Chapitre VI
Un contrôle de la circulation à la frontière de l’Afrique romaine ?
p. 161-186
Texte intégral
1La frontière est par nature un lieu de contact et de passage. Concernant l’Empire romain, les courants historiographiques successifs lui affectèrent tour à tour un rôle de fermeture de l’accès à la province, avant d’envisager l’ouverture des frontières romaines et la « libre circulation de Romains et de Barbares “ordinaires” à travers les frontières » selon les mots de Ch. R. Whittaker1. Cette position rejoint le postulat général d’une libre circulation dans l’Empire2, à l’intérieur duquel les restrictions et les interdits à la liberté de circulation entre les provinces semblent bien faire exception3.
2Qu’en était-il précisément de la liberté de circulation lorsqu’il s’agissait de franchir les frontières provinciales extérieures ? Celles-ci revêtaient-elles une dimension politique exprimant de manière significative le rapport de Rome à l’altérité ? Le contexte africain montre combien la réponse peut être divergente en fonction de l’interprétation des structures officielles déployées aux confins de la province. Elle dépend avant tout des paramètres locaux. Ceux-ci impliquent d’une part les relations entretenues entre l’autorité romaine et les peuples établis aux confins de la province, d’autre part les échanges occasionnés aux marges du territoire provincial4.
3La frontière était-elle matérialisée de façon à signifier officiellement, pour qui la traversait, l’entrée sur le territoire romain ? La documentation africaine permet-elle d’affirmer que ce passage était soumis à des procédures administratives particulières ? En d’autres termes, peut-on postuler l’existence d’un contrôle militaire à la frontière de l’Afrique romaine, comme cela fut avancé et pris pour preuve de dispositifs spécifiques mis en place à l’entrée dans l’Empire5, en lien avec le fonctionnement des douanes6 ? Pour répondre à ces questions, il convient de réexaminer la notion même de contrôle régulièrement invoquée dans les études défendant l’idée d’ouverture des frontières romaines7 et qui, d’un point de vue administratif, implique une vérification portant sur le caractère légal et régulier d’une chose ou d’une personne8. Ce n’est alors pas tant sur le sens du mot qu’il s’agit de placer le questionnement, mais sur la pratique qu’il induit et la valeur générale qui lui est conférée en termes de franchissement de la frontière romaine, et de rapport aux populations étrangères.
4Si une évolution générale dans l’esprit et la lettre de l’administration romaine est envisageable9, le contexte provincial spécifique auquel renvoie la documentation africaine invite néanmoins à la prudence en matière de généralisation. Toute construction de schéma explicatif qui aurait valeur d’ensemble à l’échelle de l’Empire se heurte au constat du manque d’unité dont la politique romaine semble avoir fait preuve en ce qui concerne la circulation des personnes10.
I. — La frontière, « une porte d’entrée » officielle dans l’Empire ?
5De façon générale, les textes littéraires ont laissé peu de témoignages précis permettant de saisir les implications éventuelles de la traversée d’une frontière extérieure de l’Empire. Ils n’apportent aucune preuve de l’existence d’une doctrine romaine générale en matière de formalités liées au franchissement des limites du territoire romain11. Un voyageur pouvait savoir quelles routes menaient jusqu’aux confins de la province, mais savait-il quand il en traversait la frontière ? Les récits exceptionnellement détaillés fournis à l’époque tardive par le pèlerin de Bordeaux, ou encore par Égérie, concernent des voyages effectués à travers différentes provinces12. Le témoignage impersonnel de l’Itinéraire d’Antonin n’informe en revanche à aucun moment le voyageur de l’endroit où il passe d’une province à une autre13.
6Le voyage en direction des confins méridionaux de la province, et leur localisation, sont davantage perceptibles à travers les sources épigraphiques qui leur confèrent une matérialité géographique et topographique ancrée sur la pratique du terrain : ainsi sont-ils mentionnés par les bornes milliaires se rapportant aux voies menant dans leur voisinage. Tel est le cas de la « uia a Karthagine usque ad fines Numidiae prouinciae » qui, semble-t-il après une longue période d’incurie ayant conduit à sa détérioration, est l’objet de travaux sous Maximin et son fils14. À l’intérieur de l’empire, le franchissement des frontières interprovinciales est signifié plus clairement. En effet, certains monuments furent érigés intentionnellement au lieu de passage des voyageurs se rendant d’une province à l’autre : c’est la fonction revêtue par les colonnes signalant à la fin du iiie siècle la limite entre les nouvelles provinces de Tripolitaine et de Libye supérieure, coïncidant avec la limite entre les nouveaux diocèses d’Afrique et d’Orient, et placées au traditionnel point de la frontière à Arae Philaenorum15. L’expression « caput prouinciae » sert à désigner les lieux de passage privilégiés entre deux provinces, dans les sources écrites du Haut-Empire16. Cette position n’impliquait pas de dispositifs militaires, pour ne pas dire policiers, particuliers, ni de contrainte spécifique pour les voyageurs qui franchissaient là une frontière intérieure de l’empire17.
7L’effort monumental éventuel, porté localement sur le passage de la frontière extérieure de l’Africa et donnant au voyageur une conscience plus aiguë de sa traversée, reste l’objet de nombreuses questions qui tiennent notamment aux incertitudes concernant la fonction et la datation des ouvrages linéaires découverts dans le sud de la province18. Ils ne semblent pas, quoi qu’il en soit, avoir interdit le passage, ou soumis celui-ci à un contrôle, pour qui cherchait à les franchir. Une inscription, associée à une couronne de laurier décorant la clé de voûte centrale de la porte nord-est du camp de Gheriat el-Garbia, fut également interprétée comme une signification officielle de l’entrée dans la province. Sa lecture est toutefois discutée : R. Rebuffat propose de lire « PRO AFR FEL », qu’il restitue par « Prouinciae Africae Feliciter » (ce qui « précise qu’on entre en Africa19 »), là où R. G. Goodchild, qui suggérait que la dédicace du camp devait elle-même se trouver au-dessus de la clé de voûte, identifia de manière certaine « PRO AFR ILL », formule au demeurant énigmatique20. S’il est difficile de se rallier à l’une ou l’autre lecture à défaut de pouvoir consulter l’inscription, son lien avec le franchissement de la frontière extérieure de la province n’est pas implicite.
8Que la province ou la divinité qui la personnifiait soit invoquée sur une inscription gravée sur la porte du camp de la légion n’est pas en cause : les portes semblent avoir présenté un emplacement privilégié pour accueillir des dédicaces religieuses21. Jupiter, qui apparaît régulièrement parmi les divinités auxquelles sont consacrées les inscriptions placées à cet endroit, est ainsi l’objet d’une dédicace gravée sur le linteau d’une porte du fort de Tisauar22. Les inscriptions dédiées aux personnifications de province font plus généralement partie de la pratique épigraphique relative aux camps militaires romains. Il n’est ainsi pas rare que le locus auquel correspond le génie du lieu où est construit le camp soit identifié à la province, vénérée alors soit comme une personnification, soit plus particulièrement à travers son propre génie23. En attestent la dédicace à Britannia associée aux Campestres à Castlehill24 et l’inscription dédiée au genius terrae Britannicae à Auchendavy25, sur le mur d’Antonin, ou encore, à Apulum en Dacie supérieure, la dédicace au genius Daciarum invoqué en même temps que Caelestis Auguste, Esculape Auguste et le genius Carthaginis — ce qui s’explique sans doute par l’origine africaine du légat de la XIIIe légion Gemina qui est le dédicant —26, et l’inscription dédiée aux Daciae Tres associées au génie de la XIIIe légion Gemina27. Ces dédicaces aux provinces étaient placées dans les résidences des officiers sénatoriaux, dans les praetoria auxiliaires ou encore sur le campus : aucun de ces emplacements ne suggère un lien immédiat avec le passage de la frontière qu’elles auraient eu pour fonction de signifier à ceux qui se présentaient à la porte du camp. Telle n’était pas leur finalité, ni selon toute vraisemblance celle de l’acclamation découverte à Gheriat el-Garbia. À l’exemple des inscriptions placées sur les portes du camp de Gholaia28, on peut supposer que cet emplacement était davantage réservé à des dédicaces officielles relatives à la fondation de la forteresse et à la vie de la garnison dont elles rappelaient alors les étapes essentielles et qu’elles contribuaient à monumentaliser.
9En l’absence d’intuitive border29, la reconnaissance de la frontière, c’est-à-dire la limite de la province, était probablement politique : elle seule permettait de déterminer qui était romain et appartenait à l’Empire, et qui ne l’était pas. Les mesures restrictives attestées ponctuellement par les sources écrites n’interdisent pas et ne ferment pas le franchissement des frontières extérieures des provinces en tant que telles, sur l’ensemble de leur tracé. Elles concernent la liberté de circulation et visent des catégories de personnes, des tribus vivant à l’extérieur de l’Empire pour lesquelles l’accès au territoire provincial, ou plus précisément à certaines places jouant un rôle commercial, est strictement réglementé. Encore convient-il de considérer à part la situation en Égypte, qui reste discutée.
10Selon le témoignage du Gnomon de l’Idiologue compilé sous le règne d’Antonin le Pieux, les mesures administratives qui pèsent sous le Haut-Empire à la sortie du territoire égyptien touchent à la fois les hommes et les biens30. Leur nature demeure discutée. Il fut suggéré de comprendre le prélèvement des droits décrits par le Gnomon dans le sens de taxes payées par les voyageurs pour obtenir des laissez-passer et qui auraient été prélevées dans l’ensemble des ports égyptiens31, ce qui n’est pas assuré et reste à établir32. Les dispositions évoquées par le texte pourraient renvoyer à des droits de péage liés à la place d’Alexandrie33. C’est le seul port égyptien du littoral méditerranéen où des bureaux de douane, prélevant des droits sur les sorties et les entrées, sont par ailleurs attestés34. L’embarquement des hommes et des marchandises, à titre privé et commercial35, par la place d’Alexandrie, ajoutait à la pression exercée sur les convois sollicités pour le ravitaillement en blé de Rome36, et plus largement pour la circulation maritime officielle depuis la capitale égyptienne. Outre le gain financier qu’elles représentaient, ces mesures, qui semblent n’avoir touché que les sorties, visaient peut-être aussi à une meilleure régulation et une rationalisation des usages de la circulation maritime afin de préserver les besoins de l’État romain37. Quoi qu’il en soit, les dispositions spécifiques à la situation égyptienne relèvent davantage du domaine de la fiscalité romaine38 — qu’il s’agisse d’un contexte de douane ou de péage dont la position n’était pas systématiquement liée à celle de la frontière — que de dispositions générales relatives à la liberté de circulation à travers les frontières, intérieures et extérieures, de la province.
