Chapitre VI. Le bras de fer diplomatique
p. 85-104
Texte intégral
1À l’heure d’entamer de nouveaux pourparlers de paix, on reconnaît au roi de France un léger avantage dans le camp adverse. Alors que rien n’est joué à l’automne 1558, le traité s’avère pourtant très déséquilibré. Ce résultat inattendu a porté l’historiographie française à déceler les signes de l’effondrement de la résistance d’Henri II et de ses plénipotentiaires. Il est donc nécessaire de reprendre le déroulement des négociations, car s’il est connu dans les grandes lignes, l’interprétation de tous ses moments-clefs mérite d’être réexaminée. Ainsi pourra-t-on comprendre sur quel compromis se fonde la paix1.
I. — LE PROLOGUE LILLOIS : PROTESTATIONS DE PAIX MUTUELLES
2Après l’échec de l’entrevue de Marcoing, les manœuvres d’approche ne se sont interrompues à aucun moment. Le gouvernement de Bruxelles a voulu imposer comme intermédiaires entre les cours le connétable de Montmorency et Saint-André, captifs depuis la bataille de Saint-Quentin. Le second a été autorisé à revenir plusieurs semaines auprès de son maître, entre le mois de juin et la mi-août 1558, pour s’enquérir de sa volonté. Henri II leur a permis, sans leur conférer de pouvoirs, de s’entretenir avec des représentants de Philippe II. Alors même que la campagne militaire n’était pas achevée, Montmorency et Saint-André se sont par conséquent réunis plusieurs fois entre le 9 et le 27 septembre 1558 avec le prince d’Orange, Granvelle et Ruy Gómez de Silva.
3Dans ces conférences, on a fréquemment vu la préfiguration de la défaite diplomatique française. Les deux prisonniers de guerre auraient été soumis à une telle pression qu’ils auraient perdu pied et cédé, dès ce moment, face à leurs adversaires2. Le dessein des ministres espagnols a effectivement été de les malmener pour gagner le plus de terrain possible avant l’ouverture de véritables pourparlers. Ils ont refusé de prendre la moindre initiative, déclarant que leur unique charge était d’écouter les propositions d’Henri II ; à plusieurs reprises, ils menacèrent leurs interlocuteurs de tout interrompre et de les renvoyer dans leurs geôles ; enfin, ils leur ont imposé un étroit contrôle, interceptant leur correspondance. Il convient pourtant de s’interroger sur le succès de ces procédés.
4Soumis à un tel traitement, Montmorency et Saint-André, ont mal résisté. Ils acceptèrent d’aborder, mais de manière assez générale, trois questions : les conditions de l’échange des places picardes et flamandes, le mariage de Don Carlos avec Élisabeth de Valois, qui devait permettre d’éteindre les différends entre princes, et enfin l’union d’une fille de France avec Emmanuel-Philibert et une restitution partielle des États savoyards sensiblement plus généreuse que la proposition faite à Marcoing. Le gouvernement français prévoyait, en effet, de céder Asti et toutes les terres du versant occidental des Alpes, soit la Savoie, la Bresse et Nice ; en compensation du Piémont, on lui faisait miroiter une récompense dans le royaume de France. S’il épousait la duchesse de Berry, sœur d’Henri II, il pourrait « gouster que c’est des graces et faveurs d’un roy de France ». En revanche, la valeur d’échange de la province alpine n’était nullement remise en question :
Quant au faict de monsieur de Savoye, led. seigneur n’a deliberé en quelque sorte que ce soit luy bailler ne rendre aucune chose du Piemont, sinon qu’il plaise aud. sr roy d’Espagne luy restituer le duché de Milan3.
5Sur le premier point, les deux négociateurs ont refusé la moindre concession. À l’inverse, ils ont outrepassé à n’en pas douter leurs instructions en évoquant un mariage prestigieux entre le duc de Savoie et Marguerite de Valois, fille d’Henri II, et non avec une autre Marguerite, sœur du roi. Ils sont même allés plus loin — Saint-André surtout — en laissant entrevoir, lors de discussions informelles, la possibilité d’une restitution de l’ensemble du duché de Savoie4. On le trouve consigné dans les Diari d’Emmanuel-Philibert les 31 août et 28 septembre 1558. À la première date, est-il indiqué, le prince d’Orange estime que les Français pourraient accepter les conditions suivantes :
… si on leur rendait ce qu’ont leur a pris l’année dernière (les places de Picardie), ils rendraient tout ce qu’ils ont d’ici (les places des Pays-Bas), et ils me restitueraient le mien, sauf deux ou trois places, et si j’avais des enfants (avec la fille aînée d’Henri II), ils rendraient tout, au cas où S. M. (Philippe II) ne la voudrait pas pour son fils5.
6La cour de France, dominée par le cardinal de Lorraine, dictait néanmoins la conduite à suivre et gardait in fine le contrôle de la situation. L’objet essentiel de la mission des représentants d’Henri II, d’ailleurs fixé par le prélat, était sans doute de s’assurer que l’adversaire souhaitait ouvrir des pourparlers de paix, sans plus se découvrir. Ils devaient user d’un procédé diplomatique propre à les aider à gagner du temps : demander la venue d’un secrétaire d’État, porteur de la volonté d’Henri II, pour les épauler, ce qu’ils ont fait avec insistance mais sans grande efficacité. Les ministres de Philippe II, conformément à leur stratégie, s’y refusèrent tout d’abord catégoriquement, ne serait-ce que pour priver le plus possible les prisonniers de tout contact extérieur, puis posèrent des conditions inacceptables, vigoureusement rejetées, pour enfin céder. En effet, ils exigèrent qu’en cas de rupture des négociations, le secrétaire demeurerait aux Pays-Bas pour la durée d’un mois6. Claude de L’Aubespine, choisi par Henri II et par le cardinal de Lorraine, put s’acheminer à Lille le 25 septembre 1558. Il apporta à Montmorency et à Saint-André des remontrances pour leur comportement antérieur et de nouvelles instructions, précisant dans quelles limites le roi entendait s’engager à propos du duché de Savoie. Aussi son arrivée a-t-elle été marquée par un retour immédiat sur les concessions formulées auparavant. Par l’intermédiaire de L’Aubespine, Henri II a néanmoins confirmé sa volonté d’accepter la tenue d’une assemblée7. Il a donc décidé de faire le premier pas.
7Si le mode de négociation en vigueur à Lille s’est avéré très désavantageux pour le roi de France, ses résultats ne sont cependant pas totalement négatifs, car l’autre partie a aussi révélé qu’elle était en proie au doute. Les avances de Montmorency et de Saint-André ont beaucoup déçu au camp espagnol d’Auxi-le-Château, où on se montrait beaucoup plus disposé à engager rapidement des pourparlers qu’à Lille. Il a fallu toute la détermination des représentants de Philippe II pour ralentir la procédure et ne pas le laisser transparaître. Le Roi Catholique était prêt dès la mi-septembre à accepter une réunion de plénipotentiaires, économisant le contretemps que constituait l’envoi d’un secrétaire d’État français. Ce malentendu s’est à nouveau manifesté à l’issue des conférences lilloises. Ruy Gómez de Silva, Orange et Granvelle ont accueilli les avances de Claude de L’Aubespine avec froideur, puis ont accepté du bout des lèvres qu’il se rende auprès de Philippe II, pour enfin se livrer, après son départ, à une véritable mise en scène avec Montmorency et Saint-André. Ils ont menacé les deux seigneurs de mettre fin aux discussions s’ils ne révélaient pas plus ouvertement ce que leur souverain était prêt à céder, parvenant à leur faire perdre une grande part de leur capacité de résistance. L’épreuve a sans nul doute été humiliante8. Sans opposer de nouvel obstacle, le roi d’Espagne a fait cependant connaître à L’Aubespine son assentiment au principe d’une assemblée. Granvelle ne se réjouit guère de ce qu’il considérait comme une concession lâchée trop hâtivement9. Cet empressement n’a pas échappé à la cour de France, qui put constater que le camp adverse désirait la paix autant que lui-même. Le cardinal de Lorraine note que si l’on est « tousjours ès mesmes termes et propoz de la paix », Philippe II et ses ministres « font plus de demonstration que de coustume de la demander et desirer »10. Même si ce prélude s’achevait sous de bons auspices, l’issue de la rencontre demeurait incertaine.
