Classiques du Nouveau Monde
Mexico, les jésuites et les humanités à la fin du xvie siècle
p. 59-85
Texte intégral
1L’entrée tardive des jésuites sur la scène politique, religieuse, culturelle et intellectuelle de la Nouvelle-Espagne, tant au plan local et par rapport aux autres acteurs traditionnels de l’apostolat missionnaire (les ordres médiévaux, en particulier), que dans le cadre de l’entreprise coloniale espagnole en général, constitue le premier élément de cette analyse centrée sur le développement de la culture humaniste à Mexico dans le dernier quart du xvie siècle. Il invite à croiser les perspectives à partir desquelles lire les premières interventions jésuites dans le champ culturel de la métropole coloniale. Au plan chronologique, il constitue un moment particulièrement intéressant : dans l’histoire interne de la Compagnie, il se situe entre l’échec de la première entreprise d’écriture de la Ratio Studiorum, sous le généralat de François Borgia (1565-1572), et la promulgation, en 1599, du texte définitif au temps de Claudio Acquaviva (1581-1615)1 ; mais c’est aussi le moment du déploiement planétaire de l’activité missionnaire, qui engage la Compagnie dans d’autres débats liés aux multiples stratégies d’évangélisation des gentils2. Au plan politique, il correspond à un tournant dans l’évolution des relations entre monarchie ibérique et ordre ignacien, au sein d’un ordre colonial changeant3. Ce double horizon en ouvre cependant un troisième, pour l’activité intellectuelle notamment : les nouveaux arrivants sont pris d’emblée dans un rapport de concurrence avec les autres ordres religieux, ceux qui ont accompagné la conquête du Nouveau Monde depuis ses origines, et qui se sont constitués, dans le demi-siècle précédent, comme les principaux agents de « transmission » de la culture européenne4. Dès lors, l’analyse des développements de la culture humaniste à Mexico à partir des enseignements jésuites s’éclaire à la lumière de différents agendas, qui invitent à en écrire une histoire polyphonique5.
2L’étude que l’on esquisse ici vise deux objectifs concomitants : elle cherche d’une part à insérer l’expérience missionnaire dans l’horizon de l’élaboration de la Ratio Studiorum. On se situe ainsi dans l’entre-deux de la norme à venir et des pratiques mises en place sous le coup des contraintes matérielles, humaines ou intellectuelles ; entre exigences d’élaboration normative sur une base théorique clarifiée6 et nécessité d’adaptation aux contraintes locales. Elle cherche d’autre part à penser l’ordre des disciplines élaboré dans le contexte jésuite au sein de l’ordre colonial. Il me semble en effet que dans cette expérience d’implantation mexicaine se glisse aussi la perspective culturelle et intellectuelle mobilisée à l’appui du projet colonial conçu comme imposition d’un ordre des pouvoirs et des savoirs, dont la réalisation s’appuie directement sur le clergé séculier et les ordres religieux.
3En visant ce double objectif, je souhaiterais rompre avec quelques insularités historiographiques : celle qui concerne l’histoire de l’enseignement jésuite, principalement — voire presque exclusivement — pensé dans sa dimension intra-européenne et qui voit dans le programme d’études défini par la Ratio Studiorum l’expression raffinée d’une culture post-tridentine engendrée entre Rome, Coimbra et Alcalá, bref comme l’unique résultat d’une expérience conduite à partir des centres européens de la catholicité. Comme si, une fois posé que la première expérience concrète d’enseignement avait été doublement italienne et indienne (Padoue et Goa, 1542), on avait réglé son compte au monde extra-européen, laissant aux spécialistes des différentes régions du monde le soin d’écrire l’histoire, fermée sur elle-même, des collèges jésuites à Lima, Mexico ou Salvador à l’aune du programme d’enseignement défini par le centre, les spécialistes européens continuant à travailler sur les importants collèges ou universités de l’Europe et leur rôle dans la formation des élites politiques du monde catholique7. Une autre insularité historiographique serait celle d’une histoire culturelle circonscrite à l’étude des grands textes produits par les élites intellectuelles, membres d’une mythique République des lettres uniquement soucieuse de communication et de savoirs sur le monde8. En ce sens, dans le contexte chronologique et spatial que définit cet article, je vois un intérêt particulier à l’étude des enseignements d’humanités mis en place par la Compagnie de Jésus. Porteurs des valeurs fondamentales d’une partie de la culture européenne de ce temps que l’on a pu identifier sous le label d’humanisme chrétien9, ils engagent des pratiques qui participent pleinement du processus de « disciplinement culturel » des sociétés modernes, et de l’intégration de l’ordre du savoir dans un ordre du discours qui ne serait pas indifférent à l’ordre lui-même10. À travers l’organisation du cycle des humanités se déploie l’une des multiples scènes de la recomposition du lien intellectuel de l’Europe avec l’héritage des Anciens11. Or, comme une abondante littérature sur la rencontre entre Ancien et Nouveau Monde l’a déjà souligné, l’expérience coloniale transforme d’emblée les conditions et les modalités d’une telle recomposition, en forçant à intégrer la figure de « l’autre » au cœur du face-à-face entre Anciens et Modernes12. Si cette dimension de l’expérience coloniale est déjà au cœur de nombreux travaux, elle peut sans doute aussi faire l’objet d’une saisie complémentaire, moins soucieuse de grands penseurs et de grands systèmes que de pratiques et d’ajustements, de conflits et de négociations dans des situations concrètes de relations asymétriques, qui se déploient à des échelles variées et dans des configurations géopolitiques aux contours variables. Telle est du moins l’hypothèse de cette analyse.
I. — LES CONDITIONS DE L’APOSTOLAT INTELLECTUEL EN NOUVELLE-ESPAGNE
4Travailler sur l’essor de l’apostolat de la Compagnie de Jésus en Nouvelle-Espagne ne revient pas à arpenter un terrain vierge : la bibliographie sur l’installation d’infrastructures jésuites d’enseignement dans la vice-royauté comme dans la capitale de la Nouvelle-Espagne est abondante. Elle s’est nourrie, là comme ailleurs, des sources précieusement conservées depuis les temps héroïques de la fondation13. Au-delà de leur richesse et de leur qualité, ces sources n’ont que trop rarement nourri des perspectives comparatives, notamment avec les autres ordres religieux ou les autres institutions de savoir14, même si le champ de l’histoire de l’enseignement s’est profondément renouvelé, au Mexique, grâce aux travaux menés sur l’université de Mexico, au sein d’une double réflexion consacrée aux universités du monde ibérique d’une part et à l’histoire de cette institution singulière d’autre part15. La force de l’anti-jésuitisme tel qu’il a pu s’incarner dès le xviie siècle autour de la figure et de l’œuvre de Juan de Palafox, les vicissitudes de la sécularisation au xixe siècle ont sans doute peu contribué à l’écriture d’une histoire culturelle de la Nouvelle-Espagne qui faisait sa place aux différents acteurs, y compris à travers les conflits qui les opposaient. Pourtant, l’un des multiples intérêts du milieu mexicain réside dans sa vivacité et la capacité de Mexico à se constituer en capitale d’un monde polycentrique16. Sur ce plan, les fonctions politiques, administratives et religieuses qu’elle accumule en tant que siège de la vice-royauté contribuent à en définir le profil urbain. Il importe en outre de rappeler le cadre juridique précis dans lequel s’inscrit le déploiement de la Compagnie dans le Nouveau Monde, à savoir le patronage royal qui fixe les conditions et les cadres de son intervention : par rapport à une historiographie « interne » qui a systématiquement minimisé cette dimension au profit de l’étude de la décision politique élaborée à Rome par le général, ou au sein des assistances, un tel rappel est nécessaire. Par où on mesure que le processus d’expansion missionnaire, engagé dès la fondation de l’ordre, est aussi celui de la soumission de cette expansion à des logiques politiques : c’est la puissance coloniale qui autorise et qui « formate » l’installation dans l’Amérique hispanique et portugaise, comme dans l’Asie et l’Afrique portugaises17.
5Plus précisément, dans le contexte de la monarchie espagnole, les années qui précèdent l’arrivée des jésuites en Amérique sont celles d’un important tournant qu’avec J. Martínez Millán on peut qualifier de « proceso confesionalista », marqué par l’installation à la tête de l’Inquisition du cardinal Diego de Espinosa (1566-1572) et le souci, pour les terres d’Amérique, de transformer l’Église, éminemment missionnaire et dominée par les réguliers, en une institution contrôlée par le clergé séculier, autour des évêchés et au service de la Couronne18. Le personnel tant politique que religieux nommé alors en Nouvelle-Espagne appartient directement à la clientèle d’Espinosa, tant les vice-rois que l’archevêque de Mexico, et c’est dans ce contexte de réorganisation profonde que la Compagnie arrive au Mexique, instrument parmi d’autres (les premiers tribunaux inquisitoriaux de l’Amérique sont installés en 1569) de cette remise en ordre post-tridentine, formalisée par la Junta Magna de 156819.
6Rapportée à l’histoire de l’enseignement et des collèges de la Compagnie, cette situation n’est pas sans conséquences : là où on chercherait l’application in situ du modèle intellectuel en cours d’élaboration et bientôt définitivement formalisé dans le texte de la Ratio Studiorum, il faut aussi identifier les attentes de la puissance coloniale et de la société locale, surtout dans un contexte mexicain où l’ouverture de l’université dès 1551 constitue la preuve de l’existence sinon d’une politique culturelle, du moins d’une vie intellectuelle préalable à l’arrivée de la Compagnie. Pour l’éclairer dans le contexte jésuite, on dispose de différentes sources internes : catalogues des établissements, rapports annuels et correspondances, tous savamment élaborés comme outil de gouvernement dès la fondation de l’ordre20. Les lettres du général et du provincial, celles de tous les membres de l’ordre avec leurs supérieurs indiquent les modalités concrètes du dialogue et ses difficultés. À ces sources désormais bien connues des historiens de l’enseignement s’ajoutent celles, plus difficiles à repérer, qui rendent compte de l’échange avec les autres interlocuteurs, appréhendés à différentes échelles, de la cour de Madrid aux institutions de Mexico21. Parmi les premières sources qui documentent l’installation en Amérique figure cette lettre adressée par la Ville de Mexico à Philippe II :
… serán de mucha utilidad en las ciudades recién fundadas, en particular en esta gran ciudad de Mexico, cabeza de todo el reyno, que necesita de maestros de leer y escribir, de latinidad y demás de ciencia, quales sabe muy bien V. Magesdad son los della, en Europa, y en la cultura de los naturales y reducción de las naciones gentiles, importantísimos22.
7C’est la formule que l’on retrouve dans un document de mars 1573.
8Dans la longue lettre adressée par le provincial à E. Mercurian, devenu entre-temps général, on trouve l’écho de cette même demande :
Ci domandano con molta instancia che mettiamo studio in instruire la gioventù di questi paesi, qual cosa è di molta necessità, nel che speriamo sarà servito il S.N.; ma ciò non si può fare se V.P. non provede chi lo facci, perchè non menammo alcuno che lo sappia o possa fare. Dia N.S. a V.P. quanto sia ciò spediente, acciò si proveda. Habbiamo bon logho dove si possa fare23.
9Ces deux extraits tendraient à donner une représentation excessivement négative de la situation culturelle de Mexico au début des années 1570, l’insistance sur les manques tendrait à reléguer dans l’obscurité le travail que, depuis leur arrivée au Mexique, les ordres anciens, franciscain et augustinien en particulier, avaient réalisé, notamment avec l’ouverture d’écoles où était enseigné le latin, y compris aux Indiens24.
10Dès les années 1530, en effet, les collèges franciscains de San José de Los Naturales et de Santa Cruz de Tlatelolco (1536) constituent d’importants foyers de culture, d’où sortent notamment les premiers « lettrés » indiens, Antonio Valeriano, Juan Badiano et Pablo Nazareno, qui seront parmi les premiers « Mexicains » à rédiger leurs œuvres en latin, sans parler de Bernardino de Sahagún lui-même25. Ces deux établissements ont été parmi les premiers espaces d’introduction des classiques dans le monde mexicain26. En outre, l’Université et la culture européenne du livre ont déjà pris pied dans la capitale de la Nouvelle-Espagne27 : une forteresse savante, au cœur d’une cité indigène, métisse et espagnole, dans laquelle il s’agit, pour les jésuites, de trouver leur place en termes d’apostolat intellectuel. Manifestement, au-delà des équipements déjà présents et du travail déjà réalisé, les besoins sont considérables y compris sur ce terrain : il ressort d’emblée assez clairement des deux extraits qui viennent d’être cités que l’attente des représentants de la ville ne porte pas sur l’apostolat auprès des Indiens, mais bien auprès des leurs. C’est sans doute ce qui fait la spécificité de la contribution jésuite à l’entreprise coloniale au Mexique et éventuellement l’intérêt de cette contribution, qui porte moins sur les rapports entre Européens et Américains, qu’entre Européens et fils d’Européens28.
