Résumés
p. 307-314
Texte intégral
RÉSUMÉS
1Cet ouvrage offre un nouveau regard sur l’œuvre de Leopoldo Alas Clarín à partir d’une analyse stylistique portant sur l’intégralité de ses écrits de fiction, conçus comme réseau textuel. Il s’efforce de montrer que l’ironie est une catégorie esthétique, et que l’esthétique clarinienne est ironique. Il propose la définition et l’approfondissement de la notion d’ironie et son application à l’œuvre clarinien, à partir d’un déplacement conceptuel : l’ironie est conçue comme un mode de représentation et non comme un instrument au service de la satire et de la critique. L’esthétique ironique n’est alors nullement contraire au sérieux inhérent à la représentation « réaliste » du réel. L’ironiste cherche à produire un objet esthétique, et ses attaques prennent pour cible la représentation et le langage, le réalisme lui-même devenant objet de son jeu représentationnel. Aussi l’ironie clarinienne est-elle envisagée à partir d’un croisement de perspectives : la description des énoncés ironiques et citationnels par la linguistique pragmatique ; l’évaluation du texte réaliste dans ses composantes ironiques à la suite des travaux de la Nouvelle critique et de Philippe Hamon, qui font de l’ironie le synonyme de la littérarité ; et la théorisation d’une attitude philosophique de l’ironiste vis-à-vis du monde et de sa création menée par les Romantiques allemands, en particulier par Friedrich Schlegel. Par conséquent, l’ironie est considérée dans ses formes et ses significations comme agent structurant de l’œuvre littéraire et comme phénomène de mise en relation des voix textuelles.
2Les analyses s’appliquent à montrer la spectacularité du texte ironique, au sens dramatique, puisque les personnages sont d’abord étudiés en fonction de leur positionnement vocal sur une scène construite comme un espace ironique par le narrateur régisseur. Ce narrateur prend pour cible les langages des personnages et élabore une critique philologique de son temps. La représentation ironique et la théâtralité, liées dans l’expérience d’écriture dramaturgique, journalistique et narrative de Clarín, relèvent d’un dialogisme contrôlé. Une série d’analyses de détail décrit la mobilité des voix textuelles et leur combinaison à partir des emplois de la citation et du lieu commun, afin de montrer combien le narrateur philologue est également un styliste qui fait œuvre de création à partir des formes mêmes qu’il met à distance. L’écrivain, dans un solo narratif, affiche sa supériorité et son autorité ; il s’emploie à dominer les discours communs en récusant leur valeur sociale, par le déport de l’oralité et du dialogue et par l’exhibition de son omniprésence textuelle : lui-seul fait œuvre de création langagière. Le narrateur contrôle la voix du personnage et la dissout en sa parole : la polyphonie naît de son omniscience et de son ingérence, et crée une aire de mobilité vocale limitée par l’instance narrative qui manipule les voix et les points de vue pour nourrir sa perspective et son style propre.
3La spectacularité ironique est ensuite étudiée au travers des relations qu’entretiennent le lecteur et le démiurge avec le texte ironique. Les multiples remarques de Clarín sur les « humoristas » dans son œuvre journalistique dessinent une esthétique ironique comprise comme mélange et combinaison : la sátura. Elle relève d’une idée esthétique qui suit un principe de contradiction et de rencontre : elle allie l’abondance relationnelle au magnétisme textuel afin de concrétiser l’esprit de contraste. L’ironie est l’instrument privilégié par l’esthéticien dans sa mise en relation des voix textuelles, des acteurs de l’échange créateur et des fragments que l’écriture convoque. La capacité à créer du lien est pour Clarín un mode de connaissance et de création qui repose sur le sentiment du contraire et sur un équilibre fragile entre l’engagement et le désengagement, dans une dynamique ininterrompue. L’art de l’emprunt garantit l’intégration du créateur ironique dans la chaîne des autorités textuelles et mobilise un double mouvement de connaissance et de reconnaissance envers les pensées, les hommes et les œuvres insérés dans la création. La citation, gage de l’autorité et de l’habileté de l’ironiste, vitalise l’œuvre et est réactualisée en retour dans un lien de mémoire qui unit la ludicité et le sérieux. La sátura esthétique résulte du travail de fragmentation et de recomposition du réel mené par l’auteur à partir de la singularité de son point de vue : sa subjectivité créatrice est lisible dans le tracé de la découpe et de la couture référentielle.