II. — LES NÉGOCIATIONS DE CERCAMP ET DU CATEAU-CAMBRÉSIS
8Une fois réunis à Cercamp le 12 octobre 1558, les représentants des deux rois sont entrés presque immédiatement dans le vif des débats. Trois grandes questions ont retenu l’essentiel de leur attention jusqu’au printemps suivant : le sort de Calais, celui des territoires dominés par les deux souverains dans le nord-ouest de l’Italie (soit le Piémont, le Montferrat et le duché de Milan) et la restitution des places picardes. L’importance des places de Saint-Quentin, du Catelet et de Ham lors des pourparlers n’a d’ailleurs pas été suffisamment soulignée. Il s’agit en fait d’un chaînon manquant dans l’explication du compromis signé au Cateau-Cambrésis. Le cardinal de Lorraine, dès l’ouverture des débats, le déclare solennellement : « La somme [de] noz différendz gist au recouvrement de la ville de Sainct Quentin et autres lieux de nouveau pris par ce Roy Catholicque… »11.
9C’est autour de ces grands enjeux que chaque délégation a bâti, dès les premières réunions, une ligne de conduite. La posture adoptée par les députés de Philippe II peut se résumer simplement. Ils disposaient de très peu de places à monnayer, mais celles-ci avaient un rôle stratégique capital. Cet atout majeur est peu mentionné explicitement dans les dépêches ; ils ont en pourtant usé constamment. Dès la première séance de discussion, le 15 octobre, on s’accorda généralement sur une restitution des conquêtes réalisées de part et d’autre de la frontière franco-flamande12. Par la suite, cependant, les représentants espagnols ont défendu bec et ongle deux principes : puisqu’ils acceptaient la restitution de toutes leurs conquêtes, l’autre partie devait faire de même, et puisqu’ils renonçaient à l’opportunité d’envahir commodément les États d’Henri II, leurs adversaires ne devaient retenir aucune place directement menaçante pour les États de Philippe II. Chaque fois que les diplomates espagnols ne jugent pas leurs interlocuteurs suffisamment conciliants, ils ne manquent pas de les rappeler à l’ordre. Ainsi, le 8 novembre 1558, Albe signifie lors d’une discussion avec le cardinal de Lorraine que, grâce à Saint-Quentin et Ham, ils avaient « la porte de France ouverte »13.
10Pour Henri II et ses conseillers, le problème se présentait différemment. Ayant renoncé à leurs ambitions antérieures, ils n’exigeaient plus qu’une satisfaction minimale pour les prétentions sur le duché de Milan et acceptaient de rendre une grande partie du duché de Savoie, deux obstacles majeurs à la paix. Ils entendaient néanmoins récupérer Saint-Quentin, Le Catelet et Ham, conserver Calais et de solides positions en Italie du nord. Pour y parvenir, ils disposaient de la possession des terres qu’ils revendiquaient et des nombreuses conquêtes de guerre. Voulant aller vite en besogne, ils se sont pourtant mal défendus et les négociations ont avancé au rythme de leurs concessions.
LES PRÉTENTIONS DE CHAQUE CAMP
11Les offres des plénipotentiaires français ont été, dès l’origine, plutôt généreuses. Afin de mieux assurer la restitution des places picardes, ils commencèrent par renoncer sans discussion à Hesdin, alors que cette place artésienne avait été gagnée de haute lutte par le traité de Crépy. Ils suggérèrent aussi d’unir Élisabeth de Valois à Don Carlos, ce qui fut immédiatement accepté14. Ils eurent moins de succès lorsqu’ils présentèrent le 18 octobre les conditions dans lesquelles ils concevaient le retour des États de Savoie à Emmanuel-Philibert : en épousant Marguerite, duchesse de Berry et sœur d’Henri II, dotée à hauteur de 300 000 écus, le duc récupérerait son duché, à l’exception de douze places en Piémont, conservées pendant trois ans, le temps de régler les litiges entre les deux souverains — en vertu d’une revendication de droits hérités de Louise de Savoie, mère de François Ier. Une telle proposition, qui laissait au roi de France la haute main sur le duché, a fait monter la tension. Les négociateurs espagnols, la jugeant inacceptable, se refusèrent en effet catégoriquement à la débattre. Ils continuèrent à exiger sans succès l’abandon par Henri II de toutes ses possessions en Italie, soit, en plus du Piémont, la Corse, une partie du Montferrat et la république de Sienne, affirmant ne pouvoir consentir à la paix qu’à ces conditions. Emmanuel-Philibert a répondu qu’il acceptait de céder quatre places seulement15. La question de Calais surgit dans ce contexte, le 23 octobre. Avec l’arrivée des députés de Marie Tudor, elle devint même la principale difficulté à trancher. Français et Anglais en revendiquaient la possession légitime de manière tout aussi catégorique, alors que les députés espagnols étaient décidés à soutenir vigoureusement leurs alliés, tant que cela ne ferait pas échouer un accord avec Henri II16. Le problème paraissait insoluble.
12Toutes ces prises de position semblaient empoisonnées aux représentants de Philippe II : leurs adversaires souhaitaient conserver le contrôle du duché de Savoie, continuant à menacer le Milanais, et mettre la discorde entre eux et les envoyés anglais. L’exigence de conserver Calais leur faisait se demander si négocier avec des interlocuteurs aussi résolus n’était pas contraire à la réputation de leur souverain. Côté français, on était tout aussi peu satisfait de la tournure des événements : les divisions au sein de la délégation, alors palpables, faisaient croire à une volonté de rompre les pourparlers. De part et d’autre, on s’interrogeait sur l’opportunité de poursuivre les discussions. L’ambiance à Cercamp semblait particulièrement maussade à la fin du mois d’octobre. Les plénipotentiaires d’Henri II apparaissent à leurs principaux adversaires « froidz et nonchaillans et sans la chaleur dont jusques à oires (jusqu’à présent) ilz ont usé pour soliciter la negociation »17. Dans un climat de défiance mutuelle, il a été décidé d’un commun accord d’interrompre les pourparlers pendant un peu plus d’une semaine, sous le motif de consulter le gouvernement de Marie Tudor.
HENRI II TENTE VAINEMENT D’ARRACHER LA PAIX
13De retour à la table des négociations le 7 novembre 1558, les députés français ont consenti à faire preuve de bonne volonté dans le but de garder Calais et des positions stratégiques de premier ordre en Piémont. Ils ont formulé de nombreuses concessions et des propositions très précises. Ce changement d’attitude était aussi brutal que surprenant.
14Les représentants d’Henri II ont tout d’abord pris soin de s’assurer formellement, et non plus seulement en principe, que Philippe II était disposé à restituer les places qu’il détenait en Picardie. De leur propre mouvement, ils cédèrent d’ailleurs un peu de terrain sur la frontière nord. En effet, même s’ils restituaient plus de places qu’ils n’en recevaient (Thionville, Mariembourg, Ivoix, Damvilliers et Montmédy en échange de Saint-Quentin, Le Câtelet, Ham et Thérouanne), ils ne l’évoquèrent pas, alors qu’ils l’avaient fait précédemment à Lille ; en échange de Thérouanne, qui ne pouvait être rendue puisqu’elle avait été rasée, ils demandèrent à faire subir le même sort à Ivoix — cet expédient avait été évoqué dès la conférence de Marck. De plus, les prétentions françaises sur le comté de Saint-Pol furent passées sous silence alors que la solution à l’amiable acceptée pour la place de Bouillon équivalait à un abandon. Cette place devait être rendue à l’évêque de Liège et des arbitres trancheraient la question de sa possession. Tous les efforts déployés à Vaucelles pour la conserver étaient réduits à néant18.
