Chapitre III. Informations, informateurs et courriers
p. 97-140
Texte intégral
1La diplomatie du roi dépend largement des connaissances dont disposent ses hommes, de « l’horizon d’information »1 dans lequel ils inscrivent leur action. L’affaire, les circonstances et les puissances étrangères avec lesquelles il faut traiter exigent de la mémoire active du pouvoir et des ambassadeurs la mobilisation et l’utilisation de données avérées du passé et des fruits de l’expérience de chacun, mais ce fond de connaissances doit être actualisé par des nouvelles fraîches et autorisées, par des rumeurs publiques et des renseignements secrets. La possession et la capacité d’utiliser des informations récentes paraît en ce sens être à la diplomatie ce que les munitions sont à la guerre, un instrument indispensable, une arme pour l’action. Se produit-il alors, à l’instar de ce que l’on a observé pour le traitement des documents, des transformations importantes dans la collecte, la transmission et l’usage des informations utiles à l’action diplomatique ?
2Ce problème rejoint un débat historiographique plus général sur le rôle de l’information et ses usages dans les sociétés médiévales. L’histoire de l’information et notamment l’étude de ses rapports avec les pouvoirs a récemment suscité un important regain d’intérêt, sans doute en raison du sentiment très largement partagé par nos contemporains de vivre une révolution en ce domaine2. Dans ce mouvement, on peut discerner un déplacement d’ensemble des problématiques, depuis la recherche des conditions matérielles de la circulation de l’information ou de ses usages en termes de propagande vers la construction de questionnements plus vastes. Ainsi, les pouvoirs recherchent des informations qui leur permettent d’avoir une connaissance utilisable du territoire ou des hommes sous leur contrôle, le cas le plus emblématique étant pour la Catalogne le Fogatjament (« fouage ») de 13783. D’autre part, l’étude de l’information est désormais croisée avec celle des rituels ou bien encore avec celle d’une communication (communicatio) politique ou sociale prise sous des acceptions diverses4. On saisit mieux la complexité notionnelle de l’informatio, la variation historique du champ sémantique de l’information. Dans son acception classique, informare renvoie à l’idée de modeler, de créer, de se représenter par la pensée. Aujourd’hui, l’information possède plusieurs sens principaux : l’ensemble des actes qui tendent à établir la preuve d’une infraction et à en découvrir les auteurs ; le renseignement ; l’action de s’informer ; le renseignement ou l’événement même que l’on porte à la connaissance du public ; l’ensemble des informations ; enfin, un élément ou un système pouvant être transmis par un signal ou une combinaison de signaux. Aux XIIIe-XVe siècles, le sens classique semble peu fréquent, mais l’usage diffère du nôtre : malgré des variations importantes, l’informatio paraît en effet souvent renvoyer à l’enquête judiciaire qui la fonde, elle se distingue ainsi assez nettement de la simple nouvelle5. Ressource fondamentale pour maintenir l’ordre établi, l’information servirait alors aussi à conformer une opinion publique — dont le statut et parfois l’existence font débat — et constituerait même un élément déterminant pour la cohésion de l’ensemble de la société, un fondement du « lien social »6.
3Les premiers résultats de ce vaste chantier d’investigations, encore ouvert, incitent à préciser le propos pour lever toute ambiguïté possible. « Informations » devra dans ce chapitre être entendu au sens de renseignements ; la notion d’informatio médiévale jouera par conséquent un rôle marginal, car elle apparaît peu dans la documentation relative à la phase du renseignement7. Pour autant, on n’envisagera pas ces informations comme des données brutes, indifférenciées, et simplement instrumentales, mais comme des éléments sciemment recherchés, récoltés, fabriqués, puis hiérarchisés, construits et transmis par des hommes de chair et de sang.
4À l’exception de quelques travaux où villes et cités-États se taillent la part du lion, les renseignements dont disposent et usent les pouvoirs médiévaux pour leur action diplomatique ont été jusqu’à présent peu étudiés8. Les descriptions géographiques du monde, la constitution de représentations de l’autre ou de territoires différents9, ont plus retenu l’attention que des enjeux envisagés surtout par les historiens des mondes contemporains10. Or, l’action diplomatique dépend aussi de la nouvelle récente, si possible exclusive ; en bénéficier constitue un problème récurrent au Moyen Âge11. Pour défendre droits et prérogatives, il ne suffit pas d’argumenter en leur faveur d’après la connaissance que l’on en possède, mais il paraît aussi nécessaire de s’assurer des renseignements les plus riches et les plus divers possibles sur l’étranger, de contrôler et de limiter la circulation d’informations qui peuvent servir d’armes de négociation12. Sur quelles sources de renseignement — publiques comme secrètes — peut alors s’appuyer le pouvoir royal aragonais pour la préparation et la mise en œuvre de son action diplomatique ? Dans quelle mesure peut-on parler pour ce règne d’un véritable « système informatif » (sistema informativo)13 fondé sur une collecte des renseignements et une maîtrise de la circulation de l’information autonomes ?
I. — LA COLLECTE DES RENSEIGNEMENTS DIPLOMATIQUES : RÉSEAUX DE FIDÉLITÉ ET REPRÉSENTANTS DU ROI
5Les pouvoirs politiques et plus particulièrement les souverains manifestent souvent avec force leur souhait de nouvelles récentes et certaines, d’informations exclusives et secrètes. Il s’agit presque d’un topos de l’histoire générale de la diplomatie, notamment à l’époque moderne14. Plusieurs siècles auparavant, les lettres de Jacques II expriment également à de nombreuses reprises le même souci :
… Et, tant au sujet de ce que vous avez peut-être déjà fait ou de ce que vous ferez sur ce point, qu’au sujet de nos autres affaires, sur lesquelles nous vous avons écrit par des lettres spéciales qui vous ont été remises par nos courriers (cursores) spéciaux, maintenez-nous régulièrement au courant par ces mêmes courriers. En outre, lorsque nous vous enverrons deux ou plusieurs courriers, nous vous ordonnons de ne pas tarder à nous renvoyer un ou deux d’entre eux, puis les autres, en les mettant pleinement au fait de nos affaires (negocia) et des rumeurs de là-bas [la curie], afin que nous puissions prévoir ce qu’il conviendra alors de faire. Et ne reportez ceci sous aucun prétexte, car le retard d’une telle confirmation (certificatio) pourrait facilement nous faire entrave, voire nous porter préjudice15.
… Nous avons reçu la lettre que vous nous avez récemment envoyée et par laquelle vous nous avez fait part des rumeurs que vous avez récoltées dans les territoires de Grenade. Nous l’avons écoutée et en avons pleinement compris la teneur, nous vous en savons gré et recommandons à ce sujet votre diligence. Nous vous ordonnons que toutes les fois que se produiront d’autres rumeurs devant nous être signifiées, tout particulièrement sur les territoires susdits, vous vous chargiez de nous les signifier16.
6Les missives envoyées par la chancellerie aragonaise aux ambassadeurs, aux procureurs, aux officiers et aux correspondants à l’étranger regorgent de requêtes d’informations et de rumeurs, qui peuvent concerner une affaire précise, une région ou bien posséder un caractère plus général : l’intérêt du pouvoir royal en ce domaine est constant.
LA NATURE DE L’INFORMATION RECHERCHÉE : NOVA, ARDITS, RUMORES ET COSES SECRETES
7L’information recherchée et rassemblée se laisse difficilement enserrer dans une typologie rigide, car il s’agit pour le pouvoir royal d’avoir connaissance de tout ce qui peut potentiellement être utile à son action diplomatique. Dès lors, plutôt que d’enfermer ce flux continu d’information à usage politique dans une classification fondée sur un contenu qui varie de toute façon selon les affaires, il paraît plus intéressant d’examiner les réseaux de circulation de l’information et la façon dont elle est qualifiée et estimée par les contemporains.
8Jacques II, son garde des sceaux Bernat d’Aversó17, ses grands conseillers et, en fin de règne, son fils l’infant Alphonse reçoivent de l’étranger des nova (ou ardits en catalan) et des rumores. Ce sont les principales notions employées dans les échanges épistolaires pour désigner les informations. Les nova peuvent être définies de manière générale comme des nouvelles dont la validité est avérée par une autorité reconnue comme fiable par celui qui s’y réfère. Selon l’expression éclairante d’un procureur du roi Frédéric III à la curie pontificale, ce sont des noves certes (« nouvelles sûres »). Elles se caractérisent par un style assez sobre, mais aussi un grand luxe de détails, en particulier dans les rapports des procureurs de Jacques II à la cour du pape :
… Le seigneur roi de Sicile et la reine ainsi que leurs enfants vont bien. L’affaire de son neveu le roi de Hongrie n’est pas dans une bonne situation, parce que le roi de Bohême détient la plus grande partie du royaume et parce que les grands du royaume lui sont fidèles ; chacun des deux pourtant a été couronné, et l’archevêque qui a couronné le roi de Bohême a pour cette raison été convoqué à la curie, mais la mort a devancé la convocation. L’évêque d’Esztergom, qui a l’habitude de couronner les rois de Hongrie, a couronné son neveu le roi de Sicile, mais pas dans la ville habituelle, parce qu’ils ne purent pas y entrer et ne furent pas admis, mais au-dehors, dans les champs, et peu de gens étaient avec eux si ce n’est des Cumans, parce que l’on dit (dicitur) que les Cumans sont avec eux. Les autres nouvelles (nova) qui se trouvent à la curie, je les écris au seigneur de Valence [l’évêque de Valence Ramon, chancelier du roi d’Aragon] et, s’il ne se trouve pas à la curie, ouvrez la lettre que je lui envoie et vous y verrez les nouvelles (nova)18.
9Synonymes d’ardit(um) cert(um), les nova sont fréquemment opposées à la rumor, dont la validité demeure pour le moins sujette à caution. Jacques II justifie ainsi la suspension momentanée du départ d’une ambassade en Sicile par la réception d’une rumor arrivée par un bateau venu de Trapani, selon laquelle le duc de Calabre se serait retiré de Sicile, mais cette rumeur doit être confirmée par un certius arditus (« une nouvelle plus certaine ») avant que ne soit dépêchée l’ambassade19. En dépit mais aussi précisément à cause de cette méfiance vis-à-vis des rumeurs venues de l’étranger, le pouvoir royal, de même qu’il peut chercher à contrôler les rumores séditieuses à l’intérieur du royaume, manifeste donc le souci impérieux de les connaître pour mener à bien son action diplomatique.
10D’ordinaire, les rumores qui parviennent à la chancellerie aragonaise peuvent être caractérisées comme des rumeurs, des bruits, des informations dont on ignore celui qui en fut l’énonciateur et qui se propagent sans contrôle des autorités. Le recours récurrent à l’impersonnel ou aux pronoms indéfinis souligne ce trait : Asseritur pro constanti (« on assure de façon récurrente »), comuniter dicitur (« on dit communément ») ou bien encore dicunt quidam (« certains disent »), dicitur (« on dit »), se diu en cort de Roma (« on dit à la cour de Rome »). Ces formules mettent à distance la rumeur dans les rapports envoyés à la chancellerie et rendent possible un jugement sur la valeur de l’information20. Un jugement souvent difficile à effectuer, car l’information n’est pas toujours qualifiée de manière univoque. Dans une lettre adressée par Charles II d’Anjou à Jacques II, le degré de validité d’une information (la décision de Jacques II de ne pas aller voir Charles II pour le moment) dépend ainsi du point de vue de celui qui la rapporte ou la formule : tandis que l’information est considérée comme certaine par un tiers (Jacques II de Majorque), elle est qualifiée de rumores par le roi angevin. Ici aussi, l’emploi du terme de rumor produit un effet de distanciation entre le correspondant du roi et sa source d’information21.
11Par conséquent, dans un contexte où fausses nouvelles et rumeurs infondées semblent circuler en grand nombre, notamment à l’occasion de la mort de personnages importants, tandis que le colportage d’une rumeur médisante peut se traduire par le châtiment de la langue coupée pour le coupable22 et alors que les souverains ont connaissance du fait que la rumeur (ou fama) court parfois plus vite que l’information sûre23, l’évaluation du degré de validité de l’information transmise constitue pour le pouvoir royal aragonais un défi récurrent. Il partage d’ailleurs ce souci avec de nombreux autres princes qui cherchent à s’assurer de la véracité des informations qui circulent24. Le rapport à la rumeur des hommes de la chancellerie diffère donc fondamentalement de celui de l’historien d’aujourd’hui qui peut y voir un creuset du lien social : il s’agit ici surtout de discerner le vrai du faux, de distinguer le possible du probable et de l’incertain afin de mener l’action diplomatique qui s’impose. Cet effort n’est d’ailleurs pas isolé, mais constitue un véritable topos dans la correspondance des ambassadeurs à la fin du Moyen Âge25.
12Une deuxième distinction importante transparaît dans les documents diplomatiques. Afin de juger de la nature d’une information recueillie, les contemporains opposent fréquemment les renseignements secrets à ceux qui ne le sont pas (une catégorie qui ne recoupe pas entièrement le « public »). De même, les différents correspondants de Jacques II à l’étranger indiquent parfois explicitement le caractère secret de l’information fournie ou bien, plus souvent, le signifient à mots couverts afin que la chancellerie puisse en tenir compte. « Et ceci, seigneur, est encore très secret », écrit depuis la curie un ambassadeur à Jacques II26. Afin d’éviter une possible identification, certains honorables correspondants n’indiquent pas leur nom, ou bien se masquent derrière un pseudonyme ou une initiale, comme le représentant du roi Ferrer d’Abella qui, accusé d’espionnage à la curie, décide de ne plus signer qu’avec l’initiale R et demande à son souverain de ne jamais le nommer explicitement :
… D’autre part, je notifie à sa majesté royale qu’en raison des dangers que j’encours en raison des lettres, je n’ai plus l’intention de faire figurer mon nom dans mes lettres, mais je signerai avec la lettre R, avec un petit sceau ou encaylla, où seule est imprimée la tête d’un homme27.
… Je pense que votre majesté royale doit indubitablement comprendre pourquoi je n’exprime pas mon nom dans mes lettres. C’est parce qu’aujourd’hui chacun, aussi fidèle qu’il soit, doit craindre la rage et la tyrannie de celui qui préside [le pape Jean XXII]. Qu’il plaise au contraire à votre révérence royale de ne me nommer en aucune manière en votre conseil28.
13L’approvisionnement en informations secrètes suppose donc que la chancellerie royale s’adapte aux exigences de sécurité requises pour la protection de ses informateurs et pour la transmission de nouvelles qui ne doivent être dévoilées sous aucun prétexte.
14De fait, alors que l’utilisation du chiffre se développe progressivement en Occident, la communication d’informations diplomatiques secrètes à la chancellerie royale aragonaise s’accompagne d’un développement modeste de l’usage de procédés cryptographiques29 : codification sommaire ou bien formules elliptiques rendant impossible l’exploitation d’une correspondance par une personne non avertie des sous-entendus qu’elle comporte. Lorsque Jacques II informe son représentant à la curie Vidal de Vilanova qu’il doit tout faire pour d’obtenir l’aide pontificale pour l’expédition qui se prépare dans le but de conquérir la Sardaigne, il désigne ainsi cette opération par une expression générale et floue, « les faits » (els fets), qui ne peut être comprise que par un lecteur initié :
… Vidal, nous sommes bien certains que vous vous rappelez de notre intention et de la vôtre, et de ceux qui étaient à notre conseil, laquelle était et demeure, pour les nombreux avantages qu’elle comporte, que les faits, si cela peut se faire de bonne manière, prennent une voie simple (carrera plana). Et vous êtes sage et assuré. Mais, ex causa, nous vous sollicitons afin que, autant que vous le pourrez en préservant notre honneur, vous donniez lieu à toutes ces bonnes voies (vies) et manières (maneres) que vous connaissez, pour que les faits aillent simplement30.