11L’exemple bien connu de restrictions à la liberté de circulation à travers les frontières extérieures provinciales concerne, au ier siècle, certains peuples germains39. Tacite fait ainsi des Hermondures les seuls Germains à pouvoir pénétrer librement dans la province de Rhétie et commercer à Augusta Vindelicorum (Augsbourg)40. Son témoignage évoque la mise en place d’une surveillance militaire aux endroits jugés nécessaires, matérialisée par la présence de camps, face à des populations que l’État romain considère avec une certaine méfiance, ce qui semble avoir été le cas des autres peuples germains à ce moment-là. Cette surveillance est alors étroitement liée au commerce et aux échanges entre la province et les populations extérieures à celle-ci : à l’exception des Hermondures, la permission était accordée aux marchands appartenant aux autres peuples germaniques de commercer dans certaines places, sous escorte militaire41. Sans exclure une motivation d’ordre économique que le silence des sources ne permet pas toutefois de confirmer, ces mesures semblent donc s’expliquer par des raisons d’ordre stratégique et défensif, visant à contrôler plus étroitement les transactions des particuliers avec des peuples jugés hostiles ou dangereux par l’État romain42.
12Au-delà du cas régional de la Germanie, cette surveillance ne fut pas systématique et semble, somme toute, ne pas avoir relevé de la norme dans la mesure où elle ne fut pas jugée nécessaire sur toutes les frontières extérieures des provinces, comme le confirme l’absence de tels dispositifs face aux peuples ne présentant aucun danger pour l’ordre politique romain. En témoigne, dans le contexte africain, la dispersion très lâche des constructions militaires romaines identifiées à ce jour aux confins de la province de Proconsulaire, sous le Haut-Empire. C’est à une période plus tardive que se rapportent les quelques mentions de restrictions, ou de dispositifs spécifiques posés à l’entrée de certaines tribus sur le territoire provincial africain : on songe ici au cas particulier, évoqué par Augustin, des barbarae gentes de la région des Arzuges, munis de lettres (epistolae) obtenues auprès du « décurion du limes » afin de venir s’embaucher dans la province43.
13Les documents délivrés aux Arzuges furent régulièrement rapprochés, afin d’en éclairer la nature, des lettres détenues par les Garamantes que mentionne O. Bu Njem, 71, au milieu du iiie siècle : l’inscription fait état de la venue de Garamantes disposant de litterae à remettre au praepositus de la garnison de Gholaia. Différentes hypothèses furent avancées sur les circonstances de cet échange épistolaire. Elles envisageaient que les Garamantes étaient en possession de lettres remises par le chef d’une garnison voisine, soit en vue de les accréditer à leur passage du poste de Gholaia, soit qu’elles aient été plus personnellement destinées au responsable de ce camp44. Le fait que l’acheminement d’une correspondance d’ordre militaire ait été confié à des étrangers venant de l’extérieur de la province, alors que l’armée possède son propre système de courrier45, jette toutefois le doute sur une telle explication.
14La possibilité qu’il puisse s’agir de lettres destinées par les Garamantes eux-mêmes au chef de la garnison de Gholaia a peu retenu l’attention dans la mesure où se pose notamment la question de la langue et de l’écriture dont les Garamantes auraient pu se servir. Elle mérite toutefois d’être considérée. En effet, loin de former un peuple isolé et confiné sur son territoire au Fezzan, les Garamantes ont entretenu de véritables relations diplomatiques avec l’État romain et des échanges économiques fournis avec l’Afrique romaine. Les Garamantes sont ainsi en mesure d’envoyer des ambassades à Rome sous Auguste afin, selon le témoignage d’Aurelius Victor46, de solliciter un foedus (un traité), puis sous Tibère d’après Tacite47, à la suite de la révolte de Tacfarinas. Ptolémée évoque par ailleurs l’expédition à laquelle participa Julius Maternus qui accompagna le roi des Garamantes au pays d’Agisymba, entre 83 et 92 apr. J.-C., afin de rétablir l’ordre chez les Éthiopiens ses sujets48. Sans doute la langue latine était-elle alors au moins partiellement connue des Garamantes, qui eux-mêmes ne méconnaissaient pas l’usage d’une langue écrite49. L’existence d’échanges d’ordre épistolaire entre les Garamantes et les Romains est par conséquent probable. Les contacts entre les deux peuples témoignent à tout le moins que la barrière de la langue était largement franchie depuis l’arrivée des Romains en Afrique du Nord. La mention d’un individu — un militaire ? — « missus cum Garamantibus », dans O. Bu Njem, 28, va également dans ce sens : peut-être s’agissait-il d’une escorte d’ordre diplomatique envoyée en mission en pays garamante50.
15En l’état actuel de la documentation écrite, rien ne permet de postuler qu’étaient appliquées au passage de la frontière africaine, sous le Haut-Empire, des mesures similaires à celles en œuvre à l’époque tardive dans la région des Arzuges, instituées à une date inconnue. De telles dispositions conjoncturelles, qui résultent d’une politique romaine empreinte de pragmatisme, sont décidées lorsqu’un afflux de population, ou un changement dans les relations diplomatiques entre l’autorité romaine et les peuples vivant à la frontière de la province, se produit. Certes, une évolution en profondeur de la gestion des frontières est perceptible, à une date tardive toutefois. La situation semble se durcir au début du vie siècle comme en atteste localement en Afrique le décret d’Anastase autorisant désormais les seuls Maces à accéder à la Pentapole, et exerçant de nouvelles contraintes sur les habitants de la province à leur sortie du territoire romain51. Il fait écho au témoignage, à portée plus générale, de Cassiodore qui évoque à la même période « le sort du soldat dont on sait qu’il transpire pour le repos général des territoires frontaliers, et dont on approuve qu’il barre la route aux barbares en les écartant de ce qu’on peut appeler une porte de la province52 ». Cette présence militaire, si elle connut une intensification au début du vie siècle, n’est toutefois pas sensible dans toutes les régions de l’Empire comme le confirment l’absence de frontières entre les territoires romain et perse, et les relations privilégiées entretenues entre les populations vivant de chaque côté de la frontière arménienne53. Elle résulte d’une situation troublée sur certains fronts qui conduit l’État romain à adopter localement des mesures contraignantes54. Or de telles tensions ne semblent pas avoir marqué la politique déployée par Rome à ses frontières africaines trois siècles auparavant, comme il ressort de l’étude de la documentation écrite et archéologique. Son interprétation demeure néanmoins sujette à débat quant à l’existence, aux portes de l’Afrique, d’un contrôle militaire qui aurait été lié à la traversée de la frontière sous le Haut-Empire.
II. — Un contrôle militaire au passage de la frontière ?
16Comme le montrent de façon concrète la documentation de Gholaia ou encore celle qui se rapporte aux fortins du désert oriental d’Égypte55, la surveillance visuelle constitue l’activité première à laquelle sont affectés les militaires stationnant aux frontières des provinces de l’Empire56. Les vestiges archéologiques laissés par les tours de guet, dont l’identification est toutefois rendue difficile car leur architecture n’est pas spécifique57, le rappellent également58. Celle qui fut construite au cours du règne de Sévère Alexandre, à environ un kilomètre au nord du fort de Gheriat el-Garbia, constitue l’exemple le mieux conservé à la frontière de l’Afrique romaine59.
17Cette surveillance se serait accompagnée à Gholaia d’un contrôle strict des mouvements des personnes, fondé sur un dénombrement des étrangers passant par le poste militaire60. Il ressort très clairement de la documentation que les soldats stationnés à Gholaia avaient pour mission, peut-être depuis la création du camp, d’informer quotidiennement de tous les faits de circulation dans lesquels la garnison était impliquée, qu’il s’agisse des caravanes liées à son ravitaillement à l’exemple de ce qui était pratiqué également à Vindolanda61, ou encore du passage de militaires et de civils. La nature de ce suivi, et les motivations qui en expliquent la mise en œuvre, sont toutefois sujettes à discussion. Celle-ci concerne plus particulièrement les notes relatives aux voyages de civils d’origine indigène qui relèvent de motivations personnelles et impliquent le passage, pour une raison qui reste à déterminer, par le camp militaire.
18L’existence d’un contrôle militaire établi à l’entrée dans la province fut déduite de deux ostraca évoquant le passage, semble-t-il dans les deux cas, de Garamantes, signifié par l’emploi du verbe introire62. Il s’agit d’une part du convoi de Garamantes disposant de lettres à remettre au praepositus de la garnison, conduisant quatre ânes et accompagnés de deux Égyptiens et d’un esclave fugitif du nom de Gtasaẓeiheme Opter63 (un esclave indigène capturé par les Garamantes pour le vendre, comme le suggère R. Marichal64 ?). Peut-être est-ce alors le rôle de guide que les Garamantes assurent auprès des voyageurs égyptiens qui les accompagnent65. Le convoi transportant d’autre part une petite cargaison d’orge, évoqué par O. Bu Njem, 72, semble également impliquer des Garamantes66.
19R. Marichal et R. Rebuffat ont suggéré de voir dans l’utilisation du verbe introire pour évoquer le passage de civils une allusion concrète à leur entrée dans l’Empire et au franchissement de ses frontières67. Cette interprétation est discutable. Rien ne permet d’affirmer qu’il y avait un passage symbolique de la frontière provinciale qui se faisait par le camp de Gholaia. En outre, la documentation écrite découverte sur le site est fortement ancrée dans le quotidien de la forteresse68, et le langage employé relève dans l’ensemble du « latin dit “vulgaire” parlé dans toutes les provinces de l’Empire69 ». Il ne suggère pas a priori l’adoption d’une convention officielle relative à un usage spécifique du verbe introire qui aurait pris alors le sens exclusif d’une entrée sur le territoire romain, dans un emploi qui n’est pas confirmé par ailleurs dans la documentation militaire.
20Introire pourrait renvoyer de façon très concrète à l’entrée dans la forteresse ou dans la zone contrôlée par celle-ci70. Dans le cas d’O. Bu Njem, 71, l’emploi du verbe se comprend tout à fait dans la mesure où les Garamantes sont porteurs de lettres pour le praepositus. Aussi ont-ils sans doute pénétré dans le fort afin de les lui remettre. Le petit convoi signalé par O. Bu Njem, 72, transportant de l’orge et conduit semble-t-il par des Garamantes, aurait également été introduit dans la forteresse ainsi que le suggère l’emploi du verbe introire, sans qu’il soit toutefois possible d’en dire davantage sur les motifs de sa présence au sein du camp au vu de la concision du texte. À défaut d’autres indices, on peut présumer que les convoyeurs venaient proposer à la vente leur cargaison auprès de la garnison.
21Superuenire, dont le sens général évoque l’arrivée d’un convoi, est employé dans d’autres ostraca pour mentionner le passage de soldats71, que les documents retrouvés ne signalent en revanche jamais par l’utilisation du verbe introire. Il fut alors déduit que l’usage des verbes uenire / superuenire était exclusivement réservé à la circulation des soldats ; leur emploi affecté au passage d’étrangers dans les ostraca fut aussi jugé incorrect et mis par conséquent sur le compte d’une erreur d’écriture72. Il est toutefois possible de considérer plus simplement qu’il n’y avait pas d’utilisation discriminatoire de ces différents verbes selon l’identité des personnes de passage, à la seule nuance qu’introire évoquait plus concrètement une entrée dans le domaine contrôlé de la forteresse, ce qui pouvait mériter d’être signifié lorsqu’il s’agissait de civils voire d’étrangers à la province romaine.