15C’est néanmoins sur l’Italie que l’on attendait de connaître la volonté du roi de France. Il accepta de réduire largement le nombre de places demandées, déclarant pouvoir se contenter de six places et d’Asti, qu’il ne détenait pas. Comme leurs adversaires opposaient une vive résistance, continuant à défendre le parti de quatre places proposé précédemment, les plénipotentiaires d’Henri II s’alignèrent, au bout de quelques joutes diplomatiques, sur cette base de discussion, en y adjoignant Asti. Ils finirent même par les nommer : Turin, Chieri, Chivasso et Pignerol ; l’ensemble des autres forteresses, en revanche, seraient détruites. Comme le notaient leurs interlocuteurs, les places choisies n’avaient pas vocation à défendre le royaume de France, mais étaient autant de marchepieds pour attaquer le duché de Milan ; Asti était même, selon Albe, l’« eschelle la mieux preparée du monde » pour une telle entreprise. Les diplomates français acceptèrent finalement de renoncer à cette place au profit de celle, toute proche, de Villanuova d’Asti, campant pour le reste sur leurs positions19.
16Comme gage de leur esprit de conciliation, ils acceptèrent aussi au cours de ces mêmes débats, qui se tinrent du 7 au 9 novembre, d’importantes concessions dans la Péninsule. Les autres conquêtes italiennes, auxquelles ils tenaient moins, devaient servir de monnaie d’échange. Ils admettaient le retrait des troupes présentes en Montferrat, appartenant au duc de Mantoue, si Philippe II, qui en détenait lui aussi une partie, faisait de même. Cette solution fut acceptée. Valenza, pris sur le duché de Milan en janvier 1557 par le duc de Guise lors de sa descente en Italie, fut rendue sans discussion aucune. Quant aux terres siennoises, les négociateurs français laissèrent entendre qu’ils souhaitaient surtout trouver une issue honorable permettant à Henri II de se désengager de la protection qu’il avait accordée aux habitants de la République sans qu’elle tombât entre les mains de Philippe II ou du duc de Florence. La situation politique en Italie centrale était alors passablement complexe. Les troupes d’Henri II dominaient une grande partie de son territoire et celles du duc de Florence presque tout le reste, alors que des garnisons espagnoles tenaient plusieurs places côtières. La situation juridique n’était pas moins embrouillée. Charles Quint avait délégué ses pouvoirs impériaux à son fils — ayant privé les Siennois de leur régime républicain car ils s’étaient soulevés en 1552, affirmaient les plénipotentiaires espagnols. En vertu de l’autorité qui lui avait été confiée, le Roi Catholique avait investi Côme de Médicis des États siennois le 17 mars 1557. Affirmant que ces territoires n’appartenaient pas à l’Empire et que ses habitants ne s’étaient pas rebellés, les ministres d’Henri II contestaient cet état de fait20. Enfin, pour ce qui était de la Corse, suivant une attitude adoptée dès le début des négociations, une compensation financière était exigée pour sa restitution à Gênes, que l’on justifiait par les fortifications édifiées dans l’île21.
17Les alliés du roi de France n’ont pas non plus été défendus avec une grande ardeur. Malgré l’insistance de ses représentants pour qu’Antoine de Bourbon obtînt justice de ses droits sur la Basse-Navarre, ils n’ont obtenu qu’une satisfaction formelle. Des députés du prince furent simplement admis à comparaître devant l’assemblée le 12 novembre. Philippe II précisa ensuite à ses plénipotentiaires qu’il refusait toute allusion à ces prétentions dans le traité final22.
18Par tant de témoignages de générosité et de conciliation, Henri II espérait obtenir l’assurance de la signature d’un accord. À l’exclusion de quelques positions stratégiques en Piémont et la place de Calais, il abandonnait toutes ses conquêtes italiennes. Ses plénipotentiaires n’ont pas même pris la peine de monnayer les choses qui leur semblaient secondaires et n’ont sollicité aucune contrepartie. Il s’agissait d’une offre de paix qui devait emporter l’assentiment immédiat de Philippe II. L’« exubérance » du roi de France lorsqu’il renvoya Montmorency à Cercamp le 7 novembre en témoigne23.
19Ce coup d’éclat n’a pourtant pas eu les effets attendus ; au contraire, il a surpris et rendu méfiante l’autre partie. Les plénipotentiaires espagnols ont discuté de la droiture des intentions d’Henri II. Ils lui reprochaient de ne pas céder sur l’essentiel : en récupérant Saint-Quentin et en conservant en Piémont des points d’appui pour une invasion du duché de Milan, ne voulait-il pas reprendre plus tard les hostilités dans une posture plus favorable ? Qui plus est, les exigences posées par le souverain français ne visaient-elles pas à leur faire perdre l’alliance de l’Angleterre, du duc de Savoie et de Gênes ? Au sein de la délégation, Albe et Granvelle au moins doutaient que Philippe II pût signer un accord honorable à de telles conditions :
Certes les François se servent grandement du désir qu’ils ont connus que nous avons de paix à notre dommage, et si nous ne regardons à l’Italie, je doutte que à la fin touttes les forces de France tomberont sur le costé. Tout ce qu’ils prétendent est vouloir Saint-Quentin et Ham pour après, se servant de ce qu’ils tiendront en main, reprenant haleine, nous faire bientôt pis ; et se serviront du tems de repos à l’accoutumé pour nous prolonguer, et dès maintenant se mettent en chemin pour nous faire perdre nos amis, à sçavoir les Anglois et les Genevois, et certes si l’on ne r’ha Calais, je ne ne sçais si nous satisferont à notre honneur ny au pauvre peuple de Flandres24.
20Voyant l’autre partie céder beaucoup, les députés de Philippe II ont tenté d’obtenir un compromis plus avantageux concernant le Piémont et la Corse, ainsi que des précisions supplémentaires quant à Sienne. Pour y parvenir, ils firent planer le 11 novembre la menace d’une rupture, insinuant qu’ils n’avaient pas envoyé le rapport des derniers débats pour savoir si leurs interlocuteurs souhaitaient modifier leurs propositions25. Cette initiative fut l’étincelle qui déclencha une brève crise.
L’HEURE DE VÉRITÉ
21Mal assuré de la volonté adverse d’un accord convenable, on s’est interrogé dans chaque camp sur l’opportunité de poursuivre les négociations. Sébastien de L’Aubespine et Ruy Gómez de Silva ont été envoyés vers leurs princes respectifs afin de les consulter. C’est la cause de la paix qui est sortie victorieuse de cette courte épreuve.
22Une nouvelle fois, le roi de France a été le plus prompt à prendre une décision. Dans sa hâte, il a même eu le temps, en trois jours, d’opérer une volte-face. Le 13 novembre, il envisagea tout d’abord sérieusement une reprise des hostilités. Suivant l’avis de la majorité de son Conseil, dominé par le duc de Guise, il voulut poser un ultimatum à Philippe II. Deux jours plus tard, Henri II, à l’issue d’un conciliabule avec Diane de Poitiers, décida par un acte souverain que la paix devait être signée conformément à ses exigences présentées les 7 et 8 novembre. De fait, l’ambassadeur vénitien, se faisant l’écho des rumeurs de la cour, affirme le 16 novembre qu’il n’y avait plus aucun doute quant à la signature de la paix et que le roi ne voulait plus recevoir de conseils de personne26. On tentera plus loin d’interpréter ce revirement. Il ne s’agit pas néanmoins, il faut le préciser dès à présent, du moment-clef de la négociation, comme l’estime Lucien Romier. N’ayant pas en sa possession toutes les dépêches se rapportant aux négociations, il a cru que l’ensemble des concessions présentées le 8 novembre ont été décidées après cette « révolution » : il les a postdatées. À partir de ce moment la défense des plénipotentiaires français se serait soudainement effondrée27. Au contraire, ceux-ci ont maintenu ne varietur et avec une plus grande intransigeance les concessions avancées non dans un contexte de vive tension mais dans le cours normal des discussions, quelques jours plus tôt.
23Aussitôt après avoir reçu les instructions d’Henri II, ses plénipotentiaires ont fait connaître leur position : avant de prendre aucun engagement, le statut de Calais devait être tranché. Ils demandèrent une réponse sans équivoque et rapide de la part du gouvernement anglais à ce sujet. Leur dessein, qu’ils ne formulèrent pas immédiatement, était de contraindre Philippe II à abandonner son alliée britannique. C’est avec la plus grande fermeté qu’ils s’exprimèrent, non sans formuler une menace de rupture, expliquant qu’ils s’étaient enquis de la « finale resolution » de leur souverain « sur toutes les demandes et difficultez qu’ils avoient cy-devant proposées », et qu’ils la révéleraient si les plénipotentiaires espagnols faisaient de même au nom de leur maître, « afin qu’en mesme jour on veist de cette communication le faict ou le failly »28.