15Le nécessaire maintien du secret rend par ailleurs indispensable la destruction immédiate de ces lettres après réception. De façon plus spectaculaire, pour informer le roi de l’avancée de leurs tractations avec le roi de France, les ambassadeurs de Jacques II doivent se servir d’un code basé sur des formules simples qui permettent de qualifier l’état des négociations :
… Nous [Jacques II] vous faisons savoir qu’après que vous nous eûtes quittés, dans le souci d’être assuré des faits (fets) pour lesquels nous vous envoyons, nous avons décidé de vous adresser les deux courriers porteurs des présentes. C’est pourquoi nous vous disons et vous ordonnons qu’une fois parvenus en présence du roi de France, lorsque vous aurez parlé avec lui, si vous voyez que les faits s’engagent bien, vous nous envoyiez l’un desdits courriers avec vos lettres, dans lesquelles vous fassiez seulement savoir ces mots : « nous vous faisons savoir que les faits pour lesquels vous nous avez envoyés sont bien ». Par la suite, si vous voyez que les faits prennent du retard et sont menés en paroles, transmettez-nous alors l’autre courrier avec vos lettres et faites-nous savoir seulement ces mots : « seigneur, nous vous faisons savoir que les faits vont de manière régulière ». Enfin, si vous voyez que les faits sont désespérés, et que les deux courriers nous ont déjà été transmis, louez un courrier, aussi bon et rapide [que] vous pourrez, et transmettez-le nous avec vos lettres dans lesquelles vous nous ferez seulement savoir ces mots : « seigneur, nous vous faisons savoir que les faits pour lesquels vous nous avez envoyés ne sont pas bien ». Et nous vous envoyons dire ceci maintenant, parce qu’il ne faut pas que vous écriviez longuement. Car parfois l’on ne sait pas au pouvoir de qui tombent les lettres que l’on envoie et, par les mots susdits, nous comprendrons l’intention de ce pour quoi nous vous avons envoyés. Nous pourrons ensuite mieux et plus diligemment pourvoir à nos affaires, auxquelles il faut pourvoir sans tarder. En revanche, si elles s’éternisaient et si nous devions attendre votre venue, cela pourrait tourner à notre grand détriment31.
16Cette méthode permet de rendre la communication entre le roi et ses représentants sûre et secrète, elle doit accélérer la rédaction et faciliter la compréhension. Dès lors, la nature précise de l’information secrète qui est transmise échappe souvent à l’historien. La communication orale d’un secret (secreto relata) à Jacques II par Enric Gerart, ambassadeur de Charles II, est ainsi mentionnée par écrit, mais pas sa teneur, soigneusement passée sous silence32. Le souci du pouvoir royal d’obtenir des informations cachées participe en fait d’un effort plus général pour maintenir et contrôler la circulation des secrets, un effort qui traverse toute l’action diplomatique aragonaise, la désignation des registres les plus spécialisés dans les affaires diplomatiques comme Registra secreta possédant à ce titre valeur de symbole. Qu’il s’agisse de nouvelles, de rumeurs, de renseignements secrets, les degrés de véracité et de publicité apparaissent finalement comme des critères essentiels pour la manipulation de l’information par les hommes qui doivent travailler à la préparation et à l’accomplissement de la diplomatie royale.
LES SOURCES DE L’INFORMATION : LA CURIE
17Le pouvoir royal aragonais recueille ces informations sur l’étranger tout d’abord dans la correspondance entretenue avec les autres souverains, où se trouvent régulièrement mentionnés l’état de santé des familles princières33 et parfois des indications relatives à des événements importants survenus à l’extérieur34. Mais ces échanges épistolaires, notamment les « lettres d’état de santé » (litterae de statu), instrument privilégié de la consolidation des liens entre les membres de la grande famille chrétienne des princes et des rois, se révèlent souvent insuffisants pour satisfaire l’appétit de nouvelles du roi et de ses hommes. Comme l’a révélé H. Finke, la diplomatie royale s’appuie aussi durant ce règne sur des informations de provenances très diverses, au premier rang desquelles il faut placer la cour du pape, à Rome puis en Avignon.
18À la curie pontificale se trouve alors le « centre de la Chrétienté […] sur le plan de la diplomatie internationale » et donc pour le pouvoir royal aragonais le lieu privilégié des échanges, du rassemblement et de l’utilisation des informations35. Heinrich Finke a montré dans ses études pionnières le rôle essentiel en ce domaine des procureurs de Jacques II36. Comme le prouvent à l’envi leur multiples rapports, ces clercs représentants du roi, outre leurs attributions religieuses et leur fonction de défense des droits de Jacques II auprès du pape, avaient clairement pour mission d’informer le monarque de toutes les affaires, de la Chrétienté et au-delà, susceptibles d’intéresser la couronne d’Aragon.
19Le roi reçoit également les lettres des ambassadeurs qu’il a envoyés auprès du pape et dont les missions durent plusieurs mois, à la curie ou bien encore au concile de Vienne. La récolte et la transmissions d’informations font partie intégrante de leur travail :
Seigneur, nous veillons sur les faits comme nous le pouvons et nous nous efforçons de tout notre pouvoir de connaître les nouvelles (ardits) et les opinions de tous, tout particulièrement sur les biens [du Temple], afin que nous puissions nous mettre au courant des affaires et de la façon dont ils en traiteront. Et nous voyons et savons de façon certaine, seigneur, qu’en ceci il ne vous sera pas fait de tort37.
Et ainsi, seigneur, vous savez tout de la manière dont l’on fait (com se fa), et aussi complètement qu’on le fait, et ainsi l’avez-vous su à tout moment, afin que vous puissiez prévoir, seigneur, ce que vous avez à y faire38.
20Les informations ainsi transmises par les différents représentants de Jacques II forment un flot dense et impressionnant qui permet à la chancellerie de suivre avec précision l’évolution des tractations menées au nom du roi à la curie, d’appréhender l’état de la cour pontificale avec les rumores curie, alors que les nova peuvent porter sur l’ensemble de la Chrétienté, même si la péninsule Ibérique est d’ordinaire moins concernée par les rapports39.
21Jacques II entretient également une correspondance fournie avec de nombreux cardinaux, en particulier avec ceux qu’il qualifie d’« amis » (amic[h]i), comme Napoleone Orsini40. Directement ou indirectement, il reçoit aussi de nombreuses lettres de religieux originaires de la Couronne et présents à la curie41, des lettres transmises par des parents à des membres de son entourage comme Arnau Sabastida, le mestre racional42, des rapports d’informateurs en Italie qui ont des correspondants à la curie, comme le Génois Cristiano Spinola43, des lettres d’inconnus qui préfèrent garder l’anonymat44, ou bien encore des lettres de procureurs qui représentent des souverains de maisons alliées à la Maison d’Aragon, comme celle de Frédéric III, roi de Sicile45.
22Le pouvoir royal aragonais peut ainsi jouer de la complémentarité entre des sources de provenances diverses, tirer parti du regard aigu de ses multiples représentants comme de l’efficacité de ses réseaux de fidélité, ce qui fait sans aucun doute de Jacques II l’un des souverains les mieux informés de son temps, et l’un des plus attentifs à ce problème. Cependant, il est de nombreuses informations qui ne parviennent pas à la curie ou n’y arrivent qu’avec retard. Les hommes du roi cherchent donc également à collecter des renseignements utiles pour l’action diplomatique par d’autres voies.
LES AUTRES SOURCES DU RENSEIGNEMENT : RÉSEAUX DE FIDÉLITÉ ET HOMMES DU ROI
a) Les hommes du roi : ambassadeurs, espions, noyauteurs, marchands et officiers
23De même qu’à la curie pontificale, les ambassadeurs doivent dans les cours étrangères être les yeux et les oreilles du prince, et lui transmettre toutes les nova ou les rumores dignes d’intérêt46. Cela peut les conduire à être accusés d’espionnage, une charge classique à l’encontre des ambassadeurs et qui s’avère parfois justifiée47. Miguel del Corral, ambassadeur de Jacques II auprès du roi de France, justifie en effet sa connaissance des paroles de Philippe le Bel qui devaient rester discrètes par le fait que ce dernier « est irrité et parle à voix haute » (stomachatus et loquatur alta voce)48. La position stratégique de l’ambassadeur de Jacques II, que l’on imagine volontiers tapi derrière une porte, lui permet ainsi de rapporter des éléments prononcés en secret par un roi de France classiquement dépeint en sphinx silencieux49.
24Outre ses ambassadeurs, le roi d’Aragon peut compter sur des hommes originaires des terres de la Couronne installés dans des cours étrangères, et avec lesquels il conserve des liens. C’est le cas de Bernat de Sarrià, personnage considérable, ancien trésorier et conseiller du roi qui s’est établi à la cour du roi de Sicile et envoie régulièrement à Jacques II les informations qu’il juge utiles à la politique de ce dernier50. Des individus à la position plus modeste peuvent aussi être mis à contribution. La trajectoire de Pierre d’Arras en fournit un bel exemple. Écuyer aragonais en exercice auprès de Charles de Valois, il demande à Jacques II une lettre d’intercession auprès de Philippe le Bel afin d’être recruté par ce dernier comme sergent d’armes, et obtient le poste. Il justifie sa demande par le fait que tous les souverains étrangers possèdent un représentant dans ce cercle de serviteurs et que, d’autre part et peut-être surtout, il n’est nul autre endroit plus propice à la collecte des nouvelles les plus secrètes du conseil du roi de France :
… Cher seigneur, si sur vos prières je deviens sergent d’armes, cela tournera à votre honneur et à votre profit qui en seront accrus, et je serai présent à la cour pour rassembler les vôtres et pour y agir en procureur de vos affaires. Et qui est sergent d’armes du seigneur roi connaît mieux que quiconque les conseils et les secrets51.
25D’autres lieux encore paraissent posséder une certaine importance pour la collecte d’informations par les représentants du roi d’Aragon et les autres naturels de la Couronne. Un fidèle de Jacques II lui écrit ainsi :
Francesch Senglada, votre humble serviteur, baisant vos mains et vos pieds, se recommande à votre grâce. Comme moi, seigneur, j’étais à Nîmes et que, du monde entier, c’est le lieu où nous recevons les nouvelles, bonnes comme mauvaises, avant quiconque se trouve par ici, et parce que j’ai compris avec mon pauvre entendement que ce que je vous envoyais dire était un grand fait (fet), pour lequel il me semblait que votre royale Couronne gagnerait en amitié52.
26Cependant, cette valorisation de la place nîmoise doit être considérée avec précaution, car elle sert surtout le discours d’un homme qui souhaite mettre en exergue la qualité de l’information fournie à son souverain, sans doute afin d’en tirer profit, ou du moins honneur. La position géographique de Nîmes est certes intéressante pour une couronne d’Aragon avide de nouvelles du Nord et de la curie, mais elle ne saurait jouer un rôle comparable à celui des grandes cours précédemment examinées.
27Autre source importante pour le pouvoir royal, les marchands catalans qui opèrent en Méditerranée font parvenir régulièrement des nouvelles dignes d’intérêt. Des informations d’Arménie et de Naples arrivent ainsi par le navire de G. Sabastida qui s’était rendu à Chypre, alors que l’envoi par Frédéric III d’ambassadeurs à Jacques II, avant d’être connu par le roi, a été signifié depuis la Sicile à Barcelone grâce à un échange épistolaire entre marchands de la capitale catalane. L’information suit souvent les routes du trafic et les réseaux d’information des marchands catalans en Méditerranée53. Le pouvoir royal en tire profit pour la mise à jour de ses connaissances sur les différents territoires riverains du mare nostrum54.
28En somme, tous les sujets de Jacques II sont potentiellement susceptibles de fournir des informations qui pourront être utiles à l’action diplomatique. Manifestant sans doute souvent la volonté de servir le roi, ce flux impressionnant s’explique à plusieurs reprises de manière plus prosaïque : l’information a un prix, elle suppose une récompense, le plus souvent en argent. Des quelques traces figurant dans les épaves consultables du mestre racional, il ressort que les ardits sont bien rémunérés, à hauteur de 50 ou 60 sous pour des informations relatives aux genets de Grenade par exemple55.
29Prêt à payer le prix de l’information, plus encore si elle est secrète, le pouvoir royal aragonais recourt également à l’espionnage. L’utilisation des espies (« espions ») auprès des ennemis, est considérée comme légitime par Gilles de Rome, à la différence de l’espionnage interne, propre au tyran56. Si l’on ne peut exclure qu’ils agissent aussi dans d’autres régions, les textes qui mentionnent de telles pratiques les situent essentiellement en péninsule Ibérique, en particulier en Castille et dans l’émirat de Grenade57. Bien que les relations avec l’émirat ne soient pas au cœur du propos, les nouvelles concernant le grand voisin castillan y occupent une place importante et une vue d’ensemble sur les méthodes d’espionnage mises en œuvre en Castille et à Grenade — l’information concerne souvent les deux territoires — permet de mieux saisir comment était collectée l’information.
30Jacques II s’appuie régulièrement sur les officiers qui le représentent dans les royaumes de la couronne d’Aragon les plus proches de l’émirat : le procureur du royaume de Murcie lorsque celui-ci est sous domination aragonaise (1296-1304) et le procureur du royaume de Valence58. Ces hommes, notamment Bernat de Sarrià, procureur du royaume de Murcie à partir de 130059, et le chevalier Bertran de Canelles, procureur du royaume de Valence de la fin du mois d’avril 1303 au mois de mars 1305, rassemblent à l’intention du roi de nombreuses informations relatives à la situation de la Castille et de l’émirat de Grenade. Ils y envoient à plusieurs reprises des espions, le plus souvent des musulmans qui sont mieux à même d’infiltrer le territoire sous domination nasride60. L’activité de ces hommes du secret est cependant difficile à suivre, car les indices qui en font état se logent derrière un ou plusieurs filtre(s) épistolaire(s), ou bien prennent la forme d’une lettre insérée. Bertran de Canelles dispose ainsi d’un espion en Murcie castillane, Pere M(…), mais il n’est connu que par une lettre d’un certain Gil Jiménez Romeu — de fonction inconnue — à l’amiral du roi d’Aragon Roger de Llúria. En fait, un rapport de Pere M(…) adressé à Bertran de Canelles a été transcrit au sein d’une lettre de Bertran de Canelles dirigée à la communauté d’Algésiras, elle-même recopiée au sein de la lettre de Gil Jiménez Romeu à l’amiral. Algésiras et Roger de Llúria sont grâce à cette circulation du secret mis au courant de la venue de cavaliers (des genets) à Grenade, et peuvent se préparer en conséquence61. Mais Pere M(…) n’est que l’un de les espies que tenem en el regne de Murcia (« l’un des espions que nous avons dans le royaume de Murcie »), et Bertran de Canelles mentionne dans un autre rapport à Jacques II que son collègue le procureur du royaume de Murcie dispose lui aussi d’espions dans plusieurs localités de ce territoire62. De surcroît, même après avoir délaissé leur office, les anciens procureurs de ces territoires continuent à rassembler des informations secrètes pour le compte du roi. Bernat de Sarrià, conseiller du monarque, envoie encore en 1307 des espions en territoire islamique en utilisant des navires marchands et recommande à Jacques II de dépêcher ses propres espions à Grenade63.