22D’autres éléments qui relèvent également des informations inscrites sur les ostraca permettent de douter d’un contrôle de type policier établi sur la circulation des individus entrant dans la province et/ou passant par le poste de Gholaia. On attendrait a priori de ce type de contrôle que soient enregistrés les renseignements permettant d’identifier les étrangers de passage. Or tel n’est pas le cas. Les notes consignant l’« entrée » de civils se contentent de mentionner leur origine géographique. O. Bu Njem, 73, signalant l’arrivée d’un âne chargé de suriacae et conduit selon toute probabilité par un civil, dont il n’est du reste pas fait mention73, confirme qu’il n’entrait pas dans les nécessités et les exigences de ces rapports quotidiens d’identifier individuellement, de manière stricte et systématique, les voyageurs se présentant au poste. Il n’y a plus largement pas trace, dans les sources écrites, d’un tel contrôle établi aux frontières des provinces romaines sous le Haut-Empire74. À l’intérieur de l’Empire, l’apparence, qui laisse une grande liberté en matière d’appréciation, demeure un paramètre essentiel pour identifier d’abord ceux qui sont recherchés, fugitifs ou encore brigands ; en dehors des villes où les autorités peuvent disposer des informations relatives à la recherche de ces individus, un tel contrôle reste toutefois hypothétique75.
23Dans la comptabilité relative aux passages de convois par la forteresse de Gholaia, aucun type de contrainte ne semble s’être opposé à la poursuite de leurs voyages. C’est un autre motif que celui d’un contrôle minutieux établi aux portes de la province qui doit être cherché pour saisir l’implication de la surveillance exercée par les soldats du camp sur les voyageurs. Le signalement des passages par la forteresse, qui semble principalement avoir été d’un usage à finalité locale, peut être mis en lien avec l’énigmatique statio camellariorum attestée par ailleurs dans les ostraca de Gholaia76.
24R. Marichal considère celle-ci comme « le poste de douane où les chameliers acquittent le portorium et probablement, comme en Égypte, le sumbolon Kamêlôn : droit de passage pour la traversée du désert par le chemin des caravanes, affecté au paiement de la garde du désert77 ». Cette éventualité demeure très discutable. Il n’existe en effet aucune preuve de l’établissement d’un poste de douane à Gholaia, ni de l’obligation d’acquitter une taxe sur le modèle de ce qui est attesté en Égypte seulement. L’emploi du substantif statio, dont R. Marichal semble tirer argument pour étayer l’hypothèse d’un poste de douane au lieu de la statio camellariorum78, n’apporte pas d’élément probant en ce sens. Statio ne désigne pas systématiquement un poste de douane79 et semble bien plus être employé, dans le contexte de la garnison de Gholaia, avec le sens générique de « garde »80. En outre, l’affectation de militaires ad fiscum attestée dans la documentation semble impliquer que les missions d’ordre fiscal remplies par les soldats stationnant à Gholaia81 — et plus largement leur concours aux rouages administratifs de l’Empire — étaient indiquées avec précision sur les ostraca qui faisaient alors état de la finalité de leur détachement. Or aucune mission de ce genre n’est précisée dans le cadre de la statio camellariorum, qui ne semble donc pas avoir revêtu une dimension fiscale.
25Par ailleurs, la documentation égyptienne invoquée en parallèle par R. Marichal à propos de la taxe prélevée pour la protection de la route — connue dans les textes sous le nom de ἴχνους ἐρημοφυλακία — confirme l’existence d’une organisation bien rodée et d’un vocabulaire spécifique. Cette taxe est attestée dans la documentation égyptienne au cours des trois premiers siècles de notre ère ; elle était ainsi prélevée autour du nome de l’Arsinoite dans les villages d’où partaient les pistes rayonnant à travers le désert environnant, et offrant les dernières haltes avant d’y pénétrer82. Rien de tel n’est toutefois connu pour l’Afrique romaine.
26R. Marichal rapproche en outre la statio camellariorum de la corvée ad camellos qui apparaît à plusieurs reprises dans le corpus des ostraca83, et établit de même une coïncidence entre les mentions de soldats envoyés ad camellos et cum camellos ou remplissant la fonction de kamellarius84. La statio camellariorum ou garde des chameliers et la garde des chameaux — la corvée ad / cum camellos — renverraient alors à la même charge. Dans le corpus des ostraca, les mentions de chameliers, que certains identifient à des producteurs locaux commercialisant leurs surplus agricoles85, s’inscrivent exclusivement dans le contexte de l’approvisionnement de la forteresse86. Aucun élément ne permet en revanche de dire si la petite cargaison d’orge portée par trois mulets et quatre ânes, qui pourrait être conduite par des Garamantes selon la restitution d’O. Bu Njem, 72 proposée par R. Marichal87, participait à l’organisation du ravitaillement de la garnison88 : ni les noms des transporteurs, ni la quantité de marchandise transportée ne sont précisés, ce qui pourrait laisser supposer qu’ils venaient librement proposer à la vente leur cargaison auprès de la garnison à l’intérieur de laquelle ils semblent alors avoir pénétré89. La production d’orge au Fezzan, aux périodes ancienne et médiévale, est bien attestée par les sources écrites et les découvertes archéologiques90. Quant à l’emploi de l’âne comme animal de transport, il est courant chez les Garamantes91 et c’est sous leur conduite que semblent être organisés les quelques convois accompagnés d’ânes mentionnés dans le corpus de Gholaia : tel est le cas dans le compte rendu donné par O. Bu Njem, 71.
27O. Bu Njem, 73 pourrait également suggérer la présence de Garamantes. L’ostracon signale littéralement le passage, par le poste de Gholaia, d’un âne transportant des suriacae. Ce sont les seules informations lisibles du fait du caractère incomplet du texte. Malgré les lacunes, il apparaît toutefois clairement que la mention du conducteur de ce chargement n’entrait pas dans les préoccupations du soldat qui consigna dans un bref compte rendu l’arrivée au poste de l’âne chargé de ses marchandises92. L’interprétation du document pose différents problèmes qui tiennent d’une part à la nature exacte des marchandises, d’autre part à leur lieu de provenance. Le substantif suriacae pourrait être employé ici pour désigner des étoffes d’origine syrienne93 : c’est pour l’heure l’hypothèse la plus satisfaisante, confortée par les sources écrites égyptiennes du iie et du iiie siècle94. Elle n’implique pas que ces étoffes aient été immanquablement produites en Syrie. La documentation papyrologique d’Égypte romaine atteste qu’il pouvait tout aussi bien s’agir de productions issues d’ateliers de tisserands résidant en dehors de la Syrie, et qui en maîtrisaient le savoir-faire originel95 : l’habileté des artisans égyptiens en la matière et leur réputation étaient telles que leurs services furent requis, comme l’indique BGU, 7, 1564, pour subvenir aux besoins des soldats stationnés en Cappadoce. Il est aussi possible que les marchandises désignées comme suriacae dans O. Bu Njem, 73, dont on sait par la documentation égyptienne qu’elles faisaient partie notamment de la panoplie vestimentaire militaire96, aient été destinées à être vendues au sein de la garnison de Gholaia : ainsi s’expliquerait le passage par le fort du convoi les transportant, signalé par l’emploi du verbe superuenire. L’imprécision de la formulation, qui contraste avec les autres documents relatifs au ravitaillement organisé de la forteresse, suggérerait en ce sens que le propriétaire de la cargaison venait négocier librement, hors du contexte d’approvisionnement géré par l’armée, la vente de ses marchandises. L’emploi du verbe superuenire pour signifier le passage du chargement n’implique peut-être pas que celui-ci ait pénétré la forteresse, ce que sous-entend en revanche plus concrètement le verbe introire. Le choix du verbe, à valeur très générale, pourrait expliquer aussi la concision des informations retenues sur le convoi, et le fait que l’identité du ou des transporteurs n’ait pas été mentionnée : cela n’était peut-être pas rendu nécessaire si le convoi était simplement de passage et resté en dehors de l’enceinte de la forteresse.
28Le convoi arrivait-il alors depuis le sud et les régions voisines de l’Empire, ou bien s’y rendait-il ? L’emploi du verbe superuenire ne permet pas d’établir le sens de sa circulation97. Peut-être fut-il conduit par des Garamantes, à propos desquels les autres ostraca évoquent l’emploi de l’âne comme moyen de transport : ce serait aussi par l’itinéraire à travers les oasis du désert libyque, sur lequel il n’est pas impossible que les Garamantes aient joué le rôle de guides ainsi que le suggère O. Bu Njem, 71, que furent acheminées les suriacae mentionnées à Gholaia (qu’elles aient été produites en Syrie ou ailleurs, peut-être en Égypte)98. Les quelques convois à dos d’âne conduits par des Garamantes que signalent les ostraca découverts au lieu de la garnison romaine ne rendent très certainement qu’une vision partielle des liens économiques et politiques qu’ils entretenaient avec le monde romain99. Au contact du territoire provincial, ils faisaient alors figure de puissant voisin comme permet de le mesurer la mention « maiores sunt Garama[ntes] » dans « l’album » de Gholaia100, que R. Marichal propose d’interpréter comme un « compte rendu des dernières opérations ou un rapport sur le secteur101 ».
29La documentation de Gholaia suggère nonobstant un passage relativement fréquent de caravanes par le camp dont les soldats ont eu l’obligation de consigner la présence, qu’il s’agisse des transports chameliers dans le cadre du ravitaillement de la garnison, ou encore de convois d’ânes chargés de marchandises et transportant des passagers. Les convois transitant par Gholaia, en particulier les caravanes venant approvisionner le camp, nécessitaient très certainement la mise en place de dispositifs d’accueil spécifiques : on peut songer à ce titre aux déchargements dans le cadre du ravitaillement du fort, ainsi qu’à la fourniture éventuelle en eau pour les convois de passage102. La quasi-absence de véritables caravansérails sur les pistes du désert oriental d’Égypte conduit effectivement M. Reddé à envisager la possibilité que certains fortins aient pu remplir ce rôle103, qui est par ailleurs attesté en Syrie-Palestine104.
30À l’époque romaine, l’eau ne faisait pas défaut dans l’oasis de Gholaia, et la garnison avait le loisir d’apprécier le confort de thermes105. L’aridité de l’environnement faisait probablement des besoins en eau générés par le fonctionnement de la forteresse un enjeu local crucial106. L’eau était semble-t-il abondante dans l’environnement de Gholaia, et le camp, dans le voisinage duquel sont signalés différents puits, pouvait compter sur des ressources hydriques importantes107. Si l’absence de puits central limite la comparaison avec les constructions militaires installées sur les pistes du désert oriental d’Égypte108, l’accès privilégié de la garnison de Gholaia à ces ressources en eau permet d’envisager un lien étroit entre la circulation caravanière et la présence militaire sous la surveillance de laquelle s’effectuait alors, peut-on supposer, le ravitaillement des convois, en un point de passage qui devait être particulièrement fréquenté du fait de sa position privilégiée, aux marges arides de la province109. La fonction de caravansérail revêtue par la présence militaire est attestée ailleurs en Afrique et pouvait prendre différentes formes architecturales : en témoignent, dans le Sud tunisien, les camps d’Henchir Medeina au nord de l’oued Darcen110, de Ksar Tabria au nord de l’oued Tarfa111, au sud-est du chott el-Jérid et, dans la même zone, d’Henchir Mgarine au nord du jbel Tebaga112. Ces trois camps romains, malheureusement non datés, présentent une enceinte carrée entourant un bâtiment situé en son centre : l’espace vide autour de l’élément central a conduit à les identifier à des « camps caravansérails », destinés notamment à l’accueil de caravanes113. Peut-être est-il également permis d’inclure dans cette catégorie le camp de Tisauar, situé dans la même région que les camps cités précédemment et dont l’architecture, très originale, semble en faire un prototype des camps à casernements périphériques114. Son étroite proximité typologique avec le fortin de Qasr al Banat, sur la route de Coptos à Quseir dans le désert oriental d’Égypte, pourrait suggérer qu’il ait rempli les mêmes fonctions de caravansérail115.