24Cette attitude résolue a fait craindre une séparation de l’assemblée. Pour les ministres espagnols présents à Cercamp, les conditions posées à la poursuite des pourparlers étaient de mauvais augure, du fait du « double pied que les François y prennent ». Mieux vaut donc, pour leur roi, poursuivre la guerre, puisque « leur façon de négocier » montre « qu’ils procèdent à mal fin et pour de brief pouvoir plus outrager ». En outre, ils cherchent manifestement à lui faire perdre ses « amis », principalement anglais et génois29.
25Il revint ensuite au Conseil de Philippe II de s’interroger à son tour, le 20 novembre, sur le meilleur parti à prendre : poursuivre les hostilités avec l’avantage des places de Picardie et le soutien anglais ou continuer à traiter avec un interlocuteur jugé intransigeant. Une majorité se dégagea en faveur d’une option militaire, si toutefois les finances de la monarchie le permettaient. Or, on considéra que ce n’était pas le cas ; le parti de la paix l’emporta donc aussi dans le camp espagnol. Le roi se disait même prêt à accepter une trêve s’il n’était pas possible d’obtenir un accord mieux établi. Cette solution avait été repoussée jusque-là, car elle ne réglait rien et laissait l’adversaire en possession de ses conquêtes30. La dépêche envoyée aux plénipotentiaires à l’issue de cette réunion du Conseil révèle néanmoins clairement que Philippe II décida de reculer, et non de faire preuve d’une détermination plus grande. Elle précise qu’« ayant à aucuns (du Conseil) semblé que ne pouvans venir à une bonne paix, valoit mieulx vivre en tresve qu’en guerre », puis leur demande de négocier du mieux qu’ils peuvent, « tenant ce pied (fondement) que demeurant tous autres points accordés sauf Calais, celui-ci soit couleur (motif) de la tresve comme de la rupture »31.
26Durant cette courte crise se sont déroulées de nouvelles transactions concernant les terres savoyardes. Profitant de l’occasion, le roi d’Espagne a contraint Emmanuel-Philibert à se montrer plus conciliant. Le duc n’était guère disposé à épouser Marguerite de France. Du fait de l’âge de la princesse — trentesix ans —, il risquait de n’avoir aucune descendance et donc de permettre au roi de France de faire valoir ses prétentions sur le duché de Savoie et de s’en emparer par des voies légitimes. C’était à n’en pas douter une des fins non avouées de cette union. Emmanuel-Philibert prit alors sa décision et accepta de renoncer à trouver un meilleur parti. Il continua néanmoins à solliciter un certain nombre d’aménagements, entre autres d’abréger le terme de la restitution des cinq places — dont il ne contestait plus le nombre ; l’ensemble de ses revendications ont essuyé une fin de non-recevoir32.
27Ainsi apparaît-il qu’au milieu du mois de novembre, ce sont le roi d’Espagne et le duc de Savoie qui cèdent du terrain, et non Henri II qui capitule. À l’heure de vérité, tous ont opté pour la paix.
28Le succès de la négociation demeurait toutefois suspendu à la décision du gouvernement anglais, qui n’avait toujours pas fait connaître sa réponse à l’ultimatum français. Sur ces entrefaites survint la disparition de Marie Tudor. En attendant l’installation d’un nouveau gouvernement, on décida de suspendre les pourparlers. Avant que les deux délégations ne se séparent le 26 novembre, les représentants français ont fait de nouvelles avances, qui, cette fois, ont atteint l’effet recherché. Ils affirmèrent que les différends entre les deux princes pouvaient être considérés comme réglés, tout en donnant l’assurance que, dès que le sort de Calais serait tranché, les questions de la Corse et des terres siennoises trouveraient une issue conforme à la volonté de Philippe II. Ils obtinrent manifestement ce qu’ils souhaitaient : les diplomates espagnols partirent avec la ferme volonté de faire céder l’Angleterre. Ces promesses ont donné pour la première fois à Granvelle le sentiment qu’Henri II désirait véritablement la paix et qu’à Cercamp avaient été posées les bases d’un futur traité : « je vois que nous sommes quasi d’accord si en l’écrit (la mise par écrit) nous ne rompons, hormy ce jour (différend) d’Angleterre »33. Calais a dès lors été au cœur des débats.
CALAIS, POMME DE DISCORDE
29L’avènement d’une nouvelle souveraine sur le trône anglais était susceptible de modifier les équilibres européens. Ainsi, le débat autour de Calais avait des implications bien plus importantes que la seule possession de la place : il engageait les relations des monarchies d’Espagne et de France avec l’Angleterre. Les difficultés d’Élisabeth Ire pour imposer son autorité ont eu pour effet de rendre plus vive la lutte d’influence entre les deux adversaires34.
30C’est une tâche délicate qui s’offrait à Philippe II. À Cercamp, les plénipotentiaires de Marie Tudor s’étaient reposés en toute chose sur les siens. La reine et ses conseillers, tout en refusant de prendre la moindre résolution concernant Calais, ont exercé une forte pression sur le roi consort, sous le motif qu’il était le responsable de l’entrée en guerre de l’Angleterre et qu’il lui revenait d’obtenir la restitution d’une perte intervenue en raison de cet engagement. La diplomatie espagnole ne parvint pas à imaginer d’expédient propre à les contenter. Le dilemme changea de nature dans les premiers instants du règne d’Élisabeth Ire. Elle était une souveraine faible, qui imposa à ses sujets en majorité catholiques le retour à une législation anglicane, suscitant une forte opposition contre elle. Néanmoins, plus encore que lorsqu’il était l’époux de Marie Tudor, Philippe II a été soucieux de ménager sa principale alliée. Il continuait à souhaiter que Calais, de grande valeur stratégique et voisine des Pays-Bas, demeurât à l’Angleterre. Bien plus, le danger d’une invasion française dans l’île s’était accru. Grâce aux droits de sa belle-fille Marie Stuart, reine d’Écosse, à la couronne anglaise, en rien inférieurs à ceux d’Élisabeth Ire, Henri II pouvait aisément justifier une intervention militaire. Il ne se priva d’ailleurs pas d’agiter cette menace. Il s’agissait, à l’égal de la possession de Calais, d’un atout majeur.
31Dans ce nouveau contexte, les représentants de Philippe II se sont fortement impliqués dans la signature d’un compromis intéressant les trois monarchies, pour s’opposer à des dirigeants français déterminés à faire fléchir une adversaire affaiblie. Une solution a été trouvée, qui a satisfait l’ensemble des participants, sans remédier aux risques liés à l’instabilité du royaume d’Angleterre — cette question dépassait le cadre des discussions de l’assemblée.
32L’attitude qu’adopterait Élisabeth Ire était au cœur de toutes les interrogations. Elle a tout d’abord provoqué de fortes inquiétudes à la cour du Roi Catholique en nouant, au cours de l’hiver 1558-1559, des contacts directs avec Henri II. Guido Cavalcanti, marchand italien, fit office d’intermédiaire. Ces négociations discrètes ont été cordiales mais n’ont abouti à aucun résultat concret35. Le sort de Calais a donc été remis aux pourparlers officiels qui ont débuté au Cateau-Cambrésis le 10 février 1559. Les députés anglais reçurent pour instruction d’obtenir les meilleures conditions, tout en se montrant conciliants. La reine leur ordonna en janvier 1559 de ne rompre en aucun cas les négociations si les Français refusaient la restitution de Calais, mais de les « entretenir avec quelqu’autre expédient ». Elle s’exprima plus clairement encore le 19 février suivant. Face à la détermination de l’autre partie, elle répéta que les pourparlers devaient aboutir. L’état du royaume appelait la signature d’un accord. Et s’il n’était pas possible d’obtenir Calais, les députés pouvaient se contenter d’une paix avec l’Écosse et de la préservation dans toute leur ampleur des droits tant sur l’enclave continentale que sur la Couronne de France — les seconds supposaient le paiement d’une pension qui n’était plus acquittée depuis près de vingt ans36.
