani regali auctoritate dominantibus »69. La datation appuie encore cette idée, en faisant d’Alphonse Ier et d’Urraca des souverains gouvernant conjointement l’ensemble de leurs territoires70. De son côté, le monarque aragonais fait donc usage avec une grande régularité de ce nouveau titre qui lui est échu et une titulature impériale est présente dans 7 des 11 diplômes qu’il émet en son nom propre de 1110 à 1112.
27Mais l’entente initiale du roi et de la reine fut de courte durée, et le titre impérial devient rapidement un des instruments de leur rivalité. Lorsque, le 6 septembre 1110, Urraca récupère en propre le titre de « regina et imperatrix Yspanie », elle signifie son refus de voir celui dont elle aurait alors déjà consenti à se séparer s’arroger un titre auquel il n’a plus droit.
28Le Batailleur continue néanmoins à en user. Il est possible qu’il ait exploité dans ce contexte les conditions de la carta de arras de 1109 qui prévoyaient que « si [Urraca] souhaitait se séparer de [lui] contre sa volonté, tous les hommes de [sa] terre et de celle [du roi] se détourne [raient] d’[elle] et [le] serviraient »71. D’après l’anonyme de Sahagún, c’est en effet la reine qui décide de divorcer de son époux et accueille avec soulagement la condamnation pontificale de cette union. En conséquence, elle aurait perdu ses droits au profit de son mari abandonné. Mais la mainmise de l’Aragonais sur le titre impérial prend surtout son sens dans le contexte de la guerre que se livrent désormais les anciens époux pour la possession de la Castille orientale et de Tolède, régions que convoite Alphonse Ier et qu’il domine en partie à partir du printemps 1111. Ces territoires sont d’un grand intérêt stratégique car ils permettent de contrôler l’accès à Saragosse dont la conquête est un objectif poursuivi tant par les souverains castellano-léonais que navarro-aragonais depuis longtemps. Dans la seconde décennie du XIIe siècle, l’urgence de cette conquête se fait d’autant plus ressentir que la ville, capitale de la dernière taifa résistant aux Almoravides, est finalement entrée en 1110 dans leur mouvance. En occupant l’est de la Castille et Tolède, le Batailleur coupe le chemin de Saragosse aussi bien aux armées castellano-léonaises qu’aux renforts almoravides72. Dans cette optique, le maintien du titre impérial dans les diplômes d’Alphonse Ier est une façon de manifester la continuité de l’exercice de son autorité sur ces territoires. Cet usage, relativement courant entre 1112 et 1117 (18 des 25 diplômes de la période, soit plus des deux tiers), est d’ailleurs complété par d’autres pratiques démonstratives. La datation des diplômes mentionne les territoires de la Castille et de Tolède73. Le Batailleur fait également frapper des monnaies à Tolède et Ségovie, signifiant par la mise en œuvre de ce droit régalien son pouvoir dans la région74.
29En février 1117, Urraca et le Batailleur concertent une trêve qui entraîne la relative cessation des hostilités entre les deux souverains. Il aurait paru alors logique qu’Alphonse Ier abandonne l’usage du titre d'imperator. Il apparaît pourtant dans encore la moitié environ des diplômes émis jusqu’en 1127. Ce maintien du titre doit être replacé dans le cadre de la rivalité qui oppose le Batailleur cette fois non plus à Urraca, mais à son fils, Alphonse Raimúndez, dont le rôle politique s’accroît précisément à partir de ce moment. À l’automne 1116, Urraca mène des négociations avec les partisans de l’infant, lequel se voit confier l’administration de Tolède, occupée par son ancien beau-père. Avec la trêve de février 1117 et la préparation du siège de Saragosse qui détourne Alphonse Ier des affaires castellano-léonaises, Alphonse Raimúndez est en mesure d’entrer dans la ville en novembre 111775. Or, il aurait à cette occasion émis son premier diplôme, dans lequel il assumerait également pour la toute première fois le titre d'imperator qu’il allait s’approprier par la suite76. On emploie ici le conditionnel car l’original de cet acte est perdu et il n’est transmis que par une copie du milieu du XIIe siècle. Par ailleurs, on connaît peu de diplômes de l’infant Alphonse dans lesquels il s’intitule « empereur » de manière aussi précoce. Reilly évoque pour sa part la compilation des fueros de Tolède qu’il confirme le 15 novembre 1118, mais cet acte présente aussi des difficultés de transmission77. Par la suite, ce n’est qu’en 1123 que réapparaît une titulature impériale pour qualifier le fils d’Urraca78 et on n’en connaît que deux autres occurrences jusqu’au moment de sa montée sur le trône en 112679. Toutes présentent des problèmes d’authenticité80. La titulature insérée dans l’acte de 1117 a-t-elle été manipulée, de manière à être davantage en adéquation avec celle qu’emploie régulièrement l’empereur Alphonse VII en 1150 ? On verra dans un prochain chapitre qu’au milieu du XIIe siècle, comme d’ailleurs tout au long de son règne, le titre qui prévaut dans les suscriptions de l’empereur n’est pas simplement celui d'imperator, mais (totius) Hispaniae imperator. Aussi est-il tentant d’accepter l’authenticité de la formulation81. Toutefois, nous y voyons moins l’affirmation précoce d’une idéologie impériale qui allait certes caractériser le règne d’Alphonse VII, qu’un pied de nez en direction du Batailleur destiné à signifier la récupération d’une souveraineté castellano-léonaise sur Tolède. La rivalité entre les deux Alphonse ne cesse de fait pas avec la trêve que l’Aragonais a scellée avec Urraca et, en 1122, le Batailleur mène une grande expédition dans les terres de l’infant82. Après la mort de la reine le 8 mars 1126, leur hostilité grandit encore, puisque les terres castillanes qu’Alphonse Ier tient sous son contrôle ressortissent désormais à la souveraineté d’Alphonse VII. Le jeune roi emploie donc les premiers temps de son règne à retourner la situation à son avantage83.