31De façon commune à travers les provinces romaines, la sécurité des voyageurs était loin d’être indifférente aux préoccupations de l’État romain116. Les mesures prises afin d’y pourvoir ne sont pas rares. En Afrique, l’édification d’un burgus speculatorius sous Commode, à 6 km au sud de Calceus Herculis, à l’ouest de l’Aurès, fut ainsi destinée spécifiquement à protéger les routes, comme le stipule l’inscription qui en rappelle la fondation117. Les routes commerciales dont l’intérêt économique était important furent sans doute l’objet d’une attention accrue118. Le choix d’implanter des forts présentant des fonctions de caravansérail est en ce sens très probablement lié au passage de grands axes caravaniers qui nécessitaient des lieux de halte réguliers, à l’endroit desquels l’autorité romaine, à travers une présence militaire pérenne, pouvait alors établir une surveillance.
32Cette surveillance, telle qu’elle ressort des mentions de civils de passage dans les ostraca de Gholaia, se serait exercée dans différents lieux sous contrôle de la garnison : une surveillance sur les entrées dans la forteresse et une consignation des civils se présentant de leur propre chef à la garnison pour divers motifs, notamment commerciaux, ainsi qu’une surveillance liée au ravitaillement de la garnison et à son déchargement dans un lieu jouant plus largement le rôle de caravansérail, à proximité du fort. Plutôt qu’à des missions éloignées de la garnison, les affectations cum camellos / cum camellis rapprochées de la statio camellariorum pourraient, dans cette hypothèse, s’inscrire dans le cadre de l’accueil, en présence de soldats, des caravanes de passage participant régulièrement à l’approvisionnement de la garnison comme en témoignent les mentions de chameliers qui auraient alors donné leur nom à la statio camellariorum, ainsi que peut-être des convois plus occasionnels, dans un lieu proche de la forteresse119. Un autre argument plaide en faveur de missions de proximité. Lorsque les soldats de Gholaia étaient envoyés en direction de postes ou de sites satellites de leur garnison, ceux-ci étaient clairement mentionnés par leurs toponymes120. Si la statio camellariorum renvoyait à un site particulier placé sous responsabilité de la garnison de Gholaia mais éloigné de celle-ci, on pourrait s’étonner qu’elle n’ait pas été connue par un toponyme. Nous rejoignons ici R. Marichal, mais en y voyant la fonction principale de la statio camellariorum et non une activité secondaire liée à un poste de douane, lorsqu’il suggère que la statio camellariorum correspondait peut-être à « une sorte de caravansérail où les caravanes se ravitaillaient en eau et laissaient reposer leurs bêtes121 », à l’exemple de Gasr Zerzi, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Gholaia, où l’implantation du détachement militaire est liée à la présence d’une citerne122.
III. — La frontière extérieure de l’Afrique proconsulaire et la réglementation des échanges
33Du fait de sa localisation aux confins de la province, la statio camellariorum à laquelle étaient affectés les soldats de Gholaia fut régulièrement interprétée comme une station du portorium, considérée tantôt comme un poste de douane123, tantôt comme un péage établi sous contrôle militaire à la frontière méridionale de l’Empire124. Outre le fait que la distinction entre péage et douane n’est pas aisée à établir — R. Cagnat reconnaissait lui-même que les péages étaient administrativement assimilés à la douane125 —, il faut se garder de postuler l’existence en certains lieux de stations douanières à partir de leur seule localisation, et dissocier plus généralement les portoria, souvent assimilés de façon abusive à un régime douanier moderne, de l’idée de « frontière »126. À l’exemple des quattuor publica Africae qui s’organisent dès le règne d’Auguste127, et dont le portorium constitue l’un des quatre revenus publics128, les seules taxes douanières bien connues en Occident — le quarantième des Gaules, ainsi que celui des Espagnes — sont prélevées à l’intérieur du territoire provincial129.
34Les spécificités du contexte régional ont nonobstant conduit à supposer que les ouvrages linéaires construits aux confins de l’Afrique romaine, en particulier dans le Sud tunisien, avaient eu pour fonction d’établir un système de taxation sur la circulation, en particulier nomade130. Ainsi s’expliquerait notamment l’architecture en forme de « guichets » décrite à propos des ouvertures, désignées régulièrement comme des clausurae, des ouvrages linéaires de Tripolitaine. Aucune preuve ne permet toutefois de certifier la présence d’un tel contrôle en lien avec quelque structure linéaire que ce soit en Afrique131. L’hypothèse est rendue d’autant moins que probable que l’épigraphie atteste l’existence, à l’époque sévérienne, d’un toloneum associé à la présence de personnel lié au quattuor publica Africae, à Capsa132. Le substantif toloneum, qui est formé sur la même racine grecque que teloneum, c’est-à-dire « le péage133 », est synonyme de statio ou bureau de perception fiscale134. Il est aussi fort possible que la station de Capsa incluait le prélèvement du portorium135. Or la répétition éventuelle du paiement du portorium dans plusieurs stations d’une même province est peu probable136. Il est par conséquent difficilement envisageable que l’État romain ait implanté, avec les murailles du jbel Chareb à environ une trentaine de kilomètres à vol d’oiseau au sud-est de Capsa, sur un itinéraire conduisant précisément à cette oasis, un dispositif destiné à la même perception fiscale137.
35C’est également au règlement principal du portorium d’Afrique que semblent faire allusion la rubrique « lex port[orii] (ou port[us]) maximi » du document connu sous le nom de tarif de Lambèse, malheureusement très lacunaire138, et le quatrième paragraphe consacré à la « lex portus m(a)xim(a ?)139 » du tarif de Zarai, en Numidie140. À Zarai, la lex portus fut établie en 202 après le départ d’une cohorte141. Elle précise le montant de la taxe appliquée à un certain nombre de marchandises énumérées dans quatre rubriques successives. Les clauses tarifaires mentionnées dans les trois premiers paragraphes (la lex capitularis, la lex uestis peregrinae, la lex coriaria) pourraient évoquer des dispositions locales prises pour un certain nombre de marchandises, destinées peut-être plus particulièrement au ravitaillement de l’armée : dans cette hypothèse, l’exemption dont elles auraient été l’objet explique peut-être qu’il convenait de préciser les modalités de leur vente, après le départ de la cohorte142.
36La nature de tarif douanier qu’il est néanmoins possible de conférer au contenu de l’inscription, en lien avec le contexte de la frontière, est encore aujourd’hui discutée. Le débat porte sur l’estimation du montant des droits affectés aux marchandises énumérées dans la lex uestis peregrinae143, et leur valeur marchande144. À la fin du xixe siècle, A. Héron de Villefosse développa l’hypothèse selon laquelle ternarius, qualifiant la tunica dans le règlement, aurait évoqué le prix de trois aurei. Certains chercheurs en déduisirent que les tuniques mentionnées dans l’inscription étaient des produits très coûteux. Ils furent aussi conduits à envisager un taux de taxation relativement faible, à hauteur de 2 % environ, et considérèrent par conséquent la station de Zarai comme un poste de douane interprovincial sans lien avec la frontière extérieure de l’Empire où le taux de taxation était supposé plus élevé et qui plus est calculé, selon l’exemple fourni par la douane d’Asie, sur la base d’un taux fixe ad ualorem145. La perception de droits spécifiques comme à Zarai n’exclut pas toutefois l’existence éventuelle d’une taxe ad ualorem à partir de laquelle a pu être établi un tarif général détaillé146.
37Différents arguments s’opposent à l’hypothèse d’une tunique valant trois aurei et à la proposition corollaire d’un taux de 2 %. Rien ne confirme effectivement qu’il se soit agi de produits de luxe. La liste de prix sur feuille de plomb découverte à Bordeaux, antérieure semble-t-il au milieu du iiie siècle, étudiée par J. France et L. Maurin, offre ici un parallèle convaincant147. Elle mentionne une gamme de prix textiles appliqués notamment à des tuniques, variant de un à 25 deniers : cet éventail de prix semble correspondre à une variété de qualités dans la gamme de produits, certains courants et peu coûteux, d’autres davantage travaillés et plus onéreux148. Par comparaison entre les deux documents, les informations fournies par la tablette bordelaise confirment l’idée de produits ordinaires, de bonne facture sans être luxueux, détaillés dans la lex uestis peregrinae du règlement de Zarai149. En l’état, l’hypothèse la plus probable conduit alors à considérer l’emploi du qualificatif ternarius, appliqué au substantif tunica dans le tarif de Zarai dans un emploi inconnu par ailleurs dans les sources écrites, comme l’évocation d’un procédé de tissage local associant trois pièces d’étoffe et qui ne correspondait pas aux modes habituelles150, couramment répandues, utilisées et dénommées dans le monde romain151. La documentation de Vindolanda permet à ce titre un rapprochement significatif avec la mention de la stica, qui est également un unicum dans la langue latine et évoque semble-t-il un type de tunique particulièrement apprécié par la garnison152.
38L’idée de produits textiles ordinaires mis en vente sur le marché de Zarai, à travers la lex uestis peregrinae, est d’autant plus convaincante que le règlement ne propose pas par ailleurs cette qualité d’étoffe : on pourrait s’étonner à juste titre de ne trouver que des tuniques luxueuses, pour citer l’exemple du vêtement le plus répandu et le plus acheté dans le monde romain153, et dont la consommation était sans doute très importante à Zarai, que l’on songe à la clientèle représentée par la cohorte, les vétérans ou même les civils154. Aussi faut-il songer à propos des tuniques à un taux de taxation relativement élevé, aux alentours de 12,5 % comme cela fut proposé récemment155, à l’exemple de ce qui semble avoir été pratiqué en Illyricum156 et approchant par son montant, sans toutefois les atteindre, les droits de douane — à hauteur de 25 % environ — prélevés à l’entrée en Syrie ou dans les ports de la mer Rouge157. S. J. de Laet considérait qu’il existait un taux spécifique pour les droits de douane prélevés aux frontières extérieures de l’Empire, qui aurait alors été plus élevé qu’à l’intérieur des provinces158. La théorie d’une perception uniformément haute pour l’ensemble des importations traversant les frontières provinciales extérieures, fondée seulement sur deux exemples situés à l’est de l’Empire, demeure néanmoins fragile159. Au-delà de la question débattue d’une « politique douanière » à laquelle renvoie cette idée160, la place du portorium dans le cadre d’une frontière extérieure de l’Empire demeure très mal connue si l’on s’en tient aux sources écrites161.