33Les députés anglais purent tout de même compter sur un puissant soutien de la part de la délégation espagnole, qui ne manqua pas une occasion de réaffirmer son refus de traiter séparément de ses alliés. C’est tout d’abord eux qui menèrent véritablement les négociations avec des adversaires toujours aussi obstinés à exiger Calais. Le cardinal de Lorraine leur adressa au nom de la délégation française une sévère mise en garde :
… (Henri II) n’entendoit en façon quelconque qu’ilz deussent plus entrer en dispute ny debat avec les Anglois puisqu’ilz n’ont aultre raison ny fondement à leur dire plus de ce qu’ilz avoient déclairé aud. Cercamp et que leurd. maistre […] estoit du tout resolu et determiné de demeurer avec Calaix37.
34Dès le 12 février, les plénipotentiaires français consentirent à faire une ouverture : ou le sort de la place serait réglé par un mariage entre les enfants à naître d’Élisabeth et de Marie Stuart — ce qui aurait tranché par le même coup la question de ses prétentions au trône anglais —, ou bien Calais demeurerait huit ans entre les mains d’Henri II, délai au cours duquel un juge nommé par Philippe II déterminerait qui en était le légitime possesseur. Ces propositions, dont seule la seconde a été discutée, semblaient n’avoir d’autre objet que de laisser la place entre les mains du roi de France. C’est sur la base du traité franco-anglais de 1550 que ce délai de huit ans — s’appliquant alors à la place de Boulogne — a été choisi38. Les envoyés anglais, dont les pouvoirs étaient peu étendus, prirent le parti de consulter leur gouvernement sur ces points. La détermination française suffit à faire céder Élisabeth Ire. À la réception de nouvelles instructions de leur souveraine, le 25 février, ses représentants ont exposé à ceux de Philippe II que leur priorité était la défense de la frontière écossaise plus que la récupération de leur enclave sur le continent. Ils souhaitaient avant tout obtenir la paix avec le royaume voisin et la destruction d’Eyemouth et de Roxburgh, les deux forteresses les plus redoutables tant pour permettre que pour empêcher les invasions39. Les diplomates espagnols se proposèrent de maintenir une position ferme sur Calais pour tenter d’améliorer la proposition d’un jugement différé et obtenir des garanties quant à la restitution de la place. Durant plusieurs séances, l’affrontement avec les Français fut brutal, mais rien n’en sortit40.
35Cette stratégie d’attente menée par les deux camps a soudain volé en éclat le 8 mars 1559. L’intervention inattendue mais décisive de Chrétienne de Lorraine a permis de signer un accord en quelques jours. Encore faut-il préciser qu’elle a agi de son propre mouvement ou bien, à la rigueur, à la sollicitation des députés anglais ; les deux autres délégations l’ont accusée de partialité et ont été entièrement convaincues que son initiative lui avait été soufflée par l’adversaire. Ils se sont mutuellement accusés de feindre la surprise lors de l’intervention de la duchesse, manipulée par le cardinal de Lorraine pour les uns, s’estimant réduits au rang d’« acteurs », et, pour les autres, mêlée à une « farce » préparée à l’avance. Elle émit la proposition suivante : Henri II conserverait Calais pendant plusieurs années, mais s’obligerait à la rendre sans qu’un jugement fût nécessaire, dans un délai si possible inférieur à huit ans. La médiatrice avait au préalable sondé le cardinal de Lorraine, mais uniquement sur une réduction du terme de la restitution41. Malgré un accueil d’abord unanimement sceptique, tant Henri II que les plénipotentiaires anglais ont accepté de traiter sur ces bases. Ce furent à proprement parler le duc d’Albe et Granvelle qui ont ensuite négocié l’accord pour des alliés peu combatifs42. Les ministres français, afin de préserver un terme suffisamment long pour la restitution, cédèrent sur plusieurs points. Un traité de paix fut signé dès le 12 mars entre les souverains de France et d’Écosse d’une part, et la reine d’Angleterre d’autre part. Il prévoyait dans les grandes lignes que Calais demeurât à Henri II pendant huit ans, au terme desquels la ville devait être rendue ; comme garantie, le roi accordait des otages et, faute de s’exécuter, verserait 500 000 écus tout en demeurant tenu de le faire ; la place d’Eyemouth devait être détruite ; l’acte comportait enfin des clauses de non-agression entre les monarques des trois royaumes. Il faut aussi noter que l’acte ne mentionnait pas la pension que le roi de France devait verser depuis la fin de la guerre de Cents Ans, ce que ses plénipotentiaires jugeaient tout à fait avantageux. Ce silence valait renonciation43.
36Les deux signataires sont sortis satisfaits de cette épreuve. S’il sacrifiait les intérêts écossais, Henri II a accepté ce compromis sans résistance, espérant sans doute avec le temps trouver un moyen de conserver Calais. En préservant intacts leurs droits sur la place et en voyant leurs revendications sur l’Écosse satisfaites, les députés anglais estimaient avoir signé un accord honorable. Même si leur souverain les félicita, les plénipotentiaires espagnols ont été, en revanche, mécontents à plusieurs titres. Ils avaient le sentiment d’avoir été manipulés. La duchesse de Lorraine, estimaient-ils, avait trahi leur confiance. Sans oser la désavouer ouvertement, ils lui exprimèrent leur colère en des termes peu amènes. Puisqu’elle était présente aux négociations de par la volonté de Philippe II, elle avait commis un grave manquement à ses devoirs en émettant une proposition si contraire à leurs desseins, sans même les consulter au préalable. Les représentants de la reine d’Angleterre, estimaient-ils, leur avaient fait défaut eux aussi. Ils avaient accepté des conditions qu’il aurait été facile d’améliorer. Qui plus est, au moment de la rédaction de l’accord, ils les avaient tenus tout à fait à l’écart44. Trois ans plus tard, Granvelle gardait un souvenir toujours vif et cuisant du comportement des représentants anglais, incapables de se défendre pour récupérer Calais, « et même de négocier pour la récupérer ». Tout a pourtant été fait pour leur permettre d’y parvenir : les discussions ont été suspendues en février 1559 « afin qu’ils négocient plus avantageusement avec deux semaines supplémentaires » ; quant à demander des otages et prévoir une sanction prévue en cas de non-restitution, « ils n’y auraient tout bonnement pas pensé si les ministres de S. M. ne les avaient pas proposés »45. Sans renier l’alliance avec Philippe II ni repousser son soutien diplomatique, la reine d’Angleterre a effectivement conservé sa liberté d’action, ce qui a excédé les plénipotentiaires espagnols. En conclusion, leurs inquiétudes concernant Calais, l’alliance anglaise et plus encore la menace d’une invasion française n’étaient nullement apaisées. C’est pour opposer une barrière juridique à ce danger qu’ils ont demandé et obtenu que Marie Stuart et le Dauphin François, son époux, ratifieraient le traité. Dans l’immédiat, l’obstacle ayant empêché la progression des autres points de la négociation était levé.
LA RÉDACTION DU TRAITÉ ET LA DERNIÈRE BOTTE ESPAGNOLE
37Malgré une déconvenue cuisante concernant Calais, les membres de la délégation espagnole ont orienté la dernière phase des négociations. Ils ont fait usage de recettes déjà éprouvées : une ténacité sans pareille et des exigences toujours renouvelées. De sorte qu’ils ont préservé l’avantage gagné à Cercamp.
