Préambule à la deuxième partie
La nature des limites méridionales de l’Africa
p. 95-98
Texte intégral
1La frontière de l’Afrique romaine existe d’abord par la matérialité que lui donne l’État romain dans le cadre de la définition de la province, à l’intérieur de laquelle il exerce sa souveraineté. Si la frontière sert à délimiter, au moins théoriquement, le territoire de la province, exprime-t-elle pour autant un principe de territorialité que Rome aurait mis en application à travers elle ? Un premier élément de réponse est donné par la diversité de situations et de statuts des communautés humaines établies à l’intérieur et aux limites du territoire de la province, qui n’est alors pas subordonnée dans les faits à une souveraineté unique et absolue1. En outre, il n’y a pas de continuité territoriale dans la manière dont se répartissent les installations officielles, militaires mais également administratives dans la zone de la frontière, de la Numidie à la Tripolitaine2. Au-delà du déséquilibre frappant en matière de documentation archéologique relative à la présence et à l’identification de constructions militaires dans ces régions3, l’explication tient d’abord à la conception romaine de la frontière en Afrique. Limite militaire de l’occupation du territoire provincial et frontière de la province ne se confondent pas systématiquement : si la détermination des frontières de la Proconsulaire participe à la définition de son territoire au moment de la création de la province, la limite militaire, désignée régulièrement dans l’historiographie contemporaine par le terme de limes4, est une construction a posteriori qui borne l’étendue de la zone effective où intervient l’autorité romaine, et qui connaît des variations dans le temps5. Les structures liées à ce qui est appelé couramment un limes dans les études contemporaines se développent progressivement afin de gagner les frontières de la province6, au fur et à mesure que Rome étend son autorité sur le territoire provincial qu’elle contrôlait jusque-là de manière théorique.
2La frontière de l’Africa peut-elle pour autant être considérée comme une « frontière militaire7 » ou encore une « frontière administrative », en particulier lors de sa période de dense occupation sous les Sévères ? On a supposé, à partir des ostraca fournis par le poste militaire de Gholaia, qu’il existait un contrôle à la frontière de l’Empire romain8. Ce contrôle aurait constitué, plus qu’ailleurs, l’enjeu principal de la zone frontière d’Afrique romaine9. L’étude de la documentation découverte au lieu de la garnison de Gholaia invite à revoir cette idée. Loin d’apporter la preuve d’un mode de contrôle unifié sur l’ensemble de la frontière de l’Afrique romaine, elle conduit à envisager un système de surveillance lié au contexte régional et qui s’exerçait non pas sur le territoire, mais d’abord sur les hommes.
3Il s’agit alors de comprendre, à travers la chronologie des différents types d’intervention de l’État romain à la frontière de la province, ce que celle-ci a pu représenter en termes de politique provinciale et de gestion du territoire. Quels buts visaient les mesures prises par Rome, que permettent-elles de déduire sur le rapport de Rome à cette zone particulière de la province, sur la politique qu’elle y déploie et son évolution jusqu’à la période sévérienne ?
Notes de bas de page
1 La même remarque vaut d’abord pour le territoire plus vaste de l’empire et s’applique dès les premiers temps des conquêtes territoriales réalisées par Rome en Italie : voir les remarques générales de Seston, 1976.
2 Trousset, 1974, p. 144 ; Le Bohec, 1979, pp. 16-17.
3 Lenoir, 2011, pp. 363, 369 : le Sud tunisien n’a livré qu’un nombre relativement faible de camps bien datés.
4 Isaac, 1988, p. 125, fait la critique de ce courant historiographique ; Le Bohec, 1999, p. 113, s’inscrit au cœur de celui-ci. Sur l’emploi du mot limes, voir également Reddé, Schallmayer, 2006, pp. 141-142.
5 Whittaker, 1994, pp. 54-58.
6 Les réflexions de Salama, 1977, sur les déplacements successifs du limes en Maurétanie césarienne, en fournissent un autre exemple concret : ce qu’il identifie comme le premier limes de la province remonte à l’époque antonine.
7 Le Bohec, 1995, pp. 294-295.
8 Rebuffat, 2004, p. 157.
9 Trousset, 2004, p. 63.
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