30C’est dans le contexte de ce conflit que prend sens le maintien de l’emploi du titre d'imperator par le roi aragonais. On en verra une preuve paradoxalement dans les événements qui scellent l’abandon de cette pratique. Au milieu de l’été 1127, Alphonse Ier et Alphonse VII décidèrent en effet de régler leurs différends par la négociation. À cette occasion fut conclue la « paix de Támara », du nom du lieu où fut signé l’accord, à l’ouest de Burgos84. Si l’accord est attesté par des preuves documentaires85, le contenu des décisions prises est par contre mal connu, transmis uniquement par des sources narratives postérieures. Toutes s’accordent à rapporter que les dispositions concernaient la restitution des terres castillanes usurpées par le roi aragonais, même si l’étendue et la délimitation de ces territoires divergent d’un texte à l’autre86. Les sources documentaires prouvent en tout état de cause qu’après cet accord le Batailleur conserva en son pouvoir une partie des terres castillanes qu’il occupait, l’autre étant effectivement restituée au roi castellano-léonais87. La Chronique de San Juan de la Peña mentionne en outre une autre clause, relative à l’usage du titre impérial. L’accord établi entre les deux souverains aurait en effet également stipulé que le roi aragonais y renonçait et souhaitait qu’on l’intitule désormais « roi d’Aragon, de Pampelune et de Navarre »88. Si cette affirmation de la chronique peut ne pas être authentique89, la clause dut l’être, puisqu’après l’été 1127 le titre impérial n’apparaît plus dans la documentation du Batailleur, sauf dans quelques diplômes présentant des problèmes d’authenticité et/ou de datation90. En revanche, il est pleinement assumé par Alphonse VII dans ses propres diplômes, ce qui permet de comprendre que la renonciation du Batailleur signifiait implicitement la reconnaissance d’un droit exclusif du roi castellano-léonais à en user. Ainsi le pacte de Támara illustre-t-il l’importance accordée au titre et le rôle qu’il jouait dans le conflit entre les souverains castellano-léonais et aragonais.
DE L’IMPERATOR AU BATALLADOR
31Mais, au-delà de l’instrumentalisation du titre, on doit aussi s’interroger sur le sens qu’avait le qualificatif d'imperator pour le roi aragonais. L’analyse des titulatures impériales dans les diplômes, au regard de la chronologie, laisse apparaître quelques éléments de réponse. Si dans un premier temps on peut penser que le Batailleur, dans l’espoir de la création d’une grande monarchie qui aurait rassemblé son royaume et celui de son épouse, a pu légitimement reprendre à son compte l’idéologie impériale du défunt Alphonse VI — comme en témoigne ce diplôme où il est le « second empereur de l’Hispania » —, la suite des événements laisse l’historien plus indécis. Ainsi, en dépit de l’annulation de son union avec Urraca, de la trêve signée avec elle et de la perte plus ou moins consentie de Tolède en 1117, Alphonse Ier continue de revendiquer ce titre. Certes, dans le même temps, ses conquêtes en terres musulmanes agrandissent progressivement son royaume. Il est néanmoins loin de rassembler entre ses mains cette autorité supérieure qui définissait l’empire d’Alphonse VI. Surtout, plusieurs auteurs ont relevé l’incohérence que suppose le maintien des « prétentions impériales » du roi aragonais après la perte de Tolède, ville étroitement liée à l’idée d’empire hispanique dans l’idéologie alphonsine91. Mais cette remarque en suscite précisément une autre : perçoit-on dans l’usage que le Batailleur fit du titre impérial un attachement à l’idéologie forgée sous le règne d’Alphonse VI ?
32Alphonse VI est relativement absent des diplômes d’Alphonse Ier. Il n’y apparaît que dans des actes que le monarque aragonais a émis conjointement avec Urraca au temps de leur entente92. Certes, ce dernier n’a pas de lien de sang direct avec Alphonse VI et une grande partie de ses actes concerne des destinataires sis dans son royaume d’Aragon-Navarre, ne fournissant peut-être pas l’occasion d’évoquer l’empereur tolédan. La différence avec ce qui se produit à la même époque dans les actes des comtes portugais ou encore dans les actes de la reine Urraca est néanmoins révélatrice. Elle suppose que le Batailleur ne cherche pas à souligner que le titre qu’il s’octroie est l’expression d’un héritage qu’il aurait capté en épousant Urraca. Une telle idée n’apparaît en réalité que dans l’expression étonnante — car unique — qu’il emploie pour confirmer le fuero de Sepúlveda en se présentant comme le « second empereur de l’Hispania ». Dans les autres documents où il apparaît, Alphonse VI n’est d’ailleurs le plus souvent que rex ou princeps.
33Si l’empereur tolédan est absent des diplômes du Batailleur, les fondements conceptuels de son idéologie impériale ne le sont guère moins. Certes, l’élément pan-hispanique qui la caractérise est présent dans la formulation de la titulature : le Batailleur est régulièrement intitulé imperator Hispaniae. L’observation de l’ensemble de la collection diplomatique révèle néanmoins que cette variante est utilisée dans seulement 13 diplômes du roi aragonais93. Dans les autres cas, il est simplement Dei gratia imperator. Le qualificatif ne sert donc pas toujours à exprimer l’extension péninsulaire qu’Alphonse Ier aurait souhaité donner à son autorité. Quelques variantes confirment cette idée, en restreignant la portée de l'imperium du roi à des territoires déterminés. Dans un diplôme de 1123 Alphonse Ier est présenté comme « imperator Castelle necnon rex Aragonie et Nauarre »94 et en 1124 il se dit « imperator et rex tocius Aragonis et Nauarre et in parte Castelle »95. La présence du terme « Navarre » dans ces actes invite toutefois à mettre en question l’originalité de ces expressions96. Une autre formulation, authentique celle-ci, réduit par contre également le territoire concerné en faisant du roi un « rex Aragonum imperator »97. L’Hispania n’apparaît pas non plus ailleurs dans les diplômes, à l’exception d’un document où elle est présente en datation98. Quant aux autres fondements de l’idéologie impériale alphonsine, on n’en a pas trouvé trace au-delà de la teneur chrétienne que la formule de dévotion Dei gratia donne à la titulature du souverain aragonais.