38Contrairement à leurs craintes, les plénipotentiaires français ne sont pas revenus sur leurs engagements antérieurs. Au lieu de négocier les conditions de la cession de la Corse et des terres siennoises, deux questions demeurées en suspens en novembre 1558, ils ont pris le parti de les abandonner purement et simplement au bout de deux jours de discussions, le 13 mars 1559. Le rapport envoyé à Henri II montre le peu de résistance opposé par ceux-ci et leur impuissance à arracher des contreparties. Le roi souhaitait obtenir des Génois le versement d’une indemnité, la destruction à leurs frais des fortifications édifiées pendant le conflit et éventuellement la possession de Bonifacio. La restitution de la Corse n’a finalement été assortie d’aucune condition, sinon le rétablissement de l’amitié avec la République. Toutes les autres revendications ont été abandonnées sous le motif qu’elles ne faisaient que rendre inutilement les discussions plus âpres. Les diplomates français se sont justifiés de la manière suivante :
… voyans que cela n’amenoit que aigreur et n’avions aucune esperance d’amander nostre marché en cest endroict, sommes condescenduz à la restitution entiere de lad. isle pour la bailler aud. Genevois, à la charge qu’ilz nous demoureront amys46…
39Quant à la république de Montalcino, on décida qu’Henri II renoncerait à sa protection et que ses habitants se soumettraient à l’autorité de la cité de Sienne. Les représentants français le lui ont annoncé en ces termes :
… vous vous desisterez de la protection, pour estre les subjects reçeuz à se remectre et obeyr au magistrat de leur republique, et rentrer doulcement et gracieusement en leur obeissance accoustumée47…
40Par cette formulation plutôt vague, ils prétendaient préserver le régime républicain. Sans prendre en compte la réalité militaire, ils feignaient d’ignorer qu’ils laissaient le champ libre au duc de Florence. Puisque ces deux questions d’importance étaient réglées, le processus de rédaction du traité pouvait s’engager.
41Fidèle à son mode de négociation, la délégation française s’est ensuite montrée pressée d’en finir, alors que ses interlocuteurs ont discuté jusqu’aux moindres dispositions. Chacun élabora un « contexte », soit un avant-projet de traité. Les deux documents furent manifestement produits le 15 mars ; le « contexte » commun, première ébauche de l’instrument final, dans lequel chacun chercha à consigner les articles qu’il souhaitait voir figurer dans l’acte définitif, était prêt le lendemain. Les représentants de Philippe II soulevèrent à cette occasion une foule d’objections et rediscutèrent des points tranchés précédemment ; ils consultèrent à plusieurs reprises la cour de Bruxelles, où on prit, comme au Cateau-Cambrésis, le temps de mûrement considérer la formulation des articles afin de ne commettre aucun impair et de gagner du terrain jusque dans les plus petits détails, au grand agacement de l’autre partie. Les discussions portèrent sur des sujets aussi divers que les garanties et les modalités d’exécution de l’acte, la compréhension des alliés de chaque souverain, la libération des prisonniers de guerre et un ensemble d’affaires mineures regroupées dans un document à part, le traité des particuliers. Les débats les plus importants, et aussi les plus longs à résoudre, concernèrent les conditions du mariage de Don Carlos et d’Élisabeth de Valois, les terres de la frontière franco-flamande et le Piémont48. Si le premier point fut abordé sans heurt, le gouvernement espagnol posa principalement de nouvelles conditions à la restitution de Thérouanne. Il souhaitait obtenir qu’aucune forteresse n’y serait rebâtie : cette place qui avait constitué une menace redoutée pour les habitants des Pays-Bas ne devait en aucun cas renaître de ses ruines. En outre, il sollicita, sans avancer d’argument, que soit rasée une autre place qu’Ivoix. Les représentants français se montrèrent, dans un premier temps, sourds à ces demandes49.
42C’est surtout à propos des terres savoyardes que le compromis de Cercamp, déjà défavorable à Henri II, a été remis en cause. Le 18 mars, les plénipotentiaires espagnols formulèrent subitement, concernant les cinq places exigées par leurs adversaires, une sorte de maxime : « puisque autant en retiendroient-ils, autant en retiendrions-nous ». Ils justifièrent cette prise de position, non sans exagération, par le fait que tant que les Français disposeraient de ces points d’appui, « ils se pourroient incontinent saisir de tout ce que led. sr duc possède et le deschasser, mouvant la guerre de nouveau à V. M. (Philippe II) avec sans comparaison trop plus grand avantage qu’ils n’ont maintenant »50.
43Le roi d’Espagne avait en effet des garnisons dans les quelques terres demeurées en la possession du duc de Savoie. Ses plénipotentiaires arguèrent tout d’abord que leur silence à ce sujet laissait supposer qu’il n’était pas question d’un retrait des troupes sans contrepartie. Cette nouvelle revendication a ensuite été maintenue de manière absolue lors de la séance du 22 mars. Les représentants de Philippe II le précisèrent, selon leurs adversaires, en des termes peu amènes :
… quant aux places que leur maistre tient dud. sr de Savoye, qu’il a deliberé les retenir pour les luy garder, le laissant joyr du revenu et de tout, n’y voullant que tenir gens de guerre, n’estant pas raisonnable que vous soiez armé dans led. pays de Pyemont et ayez gens dedans les places que vous retiendrez qu’ils n’en ayent aussi, pour veoir comme les choses se porteront ; et que ce qu’ilz en faisoient estoit pour led. duc et de son consentement, dont vous n’aviez aucunement à vous soulcier51.
44Les négociateurs français, indignés par cette mauvaise surprise, après avoir réaffirmé qu’ils n’envisageaient pas de modifier quoi que ce fût, abandonnèrent la table des négociations, disposés à quitter l’assemblée52. Néanmoins, les membres de la délégation espagnole estimaient que la rupture n’était pas encore tout à fait consommée : « Vray est qu’ils n’ont fait les cérémonies que l’on a accoutumé à faire quand l’on se départ du tout »53. Ce dernier épisode des négociations — comme d’ailleurs toute la dernière phase des pourparlers —, a été ignoré ou mal interprété. Lucien Romier a voulu y voir un dernier baroud d’honneur, une « provocation » du cardinal de Lorraine qui, ayant perdu la faveur d’Henri II, cherchait par tous les moyens à obtenir la rupture des négociations, pour redevenir indispensable grâce une poursuite de la guerre54. Ce sont en fait les nouvelles exigences espagnoles qui sont à l’origine de cet incident, qui a indigné l’ensemble de la délégation française, et pas uniquement le cardinal.
45Pour la seconde fois, Chrétienne de Lorraine a effectué une intervention déterminante. Elle convoqua une nouvelle réunion qui permit, malgré des débats houleux, la poursuite des pourparlers. Les représentants de Philippe II formulèrent à cette occasion une proposition précise : si les Français acceptaient d’abandonner Villanuova d’Asti et de permuter Chieri et Avillano, de moindre importance, ils se contenteraient, pour leur part, de deux places, mentionnant Vercelli et Asti ; ils se virent rétorquer qu’Henri II n’accepterait de reculer que sur un point : le délai de la restitution, fixé à trois ans. Finalement, il fut décidé que le cardinal de Lorraine irait consulter son souverain. Celui-ci céda à nouveau, préférant conserver tel quel l’acquis de Cercamp ; la présence de garnisons espagnoles à Vercelli et Asti ne devait pas être consignée dans le traité — ce fut tout de même le cas. Ces deux places étaient situées face à celles du roi de France, réduisant notablement l’avantage qu’il pensait avoir gardé en cédant la Savoie, la Bresse et la majeure partie du Piémont ; et comme, en coulisse, ont été négociés d’autres aménagements avec Emmanuel-Philibert, on peut affirmer que les deux souverains se réservèrent chacun à peu près autant de Savoie55.
46Les précautions prises par Philippe II ont en effet été multiples. Il a tout d’abord officialisé par un accord avec Emmanuel-Philibert l’installation de troupes espagnoles à Vercelli et Asti tant que la France n’aurait pas évacué les places qu’elle détenait. En outre, le roi obtint d’être consulté sur la provision du gouverneur de Nice, alors que le capitaine de la place de Villefranche-sur-Mer lui prêterait un serment de fidélité. Après la signature de la paix, de nouveaux avantages ont même été concédés. Il a été convenu que deux cent cinquante soldats espagnols seraient répartis dans ces deux places. Emmanuel-Philibert et son épouse ont ensuite obtenu de Philippe II le transfert de la garnison de Vercelli, sous le motif qu’elle était une ville de résidence ducale, à Santhia, et d’Henri II qu’il ne fasse pas détruire les fortifications de celle-ci. Le souverain espagnol s’est empressé d’accepter : il détenait ainsi deux places sur le papier et avait des soldats dans une troisième. Toutes ces tractations, qui auraient pu mettre les pourparlers de paix en péril, n’ont cependant pas été dévoilées immédiatement56.