31L’ensemble de ces indices, bien que ténus, plaident en faveur de l’existence d’un réseau d’espionnage organisé pour le service du roi dans le royaume de Murcie, un réseau dont la présence s’explique aisément : le territoire est alors âprement disputé au roi de Castille. D’autre part, l’espionnage en terres grenadines est lui aussi monnaie courante. Le roi a ainsi intimé au bailli de Valence, Ferrer de Corteyl, d’avoir des espions chez le voisin maure64. Il est en effet nécessaire pour le pouvoir d’être tenu au courant le plus régulièrement possible de la situation d’un interlocuteur avec lequel la paix ne peut être définitive. Le besoin d’information se fait dans les deux cas plus pressant, car le renseignement peut servir tout autant à la préparation de la guerre qu’à celle de l’action diplomatique.
32Les procureurs du roi utilisent également leur position géographique stratégique afin de récolter des informations auprès des représentants de nobles castillans. En juin 1301, l’infant Juan Manuel, par l’intermédiaire d’un écuyer, transmet ainsi à Bernat de Sarrià des nouvelles relatives à Grenade, ainsi qu’aux tractations matrimoniales en Castille entre des ambassadeurs du roi de France et la reine María de Molina65. Ils tirent aussi parti jusqu’en 1317 du contrôle exercé sur le ra’īs de Crevillente66. Celui-ci met les musulmans qu’il a dépêchés à Grenade au service du roi67 et son petit territoire sert parfois de plaque tournante entre l’émirat et la couronne d’Aragon : Jacques II lui demande ainsi de désigner un homme compétent pour acheminer du courrier aragonais à Grenade, un individu capable d’épier, de découvrir, de barruntar (« conjecturer ») la situation réelle de l’émir68. La collecte de renseignements relatifs à Grenade et à la Castille mobilise donc aussi bien des espions natifs que des étrangers, des représentants temporaires du roi que des officiers délégués dans les territoires proches ou frontaliers. Ce constat conduit à formuler deux remarques. Tout d’abord, les méthodes de collecte de renseignements employées par le pouvoir royal reflètent le poids et surtout l’organisation politique de la Couronne, caractérisée par une forte délégation d’autorité dans les différents royaumes : l’espionnage royal n’est pas la seule affaire du roi, mais est susceptible de mobiliser chacun de ses sujets. D’autre part, l’examen du rôle du renseignement diplomatique en provenance de la Péninsule conduit à nuancer l’image qui se dégage des Acta Aragonensia, dans lesquels Heinrich Finke insistait surtout sur la prépondérance de la curie pontificale en ce domaine. Il apparaît que les renseignements concernant la péninsule Ibérique proviennent, fort logiquement, plus de la Péninsule que de la curie et que leur flux semble s’accroître en période de tensions. Le pouvoir royal peut donc jouer de sources complémentaires de renseignements pour s’informer des réalités étrangères.
b) L’utilisation de l’« internationale des cours » : liens familiaux, recours aux intercesseurs
33Pour rendre toute sa complexité à la variété des pourvoyeurs d’information dont dispose le pouvoir royal, il faut aussi impérativement tenir compte des liens privilégiés qui sont entretenus avec les dynasties issues de la Maison d’Aragon (Majorque, Sicile) ainsi qu’avec certains membres hauts placés dans les cours étrangères. Les lettres en provenance de la cour majorquine de Perpignan informent ainsi régulièrement de l’état du royaume de France, parfois de celui de Naples, alors que parviennent de la cour de Frédéric III des informations précieuses sur la péninsule italienne69. Les souverains et les parents du roi d’Aragon présents dans les cours étrangères envoient de nombreuses informations. C’est le cas notamment de Juan, fils de Jacques II et archevêque de Tolède, qui fait bénéficier son père de sa position privilégiée dans le royaume voisin en lui transmettant de très nombreux rapports sur la situation interne en Castille70.
34De plus, certains hommes importants des cours étrangères sont devenus des informateurs réguliers du roi. Ils agissent souvent contre l’octroi de faveurs et font office d’intercesseurs privilégiés pour le roi d’Aragon ou ses ambassadeurs. Charles de Valois, en dépit de relations initialement parfois difficiles avec la Maison d’Aragon, informe fréquemment et avec précision Jacques II de l’état de la cour capétienne71. Un rôle similaire est tenu à la cour du roi angevin Charles II par le logothète du royaume de Sicile, Barthélemy de Capoue72, ou bien encore à celle du roi de Castille par Juan, le fils du roi défunt Alphonse X le Sage73, ainsi que par Vatatza de Vintimille74. La transmission d’informations sur l’étranger ne constitue pas une fin en soi pour ces hommes, mais bien plutôt un élément parmi d’autres au sein de la relation complexe qu’ils entretiennent avec le roi d’Aragon, et qui se fonde notamment sur le partage d’intérêts bien compris et sur des échanges de faveurs réciproques. Ce faisant, le pouvoir royal aragonais recourt aussi pour collecter des renseignements sur l’étranger à l’intercession, l’un des mécanismes fondamentaux et généraux qui président aux relations entre les cours et leurs membres75. Si ce phénomène est peu surprenant, en revanche, peut-être en raison d’une meilleure conservation de la documentation dans les archives catalanes, il apparaît également que Jacques II bénéficie aussi d’un réseau unique et fort précieux d’informateurs répartis en Italie.
c) Les étrangers pourvoyeurs d’information : un réseau original
35H. Finke, suivi sur ce point par F. Giunta, les caractérise de manière globale comme des « correspondants libres et volontaires » (freiwillige Korrespondenten), mais inclut au sein de cette unique catégorie les cardinaux, tel Napoleone Orsini, ainsi que d’autres informateurs qui servent le roi d’Aragon pour des raisons différentes76. Essentiellement Italiens, ces hommes appartiennent à de puissantes familles ou bien travaillent comme marchands. Ce sont à Gênes Cristiano Spinola et différents membres de la famille Doria (Bernabo, Branchaleo, Dorino, Niccolà, Plasenti, Rubeo)77. D’autres viennent de Lucques (Henricus Bernarducius)78, de Pise (Vanni de Gattarelli, Bundo de Campo)79, de Venise (Mario de « Mariglon »)80, de Rome, de Sicile et l’on trouve même des moines et des évêques de Sardaigne81. Les raisons principales qui les poussent à fournir des renseignements sont l’intérêt et la fidélité envers Jacques II. Bernardo, Branchaleo, Niccolà et Dorino Doria, de même que Henricus Bernarducius (Enrico Bernarduccio ?) parlent de leur lien au roi en termes de fidelitas ou de devotio82. Pour sa part, Bundo de Campo se qualifie dans une lettre à Jacques II d’home vostre83, tandis que Plasenti Doria souligne son humble condition de serviteur lorsqu’il s’adresse au roi : « Votre homme et votre fidèle serviteur prêt à servir et à honorer votre royale majesté, en baisant les mains et les pieds de votre royale majesté, se recommande à votre grâce comme celui qui en toutes choses est vôtre »84. Certains informateurs peuvent devenir sujets du roi. Le lucquois Dino Silvestri s’installe ainsi à Barcelone et devient même citoyen de la ville85. Par la suite, Jacques II intègre parfois directement dans sa familiaritas86 les plus importants pourvoyeurs d’information, comme le Pisan Vanni Gattarelli ou le Génois Cristiano Spinola. La relation entretenue par ce dernier avec le roi d’Aragon est la mieux connue des historiens et mérite que l’on s’y arrête un instant.
36À l’aide des Acta Aragonensia et de sources génoises, Giovanna Petti Balbi a en effet montré comment ce marchand et homme d’affaires, promis à de très importantes fonctions dans la cité ligure, est entré en contact pour des raisons commerciales avec Jacques II, qui le qualifie dès 1291 de familiaris et dilectus noster87. Il devient pour le roi d’Aragon un fournisseur régulier de nouvelles concernant Gênes, la Sicile et l’Afrique du Nord avec lesquelles il commerce, d’Italie, de la curie et, dans une moindre mesure, de l’Empire. Au moins vingt rapports du Génois expédiés à Jacques II sont conservés pour les années 1300-1326. Ses services ont un coût, car Jacques II lui concède régulièrement des faveurs importantes, notamment le versement de 120 onces d’or annuelles88. Le marchand génois prend même à plusieurs reprises des initiatives diplomatiques. Au nom de son amitié avec le roi, il soutient ses ambassadeurs en déplacement dans la région, leur fournit de l’argent, rapporte à Jacques II la façon dont ils ont agi et permet ainsi au monarque de renforcer le contrôle exercé sur ses représentants89. Bien plus qu’un simple informateur, Cristiano Spinola constitue à lui seul un véritable point d’appui de la diplomatie jacobite en Italie.
37Le pouvoir s’assure donc par la gratification financière ou par la distribution de faveurs et de privilèges royaux (la familiaritas) la certitude de recevoir des informations fournies par des hommes personnellement liés à Jacques II. Des hommes qui, en dépit des vicissitudes politiques des cités italiennes, prennent même des risques pour transmettre leurs informations au roi d’Aragon, car, comme l’explique très clairement l’un d’entre eux : « il est contenu [dans une lettre jointe] des choses qui, si elles parvenaient à l’oreille de certains émules, pourraient m’être très nuisibles »90. La tension et le danger perceptibles dans ce courrier montrent clairement combien le pouvoir royal a réussi à inculquer à ses informateurs la conscience de l’importance de leur mission et du profit qu’ils peuvent en retirer, conditions impératives de leur réussite.
UN ESSAI DE MISE EN PERSPECTIVE
38Le pouvoir royal aragonais s’appuie donc sur des sources complémentaires pour la collecte des renseignements sur l’étranger. Jouant de l’obligation et de l’intéressement, il combine l’utilisation de réseaux de fidélité fondés sur l’existence d’un lien personnel avec Jacques II avec l’information fournie par les représentants du roi et les sujets et officiers. L’éclatement géographique de la couronne d’Aragon, la position de la Catalogne et de l’Aragon sur les routes de passage des Castillans et des Portugais en partance vers le Nord, les liens avec les dynasties sœurs de Sicile et de Majorque, la présence des marchands catalans en Méditerranée, la proximité de la curie avignonnaise à partir de 1309, tous ces facteurs facilitent le rassemblement de flux d’informations multiples, complémentaires et souvent secrètes sur l’étranger. Dès lors, la variété et la qualité de ces sources constituent un atout considérable dans la conduite de l’action diplomatique, ainsi qu’un phénomène singulier par son importance dans l’histoire de la couronne d’Aragon.
39En effet, d’après les documents publiés, les rapports d’informateurs ou d’ambassadeurs pour le règne d’Alphonse III d’Aragon (1285-1291) demeurent l’exception. De même, si des Italiens, notamment les membres d’une international dynasty moving in two or more worlds (R. I. Burns), les della Volta, servent dès le règne de Pierre III d’Aragon d’informateurs, leur contribution s’apparente plus à un phénomène épisodique qu’à la tâche régulière accomplie par les hommes au service de Jacques II91. Enfin, à l’instar de l’ensemble des documents diplomatiques conservés, le flot d’informations sur l’étranger qui parvient à la chancellerie du roi semble se tarir durant le règne postérieur de Pierre le Cérémonieux — c’est du moins l’image que donnent les archives92. Qu’est-ce à dire ? Tout d’abord, l’attention extrême portée à la collecte d’informations sur l’étranger durant le règne de Jacques II présente des similitudes fortes avec ce que l’on peut observer pour le règne du même Jacques, lorsqu’il était roi de Sicile (1286-1291)93. Mais, au-delà des influences siciliennes, des réseaux qui ont pu alors être établis en Italie, l’explication principale réside sans aucun doute dans les buts dynastiques polymorphes du règne de Jacques II, marqué par les tensions récurrentes avec les voisins castillan et français, par l’entreprise de conquête de la Sardaigne et par le souci de maintenir des liens forts avec la papauté, c’est-à-dire par des relations qui ont rendu nécessaire la collecte régulière d’informations sur l’étranger extrêmement variées. Corrélativement, l’efficacité du travail de rassemblement des nouvelles met à plusieurs reprises la Couronne en position de contrôleur de l’information sur l’étranger et donc de force. La chancellerie du roi rediffuse en effet fréquemment les nouvelles reçues, en particulier de la curie vers la péninsule Ibérique94.
40Dès lors, de même que Francesco Sforza plus d’un siècle plus tard, Jacques II peut véritablement être considéré comme un signore delle novelle, un senyor de les noves faudrait-il écrire95. Mais les méthodes diffèrent. L’État milanais réunit en effet l’essentiel des informations dont il dispose grâce à un large réseau de représentants en Occident. Durant la même période, les oratores (« ambassadeurs ») du duché de Mantoue installés à Milan font appel à des sources complémentaires très diverses pour garantir à leur mandataire un flux continu et différencié d’informations96. Dans le cas aragonais, l’information provient aussi des représentants de Jacques II, mais plus fortement de ses sujets, notamment les marchands, pèlerins ou étudiants en déplacement hors des territoires de la Couronne, ainsi que des informateurs étrangers. De même, tout en présentant de nombreuses similitudes avec les cas anglais et impériaux décrits par A. Reitemeier plusieurs décennies après, le système informatif de la diplomatie de Jacques II n’en demeure pas moins caractérisé par la plus grande variété de ses sources97. En ce sens, sous réserve d’autres études dans un champ historiographique encore relativement vierge, les méthodes de collecte de l’information employées par le pouvoir royal se rapprochent de celles des « États marchands » qui, à l’instar de Venise dans la typologie proposée par H. J. Kissling, recourent tout à la fois à des représentants à l’étranger, aux marchands, aux voyageurs. Mais l’importante autonomie du pouvoir royal aragonais dans le domaine de l’information sur l’étranger, qui tient à la fois à la spécialisation de certains informateurs et à la mobilisation potentielle de toutes les personnes — sujets ou non — qui sont liées au roi, met toutefois en évidence les limites d’une opposition trop nette entre « États marchands » et « États féodaux » dans l’analyse des réseaux d’information98. La couronne d’Aragon n’est en effet réductible à aucune de ces deux catégories. Les méthodes employées pour la collecte des renseignements dépendent du fonctionnement et de l’organisation politiques de la Couronne, des liens dynastiques de la famille royale, de ses sphères d’intérêt et des modes d’usage et de circulation de l’écrit qui y sont en vigueur. Une « monarchie composite » dans laquelle la féodalité joue un rôle crucial peut aussi développer un système d’informateurs très efficace.
41De ces informations si précieuses, il serait logique de supposer a priori que le pouvoir cherche à s’assurer le contrôle le plus strict possible. Néanmoins, la distance constitue encore en ce domaine un obstacle physique de taille ; la transmission de l’information par lettre ou par messager demeure un problème récurrent pour les hommes du roi. Dans quelle mesure le pouvoir royal aragonais se distingue-t-il à cet égard des autres pouvoirs contemporains ?