11Si la requête adressée au monarque semble clairement indiquer les raisons pour lesquelles les jésuites sont attendus, la lettre adressée par le monarque au provincial d’Espagne, dans les mois qui suivent (26 mars 1571), définit une mission plus vaste : éducation de la jeunesse urbaine, mais surtout évangélisation29.
12Mais, du point de vue de la Compagnie, les forces sont limitées et il s’agit de trouver les bonnes recrues. Trois mois plus tard, Rome établissait la liste du premier groupe de jésuites destinés à la Nouvelle-Espagne30, et dès octobre 1571 était élaborée la première instruction pour le groupe des fondateurs : elle prévoyait notamment de n’accepter la prise en charge que d’un seul collège, et encore sans classes, du moins dans les deux premières années de l’installation31.
13Il faudra encore attendre presque un an, le temps matériel de l’organisation et de la réalisation du voyage, avant que s’ouvre la province jésuite du Mexique. Aux premiers arrivants incombe la tâche de comprendre la situation locale, les besoins prioritaires, les attentes, le tout dans un dialogue attentif avec Rome et en fonction des exigences fixées par le monarque. Prendre la mesure de ce nouveau contexte mexicain : cette connaissance du « terrain » contribue à définir les modalités spécifiques de l’action de la Compagnie, d’où les descriptions minutieuses rédigées par les premiers jésuites — comme le long premier récit de l’arrivée dans « cette Inde » écrit par le provincial32 — ou les chroniques contemporaines, qui consacrent une part importante de leurs développements aux « tableaux » de la région et de la ville de Mexico dans ces années 1570. Dans l’extrait qui suit, on note non seulement l’attention qui est portée aux autres acteurs religieux, mais aussi à une vision d’ensemble de la société dans laquelle les rôles et les fonctions sont déjà distribués et où l’état d’abandon des Espagnols est suggéré :
Sólas tres Religiones había en esta tiera, cuando vino a ella la Compañía. La del Seráfico padre San Francisco que fué la primera que entró en estas partes y que con gloriosos y lucidos trabajos, asentó en ella el fundamento de nuestra fé. La segunda del Glorioso Patriarca Santo Domingo, que aunque vino después, no fué con menos frutos y gloria de Dios que la primera. La tercera del Bien-aventurado San Agustín que con sus fervorosos trabajos, recompensaron el haber venido a la vida después, y no serán en la paga los peor librados […]. Todos estos Padres tan dotados como santos, con su prudente celo, emplearon sus trabajos en la parte más flaca y necesitada del reino, que fué la conversión de los indios y catecismo de los ya convertidos, y en aprender tantas y tan barbaras lenguas. Y ésta fué la ocasión de no cuidar tanto de los españoles, teniéndose por llamados con especial vocación de Dios para esta empresa, y no para los españoles; pues de éstos tenían más copiosa mies en España que en las Indias33.
14Mais au-delà des récits s’imposent l’action et la nécessité d’arbitrer entre les différentes tâches en fonction des différentes demandes. L’autorisation de fonder un collège, sous le nom de Saint-Pierre-et-Saint-Paul, est promulguée par le vice-roi le 12 août 157334 : une telle décision a été accompagnée de demandes réitérées de la part des autorités municipales, qui se sont non seulement de nouveau adressées au monarque, mais aussi au général. De fait, dans les derniers mois de l’année 1573, sans doute à la date du 7 septembre, elles adressaient une lettre à Mercurian pour lui demander d’envoyer de nouvelles recrues dans la ville35. Elles sont relayées dans les mois qui suivent par l’autorisation / injonction adressée par Philippe II à Mercurian (le 18 février 1574)36.
15Il fallait à Rome et Madrid pourvoir à l’envoi de ces premiers professeurs, ceux qui étaient attendus pour enseigner les bonnes lettres aux fils de ces descendants de conquérants. Aussi la désignation de ceux qui, premiers arrivés ou à venir, allaient y pourvoir, fait-elle l’objet d’une sévère sélection, qui doit faire la part entre les moyens et les fins. La lettre de Mercurian au visiteur37 Juan de la Plaza, sur le point de prendre la mer pour effectuer sa première tournée dans les provinces américaines, est tout à fait éclairante sur l’ensemble des paramètres à prendre en compte :
Por la que va dentro desta del Pe D. Pero Sánchez, provincial de la Nueva España, verá V.R. cómo pide algunos de la Compañia, con los quales se puedan començar a poner los estudios de humanidad en Mexico, y un theólogo que puda resolver los casos que ocurrieren en aquella ciudad. Y para que esta cosa se haga como se deve, me ha parecido que V.R. dé qüenta dello al señor Presidente de Indias […]. Y pareciendo bien al señor Presidente, podrá V.R. comunicar con essos padres y con los provinciales de España el modo más fácil que se podrá tener para sacar tal gente con consentimiento de sus superiores, aunque V.S tenga facultad de hazerlo38…
16Dans cet extrait, l’ensemble des interlocuteurs est mentionné : le provincial de Mexico qui relaie la demande locale, le pouvoir civil en la personne du président du Conseil des Indes, sans l’accord duquel rien n’est possible, les responsables des provinces jésuites d’où partiront les futurs professeurs missionnaires39. C’est donc plus en position d’arbitre que de décideur que le centre romain organise les choses, comme en témoigne la lettre de réponse envoyée à Madrid le 17 avril 157440, alors que dans les mêmes jours une lettre part vers le Mexique pour confirmer l’envoi de renforts pour enseigner la grammaire41.
17Ainsi, lorsque les premières classes sont ouvertes par la Compagnie à Mexico, on est déjà sur le point d’accueillir les nouveaux missionnaires qui compléteront le dispositif décrit ici :
Luego el San Lucas siguiente de este mismo año de 74, abrió la Compañía escuelas públicas, precediendo una oración latina, que hizo uno de los maestros en que se dió razón del fin que pretende en tener estudios e instituir con tanto cuidado la juventud, a que se halló presente el Virrey y Audiencia, todas las Religiones y gente principal de la ciudad. No fueron las clases de Gramática más de dos que leyeron los Padres Pedro Mercado y Juan Sanchez; ni por entonces eran necesarias más ; porque había tanta barbaria, que aun a los más probectos fué necesario volverlos a los principios, para fundarlos bien […]. Este año mismo, vino un padre con seis Hermanos de España que el Padre General Everardo Mercurian envió para ayuda de esta provincia […]. Con este socorro se piso clase de Retórica y fué el Padre recién venido el primero que la leyó, y sacó mucho aventajados discipulos, que hasta ahora florecen42.
18La chronique tisse une version lissée et rectiligne de l’histoire, derrière laquelle disparaissent toutes ces correspondances croisées qui signalent au contraire la complexité de la prise de décision et la nécessité des arbitrages. C’est le sens de cette remarque adressée par le général au provincial, indiquant aussi la nécessité de ne pas aller trop vite dans l’ouverture d’un cours de philosophie :
Cuanto al privilegio auténtico, para que valgan los cursos de gramática, artes y theologia, primero es menester que se funden bien los estudios, y que veamos cómo succeden; y después se véra lo que más convenga43.
19De fait, la chronique de la province garde la mémoire du tournant de 1576, avec l’arrivée de nouveaux membres qui sont spécialement chargés de l’ouverture de ces classes, qui indiquent aussi un engagement jésuite en faveur de l’enseignement supérieur44.
II. — LES MOYENS DE L’APOSTOLAT INTELLECTUEL EN NOUVELLE-ESPAGNE
20Au-delà de la sophistication du processus de sélection des pères et frères destinés au Nouveau Monde45, on reste frappé par l’attention qui est portée, depuis Rome, à l’envoi d’un bon professeur d’humanités à Mexico : non pas que la désignation de ses collègues philosophes ou théologiens soit moins importante, mais l’apparition, dans les sources, du terme « barbarie » indique le lien entre projet culturel et projet politique. Ainsi, alors qu’on l’a vu déléguer à son visiteur le choix de certains de ceux qui participeront à l’entreprise missionnaire, dans cette lettre où la question des humanités est abordée, Mercurian suit directement les opérations, souhaitant non seulement qu’elles se développent suivant ce qui est en vigueur à Rome, mais indiquant aussi au provincial lequel des nouveaux arrivants s’en chargera :
En los estudios de letras humanas deseo mucho se guarde el orden, quanto se pudiere, que aquí se tiene, que es el más útil y más compendioso de todos. El Padre Vincenzo Lanochi tiene prática desto y podrá ayudar que así se effectúe; porque destos principios de latinidad, importa mucho el exercicio y el buen orden que acá se tiene46.
21Dès avant cette date, l’arrivée de Le Noci47 avait été préparée par Mercurian, comme en témoigne l’ordre adressé au visiteur J. de la Plaza, en date du 20 avril 1574, déjà cité48.
22Dans les semaines qui suivent, l’ordre est exécuté, la deuxième expédition jésuite pour le Mexique est organisée et elle compte en effet, en plus de six autres compagnons, Vincenzo Le Noci, arrivé d’Évora à Séville pour passer de l’attente improbable de l’Inde à l’envoi assuré vers l’Amérique49. Des deux Indes, il est retenu comme plus adapté à celle d’Occident. C’est le visiteur qui, en exécution des projets de Rome, confirme les fonctions et rend compte au général :
El orden que escrivo al Padre Pero Sánchez, conforme a lo que V.P. y el Padre Gil Gonçález me han escrito, es este: que, por este año, no pongan más que cuatro classes, y âra esto van seis lectores50: el Padre Vincentio para prefecto de estudios, y leer retórica, cuando será menester; el Hermano Francisco Sánchez, para lector de mayores; el Hermano Marquina para medianos; el Hermano Merino para menores; el Hermano Albornoz para mínimos […] y desta manera van los lectores a Mexico muy conformes y muy suficientes, cada uno para su classe, y allá se mejorarán y perfeccionarán. V.P. verá si, para el año que viene, converná enbiarles algún buen rethórico, porque el Padre Vincentio me dixo aqui que se sentía muy flaco y cansado para lectión ordinaria; y ansi, creo que no la leerá; a lo menos será por poco tiempo, si leyere. También se les podria embiar otro para que pueda leer curso de artes51.
23Les sources disponibles permettent difficilement d’écrire la biographie du professeur de rhétorique ; pourtant, au-delà de leur rareté, elles esquissent un personnage aux multiples facettes, qu’il est intéressant de confronter ici. L’importance de V. Le Noci pour l’introduction de la culture humaniste au Mexique a souvent été soulignée52, mais ses historiens mexicains se sont peu intéressés à ses années antérieures, alors que sur le catalogue de la province de Mexico de 1575 il apparaît non seulement comme le plus ancien — il est âgé de cinquante-deux ans — mais aussi comme le seul non-Espagnol53. De même, on s’est peu interrogé sur l’avis négatif émis, l’année qui précède son départ pour l’Amérique, par Alessandro Valignano sur la possibilité de son envoi en Inde :
Il padre Vincenzo Lenoci è stato sempre tenuto da tutti noi per molto pericoloso et travaglioso, se andava alla India, perché tiene una qualità che, giunto in una città, la rivolta tutta sottosopra, non lascia cosa che vi sià per vedere, entra subito in diverse amicizie et visite di homini e di donne, abbracia ogni sorte de negotio senza electione e non è molto scrupoloso nella obedienza ; ma, interpretandola a suo modo, alla fine ordinariamente fa quello che li piace et, in somma, nel procedere non mostra se non vanità et curiosità, in modo che, tratandosi di sua venuta, tutti conclusero […] che a niun modo si dovesse menare in India, tenendo contrarissime qualità a quelle che in quel luogo bisognia54.
24Malgré le caractère fortement critique de l’avis émis par Valignano, Le Noci est nommé supérieur de l’expédition de Nouvelle-Espagne. De fait, il ne reste rien de ces critiques dans la lettre de Mercurian citée plus haut : parce que Mercurian n’accorde pas de crédit à Valigliano ? Parce qu’une critique qui vaut pour l’Inde ne vaut pas nécessairement pour le Mexique ? Parce que la pénurie en hommes valides et formés est telle que l’on peut prendre le risque d’envoyer des hommes désireux de partir, malgré des traits de caractère excessifs ?