4À partir des difficultés inhérentes à la communication ironique sont ensuite évaluées les interactions entre le lecteur et le texte, et la singularité d’une expérience de lecture qui défie le lecteur. Le lecteur idéal doit être capable de redevenir le lecteur originel qu’a été l’auteur et de reconstituer le réseau de relations et de combinaisons qui sous-tend le texte. Cet horizon de communication est menacé par l’échec : l’ironiste exerce ce magistère de l’absence que l’œuvre incarne dans le déplacement de la figure du maître et dans l’évocation en creux du maître des ironistes, Socrate. L’étude de certains signes ironiques disséminés dans les textes a pour but de montrer que la leçon de lecture ironique est une herméneutique de l’équilibre fragile entre intimisation et distanciation. Enfin, une série d’analyses met en valeur le rôle du démiurge clarinien, présent et absent tout à la fois dans le texte. Il s’agit de saisir les fondements du jeu clarinien, garanti par l’ironie démiurgique, pouvoir absolu sur la création, mais également menacé par une perte. Ce jeu est l’œuvre d’une subjectivité libre qui se méfie du narcissisme et le résultat d’une perspective sérieuse distanciée. Les divers degrés du jeu ironique sont l’onomastique, la parabase et la digression : les brèches de l’illusion ainsi créées donnent forme à la subjectivité « germanique » de l’ironiste, en fonction d’un vagabondage textuel qui affiche la liberté du maître du jeu. Le perspectivisme ironique fait du texte une illusio, un jeu qui n’est cependant jamais gratuit.
RESUMEN
5Este libro ofrece un nuevo enfoque sobre la obra de Leopoldo Alas Clarín, gracias a un análisis estilístico de la totalidad de sus escritos ficcionales, concebidos como red textual. Intenta demostrar que la ironía es una categoría estética y que la estética clariniana es irónica. Propone definir y profundizar la noción de ironía y aplicarla a la obra de Clarín, a partir de un desplazamiento conceptual : se concibe la ironía como un modo de representación, y no como un mero instrumento al servicio de la sátira y de la crítica. La estética irónica no se opone a lo serio que da forma a la representación « realista » de lo real. El ironista intenta producir un objeto estético, y sus ataques apuntan a la representación y al lenguaje, incluyendo al mismísimo realismo, transformado en objeto de su juego representativo. Se enfoca la ironía clariniana a partir de un cruce de perspectivas : la descripción de los enunciados irónicos y de las citas por la lingüística pragmática ; la evaluación del texto realista en sus componentes irónicos según los trabajos del New Criticism y de Philippe Hamon, dando la ironía por sinónima de la literariedad ; y la teorización de una actitud filosófica del ironista ante el mundo y su creación hecha por los Románticos alemanes, en particular por Friedrich Schlegel. Por lo tanto, la ironía aparece en sus formas y sus significados como agente estructural de la obra literaria y como vínculo entre las voces textuales.
6Los análisis se esfuerzan por mostrar lo espectacular dentro del texto irónico, en el sentido dramático, ya que se evalúa los personajes en función de su lugar vocal sobre un escenario estructurado como espacio irónico por el narrador. Éste ataca el lenguaje de los personajes y elabora una crítica filológica de su época. La representación irónica y lo teatral, reunidos en la experiencia de la escritura dramática, periodística y narrativa de Clarín, dependen de un dialogismo controlado. Una serie de análisis de detalles describe la movilidad de las voces textuales y su combinación a partir del uso de la cita y de los tópicos, para recalcar la identidad entre el narrador filólogo y el estilista que obra, en su creación, a partir de las mismas formas de las cuales se distancia. El autor, en un solo narrativo, alardea de superioridad y autoridad ; domina los discursos comunes y niega su valor social, gracias al control de la oralidad y del diálogo, y gracias a la exhibición de su omnipresencia textual : es el único responsable de las creaciones lingüísticas. El narrador se adueña de la voz del personaje y la disuelve en su palabra : la polifonía nace de su omnisciencia y de su injerencia, creando un espacio de movilidad vocal limitado por el narrador que manipula las voces y los puntos de vista para nutrir su perspectiva y su estilo.