II. — DES SPÉCIALISTES DE LA TRANSMISSION DE L’INFORMATION : LES COURRIERS DE LA COUR
DE L’ANALYSE DES FONCTIONS D’UN GROUPE SPÉCIALISÉ AUX ENJEUX POUR L’ÉTAT
42La présence et l’organisation de groupes de serviteurs spécialisés dans la transmission de l’information se précisent progressivement au cours du XIIIe siècle dans l’ensemble des chancelleries occidentales, qui distinguent désormais régulièrement les chevaucheurs des courriers à pied, ces derniers étant qualifiés de coureurs, de messagerii, ou plus souvent encore de cursores99. Les capacités de transmission des nouvelles et des informations par les pouvoirs publics avant le XVe siècle ont de surcroît récemment été réévaluées à la hausse. La constitution de ces groupes de spécialistes, conjuguée à leur utilisation par les pouvoirs politiques, apparaît comme un remarquable instrument de mesure des possibilités réelles d’action des États dans les derniers siècles du Moyen Âge. Cependant, les travaux des historiens ont essentiellement porté sur les courriers du pape, du roi d’Angleterre, sur les messagers de l’Empire, de Bourgogne et du Hainaut100. On note en revanche un déficit historiographique certain dans le domaine des messageries royales, en particulier pour la péninsule Ibérique101. En reprenant et en amplifiant les quelques études menées sur les courriers royaux pour la couronne d’Aragon102, il s’agira ici de déterminer de quel degré d’autonomie, d’efficacité et de contrôle de la circulation de l’information utile à son action diplomatique dispose le pouvoir royal aragonais avec les courriers de la cour. L’importance assignée à cette mission se traduit-elle alors par une spécialisation interne du groupe des courriers de la cour pour ce type de tâche ?
43Jacques Ier d’Aragon (1213-1276) compte déjà des courriers à son service. Au nombre de 17 en 1263, ces troters, missatges ou bien encore correus ont pour mission d’emmener les lettres de la chancellerie hors du lieu de résidence de la cour, ils demeurent auprès du roi et reçoivent en plus de leur salaire et en contrepartie de leurs services nourriture, vêtements et chaussures. Il faut cependant attendre le règne de Pierre III d’Aragon (1276-1285) pour que soient édictées les premières ordonnances qui réglementent le statut et la fonction de ces serviteurs du roi : ils doivent se déplacer le plus vite possible, « en journées droites » (a jornades dretes), ne pas s’arrêter plus d’un jour en chemin, ne rien solliciter de ceux auxquels ils portent des lettres tout en pouvant accepter ce qu’on leur offre, ne pas propager des nouvelles qu’ils n’auraient pas vues de leurs propres yeux, se consacrer exclusivement à leur travail, se présenter au moins une fois par jour à la scrivania (« bureau des écritures ») et effectuer toutes les missions qu’on leur impose103.
44Durant le règne de Jacques II, le nombre des cursores curie oscille désormais selon Jesús Ernesto Martínez Ferrando entre 31 et 34, soit deux fois plus qu’en 1263 et un chiffre largement supérieur aux 20 courriers prévus postérieurement dans les Ordenacions de Pierre IV le Cérémonieux (1344). Eu égard aux possibilités financières de la Couronne, les courriers semblent ainsi proportionnellement plus nombreux qu’ailleurs en Occident104. L’itinérance de la cour royale et les besoins considérables en expédition de missives se sont donc traduits par la croissance d’un « corps de professionnels » rattachés directement à la chancellerie, des hommes qui travaillent essentiellement à l’intérieur des territoires de la Couronne, mais transportent aussi à pied des lettres à l’étranger105. Comment les distingue-t-on ? Comment se distinguent-ils ?
PERCEPTION ET CARACTÉRISTIQUES SOCIALES D’UN GROUPE DE SERVITEURS À LA COUR DU ROI
a) Reconnaître les cursores curie
45Comme l’a montré Jesús Ernesto Martínez Ferrando, les courriers de Jacques II revêtent en mission un uniforme identique à celui des autres membres de la cour (cape et tunique de « biffe » (bi[f]fa) de Saint-Denis, une toile claire et légère, chausses de toile blanche de Narbonne), parfois complété pour les missions à l’étranger d’une capuccia (« surcot »). Si l’on suit l’hypothèse formulée par cet historien, ils portent aussi un écu à la ceinture, que l’on peut identifier comme une boîte de messager, une bustia106. Quoi qu’il en soit, le courrier royal est facilement reconnaissable en tant qu’homme du roi, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des territoires de la Couronne107.
46Au vêtement qui intègre le courrier royal dans un code établi de reconnaissance visuelle s’ajoute la distinction prêtée par le nom donné à la fonction au sein de la chancellerie : les courriers sont d’ordinaire qualifiés dans la documentation de troters (« trotteurs ») et surtout de cursores curie (« courriers de la cour »), même s’il arrive souvent — dans les ordres de paiement notamment — qu’ils apparaissent sous le simple nom de cursores (« courriers »). Les scribes hésitent aussi parfois entre le cursor domini regis (« courrier du seigneur roi ») et le cursor domus regis (« courrier de la maison du roi »)108. Ce flottement terminologique s’explique sans doute par l’absence de différenciation nette entre la maison du roi et les services de la cour durant le règne de Jacques II, mais les études récentes sur la cour royale de cette période demeurent insuffisantes pour pouvoir dépasser ici le stade de l’hypothèse109. Des speciales cursores (« courriers spéciaux ») surgissent aussi de temps à autre, en particulier pour le transport d’informations diplomatiques110. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un groupe d’hommes spécialisés au sein de l’ensemble des courriers, mais d’une qualification qui signifie l’importance octroyée à la mission effectuée par le courrier, son caractère urgent et périlleux. Les vêtements comme la terminologie employée désignent donc un groupe indifférencié de serviteurs de la cour du roi, dans lequel la distinction dépend de la mission effectuée et ne se traduit pas par un changement de titre.
47Ce groupe est dilué dans les catégories administratives employées par la chancellerie royale111, les courriers apparaissent essentiellement pour des ordres de paiement, dans les registres Solutionum, dans ceux du sceau du secret, les Sigilli secreti, lorsque le roi est en déplacement et, plus encore, dans les Drets del segell secret (« Droits du sceau secret »)112. Les versements effectués se retrouvent ensuite aux différents moments du processus de fiscalisation des comptes du trésorier royal auprès du mestre racional (« maître rational »), dans les acceptacions (« reçus »), dans les llibres de albarans (« livres de quittances ») et, enfin, dans les registres du maître rational lui-même. Les messageries constituent régulièrement une catégorie de comptabilité : les Drets del segell secret rassemblent ainsi fréquemment sous une même rubrique les versements aux porteurs de lettres appointés par le pouvoir dans une section à part, les Sigilli secreti réunissent ces paiements en début de cahiers ou bien intègrent des quaerns (« cahiers ») spécifiquement réservés à ce type de dépenses, alors que les registres Solutionum attestent du paiement en commun le jour de la Saint-Michel113. Cette catégorisation comptable révèle donc la perception par les contemporains de la spécificité de la tâche de transport du courrier, mais elle demeure hétérogène et ne couvre pas l’ensemble des versements aux courriers. Surtout, elle ne concerne pas seulement les courriers de la cour, mais tous les porteurs de lettres du roi, et rassemble ainsi sous une même rubrique les courriers dépêchés à l’étranger et ceux envoyés à l’intérieur de la Couronne. Le groupe indifférencié de manière interne des courriers de la cour se fond donc dans des catégories de classification comptable plus larges où, une fois encore, importe plus la spécificité de la tâche accomplie que le titre du métier.
b) Une approche sociale difficile du groupe des courriers
48La documentation consultée a permis d’établir une première liste — incomplète — des courriers de la cour du roi114. Son but est triple : fournir des jalons pour une prosopographie des courriers de la cour, disposer d’un échantillon significatif permettant de formuler des hypothèses sur les logiques de composition et d’évolution au sein de ce groupe de serviteurs non hiérarchisé et, enfin, envisager une éventuelle spécialisation d’un sous-groupe pour la transmission du courrier à l’étranger. Après avoir écarté les courriers qui n’étaient désignés que par la seule mention cursores et pour lesquels l’appartenance au groupe des courriers royaux demeurait trop hypothétique, 123 courriers de la cour ont été identifiés de manière certaine.
49Pour qu’un individu soit admis comme courrier de la cour, il doit disposer d’un certificat remis par le trésorier au notaire garde des sceaux du roi, Bernat d’Aversó, selon lequel Jacques II accepte ses services115. En outre, comme à la curie pontificale en Avignon, la prestation d’un serment est requise. Trop souvent désignés par leur seul prénom, les courriers de la cour se laissent néanmoins difficilement appréhender en termes d’histoire sociale et seules quelques hypothèses peuvent pour l’heure être avancées en ce domaine. Tout d’abord, certaines familles semblent fournir à plusieurs reprises des courriers au roi : les Canals (Ferrer, Ramon), les Vidal (Antoni, Martí), les Ros (Domingo/Domenec, Jaume), les Marsilia (Johannes, Salvatore) et plus encore les Aznar (Aznarius, Aznarot — le petit Aznar —, Martin, Guillelmonus). Même si la présence à la cour du roi d’autres personnages du même nom plaide en faveur d’une certaine patrimonialisation des offices de cour, elle semble limitée et, surtout, cette hypothèse demeure encore fragile, car certains de ces patronymes sont très répandus (Canals, Vidal) et nous ne disposons pas de preuve formelle de liens de parenté entre les individus mentionnés116.
50En revanche, les listes établies par J. Trenchs Odena pour les règnes antérieurs de Jacques Ier le Conquérant et de Pierre III d’Aragon permettent d’établir l’existence d’une certaine continuité dans le groupe des courriers de la cour117. Aznarot, Bernat Robador, R. de Alòs et R. sa Font ont tous servi Pierre III comme courriers et il est probable que le nombre de courriers de Jacques II ayant officié sous Alphonse III d’Aragon soit plus élevé encore. L’expérience des courriers de la Maison d’Aragon en péninsule Ibérique est donc mise à profit. On ne dispose malheureusement pas de la liste des courriers de Jacques alors qu’il était roi de Sicile, d’où l’impossibilité de discerner une éventuelle fusion des personnels entre les deux cours, sicilienne et aragonaise.
51L’échantillon documentaire retenu ne permet pas non plus de fournir une durée moyenne d’exercice de la charge, mais il apparaît nettement que de très nombreux courriers travaillent au moins dix années et qu’ils demeurent fréquemment une quinzaine d’années en exercice. Seul Salvador de Huesca effectue des missions plus longtemps. Serviteur avéré de trois rois d’Aragon (Jacques Ier, Pierre III et Jacques II) et sans doute d’un quatrième, Alphonse III (1285-1291), ce courrier a parcouru les routes pendant au moins vingt-sept ans, ce qui lui valut l’octroi d’une rente spéciale118. Cependant, une telle longévité dans la charge demeure l’exception, car le travail est éprouvant — les mentions de courriers malades sont innombrables — et ne peut être accompli que par des hommes en très bonne santé, qui n’ont sans doute pas encore atteint la quarantaine.
52Même s’ils semblent disposer d’une situation économique relativement enviable, les voies d’ascension sociale demeurent très limitées pour les courriers de la cour de Jacques II. Quelques-uns deviennent batlles (« baillis »)119, tout en continuant parfois à exercer leur charge de courrier, mais, de même que pour leurs homologues mis au service du pape, c’est un autre office de cour, celui de « portier » (hostiarius), qui constitue la voie privilégiée de promotion pour ces hommes120. Dans ce groupe non hiérarchisé, la stabilité se révèle donc assez forte et la marge d’ascension sociale limitée. Cependant, le service du roi ne se limite pas à celui de sa cour : de nombreux courriers, sans doute moins aptes pour les longs voyages, passent en fin de carrière au service du bailli général de Catalogne et plus encore du bailli de Barcelone. Certains, comme Martí Vidal, servent même alternativement la cour du roi et le bailli de la capitale comtale121.
53Le groupe des courriers de la cour se caractérise donc par une certaine continuité des hommes, pour lesquels la mobilité sociale demeure réduite et restreinte au seul service du roi. Dès lors, même si les courriers sont perçus à la chancellerie quelquefois plus en fonction des tâches accomplies que de leur appartenance à une catégorie sociale spécifique, l’hypothèse formulée par Mary C. Hill pour les courriers du roi d’Angleterre consistant à les envisager comme un « groupe compact » rattaché à la chancellerie apparaît fort plausible dans le cas aragonais, mais demande encore à être confirmée par un travail prosopographique plus approfondi122. Dans ce groupe surtout caractérisé jusqu’à présent par son homogénéité, le développement spectaculaire des relations diplomatiques durant le règne s’accompagne-t-il de la spécialisation de certains courriers sur l’étranger ?
DES COURRIERS DE LA COUR SPÉCIALISÉS DANS LE TRANSPORT DE L’INFORMATION DIPLOMATIQUE ?
a) La transmission des documents et des informations diplomatiques
54L’étranger, il faut le redire, demeure l’exception pour les courriers de Jacques II. Ils transportent néanmoins à plusieurs reprises des lettres à d’autres souverains et accompagnent régulièrement les ambassadeurs du roi dans leurs périples hors de la Couronne. Les représentants de Jacques II peuvent ainsi informer ce dernier de leurs actions (facta) et recevoir ses ordres (fienda)123. Comme les ambassades et les cours sont très souvent en déplacement, les itinérances des uns et des autres rendent ce travail complexe, voire hasardeux, et l’on peut raisonnablement supposer que les courriers empruntent souvent les mêmes routes afin de rencontrer en chemin les destinataires des lettres qu’ils emmènent124. Une fois arrivés sur place, leur mission va rarement au-delà de la simple remise de lettre, mais ils doivent parfois, de même que l’ensemble des représentants de Jacques II, s’efforcer de récolter avant leur départ tous les renseignements qui peuvent être utiles à leur souverain125.
55Les courriers participent aussi sur les territoires de la Couronne à la circulation des informations engendrées par l’action diplomatique royale. Ils transmettent des missives de Jacques II qui enjoignent à des officiers d’envoyer d’autres courriers à l’étranger126, ou bien encore des lettres adressées à des membres de la famille royale, comme ce courrier qui doit remettre une lettre à la reine l’intimant de dépêcher elle-même un messager à Chypre afin de réclamer sa dot127. Les courriers de la cour jouent donc un rôle indispensable dans la transmission interne et externe des documents diplomatiques et des informations sur l’étranger. En revanche, à la différence de leurs collègues avignonnais et anglais, ils ne semblent pas servir la diplomatie royale autrement que par le transport des plis : on ne trouve pas trace ici de messagers qui escorteraient les ambassadeurs étrangers ou qui se chargeraient de contre-espionnage, ces fonctions paraissant plutôt dévolues aux « portiers » (hostiarii) du roi128.
b) Une spécialisation sur l’étranger limitée
56Dans son étude des courriers de la cour royale anglaise, M. C. Hill souligne à la fois l’absence d’un service spécifique pour l’étranger et une certaine spécialisation des individus, ce type de mission étant de préférence confié aux hommes les plus expérimentés dans la charge129. Il n’existe pas non plus dans le cas aragonais un service spécialisé de manière exclusive dans la transmission des missives à l’étranger. En ce qui concerne les hommes, 28 des 123 courriers, soit plus de 20 %, se sont rendus au moins une fois à l’étranger pour le service du roi, un chiffre susceptible d’être revu à la hausse par d’autres dépouillements, mais aussi parce que de nombreuses ambassades mentionnent l’emploi d’un courrier du roi sans préciser son nom130. Même si l’immense majorité des tâches accomplies par les courriers de la cour se déroulent sur les territoires de la Couronne, l’expérience du port de plis à l’étranger est donc fréquente pour ces hommes. Ils se rendent essentiellement dans les territoires frontaliers ou proches (Castille, France, comtés de Roussillon et de Cerdagne, Avignon, Rome, Portugal, Sicile), rarement au-delà. Exceptionnellement, quelques courriers vont en terres d’Empire131. Les messagers que l’on peut suivre sur plus de dix années effectuent tous ces missions en milieu de carrière132. Le pouvoir royal recherche en fait un compromis, un équilibre entre les capacités physiques de ces hommes et leur expérience des routes. Mais la documentation rassemblée ne permet pas de discerner de réelles spécialisations sur des destinations particulières, car le nombre attesté de voyages à l’étranger demeure en général trop faible pour dépasser le stade de la conjecture. Deux exceptions notoires méritent cependant d’être relevées. Monge/Monachus et Salvador de Huesca, tous deux cursores curie, ont à plusieurs reprises porté des plis à l’étranger et se sont rendus dans différents territoires, en Italie, en Empire et à Avignon133. Ces données biographiques quelque peu disparates raffermissent donc l’hypothèse selon laquelle certains courriers de la cour sont plus que d’autres spécialistes des missions à l’étranger134.