25Il est d’autant plus difficile de formuler une quelconque réponse que les autres informations disponibles sur sa vie antérieure remontent à l’époque qui précède son engagement dans la mission. Elles nous déplacent en termes de lieux — Messine — et de savoirs — les mathématiques. En effet, à la fin des années 1560, Le Noci se trouve directement impliqué dans le projet d’édition de certains textes du grand mathématicien de Messine Maurolico, l’une des principales figures de la « renaissance des mathématiques »55. Sans entrer ici dans le complexe dossier des relations entre la Compagnie à Messine et Maurolico, on rappellera, à l’appui des travaux réalisés sur cette question, que le mathématicien sicilien est un très ancien collaborateur des jésuites dès la fondation du collège de la ville, et qu’il a contribué à l’établissement de l’enseignement jésuite des mathématiques non seulement au niveau local, mais de manière plus décisive à travers les relations qu’il a eues avec C. Clavius56. Maurolico a sans aucun doute noué une relation directe avec Le Noci dans les années où ce dernier faisait ses études à Messine et où lui-même y enseignait les mathématiques, le novice, depuis son entrée dans l’ordre, en 1559, à l’âge de seize ans, manifestant un vif intérêt pour les études — les langues anciennes, latin, grec et hébreu, ainsi que la philosophie et la théologie —, intérêt qui s’est doublé en outre du désir de mission, exprimé pour la première fois en 156757. Tout en suivant la formation en philosophie et en théologie des collèges de Catane, puis de Messine, il est rapidement employé à l’enseignement des humanités, les besoins de la Compagnie en Sicile lui interdisant de réaliser son désir des Indes avant longtemps. Pour autant, ni son intérêt pour les mathématiques ni son désir des Indes ne s’émoussent avec les années, comme en témoignent quelques traces de correspondance avec Rome. Le 29 avril 1569, le jésuite de Messine s’adresse au général Borgia comme porte-parole de Maurolico en quête d’appui pour la publication de ses œuvres58. Le 8 juillet 1569, Juan Alfonso de Polanco répond, de la part du général, invitant Le Noci à ne pas s’occuper de la chose, qui doit être gérée au premier chef par le mathématicien de la Compagnie, C. Clavius59.
26Ces quelques mentions permettent difficilement de tirer des conclusions approfondies sur la culture mathématique de Vincenzo Le Noci, mais il paraît peu probable qu’il n’en ait aucune. Du moins son intérêt pour l’œuvre et la personne de Maurolico ne semble pas s’être démenti, car il paraît difficile d’attribuer à l’action d’un autre que lui la publication, en 1578, à Mexico, du Reverendi Do. Francisci Maurolyci, abbatis Messanensi, atque matematici celeberrimi, De Sphera, liber unus, à la suite d’un texte philosophique de Toledo, sur lequel on reviendra. À cette date, Le Noci constitue le seul lien direct entre la Sicile et le Mexique ; il est sans doute aussi le seul des jésuites intéressés aux mathématiques.
27Si l’on essaie à présent d’aligner ces différents fragments des vies sicilienne et mexicaine de Le Noci, on peut souligner que, dans les années du séjour au Mexique, Le Noci n’est jamais mentionné pour autre chose que pour les lettres, comme si des multiples compétences acquises en Sicile, notamment celles qui concernent les mathématiques, aucune finalement n’intéressait Rome, Madrid ou Mexico à cette époque. On peut alors le suivre dans la prise en charge de l’organisation du cycle des humanités dès son arrivée dans le Nouveau Monde, même si les informations deviennent plus parcellaires.
28Il est vraisemblable que pendant l’année scolaire 1574-1575 sont ouvertes cinq classes : c’est ce que rapportent les Litterae Annuae rédigées en décembre 1574, qui font aussi état de plus de trois cents auditeurs externes60. S’il est difficile d’en dire plus sur le contenu de ces enseignements, la même source indique l’organisation d’activités théâtrales qui constituent, dans la pédagogie de la Compagnie, le prolongement actif de ce qui s’enseigne dans les classes de lettres : une tragicomédie qui met en scène la lutte de l’Église catholique contre l’hérésie musulmane61, manière inattendue de voir l’Afrique surgir entre Europe et Amérique. Le texte de cette composition, comme beaucoup d’autres de ce genre, est sans doute perdu, mais le témoignage rend compte de l’importance du changement de style introduit par la Compagnie, et Le Noci en particulier, dans les pratiques culturelles de la Nouvelle-Espagne. Deux ans plus tard62, cette structure en cinq classes semble maintenue, qui correspondent à quatre cours, trois en grammaire et un en rhétorique. On précise en outre que les étudiants en grammaire ne se contentent pas d’apprendre, mais qu’ils commencent aussi à composer, ce qui donne lieu à des manifestations publiques régulières. Celles-ci sont aussi animées par les étudiants en rhétorique :
Rhetorici vero hoc anno octavo quoque die aut panegyrica carmina proprio marte conscripta, aut orationem aliquam in alicuis sancti festum ab ipsimet copsoitam audientibus aliis scholasticis mira dexteritate egerunt. Binis quibus mensibus peractis duo orationes, proposito aliquo themate ac quaestione ab alio […] utrinque eleganter simul ac eloquenter declamare soliti sunt63.
29De longues descriptions d’une autre tragicomédie représentée devant les plus hautes autorités, tant civiles que religieuses et culturelles, témoignent du dynamisme de la Compagnie sur le terrain des lettres, conformément aux attentes qu’elle avait suscitées. En mars 1580, le cours d’humanités est stabilisé64 à cinq classes correspondant à cinq niveaux différents d’enseignement, et les exercices publics de rhétorique sont tellement entrés dans les pratiques que la relation annuelle n’y consacre plus qu’une brève mention65. L’ordre romain des humanités aurait ainsi pris pied dans le Nouveau Monde.
III. — DES ENSEIGNEMENTS ET DES LIVRES
30Pourtant, de cette histoire, on peut écrire sinon une autre version, du moins un autre épisode, qui invite à souligner les obstacles rencontrés par l’ordre colonial, voire à regarder la mise en place de cet ordre selon des perspectives plus nuancées :
El padre Vincentio me escrive que desearia allá una buena biblioteca de libros de humanidades; y, como esto es necessario, si no la tienen ally, V.R. vera de consolarle, dando orden al Padre Esquival, al qual yo he eligido por procurador de las Indias, que se los embye quanto mas presto pudiere; y esto dara anima y approvechara para los estudios de latinidad, assi como arriba he dicho66.
31Mettre en place un enseignement, notamment en humanités, ne pose pas seulement la question des hommes ou des contenus, mais aussi celle des conditions matérielles des cours, a fortiori quand le public concerné est large (ce qui n’est pas systématiquement le cas des étudiants des cycles supérieurs). La question des livres apparaît avant même l’ouverture des classes, comme le suggère une des premières occurrences de ce thème dans le récit fait par le visiteur Juan de la Plaza à Mercurian de la première expédition en direction du Mexique. À propos de l’envoi des premiers hommes et du premier matériel, il écrit :
Los libros se perdieron todos: Constituciones, reglas, oficios y los libros de la vida de nuestro Padre Ignatio […]. Para Mexico aquí quedaron algunas Constituciones, las quales se enbiaran aora. Con la primera comodidad, convenía que V.P. nos embiasse libros de Constituciones, reglas impresas de oficios y de la vida de nuestro Padre Ignatio. Que, si nuestra partida fuere antes que llegan, tomaremos prestados de los collegios desta provincia los mas que pudiéremos ; porque es la cosa que allá mas les consolara67.
32On comprend ici que les livres envoyés et perdus sont ceux qui accompagnent l’activité de catéchèse et de gouvernement. Ce n’est qu’avec la demande de Le Noci que la question des livres d’enseignement est soulevée. La faible capacité de réponse de Rome, ou de Madrid, est notoire comme le souligne la deuxième réponse envoyée par Mercurian aux hommes de la province du Mexique, le 12 mars 157668 :
Entendemos ay en el colegio de Mexico harto gran falta de libros; la qual no es pequeña; y será de aquí adelante aun major, si no se provee con tiempo; porque, en fin, sin libros, muchos y buenos, no se pueden bien hacer los mas ministerios de nuestra Compañía. Por eso, deseo mucho, V.R. provean esto con toda la diligencia que le fuere posible; y parece que el medio mas a propósito será, que imbien una buena suma de dineros al Padre procurador de las Indias en Sevilla, con la lista de los libros que fueren necesarios; el qual les hará proveer en Anveres, de todo lo necesario, con mucha comodidad; y entre otros, de unas gramáticas del Padre Alvarez, y de la filosofía del P. Toledo, los quales segun entiendo, seria muy bien se leyesen por alla.
33La solution proposée n’est pas immédiate, elle dessine des routes longues, coûteuses et peu sûres, et qui, en tout état de cause, ne permettent pas de répondre aux besoins du moment. La seule décision immédiate est d’envoyer la grammaire d’Alvarez et le commentaire d’Aristote par Toledo69. Quelques jours plus tard, une seconde lettre de Mercurian au provincial Pedro Sánchez reprend ce thème, presque dans les mêmes termes70.
34Ces échanges permettent de faire un premier point sur les problèmes qui se posent au collège, après un an de fonctionnement et avant l’ouverture des classes supérieures.
35Comment faire face aux demandes réitérées de Vincenzo Le Noci, qui pose à nouveau le problème deux ans plus tard : si sa lettre a elle aussi été perdue (elle datait du 24 octobre 1576), la réponse de Mercurian, datée du 20 juin 1577, est claire sur la question qui était soulevée :
De los libros de humanidad que V.R. demanda de aqui de Roma, no se puede hazer provisión sino con gran costa y dificultad. Escrivese al procurador de esas partes, que esta en Sevilla, ponga diligencia de hazer dicha provisión por vía de Flandes, que es la mas fácil de todas71.
36Dans cette expression d’un besoin de livres pour le Nouveau Monde, point d’exception jésuite : dans des contextes comparables, la même question s’était posée pour d’autres représentants d’institutions religieuses — et on supposera aussi pour des institutions civiles —, sans parler des particuliers eux-mêmes72.
37En attendant une étude comparée, on peut indiquer ici que la stratégie qui se dessine pour la Compagnie s’appuie sur les ressources internes : il faut passer par le procurateur de la province à Séville, lui-même en contact avec la Casa de la Contratación, c’est-à-dire renvoyer la responsabilité à l’échelon de l’assistance. Cette échelle fait immédiatement ressortir la place d’Anvers comme un des hauts lieux de la librairie européenne, mais dans une logique fortement géopolitique, la Flandre étant une province espagnole73. Au plan intellectuel, il semble cependant bien que le débat se situe directement entre Rome et Mexico, que les questions qui concernent les livres sont débattues à ce niveau. Rome apparaît comme le décideur, avec d’autant plus de force que les choix de la Compagnie ne sont pas encore fixés, ou du moins sujets à débat, même si certains auteurs, Alvarez ou Toledo explicitement cités, font déjà l’objet d’un consensus à travers les différents collèges de l’Europe74.
38La confrontation avec d’autres documents indique pourtant que, en 1577, une autre solution est trouvée à l’échelon provincial, voire local : faire imprimer, avec l’autorisation du vice-roi, sur les presses d’Antonio Ricardo75, l’œuvre de Toledo ainsi qu’une liste de livres nécessaires pour les premiers cours. C’est sans doute dans le livre de Toledo publié en 1578 que Le Noci a fait insérer le texte de Maurolico. Reste que, au-delà de cette parution pour le moins peu ordinaire, le volume présente une autre spécificité.
39Il s’ouvre sur l’imprimatur accordé par le vice-roi, qui, au-delà de sa nature juridique, déploie un programme politique :
Don Martin Enriquez viso rey Governador i capitán general por su Magestad en esta nueva España y Presidente del Audiencia Real que en ella reside &c. Por quanto por parte del Provincial de la Compañía del nombre de Iesus, se me ha hecho relación, que en los Estudios conviene y es necesario aya copia de libros para los estudiantes que comúnmente se leen porque por falta dellos no se estorue el bien commun que dellos se sigue. Y me pidió mandase dar licencia a Antonio Riccardo Piamontes impresor, para que pudiese imprimir los pedaços que la Compañía dixere ser necesarios cada año para los estudiantes, y que los que al presente se podian imprimir eran los siguientes. Fabulas, Caton, Luys Vives, Selecta de Ciceron, Bucolicas de Virgilio, Georgicas del mismo, Summulas de Toledo y Villalpando, Cartillas de doctrina cristiana, libro quarto y quinto del padre Alvarez de la Compañia, Elegancias de Laurencio Valla, y de Adriano, algunas Espistolas de Ciceron, y Ovide de Tristibus e ponto, Michael Verino, versos de S. Gregorio Nazianzeno, con los de f. Bernardo, officios de f. Ambrosio, Selecta de sant Hieronymo, Marcial Purgado, Emblemas de Alciato, Flores poetarum, y otras cosas menudas como tablas de ortografía y de rethorica. Y por mi visto attento à lo susodicho, por la presente doy licencia al dicho Antonio Riccardo impressor, para que libremente el y no otra persona pueda imprimir los dichos pedaços de libros arriba declarados, por tiempo de seys años, corrigiéndolos cada vez el dicho Provincial con los originales de la primera impression. Y mando que en ello no se le ponga ambargo ni impedimento alguno. Fecha en la ciudad de Mexico, a xvj. Dias del mes de Febrero de 157776.