47Une fois la crise achevée, la résistance française a faibli considérablement, voire s’est effondrée. Les derniers pourparlers ont surtout concerné les terres limitrophes entre la France et les Pays-Bas. Granvelle s’est félicité de leur résultat : « nous n’avons cessé de gagner du terrain ». De fait, fanfaronne-il à l’issue des discussions, aucune fortification ne devrait être bâtie à Thérouanne et à proximité de celle-ci, des deux côtés de la frontière, « et n’avons pour ce quitté un pouce de terre des pays de S. M. » ; pour le comté de Saint-Pol, une solution plus avantageuse que lors des négociations du traité de Crépy a été arrachée ; enfin, le diocèse de Thérouanne, dissout du fait de la disparition du siège épiscopal, a été partagé à parts égales : « tout étoit à eux, et ils nous donnent la moitié »57.
48Au cours de la rédaction définitive des articles, le 2 avril 1559, Montmorency proposa que Philippe II, veuf depuis la mort de Marie Tudor, acceptât, en lieu et place de son fils, la main d’Élisabeth de Valois, aux mêmes conditions, afin de sceller la réconciliation entre les souverains. Cette proposition fut aussitôt retenue58. Le même jour, on signa le traité entre le roi de France et la reine d’Angleterre ; le lendemain, la paix hispano-française fut enfin conclue.
49Si les pourparlers ont été rythmés par les petites capitulations successives d’Henri II et de ses plénipotentiaires, on ne peut considérer que la partie était jouée d’avance ou que l’accord a été bâclé. L’affaiblissement français se lit surtout dans les derniers instants. Dans ce jeu de dissimulation et de bluff que constituent les négociations, le roi de France a cherché à obtenir l’arrêt de la guerre par des concessions fracassantes. Ses adversaires, plus portés à la résistance, l’ont contraint à céder beaucoup. Cette défaite française, comme les succès espagnols, semblent résider pour une part notable dans les stratégies, souvent opposées, qu’ils ont employées.
Notes de bas de page
1 Les sources se rapportant à ces négociations sont abondantes. Pour les dépêches des représentants de Philippe II, le riche travail de publication réalisé par Charles Weiss (Papiers d’État du cardinal de Granvelle, t. V) doit être complété principalement par trois manuscrits (BNF, NAF 6168, et AGR, Aud. 427 et 427/1). Les lettres des plénipotentiaires français ont été imprimées pour la plupart par Jean Camusat en 1627 (Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis) ; il faut aussi se reporter à un manuscrit (BNF, Fr. 5139) que Louis-Prosper Gachard qualifie de « registre original » (La Bibliothèque nationale à Paris, t. II, pp. 11-12). Quant aux travaux consacrés à l’événement, ils ont été commentés dans l’introduction du présent ouvrage, p. 2.
2 L. Romier, La carrière d’un favori, Jacques d’Albon de Saint-André, pp. 134-145 ; F. Decrue, Anne de Montmorency, pp. 213-214.
3 Voir l’instruction remise postérieurement à Montmorency et Saint-André (Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 5-6).
4 Orange, Ruy Gómez de Silva et Granvelle à Philippe II, Lille, 9 et 27 septembre 1558 (BNF, NAF 6168, pp. 442-454 et 374-389).
5 « … volviéndoles lo que se le se tomó el otro año, que ellos bolverán todo lo que tien[en] d’acá, y que me restituirán lo myo, a dos ó tres plazas menos, y que teniendo yjos, lo bolverían todo. Esto en caso que S. M. no la quisiese para su yjo… ». Voir Emmanuel-Philibert, Diari, pp. 71 (pour cette citation) et 89. Les dates sont précisées par L. Romier, « Les guerres d’Henri II et le traité du Cateau-Cambrésis », pp. 34-35 et 40.
6 Projet de sauf-conduit, [du camp près d’Auxi-le-Château], 14 septembre 1558, BMB, Coll. Granvelle, t. 34, ffos 19r°-20r° ; Henri II à Montmorency et Saint-André, du camp près d’Amiens, 15 septembre 1558, Papiers d’État du cardinal de Granvelle, t. V, pp. 205-206.
7 Voir les lettres du 27 septembre 1558 d’Orange, Ruy Gómez de Silva et Granvelle à Philippe II, et de Granvelle à Viglius (BNF, NAF 6168, pp. 375-377 et 373-374).
8 Les représentants espagnols à Philippe II, Lille, 27 septembre 1558, ibid., pp. 381-387.
9 Sur l’attitude de Philippe II, voir ses lettres à Ruy Gómez de Silva, Orange et Granvelle des 11, 19 et 29 septembre 1558 (respectivement Papiers d’État du cardinal de Granvelle, t. V, pp. 172-174, BNF, NAF 6168, pp. 401-404, et AGR, Aud. 427/1, ffos 18v°-19r°) ; l’avis de Granvelle est exprimé dans ses lettres à Viglius des 20 et 23 septembre 1558 (BNF, NAF 6168, pp. 398 et 391-392).
10 Lettre à Antoine de Noailles, du camp près d’Amiens, 24 septembre 1558, MAE, CP, Venise 13, f° 125, orig.
11 Harangue en faveur de la paix prononcée à Cercamp par le cardinal de Lorraine, [début octobre 1558], BNF, Fr. 18062, f° 197r°.
12 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 15 octobre 1558, Papiers d’État du cardinal de Granvelle, t. V, pp. 240-243.
13 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 8 novembre 1558, AGR, Aud. 427, f° 90v°, orig.
14 Granvelle à Viglius, Cercamp, 16 octobre 1558, Papiers d’État du cardinal de Granvelle, t. V, p. 256 ; les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 15 octobre 1558, ibid., p. 243.
15 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 18 octobre 1558, ibid., pp. 270-272 ; les plénipotentiaires français à Henri II, Doullens, 18 et 23 octobre 1558, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 26-32 et 37-38 ; Granvelle à Viglius, Cercamp, 25 octobre 1558, BNF, NAF 6168, pp. 325-327.
16 Granvelle à Viglius, Cercamp, 23 octobre 1558, BNF, NAF 6168, pp. 307-310 ; les plénipotentiaires français à Henri II, [Doullens, fin octobre 1558], Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 32-36 ; voir Emmanuel-Philibert, Diari, p. 104 (à la date du 28 octobre 1558).
17 Lettre à Philippe II du 30 octobre 1558, Papiers d’État du cardinal de Granvelle, t. V, pp. 339 et 344-345.
18 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 8 novembre 1558, AGR, Aud. 427, f° 92r°-v°, orig. ; les plénipotentiaires français à Henri II, Cercamp, 9 novembre 1558, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 58-61.
19 Les plénipotentiaires français à Henri II, Cercamp, 7, 9 et 13 novembre 1558, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 52-57, 57-62 (la citation est à la p. 61) et 65-66 ; les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 9 et 12 novembre 1558, AGR, Aud. 427, ffos 101v°-102r°, orig., et BNF, NAF 6168, pp. 233-234.
20 Sur le statut de Sienne, voir R. Cantagalli, La guerra di Siena, principalement pp. 443 et 501-503.
21 Les plénipotentiaires français à Henri II, Cercamp, 7 et 9 novembre 1558, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 52-57 et 57-64 ; les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 8 et 9 novembre 1558, AGR, Aud. 427, ffos 90-98 et 99-104, orig. Pour une analyse des débats concernant la Corse, voir R. Emmanuelli, Gênes et l’Espagne dans la guerre de Corse, pp. 11-25.
22 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 9 novembre 1558, AGR, Aud. 427, ffos 99v°-101r°, orig. ; les plénipotentiaires français à Henri II, Cercamp, 13 novembre 1558, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 64-65 ; Philippe II à ses plénipotentiaires, Groenendael, 13 novembre 1558, AGR, Aud. 427/1, ffos 88v°-91r°.