57On assiste donc durant le règne de Jacques II à un accroissement important du nombre des courriers par rapport aux périodes antérieures, mais ce phénomène ne se traduit pas par la spécialisation franche d’un sous-groupe pour le transport des documents diplomatiques et des informations sur l’étranger. Il s’agit en fait d’hommes à tout faire pour la transmission des lettres du roi. Constituant un groupe non hiérarchisé, marqué par la continuité au service du monarque et des possibilités d’ascension sociale réduite, les courriers de la cour de Jacques II présentent un profil assez proche de celui de leurs homologues anglais. Néanmoins, le pouvoir royal aragonais recourt plus qu’en Angleterre aux services d’autres hommes pour l’acheminement des documents diplomatiques et de l’information sur l’étranger. Il faut donc déplacer le regard du développement institutionnel du groupe des courriers vers les méthodes adoptées par le pouvoir royal pour l’acheminement de la documentation diplomatique et des informations sur l’étranger. Elles résultent du compromis entre une improvisation nécessaire et le respect de règles non écrites entre les cours.
III. — LE TRANSPORT DES DOCUMENTS DIPLOMATIQUES ET DE L’INFORMATION SUR L’ÉTRANGER : ENTRE LA NORME ET L’IMPROVISATION
58Le roi d’Aragon fait appel lorsqu’il se trouve in deffectu cursorum (« en pénurie de courriers ») à d’autres personnes et à de nombreux expédients pour l’envoi de son courrier à l’extérieur de la Couronne. Inversement, l’acheminement des lettres venues de l’étranger, moins aisément saisissable, se caractérise aussi par l’absence de spécialisation des porteurs ou même de monopole royal135. Une telle situation est alors répandue en Occident. Yves Renouard distingue ainsi pour l’expédition des lettres des papes depuis Avignon quatre types de porteurs, les courriers pontificaux, les envoyés de correspondants à la curie, les personnes quittant Avignon et les courriers professionnels136. Pour le règne de Jacques II, il est néanmoins préférable d’appréhender les porteurs de plis en fonction de la nature des rapports qu’ils peuvent entretenir avec le souverain aragonais. Outre les courriers de la cour qui ont été examinés précédemment, on distinguera donc les hommes du roi, ses autres sujets et, enfin, les étrangers qui se chargent de l’acheminement du courrier hors des territoires de la Couronne.
L’ABSENCE DE MONOPOLE : LES AUTRES PORTEURS DE DOCUMENTS DIPLOMATIQUES ET D’INFORMATIONS
a) Les hommes du roi
59L’acheminement du courrier diplomatique est souvent effectué par d’autres membres de la chancellerie, les scriptores (« scribes »)137, des membres de l’hôtel, écuyers notamment138, ou bien encore par des membres d’autres cours liées à celles du roi, en particulier celle de la reine139. Les courriers des officiers urbains supérieurs, les veguers (« viguiers ») et surtout les batlles (« baillis ») sont les plus mis à contribution, notamment ceux des villes de Barcelone et, dans une moindre mesure, de Valence140. D’autre part, les officiers royaux proches de la frontière apportent à Jacques II des lettres déposées par des courriers étrangers qui refusent d’aller plus loin, ceux du roi de France par exemple141. Mais ce sont surtout les portiers qui, outre les courriers de la cour, prennent en charge la circulation des documents diplomatiques et des informations sur l’étranger. Contrairement au constat formulé par J. Trenchs Odena pour les règnes précédents, les portiers ne se cantonnent pas ici à l’intérieur de la cour ou bien là où se trouve la chancellerie, mais ils emmènent aussi des lettres à l’étranger, à Avignon notamment142. L’utilisation de ces hommes s’explique d’abord par leur expérience des affaires diplomatiques, puisqu’ils sont fréquemment chargés de l’accueil et de l’accompagnement des ambassadeurs aragonais ou étrangers dans les territoires de la Couronne143, voire de l’accueil des rois, comme Guillem Batlle qui doit participer en 1318 à la prise en charge de Sanche de Majorque144. Mais il s’agit aussi d’une question de prestige, car la désignation d’un portier plutôt que d’un simple courrier de la cour pour emmener une lettre apparaît aussi comme une façon d’honorer le destinataire ou de signifier l’importance de la missive145.
b) Autres sujets du roi
60Le transport des documents diplomatiques est également accompli par d’autres hommes qui ne sont pas officiers du roi, mais simples sujets de Jacques II. Il s’agit le plus souvent de courriers au service d’autres pouvoirs, mais aussi de particuliers dont le voyage à l’étranger est mis à profit pour le transport de lettres. Le roi expédie ainsi son courrier diplomatique par des messagers au service de nobles146 ou de dignitaires religieux, comme l’évêque de Barcelone147, ou bien encore par des clercs qui se rendent à l’étranger148. Les lettres peuvent être acheminées par des courriers urbains, notamment barcelonais, dont on peine à savoir pour le règne de Jacques II si, comme par la suite, ils dépendent directement du Consell, ou bien s’ils font leur tâche en tant que courriers spécialisés de la capitale catalane149. Enfin, comme pour la collecte de l’information, le pouvoir s’appuie beaucoup sur les marchands catalans150. Soit ces derniers se chargent eux-mêmes de l’acheminement, soit un courrier dépêché par leurs soins à l’étranger prend en charge le pli royal151.
c) Les étrangers
61Enfin, et ce dernier élément est déterminant pour bien saisir l’absence de monopole royal sur la circulation de l’information diplomatique, de nombreuses lettres du roi d’Aragon destinées à l’étranger sont acheminées par des hommes qui ne sont pas sujets du roi. Il s’agit d’ambassadeurs adressés au monarque et qui prennent en charge le port de lettres à leur retour, d’émissaires envoyés à d’autres destinataires ou d’étrangers de passage, de courriers qui relèvent d’autres autorités et font étape à la cour de Jacques II152. D’autre part, si le roi utilise les réseaux de soutien et de fidélité dont il dispose à l’étranger pour l’expédition de ses lettres, cette pratique est plus répandue encore parmi ses ambassadeurs qui, en plus du ou des courrier(s) qu’ils emmènent avec eux, doivent très souvent recourir à ceux des souverains étrangers ou à des courriers locaux pour faire acheminer les documents à leur mandataire. Ponç Carbonell, ambassadeur auprès de Robert de Naples, utilise ainsi les courriers du roi angevin pour correspondre avec Jacques II153.
62Dès lors, pris entre des exigences parfois contradictoires de rapidité et d’économie, contraint par les difficultés liées à l’itinérance des cours ou par l’indisponibilité de certains serviteurs, tiraillé entre la plus grande efficacité des courriers marchands et l’utilisation d’expédients moins coûteux, le pouvoir royal aragonais ne dispose pas d’une autonomie totale pour l’acheminement de ses documents diplomatiques et la récupération des renseignements sur l’étranger. Ainsi, quand Jacques II se rend à Rome à la fin de l’année 1296 et dans les premiers mois de 1297, le transport des lettres est effectué tantôt par des courriers emmenés par le monarque et par des courriers des nobles, tantôt par des membres de la domesticité royale ; la disponibilité et le fait d’être serviteur de Jacques II paraissent alors des critères déterminants pour confier un message154. Le choix d’un porteur de pli exprime donc parfois une spécialisation limitée parmi les membres de la chancellerie royale, mais il dépend très souvent de ce qu’il faut bien appeler les circonstances, c’est-à-dire de la proximité physique du roi et du messager pressenti, de l’état financier du trésor et des relations entretenues avec les pouvoirs étrangers. Dans ce système où l’improvisation semble parfois la règle, la complémentarité entre les courriers de la cour et les autres porteurs de lettres éventuels constitue alors bien plus qu’une pratique, une réelle nécessité qui fait du règne de Jacques II, en ce domaine comme en celui de la production documentaire ou de l’enregistrement, une période d’expérimentation forte. Cependant, si les méthodes adoptées pour le transport du courrier paraissent parfois acrobatiques, le souci de contrôler efficacement l’acheminement des plis diplomatiques demeure pour sa part une constante. Le pouvoir doit en effet à la fois garantir la circulation d’informations périlleuses et respecter certaines règles tacites de l’échange politique entre les cours.
GARANTIR ET CONTRÔLER LA CIRCULATION DE L’INFORMATION DIPLOMATIQUE : UN ENJEU DE POUVOIR
63Comme l’a montré Y. Renouard dans le cas de la papauté, la transmission de l’information par le pouvoir est soumise à trois exigences essentielles : la sécurité, l’économie et la rapidité155. Ces principes généraux demeurent valables pour la circulation des documents diplomatiques aragonais, mais ils semblent recouvrir des modalités spécifiques en raison des difficultés de circulation de l’information à l’étranger.
a) Les difficultés de la transmission
64Les courriers et plus généralement les porteurs de lettres du roi à destination de l’étranger bénéficient ordinairement de sauf-conduits censés les protéger de dangers plus grands que s’ils se déplaçaient simplement dans les territoires de la Couronne. Les clauses de ces conduits sont à ce titre particulièrement explicites : il s’agit d’éviter le dépouillement des porteurs de missives et, surtout, d’empêcher que les lettres qu’ils transportent ne soient ouvertes par des officiers trop tatillons, une pratique souvent reprochée aux officiers du roi de France156. En outre, la réception de lettres venues de l’étranger et plus encore la transmission de plis adressés à des cours ou à des ambassades itinérantes pose de manière récurrente le problème de la localisation du destinataire. Pour le surmonter, le pouvoir royal s’appuie à la fois sur les nouvelles possédées par ses officiers dans les territoires de la Couronne, sur les réseaux marchands et sur Barcelone, véritable plaque tournante de l’information. L’acheminement d’une lettre à l’étranger ne relève donc pas de l’évidence, loin de là, et se transforme même parfois en véritable roman à rebondissements, dont les épisodes peuvent être reconstitués grâce aux notes de chancellerie consignées dans les registres. Ces difficultés apparaissent de manière exemplaire à travers la destinée d’une lettre de Jacques II à ses ambassadeurs itinérants Berenguer de Sant Vicenç et Gastó, évêque de Huesca, qui doivent se rendre à Naples et en Sicile157. Le 27 octobre 1326, Jacques II envoie depuis Barcelone la lettre à Bernat de Boxadós, amiral du roi et gouverneur de Sardaigne, ainsi qu’à d’autres officiers, en leur enjoignant de la remettre à tout prix aux ambassadeurs : « il est en effet violemment nécessaire et bien plus urgent que nous ne saurions l’exprimer par écrit que la lettre soit présentée rapidement auxdits ambassadeurs »158. Jacques II croit qu’ils se dirigent vers la Sicile. S’il en est bien ainsi, les officiers présents en Sardaigne doivent transmettre le courrier par un homme sûr avec le premier navire au départ. En cas contraire, ils doivent faire suivre le courrier vers Naples. Dans le cas où les ambassadeurs reviendraient en Sardaigne, les officiers doivent leur remettre directement la lettre et, s’ils sont repartis en direction de la péninsule Ibérique, il faut qu’ils la renvoient à Jacques II159. La lettre du roi d’Aragon aux ambassadeurs et celle qui est adressée aux officiers en Sardaigne sont emmenées par le patron d’un lembus (un leny, navire de taille moyenne très courant) en partance pour l’île. Cependant, le 2 novembre 1326, depuis Barcelone, doutant de la transmission effective de cet important courrier, Jacques II envoie à nouveau les lettres en Sardaigne par un autre patron de navire, Berengueró Just, et ordonne alors aux officiers de l’île d’envoyer la lettre aux ambassadeurs, même s’ils ont déjà reçu et renvoyé la version du 27 octobre160. La lettre n’atteint finalement les représentants du roi qu’à leur passage en Sardaigne au retour de Sicile, elle n’a donc pas été utilisée et est détruite lors de sa réintégration à la chancellerie royale161. Au-delà de péripéties toujours variables et des anecdotes propres à chaque transport de pli, on comprend dès lors que, dans un contexte parfois hostile, certaines lettres voire certains porteurs disparaissent sans laisser de traces, même si ce topos de la littérature médiévale n’apparaît somme toute que de manière relativement discrète dans la documentation pratique162.
b) La recherche de la sécurité et du contrôle
65Le pouvoir royal s’efforce par conséquent de sécuriser autant que possible la transmission physique des documents diplomatiques et des informations relatives à l’étranger. Les méthodes suivies sont celles des autres chancelleries contemporaines : accompagnement des porteurs de lettres dans les limites du territoire et, si l’affaire est particulièrement importante, envoi de la lettre par plusieurs voies différentes. Les souverains étrangers, à l’instar de Charles II en 1298, reçoivent alors parfois deux exemplaires d’une même lettre163. On ne trouve pas durant le règne de Jacques II de cas aussi spectaculaire — et probablement imaginaire — que celui de l’ambassadeur Gilabert de Cruïlles, qui aurait envoyé au roi Pierre III en 1283 ses rapports sur les négociations préliminaires au duel de Bordeaux par quatre courriers différents164, mais plusieurs exemplaires des lettres les plus décisives sont parfois remises à divers courriers afin de pallier les défaillances de l’un ou l’autre d’entre eux. En février 1318, Jacques II envoie ainsi un premier courrier au roi Sanche de Majorque et au noble roussillonnais Jaspert de Castellnou pour leur signifier que les Corts de Tortosa sont reportées. Le messager doit cependant interrompre son voyage en raison d’une grave maladie et confier ses lettres à un autre courrier, d’où le doute à la chancellerie aragonaise sur le bon acheminement de l’information. Un autre courrier est par conséquent dépêché à Jaspert de Castellnou et ce dernier est prié de prévenir directement Sanche du report de l’assemblée165.