39Sans doute peut-on raisonnablement supposer, comme l’incite à le penser la documentation, que l’État romain concevait les taux relatifs aux droits de douane en fonction de la situation régionale162. Les taux très élevés pratiqués sur la frontière orientale de l’Empire visaient peut-être à contenir la fuite monétaire consécutive au déséquilibre des échanges commerciaux avec l’Orient163. Dans le cas des taux pratiqués en Orient ou en Occident comme à Zarai, toute explication tenant à une intention protectionniste plus générale attribuée à l’État romain doit aussi être exclue164. On peut avancer l’hypothèse que les étoffes mentionnées dans le règlement de Zarai arrivaient déjà, avant 202, dans la ville, et servaient notamment au ravitaillement de la cohorte165 qui était à ce titre exempt de droits166. Une fois la cohorte partie, et par voie de conséquence une fois l’exemption qui s’attachait à certains articles destinés à son ravitaillement levée, il était alors dans l’intérêt de l’autorité romaine, notamment si elle fut à l’initiative de la gravure du règlement de 202, de préciser le montant des droits désormais affectés à ces marchandises vendues sur le marché, susceptibles de lui procurer de substantiels revenus.
40La tarification des étoffes figurant sur la pierre de Zarai dans la rubrique de la lex uestis peregrinae suggère qu’elles n’avaient pas la même origine ou du moins qu’elles ne suivaient pas le même circuit de consommation que d’autres produits libres de droits : tel est le cas du bétail mentionné dans la lex capitularis et conduit au marché167, probablement celui de Zarai qui bénéficie ici d’un privilège local (« pecora in nundinium immunia »)168, et des bestiaux et bêtes de somme (« pequaria iument(a) immunia ») inclus dans la lex portus m(a)xim(a ?). L’immunité dont bénéficient de façon générale les moyens de transport est bien connue169. Celle qui est accordée aux produits issus de l’élevage et du pastoralisme sur la pierre de Zarai fut interprétée comme le désir manifeste de la part de l’autorité romaine de favoriser le commerce avec les tribus vivant aux confins méridionaux de la province et venant vendre leurs produits dans le domaine tellien170.
41L’emploi combiné de peregrinus et d’afer pour qualifier de manière indifférenciée les étoffes contenues dans la lex uestis semble plus généralement leur conférer une origine différente de celle des autres articles mentionnés dans le texte pour lesquels, en revanche, aucune mention de provenance n’est donnée. Leur origine africaine, non seulement locale pour certains d’entre eux tels que les produits issus de l’élevage, mais aussi plus lointaine pour d’autres tels que les éponges, ne fait aucun doute. Le circuit emprunté par les étoffes qualifiées par l’adjectif peregrinus doit aussi, sans doute, être mis en rapport avec le contexte de la frontière africaine. Le fait que la lex uestis peregrinae soit incluse parmi les rubriques liées à une tarification locale, à côté des produits mentionnés sous le titre de la lex portus m(a)xim(a ?) et pris semble-t-il en compte par le règlement général des quattuor publica Africae, paraît aller dans ce sens. Si l’adjectif peregrinus évoque une origine étrangère, afer se rapporte de façon très générique aux habitants de l’Africa, y compris les indigènes, dans le sens d’africanus171. La combinaison des deux adjectifs peut être rapprochée de l’expression « Afri barbari » employée par Augustin au début du ve siècle, pour évoquer notamment des populations du Sud présaharien, vivant à l’extérieur de l’Empire172.
42Indépendamment de leur lieu de production, peut-être différent selon les diverses catégories de vêtements et de tissus, le fait que les étoffes mentionnées par le règlement de Zarai ont été acheminées par des individus vivant à l’extrémité méridionale de la province africaine a pu conduire l’autorité romaine à considérer ces étoffes comme peregrinus et afer du fait de l’identité de leurs transporteurs, qui au passage se chargeaient peut-être le long de leur itinéraire d’autres marchandises mentionnées dans le tarif de Zarai (par exemple les dattes et l’alun). Ces deux qualificatifs conviendraient singulièrement aux Garamantes173. Inclus dans les peuples de l’Afrique intérieure dans les sources littéraires d’époque impériale, ils n’ont jamais été conquis par Rome, malgré certaines incursions de l’armée romaine174. Or les études archéologiques récentes suggèrent que les productions textiles en laine et en coton ont pu contribuer à nourrir en partie le circuit d’exportation du Fezzan vers l’Afrique romaine et la Tripolitaine en particulier175, qui en retour alimentait notamment la région en céramique176. Il est aussi envisageable que les Garamantes — ou un autre peuple ayant joué un rôle similaire sur les marges méridionales de l’Afrique romaine, entre la Syrte et les oasis présahariennes — aient trouvé ailleurs les articles textiles et participé à un commerce de redistribution sur les marchés à l’intérieur de l’Empire177.
43En conclusion, la tarification particulière instituée dans le cadre de la lex uestis peregrinae du tarif de Zarai, estimée à 12,5 %, ne serait pas exceptionnelle dans l’Empire si l’on accepte la proposition d’A. Birley qui postule un taux équivalent dans le cadre du portorium d’Illyricum178. La spécificité locale tient au fait qu’elle semble de façon générale plus élevée que les droits affectés aux produits mentionnés dans les autres rubriques du tarif de Zarai, d’une provenance peut-être davantage locale alors que différents indices suggèrent une origine plus lointaine pour les étoffes, liée au commerce caravanier. La tarification appliquée aux produits textiles pourrait alors s’expliquer par le contexte des relations entretenues à ce moment-là entre l’État romain et son puissant voisin garamante qu’il n’avait pu conquérir territorialement, et en direction duquel il nourrissait peut-être des ambitions économiques. En effet, c’est au cours de la même période que Septime Sévère implante des garnisons sur le passage des principales routes menant en pays garamante — en 198 à Si Aoun, en 201 à Gholaia et probablement entre 198 et 201 à Gheriat el-Garbia179.
44La présence militaire, ainsi que les spécificités de la tarification appliquée sur les échanges avec l’espace étendu au sud de la province, suggèrent de la part de l’État romain une volonté de manifester son autorité sur les pistes commerciales traversant les marges méridionales de la province et auprès des peuples étrangers qui les fréquentaient, au premier rang desquels les Garamantes. Ces mesures traduisent aussi l’intérêt de Rome pour les échanges pratiqués au sud de l’Afrique romaine et avec le monde garamante, et qui demeuraient, en l’état actuel des connaissances sur le volume des exportations méditerranéennes en direction du Fezzan180, à l’avantage de l’Empire.
Le tarif de Zarai
Imp(eratoribus) Caes(aribus) L(ucio) Septimi o Seuero III et M(arco) Aurelio Antonino Aug(ustis) Piis co(n)s(ulibus) Lex portus post discessum coh(ortis) instituta Lex capitularis mancipia sin gula (denarius et quinarius) equ(u)m equam (denarius et quinarius) mulum mulam (denarius et quinarius) asinum bouem (quinarius) porcum (sestertius) porcellu(m) (dupondius) ouem caprum (sestertius) edum agnum (dupondius) pecora in nundinium immunia Lex uestis peregrinae abollam ce natori(a)m (denarius et quinarius) tunicam ternar iam (denarius et quinarius) lodicem (quinarius) sagum purpurium (denarius) cetera uestis Afra in singulas lacinias (quinarius?) Lex coriaria corium perfectu(m) (quinarius) pilos(um) (dupondius) pelle(m) ouella(m) caprin(am) (dupondius) scordiscum malac(um) p(ondo) c(entum) [.] rudia p(ondo) c(entum) [.] (quinarius) glutinis p(ondo) d(ecem) (dupondius) spon giaru(m) p(ondo) d(ecem) (dupondius) uacat Lex portus m(a)xim(a?) pequaria iument(a) immunia ce teris rebus sicut ad caput uini amp(horam) gari amp(horam) (sestertius ou quinarius ?) palmae p(ondo) c(entum) (quinarius) fici p(ondo) (centum) (quinarius) uatassae no dios (sic) decem nucis modios dec(em?) resina(m) pice(m) alumin p(ondo) c(entum) ferr(i?) | Les empereurs Césars L. Septimius Severus et M. Aurelius Antoninus Augustes Pieux étant consuls, le premier pour la 3e fois. Tarif du péage établi après le départ de la cohorte – Tarif par tête : Par esclave : 1 denier ½ chacun cheval, jument : 1 denier ½ mulet, mule : 1 denier ½ âne, bœuf : 1 quinaire porc : 1 sesterce cochon de lait : 1 dupondius brebis, chèvre : 1 sesterce chevreau, agneau : 1 dupondius Le bétail destiné au marché est exempt de tout droit – Tarif pour l’étoffe étrangère : abolla de table : 1 denier ½ tunique ternaire : 1 denier ½ couverture de lit : 1 quinaire sayon teint à la pourpre : 1 denier autres étoffes africaines, par pièce : 1 quinaire ? – Tarif pour les cuirs cuir complètement préparé : 1 quinaire avec ses poils : 1 dupondius peau de mouton, de chèvre : 1 dupondius cuir cru souple, par cent livres : (?) cuir brut, par cent livres : 1 quinaire dix livres de colle : 1 dupondius dix livres d’éponges : 1 dupondius – Tarif du péage principal (ou Tarif principal du péage ?) Les animaux se rendant au pâturage et les bêtes de somme sont exempts de tout droit ; autres articles, voir la rubrique spécifique. amphore de vin, de garum : 1 sesterce dattes, par cent livres : 1 quinarius figues, par cent livres : 1 quinarius ? vacat pois verts, dix boisseaux (modii), noix, 10 boisseaux ? résine, poix, alun, par 100 livres, fer (par 100 livres). |
Notes de bas de page
1 Whittaker, 1989a, pp. 104-105.
2 Williams, 1967 ; Reinhold, 1971, p. 276 ; Mitchell, 1976, p. 126.
3 Moatti, 2000, p. 928. La liberté générale de circulation dans l’Empire, dont le principe, mais aussi les restrictions, sont rappelés par le législateur, semble ne pas avoir été remise en cause à la fin de l’Antiquité : Guédon, 2010, pp. 9-10, 161-163, à propos de l’Afrique.
4 La nature des relations entre Rome et ses voisins confère à chaque frontière provinciale une histoire particulière. L’exemple fourni par le voisinage du puissant royaume perse en donne, de façon tout à fait remarquable, la mesure : Lieu, 1986. Également les remarques de Whittaker, 1994, p. 91.
5 Rebuffat, 2004.
6 Sur le lien généralement supposé entre le contrôle aux frontières et les douanes : Picard, 1957, pp. 21-24 ; Darmon, 1964, p. 10 ; France, 1994 ; Carrié, 1995, pp. 50-51 ; Moatti, 2000, p. 930.
7 Trousset, 1980a, pp. 935-936 et 1984a, p. 71 ; Whittaker, 1994, pp. 82-83, 91 ; Carrié, 1995, p. 51 ; M’Rabet, Trousset, 2003.
8 Le débat sur la mise en œuvre de tels contrôles dans l’Antiquité n’est pas limité à l’Empire romain. La notion de contrôle est plus difficile d’abord qu’elle n’y paraît à travers l’emploi courant du mot par les historiens, et demeure également discutée dans le cadre des cités grecques : voir les termes de la question et la mise au point historiographique présentés par Roubineau, 2012.