7El estudio de la ironía especular sigue a través de la evaluación de las relaciones tejidas por el lector y por el demiurgo con el texto irónico. Las múltiples advertencias de Clarín a propósito de los « humoristas » en sus escritos para la prensa delinean una estética irónica entendida como mezcla y combinación : la sátura. Nace de una idea estética que se construye según un principio de contradicción y de encuentro : une el vincular abundante con el magnetismo textual a fin de plasmar el espíritu de contraste. La ironía es el instrumento privilegiado del estético en su tejer de las voces textuales, de los actores de la relación creativa y de los fragmentos convocados por la escritura. La capacidad para crear vínculos es para Clarín un modo de conocimiento y de creación basado sobre el sentimiento de lo contrario y sobre un frágil equilibrio entre el compromiso y la libertad dentro de una dinámica ininterrumpida. El arte de la cita garantiza la integración del creador irónico en la cadena de las autoridades textuales, y crea un doble movimiento de conocimiento y de reconocimiento con los pensamientos, los hombres y las obras insertas dentro de la creación. La cita, prueba de la autoridad y de la pericia del ironista, vitaliza la obra y se ve actualizada por la memoria, uniendo lo lúdico con lo serio. La sátura estética es el resultado de una fragmentación y de una recomposición de la realidad por parte de la singularidad del punto de vista del autor : su subjetividad creativa se lee en el cortar y en el coser referencial.
8A partir de las dificultades propias de la comunicación irónica, se evalúan después las interacciones entre el lector y el texto, y la peculiaridad de una experiencia de lectura que desafía al lector. El lector ideal ha de ser capaz de identificarse con el lector original que el autor fue, y de recomponer la red de relaciones y de combinaciones sobre la cual el texto se apoya. El fracaso es una amenaza constante para este horizonte de comunicación : el ironista ejerce un magisterio de la ausencia que la obra encarna al desplazar la figura del maestro, y al evocar al maestro de los ironistas, Sócrates. El análisis de ciertos signos irónicos esparcidos en los textos pretende mostrar que la lección de lectura irónica es una hermenéutica del frágil equilibrio entre lo íntimo y la distancia. Por fin, una serie de estudios pone de realce el papel del demiurgo clariniano, a la vez presente y ausente en su texto. Se trata de entender las bases del juego clariniano, garantizado por la ironía del demiurgo, poder absoluto sobre la creación, amenazado sin embargo por una pérdida. Este juego es obra de una subjetividad libre que desconfía del narcisismo, y el resultado de una perspectiva seria y distanciada. Los niveles del juego irónico son la onomástica, la parábasis y la digresión : las fisuras de la ilusión resultantes informan la subjetividad « germanista » del ironista, según un merodeo textual que impone la libertad del maestro del juego. El perspectivismo irónico transforma el texto en illusio, en un juego que nunca es gratuito.
SUMMARY
9This book proposes a new perspective on the work of Leopoldo Alas Clarín, based on a stylistic analysis of all his fictional writings, conceived as a textual web. It seeks to show that irony is an aesthetic category and that Clarín’s aesthetic is ironic. It proposes to define and elaborate on the notion of irony and apply this to Clarín’s work on the basis of a conceptual shift : irony is thus conceived as a mode of representation and not as a mere tool at the service of satire and criticism. The aesthetics of irony does not collide with the serious intent shaping the “realistic” representation of reality. The ironist seeks to produce an aesthetic effect, and his jibes are aimed at both representation and language, including realism itself, now as the butt of its representational play. The book approaches Clarín’s irony from a combination of perspectives : a description of the ironic propositions and of the quotations based on pragmatic linguistics ; an evaluation of the ironic components of the realistic text following in the line of New Criticism and Philippe Hamon, where irony is treated as a synonym of literariness ; and theorisation regarding a philosophical attitude of the ironist towards the world and its creation undertaken by the German Romantics, in particular by Friedrich Schlegel. Hence irony appears in its forms and meanings as a structural agent of the literary work and as a linkage connecting textual voices.