66Au-delà de la garantie de la bonne transmission du courrier, le pouvoir royal s’efforce surtout de contrôler l’action de celui qui emporte des informations à caractère diplomatique. Si le courrier de la cour est tenu par un serment et par des ordonnances stipulant qu’il doit travailler exclusivement pour le roi, on constate également l’existence à la chancellerie de listes de lettres remises au départ et comportant l’indication des destinataires166. Par la suite, le porteur procède dans certains cas à un acte notarié qui certifie de la remise de la lettre royale, avec la date et parfois l’indication de l’heure précise à laquelle la tâche a été accomplie. Le courrier Simó de Sitges obtient ainsi le 2 mai 1302 la reconnaissance par lettre patente qu’il a bien remis au noble Dalmau de Rocabertí une lettre que Jacques II lui avait confiée167 ; Tomàs Gruny, bailli de Barcelone, atteste pour sa part le 18 mars 1306 avoir reçu de Dominichus Jençor, courrier du roi, une lettre relative à l’ordinatio (« ordonnance ») entre Jacques II et des ambassadeurs de Gênes168. Ces procédures permettent à la chancellerie de contrôler l’action du courrier, alors que, pour celui-ci, l’acte notarié certifie qu’il a bien effectué son travail et dégage sa responsabilité, tandis que le destinataire de la lettre se voit contraint de reconnaître publiquement la réception du pli royal. Les courriers professionnels employés occasionnellement voient eux aussi leur tâche au service du roi intégrée dans une procédure stricte de contrôle, puisqu’ils doivent souvent passer un véritable contrat avec le pouvoir169. Ces pratiques, que l’on retrouve dans d’autres chancelleries contemporaines, témoignent en fait de la préoccupation constante du pouvoir royal de contrôler une transmission du courrier techniquement difficile et qui constitue un véritable enjeu politique pour les relations entre les cours.
c) La vitesse de transmission des courriers
67La rapidité de l’acheminement des plis possède également une importance capitale pour la circulation de l’information diplomatique émise ou utilisée par le pouvoir royal aragonais. La vitesse moyenne de circulation des hommes et des messages ne fait pas l’unanimité chez les historiens. Les messagers français du XIVe siècle se déplaceraient à une moyenne de 48-53 kilomètres par jour ; au XVe siècle, les chevaucheurs du Hainaut parcourraient de 60 à 70 kilomètres par jour, alors que les messagers à pied n’effectueraient que 30 à 40 kilomètres en une journée, une moyenne parfois encore abaissée à 25-30 kilomètres par jour à pied et 55 kilomètres par jour à cheval170. Pour sa part, Y. Renouard mentionne des courriers qui parcourent entre 50 et 80 kilomètres par jour171. Dans ce panorama bigarré, il n’est pas possible de fournir une vitesse moyenne pour la circulation de l’information diplomatique durant le règne de Jacques II, car on ne dispose que fort rarement dans les comptes du temps employé par les messagers pour leur mission à l’étranger, à la différence de leurs déplacements sur les territoires de la couronne d’Aragon. Il faut ici se contenter des indications, des ordres de grandeur qui peuvent être déduits des contrats d’obligation de vitesse passés avec les courriers et de la fréquence des échanges épistolaires entre Barcelone et Avignon.
68Les ambassadeurs de Jacques II au concile de Vienne en 1312, pressés d’obtenir des instructions du roi en raison de l’éventuelle attribution des biens du Temple à l’ordre de l’Hôpital, passent ainsi un contrat avec un courrier privé, lequel s’engage à effectuer l’aller-retour Vienne-Barcelone en moins de vingt jours, c’est-à-dire, en supposant qu’il suive la vallée du Rhône, environ 1.500 kilomètres, soit une moyenne journalière élevée de 75 kilomètres par jour pour ce courrier express172. Ces estimations toujours quelque peu approximatives sont heureusement parfois corroborées et formulées par les contemporains eux-mêmes. Dans une lettre adressée au trésorier Pere Marc et à Jacques II, l’ambassadeur Guillem Llull estime que treize jours sont nécessaires pour l’aller-retour Barcelone-Avignon, soit une distance de 1.000 kilomètres parcourue là encore à une moyenne de 75 kilomètres par jour173. Ces vitesses concernent néanmoins des courriers en déplacement continu, elles ne reflètent pas forcément la vitesse de transmission moyenne de l’information, parfois bien moins élevée, car soumise aux inévitables haltes, aux difficultés de localisation du destinataire et, en cas d’attente de réponse, au temps de rédaction nécessaire, même si ces différents reports demeurent difficilement perceptibles. L’image d’une efficacité certaine se dégage néanmoins de l’examen des délais pris pour la transmission de la correspondance entre le roi et ses ambassadeurs en Avignon. Par exemple, lorsque Vidal de Vilanova se trouve à la curie pontificale en 1309, le temps écoulé entre la date de rédaction d’une lettre de l’un des deux correspondants et la date de réponse est successivement de dix jours, sept jours (à deux reprises) et neuf jours, soit une moyenne minimale tout à fait correcte de 50 kilomètres par jour174. Les quelques éléments avancés ici plaideraient donc en faveur d’une moyenne assez élevée pour le transport de l’information diplomatique par rapport aux autres pouvoirs occidentaux pour lesquels on dispose de données comparables.
69Cependant, cette approche par la moyenne s’avère vite un leurre, car les variations demeurent trop importantes d’une course à l’autre et les conditions de vitesse fixées par le pouvoir royal pour l’étranger demeurent dans le flou, parce que les ordres de paiement aux messagers sont des ordres généraux. Or, on l’a vu, il est des courriers urgents et d’autres qui le sont moins. Plutôt que de rechercher dans la documentation une moyenne ou des indications qui peuvent être trompeuses, il semble donc préférable de tenter de discerner les méthodes d’accélération du transport des plis employées par le pouvoir royal, puisque c’est à ce moment-là que la transmission du courrier diplomatique se révèle plus nettement comme un véritable enjeu politique. Tout d’abord, le porteur de plis peut pour faciliter l’envoi de lettres bénéficier d’ordres royaux qui lui permettent de réquisitionner des chevaux auprès des officiers de Jacques II. Cet embryon de relais de poste fonctionne de manière significative en cas d’extrême urgence, par exemple quand le roi dépêche en 1309 son portier Miquel de Novals auprès de son ambassadeur Jaspert de Castellnou, qui doit se rendre auprès du roi du Maroc175. En cas de presse, les ambassadeurs du roi passent aussi des contrats avec des courriers spécialisés, où l’engagement de rapidité, assorti d’un temps maximal, comporte en contrepartie l’intéressement et parfois la proposition de prise en grâce du courrier auprès du roi d’Aragon176. L’initiative de ce type de contrat, dont le but est d’accélérer et de garantir la transmission du courrier, peut aussi venir d’informateurs du roi à l’étranger, comme Cristiano Spinola qui, après réception à Gênes d’un courrier de Jacques II et sur demande de ce dernier, décide de contracter un autre courrier pour qu’il se rende à Naples en neuf jours177.
70L’exigence de rapidité favorise donc parfois la coopération des courriers de la cour du roi qui n’ont pas l’exclusive du transport des plis avec des courriers locaux spécialisés contractés à la tâche. De plus, la collaboration entre les pouvoirs des différentes puissances s’avère souvent indispensable. Pere de Libia, chargé de transmettre une lettre de Jacques II à Aymeric de Narbonne, se rend ainsi de Barcelone à Gérone, puis à Figueras. Il trouve un ardit (« nouvelle ») qui lui enjoint de se rendre de bon matin à l’église de Panissars. Il y rencontre Jaspert de Castellnou, qui représente Aymeric de Narbonne, mais refuse de le laisser passer en Roussillon, au motif qu’il a rencontré Jacques II. Jaspert demande plutôt à Pere de Libia de lui remettre la lettre de Jacques II qu’il transmettra lui-même. Le messager, connaissant Jaspert de Castellnou qui l’avait aidé à venir, accepte et copie de sa main la réponse du roi, que Jaspert transmet ensuite à Aymeric de Narbonne178. En cas de tension, un autre porteur de lettres peut donc prendre le relais à la frontière. Dès lors, si la rapidité du courrier peut être avantageuse pour Jacques II, le bon acheminement du courrier ne constitue pas seulement un enjeu pour le pouvoir royal, mais aussi pour les destinataires, ce qui explique l’aide parfois apportée aux courriers étrangers en difficulté179. Il s’agit en fait ici de partager tant bien que mal un espace commun de circulation de l’information toujours en péril, toute la difficulté et la contradiction latente résidant dans le fait que les différents pouvoirs oscillent entre l’aide à la transmission de lettres étrangères et la tentation du contrôle et du dévoilement des secrets diplomatiques. Dans cet espace d’échange et de communication politiques sous tension, certaines règles communes non écrites, comme la gratification des courriers étrangers, semblent néanmoins plus facilement respectées par les différents pouvoirs.
LA PARTICIPATION AUX RÈGLES DU JEU ENTRE LES COURS : LA GRATIFICATION DU COURRIER
71En 1326, un clerc de Jacques II, Bernat Safont, rédige la note suivante à l’intention du notaire garde des sceaux du roi :
Seigneur Bernat d’Aversó. Sachez qu’au mois de juillet passé Guillelmus de Ahuero, courrier du seigneur roi, alors qu’il se rendait au Portugal, n’a pas été payé par la cour du seigneur archevêque de Tolède [Juan, fils de Jacques II d’Aragon]. On lui a cependant donné gracieusement, comme il est de coutume pour les autres courriers, dix maravédis du roi de Castille180.
72Une distinction très nette est donc établie entre ce que perçoit le courrier aragonais à la cour étrangère au titre de sa prise en charge et le don de gratia qui lui est fait suivant la coutume (sicut consuetum est)181. On retrouve ici une pratique communément attestée dans la documentation d’autres chambres de comptes contemporaines, en Navarre notamment : les courriers sont pris en charge par la cour étrangère, on peut aussi leur fournir le vêtement et la somme nécessaire au retour, ils reçoivent en outre une gratification lorsqu’ils apportent une nouvelle182. Dans cette perspective, l’absence relative d’informations sur les gratifications remises aux courriers aragonais peut être palliée par le recours aux listes des dons effectués par la chancellerie royale aux courriers étrangers. Tous participent en effet d’une même logique des conditions de l’échange épistolaire et informatif entre les cours.
73Les relevés effectués dans les registres du mestre racional et les Solutionum de la chancellerie ont permis de rassembler un échantillon significatif de plus de 40 dons gracieux remis par le roi à des courriers étrangers (tableau 2, pp. 138-139). Si la gratification du courrier étranger sur ordre royal constitue une règle communément suivie, avec une distinction très nette entre le montant alloué à un courrier (correu) et celui octroyé à un « ambassadeur » (missatger), elle n’est toutefois pas appliquée de la même manière pour chacun. Tous reçoivent du numéraire, mais le monarque démontre sa munificence de façon différenciée : les courriers des royaumes les plus proches (péninsule Ibérique, Majorque) sont les moins favorisés, alors que ceux qui ont parcouru un long chemin sont mieux récompensés. Quand ils viennent de l’Empire, ils peuvent de façon exceptionnelle recevoir un don en nature, par exemple une mule avec selle et mors183. Geste souverain, le don gracieux au courrier sert aussi très concrètement à financer le retour, à payer les vêtements, les montures, la nourriture dont celui-ci aura besoin. En revanche, à l’exception des courriers du pape qui sont toujours plus favorisés, le pouvoir royal ne tient pas toujours compte du statut du mandataire, les courriers des infants castillans étant par exemple gratifiés au même niveau que ceux des rois. En fait, il ressort de ces données quelque peu disparates que le pouvoir royal respecte la gratification du courrier étranger et donc un code international de l’échange entre les cours, mais aussi, comme les autres puissances, qu’il use de cette règle en fonction des circonstances, choisissant par exemple de gratifier plus généreusement les porteurs de bonnes nouvelles184.
74Finalement, le développement de l’action diplomatique s’est traduit durant le règne de Jacques II par une intensification notable de la collecte d’informations sur l’étranger, facilitée par l’accroissement de la production et de la circulation de l’écrit pendant cette période. En ce sens, on peut légitimement parler de l’établissement d’un « système informatif » durant le règne. À la différence des modèles élaborés au XVe siècle, le fonctionnement de ce système est paradoxal, puisqu’il combine en quelque sorte l’autonomie et l’absence de monopole. En effet, parce qu’il s’appuie plus qu’auparavant sur le devoir des sujets et représentants du roi de l’informer, ainsi que sur des réseaux de fidélités personnelles de nature diverse et implantés dans de nombreux territoires, le pouvoir royal paraît largement autonome vis-à-vis des puissances étrangères pour son approvisionnement en renseignements et en nouvelles utiles à l’accomplissement de son action diplomatique. Mais cette autonomie, fruit de contributions multiples et parfois contradictoires, ne se fonde pas sur l’exercice par le pouvoir royal d’un monopole sur la circulation du courrier et sur l’information. Il faut très souvent s’en remettre pour la transmission des lettres à des hommes qui ne dépendent pas directement du monarque. Avant l’établissement d’ambassadeurs résidents, la manipulation de l’information diplomatique — ou au moins d’une partie de celle-ci — suppose donc pour la couronne d’Aragon la participation d’un nombre d’acteurs très élevé. Une telle implication contribue certainement à accroître les procédures de contrôle de la circulation des hommes, des lettres et des informations dont toute la chancellerie porte les traces ; elle révèle également que la diplomatie ne constitue pas alors tout à fait un espace clos de l’échange politique, fruit des seules rencontres de quelques hommes choisis. L’âge des représentations ad hoc et des postes non monopolistiques paraît bien plus un temps de l’expérimentation et des tâtonnements du pouvoir, qui tente de gérer au mieux la publicité et le secret d’une information diplomatique dont la nécessité est bien perçue pour faire valoir les droits du roi et les intérêts complexes de la Couronne. Le pouvoir royal aragonais paraît en ce domaine presque réservé particulièrement efficace, puisqu’en dépit de finances souvent plus déprimées que celles de ses voisins, il bénéficie d’informations souvent remarquables pour la mise en œuvre de sa diplomatie.
Notes de bas de page
1 « Informationshorizont », notion employée par A. Reitemeier, Aussenpolitik im Spätmittelalter, pp. 391-432.
2 Cette évolution s’explique notamment par une modification des pratiques et des supports de lecture (G. Cavallo et R. Chartier [dir.], Histoire de la lecture dans le monde occidental, p. 35). Sur l’information, la bibliographie est immense. Une vue générale est offerte par B. Guenée, L’Occident aux XIVe et XVe siècles, pp. 85-92. Voir surtout P. Monnet, Recherches sur l’information ; C. Boudreau et al. (éd.), Information et société en Occident à la fin du Moyen Âge. Sur l’opinion publique, B. Guenée, L’opinion publique à la fin du Moyen Âge.
3 E. Redondo García, El fogatjament general de Catalunya de 1378.
4 C. Boudreau et al. (éd.), Information et société en Occident à la fin du Moyen Âge. Sur la publication de l’information, voir N. Offenstadt, Faire la paix au Moyen Âge, pp. 229-256.
5 C. Gauvard, « Introduction » ; É. Mornet, « Les clercs nordiques et l’information » ; J. Hayez, « La notion de l’information dans les correspondances marchandes toscanes ».
6 C. Gauvard, « Introduction ».
7 Le terme est en revanche employé pour qualifier les instructions, voir pp. 301-302.
8 I. Lazzarini, « L’informazione politico-diplomatica » ; A. Reitemeier, Aussenpolitik im Spätmittelalter, p. 39 ; P. Monnet, Recherches sur l’information.
9 Sur les connaissances géographiques en langue catalane, L. Cifuentes i Comamala, La ciència en català, pp. 256-274.
10 A. Dewerpe, Espion. Une anthropologie historique du secret d’État contemporain, p. 219, note : « avec les relations des ambassadeurs comme avec les recensements et la statistique politique, la genèse de l’État moderne a inscrit son évolution dans une maîtrise, à un rythme très lent du XIVe au XVIIIe siècle, puis à vitesse accélérée, des savoirs nécessaires à l’exercice du pouvoir. L’information secrète, que protège le tampon et que recherche l’espion, apparaît ainsi comme le produit de l’une des modalités possibles, la mise en réserve, de ces savoirs d’État, organisée à l’opposé des savoirs — dossiers, statistiques, rapports publiés — les plus publiquement élaborés et soumis à l’opinion, justement dite ici, publique ».
11 J. Shepard, « Information, Disinformation and Delay in Byzantine diplomacy » ; N. Oikonomidès, « Byzantine Diplomacy », p. 76.