23 L. Romier, Les origines politiques des guerres de religion, t. II, pp. 310-311.
24 Granvelle à Viglius, Cercamp, 10 novembre 1558, BNF, NAF 6168, pp. 235-237. Le duc d’Albe rédigea même un mémoire circonstancié sur la question (BNF, ms. espagnol 161, ffos 6v°-10v°).
25 Lettre à Philippe II du 12 novembre 1558, BNF, NAF 6168, pp. 232-233.
26 « … non par si debba hormai stare in dubbio che non sia per seguir la pace, dicendo il re di volerla in ogni modo et che in questo non vuole consiglio di alcuno » (Giovanni Micheli au Sénat de Venise, 16 novembre 1558, BNF, ms. italien 1720, f° 118r°).
27 L. Romier, Les origines politiques des guerres de religion, t. II, pp. 311-314.
28 Les plénipotentiaires français à Henri II, Cercamp, 16 novembre 1558, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 69-70.
29 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 16 novembre 1558, BNF, NAF 6168, pp. 220 et 224.
30 M. J. Rodríguez Salgado, Un imperio en transición, pp. 465-469.
31 AGR, Aud. 427, f° 99v°. Sur le rejet de la trêve, voir Emmanuel-Philibert, Diari, p. 72 (à la date du 1er septembre 1558).
32 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 16 novembre 1558, AGR, Aud. 427, ffos 65-70, orig. ; les plénipotentiaires français à Henri II, Cercamp, 25 novembre 1558, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, p. 76.
33 Granvelle à Philippe II, Cercamp, 21 et 24 novembre 1558, BNF, NAF 6168, pp. 199-205, et AGS, Est. 517, n° 218, orig. ; les plénipotentiaires français à Henri II, Cercamp, 26 novembre 1558, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 76-80 ; les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Cercamp, 26 novembre 1558, Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, pp. 361-366 ; Granvelle à Viglius, Cercamp, 27 novembre 1558, BNF, NAF 6168, pp. 197-199 (la citation est à la p. 198).
34 Sur le rôle de l’Angleterre dans les négociations de paix, voir M. J. Rodríguez Salgado, Un imperio en transición, pp. 461-485, M. J. Rodríguez Salgado et S. Adams, « The count of Feria’s dispatch to Philip II of the 14 novembre 1558 », et J. G. Russell, Peacemaking in the Renaissance, pp. 182-199.
35 J. F. Levy, « A Semi-professional Diplomat. Guido Cavalcanti » ; J. G. Russell, Peacemaking in the Renaissance, pp. 171-175.
36 « … we may have certainly peace with Scotland, with reservations of our claims as well to Calais as to all other titles, pensions and arrearages herefore due by France » (Calendar of State Papers, Foreign Series, of the Reign of Elisabeth, pp. 110 et 138-139). Sur ces pensions, voir C. Giry-Deloison, « Henri VIII pensionnaire de François Ier ».
37 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 10 février 1559, Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, p. 442.
38 Sur ces négociations, voir les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 13 février 1559, ibid., t. V, pp. 460-471 ; les plénipotentiaires français à Henri II, [Le Cateau-Cambrésis], 12 février 1559, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 90-96.
39 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 26 février 1559, Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, pp. 505-513.
40 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 2 et 4 mars 1559, respectivement AGR, Aud. 427, ffos 20-23, orig., et Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, pp. 519-521 ; les plénipotentiaires français à Henri II, [Le Cateau-Cambrésis], 3 et 4 mars 1559, Traicté de paix fait à Chasteau-Cambresis, pp. 101-108 et 108-111.
41 Voir ibid., pp. 106-108 et 111-113, et Papiers d’État du cardinal de Granvelle, pp. 521-522. Sur cet épisode, voir B. Haan, « Chrétienne de Lorraine ».
42 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 11 et 12 mars 1559, Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, pp. 526-529 et 530-537.
43 Traité de paix entre Henri II et Élisabeth Ire, Le Cateau-Cambrésis, 2 avril 1559, AN, J 652, n° 32, orig. ; lettre des plénipotentiaires français à Henri II, [Le Cateau-Cambrésis], 8 mars 1559, Lettres du cardinal Charles de Lorraine, pp. 346-347.
44 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 8 mars 1559, Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, pp. 521-524.
45 « … ny se supieron defender, y aun soy por dezir ny negociar para cobrarla ; que por soló su interesse suspendimos la negociación de la paz para que negociassen con su ventaja más dos semanas ; y lo de los hostages y de la pena no se haziendo la restitución en el término y reservación del derecho, no pensava en ello más que en cosa que nunca fue si los ministros de S. M. no lo propusierán y negociarán » (Granvelle à Álvaro de la Quadra, ambassadeur auprès de la reine d’Angleterre, Bruxelles, 4 novembre 1562, AGS, Est. 521, n° 58, orig.).
46 Lettre du 13 mars 1559, BNF, Fr. 5139, f° 37v°.
47 Ibid. Voir aussi la dépêche des plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 13 mars 1559, AGS, Est. 518, n° 88, orig., et l’article 25 du traité (voir infra, p. 207).
48 Si on ne dispose pas de tous les projets préparatoires, les dépêches échangées par les plénipotentiaires espagnols avec Philippe II permettent de connaître avec précision le déroulement de ces débats. Voir le « contexte » commun du traité, [16 mars 1559], BNF, NAF 6168, pp. 30-49, les lettres des plénipotentiaires des 16, 19 et 20 mars (Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, pp. 547-561 [édition partielle], et BNF, NAF 6168, respectivement pp. 74-78 [pour la fin de la première dépêche], 20-30, 50-52 et 15-20), ainsi que l’avis de Philippe II, après consultation du Conseil d’État et de Viglius, sur certains points de la négociation, daté du 30 mars 1559 (Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, pp. 566-569).
49 Les plénipotentiaires français à Henri II, [Le Cateau-Cambrésis], 22 mars 1559, BNF, Fr. 5139, ffos 39r°-40r°. Sur la négociation du mariage, voir A. González de Amezúa y Mayo, Isabel de Valois, reina de España, t. I, pp. 41-48.
50 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 19 mars 1559, BNF, NAF 6168, pp. 74-75.
51 Les plénipotentiaires français à Henri II, [Le Cateau-Cambrésis], 23 mars 1559, BNF, Fr. 5139, f° 40v°.
52 Ibid., ffos 40v°-41r°.
53 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 23 mars 1559, BNF, NAF 6168, pp. 9-13 (la citation est à la p. 12).
54 Les origines politiques des guerres de religion, t. II, pp. 344-345.
55 Voir la lettre des plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 24 mars 1559, BNF, NAF 6168, pp. 5-9 ; et sur la résolution prise par Henri II, voir Giovanni Micheli au Sénat de Venise, 26 mars 1559, BNF, ms. italien 1720, f° 172r°-v°.
56 Accord signé le 26 mars 1559 au monastère de Groenendael, C. Solar de La Marguerite, Traités publics de la royale maison de Savoie, t. I, pp. 1-11 ; Granvelle à Gonzalo Pérez, Le Cateau-Cambrésis, 6 et 25 février 1559, AGS, Est. 518, nos 91 et 93, orig. ; L’Aubespine à Montmorency, Bruxelles, 23 mai 1559, BNF, Fr. 6614, ffos 39-40, orig. ; [Philippe II] au duc de Sessa, gouverneur du duché de Milan, Bruxelles, 27 juin 1559, AGS, Est. 1210, nos 86 et 87.
57 Granvelle à Feria, Le Cateau-Cambrésis, 3 avril 1559, Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, pp. 585-587 (la première citation est à la p. 585) ; Granvelle à Viglius, Le Cateau-Cambrésis, 1er avril 1559, BNF, NAF 6168, pp. 3-5 (d’où sont tirées les autres citations) ; les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Quesnoy, 3 avril 1559, AGS, Est. 518, n° 89, orig. Sur Saint-Pol, voir l’article 18 du traité (infra, pp. 204-205) et, pour l’article du traité de Crépy, la ratification de Philippe (BNF, Mél. Colbert 367, n° 330, f° 5v°, orig.).
58 Les plénipotentiaires espagnols à Philippe II, Le Cateau-Cambrésis, 2 avril 1559, Papiers d’État du Cardinal de Granvelle, t. V, pp. 576-581.
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