Préface
p. XV-XVI
Texte intégral
1Les frontières de l’empire romain représentent une inépuisable source de fascination et d’émerveillement pour beaucoup, frappés à la fois par l’ambition et les dimensions de son infrastructure et de ses villes de garnison. Le mur d’Hadrien est sans doute le mieux connu et le plus visité des ouvrages frontaliers, mais il ne représente qu’une des diverses solutions adoptées par les Romains à travers la topographie variée qui caractérise les limites de leur territoire. Les idées romaines sur la question d’un contrôle des frontières restent pertinentes aujourd’hui dans un monde confronté, entre autres, à des niveaux sans précédent de migration non réglementée en Europe, et à la rhétorique (et à la réalité croissante) du « Tortilla Curtain » de Donald Trump…
2Les recherches sur les frontières romaines sont inégales, et si les études, par exemple, sur les provinces de Bretagne, du Rhin et du Danube ne cessent de s’accroître, la somme des connaissances et le nombre des travaux sur les frontières du Sud et de l’Est demeurent à un faible niveau. Le livre de Stéphanie Guédon offre le meilleur état de la recherche actuelle sur les frontières romaines (limites) de l’Afrique du Nord. Il deviendra une indispensable référence par la richesse des sources invoquées. Il permet aussi de comprendre la complexité historiographique et méthodologique des limites africaines.
3Les frontières romaines du Sud sont intéressantes pour plusieurs raisons. En premier lieu, elles traversent une zone de confins extrêmement longue et en grande partie désertique ou prédésertique, ce qui pose de nombreux problèmes, très différents de ceux qui sont liés aux frontières en Europe. En deuxième lieu, l’implantation de garnisons dans cette vaste zone frontalière a été réalisée avec une remarquable économie de moyens en comparaison des nombreuses troupes mobilisées pour les frontières en Europe et à l’Est. Il est régulièrement supposé qu’il s’agissait d’une conséquence en grande partie liée au milieu désertique peuplé de nomades ou de pasteurs qui ne seraient devenus une réelle menace qu’à l’époque romaine tardive grâce à la large diffusion du chameau — entraînant alors au final la disparition de la frontière. Or, les découvertes les plus intéressantes réalisées ces dernières décennies sur le terrain ont fait prendre conscience que les oasis sahariennes étaient beaucoup plus développées durant la période romaine que ce que l’on avait admis jusqu’alors. Ces oasis densément habitées, développées et reliées entre elles grâce à des communautés pastorales, ont fait du Sahara un tout autre enjeu de voisinage pour Rome. Beaucoup de ces peuples des oasis étaient établis dans ce que l’on pourrait qualifier des villes, et leur organisation sociale rappelle celle d’États plutôt que de tribus (à l’exemple des Garamantes dans le Sahara libyen). Cela jette une lumière différente sur la façon dont Rome a maintenu une paix relativement stable dans la région durant une période assez longue. Enfin, un troisième point d’intérêt porté par les frontières africaines est lié à la manière dont leurs infrastructures combinaient le contrôle de l’accès à d’importants points d’eau, à un système d’ouvrages linéaires disposés à des endroits stratégiques de passage entre le désert et les zones agricoles. La longueur totale de ces constructions excède de loin celle du mur d’Hadrien, pourtant elles restent peu étudiées — il faut noter l’absence de fouilles des tours, portes et forts recensés —, aussi la datation de leur édification et celle de leurs phases d’activité restent incertaines.
4La monographie de Stéphanie Guédon réunit dans une étude magistrale l’ensemble des données utiles issues des sources épigraphiques, littéraires et archéologiques, afin de replacer ces constructions dans un débat plus large portant sur leurs fonctions et leurs significations idéologiques. Alors que l’on manque de fouilles récentes des forts et d’autres points de cantonnement, l’auteure actualise et, dans une certaine mesure, réinterprète les travaux plus anciens. Elle parvient aussi à restituer la réalité de la vie des garnisons en utilisant la documentation épigraphique exceptionnelle provenant de sites tels que la forteresse légionnaire de Lambèse ou le petit fort de Gholaia (Bu Njem). Son ouvrage souligne également combien il est nécessaire d’étudier ensemble les frontières et les peuples autochtones afin de faire progresser la connaissance et la compréhension de l’un et de l’autre. Il est à souhaiter que ce livre subtil interpelle et suscite l’intérêt tant des chercheurs maghrébins qu’européens.
5Leicester, octobre 2017
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