40Ce document doit retenir notre attention à plus d’un titre : il témoigne en premier lieu d’une discussion et de son résultat, où les acteurs ne sont plus seulement internes à la Compagnie et engagés dans un rapport hiérarchique où la périphérie se trouve inféodée au centre. Un autre espace de négociation et d’action est dessiné, local, où des interlocuteurs civils interagissent avec les pères jésuites. Ils viennent rappeler l’inscription de l’entreprise missionnaire dans le cadre colonial ainsi que l’urgence de la question posée par Le Noci. Car, et c’est le second point, bien plus qu’une autorisation d’ordre administratif, ce texte dessine bel et bien un programme éditorial destiné à accompagner une politique culturelle susceptible d’assurer les bases d’une formation en humanités en milieu novo-hispanique, formation dont la responsabilité revient à la seule Compagnie. Il s’agit d’un programme sur lequel les deux parties sont d’accord, sur la base d’intérêts communs. La licence du vice-roi indique un horizon qualitatif que l’action des autres agents culturels présents dans la ville ou que l’imprimerie au Mexique n’avaient pas été capables de combler jusqu’alors.
41Certes, comme le rappelle, avec un rare sens de la synthèse, I. Leonard commentant un ordre d’achat de livres pour Mexico datant de l’année précédente, on s’inscrit ici dans un nouvel âge de l’histoire de Mexico, à l’issue d’un demi-siècle de présence coloniale, d’une peste terrible qui avait éliminé deux millions d’Indiens, à un moment où les derniers témoins de la conquête cédaient le pas à la nouvelle génération de leurs descendants, qui ne connaissaient ni l’Espagne, ni la guerre coloniale77. En ce sens, on peut identifier dans ce document comme une reconnaissance du tournant politique de la vice-royauté et une confirmation de la mission propre assignée aux jésuites, puisque l’imprimatur ainsi libellé met un veto sur l’édition par tout autre imprimeur et éditeur (Ricardo et la Compagnie) de ces textes qui représentent la quintessence de l’humanisme littéraire catholique post-tridentin. Un espace réservé est ainsi constitué, par lequel la Compagnie est distinguée des autres agents de la vie culturelle mexicaine et en particulier des autres ordres religieux : elle est là pour éduquer une nouvelle génération d’Européens.
42On ne développera pas ici une analyse exhaustive du paysage éditorial dans lequel s’inscrit ce projet car, au-delà des difficultés matérielles qui se lisent entre les lignes, les sources indiquent aussi une importante circulation de l’imprimé à Mexico et certaines bibliothèques particulières, qui ont déjà fait l’objet d’études spécifiques, témoignent de la présence active de la culture européenne, classique le plus souvent, à travers l’imprimé78.
43Entre édition locale — sur ce plan, les presses américaines ont joué un rôle fondamental, avec la fondation de l’imprimerie de Mexico en 1535, suivie de celle de Manille en 1539, puis de celle de Lima en 1583 — et importation, il existe bien un marché mexicain du livre, qui depuis longtemps attire l’attention des historiens. Grâce aux travaux toujours pionniers de J. Garcia Icazbalceta, on peut établir le profil des impressions engagées à Mexico pour l’ensemble du xvie siècle, soit à partir de 1535 : le nombre des titres publiés sur l’ensemble de la période s’élève à cent soixante-dix-neuf et si Francisco de Toledo79 est bien le premier auteur jésuite, publié en 1578, soit six ans à peine après l’entrée de la Compagnie à Mexico, il est à la fois le deuxième à être sorti des presses du collège et loin d’être le premier philosophe.
44Ce dernier point appelle un commentaire sous forme d’hypothèse : le marché est sans doute fortement alimenté par l’existence d’un monde universitaire, et le livre de Toledo vient sans doute tenter de concurrencer l’influence qu’exerce, depuis les deux décennies précédentes, l’université de Mexico sur le terrain de l’humanisme philosophique80. Ici, c’est le rôle prépondérant de l’augustinien Alphonse de la Vera Cruz (1507-1584) qu’il convient de souligner : formé à Salamanque, notamment par Francisco de Vitoria, c’est aussi là qu’il commence sa carrière de professeur, avant de rejoindre la Nouvelle-Espagne. Actif dans la fondation de l’université de Mexico, il devient aussi son premier professeur en donnant un cours sur la théologie de saint Thomas et sur les Épîtres de saint Paul. Et c’est bien cette fonction enseignante qui le conduit à occuper l’espace éditorial mexicain d’abord, espagnol ensuite81. La Physica Speculatio de 155782 correspond à une édition de la Sphère de Campanus, qui complète le commentaire du De Caelo. Cette édition précède celles de la Recognitio summularum (1554), de la Dialectica Resolutio (même année), du Speculum coniugiorum (1556). Lorsqu’il regagne le Mexique en 1573, après un séjour de dix ans en Espagne, Vera Cruz rapporte soixante caisses de livres, qui constitueront le fonds de la bibliothèque du collège de San Pablo, qu’il fonde à Mexico en 1575, au moment même où la Compagnie ouvre les portes de son nouveau collège83. La concomitance des dates aidant, il paraît possible de lire l’opération éditoriale lancée par les jésuites dès 1578 comme le signe d’une entrée en concurrence sur le marché universitaire84 : humanités et philosophie sont les deux pierres d’angle de cette entreprise de conquête du public étudiant.
45Les autres publications d’origine jésuite permettent-elles de renforcer cette hypothèse ? Rapportée à l’ensemble du catalogue imprimé mexicain, la présence jésuite se révèle limitée, au plan non seulement quantitatif, mais aussi qualitatif : la description complète du catalogue du collège comporte la publication, dès 1577, des Emblemas d’Alciate, et des poèmes d’Ovide85. L’année suivante, outre Toledo et Maurolico publiés en un même volume, sort des presses de Ricardo le récit de l’arrivée à Mexico des reliques envoyées par Grégoire XIII86. Dans le même temps est imprimé le De constructione octo partium orationis, P. Emmanuelis Alvari Lusitani e Societate Iesu87, suivi en 1584 de sa Gramatica latina88. C’est en 1594 que paraît le De institutione grammatica. Libri tres, sorti des presses de Pedro Ocharte89. Avant la fin du siècle sont aussi publiés la grammaire nahuatl d’Antonio del Rincón, l’Arte Mexicana90 — un texte qui arrive bien après un grand nombre d’ouvrages sur les langues indiennes, ainsi que des textes religieux dans ces mêmes langues indiennes, et des catéchismes en particulier — et un recueil d’éloges de Juan Arista91.
46Cette rapide esquisse du catalogue jésuite permet de revenir, une nouvelle fois, sur le document vice-royal de 1577, et de le lire comme un soutien à la présence jésuite dans la vie intellectuelle de la capitale de la Nouvelle-Espagne ; confronté à la liste que l’on vient de dresser, il indique comme un échec dans sa réalisation. Il est aussi frappant par la part qu’il fait aux humanités, sans doute bien plus qu’aux autres apostolats de la Compagnie ou qu’à la philosophie pour laquelle il existe presque déjà une tradition locale. En d’autres termes, et jusque dans sa confrontation avec les réalisations, il vient reconfirmer, si besoin était, que la principale raison de l’appel aux jésuites et du soutien vice-royal à leur activité éducative est liée à l’introduction des classiques, moins dans l’horizon mexicain en général, que dans la culture des descendants des conquérants.
IV. — ÉPILOGUE
47En 1604, soit trente ans après l’arrivée des premiers jésuites au Mexique, à un moment où l’activité enseignante de la Compagnie est stabilisée, le collège de la capitale publie un nouvel ouvrage, Illustrum Autorum collectanae ad usum studiosae iuventutis facta, per congregationem beate Mariae Virginis Annuntiatae autoritate […] in Latinis Rhetoricisque ; Gymnasiis Collegii Mexicani Societatis Iesu92. Dans l’imprimatur signé du vice-roi, qui accompagne la publication, on peut lire :
Por quanto Francisco de la Escalante, prefecto de la congregacion de la Anunciata, que por autoridad apostolica esta fundada en los estudios de latinidad y retorica del colegio de la Compania de Jesus desta ciudad de Mexico, me ha hecho relacion que la juventud que en estos reinos estudia latinidad y retorica padece grande incomodidad y trabajo, con mucho menoscabo de su aprovechamiento en las letras y detrimento notables de las buenas costumbres, asi porque que ha menester de los libros para su enseñanza esta esparcido y derramado o diversos y varios autores y a muchas costa, aun no se alla suficiente copia para todos los estudiantes, de cada uno de los muchos libros que les son necesarios tienen juntamente con lo que es util y bueno, mescladas palabras y conceptos lascivos y viciosos qua dañan e inficionan el alma y estrangan la buenas costumbres93.
48Cette publication est contemporaine de Solutae orationis fragmenta ad usum studiosae iuventutis, per Congregationem B.M.V. annuntiatae autoritate Apostolica institutam in latinis et rhetoricae gymnasiis Collegii Mexicani Societatis Iesu94. Il s’agit, comme leur titre le précise, de deux manuels destinés à l’enseignement des humanités au collège de Mexico, publiés sous l’égide de la congrégation de l’Annonciation95. Le premier est une compilation de manuels de rhétorique. Il se compose de plusieurs titres : le De recte latini sermonis structura et ordine, du Français François Du Bois (Franciscus Sylvius), professeur d’éloquence au collège de Tournai à Paris au début du xvie siècle, le Liber de conscribendis epistolis du jésuite Bartolomé Bravo96, l’Index epistolarum familiarum de Paul Manuce, les Progymnasmata ex Rhetoribus Institutionibus de Pedro Juan Núñez97, le Compendium rhetoricae d’un autre jésuite, Cipriano Suárez98, et le De optimo genere poematis, un autre texte de Bartolomé Bravo. Le second est une anthologie de textes classiques, destinée à offrir une sélection de passages des meilleurs auteurs classiques en prose : Cicéron, les Fables d’Ésope à partir de la traduction latine de Lorenzo Valla, César, Salluste, Quinte-Curce, Valerius Maximus99.
49Ces deux publications se situent clairement dans le prolongement de l’imprimatur de 1577, réactualisé par celui de 1604 : elles constituent le terminus ad quem de la politique culturelle lancée par le vice-roi Don Martin Enriquez de Almanza.
50À trente ans de distance, on est frappé par la récurrence des arguments : c’est toujours la question de la difficulté de l’apprentissage des humanités en rapport avec la rareté des livres nécessaires aux cours qui est au cœur de la décision de publier ; c’est aussi à la question des bonnes manières (« buenas costumbres ») qu’est associé son enseignement. Ce second point est souligné dans la licence de 1604 en termes de bonnes ou mauvaises éditions, qui mélangent mots et concepts vicieux qui font du tort à l’esprit et détournent des bonnes manières. Comme si ce qu’enregistrait le texte de 1604 par rapport à celui de 1577 était la possible circulation de mauvais livres en ce début de xviie siècle, par opposition à leur rareté au moment de l’arrivée de la Compagnie. Discipliner les élites urbaines reste l’objectif majeur de cet investissement culturel. De fait, les deux livres offrent une sélection de textes modernes, des anciens aussi, des classiques revisités et purifiés100.
51Mais en 1604 cette double édition obéit aussi à un second impératif, sans le contredire, celui de l’ordre interne nouveau qui a été fixé pour les études, à travers l’adoption de la version définitive, depuis 1599, de la Ratio Studiorum. Après presque un demi-siècle de débats internes101, la distribution de l’étude des auteurs latins et grecs entre les différentes classes qui constituent le cycle des humanités est enfin fixée : la Rhétorique de Cicéron et la Poétique d’Aristote dans la classe de rhétorique, qui s’occupe principalement de trois objets fondamentaux, les préceptes oratoires, le style et l’érudition102 ; César, Salluste, Tite-Live, Virgile, certains des discours de Cicéron pour la classe d’humanités103. C’est par Cicéron que commencent, d’après la Ratio, les premiers enseignements, et plus précisément par ses lettres Ad Familiares, Ad Atticum, Ad Quintum Fratrem, suivies de ses traités De Amicitia, De Senectute104. Mais d’autres auteurs sont convoqués, toutes classes confondues105. Le versant grec de cette formation est constitué par un aréopage qui embrasse les auteurs pris entre Hésiode (viiie-viie siècle av. J.-C.) et saint Jean Chrysostome (347 ?-407)106.