9 Les contraintes exercées sur le passage de la frontière et les échanges commerciaux semblent ainsi se multiplier à la fin du iiie siècle : Moatti, 2000, p. 935.
10 Ibid., pp. 936-937.
11 Rebuffat, 2004, p. 160.
12 À propos de ces textes et des voyages interprovinciaux : Talbert, 2004.
13 L’information, qui ne revêtait peut-être pas a priori un caractère essentiel dans la réalisation pratique des voyages interprovinciaux, est ainsi absente du récit de la traversée de Théophane le conduisant d’Antinoopolis en Égypte, au cours des années 320 : Adams, 2001, pp. 160-162 ; Talbert, 2004, p. 28, n. 26.
14 ILS, 488 ; voir Rathmann, 2003, p. 207. D’autres exemples sont bien connus en Orient : Talbert, 2004, pp. 29-30.
15 Goodchild, 1952, pp. 156-163 ; Brouquier-Reddé, 1992, pp. 128-130 ; Talbert, 2004, p. 30, avec des exemples similaires dans d’autres provinces. En Égypte, les Alexandrins formulent la requête, auprès de l’empereur Claude, de placer des statues de l’empereur conduisant un quadrige aux trois principaux lieux d’entrée dans la province par la voie maritime, à Taposiris, près de Pharos à Alexandrie, et à Péluse : P. Lond., 6, 1912, col. 3, l. 44-48 ; voir Talbert, 2004, pp. 30-31.
16 Voir par exemple l’emploi bien connu de l’expression dans le cadre officiel de la correspondance entre Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie, et Trajan : le premier (Lettres, 10, 77) évoque le sort des Iuliopolitains, confrontés à l’afflux de voyageurs du fait de leur position « in capite Bithyniae ».
17 Voir la réponse de Trajan à Pline : Lettres, 10, 78.
18 Voir le chap. iv de cet ouvrage.
19 Rebuffat, 2004, pp. 157-158 et n. 19.
20 IRT, 897 ; Goodchild, 1954, p. 65. C’est à cette lecture que se rallie Mackensen, 2012, p. 44, qui restitue le texte par la formule « Pro Afr(ica) Ill(ustris) ».
21 Schmidt Heidenreich, 2013, pp. 127-132.
22 CIL, VIII, 22760.
23 Birley, 1978, p. 1533 ; Haensch, 2011, pp. 104-105.
24 CIL, VII, 1129 (ILS, 4829 ; RIB, 2195), Castlehill.
25 CIL, VII, 1113 (ILS, 4831b ; RIB, 2175), Auchendavy.
26 CIL, III, 993 (ILS, 3923 ; Piso, 2001, vol. 1, pp. 36-37, no 41).
27 CIL, III, 995 (ILS, 3920 ; Piso, 2001, vol. 1, pp. 38-39, no 43).
28 Rebuffat, 1972-1973c.
29 L’expression empruntée à la langue anglo-saxonne permet de marquer la distinction sémantique entre frontier et border qui revêt une dimension politique plus forte dans le sens de limite ; voir Gadal, Jeansoulin, 2000. Également les remarques de Barth, 2000, à propos du substantif boundary. Sur cette expression et les remarques inhérentes, voir Elton, 1996, pp. 131-135, qui revient sur l’exemple africain à l’époque tardive.
30 BGU, 5, 1210 ; P. Oxy., XLII, 3014 ; voir Reinach, 1919, 1920 ; Girard, Senn, 1977, pp. 520-557 ; Moatti, 2000, pp. 950-953. L’autorisation de sortie, qu’il faut alors demander au préfet, porte semble-t-il sur l’obtention de documents fiscaux (apostolon).
31 Burkhalter-Arce, 2002.
32 L’article 69 évoque le cas d’une Égyptienne qui fit voyager des esclaves hors de la province par la place de Péluse, où semble-t-il la sortie était libre de droits fiscaux ; elle fut condamnée à une amende d’un talent et 300 drachmes. Cela pourrait confirmer que les dispositions évoquées par le Gnomon de l’Idiologue ne paraissent pas avoir touché l’ensemble du territoire égyptien. La documentation égyptienne reste effectivement muette sur le rôle fiscal et l’existence d’un poste de douane à Péluse, à l’époque romaine : Cottier, 2010, p. 142.
33 Sur l’identification à des droits de péage, voir Wallace, 1938, pp. 273-275, qui compare les documents officiels requis dans le Gnomon au tarif de Coptos ; Rathbone, 2002, p. 184, sur la signification de droit de péage conférée au substantif apostolon. Ce péage semble s’inscrire dans la continuité des mesures en place à l’époque ptolémaïque (voir Strabon, Géographie, 2, 3, 5, 101 : « il n’était pas possible sans ordre de mission de sortir d’Alexandrie par mer… »).
34 Ibid., 17, 1, 13. Voir Cottier, 2010, p. 142 ; Rathbone, 2002, p. 184, n. 22.
35 Strabon, Géographie, 17, 1, 13, qui fait d’Alexandrie « le principal port de commerce du monde habité ». Voir Adams, 2007a, pp. 193-194.
36 Cassius Dion, Histoire romaine, 51, 17, 1-2.
37 L’État romain, qui ne disposait pas de flotte spécifique pour le cursus publicus, devait compter sur les navires affrétés par les particuliers, notamment à des fins commerciales, pour assurer la circulation officielle : Crogiez, 2002.
38 En matière de droits de douane, Rome fut fortement influencée dans sa politique égyptienne par la période ptolémaïque ; ainsi les droits en vigueur à cette époque furent-ils convertis en portoria : Rathbone, 1993, p. 111.
39 À propos de la surveillance dont furent l’objet les Germains, et de l’exclusion qui les frappa au passage de la frontière dans la province : Moatti, 2000, 2004, p. 4 ; France, 2014a, pp. 30-31.
40 « Et haec quidem pars Sueborum in secretoria Germaniae porrigitur : propior, ut, quo modo paulo ante Rhenum, sic nunc Danuuium sequar, Hermundurorum ciuitas, fida Romanis ; eoque solis Germanorum non in ripa commercium, sed penitus atque in splendidissima Raetiae prouinciae colonia. Passim sine custode transeunt ; et cum ceteris gentibus arma modo castraque nostra ostendamus, his domos uillasque patefecimus non concupiscentibus » (« Et cette partie des Suèves s’étend vers les régions les plus écartées de la Germanie ; plus près de nous (pour suivre maintenant le Danube, naguère le Rhin), la cité des Hermundures, fidèle aux Romains, seuls aussi entre les Germains à commercer non pas sur la rive, mais à l’intérieur et dans la plus brillante colonie de Rhétie. Partout, sans surveillance, ils passent le fleuve et, tandis qu’aux autres nations nous ne montrons que nos armes et nos camps, nous leur avons ouvert nos maisons et nos villas, sans exciter leurs convoitises » [Tacite, Germanie, 41, 1-2 ; éd. et trad. de Jacques Perret, Paris, CUF, 1949]).
41 Voir Tacite, Histoires, 4, 63-64, à propos de la revendication faite par le peuple des Tenchtères, lors de la prise de Cologne en 69-70, de passer librement la rive gauche du Rhin et de pénétrer dans la province ; voici les mesures décidées alors par les Agrippiniens : « Vectigal et onera commerciorum reoluimus ; sint transitus incustoditi, sed diurni et inermes, donc noua et recentia iura in uetustatem consuetudine uertantur » (« Nous supprimons les taxes et les charges qui pèsent sur le commerce : que l’on puisse passer librement chez nous, mais de jour et sans armes, en attendant que ces droits nouveaux et inusités se transforment en droits coutumiers » [ibid., 4, 65 ; éd. et trad. d’Henri Le Bonniec et Joseph Hellegouarc’h, Paris, CUF, 1992]). Également Cassius Dion, Histoire romaine, 72, 11, 3, concernant l’interdiction faite aux Quades par Marc Aurèle de fréquenter les marchés à l’intérieur de la province ; 73, 2, 4, à propos des restrictions prises par Commode dans les échanges entre Germains et Romains, sous la surveillance d’un centurion.
42 Voir Carrié, 1994, p. 192, pour la période tardive.
43 « Chez les Arzuges, à ce que j’ai entendu dire, les barbares ont la coutume de prêter serment au décurion qui commande la frontière [decurioni qui limiti praeest] ou au tribun, et ils jurent par leurs démons. Ceux qui concluent des engagements pour accomplir des transports de bagages, ou bien les propriétaires ou les fermiers, pour protéger les récoltes, ont l’habitude de les accueillir comme des gens dignes de confiance pour assurer la garde de leurs récoltes, le décurion ayant envoyé une lettre [epistola]. Les voyageurs qui doivent traverser le pays en les prenant pour guides font de même » (Augustin, Lettres, 46, 1 ; CSEL, 34(2), p. 123 ; trad. Lepelley, 2002, p. 81). Commentaire de ce passage : Modéran, 2003, pp. 364-374, 457-459. Également Rebuffat, 2003a, pp. 394-395 et 2004, pp. 160-161, 175 ; Trousset, 2011.
44 Marichal, 1992, p. 111.
45 Celui-ci est bien décrit par la documentation découverte dans le désert oriental d’Égypte : Cuvigny, 2003.
46 Aurelius Victor, Livre des Césars, 1, 7.
47 Tacite, Annales, 4, 26.
48 Ptolémée, Géographie, 1, 8, 4-5 ; 1, 10, 2. Sur cette expédition : Desanges, 1978, pp. 189-213.
49 Voir l’inscription en langue libyque, que le contexte stratigraphique permet de dater du ier siècle ou du début du iie siècle, découverte à Garama : Cole, 2013, p. 469 ; Mattingly, Sterry, Leitch, 2013b, p. 517.
50 Marichal, 1992, p. 111.
51 SEG, IX, 356, § 11. Voir Roques, 1987, p. 270 ; Rebuffat, 1988, p. 67 ; Modéran, 2003, p. 219 ; Rebuffat, 2004, pp. 175-176 : « Que les soldats des forteresses assurent la garde avec toute diligence […] qu’ils surveillent également les routes, afin que ni les Romains, ni les Égyptiens, ni qui que ce soit d’autre, ne disposent sans autorisation écrite de la libre entrée chez les barbares ; qu’en revanche ceux qui appartiennent au peuple des Maces, s’ils sont porteurs de lettres du clarissime préfet, aient l’autorisation de se rendre dans les territoires de la Pentapole ».
52 « Decet enim cogitare de militis transactione, qui pro generali quiete finalibus locis noscitur insudare et quasi a quadam porta prouinciae gentiles introitus probatur excludere » (Cassiodore, Variae, 2, 5, 2 ; éd. de Theodor Mommsen, MGH a.a., t. XII, 1894, pp. 49-50). Voir le commentaire de Napoli, Rebuffat, 1993, p. 39.
53 Procope, Sur les édifices, 3, 3, 9-11. Voir Traina, 2004.
54 Voir Whittaker, 1993, p. 135 ; Elton, 1996, p. 131 ; Whittaker, 2004b, pp. 133-137.
55 Marichal, 1992, pp. 106-114, à propos de Gholaia ; Cuvigny, 2003, pp. 326-331.
56 Voir les remarques générales de France, 2014a, pp. 16-17. À propos de l’Afrique, voir plus particulièrement Rebuffat, 1982a.