34Est-ce à dire que, comme dans le cas d’Urraca, le Batailleur ne s’est approprié le titre d'imperator que pour en découdre avec ses rivaux castellano-léonais ? La récurrence du titre est difficilement compatible avec une telle indifférence. Surtout, certaines innovations diplomatiques tendent à montrer qu’Alphonse Ier et ses scribes ont été attentifs à assurer un meilleur ancrage du qualificatif. En effet, celui-ci ne se limite rapidement plus à la suscription, mais intervient aussi dans les éléments de validation des diplômes, comme la corroboration99, ou encore dans leur datation100. La nouveauté la plus surprenante — et peut-être la plus visible — concerne la légende qui accompagne le seing du roi. Au début du règne, cette légende, inscrite de part et d’autre de la signature du souverain, ne comporte que le titre de rex101. Or, à partir de 1116 ce terme est remplacé dans certains cas par celui d'imperator, de façon chaque fois plus fréquente. On a ainsi dénombré 21 diplômes contenant une telle modification102. Dans le cas des autres diplômes où Alphonse Ier est imperator, par exemple dans la suscription, soit il n’y a pas de signum du roi103, soit la légende ne mentionne pas de titre et se limite à la formule « signum Aldefonsi »104, soit le signum est introduit par un autre type de formulation comprenant le titre impérial105. Dans quatre cas seulement le titre de rex est maintenu dans la légende du signum alors que dans la suscription le roi est imperator106. Ce même qualificatif est également introduit dans la souscription notariale. En effet, de manière non systématique, les diplômes sont confirmés par le scribe qui les a réalisés, avec une formule du type : Ego [nom du scribe] sub iussione domini mei regis hanc cartam scripsi et de manu mea hoc signum feci. À partir de 1112, le terme regis est parfois remplacé par imperatoris, lorsque le titre impérial a été utilisé dans la titulature107. Toutes ces innovations demeurent limitées, mais elles permettent une homogénéisation de la désignation du roi en en faisant, d’un bout à l’autre d’un même diplôme, un imperator. Une telle démarche ne correspond pas à l’idée qu’on se fait d’un souverain qui n’emploierait ce titre que de manière provocatrice, en sus de sa dignité de roi et en signe de défi lancé à ses détenteurs légitimes. Au-delà de l’expression de sa rivalité avec les souverains du royaume de Castille-León, le Batailleur devait y trouver un autre intérêt. En quoi a-t-il donc été séduit au point de faire de ce titre sa titulature de prédilection jusqu’à ce qu’Alphonse VII lui en interdise formellement l’usage ? En s’intitulant simplement « Dei gratia imperator », il est possible que le roi aragonais ait signifié l’intérêt supérieur qu’il portait au qualificatif d'imperator pour lui-même, plutôt qu’au sens spécifique que le conquérant de Tolède lui avait donné. Reste toutefois à déterminer la signification qu’il associait à un terme dont l’utilisation dans la péninsule Ibérique jusqu’au début du XIIe demeurait plurivoque.
35Il est difficile de cerner l’image que le Batailleur souhaitait donner de lui-même à partir des sources officielles et contemporaines de son règne. Il est cependant dépeint dans des textes composés en dehors du royaume d’Aragon-Navarre, ou postérieurement à son règne, dont les recoupements permettent de recomposer en partie cette image. Dans l’Historia Compostellana et la première Chronique anonyme de Sahagún, le portrait du roi aragonais n’est évidemment guère laudatif. Il y est caractérisé par sa cruauté et son impiété, qui le conduisent à exercer un pouvoir tyrannique sur le royaume de son épouse. Aussi les auteurs au service de Diego Gelmírez n’hésitent-ils pas à en faire « la cause de tous les maux et malheurs de l’Hispania »108. Mais entre les lignes de ce jugement partial, directement lié aux péripéties de la lutte qui oppose la reine Urraca à son époux inopportun, on décèle déjà des traits de valorisation qui réapparaissent presque systématiquement par la suite. Car si le roi fait figure de brute sauvage, c’est aussi en raison de son comportement étroitement lié à sa condition de combattant. Lorsque les habitants de Sahagún lui demandent, horrifiés, pourquoi il laisse ses hommes abuser des moniales, il leur répond : « Je n’ai cure de ce que font mes troupes et mes guerriers »109, signifiant par là que le droit de la guerre l’emporte pour lui sur la morale. Quant à l’Historia Compostellana, elle préfigure déjà le surnom que l’Histoire allait retenir, puisque le roi y est par trois fois désigné « belliger Aragonensis »110.
36Cette image d’un roi guerrier apparaît souvent par la suite, dans des sources aux points de vue variés. Ainsi, dans la Chronica Adefonsi Imperatoris, Alphonse Ier est d’abord ce roi fourbe qui entrave le gouvernement d’Alphonse VII et ne signe la paix de Támara qu’avec la ferme intention d’en violer les accords111. Pourtant, à sa mort le chroniqueur lui rend hommage. Prostré par la tristesse que suscite la défaite de Fraga et la perte de ses vaillantes troupes, le Batailleur se réfugie dans le monastère de San Juan de la Peña où il meurt. Le bref panégyrique qui suit fonctionne comme une sorte de réhabilitation posthume d’un glorieux combattant : « Après et avant lui, il n’eut jamais d’égal parmi les précédents rois aragonais, ni vaillant, prudent ou belliqueux comme lui »112. Le même constat se retrouve chez les historiens arabes. Comme Alphonse VI, le Batailleur — appelé ibn Rudmīr, « le fils de Ramire » — a fait forte impression sur les chroniqueurs musulmans, ce qui n’a rien d’étonnant au vu des efforts déployés pour faire obstacle aux Almoravides113. Dans sa grande œuvre annalistique, le Kāmil fī Ta’rīj, l’historien Ibn al-Aṯīr (1160-1234) relate ainsi avec délectation la bataille de Fraga qui aboutit à ce que « Dieu délivr [e] enfin les musulmans de cet homme et de sa méchanceté ». Le soulagement est compréhensible :
C’était de tous les princes chrétiens le plus fort, le plus zêlé à faire la guerre aux musulmans et le plus endurci à la fatigue. Il dormait dans sa cuirasse et sans mettre sous lui de couverture. Quelqu’un lui ayant dit : « Que ne choisis-tu, pour te donner du plaisir, quelqu’une des filles des chefs musulmans, que tu as faites captives ? », il répondit : « L’homme qui se voue à la guerre a besoin de la société des hommes et non de celle des femmes »114.
37Ces propos attribués au Batailleur ont valu bien des commentaires concernant tantôt la misogynie, tantôt l’homosexualité du roi aragonais115. Mais ils illustrent aussi, si tant est qu’on leur prête foi, le choix du souverain de privilégier la fonction guerrière que suppose son pouvoir monarchique.