52À cet égard, le texte de la Ratio Studiorum est globalement plus ambitieux que sa traduction mexicaine en termes d’entreprise éditoriale, car il doit rendre compte de la réappropriation de l’héritage antique dans le cadre d’un humanisme à l’échelle de la chrétienté. Mais, rapporté au contexte de Mexico, le programme de 1577 apparaissait non seulement ambitieux et hardi — la difficulté de sa mise en œuvre en constitue une preuve — mais il était aussi précoce comparé aux projets jésuites des grandes capitales de l’Ancien Monde. On y notait en outre les interstices dans lesquels venaient se glisser les références à une culture espagnole107. La mention de Luis Vivès108 est d’autant plus intéressante que son introduction à Mexico est due à Francisco Cervantes de Salazar, qui fut le premier à occuper la chaire de rhétorique de l’université de Mexico et éditeur d’un commentaire aux Dialogues de l’humaniste espagnol, les Commentaria in Ludovici Vives Exercitationes Linguae Latinae, publiés en 1554, dans la capitale de la Nouvelle-Espagne, chez l’imprimeur Juan Pablos109. Il faut attendre les deux publications impulsées par le collège jésuite en 1604 pour que les références ibériques et internes se multiplient, non pas qu’elles soient exclusives, mais elles deviennent prépondérantes, notamment avec Pedro Juan Núñez, Cipriano Suárez ou Bartolomé Bravo. Elles disent le lien privilégié avec la péninsule Ibérique, en fonction d’une dynamique de participation active de la Compagnie de Jésus à la réforme de l’éducation des élites, à une échelle qui n’est pas systématiquement celle de l’ordre. Ces références disent ainsi une logique de circulation des références qui jouent de la variabilité des espaces de communication et de négociation. C’est pourquoi il me semble qu’au total les deux volumes sortis des presses du collège jésuite de Mexico en 1604 représentent davantage le résultat d’un investissement à long terme des agents locaux, que l’entrée du Mexique dans la norme énoncée depuis la curie généralice. Le travail d’enracinement local engagé dès la première génération, en fonction d’une configuration sociale et politique précise, a déterminé l’agenda éditorial sans doute négocié par Le Noci et ses compagnons, puis mis en œuvre par leurs successeurs.
53L’implantation de la Compagnie de Jésus à Mexico coïncide avec l’arrivée des humanités pour les élites urbaines d’origine espagnole. Une arrivée qui n’innove pas sur l’objet mais sur la cible, à l’heure où, la conquête s’achevant, commence l’installation. L’agenda de la Couronne espagnole vis-à-vis de sa colonie s’intéresse autant aux Indiens qu’aux descendants des conquérants : par la Compagnie, ils sont rappelés aux valeurs et manières de leurs ancêtres, les Anciens, par lesquels le lien avec la métropole reste possible. C’est du moins ce que suggère la lecture du lent déploiement des classes d’humanités à Mexico dans les dernières décennies du xvie siècle : un détour par les Antiques païens pour entrer dans la modernité d’un monde où le Nouveau peut se mesurer à l’Ancien110.
Notes de bas de page
1 Sur la genèse de la Ratio, L. Lukács, « De origine collegiorum externorum » ; D. Julia, « Généalogie de la Ratio Studiorum » ; D. Julia et Demoustier A. (éd.), Ratio Studiorum. Plan raisonné et institution des études ; E. Ganty, M. Hermans et P. Sauvage (éd.), Tradition jésuite et pratique pédagogique. Sur les généralats de Borgia et Mercurian, Monumenta Historica Societatis Iesu. Sanctus Franciscus Borgia quartus Gandiae dux et Societatis Iesu praepositus genenralis tertius, 5 vol., Madrid, IHSI, 1894-1911 ; Th. M. Mc Coog (éd.), The Mercurian Project.
2 Cette question est au cœur de P. Broggio, F. Cantù, P.-A. Fabre et A. Romano (éd.), I gesuiti ai tempi di Claudio Acquaviva. Mais reste de première importance M. de Certeau, « La réforme de l’intérieur ».
3 Sur les relations de la monarchie espagnole et de la Compagnie pendant cette période, voir R. García Cárcel, « Las relaciones de la monarquía de Felipe II », et notamment les pp. 235-239, précisément consacrées aux années 1573-1591 ; J. Martínez Millán, « En busca de la ortodoxia » ; Id., « Transformación y crisis de la Compañía de Jésus (1578-1594) » ; Id., « La trasformazione della Monarchia hispana alla fine del xvi secolo ». Sur le contexte colonial plus général, parmi d’autres, voir J. H. Elliott, The Old World and the New ; Id., Spain an its world.
4 On doit, sur ce point, renvoyer à l’étude classique de R. Ricard, La « Conquête spirituelle » du Mexique.
5 Il existe une abondante littérature mexicaine sur « l’humanisme » de la Nouvelle-Espagne. Il n’est pas possible ici d’en proposer une analyse exhaustive, qui serait pourtant nécessaire. Je me contenterai de souligner qu’elle se déploie entre les deux paradigmes, complémentaires mais distincts, de la « culture humaniste » et des « humanités », la première plus centrée, notamment avec les travaux de M. Beuchot, sur ses fondements philosophiques, et la seconde plus intéressée à la circulation des « classiques » dans le monde américain, selon une perspective développée par I. Osorio Romero (voir infra les références plus précises à leurs travaux). C’est sur ce second versant que s’articule cette contribution, en fonction de l’organisation disciplinaire en cours dans le cadre des systèmes d’enseignement européens de la Renaissance.
6 Sur le besoin de références théoriques pour le développement des enseignements, voir la quatrième partie des Constitutions, dans Ignace de Loyola, Écrits, pp. 470-514, et A. Romano, « Pratiques d’enseignement et orthodoxie intellectuelle ».
7 Ce dont témoigne encore largement, indépendamment de ses qualités, la remarquable synthèse de J. O’Malley, S. J., The First Jesuits, pp. 200-242, ou les grands travaux collectifs organisés sur ce thème, L. Giard (éd.), Les Jésuites à la Renaissance ou G. P. Brizzi et R. Greci, Gesuiti e Università in Europa, ou encore les contributions singulières, comme celles de D. Julia, « Entre universel et local », et L. Giard, « The Jesuit College ». Parmi les dernières monographies publiées, voir, à propos de l’Italie, M. Turrini, Il « giovin signore » in collegio et P. Grendler, The University of Mantua. Ce dont témoigne aussi l’édition, par L. Lukacs, des Monumenta Paedagogica Societatis Iesu, dont le volume consacré aux textes émanant des congrégations provinciales, en vue de la préparation de la Ve congrégation générale qui fixe, en 1599, la version définitive du texte, ne publie aucun des textes provenant des régions extra-européennes, renvoyant le cas échéant aux rares textes publiés dans la série des sources publiées elles aussi par l’Institutum Historicum Societatis Iesu, sur les provinces missionnaires. Il convient de rappeler ici que la narration, par la voix institutionnelle, des conditions d’émergence de l’apostolat enseignant et de son organisation revient à Antonio Possevino. Dans son ouvrage encyclopédique, Bibliotheca selecta de ratione studiorum, ad disciplinas, et ad salutem omnium entium procurandam, dont la première édition remonte à 1593, Possevino consacre le premier livre, Coltura degl’ingegni […] nella quale con molto dottrina, e giuditio si mostrano li doni che negl’ingegni dell’huomo ha posto Iddio, la varietà, e inclinatione loro, e di dove nasce, e comme si conosca, li modi, e mezi d’essercitarli per le discipline, li rimedii agl’impedimenti, i coleggi, e università, l’uso de’buoni libri, e la corretione de’cattivi, à une réflexion générale sur l’éducation. Au chapitre xxx de ce « manifeste éducatif jésuite », Diligenza che si uso in istabilire il modo de studi, de’Collegi della Compagnia di Giesu, Possevino raconte le processus de rédaction de la Ratio Studiorum, présentant notamment les membres de la commission désignés par Acquaviva pour mener à terme ce chantier : Juan Azor d’Espagne, Gaspar Goncalves du Portugal, Jacques Tyrius, Écossais en provenance de France, Pierre Busée d’Autriche, Antoine Guisano de Germanie Supérieure, Stephane Tucci de Rome. À la seule vue de cette liste, on mesure le poids des provinces européennes dans le processus d’élaboration normative.
8 Dans le cadre limité, mais représentatif au même titre que d’autres, des travaux centrés sur la Compagnie de Jésus, cette tendance a alimenté une puissante veine d’étude, qui a favorisé l’étude des grandes figures, Clavius, Acosta, Ricci ou Kircher, pour ne citer que les plus fameux. Un point critique sur cette tendance historiographique, D. Ramada Curto, « The Jesuits and Cultural Intermediacy » ; A. Romano, « L’universalismo della missione cattolica ».
9 F. de Dainville, Les Jésuites et l’Éducation, pp. 210-218 ; Id., « L’explication des poètes », dans L’Éducation des jésuites ; G. Codinar Mir, Aux sources de la pédagogie jésuite, particulièrement pp. 298-320 ; F. Zubillaga, « Las humanidades », et particulièrement, pp. 330-332.
10 Je dis « disciplinement » par référence à une double tradition : foucaldienne, d’une part, posée dans M. Foucault, Surveiller et punir, comme reformulation et extension du champ du discours à celui des pratiques, et M. Foucault, L’Ordre du discours (ici, le passage à l’écrit ou la mise en écriture jouant comme le registre majeur de la mise en surveillance) ; celle qui, d’autre part, s’est développée autour de P. Prodi et de ses collègues allemands, dans le cadre de leurs analyses sur réforme et contreréforme : voir notamment P. Prodi, Disciplina dell’anima. Mais la question de l’imposition de l’ordre, fût-il celui du discours, prend, dans la relation entre Europe et Nouveau Monde, une dimension sinon différente, du moins spécifique, selon l’analyse ouverte par M. de Certeau, L’Écriture de l’histoire et tout particulièrement pp. 3-5. Cette analyse a contribué à alimenter la critique post-coloniale de l’ordre du discours en pointant avec force la dimension eurocentrique de tels processus, comme on en trouvera ici un nouvel exemple.
11 Parmi de nombreux exemples, voir M. Fumaroli, L’Âge de l’éloquence.
12 Les travaux qui se sont occupés de cette question, en particulier dans le cadre des subaltern studies dans leur version hispano-américaine, ont déjà mis au jour, sur un mode parfois polémique, la richesse et les enjeux, y compris contemporains de la question : voir W. D. Mignolo, « The Darker Side », pp. 826-828, pour la bibliographie telle qu’elle se dessinait au milieu des années 1990. Dans des perspectives historiographiques différentes, et selon des agendas de recherche distincts, certains travaux se sont penchés sur le métissage culturel né de la rencontre des cultures, et sur ce versant la référence est au travail pionnier de S. Gruzinski, La Colonisation de l’imaginaire ; on a aussi cherché à lire, dans les récits de la conquête, l’empreinte du modèle gréco-romain de l’écriture de l’histoire : voir D. A. Lupher, Romans in a New World ; S. MacCormack, On the wings of time. Enfin, dans la lignée d’une réflexion centrée sur l’histoire de l’historiographie, voir les stimulantes analyses de F. Hartog, Anciens, modernes, sauvages.
13 On pense particulièrement ici à J. Sánchez Baquero, Fundación : cet ouvrage constitue la version publiée d’une des premières chroniques rédigées par les hommes de terrain sur l’installation au Mexique. Son titre précis est Relacion breve del principio y progreso de la provinca de Nueva España de la Compañia de Jesus. Sur ces textes, voir A. Churruca Peláez, Primeras fundaciones ; C. Diaz y de Ovando, El Colegio Máximo.
14 Dans la bibliographie sur la Compagnie de Jésus et l’enseignement en Nouvelle-Espagne, voir entre autres, J. V. Jacobsen, Educational Foundations ; X. Gómez Robledo, Humanismo en el siglo xvi ; I. Osorio Romero, Colegios y profesores jesuitas ; P. Gonzalbo, La educación popular de los jesuitas ; plus général, Id., La educación de los criollos ; Id., Historia de la educación en la Época Colonial. Pour une analyse du monde lettré, voir M. Chocano Mena, La fortaleza docta, dont l’optique n’est cependant pas celle de l’enseignement supérieur.