57 Mattingly, 1995, p. 106.
58 Trousset, 1990b, 2004, pp. 81-82.
59 IRT, 895. Voir Mattingly, 1985a, 1995, pp. 81, 106.
60 Marichal, 1992, p. 109 ; Carrié, 1995, p. 51 ; Moatti, 2000, p. 934 et 2004, p. 12 ; Rebuffat, 2004. Nous avons également souscrit à cette hypothèse (Guédon, 2010, p. 157), avant de revenir récemment sur cette interprétation (id., 2016).
61 Marichal, 1992, pp. 99-106. Sur les parallèles étroits entre les ostraca de Gholaia et les textes découverts à Vindolanda : Bowman, 1994, pp. 37-38. Concernant la documentation de Vindolanda : id., Thomas, 1983, 1994, 2003.
62 Marichal, 1992, p. 109.
63 « [.... N]ouemb · introierunt / [..].ạmantes ducentes asinos n(umero) iiii / ẹt Egiptios n(umero) ii · ferentes lit/teras at te et Gtasaẓeiheme Opter / seruu fugitiu » (O. Bu Njem, 71).
64 Marichal, 1992, p. 109.
65 Selon Al-Idrīsī (§ 238, trad. Cuoq, 1985, p. 150), cette profession était encore exercée par une grande partie des gens du Fezzan au xiie siècle.
66 « die s(upra) s(cripto) · intr[oierunt]....... /tes ferentes hor[deum] muli · n(umero) iii · i / et asinos · iiii · diẹ [ṣ(upra) ṣ(cripto) · ....] uener /....[Ịụḷ(ius) · Ịạ(nuarius) · Octauius Fọrtunatus / H]oratianus » (O. Bu Njem, 72). Voir Marichal, 1992, p. 104.
67 Ibid., p. 109 ; Rebuffat, 2004, pp. 157-158.
68 Marichal, 1992, pp. 49-52 ; Bowman, 2006, pp. 80-81 ; Cooley, 2012, p. 275.
69 Marichal, 1992, p. 47.
70 Ibid., p. 109.
71 O. Bu Njem, 97 ; 103. Voir Marichal, 1992, p. 109.
72 O. Bu Njem, 72 ; 73 ; 101 ; 104. Voir Marichal, 1992, p. 109.
73 « Kal(endis) · Octo(bribus) · super/uenisse asinuṣ / cum suriacas » (O. Bu Njem, 73). Certes, le sens de circulation de ce convoi n’est pas connu, mais par analogie avec le reste de la documentation pour laquelle on a, à juste titre, postulé un voyage en direction de l’intérieur de la province (voir Marichal, 1992, p. 109), on peut suggérer que ce fut également le cas dans cette situation.
74 Le périple effectué durant son exil par Dion Chrysostome (Premier discours sur la royauté, 50) autour du bassin méditerranéen jusqu’au Danube et à la mer Noire en offre un exemple concret à l’est de l’Empire : sur le circuit de ses voyages, voir Jones, 1978, pp. 45-55 ; Gangloff, 2008.
75 Dion Chrysostome, Premier discours sur la royauté, 50 ; Ulpien, Digeste, 11, 4, 1, 8a. Voir les remarques de Moatti, 2000, pp. 932-935.
76 O. Bu Njem, 5. Voir Guédon, 2016.
77 Marichal, 1992, p. 112.
78 Id., 1979, p. 451.
79 Flamerie de Lachapelle, 2014, en fait la démonstration à partir de l’exemple fourni par le Digeste, 50, 16, 59, mis souvent à tort en lien avec l’évocation d’un poste de douane.
80 Il y aurait peut-être une autre mention du substantif statio dans le corpus des ostraca de Gholaia, selon une hypothèse de restitution d’O. Bu Njem, 65 proposée par Nelis-Clément, 2006, p. 270, n. 2 : il s’agirait alors d’une « [--- stationem hab]entes b(ene)f(iciarii) ». Sur l’emploi du mot statio et la signification générale de « monter la garde », voir les études récentes de France, Nelis-Clément, 2014a, pp. 12-15 et 2014b, p. 119. Rebuffat, 2000, p. 238, emploie par ailleurs l’expression de « parc des chameliers ».
81 O. Bu Njem, 26, 6. Voir Marichal, 1992, p. 108.
82 Hohlwein, 1912, pp. 288, 552-553 ; Sijpesteijn, 1987, pp. 19-22 ; Lewis, 1988, pp. 140, 152 ; Rebuffat, 2004, p. 179 ; Cottier, 2010, p. 146.
83 O. Bu Njem, 3, 7 ; 4, 8 ; 42, 1. Voir également « ad kamellọ[s] » (ibid., 9, 8).
84 Ibid., 7, 15 ; 8, 13 ; peut-être également ibid., 39, 15 (Marichal, 1992, pp. 154-155). Voir ibid., p. 112 : « Camellarius n’est donc dans ces trois ostraca qu’une façon plus brève — dans le no 8 le scribe n’a même pas eu la place de l’écrire en entier — de désigner un homme ad camellarios ».
85 Mattingly, 1986, p. 59 ; Barker, 2002, p. 494.
86 O. Bu Njem, 76-78 ; 88. Sur l’interprétation de ces textes : Rebuffat, 1977, pp. 400, 409 ; Marichal, 1979, p. 448 et 1992, pp. 100-104 ; Rebuffat, 2000, p. 240.
87 O. Bu Njem, 72. Voir Marichal, 1992, p. 104.
88 Ibid., pp. 111-112.
89 Sur cette hypothèse, voir ci-dessous.
90 Mattingly et alii, 2003, pp. 353-354 ; Pelling, 2005, pp. 400-401. Voir Thiry, 1995, pp. 241, 376, pour l’époque médiévale.
91 Les découvertes archéologiques réalisées à Aghram Nadharif (oasis de Barkat), à proximité de l’oasis de Ghat, le montrent bien : Alhaique, 2005, pour l’analyse des restes de la faune ; Liverani, 2005b, pp. 389-391. Également les remarques plus générales de Mattingly et alii, 2013b, p. 514, à partir des observations faites à Garama.
92 Marichal, 1992, p. 111.
93 L’hypothèse qu’il puisse s’agir d’étoffes fut rapidement avancée par Rebuffat, 1977, p. 408, qui y voyait des textiles en laine originaires de Cappadoce ; Marichal, 1979, p. 451 ; id., 1992, p. 111 ; Rebuffat, 2000, p. 236, n. 65. Broekaert, Vanacker, 2016, p. 169, ont suggéré récemment qu’il puisse s’agir des fruits du myrobalan : d’après Pline l’Ancien (Histoire naturelle, 12, 46, 100-101), ils sont récoltés au pays des Trogodytes, en Thébaïde et en Arabie où le fruit est dit « syrien » (« ex his in Arabia nascens Syriaca appellatur »), ce qui a conduit à proposer que le fruit d’origine trogodyte était également nommé ainsi, et constituait alors le chargement évoqué par l’ostracon de Bu Njem. Pline souligne toutefois que tous ces fruits n’étaient pas d’apparence et de qualité égales, ceux produits au pays des Trogodytes étant les moins estimés, tandis que ceux d’Arabie, de couleur blanche, étaient les plus recherchés.
94 Voir l’emploi du grec σῠρία pour désigner certains types de vêtements dans les sources papyrologiques (LSJ, p. 1731) : BGU, 7, 1564, 6, au iie siècle ; P. Lips., 57, 29, au iiie siècle (sur ce document, voir les remarques de Droß-Krüpe, 2012, p. 17). Pour l’auteur égyptien du iie siècle, Pollux (Onomasticon, 7, 61), il s’agirait de vêtements en laine brute.
95 Le papyrus, daté de l’année 138 apr. J.-C. (sur ce document, voir Lewis, 1988, pp. 169-170, qui en propose une traduction ; également les remarques de Droß-Krüpe, 2012, p. 14), mentionne des vêtements — des manteaux ? — en laine blanche, désignés par le substantif σῠρία et produits par des tisserands du village de Philadelphie, dans le Fayoum : sans doute leur confection était-elle inspirée d’un savoir-faire renvoyant à l’origine aux habits produits en Syrie. Les vêtements syriens évoqués dans le papyrus témoignent alors du processus d’antonomase, bien attesté dans le domaine textile dans l’Antiquité : voir Wipszycka, 1965, pp. 110-111. Pour un aperçu explicite des débats entourant l’emploi des dénominations locales dans le domaine textile : Carrié, 2004, pp. 28-29.
96 L’armée n’était pas la seule consommatrice de ces « manteaux syriens » : P. Lips., 1, 57, daté des années 260-261 apr. J.-C., fait état de leur utilisation par les gladiateurs d’Alexandrie ; sur ce document, voir les remarques de Droß-Krüpe, 2012, p. 17.
97 Marichal, 1992, p. 109.
98 Sur cette hypothèse : Guédon, 2014c, p. 120.
99 Pour un bilan des échanges économiques entre les Garamantes et le monde romain : Mattingly, 2011b, 2013.
100 O. Bu Njem, 147.
101 Marichal, 1992, p. 241. À propos de l’importance politique des Garamantes et de l’étendue de leur emprise territoriale, voir les conclusions de Mattingly et alii, 2003, pp. 361-362 ; Mattingly, 2011b. Également Modéran, 2003, p. 213, n. 12.
102 O. Krok., 41 mentionne ainsi une circulaire émise par le préfet de Bérénice à destination des curatores des praesidia de la route de Myos Hormos, ordonnant de fournir en eau trois âniers de passage : Cuvigny, 2003, p. 323.
103 Reddé, 2003, pp. 246-247.
104 La documentation étudiée par B. Isaac montre en ce sens que les voyageurs pouvaient avoir l’autorisation de passer la nuit au sein d’un fort : Isaac, 1986, p. 390.
105 Marichal, 1992, pp. 94-96.
106 Voir la description de l’environnement du camp fournie par le poème daté des années 202-203, et signé par Q. Avidius Quintianus, centurion de la IIIe légion Auguste : IRT, 918 (éd., trad. et commentaire dans Rebuffat, 1987b ; Adams, 1999).
107 Rebuffat et alii, 1966-1967, p. 60.
108 Le parallèle suggéré par Rebuffat (1982a, p. 493) entre les garnisons du désert oriental d’Égypte et les forteresses du désert libyque fut mis en doute par Reddé, 2003, p. 239, qui souligne, dans le cas libyen, l’absence de fort muni de puits central.
109 « La forteresse de Bu Njem est établie dans un couloir, large, mais bien net, qui correspond au passage de l’oued Chaib dans un paysage de djebel difficile à traverser ailleurs » (Rebuffat, 1972-1973b, p. 135, n. 4).
110 Trousset, 1974, pp. 109-110 ; Mattingly, 1995, p. 101 ; Lenoir, 2011, p. 167.
111 Trousset, 1974, pp. 73-75 ; Rebuffat, 1980, p. 116 ; Mattingly, 1995, p. 101 ; Lenoir, 2011, p. 176.
112 Trousset, 1974, p. 52 ; Mattingly, 1995, p. 100 ; Lenoir, 2011, p. 178.
113 Ibid., pp. 301, 362, n. 16 : pour Guichon, 1990, qui se fonde sur l’exemple de la frontière de la Palestine, cette fonction d’accueil expliquerait d’ailleurs plus largement la construction des forts à casernements périphériques.