38Les mêmes critères de valorisation du souverain sont présentés dans la tardive Chronique de San Juan de la Peña. Ce texte que nous avons déjà croisé est d’autant plus intéressant pour notre propos qu’il associe en partie le titre impérial à la condition guerrière du Batailleur :
Le roi Pierre étant mort sans enfant, son frère Alphonse lui succéda à la tête du royaume d’Aragon et de Navarre. Il fut surnommé le Batailleur, parce que dans l’Hispania, il n’y avait pas de combattant aussi valeureux, lui qui sortit victorieux de vingt-neuf batailles. Il épousa Urraca, fille d’Alphonse, le roi de Castille qui conquit Tolède. Il fut ainsi seigneur d’Aragon et de Navarre en vertu du droit de succession, et de Castille en vertu du droit de son épouse. Il créa un faubourg de Pampelune sur une de ses terres appelée Orunya, et concéda aux colons de nombreux privilèges. Il peupla aussi Soria, Almazán, Berlanga et Belorado. Il fut appelé empereur de l’Hispania en l’année du Seigneur 1110116.
39Certes ici l’auteur de la chronique octroie à Alphonse Ier la titulature impériale qui était celle d’Alphonse VI, puisqu’il lui adjoint le complément territorial Hispania. Mais la légitimité du port de ce titre n’est liée ni à sa condition de successeur de ce dernier « roi » — dont il est bien spécifié qu’elle est liée à son mariage avec Urraca —, ni à une projection péninsulaire de son autorité puisque les territoires évoqués ne concernent que l’Aragon et la Navarre, la Castille, et les terres frontalières reconquises sur l’Islam. Les « vingt-neuf batailles » dont il est sorti victorieux en font par contre une figure sans pareille dans l’ensemble de l’Hispania. La Chronique de San Juan de la Peña fait donc du titre impérial non pas tant l’expression d’une autorité supérieure projetée sur le territoire hispanique, que celle de sa nature belliqueuse qui, elle, a pour horizon ce territoire, et qui lui vaut en outre le surnom de Batailleur.
40D’Alphonse Ier, on fait donc un portrait de brute dans les sources léonaises, de soldat dans les sources arabes, et de glorieux combattant dans les narrations postérieures à son règne. Les similitudes des jugements portés sur une longue période par ces textes aux perspectives variées invitent à supposer que le Batailleur a pu user du qualificatif d'imperator dans le but de récupérer pour son propre compte la valeur militaire qu’il pouvait revêtir. L’idée ne demeure, il est vrai, qu’une hypothèse, faute de preuves supplémentaires. Elle pourra peut-être être consolidée si on l’appuie sur un document supplémentaire : une monnaie du roi aragonais, portant sur son avers la forme d’un cavalier brandissant de sa main droite une épée, figure symbolique du roi guerrier amenée à avoir beaucoup de succès après le milieu du XIIe siècle dans les royaumes de Castille et León117. Les avis sont cependant partagés et certains numismates en attribuent la frappe à Alphonse VII118. Demeure également la possibilité que plusieurs discours cohabitent autour de la notion d’imperium, privilégiant tantôt l’Hispania comme horizon des actions du Batailleur, tantôt la dimension militaire du qualificatif d’imperator.
41Durant les règnes d’Urraca et d’Alphonse Ier le Batailleur, le phénomène impérial ne connut sans conteste pas les amples développements qui contribuèrent à forger l’idéologie impériale d’Alphonse VI.
42Les actes proclamant la dignité impériale de la reine Urraca ne manifestaient pas un intérêt pour la notion d'imperium en elle-même, mais plutôt pour la valeur et l’effet que sa revendication pouvait produire dans la conjoncture conflictuelle que connaissait le royaume castellano-léonais. De l’idéologie impériale alphonsine, Urraca ne retient qu’un instrument dont elle fait usage au moment opportun, en tout pragmatisme. Les brèves « expérimentations » d’Urraca, comme les qualifie avec justesse Reilly119, eurent néanmoins pour résultat la préservation et la transmission du titre d'imperator. De ce point de vue, Urraca joua paradoxalement le même rôle que son époux dans l’histoire du phénomène impérial hispanique.
43Alphonse Ier fit un usage considérablement plus ample qu’Urraca du titre impérial. À ce titre, il fait doublement figure d’anti-empereur. En conservant le titre au-delà de la rupture de son union avec Urraca, il se plaçait en concurrent de la reine puis de son fils pour la possession d’une dignité à laquelle il prétendait afin de justifier son occupation de territoires castellano-léonais. Mais en détachant, dans une certaine mesure, le titre d'imperator de la pratique qu’en avait eue Alphonse VI, comme expression de son hégémonie péninsulaire, le Batailleur en restreignait également la signification pour privilégier sa valeur militaire. Ce faisant il contribuait, comme Urraca, à perpétuer l’usage du titre impérial, en en multipliant les occurrences dans ses diplômes et contraignait Alphonse Raimúndez à l’adopter à son tour pour contrer son rival. En ce sens, il prenait part à ce qu’allait devenir l’idéologie impériale hispanique sous le règne de « l’empereur », Alphonse VII.
Notes de bas de page
1 La première étude complète consacrée au règne d’Urraca est celle de B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca. En Espagne il a fait l’objet d’une récente publication : M. C. Pallarés méndez et E. Portela Silva, La reina Urraca.
2 Ce que les historiens du phénomène impérial hispanique ont globalement relevé, mais sans porter leur attention sur les implications d’une telle pratique.
3 B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, p. 352.
4 C’est grâce à ce texte que l’on sait qu’Alphonse VI a, sur son lit de mort, désigné Urraca comme son héritière (Primera crónica anónima de Sahagún, éd. A. Ubieto Arteta, 16). Sur l’image de la reine projetée par cette chronique, voir C. Garcia, « Le pouvoir d’une reine ».
5 « Tu non podrás governar, nin retener el reino de tu padre e a nosotros regir, si non tomares marido. Por lo qual te damos por consejo que tomes por marido al rei de Aragón », Primera crónica anónima de Sahagún, éd. A. Ubieto Arteta, 18.