15 C’est au Centro de Estudios Sobre Universidad (UNAM) que revient cette double impulsion de la recherche. Parmi les résultats les plus importants de la recherche collective, on signalera : La Real Universidad de México ; Claustros y estudiantes ; Doctores y escolares ; Aulas y saberes ; Tan lejos, tan cerca ; E. González y González (éd.), Estudios y estudiantes de filosofia.
16 Sur la ville elle-même, S. Gruzinski, Histoire de Mexico, pp. 223-253, 255-291 ; sur les espaces urbains comme villes-mondes, L. Roberts, « Situating science in global history » ; A. Romano et S. Van Damme, « Sciences et villes-mondes ».
17 En ce sens, les situations chinoise et japonaise sont radicalement différentes.
18 Voir notamment J. Martínez Millán, « En busca de la ortodoxia ». Pour une présentation détaillée et plus narrative, L. Lopetegui et F. Zubillaga, Historia de la Iglesia en la América española. Sur l’un des principaux acteurs de cette politique, le président du Consejo de Indias, Juan de Ovando, voir S. Poole, Juan de Ovando. Voir aussi l’abondante bibliographie sur le vice-roi du Pérou Francisco de Toledo, en particulier sur ses rapports conflictuels avec le provincial du Pérou, José de Acosta, dont A. Coello de la Rosa, « Más allá del Incario » offre une bonne bibliographie.
19 On notera au passage que ce document souligne la nécessité de fonder des collèges et séminaires dans les provinces des Indes, facilitant par là même l’arrivée des jésuites.
20 Parmi les dernières recherches consacrées à la question du gouvernement des hommes au sein de la Compagnie, voir M. Friedrich, « Communication and Bureaucracy » ; Id., « Government and Information ».
21 Ces différentes sources, conservées en majorité à Rome, ont fait l’objet de programmes de publication dans le cadre de l’IHSI : la série des Monumenta Mexicana, édités par F. Zubillaga, qui inclut aussi des sources externes, constitue ici notre principal point d’appui. Elle se compose à ce jour de 8 tomes, correspondant aux années 1570-1605, publiés entre 1956 et 1991 (dorénavant cités MM, suivi du numéro du tome concerné).
22 MMI, doc. 1, p. 2.
23 MMI, doc. 25, p. 71 : P. Sanchez (provincial) à Mercurian (général), Mexico, le 8 mars 1573.
24 C’est ensuite, avec la fondation de l’Université, que s’ouvre la chaire de rhétorique, attribuée au latiniste Cervantes de Salazar. Voir M. Mathes, Santa Cruz de Tlatelolco ; T. Herrera Zapién, Historia del humanismo mexicano, pp. 16-65. Le travail le plus important reste celui de I. Osorio Romero, La enseñanza del latín a los Indios. Pour une présentation synthétique da la tradition classique en Amérique Latine, A. Laird, « Latin America ».
25 Voir A. G. Garibay, Historia general.
26 Voir, tout particulièrement, S. Gruzinski, La Pensée métisse, chap. vi, « Ovide mexicain », sur les élites amérindiennes et leur culture classique.
27 Dès la première lettre adressée par le provincial au général, ce contexte de concurrence intellectuelle est posé, sans être jamais évoqué tel quel, comme l’indique la narration de l’invitation faite aux jésuites de participer aux disputes organisées au sein de l’Université : MMI, doc. 25, pp. 71-72.
28 Ainsi s’exprime l’archevêque Pedro Moya de Contreras dans une lettre adressée à Juan de Ovando, président du Conseil des Indes : « Y, como en estas partes ay mucha ignorancia… », après avoir insisté sur la nécessité de faire venir d’autres jésuites « y entrellos personas de letras » (MMI, doc. 28, p. 78). Ces jugements négatifs doivent être mis en relation avec le tournant, évoqué ci-dessus, pris par la monarchie espagnole en termes de projet politique pour ses terres d’Amérique et de renversement de ses alliances au sein de l’Église catholique. Il est cependant saisissant de constater à quel point l’historiographie est restée compartimentée en termes de chronologie et d’objets, les spécialistes des franciscains s’occupant de leurs héros, comme les spécialistes des augustiniens ou des jésuites, ou ceux des hommes de savoir laïcs, contribuant tous à une approche hagiographique et fragmentée de cette histoire intellectuelle et institutionnelle de l’Amérique espagnole. On soulignera d’autant plus l’effort de clarification fait par l’historien X. Gómez Robledo, Humanismo en el siglo xvi, pp. 38-39.
29 MMI, p. 4 : « Y tenemos deseo que también vayan a la Nueva Spagna a se ocupar en lo susodicho algunos de los dichos religiosos, y que allí se plante y se funde la dicha orden, con que esperamos será nuestro Señor servido, por el bien común que dello redumbdara en la conbersión y doctrina de los dichos yndios ; vos rogamos y encargamos que luego señaléis y nombréis una dozena de los dichos religiosos, que sean personas de las letras, suficiencia y partes que os paresciere ser nescesario para que pasen y vayan a la dicha Nueva España a se ocupar a residir en ella en lo susodicho… » Le même argument est repris dans la lettre qu’il adresse au général Borgia du 4 mai 1571 (MMI, p. 5) : « Que fuesen a algunas partes de las nuestras Indias a entender en la instrución y conversión de los naturales… »
30 MMI, doc. 4, pp. 7-9. Pedro Sánchez, de la province de Tolède, profès des quatre vœux, nommé provincial de la Nouvelle-Espagne, devait emmener avec lui le premier groupe de quinze jésuites vers cette région : huit pères, trois novices étudiants et quatre coadjuteurs, tous espagnols, arrivés ensemble à Séville en novembre 1571, en partirent en août 1572 pour atteindre Mexico un mois plus tard.
31 MMI, doc. 13, pp. 22-29, première instruction de Borgia adressée au provincial. Voir en particulier : « Acceptese solamente por el principio un collegio en Mexico ; y aunque se offrezcan otros, puede tractar dellos y escrivirme ; mas no concluya cosa ninguna antes de consultarme. No accepte por el principio escuelas en el colegio ; pero si le pareciere que conviene, aviseme… » (p. 25). C’est sans doute en fonction des problèmes d’effectifs au sein de l’ordre qu’il convient d’interpréter l’instruction du général sur l’acceptation de collèges : elle n’exprime pas une hostilité du général espagnol au développement des enseignements. Il s’agit plutôt de l’inscrire dans le contexte des tensions qui commencent à s’exprimer, dans la Compagnie, sur la question de l’enseignement. Ainsi, dans les décrets de la IIe congrégation générale, en 1565, on trouve cette formule : « Propositum fuit, an multiplicitas collegiorum per aliquod tempus moderanda esset, et an quaedam non satis bene constituta essent dissolvenda, nisi post certum tempus fundarentur iuxta constitutiones ; et an, manentibus collegiis quibusdam, scholae saltem essent auferendae […] ; et plurimis, maximique momenti rationibus in medium adductis, rogaverunt R.P. Generalem Praepositum et serio commendaverunt, ut potius applicaret animum ad roboranda et ad perfectionem adducenda collegia iam admissa, quam ad nova admittenda », cité dans Monumenta Paedagogica Societatis Iesu (dorénavant MPSI), t. III, pp. 8-9. Dans le cadre de la IIIe congrégation générale, en 1573, on trouve toujours ce même débat : « Proposiutm fuit : an decreto aliquo multiplicitas collegiorum deinceps interdicenda esset, saltem ad aliquod certum tempus ; quandoquidem ex multitudine collegiorum magna incommoda exoriri experientia docuit. Et, re diligenter disputata, statuit congregatio : nihil novi iam esse decernendum… », cité dans L. Lukács, MPSI, vol. IV, pp. 247-248.
32 Le récit de la traversée et de l’arrivée à Mexico par le provincial P. Sanchez est fait dans une lettre adressée au général, en date du 8 mars 1573 (MMI, doc. 25, pp. 52-75) : récit d’un triomphe, c’est aussi celui de la première évocation de la rencontre avec les Indiens (p. 61), et une description de la nature (pp. 72 sqq.).
33 J. Sánchez Baquero, Fundación, pp. 41-42. C’est moi qui souligne.
34 MMI, doc. 27, pp. 77-78.
35 La lettre est perdue, mais on en connaît l’existence par la réponse qu’y apporte Mercurian le 16 avril suivant. On peut supposer qu’un double avait été adressé à Philippe II, auquel l’extrait cité ci-dessous ferait lui-même allusion à travers la formule « Nos somos ynformado ».
36 MMI, doc. 38, p. 95 : « Nos somos ynformado que en el colegio de vuestra Orden, que està fundado en la ciudad de Mexico, de la Nueva España, ay necesidad de seis religiosos, lectores de gramática, para que se ocupen en leerla en aquel colegio. Y porque deseamos que en esto aya el recabdo nescesario, os encargamos que, luego que esta resciváis, elijáis estas seis personas que sean de la calidad, avilidad y buenas partes que combiene para semejante exercicio… »
37 La figure du visiteur, dans l’ordre jésuite, est fondamentale dans la mesure où celui qui l’incarne devient le représentant du général hors de Rome : à ce titre il dispose de pouvoirs de décision qui sont en général du seul champ de compétences du général. À l’inverse, c’est lui qui adresse à Rome des rapports susceptibles de compléter, voire de prendre le contrepoint, des informations envoyées par les acteurs locaux.
38 Sur la carrière et la nomination de Juan de Plaza à la fonction de visiteur, voir F. Zubillaga, « El Tercer concilio mexicano », pp. 180-184. Source : MMI, doc. 29, Rome, lettre du 23 octobre 1573, pp. 80-81.
39 Un autre document, plus tardif, rappelle le processus de négociation entre les différents partenaires et aux différentes échelles. Voir MMI, doc. no 90, p. 205, lettre de Mercurian au visiteur Jean de la Plaza, envoyée de Rome le 31 mars 1576.
40 MMI, doc. 41, pp. 97-98.
41 MMI, doc. 42, p. 99. Dans le même temps, s’adressant au visiteur, Mercurian précise (MMI, doc. 43, Mercurian à Plaza, le 20 avril 1574, p. 100) : « Quanto a los maestros de latinidad que serán necessarios para començar los estudios en Mexico, los podra R. V. sacar, o de la provincia de Andalucia, o de las más cercanas, con censentimiento de los provinciales, a los quales escrivirá, de mi parte, cómo tal es mi deseo y voluntad ; allende de la necessitad que tenemos de obedecer al Rey que tan instantamente nos lo demanda […]. Asimesmo embiaráa llamar de Portugal el Padre Vincencio Lanochi, italiano, person de muy buena partes el qual no passando este año a las Indias orientales, por justos respectos, me ha parecido que será bueno para la Nueva España… »
42 J. Sánchez Baquero, Fundación, p. 73. C’est moi qui souligne l’expression. Dans la longue lettre qu’il adresse au nouveau général Mercurian, après l’arrivée à Mexico, Sanchez Baquero précise : « L’altre relogioni che qui sono, c’hanno ricevuto con singular amore et benevolencia, specialmente li Padri Augustiniani… », MMI, doc. 25, p. 68.
43 MMI, doc. 45, p. 103.
44 J. Sánchez Baquero, Fundación, p. 106 : « … nuestro Padre Everardo Mercuriano, considerando las buenas empresas que esta Provincia tenía, y los pocos que había en ella de la Compañia, y que los estudios de Humanidad en Mexico aspiraban a mayores cosas, envió de todas las Provincias de España una tropa de sujetos muy calificada en numéro y méritos […]. Llegados a Mexico, lo primero que se reformó con su venida, fueron los estudios del colegio de Mexico, como cosa en que todos tenían puestos los ojos, y empresa que Nuestro Señor tenía diputada para la Compañía. »
45 Il serait important de la mettre en rapport avec la critique extrêmement sévère faite par Juan de Mariana aux premiers collèges : voir M. Catto, La Compagnia divisa ; A. Romano, « Multiple identity, conflicting duties ».
46 MMI, doc. 92, p. 209. On notera que, dans le même temps, et en rapport avec l’accroissement rapide du nombre des collèges ouverts par la Compagnie en Europe, la question de la qualité des professeurs et de leur médiocre formation est discutée. Cette même année 1575, Horatius Torsellini, qui enseigne les humanités au Collège romain, soulève cette question à l’occasion de la congrégation provinciale. Voir L. Lukács (éd.), MPSI, vol. IV, doc. 26, pp. 209-213. La question de la pénurie est donc un élément central de la politique du personnel, et celle-ci pourrait bien expliquer le choix de rappeler Le Noci du Portugal, afin de l’envoyer à Mexico.