12 Y. Renouard notait déjà dans un article pionnier : « L’exclusivité de l’information est au cœur du secret. Politique, diplomatique, militaire, économique ou religieuse, la nouvelle n’est utile que si elle demeure secrète » (Y. Renouard, « Information et transmission des nouvelles », p. 119). Sur la circulation de l’information, voir La circulation des nouvelles au Moyen Âge. L’information secrète reste moins étudiée que les informations « publiques ». L’époque moderne est mieux connue : L. Bély, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV ; M. Á. Echevarría Bacigalupe, La diplomacia secreta en Flandes ; A. Hugon, Au service du roi catholique.
13 L’expression est de F. Senatore, Forme e strutture della diplomazia sforzesca, p. 251.
14 L. Bély, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, p. 259.
15 Lettre de Jacques II à son procureur à la curie Pere de Vallseny : « … Et, tam de eo quod in hiis iam forte processistis vel processeritis, quam de aliis negociis nostris, de quibus per specialia scripta vobis delata per speciales cursores vobis scripsimus, reddatis nos per cursores ipsos continuo certiores. Preterea, cum contingit nos misisse vobis duos pluresve cursores, mandamus ut unum aut duos ex illis et consequenter alios ad nos cum negociorum nostrorum et rumorum illarium partium certificacione plenaria remittere non tardetis, ut sicut temporum et negociarum qualitates exigerint possimus de quibus convenientibus fuerit salubrus providere. Et haec nullatenus differatis cum retardatio certifficacionis huiusmodi posset nobis de facili impedimentum, immo nocumentum afferre… » (H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 82, pp. 118-119 [17 septembre 1302, Barcelone]).
16 Lettre de Jacques II à son scribe Ferrer de Corteyl : « … recepimus literam vestram noviter nobis missam, per quam signifficastis nobis rumores quos habuistis de partibus Granate, cuius continentiam audivimus et plene intelliximus, quod gratum habuimus et vestram inde diligenciam comendamus et mandamus vobis, ut quotiens occurrerint alii rumores nobis signifficandi, specialiter de partibus supradictis, illos nobis signifficare curetis… » (ACA, C, reg. 242, f° 166v°[2] [18 juillet 1315, Barcelone]).
17 H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 279, pp. 423-425.
18 Lettre à Jacques II de Jofre, abbé de Foix : « … Dominus rex Sicilie et domina regina et omnes eorum liberi bene valent. Factum regis Ungarie nepotis sui non est in bono statu, quia rex Boemie tenet maiorem partem regni et maiores de regno adherent ei ; uterque tamen eorum coronatus est, et archiepiscopus qui coronavit regem Boemie propter hoc citatus erat ad curiam, set mors prevenit citationem. Electus Strigoniensis, qui consuevit coronare reges Ungarie, coronavit nepotem regis Sicilie, non tamen in civitate consueta, quia non potuerunt intrare nec fuerunt admissi, set extra in campis, et habet paucos nisi Cumanos, quia dicitur quod Cumani sunt cum eo. Alia nova que sunt in curia scribo domino Valentino et si non est in curia aperiatis litteram quam mito sibi et videbitis ibi nova » (V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 39, p. 49).
19 Lettre de Jacques II à l’évêque de Huesca, à Berenguer de Angularia et Ramon Vinader, désignés pour ladite ambassade (ACA, C, reg. 339, f° 189r°[1] [24 septembre 1325, Saragosse]). Jacques II reprend la distinction ardit/rumor dans une lettre à Ramon de Montrós (ACA, C, reg. 335, f° 312v°[2] [1er octobre 1304, Tortosa]).
20 Voir par exemple la lettre de Bernard Jourdain de l’Isle à Jacques II du 10 juillet 1324, depuis Avignon : ACA, C, CR de Jaume II, caixa 33, n° 4164, éd. partielle H. Finke, Acta Aragonensia, t. III, doc. 212, pp. 464-465.
21 « … Recepimus litteras quasdam principis […] domini Jacobi […], per quas nobis rex ipse intimavit se a certo habuisse quod vos et regina consors vestra filia nostra carissima ex causa deliberaveratis nos ad presens non adire […] Nos itaque, carissime fili, rumoribus ipsis acceptis… » (ACA, C, P. de Jaume II, carp. 201 [EI], n° 111 [18 avril 1305, Marseille]).
22 Un jeune Aragonais à la langue trop bien pendue en est la victime en Navarre (ACV 5, AGN, Comptos, Registros, n° 8, año 1304, § 59, 869, p. 523).
23 C’est notamment le cas pour la mort du roi de France Philippe le Long, comme en témoigne une lettre du nouveau roi Charles IV à Jacques II : « … Diri vulneris novitate percussi et quodam modo cordetenus sauciati precarissimi domini et germani nostri domini Philippi nuper dictorum regnorum regis deplorandum obitum, licet forsan precurrentis fame velocitas auribus vestris intulerit, ut tamen super eo et eius circumstanciis habeat vestra serenitas certitudinem pleniorem. Ecce morbi progressum et obitus non sine fellica cordis amaritudine vobis mestuoso tamen calamo duximus presentibus describendum… » (ACA, C, reg. 339, f° 377v° [7 janvier 1322, Paris], éd. partielle H. Finke, Acta Aragonensia, t. III, doc. 182, p. 397). La réponse de Jacques II confirme que la rumeur était parvenue avant la nouvelle : « … licet per aliquos dies ante ipsius obitus crudelis rumor ad nostram audienciam pervenisset graviter nostra vicera conturbasset… » (ibid., ffos 377v°-378r° [11 février 1322, Tortosa]).
24 Doutant de la véracité d’une nouvelle qui annonce la mort de Raymond-Béranger, fils de Charles II, l’infant Sancho de Majorque s’adresse ainsi à Jacques II : « … Unde cum talia et similia pluries refferantur, que minime continent veritatem, dubitamus an sit verum quod [--] quantum sit atque verum. Quare vestram magnificenciam deprecamur, quatenus de predictis velitis, si placet, nos per vestram [facere cert]iores … » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 19, n° 2512 [13 novembre 1311, Perpignan]).
25 F. Senatore, Forme e strutture della diplomazia sforzesca, p. 244.
26 « Et assò, senyor, esta encara molt secret » (H. Finke, Aus den Tagen Bonifaz VIII., doc. 6, pp. xx-xxii [17 décembre 1300, Rome], d’après un document des Cartes Reials non côté).
27 « … Ceterum notifico magestati regia, quod propter pericula, que possunt ratione litterarum michi evenire, non intendo de cetero in meis litteris meum nomen exprimere, set scribam me sub littera R., sigillo parvo seu encaylla, ubi tantum capud hominis est inpressum… » (Id., Acta Aragonensia, t. I, doc. 326, p. 492).
28 « … Magestatem regiam extimo indubitanter advertere, quare in meis litteris nomen meum non exprimo. Hoc est, quia hodie quilibet quantumque fidelis debet timere rabiem et tyrannidem presidentis, ymmo placeat pro regia reverencia me in vestro consilio nullatenus nominare… » (ibid., t. II, doc. 382, p. 599 [30 septembre 1323, Avignon]).
29 Les méthodes dominantes sont l’échange de mots, la substitution de mots par des lettres, des chiffres ou des signes qui ne peuvent être compris que par l’utilisation d’une clef (G. Costamagna, Tachigrafia notarile e scritture segrete medioevali ; J. Richard, Cryptographie dans l’antiquité et le haut Moyen Âge ; F. Tranchedino, Diplomatische Geheimschriften). L. d’Arienzo, « Un cifrario segreto pisano », édite un chiffre utilisé en 1325 par le marquis de Malaspina et les Pisans de Cagliari, ennemis de Jacques II d’Aragon, et saisi par les hommes du roi. L’usage généralisé de la cryptographie est plus tardif en diplomatie, au XVe siècle pour la couronne d’Aragon (J. Cortès Escrivà et V. Pons Alós, « Una clau criptogràfica d’Alfons el Magnànim » ; L. Nicolau d’Olwer, La duquessa d’Atenes i els « documents misteriosos » ; L. Cerioni, La diplomazia sforzescha nella seconda metà del Quattrocento).
30 « … En Vidal, bén som certs que us membre del nostre enteniment e del vostre e d’aquelles qui hi cabien de nostre consell, lo qual era e és, per molts béns que ha, que·ls fets, si fer se poc bonament, tenguen plana carrera. E vos sots savi e cert. Mas nos ex causa vos sol·licitam d’açò meteix que, aytant com pugats ab honor nostre, donets loc per totes aquelles bones vies e maneres que conegats per que·ls fets venguen planament… » (ACA, C, reg. 338, f° 123v° [25 janvier 1323, Barcelone]). On observe des pratiques similaires en Angleterre durant la même période (P. Chaplais, English Diplomatic Practice in the Middle Ages, pp. 77-78).
31 Lettre de Jacques II à ses messagers Ximen de Lenda et Pere de Vallseny : « … Fem-vos saber que aprés que vos altres fos [par]tits de nos, per aver certenitat dels fets per que nós vos trametem, provehim de trametre a vos aquestes ii correus nostres portadors de les presens. Perquè nós vos dehim e us manam que, pervenguts a la pre [sic] presenca del rey de França, can aiats parlat ab ell, si veets que·ls fets aien bon conmensament, nos trametats un dels dos dits correus ab letres vestres en que·s fassats saber solament estes paraules : “Fem vos saber que els fets per que vós nos avets trameses estan bé”. A avant, si veyets que·ls fets se laguiassen e que · s manassen per paraules, trametessets-nos l’altre correu ab letres vostres en que·s fessets saber solament aquestes paraules : “Senyor, fem vos saber que els fets estan cominal”. A la perfí, si veeyets que·ls fets fossen desesperats, trameses ja a nos los dits dos correus, logassets un correu tan mellor e pus ivassos poguessets e trametets-lo·ns ab letres vostres, en que·ns fassats saber solament aquestes paraules : “Senyor, fem vos saber que els fets per que vos nos enviàs no estan bé”. E açò us trametem no[s] ara a dir, per ço que no us calega lonc escriure. Car no sab hon a vengades les letres que hon tramet en poder de qui·s venen et per les paraules damuntdites compendrem nós l’enteniment de ço perquè us havem trameses. E puys porem mils et pus diligentment proveure als fets nostres als quals ha a provehir no ha mester tarda, ans si·ls laguiaven et avíem a esperar la vestra venguda, poria tornar a gran dam… » (ACA, C, reg. 334, f° 22r° [17 juin 1301, Lérida]).
32 D’après une lettre de Jacques II à Charles II (ACA, C, reg. 252, f° 163v°[1] [5 juin 1297, Lérida]).
33 Lettres de Jacques II à Ferdinand IV (ACA, C, reg. 236, f° 28v°[2] [24 août 1305, Barcelone]), de Charles II d’Anjou à Jacques II (ACA, C, P. de Jaume II, carp. 201 [EI], n° 137 [2 mai 1303, Naples]), etc.
34 Les rois étrangers relatent notamment leurs batailles : Philippe IV informe Jacques II de sa victoire sur les Flamands à Mons-en-Pévèle (ACA, C, P. de Jaume II, carp. 169, n° 2074 [21 août 1304]).
35 A. Paravicini Bagliani, La cour des papes au XIIIe siècle, p. 201 ; F. J. Felten, « Kommunikation zwischen Kaiser und Kurie » ; Id., « Verhandlungen an der Kurie ».
36 H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, pp. cxxiii-cxl et cxlviii-cclvi, notamment p. cxxxix et pp. cxxvii-cxxxviii (liste des procureurs). Sur cette fonction à la curie, voir P. Linehan, « Proctors representing spanish interest » ; J. Vincke, « Inicios del hospitale cathalanorum et aragonensium » ; T. Boespflug, « Les chanoines de la curie » ; A. Sohn, Deutsche Prokuratoren an der römischen Kurie.
37 Rapport des ambassadeurs du roi d’Aragon au concile de Vienne : « Nós, senyor, tenim a prop los fets, axí com podem, e entremetem-nos de tot nostre poder de saber los ardits e les opinions de cascuns e specialment sobre·ls bens, per ço que·ns puscam guarnir dels affers, com tractaràn d’aquells, e segurament veem e conexem, senyor, que tort no us serà fet en açò » (H. Finke, Papsttum und Untergang des Templerordens, doc. 132, p. 259 [12 décembre 1311, Vienne]).
38 Rapport des mêmes ambassadeurs : « E axí vos, senyor, sabets ho tot, axí com se fa, e aytan cumplidament, con se fa, e axí ho havets sabut tota hora, per què pugats esser prevists a açò, senyor, que vos hi ajats a fer… » (ibid., doc. 145, p. 296 ; ACA, C, CR de Jaume II, caixa 128 [AG], n° 27 [autre exemplaire]).
39 Vidal de Vilanova envoie lors de son ambassade à Avignon au moins sept lettres à Jacques II : le 23 mars (deux lettres), les 17, 21, 28 et 29 avril, et le 22 mai 1309 (V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 349, pp. 437-441, doc. 364-365, pp. 455-459, doc. 368, pp. 461-462, doc. 370, pp. 464-465, doc. 378, pp. 472-473 ; ACA, C, CR de Jaume II, caixa 122 [s. f.], n° 1407). Il rédige en moyenne une lettre par semaine, mais l’envoi de nouvelles varie considérablement.
40 Correspondance largement éditée par H. Finke, Acta Aragonensia. Sur le cardinal, voir C. A. Willemsen, Kardinal Napoleon Orsini, pp. 80-111.
41 Romeu de Marimon, batlle de Barcelone, informe Jacques II de la venue d’un courrier de Rome avec des lettres envoyées par un clerc catalan de la curie adressées au chanoine de Barcelone Berenguer de Nogaria, puis précise les nouvelles contenues dans ces lettres (H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 60, pp. 85-86 [2 juillet 1300, Barcelone]). Autres exemples : ibid., t. I, doc. 125, pp. 189-194 ; doc. 140, pp. 213-214.
42 Il reçoit et transmet une lettre de son neveu, depuis Montpellier (ibid., t. I, doc. 90, p. 133 [ca. avril 1303]).
43 Ibid., t. I, doc. 105, p. 155. Sur Cristiano Spinola, voir infra.
44 Ibid., t. I, doc. 130, pp. 198-199.
45 Ibid., t. I, doc. 265, pp. 398-401, doc. 267, p. 405 ; doc. 271, pp. 408-410.
46 À la suite de la réception d’informations qu’il lui a envoyées de Sicile (ACA, C, reg. 254, f° 179r° [décembre 1314]), Jacques II demande ainsi à son ambassadeur Bertran de Canelles de l’informer le plus souvent possible des rumeurs de l’île (ibid., f° 184v° [30 janvier 1315, Albalat de Conques]).
47 D. E. Queller, The Office of Ambassador, pp. 90, 96, 98 ; C. Lutter, Politische Kommunikation an der Wende vom Mittelalter zur Neuzeit, pp. 13, 34, 46, 53.
48 ACA, C, CR de Jaume II, caixa 128 [AG], n° 51 [22 août 1322, Paris], éd. partielle H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 323, pp. 483-486 (cote erronée).
49 Sur la figure de Philippe le Bel, voir J. Favier, Philippe le Bel.
50 Bernat de Sarrià, qui s’adresse parfois pompeusement au roi comme « suus fidelissimus devotus cum provice et fidelis devotionis promptitudine semetipsum », l’informe depuis la cour de Frédéric III de l’attitude du roi angevin auprès du pape (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 34, n° 4269 [23 février 1323, Messine]).