6 « Aquesta maldita cópula e ayuntamiento fue ocasión de todos los males que nasçieron en Espanna, ca de aquí naçieron grandes muertes, seguiéronse robos, adulterios, e casi todas las leyes e fuerças eclesiásticas fueron menguadas e apocadas », ibid., 19.
7 « … Masculam prolem, […] non habebat. Regnauit autem tirannice et muliebriter […] in partu adulterini filii uitam infelicem finiuit », Chronicon Compostellanum, éd. E. Falque, p. 82.
8 HC, I, cviii, 3.
9 « Sed maledicta terra ubi puer regnat et mulier principatum tenet », HC, I, cvii, 4.
10 B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, p. 45 et n. 2.
11 « Omne equidem Galletie regimen et ius pueri pater optinuit et ideo omnes uos, qui eius iura et honores eo uiuo tenuistis et eo mortuo adhuc tenetis, filio eius, nepoti meo, procul dubio famulatores exhibeo et totam ei Galletiam concedo, si eius mater Vrraca uirum ducere uoluerit », HC, I, xlvi.
12 « Postquam autem rex A. persoluens iura nature filie sue regina V. atque nepoti suo paruulo regi A. regnum suum tradidit et ad eos imperii sceptrum iure pertransit, illico discordia cepit pullulare. […] Scimus equidem, quoniam regina V. filiusque eius rex A. regnum sibi deditum iure habere debent hisque uiuentibus huius principatus ad alios transferri iure non potest », HC, I, lxxxvi, 2. La même idée apparaissait déjà plus tôt au livre I, lxxix, 5.
13 HC, I, lxiv, 1.
14 Allégations que rejettent M. C. Pallarés Méndez et E. Portela Silva, La reina Urraca, pp. 50-51.
15 B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, pp. 51-53.
16 Ibid., pp. 56-57.
17 D’après le récit de la Primera crónica anónima de Sahagún, éd. A. Ubieto Arteta, 19.
18 Le document, conservé dans une copie du XVIIIe siècle, est étudié par J. M. Ramos Loscertales, « La sucesión de Alfonso VI ». Résumé des dispositions dans B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, pp. 63-64 et édition complète du document dans I. Ruiz Albi, La reina, n° 4 et J. A. Lema Pueyo, Colección diplomática de Alfonso I, nos 33 et 34.
19 B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, p. 61.
20 Primera crónica anónima de Sahagún, éd. A. Ubieto Arteta, 20. Cette brutalité du roi aragonais est relayée dans l’Historia Compostellana au travers des plaintes que formule Urraca au sujet des mauvais traitements, tant psychologiques que physiques, qu’elle subit de son second époux (HC, I, lxiv, 2).
21 B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, p. 60.
22 Il s’agit d’une des dispositions contenues dans la carta de arras : « ut vos mihi teneatis ad honorem quomodo bonam feminam debet facere ad suum bonum seniorem ». La contrepartie est sensiblement différente, puisqu’Urraca demande à son époux de se comporter « quomodo bonus homo debet tenere suam bonam uxorem » (J. M. Ramos Loscertales, « La sucesión de Alfonso VI », pp. 68 et 69).
23 En raison du long célibat d’Alphonse Ier — âgé de 34 ans en 1109 —, on a souvent commenté le désintérêt du roi aragonais pour les femmes. Reilly nuance cette affirmation et se prononce en faveur de sa stérilité (voir B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, pp. 59-60).
24 Urraca et Alphonse Ier avaient effectivement tous deux pour arrière-grand-père Sanche III de Navarre, argument qui aurait été soulevé par l’archevêque de Tolède selon la Primera crónica anónima de Sahagún, éd. A. Ubieto Arteta, 18.
25 C’est ce que l’on peut lire dans ibid., 20.
26 Des historiens ont avancé l’hypothèse d’une répudiation d’Urraca par son mari aragonais en 1114. Cette information est rapportée par Rodrigo Jiménez de Rada qui relate comment le Batailleur, face aux excès de son épouse, décida d’abord de l’emprisonner et finit par la répudier officiellement (R. Jiménez de Rada, De Rebus Hispaniae, VII, 1). Pour Lema Pueyo cet événement, auquel les sources contemporaines ne font aucune allusion, est probablement inventé à partir de sources épiques aujourd’hui disparues (J. A. Lema Pueyo, Alfonso I, pp. 287-288).
27 B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, p. 88.
28 Dans deux actes, le vocabulaire de l’imperium est encore utilisé d’une manière qui rappelle les actes faisant état d’un regnum-imperium. Il s’agit de chartes de Sahagún : « Regnum imperii regina domna Urraca in Legione et filio eius Adefonso in Toleto » et « regina domna Urraca et filio suo in Spania imperantibus », J. A. Fernández flórez, Colección de Sahagún (IV), nos 1206 et 1220. Par ailleurs, dans la collection de la cathédrale d’Astorga, deux datations font d’Urraca une impératrice : « regnante regina Urraca imperatrix, Adefonsus imperatoris totius orbis Hispaniae filiam » (G. Cavero Domínguez et E. Martín López, Colección de la catedral de Astorga [I ], nos 571 et 602). Ce même titre apparaît après la mort de la reine dans le nécrologe de Carrión. La version que l’on en connaît date du milieu du XIIIe siècle et reproduit le contenu des nécrologes clunisiens français auquel ont été ajoutés les noms de bienfaiteurs du monastère de San Zoilo, dont celui de la reine Urraca : « domne Vrrache yspaniarum imperatricis nostre societatis deuotissime » (Biblioteca del Colegio de los Jesuitas, Salamanque, Nécrologe de Carrión, f° 9rº ; voir C. Reglero de la Fuente, Cluny en España, p. 193 et n. 166).
29 Sur la chancellerie d’Urraca, voir les remarques avancées par B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, pp. 205-211 et plus récemment l’étude complète de I. Ruiz Albi, La reina, pp. 79-240.
30 Voir I. Ruiz Albi, La reina, pp. 292 et n. 382 et 383.
31 Voir « Postérité du titre impérial : le souvenir d’Alphonse VI », pp. 241-242.
32 Ibid., nos 1, 2, 4, 7, 10, 20, 28, 38, 39, 42, 45, 56, 75, 80, 86, 106, 107, 109, 112 et 139. Voir aussi, dans un diplôme qu’octroie Urraca conjointement avec son beau-frère le comte Rodrigo González : « Ego Urraka regina, Adefonsi principis filia […] et ego, comite Roderigo Gonzaluiz, una cum filias meas, quas ego abuit de mea mulier, infante domna Sancia, filia regi imperatori Adefonsi » (ibid., n° 146).