47 On trouve différentes orthographes dans les sources, comme dans la bibliographie secondaire. Par exemple, A. Churruca Pelaez (Primeras fundaciones), parle de « Lenochi » ; P. Gonzalbo, en revanche, parle de « Lanuchi ». Sur la période italienne de ce personnage, voir le remarquable travail de R. Moscheo, I gesuiti e le matematiche. On rappellera ici les analyses de R. Romeo, « Le fonti gesuitiche », et en particulier pp. 14-16, où Le Noci est identifié, pour la première fois dans l’historiographie italienne, comme missionnaire.
48 Voir n. 43 : MMI, doc. 44, p. 100.
49 Voir MMI, doc. 52, pp. 115-116. La lettre est adressée au général depuis son port d’embarcation, le 29 juin 1574. Dans sa lettre précédente, en date du 25 juin, il précisait avoir reçu l’ordre de se rendre à Séville alors qu’il se trouvait à Évora : le vœu d’obéissance le fait quitter le Portugal le lendemain même du jour où il reçoit cette lettre et arrive à son lieu d’embarquement en une semaine. Il est vraisemblable qu’à cette date Le Noci quitte l’Europe avec joie, comme l’indique la formule « Hoggi mi vo ad imbarcare con grande mia et di tutti allegrezza et consolatione » (MMI, doc. 49, p. 112).
50 Dans un document d’avril 1574, il écrivait déjà : « Por aora no se embían sino solamente los maestros de latinidad ; porque será bien que se aguarde al año siguiente de 75, o para quando será más opportuna la lectión de artes y teología. Y así V.R. podrá entretener los de la ciudad, si hizieren instancia, diziéndoles que es menester primero fundar los estudiantes en latinidad, y después, según el sucesso se verá, yrán assentando los demás estudios que fueren necessarios », MMI, doc. 42, p. 19, avril 1574, p. 99.
51 Juan de la Plaza, depuis Hispali, à Mercurian, le 30 juin 1574, dans MMI, doc. 53, pp. 117-118.
52 Le portrait le plus précis de Le Noci humaniste est fourni par X. Gómez Robledo, Humanismo en el siglo xvi. C’est sur la base de son livre que s’est ensuite diffusée l’image, partiellement incorrecte de ce personnage : P. Gonzalbo, La educación popular de los jesuitas, p. 164. De fait Le Noci n’a jamais occupé de fonction d’enseignement ou d’autre chose à Rome. Voir aussi T. Herrera Zapién, Historia del humanismo mexicano, pp. 66-72.
53 A. Churruca Peláez, Primeras fundaciones, pp. 225-227. En 1577, arrive un second Italien, G. B. Aldricio (A. Churruca Peláez, p. 279).
54 J. Wicki (éd.), Documenta Indica, vol. IX, pp. 102-103, cité par R. Moscheo, I gesuiti e le matematiche, pp. 171-172.
55 P. L. Rose, The Italian Renaissance of Mathematics.
56 M. Scaduto, « Il matematico F. Maurolico e i Gesuiti » ; R. Moscheo, P. D’Alessandro et P. D. Napolitani, « I primi contatti fra Maurolico et Clavio ».
57 Momenta Borgia, p. 574, où Borgia demande au provincial de Sicile « d’un altro Vincenzo Lenoci, il qual domanda esser leuato de Sicilia in qualche paese remoto, come Spagna, auisimi V. R. di quel che sente ».
58 « Lo S.r Abbate Maurolyco tiene animo di far stampare tutte le sue opere le quali son molto particolarmente de mathematica et a questo m’ha detto il S.r Prencipe di Butera, che li vol dare agiuto di costà per le spese, et perché il detto Abbate desiderava far un corso di mathematica che fosse molto utile alla christianità et alli mathematici della nostra Compagnia, perciò m’ha detto lui che consultassi con V. R. P. accioché li significasse del modo come volesse fosse fatto per più servitio de nostra Compagnia per havere sudetto S.r Abbate quasi anni ottanta nella mathematica… », Archivum Romanum Societatis Iesu, Rome, Ital. 137, fo 113. Dans le cadre de l’édition électronique des œuvres de Maurolico, ce document est accessible en ligne : www.maurolico.unipi.it/edizioni/epistola/aliae/ext-005.htm.
59 « Si son ricevute due vostre lettere di 29 aprile et due di maggio, per le quali di parte del S.r Principe di Butera raccomandate un’opera che si ha da stampare del P. Abbate Maurolico. Quella non è venuta ancora alle nostre mani, se verrà si farà volentieri quel offitio che si potrà, per essere la cosa ordinata al ben commune et raccomandata del S. r Principe a cui devotione et bone opere verso la Compagnia nostra, come siamo obligati, così desidera N. P. di sodisfare. Il P. Clavio et altri vederanno qui detta opera, benché questo si reputa necessario se non fosse per dar soddisfattione al P. Abbate ; si mandarà anche a Venetia, si raccomandarà al P. Rettore di quel collegio che la dia ad uno de li migliori stampatori che attendano a stampar cose simili. Più che questo non si può offerire, perché la gente è molto occupata et non potranno attender a veder la stampa se non rare volte, et finalmente conviene che qualcun altro pigli questo assunto di far stampare il libro corretto. Al P. Domenech et al P. Clavio si è dato e si darà ricordo di sodisfare con lettere detto P. Abbate… », Archivum Romanum Societatis Iesu, Rome, Ital. 67, fo 266. Accès en ligne sur la page www.maurolico.unipi.it/edizioni/epistola/aliae/ext-006.htm.
60 MMI, doc. 62, p. 140 : « In studiis uberiores hoc anno apparuerunt fructus tam in literis, quam in morum honestate. Quinque assignatae sunt humaniorum literarum classes. Scholastici externi numero sunt trecenti (et eo plures). » Les cinq classes sont celles de grammaire (trois), humanités (une), rhétorique (une).
61 MMI, doc. 62, p. 142.
62 Selon les indications des Litterae Annuae de janvier 1577, MMI, doc. 105, pp. 256-257.
63 MMI, doc. 105, p. 257.
64 MMI, doc. 64, p. 161 : dans la lettre qu’il adresse au provincial du Mexique en avril 1575, il redit tous les espoirs qu’il met dans Le Noci : « Con mucho consuelo yo he recebido las cartas de V.R. de 17 y 21 de ottubre, pues han llegado allà con salud los siete Nuestros de la Compagnia con el Padre Vincentio Lenochi ; al qual yo deseo que se dexe disponer de los estudios de latinidad, según se haze por acá ; pues estos principios pueden servyr tanto a nuestros ministerios y cerrar la puerta a que no se introduzga por allá sino puridad de las lenguas, especialmente de la latina. »
65 MMI, doc. 214, p. 519.
66 MMI, doc. 64, p. 164.
67 MMI, do. 47, pp. 106-109 (cit. p. 108), Hispali, 22 mai 1574. La réponse de Mercurian est datée du 28 juin de la même année et confirme l’envoi de Vies depuis Naples et de Constitutions depuis Pise : voir MMI, doc. 51, p. 114.
68 MMI, doc. 79, pp. 186-192, cit. p. 188.
69 M. Alvarez, né en 1526 à Madère, rejoint la Compagnie de Jésus en 1546, au noviciat de Coimbra. Il enseigne latin, grec et hébreu à Lisbonne et Coimbra. Nommé recteur de l’université d’Évora, il meurt en 1582 ou 1583. Son premier ouvrage, De constructione octo partium orationis, paraît à Venise en 1570 ; le De Institutione Grammatica Libri tres est édité pour la première fois à Lisbonne en 1572 : le texte s’imposera rapidement comme manuel pour les études de grammaire dans la Compagnie, et ce choix sera sanctionné dans l’édition définitive de la Ratio Studiorum (p. 10) : « Gramática - 23. Procurará que nuestros maestros usen la Gramática de Manuel [Alvarez]. Y si en alguna parte pareciere que su método es más exigente que lo que da la capacidad de los niños, o bien tomen la [Gramática] Romana o procure que se componga otra semejante, después de consultado el Prepósito General ; conservando, sin embargo, el mismo vigor y propiedad de todos los preceptos de Alvarez. » Sur Francisco Toledo, théologien, commentateur d’Aristote, cardinal, voir Diccionario Histórico de la Compañía de Jesús biográficotemático, vol. IV, pp. 2572-2574.
70 MMI, doc. 92, pp. 208-209, lettre en date du 31 mars 1576 : « Entendemos la falta que ay de libros ay, y esta falta será ahora más grande con los estudios que se abran ya presto. Podrá V. R. embiar alguna suma de dineros al procurador de Indias, que está en Sevilla, el qual es Padre Diego de Herrera […] y este padre terná cuidado de hazer traer de Flandes alguna suma de libros a buen precio, y de embiárselos con buena comodidad y a recaudo. De acá se embían ahora el curso del Padre Toledo, con otros libros, de los quales se podrán ayudar, porque este curso en España ha contentado de manera que los Nuestros le van leyendo. » Exactement dans le même temps, on apprend que les douze pères qui vont s’embarquer au printemps ont acheté des livres à Séville en vue de leur mission au Mexique. En mars 1576, Francisco de Porres, procurateur général de la Compagnie à la Cour, adresse une supplique à Philippe II, en lui demandant d’autoriser lesdits pères à faire l’aumône pour rembourser la dette ainsi contractée, MMI, doc. 93, p. 215. Est-ce en réponse à ce problème que Mercurian écrit au provincial, le 15 mars 1578 : « Avisarse ha al procurador que esta en Sevilla, que no dexe hacer a los Nuestros gastos no necessarios quando se embarcan. Bien sé que V.R. terna cuidado que esse collegio esté bien proveydo de libros, pues son necessarios para nuestros ministerios » (MMI, doc. 132, p. 370) ?
71 MMI, doc. 109, p. 284.
72 Sans se livrer à une enquête systématique sur cette question, on lira avec intérêt la réponse faite par le roi d’Espagne à la demande d’envoi d’une bonne bibliothèque faite par l’évêque de Mexico, quelques décennies plus tôt : « Por quanto por parte de vos, el reverendo in Christo padre don Fray Juan de Zumárraga, obispo de Mexico, me ha sido hecha relación que la Iglesia Catedral de la ciudad de Mexico tenía necesidad de una librería, a causa de los casos y dubdas que cada día en aquella tierra se ofrecían, y me fue suplicado mandase declarar de qué parte de los diezmos se compraría e harían los gastos necesarios a la dicha librería tocantes, o como la mi merced fuese. Por ende, por la presente declaro y mando que de lo de la fábrica de la dicha iglesia catedral se gaste y distribuya la quinta parte por tres años primeros siguientes, para hacer la dicha librería y no para otra cosa alguna, o menos, lo que a vos el dicho Obispo pareciere que basta. Fecha en Toledo, a 21 del mes de mayo de mil e quinientos e treinta e quatro años. Yo el Rey. Por mandado de su Magestad, Cobos, comendador mayor. » Cité par C. A. Millares, « Bibliotecas y difusión del libro », pp. 44-45. Voir en outre, M. Milagros del Vas Mingo et M. Luque Talavàn, « El comercio librario ».
73 Sans doute interviennent aussi les origines belges de Mercurian et la géopolitique du commerce du livre à cette époque, à mettre en relation avec l’importance de la librairie anversoise.
74 On renvoie ici à L. Lukács (éd.), MPSI, et à l’ensemble des textes qui évoquent le choix des auteurs sur lesquels baser l’enseignement, ainsi que sur les documents qui se font l’écho des débats sur le contenu des enseignements de philosophie et la libertas philosophandi : à titre d’exemple, dans le vol. IV, les documents 1 à 5 (pp. 1-23) illustrent la mise aux normes de l’enseignement des humanités au Collège romain. La grammaire d’Alvarez y est déjà la référence. Voir en outre D. Julia, « L’élaboration de la Ratio Studiorum ».
75 Sur l’imprimeur italien installé à Mexico, Ricardo, voir J. García Icazbalceta, Bibliografía mexicana, ad hominem ; J. T. Medina, La imprenta en México, ad nominem. Sur le passage de Ricardo de Mexico à Lima, C. A. González Sánchez, « La cultura del libro » ; P. Guibovich Pérez, « The Printing Press in Colonial Peru ».
76 J. García Icazbalceta, Bibliografía mexicana, p. 297. Le même document est reproduit dans MMI, appendice 1, p. 569. Le texte est aussi reproduit dans I. Osorio Romero, Floresta de gramática. En outre, A. Churruca Peláez, Primeras fundaciones, p. 297, indique cette même liste, mais sans citer ses sources.