114 Lenoir, 2011, pp. 300-301.
115 Golvin, Reddé, 1986, pp. 178-180, 190.
116 Voir les exemples rassemblés par Moatti, 2000, p. 936.
117 CIL, VIII, 2495 (voir le chap. iv de cet ouvrage). Sa construction rappelle l’édification sur les rives du Danube, également sous Commode, de postes militaires destinés spécifiquement à surveiller les lieux de passage clandestins des bandits (« per loca opportuna ad clandestinos latrunculorum transitus » [CIL, III, 3385]).
118 Isaac, 1993.
119 Rebuffat, 1979, p. 232, évoque la présence, sous l’enceinte urbaine de Gholaia, « de grands enclos qui pourraient avoir été des aires de stationnement » ; à propos de ce type de structures, voir également id., 1976-1977a, p. 50 et 1976-1977b, p. 84, qui en fait mention à proximité de l’enceinte urbaine.
120 Marichal, 1992, pp. 106-108. Leur localisation reste malheureusement hypothétique : Mattingly, 1995, p. 105.
121 Marichal, 1992, p. 112.
122 Brogan, Reynolds, 1964, pp. 43-44 ; Rebuffat, 1969-1970b, pp. 136-137, 1992, p. 1639 et 1994a.
123 Marichal, 1992, p. 112.
124 Rebuffat, 2004.
125 Cagnat, 1882, pp. 140-142.
126 Van Berchem, 1956, p. 207 ; suivi en ce sens par Carrié, 1994, p. 233 (hors-texte : commentaire à l’intervention de J. France) ; France, 2001, p. 314.
127 Id., 1993.
128 Cagnat, 1882, p. 71 ; Laet, 1949, pp. 247-254 et 1953 ; Dupuis, 2000 ; France, 2001, pp. 195-196. Sur la dispersion des bureaux du portorium : Laet, 1949, pp. 255-271 ; Vittinghoff, 1953 ; Khanoussi, 1996, pp. 1350-1353 ; Rebuffat, 2004, pp. 168-169.
129 France, 2001, pp. 345-347 et 2014a, p. 30.
130 Fentress, 1979, pp. 112-113 ; Mattingly, Jones, 1986, p. 94 ; Rushworth, 1996, p. 309 ; Cherry, 1998, p. 62 ; Rebuffat, 2004, pp. 162-163, qui évoque de façon générale des formalités à remplir au passage des fortifications linéaires et exigées à leurs guichets ; Vanacker, 2014, p. 205.
131 Mattingly, 1995, p. 114, à propos de la fonction des clausurae.
132 « [---M. Aureli An]toni[ni ---] / [[---]] Aug[---/--- Iuliae] Domnae Aug[ustae ---/---]m toloneum [---/---]pione uerna uec[tigalis IIII publicorum] A(fricae) uil(ico) Capsae e[---/--- c]ontrascriptor[e ---/---] » (AE, 1996, no 1702). Voir Khanoussi, 1996, pp. 1350-1353 ; Dupuis, 2000, p. 278.
133 Il est employé en ce sens sur une inscription d’Hippo Regius mentionnant la présence d’un « péage maritime » dirigé par un procurateur affranchi impérial, qui avait trait probablement au portorium : Corbier, 1981, pp. 90-92, no 2 et pl. Va (AE, 1982, no 944) ; voir Dupuis, 2000, p. 289, n. 20 et pp. 290-291. Une inscription de Bisica, dans la région de Thuburbo Maius, fait également état d’un teloneum, dont le personnel était rattaché au recouvrement des quattuor publica Africae : CIL, VIII, 12314 (ILS, 1654) ; voir Laet, 1949, p. 259.
134 Ernout, Meillet, 1959, p. 694. Voir en dernier lieu Nelis-Clément, 2006, p. 296.
135 Khanoussi, 1996, pp. 1351-1353.
136 Merola, 2009.
137 Même s’il continue à être représenté (voir Talbert, 2000, carte no 34), il faut exclure, en direction du sud-ouest, le pseudo-Fossatum Africae identifié par Baradez, 1949a, pp. 109-111, à partir d’Ad Maiores et s’interrompant à une dizaine de kilomètres à l’est de Thiges. L’étude menée par Trousset, 1980b, a montré qu’il s’agissait d’une voie romaine.
138 Cagnat, 1914b ; AE, 1914, no 234 ; CIL, VIII, 18352. Pour un commentaire récent de ce texte, voir les remarques de France, 2014b.
139 Les termes du débat sont exposés dans Morizot, 2009, p. 159.
140 Voir la synthèse de la question dans France, 2014b.
141 CIL, VIII, 4508, reproduit ci-après.
142 France, 2014b.
143 Pour une étude détaillée de cette rubrique, voir Guédon, 2014c, d’où sont tirées les remarques qui suivent.
144 Les termes du débat sont synthétisés dans France, Maurin, 2009, pp. 256-257.
145 Héron de Villefosse, 1875 ; Bourgarel-Musso, 1934, pp. 367-369 ; Haywood, 1938, pp. 81-82 ; Laet, 1949, pp. 268-269 ; Mrozek, 2004, p. 182, n. 30 ; Trousset, 2002-2003, p. 362 ; Duncan-Jones, 2006, pp. 4-6 et n. 17 ; Rebuffat, 2004, p. 170, pour qui le tarif de Zarai n’a de lien ni avec la frontière extérieure de la province, ni avec la frontière de la Césarienne : il considère par conséquent celui-ci comme un simple péage sans implication douanière ni économique ; Morizot, 2009, pp. 159-160, qui relativise toutefois la faiblesse supposée du taux de taxation.
146 France, 2014b, p. 98.
147 D’autres parallèles sont proposés dans Guédon, 2014c.
148 France, Maurin, 2009.
149 Ibid., pp. 256-257.
150 Les tuniques faites de deux pièces semblent en revanche avoir été d’un usage courant : voir l’étude menée par Yadin, 1963, pp. 204-219, sur les textiles découverts dans la Cave of Letters, dans le désert de Judée. En termes de tissage, la langue latine emploie par ailleurs l’adjectif trilix pour signifier un tissu fait de trois fils : Martial, Épigrammes, 14, 143 ; Virgile, Énéide, 3, 468.
151 Cette hypothèse nous semble plus probable que celle suggérant la notification d’un procédé de teinture spécifique. Les deux propositions sont brièvement évoquées dans l’édition de l’inscription (CIL, VIII, 18643) et reprises sans plus de détail par Darmon, 1964, p. 14, n. 7. Pour une étude plus approfondie et les arguments en faveur de l’hypothèse d’un mode de tissage : Guédon, 2014c.
152 Tab. Vind., vol. 2, p. 181, texte et commentaires. Nous remercions chaleureusement J. P. Wild de nous avoir suggéré ce parallèle.
153 C’est ce que soulignent France, Maurin, 2009, p. 256, n. 31.
154 Un certain nombre d’inscriptions mentionnent la présence de vétérans, peut-être installés là : CIL, VIII, 4519 ; 4522 ; 4523 ; 4524 ; 4525 ; 4529.
155 C’est la proposition faite par France, Maurin, 2009, p. 257.
156 Birley, 1981, pp. 48-49. Laet, 1949, pp. 242-245, qui avait envisagé cette estimation, l’écartait toutefois et postulait un taux beaucoup plus faible.
157 Ibid., pp. 297-324, 335-336.
158 Ibid., pp. 127-129 : il interpréta en ce sens le témoignage de Strabon sur la Bretagne (Strabon, Géographie, 4, 5, 3).
159 Andreotti, 1969, pp. 222-227.
160 Sur cette question : France, 1994, 2001, pp. 10-11 ; Merola, 2009.
161 France, 2001, p. 344.
162 Id., 1994, pp. 142-143 et 2001, p. 344.
163 Laet, 1949, p. 309 ; France, 1994, p. 142.
164 Carrié, 1994, p. 190, qui souligne d’ailleurs qu’une telle politique, si elle avait été menée en Orient, n’aurait pas eu d’effet sur une consommation de luxe.
165 L’armée apparaît à travers la documentation écrite comme un important consommateur de la production commerciale d’étoffes : voir, par exemple, les tablettes de compte du praetorium de Vindolanda : Bowman, Thomas, 1996, inv. no 93, 1398, pp. 300-307 ; Wild, 2002, pp. 26 sq.
166 Sur cette franchise : France, 2014b, p. 102.
167 On suppose qu’il s’agissait là de marchés urbains périodiques, dont c’est d’ailleurs la seule attestation épigraphique : Darmon, 1964, p. 20, n. 18 ; Ligt, 1993, p. 121 ; Trousset, 2002-2003.
168 France, 2014b, p. 99.
169 Laet, 1949, pp. 427-428 ; Vittinghoff, 1953, col. 394-395.
170 Cagnat, 1882, p. 74 ; Fentress, 1979, pp. 185-186 ; Shaw, 1982a, pp. 46-47 ; France, 1994, p. 143 ; Rushworth, 1996, p. 308 ; Trousset, 2002-2003, pp. 368-371. Sur la situation géographique de Zarai et ses implications dans la provenance des marchandises mentionnées dans le tarif, voir ibid., pp. 361-362.
171 Gsell, 1928, pp. 2-8 ; Desanges, 1980a, p. 75 et n. 3 ; Kotula, 1985. Il ne semble pas nécessaire d’y voir la référence à une gens des Afri, au sens ethnique et juridique du terme : à propos de celle-ci, voir les différentes remarques ibid. ; Peyras, 1985.
172 Augustin, Lettres, 220, 7 (CSEL, 57, p. 436) : dans cette lettre à Boniface, il mentionne une invasion d’Afri barbari qui correspondent selon toute vraisemblance à des tribus de Maurétanie, attaquant la Numidie méridionale en 426 ou 427 : voir Lepelley, 2005, p. 129.
173 Cette hypothèse est envisagée de façon détaillée dans Guédon, 2014c.
174 Pline, Histoire naturelle, 5, 43, qui les situe par ailleurs à la limite méridionale de l’Afrique intérieure (ibid., 13, 111) ; commentaire de ces passages dans Desanges, 1980a, pp. 447-448. Voir id., 1997b.
175 Alhaique, 2005 ; Mori, 2005 ; Pelling, 2005, pp. 402, 406-407 ; Mattingly et alii, 2007, pp. 147-148 ; Hoffmann et alii, 2010, pp. 487-488 ; Mattingly, Wilson, 2010, p. 528 ; Wilson, 2012, p. 428.
176 Sur ces courants d’échanges : ibid.
177 Concernant l’hypothèse d’un éventuel courant commercial avec l’Égypte : Guédon, 2014c, 2017.
178 Birley, 1981, pp. 48-49. Sur l’organisation pratique de ce portorium : Zaccaria, 2010.
179 À propos de ces fondations, voir le chap. iv de cet ouvrage.
180 Voir les études de Mattingly, 2011b, 2013.
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