33 Cette titulature présente différentes variantes (ibid., p. 292) : regina Hispaniae (45 diplômes), regina totius Hispaniae (36 diplômes), regina Hispaniarum (6 diplômes), regina Hispaniensium (1 diplôme). L’expression du territoire gouverné est absente de seulement 12 des 149 diplômes de la reine.
34 Voir « Le titre impérial dans le cadre de la rivalité entre Alphonse Ier, Urraca et Alphonse VII », pp. 273-278, concernant les diplômes émis par Alphonse Ier, seul ou conjointement à Urraca, présentant une titulature impériale. Urraca reconnaît aussi parfois ce titre à son mari : dans la datation d’un diplôme du 24 mars 1110 (« Regnante Domino nostro Ihesu Christo et sub eius gratia Adefonsus gratia Dei imperator de Leone et rex tocius Hispanie maritus meus », ibid., n° 6) ; dans la confirmation du fuero de Sepúlveda octroyé par Alphonse VI le 17 novembre 1076 (« Urraca, predicti imperatoris uxor et Adefonsi principis filia, confirmo et signum Salomonis facio », C. Monterde Albiac, Diplomatario de la reina Urraca, n° 51 et J. A. Lema Pueyo, Colección diplomática de Alfonso I, n° 57).
35 I. Ruiz Albi, La reina, nos 14, 15, 33 et 60. Actes auxquels s’en ajoute un autre présentant une variante : « regina et imperatrix Yspanie, filia regis Yldefonsi beate memorie imperatoris » (en suscription et, pour la première partie de la titulature seulement, en validation, ibid., n° 10). Au sein des confirmations royales recensées par Monterde Albiac on a également pu observer un document dans lequel Urraca confirme en tant que Hiberie imperatrix : « Domna Urracha regis Adefonsi filia Hiberie imperatrix conf. », C. Monterde Albiac, Diplomatario de la reina Urraca, n° 149, original daté du 2 juillet 1120.
36 M. Lucas Álvarez, Las cancillerías reales, pp. 53-54.
37 Hypothèse suggérée par B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, p. 116.
38 Voir M. C. Pallarés Méndez et E. Portela Silva, La reina Urraca, p. 107.
39 Fernando Pérez est à l’origine d’un de ces actes (I. Ruiz Albi, La reina, n° 42), Pedro Vicéntez en a rédigés deux (nos 10 et 112), Juan Rodríguez trois (nos 1, 2 et 20), Martín Peláez deux (nos 28 et 86) et Martín de Palencia trois (nos 38, 39 et 56).
40 Alphonse VI est rex dans quatre diplômes rédigés par Fernando Pérez (ibid., nos 8, 74, 84 et 126), douze diplômes de Pedro Vicéntez (nos 64, 94, 100, 102, 103, 104, 110, 111, 113, 116, 118 et 124), deux de Martín Peláez (nos 35 et 36) et cinq de Martín de Palencia (nos 55, 63, 65, 66 et 71). Seul Juan Rodríguez semble avoir systématiquement présenté Alphonse VI comme imperator dans les suscriptions d’Urraca. Au cœur du dispositif d’un des actes qu’il confectionne le défunt souverain est toutefois appelé « rex domnus Adefonsus, pater meus » (n° 76).
41 Sauf pour une exception, où il est « Yspanie totius rex imperator » (ibid., n° 42).
42 Ibid., nos 38, 39, 56, 75, 80, 109, 139 et 146.
43 Exception faite de ibid., n° 10.
44 Ibid., nos 38, 39 et 139.
45 Ibid., n° 25.
46 Ibid., n° 30, daté du 28 avril 1112.
47 Ibid., nos 47, 52, 72, 73, 78, 121, 122 et 148.
48 Ibid., n° 10.
49 Ibid., nos 14 et 15.
50 Ibid. n° 33. Quant au cinquième (n° 60), il fut rédigé par Diego Pastorino. Ce scribe, qui a effectué une partie de sa carrière au sein de la chancellerie d’Alphonse VI, se serait-il souvenu dans cet acte de la titulature qu’il donnait au père d’Urraca ? La confirmation de 1120 ne porte pas mention de scribe.
51 Voir les analyses de M. C. Pallarés Méndez et E. Portela Silva, La reina Urraca, pp. 45 et 105-106.
52 I. Ruiz Albi, La reina, n° 10.
53 Dans le premier acte, il est rex, tandis que dans le second il adopte le titre de tocius Ispanie imperator, comme son épouse (ibid., nos 14 et 15).
54 Voir les actes évoqués au début de « Le titre impérial dans le cadre de la rivalité entre Alphonse Ier, Urraca et Alphonse VII », p. 274.
55 I. Ruiz Albi, La reina, nos 33 et 60.
56 Sur Alphonse Ier, voir les différentes publications de J. A. Lema Pueyo, Colección diplomática de Alfonso I, Id., Instituciones políticas, Id., Alfonso I.
57 Lema Pueyo affirme que le titre d'imperator d’Alphonse Ier est « relativement fréquent » dans la documentation privée (J. A. Lema Pueyo, Instituciones políticas, pp. 41-42). Sur les 42 actes privés de la collection du monastère de Leire émis entre 1110 et 1127 et évoquant le règne d’Alphonse Ier dans la formule en regnante, seulement six donnent au Batailleur le titre d'imperator (Á. Martín Duque, Documentación medieval de Leire, nos 247, 250, 251, 257, 258 et 260). Dans la collection diplomatique de la cathédrale de Huesca la proportion est plus élevée : deux datations intitulent le roi imperator sur un ensemble de neuf actes (A. Duran Gudiol, Colección diplomática de la catedral de Huesca, t. I, nos 110 et 120). Du côté des sources narratives le constat est plus mince, et nous n’avons repéré la dignité impériale d’Alphonse Ier que dans un texte. Il s’agit d’un passage du Dialogue contre les Juifs de Pierre-Alphonse de Huesca († 1140) dans lequel il rend hommage à son parrain et protecteur, le roi aragonais : « Fuit autem pater meus spiritualis ALFUNSUS, gloriosus Hispaniae imperator, qui me de sacro fonte suscepit, quare nomen ejus praefato nomini meo apponens, Petrus Alfunsi mihi nomen imposui », Pierre-Alphonse de Huesca, Diálogo contra los judíos.