10The analyses seek to show the spectacular within the ironic text, in a dramatic sense, where the characters are evaluated in terms of their vocal place on a stage structured by the narrator as an ironic space. The narrator attacks the language of the characters and frames a philological critique of his times. Ironic representation and the theatrical, which come together in a reading of Clarín’s dramatic, journalistic and narrative writing, depend for effect on a controlled interchange. A series of analyses of details illustrate the mobility of the textual voices and how they combine through the use of quotations and commonplaces to highlight the identity between the narrator as master of language and the stylist who bases his creation on the same forms from which he steps back. In one and the same piece of narrative the author makes a show of superiority and authority ; he is a master of common discourses and denies their social value, thanks to his control of oral utterance and dialogue, and thanks to the display of his textual omnipresence : he alone is responsible for his linguistic creations. The narrator commandeers the voice of the character and dissolves it in his word : polyphony is born of his omniscience and his interference, creating a zone of narrator-limited vocal mobility which manipulates voices and viewpoints to lend perspective and style.
11The examination of mirroring irony proceeds via an evaluation of the relationships woven by the reader and by the demiurge with the ironic text. Clarín’s manifold warnings regarding “humorists” in his press writings reflect an ironic aesthetic defined as a mixture and combination — satura. It derives from an aesthetic idea built upon a principle of contradiction and consensus : it combines abundant cross-links with textual magnetism to evoke the spirit of contrast. Irony is the preferred tool of the aesthetist when weaving together the textual voices, the actors in the creative relationship and the fragments convoked by the narrative. For Clarín the capacity to create links is a mode of knowledge and creation based on the feeling of oppositeness and on a fragile balance between compromise and freedom within a seamless dynamic. The art of quotation assures the integration of the ironic creator in the chain of textual authorities and creates a dual movement of cognition and recognition with the thoughts, the people and the works embedded in the creation. Quotation, the stamp of the ironist’s authority and expertise, lends vivacity to the work and achieves actuality through memory, combining the playful with the serious. Aesthetic satura is the product of a breakdown and reconstruction of reality wrought by the singularity of the author’s viewpoint : his subjective creativity is apparent in the referential cutting and stitching.
12Taking as basis the difficulties inherent in ironic communication, the book goes on to assess the interactions between reader and text, and the peculiarity of a reading experience that poses a challenge to the reader. The ideal reader must be able to identify with the original reader that the author was and to rebuild the web of relationships and combinations on which the text rests. Failure is a constant threat for this communicative horizon : the ironist controls="true" the absence that the work embodies in displacing the figure of the maestro and in in evoking Socrates, that master of ironists. Certain ironic signals scattered through the texts are analysed to show that the lesson of ironic reading is a hermeneutical exercise striking a delicate balance between intimacy and distance. The book closes with a series of studies highlighting the role of Clarín’s demiurge, which is at once present and absent in the text. The aim is to understand the foundations of Clarín’s game, assured by the irony of the demiurge — absolute power over creation and yet threatened by a loss. This game is the fruit of a free subjectivity that looks narcissism askance, and the product of a serious, remote perspective. Ironic play operates on the levels of onomastics, parabasis and digression : the resulting fissures in the illusion feed the ironist’s “Germanistic” subjectivity, by way of a textual meander imposed by the freedom of the game-master. Ironic perspectivism transforms the text into an illusio — a game that is never gratuitous.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les archevêques de Mayence et la présence espagnole dans le Saint-Empire
(xvie-xviie siècle)
Étienne Bourdeu
2016
Hibera in terra miles
Les armées romaines et la conquête de l'Hispanie sous la république (218-45 av. J.-C.)
François Cadiou
2008
Au nom du roi
Pratique diplomatique et pouvoir durant le règne de Jacques II d'Aragon (1291-1327)
Stéphane Péquignot
2009
Le spectre du jacobinisme
L'expérience constitutionnelle française et le premier libéralisme espagnol
Jean-Baptiste Busaall
2012
Imperator Hispaniae
Les idéologies impériales dans le royaume de León (ixe-xiie siècles)
Hélène Sirantoine
2013
Société minière et monde métis
Le centre-nord de la Nouvelle Espagne au xviiie siècle
Soizic Croguennec
2015