77 I. A. Leonard, « On the Mexican Book Trade » :« This growing lettered and leisured class offered a lucrative market for books form the homeland, end the local merchant guild was not slow to capitalize on opportunities for trade in these commodities. »
78 Voir, à titre de comparaison, I. A. Leonard, « On the Mexican Book Trade », p. 21 : « Of more immediate interest, perhaps, are the titles of litterae humaniores, which are conspicuous on the booklist both in variety and quantity. Since the Mexican merchant wished to import these specific works, the latter probably reflect the reading preferences of the market and are, therefore, the “best sellers” at the moment. If such was the case, it is evident that the characteristic interests of the Spanish Renaissance were diffused in the contemporary New World and that the sons and grandsons of the conquistadors were well within the orbit of that great intellectual and artistic movement […]. More numerous are the rhetorical and creative writers of classical Rome. Titles of individual work are required both in Latin and in translation, often from presses outside of Spain. » Il serait évidemment tentant de voir dans cette commande le premier résultat de la dynamique impulsée par la Compagnie de Jésus, tant les dates sont concomitantes. Seule une enquête approfondie permettra de développer ce point. À propos de la littérature secondaire disponible, voir J. García Icazbalceta, Biografía de Fr. Juan de Zumárraga, p. 248 : « Famosa fue, por poner únicamente un ejemplo, la librería de Fray Juan de Zumárraga, quien de sus libros […] que eran muchos y buenos, mandó dar [en su testamento] la mayor parte al Convento de San Francisco [de Mexico] para compensar a la Orden los que pertenecientes a ella había traído de España con licencia, y unos pocos destinó a la hospedería de Durango, su patria ». Voir, en outre, M. Chocano, « Imprenta e impresores » ; C. A. González Sánchez, « Emigrantes y comercio de libros » ; Id., « La Casa de la Contratación y la historia cultural » ; Id., « La cultura del libro » ; Id., Los mundos del libro ; M. Milagros del Vas Mingo et M. Luque Talavàn, « El comercio librario », et P. Guibovich Pérez, « The Printing Press in Colonial Peru », pour une perspective péruvienne.
79 J. García Icazbalceta, Bibliografía mexicana, pp. 228-229 : Introductio in Dialecticam Aristotelis per Magistrum Franciscum Toletum SI ac philosophiae in Collegio Romano professore, Mexico, Collegio Sanctorum Petri et Pauli, 1578. Il est publié accompagné de Reverendi Do. Francisci Maurolici, abbatis Messanensi, atque matematici celeberrimi, De Sphera, liber unus.
80 J. F. Blethen, « The Educational Activities of Fray Alonso de La Vera Cruz » ; E. J. Burrus, The Writings of Alonso de la Vera Cruz.
81 Rappelé en Espagne en 1562, pour se justifier des positions prises sur la question des Indiens, il y reste les dix années suivantes, continuant à publier ses travaux en métropole.
82 J. García Icazbalceta, Bibliografía mexicana, p. 76 : Physica Speculatio aedita per R.P. Fr. Alphonsum e Vera Cruce, Augustinianae familiae Provincialem, artium et sacrae theologiae doctorem atque cathedrae primae in Ac. Mexicana in Nova Hispania moderatorem, Mexico, 1557.
83 D’après E. J. Burrus, The Writings of Alonso de la Vera Cruz. Sur le versant philosophique de l’humanisme en Nouvelle-Espagne, M. Beuchot et W. Redmond, Pensamiento y realidad en fray Alonso de la Vera Cruz ; M. Beuchot et A. Gómez Robledo, Fray Alonso de la Veracruz ; M. Beuchot, Humanismo novohispano. Sur les liens institutionnels et intellectuels entre Salamanque et l’Université de Mexico, C. I. Ramirez Gonzalez, Grupos de poder clerical.
84 Le fait que l’édition de Toledo soit accompagnée de la publication de la Sphère de Maurolico, sous les auspices de Le Noci, me semble pouvoir étayer cette hypothèse.
85 Ce volume, dont l’importance tient au fait qu’il offre la première édition, dans le Nouveau Monde, de l’œuvre d’Ovide, les Tristia et les Epistulae ex Ponto, est signalé dans de nombreux ouvrages, parmi lesquels S. Gruzinski, La Pensée métisse, qui en reproduit le frontispice, p. 79. Mais il est surtout analysé par I. Osorio Romero, Floresta de gramática, p. 96. L’édition contient en outre une sélection de poèmes de Grégoire de Nazianze, traduits du grec au latin, un des hymnes du poète latin chrétien Sedulius, Cantemus socii, Domino. Un dernier texte s’y trouve, De moribus in mensa servandis, de Joannes Sulpicius Verulanus.
86 Carta del Padre Pedro de Morales de la Compañía de Jesús. Para el muy reverendo Padre Everardo Mercuriano, General de la misma Compañía. En que se da relación de la Festividad que en esta insigne Ciudad de Mexico se hizo este año de setenta y ocho en la colocación de las sanctas reliquias que nuestro muy Sancto Padre Gregorio XIII les embio. Voir J. García Icazbalceta, Bibliografía mexicana, p. 231.
87 Mexici, Cum licentia, apud Antonium Ricardum, anno MDLXXIX.
88 Mexico, Antonio Ricardo, dont il n’existe cependant plus aucune édition.
89 I. Osorio Romero, Floresta de gramática, p. 132. Il précise en outre : « La penuria, casi permanente, de gramáticas y antologías latinas en Nueva España llamó poco, en un principio, la atención de los impresores ; durante los primeros cincuenta años explotaron más la impresión de cartillas y sermonarios para la evangelización, de obras especulativas para la Universdad y los conventos o de crónicas y trabajos científicos para la exploración de las nuevas tierras » (p. 96). Et il évoque les deux seuls titres antérieurs à la publication d’Alvarez : la Gramatica de Maturino Gilberto et les Dialogos de Vives y Francisco Cervantes. Il inscrit en outre son analyse dans un contexte de croissance de la population scolaire à partir de 1570, qui alimente la naissance d’un marché et explique les besoins exprimés par les professeurs — ici allusion est assurément faite à Le Noci.
90 J. García Icazbalceta, Bibliografía mexicana, p. 345 : Arte Mexicana compuesta por el P. Antonio del Rincón, de la Compañía de Jesús. Dirigido al Illustrissimo y Reverendissimo Sr. D. Diego Romano, Obispo de Tlaxcala, y del Consejo de S. M., Mexico, 1595. Le personnage (1566-1601) est intéressant à plus d’un titre, et notamment parce qu’il est l’un des premiers natifs à entrer dans la Compagnie à Mexico. Voir I. Guzmán Betancourt, « Antonio del Rincón (1566-1601) : primer gramático mexicano ».
91 J. García Icazbalceta, Bibliografía mexicana, p. 346 : Juan Arista, S.I., Octavas reales en elogio del glorioso S. Jacinto, Mexico, 1597.
92 Illefonsus Diaz De La Barrera, Maximus in nova Hspania Maiestatis Regie cursor tabellarius sumptus fecit, Mexici, Apud Henricum Martinez, Anno 1604 ; I. Osorio Romero, Floresta de gramática, p. 145.
93 I. Osorio Romero, Floresta de gramática, p. 96.
94 Mexici, apud Henricum Martinez, 1604 ; I. Osorio Romero, Floresta de gramática, pp. 147-170.
95 S’il est difficile de préciser les activités de la Congrégation, on peut cependant préciser qu’elle a sans doute été constituée, comme congrégation mariale, en 1574, par V. Le Noci, sur le modèle de celle qui avait été créée une décennie plus tôt à Rome. Voir E. Palomera, La obra educativa, p. 106, sur la base de G. Decorme, La obra de los jesuitas mexicanos, pp. 299-300.
96 Jésuite de la province de Castille (1554-1607), entré dans Compagnie de Jésus à Salamanque, il se distingue par son enseignement des langues classiques et de nombreuses publications. Le traité sur les lettres est publié pour la première fois en 1589 à Pampelune ; il est suivi d’un traité sur l’art poétique publié à Salamanque en 1593, d’un traité sur l’art oratoire en 1596, d’un dictionnaire hispano-latin plusieurs fois réédité.
97 Cet humaniste de Valence (vers 1529-1602) a laissé une production abondante, notamment à l’adresse d’un public scolaire, mais aussi des éditions de textes anciens. Le texte publié à Mexico reprend partiellement l’édition de 1575.
98 Le texte de ce jésuite espagnol (1524-1593) publié à Madrid est l’une des sept éditions parues entre 1562 et le début du xviiie siècle. Il semblerait qu’il ait contribué à la préparation des Institutionum dialecticarum libri octo, publiées à Lisbonne en 1564, sous le nom Pedro de Fonseca. Voir H. Leitão, « The contents and context », p. 110.
99 Je n’ai pu consulter pour l’heure aucun de ces deux manuels, et ma description s’appuie sur celle que fournit I. Osorio Romero dans Floresta de gramática.
100 F. de Dainville, « L’explication des poètes grecs et latins », dans Id., L’Éducation des jésuites ; P.-A. Fabre, « Dépouilles d’Égypte ». Au collège de Mexico, la tension sous-jacente à l’enseignement des classiques, mais païens, est exprimée avec grande clarté par V. Le Noci. Elle est discutée dans A. Romano, « Los libros en México ».
101 A. Romano, « Modernité de la Ratio Studiorum ».
102 Ratio Studiorum, « Règles du professeur de rhétorique », pp. 165-173. Au-delà de ces aspects strictement intellectuels, le texte de la Ratio semble avoir aussi pris en charge les questions matérielles qui avaient notamment été soulevées par la province de Mexico : l’approvisionnement en livres pour l’enseignement est évoqué, dans la partie du texte qui définit les compétences du préfet des études inférieures, § 27 et 28, dans Ratio Studiorum, pp. 141-142. Dans ce cas encore, Mexico pourrait avoir eu un rôle prépondérant dans l’expression de cette question et sa solution.
103 Ratio Studiorum, « Règles du professeur d’humanités », § 1, p. 174.
104 Ratio Studiorum, « Règles du professeur de la classe supérieure de grammaire », § 1, p. 180.
105 Jules César (101-44 av. J.-C.), Salluste (86-35 av. J.-C.), Tite-Live (69 av. J.-C. - 7 apr. J.-C.), Quinte-Curce Rufus (ier siècle apr. J.-C.), Virgile (70-19 av. J.-C.), Horace (65-8 av. J.-C.), Ovide (43 av. J.-C. - 17 apr. J.-C.), Tibulle (50-18 av. J.-C.), Catulle (87-54 av. J.-C.), Properce (47-15 av. J.-C.), Ésope (viie siècle av. J.-C.), Agapetos, diacre de la grande église Sainte-Sophie de Constantinople. Attesté autour de 527, auteur d’un Miroir des princes adressé à l’empereur Justinien en 527.
106 Ratio Studiorum, « Règles du professeur de rhétorique », § 13, p. 170. Dans la classe d’humanités, Ratio Studiorum, § 9, p. 178.
107 Sur la question des humanités, les débats sur les auteurs et l’opportunité de tels enseignements sont récurrents comme en témoignent nombre de textes édités dans les Monumenta Paedagogica Societatis Iesu. Une présentation schématique de la situation dans les années 1560 est présente dans L. Lukács, MPSI, vol. II, pp. 33*-35*. On trouve, à cette date, autour des premiers travaux d’organisation des études, des textes qui établissent déjà une liste d’auteurs sur lesquels fonder les études — voir Ioannes Perpinya, en 1565, « Qui authores studioso eloquentiae sunt necessarii » (MPSI, vol. II, pp. 640-643), qui convoque Cicéron, Jules César, Salluste, Térence, Plaute, Tite-Live, Quinte-Curce —, complétée par Caton, Varron Columelle, Cornelius Celsus, mais aussi les poètes Virgile, Horace, Catulle, Tibulle, Properce, Lucrèce. Ce document fait directement écho au texte de la Ratio Studiorum établi par J. Ledesma pour le Collège romain en 1564 : MPSI, vol. II, pp. 530-627, et plus précisément p. 533, « Qui libri legendi ». Cependant les problèmes posés par ces classes restent nombreux et en 1575, dans le cadre des débats de la congrégation provinciale, sont encore une fois évoqués les problèmes de l’enseignement des humanités au collège romain : voir la description proposée par H. Torsellini, professeur de ces classes, « Impedimenti de studii d’humanità et remedii de quelli », vol. IV, pp. 209-213.
108 Sur J. L. Vivès (1492-1540), voir E. González y González, « La recepción de la obra de Vives » ; E. González y González et V. Gutiérrez Rodríguez, Los diálogos de Vives.
109 Voir T. Herrera Zapién, Historia del humanismo mexicano, pp. 42-45.
110 P.-A. Fabre et A. Romano (éd.), Les Jésuites dans le monde moderne, pp. 247-260.
Auteur
Istituto Universitario Europeo, Firenze
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