58 Par exemple lorsqu’un de ses diplômes est confirmé. Voir la transmission datée du 7 janvier 1139, par García IV Ramírez, roi de Navarre, d’une donation d’Alphonse Ier d’Aragon : « Ego Garssias [sic], Dei gratia rex, […] facio cartam atorgationis et confirmationis ecclesie Sancti Michaelis de Excelso et uobis domno Petro, prefate ecclesie abbati de illa uilla que uocatur Muniela, quam dedit Adefonsus imperator Deo et Sancto Michaeli de Celso », J. A. Lema Pueyo, Colección diplomática de Alfonso I, n° 190.
59 Voir « Sanche III a-t-il porté le titre d'imperator ? », pp. 132-133.
60 J. A. Lema Pueyo, Colección diplomática de Alfonso I, n° 33.
61 Sur les variantes de cette titulature dans les premières années du règne du Batailleur, voir Id., Instituciones políticas, p. 40.
62 Id., Colección diplomática de Alfonso I, nos 33, 37, 38, 41-44, 49, 52, 57-60, 64-66, 68, 69, 71-75, 77, 79-83, 85, 91, 92, 95, 96, 102-104, 107, 109, 111-113, 115-119, 121, 125, 128, 134, 135, 139, 140, 145, 146, 148, 149, 155, 162, 167, 188, 189, 191, 213, 219, 222, 231. Notons que l’organe d’expédition des actes des rois aragonais n’est à cette époque pas encore réellement organisé (ibid., pp. xi-xii ). Les scribes qui interviennent dans la confection des diplômes d’Alphonse Ier sont nombreux et nous n’avons pas observé de lien entre ceux-ci et les diplômes « impériaux » du souverain.
63 « Et dono vobis tota illa mea terra que fuit de rege domno Adefonso », ibid., n° 34 ; « quod ego faciam totos illos meos homines qui per me et per vos tenent honores, et ut totos deveniant vestros homines », ibid., n° 33.
64 « … Ego Urraca regina convenio ad vos, regem domnum Adefonsum, domino et viro meo », ibid., n° 33 ; « ego Urraca, Dei gratia regina, filia Adephonsi imperatoris, vobis regi domno Adefonso, domino et viro meo », ibid., n° 34.
65 Ibid., nos 38-39.
66 « Ego Adefonsus, totius Hispanie rex, una cum coniuge mea Urraka regina », ibid., n° 50.
67 « Adefonsus, Dei gratia. IIs. Hispanie imperator, quod antecessor meus fecit, confirmo et signum facio. Urraca, predicti imperatoris uxor et Adefonsi principis filia, confirmo et signum Salomonis facio », ibid., n° 57 ; Lema Pueyo suppose que l’acte a été émis entre 1109 et 1112.
68 Voir les documents évoqués dans « Usages de l’imperium hispanique au temps d’Urraca », p. 269.
69 J. A. Lema Pueyo, Colección diplomática de Alfonso I, n° 39.
70 « Regnante rege Aldefonso una cum uxore sua regina domna Urraka in Aragonia et in Castella et in Legione et in Toleto », ibid., n° 38 et formulation identique dans le n° 39.
71 « Et si vos quesieritis partire de me sine mea voluntate, quod totos illos homines de vestra terra et de illa mea departiant de vobis et ut totos mihi attendant », ibid., n° 33.
72 B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, pp. 88-89.
73 Voir, sur la même période, J. A. Lema Pueyo, Colección diplomática de Alfonso I, nos 58, 60, 64, 66, 68, 69, 71-73, 75, 76 et 79-81. L’usage, limité à la Castille, perdure encore après 1117.
74 F. Álvarez Burgos, Catálogo de la moneda, pp. 19-21, types 23 à 35. Voir M. Á. Ladero Quesada et alii, La Reconquista, p. 175.
75 B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, pp. 125-126.
76 Donation du 9 décembre 1117 du futur Alphonse VII à Pedro Martín contenant, en suscription et en corroboration, la titulature Dei gratia imperator (J. A. Fernández Flórez, Colección de Sahagún [IV], n° 1197).
77 Voir B. F. Reilly, León-Castilla under king Alfonso VII, n° 5 pp. 323-324.
78 L. Serrano, Cartulario de Vega, n° 31 : « ego Adefonsus Raimundus, Dei gratia totius Hispanie imperator » (28 mars 1123).
79 G. Cavero Domínguez et E. Martín López, Colección de la catedral de Astorga (I), n° 613 : « Ego rex Adefonsus totius Hispania imperator » (22 juin 1124) ; C. Monterde Albiac, Diplomatario de la reina Urraca, n° 204 : « ego Aldefonsus, Dei gratia imperator Yspanie, una cum dompna Urracha regina, genitrice mea, decentis memorie domini Aldefonsi regis filia » (21 juillet 1125).
80 Voir « Une titulature impériale inconsistante ? », pp. 305-306.
81 En suivant B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, p. 126, n. 29. Contra : M. Lucas Álvarez, Las cancillerías reales, p. 112, n. 86.
82 B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, p. 170.
83 Voir « Alphonse VII et la récupération d’une hégémonie sur l’Hispania », pp. 295-296.
84 Voir J. M. Lacarra, « Alfonso el Batallador y las paces de Támara » ; J. A. Lema Pueyo, Alfonso I, pp. 319-321.
85 Notamment par la datation d’un diplôme d’Alphonse Ier (Id., Colección diplomática de Alfonso I, n° 176, daté du 31 juillet 1127).
86 Les dispositions du pacte sont rapportées dans la Chronica Adefonsi Imperatoris (CAI, I, 10), le De Rebus Hispaniae (R. Jiménez de Rada, De Rebus Hispaniae, VII, iii) et dans la Chronique de San Juan de la Peña (Crónica de San Juan de la Peña, éd. A. Ubieto arteta, pp. 78-79).
87 La Castille apparaît encore dans la datation d’une quinzaine des diplômes du roi émis après le pacte de Támara, ce qui est peut-être une manière pour Alphonse Ier de signifier sa récupération de la région dite Vieille-Castille (J. M. Lacarra, « Alfonso el Batallador y las paces de Támara », pp. 470-472). Après 1129, cette mention se fait plus rare, pour disparaître quasi complètement à partir d’avril 1131.
88 « … Et [Alfonsus de Aragonia ] deinde noluit quod uocaretur Imperator, nisi rex Aragonum, Pampilone et Nauarre », Crónica de San Juan de la Peña, éd. A. Ubieto Arteta, p. 79.
89 On verra d’ailleurs plus loin que la présence du terme Navarre dans la titulature du souverain à cette date est fort suspecte.
90 J. A. Lema Pueyo, Instituciones políticas, pp. 43-44.
91 Ibid., p. 43 ; B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, p. 180.
92 J. A. Lema Pueyo, Colección diplomática de Alfonso I, nos 34, 39, 50, 57 et 246.
93 Ibid., nos 33, 37, 49, 57, 58, 79, 82, 85, 103, 112, 149, 188 et 191.
94 Ibid., n° 121.
95 Ibid., n° 128.
96 Ibid., p. 184 pour une critique du premier de ces actes (Lema Pueyo ne doute néanmoins pas du second). La mention de la Navarre dans la titulature des souverains de ce royaume n’est pas employée dans leurs diplômes avant le règne de Sanche VI (1150-1194), précisément à partir de 1162 (voir Á. Martín Duque, « Sancho VI el Sabio », pp. 782-784).
97 Ibid., n° 231.
98 « Regnante me, Dei gratia rex, in Aragone et in Pampilona et in Ripacorza et in Aran et in Ispania », ibid., n° 273, daté de février 1134. Le terme Ispania ne signifierait-il pas d’ailleurs ici al-Andalus ?
99 Ibid., nos 59, 74, 79, 104 et 112.
100 Ibid., nos 65, 116, 118, 134 et 135.
101 Ou pas de titre du tout, puisqu’on trouve deux formulations : « signum Aldefonsi » ou « signum regis Aldefonsi ».
102 Ibid., nos 64, 75, 80, 82, 83, 91, 92, 95, 103, 111, 116, 118, 119, 121, 125, 134, 135, 146, 146, 155 et 167.
103 Que celui-ci soit réellement inexistant, où qu’il n’ait pas été transmis dans les copies de l’acte. Ibid., nos 73, 74, 77, 79, 85, 96, 102, 104, 109, 115, 117, 128, 139, 140, 162, 188, 189 et 213.
104 Ibid., nos 65, 66, 68, 69, 71, 72, 81, 107, 148 et 149.
105 Dans la corroboration du roi : « Ego Adefonsus, Dei gratia Ispanie imperator, hanc cartam ingenuitatis et libertatis laudo et confirmo et hoc signum facio » (ibid., n° 112) ; « Ego Adefonsus, Dei gratia imperator, hanc cartam confirmo et corroboro et hoc signum facio » (ibid., n° 219).
106 Ibid., nos 113, 191, 222 et 231, la titulature impériale des deux derniers actes présentant en outre des problèmes d’authenticité puisqu’ils sont postérieurs à la paix de Támara.
107 On identifie ainsi sept scribes accomplissant les ordres de l’imperator Alphonse Ier : García (ibid., nos 52, 58, 64, 65, 79, 83 et 112), Sancho (nos 66, 118, 145, 149 et 167), Pedro (nos 72 et 81), Pedro de Agüero (n° 75), Pedro Bernardo de Fantova (nos 111 et 116), Galindo (n° 103) et Íñigo (nos 134 et 135).
108 « … Regem Aragonensem totius mali causam esse et Hyspanie detrimentum », HC, I, lxv, 1.
109 « Non curo yo qué faga la mi hueste e mis guerreros », Primera crónica anónima de Sahagún, éd. A. Ubieto Arteta, 20.
110 HC, I, lxxix, 1 ; xc, 1 ; II, liii, 5.
111 CAI, I, 9-11.
112 « Post ipsum autem uel ante non fuit similis ei in preteritis regibus Aragonensis neque fortis neque prudens seu bellicosus sicut ipse », CAI, I, 58.
113 Sur le sujet voir notamment V. Lagardère, « Communautés mozarabes ».
114 Ibn al-Aṯīr, « Extrait du Kamel Altevarykh », p. 414. Voir aussi la récente traduction de D. S. Richards (Ibn al-Aṯīr, The Chronicle of Ibn al-Athàr [Part 1], pp. 322-323).
115 Voir J. M. Lacarra, Vida de Alfonso el Batallador, p. 32 ; E. Lourie, « The Will of Alfonso I », p. 39, n. 14 et B. F. Reilly, León-Castilla under queen Urraca, pp. 59-60.
116 Crónica de San Juan de la Peña, éd. A. Ubieto Arteta, p. 69. Texte latin cité dans « Sanche III a-t-il porté le titre d'imperator ? », p. 132, n. 35.
117 Voir « L’imperator Alphonse dans les diplômes des rois de la Castille et du León : un appui à la conception guerrière de la monarchie ? », pp. 399-400.
118 Le premier numismate à avoir attribué cette monnaie au Batailleur est le danois Rudi Thomsen, qui proposait en 1956 un nouvel ordonnancement des premières monnaies navarraises et aragonaises (R. Thomsen, « Ensayo », pp. 67-68). Dans son catalogue de 1998, Fernando Álvarez Burgos suit son avis (F. Álvarez Burgos, Catálogo de la moneda, p. 18), et c’est également le cas de José María de Francisco Olmos dans une étude des monnaies castellano-léonaises durant le règne d’Urraca (J. M. De Francisco Olmos, « La tipología », pp. 465-466). Il n’est cependant pas accepté par tous. Voir notamment M. Crusafont i Sabater, « La numismática navarro-aragonesa », qui réfute l’ensemble de la méthode de Thomsen, fondée sur des analyses stylistiques selon lui inacceptables. Dans le catalogue de C. Castán et J. R. Cayón, Las monedas, p. 121, cette monnaie est attribuée à Alphonse VII. Voir également M. Mozo Monroy, « El caballero llamado Alfonso », pour qui ce type d’effigie n’apparaît qu’à partir du règne d’Alphonse VII.
119 B. F. Reilly, León-Castilla under king Alfonso VII, p. 36.
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