51 « … Carissime domine, si ad preces vestras fuero armorum serviens, cedet et redundabit ad vestrum comodum et honorem et ero in curia ad recolligendum vestros et ad vestra negocia procurandum. Et quicunque sit serviens armorum domini regis, plura scit de consiliis et secretis quam alter… » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 129 [AG], n° 133). Mentionné comme sergent d’armes du roi en 1317 (E. Boutaric, Actes du Parlement de Paris, t. II, 1299-1328, notice 5041, p. 203), il s’agit peut-être du « Pere d’Artieda » qui se trouve à la cour du roi de France en 1319 (C. Batlle, « Els francesos a la Corona d’Aragó »).
52 « Francesch Senglada, humil servidor vostre, besant mans e peus se comana en la vostra gràcia. Com yo, senyor, estiga en Nemçe e aquest és logar que de totas les parts del món así avem les noves, e bonas e àvols, abans que en aguna part que sia desa, e yo per so cor veg del poc saber que yo m’e que asò que yo us enviy a dir és I gran fet, lo qual a mi par que la vostra reyal corona crexa en amistat… » (V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 142, p. 185).
53 Lettre de Jacques II à son ambassadeur Pere Boyl, qui doit vérifier la nouvelle et en informer le pape (H. Finke, Acta Aragonensia, t. III, doc. 167, pp. 362-364).
54 Les travaux sur les réseaux d’informations marchands dans la couronne d’Aragon portent essentiellement sur la fin du XIVe siècle et le XVe siècle (C. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t. I, pp. 105-111). Sur le rôle des marchands dans la circulation des nouvelles, voir F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen, t. I, pp. 326-344 ; F. Melis, « Intensità e regolarità nella diffusione dell’informazione economica generale » ; La circulation des nouvelles au Moyen Âge ; J. Hayez, « La notion de l’information dans les correspondances marchandes toscanes ».
55 « Ítem an Remiro de Jaen, qui avia aportat ardit al senyor rey dels affers de la guerra que cuydava ésser de los moros de Granada, que li manà dar de gràcia lo senyor rey ---lx sol. barchs… » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 131 [Cuentas], n° 72 [octobre, s. a.]).
56 Gilles de Rome, Libre del Regiment dels princeps, t. III, 2, chap. x, 3, chap. xiv.
57 M. T. Ferrer i Mallol, Organització i defensa d’un territori fronterer, pp. 285-296.
58 J. V. Cabezuelo Pliego, Poder público y administración territorial en el reino de Valencia.
59 Ibid., pp. 114-125.
60 Bernat de Sarrià a reçu à Elche des espions qu’il avait envoyés en Castille : « … Encara sapiats, senyor, que vuy que és dimarts VI dies de juyn que entre en Eltz vengren les espies que yo avia trameses en Castela qui·m comtaren la missatgeria que · m tramés a dir aquel vostre parent que vós sabets qui a nom ab mi P. Johan e tramés-me a dir que la terra era en fort mal estament e cara e que y avia grans bandos per què no calia tembre que d’aquí a l’agost pogessen venir per mal fer en la vostra terra e que ara seria ora qui · s lexava anar… » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 162 [ES], n° 1831 [6 juin s. a., Elche]). Bernat de Sarrià explique aussi à Jacques II le 22 mars 1301, depuis Murcie, qu’il a reçu deux espions de Castille qui l’ont informé de la position castillane et de l’évolution de la situation (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 8, n° 1132). Pour sa part, Bertran de Canelles a reçu des ardits au sujet de Grenade par un de ses espions, G. Mercader, il l’a renvoyé pour plus d’informations (À. Masià de Ros, Aragó, Granada i Marroc, pp. 228-229, rééd. ibid., pp. 265-266 [13 octobre 1304, Gandía]).
61 M. T. Ferrer i Mallol, La frontera amb l’Islam, doc. 15, pp. 235-236 (4 octobre 1304, Játiva).
62 À. Masià de Ros, Aragó, Granada i Marroc, pp. 228-229 (13 octobre 1304, Gandía).
63 V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 217, pp. 267-268 (2 juin 1307, Barcelone).
64 « Tener espies o barruntes […] per espiar los fets dels moros » (À. Masià de Ros, Aragó, Granada i Marroc, p. 313 [28 juin 1308, Elche]).
65 Lettre de Bernat de Sarrià à Jacques II (ACA, C, reg. 334, f° 15v° [20 juin 1301, Alicante], éd. partielle A. Giménez Soler, Don Juan Manuel, doc. XXXIV, pp. 250-252).
66 P. Guichard, « Un seigneur musulman dans l’Espagne chrétienne ».
67 Lettres du ra’īs à Jacques II (À. Masià de Ros, Aragó, Granada i Marroc, p. 76 [15 juin 1303, Crevillente] ; pp. 75, 302).
68 Ibid., p. 83 (21 septembre 1303, Alcañiz).
69 Voir par exemple une lettre de Jacques II de Majorque à Jacques II contenant des nouvelles de France, de Flandre et du royaume angevin de Naples (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 16, n° 2032 [31 août 1304, Pediliani (?)] éd. partielle H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 303, pp. 453-454). Pour des exemples d’informations venues de Sicile, voir F. Giunta et A. Giuffrida (éd.), Acta Siculo-Aragonensia, passim.
70 Sur le rôle de Juan dans la préparation du mariage de l’infant, voir pp. 465-468.
71 Sur son rôle dans les négociations du mariage de l’infant Pedro, voir pp. 462-465. Autres lettres à Jacques II : ACA, C, P. de Jaume II, carp. 202 [EI], n° 165, n° 198 ; ACA, C, P. de Jaume II, carp. 205 [EI], n° 298, etc.
72 Lettres à Jacques II : ACA, C, P. de Jaume II, carp. 202 [EI], n° 199 ; carp. 203 [EI], n° 201, n° 226, etc.
73 Très nombreuses lettres à Jacques II : ACA, C, CR de Jaume II, caixa 17, n° 2256 ; caixa 18, n° 2347, n° 2384, etc.
74 Sur ce personnage, voir M. H. Coelho da Cruz et L. Ventura, « Vataça ». Elle notifie ainsi à Jacques II l’existence d’une rumeur d’attaque grenadine contre l’Aragon (À. Masià de Ros, Aragó, Granada i Marroc, pp. 374-375).
75 Sur l’intercession, voir J.-M. Moeglin (dir.), L’intercession.
76 H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, p. clxiii ; F. Giunta, « Federico III di Sicilia e le repubbliche marinare tirreniche », p. 483.
77 H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 180, pp. 264-265, doc. 284, pp. 428-429, t. II, doc. 361-362, pp. 552-555, doc. 370, pp. 565-566 ; V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 193, pp. 243-244, doc. 413, pp. 534-535 (ACA, C, reg. 238, f° 218r°[2] [26 septembre 1310, Barcelone] ; ACA, C, CR de Jaume II, caixa 34, n° 4224 ; caixa 149 [ES], n° 560 ; caixa 143, n° LXXXVII, caixa 156 [ES], n° 1248 [21 juillet s. a., Savone]).
78 H. Finke, Acta Aragonensia, t. II, doc. 371, pp. 566-569.
79 Ibid., t. I, doc. 76, pp. 112-113 et doc. 123, p. 188 ; V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 219, pp. 269-270, doc. 248, pp. 300-301.
80 H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 159, pp. 241-242.
81 Ibid., t. I, p. clxiii.
82 Pour Bernardo Doria, voir par exemple ibid., t. I, doc. 180, pp. 264-265. Branchaleo se présente à Jacques II comme « vester humilis et fidelis cum omni reverencia et subjectione se ipsum » (V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 413, pp. 534-535). Pour Dorino Doria, voir ACA, C, CR de Jaume II, caixa 156 [ES], n° 1248 et, pour Niccolà, qui se dirige à Jacques II comme « vester humilis et devotus cum promptissimo famulatu debitam reverenciam et se totum », voir ACA, C, CR de Jaume II, caixa 34, n° 4214. Henricus Bernarducius est plus déférent encore : « … nunc Lucanus exul, cum omni reverentia et subjectione se ipsum. Maiestati vestre regie potest esse memorie, quemadmodum alacriter voluntarie et libenter me vobis exhibui fidelissimum et devotum in omni promptitudine serviendum, dum michi vite prosperitas alludebat… » (H. Finke, Acta Aragonensia, t. II, doc. 371, p. 566).
83 Ibid., t. I, doc. 76, pp. 112-113. Ce marchand pisan, mentionné dès 1296 comme familier de Jacques II, est chargé d’obtenir des sauf-conduits à Lucques et à Pise pour la venue du roi d’Aragon (ACA, C, reg. 252, ffos 151r°[1], 156r°[3]).
84 « … Hom e feel servidor vostre aparalat de servir e honrar la real magesta vestra, baysant les mans e los peus de la real magesta vestra, se recomana en la vostra gràcia axí com aquel que és en tota res vuestro… » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 34, n° 4224 [23 mai s. a]).
85 V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 169, pp. 218-219 (10 juillet 1306, Lérida), doc. 223, p. 274.
86 Sur la familiaritas et son rôle dans la diplomatie du roi, voir pp. 215-218.
87 G. Petti Balbi, « Cristiano Spinola ».
88 Ordre de Jacques II à l’infant Frédéric de Sicile (G. La Mantia, Codice diplomatico dei re aragonesi di Sicilia, t. II, doc. XXXV, p. 50). Cristiano demande la prise en compte de ses services, l’octroi de grâces et de terres (V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 252, pp. 310-311 [18 mai 1308, Gênes]). « En raison d’un amour et d’une bienveillance spéciale » (in signum dilectionis ac benivolencie speciale), Jacques II lui envoie un cheval noir et balsan sur la face pour qu’il continue à travailler pour lui (ACA, C, reg. 239, f° 31r°[3], 31v°[1] [24 février 1311, Valence]).
89 Il remet en 1293 de l’argent aux ambassadeurs du roi Guillem Durfort, Bertran Desvall et Bernat de Fonollar (H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 194 ; ACA, RP, MR 620, f° 6v°), effectue un rapport sur l’activité d’un ambassadeur aragonais à Gênes, Bernat de Sarrià (V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 252, pp. 307-311) et est même sollicité par la ville de Barcelone pour prendre soin de ses ambassadeurs (AHCB, CC, Sèrie 1 : LC 9, f° 38 sq [février 1326]).
90 Lettre de Pere de Abbacia à Bernat d’Aversó (20 septembre 1323, Avignon) : « … Nam aliqua continentur ibi, que, si forte ad auditum aliquorum emulorum devenirent, possent nimium michi nocere… » (H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 272, p. 411).
91 R. I. Burns, Societat i documentació en el regnat de València, pp. 199, 201, 206 et 213.
92 La section des Cartes Reials de Pierre IV le Cérémonieux contient proportionnellement par rapport au règne de Jacques II peu de rapports d’informateurs ou d’ambassadeurs.
93 H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, doc. 1, pp. 1-2 ; t. III, doc. 3-4, pp. 5-8, doc. 6, pp. 11-12 et particulièrement t. III, doc. 4, p. 669 : il s’agit d’une lettre (1er juillet 1291) d’un certain Bernat Porter qui rapporte sans doute depuis Gênes au roi Jacques de Sicile l’évolution de tractations diplomatiques et l’informe des agissements des misatges del rey d’Aragó, qui sont à Rome.
94 La nouvelle de mariages entre les fils du roi de France et les filles de Jacques II est ainsi transmise par ce dernier à l’infant Juan (fils d’Alphonse X), qui la fait parvenir au roi Ferdinand IV de Castille (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 18, n° 2384 [23 mars 1305, Sepulvega]). Pour un exemple de diffusion de nouvelles par l’intermédiaire aragonais de la curie vers la Castille, voir ACA, C, reg. 252, f° 108.
95 F. Senatore, Forme e strutture della diplomazia sforzesca, p. 254.
96 I. Lazzarini, « L’informazione politico-diplomatica », pp. 257-258.
97 A. Reitemeier, Aussenpolitik im Spätmittelalter, pp. 391-432.
98 H. J. Kissling, « Venezia come centro di informazione sui Turchi », pp. 98-99.
99 T. Szabó, « Botenwesen », col. 484-487.
100 Voir l’article fondamental d’Y. Renouard, « Information et transmission des nouvelles », mis en perspective par Ph. Contamine, « Introduction » ; P. Monnet, Recherches sur l’information, pp. 15-17, avec une riche bibliographie sur le Botenwesen pour l’Empire. Sur les messagers pontificaux et bourguignons : Y. Renouard, « Comment les papes d’Avignon expédiaient leur courrier » ; G. Mollat, La cour pontificale d’Avignon, pp. 301-304 ; J.-M. Cauchies, « Messageries et messagers en Hainaut » ; J.-M. Pesez, « Délais de transmission du courrier dans l’État bourguignon » ; T. Kanao, « Les messagers des ducs de Bourgogne ».
101 Pour l’Angleterre, voir M. C. Hill, The King’s Messengers.
102 H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, p. clvi ; J. E. Martínez Ferrando, « Los correos de la curia regia » [essentiel]. Voir aussi J. Toledo Grau, « Los correos en la Valencia medieval » ; J. Trenchs y Odena, « Los correos regios bajo Jaime I » ; Id., « Correos y troters de Pedro el Grande ».
103 P. Bofarull y Mascaró (dir.), Colección de Documentos inéditos del Archivo General de la Corona de Aragón, t. VI, pp. 1 sq. ; F. Carreras Candi, « Redreç de la real casa », pp. 103-104 ; J. Trenchs y Odena, « Correos y troters de Pedro el Grande », p. 18.
104 Pour une comparaison avec les autres chancelleries, voir T. Szabó, « Botenwesen ».
105 J. E. Martínez Ferrando, « Los correos de la curia regia », p. 101. Les ordres de paiement donnés par le trésorier pour des missions à l’étranger sont très minoritaires, par exemple 2 sur 29 entre le 15 juin et le 10 juillet 1297 (ACA, C, Varia 72, ffos 1r°-3v°).
106 La bustia est déjà explicitement mentionnée aux Corts de Barcelone de 1283 pour le transport de courrier à l’intérieur de la Couronne, les messagers devant pour certains lieux partir avec la boîte munie du signum du veguer (« viguier ») ou du sotsveguer (« sous-viguier ») [Cortes de los antiguos reinos de Aragón y de Valencia y Principado de Cataluña, t. I, p. 143].
107 Si cet uniforme apparaît de manière très régulière sous Jacques II, cela n’a pas toujours été le cas auparavant, les chausses étaient parfois dorées (F. Soldevila, Pere el Gran, t. II, doc. 14, p. 66). Pour une représentation postérieure de courriers, voir la miniature des Leges Palatinae du ms. 9169 de Bruxelles, f° 78v° reproduite dans R. I. Burns, Societat i documentació en el regnat de València, p. 46.
108 H. Finke, Acta Aragonensia, t. II, doc. 424, p. 672 ; J. E. Martínez Ferrando, « Los correos de la curia regia ».
109 Sur la cour de Jacques II, voir encore J. E. Martínez Ferrando, Jaime II de Aragón.
110 Par exemple ACA, C, reg. 334, f° 81v°.
111 Méthode de T. Kanao, « L’organisation et l’enregistrement des messageries du duc de Bourgogne ».
112 Respectivement, ACA, C, reg. 260-285, ACA, C, reg. 251, 253, 254 et ACA, C, Varia 201, 341, 342.
113 ACA, C, Varia 201 (1297), f° 11r°. Des dépenses de courriers sont rassemblées pour 1311-1312 dans ACA, C, reg. 251, f° 25v° ; pour 1315 dans ibid., ffos 84r°-86r°, 100v° ; mention d’un quaern dans ACA, C, reg. 251, f° 86r°.
114 Annexe II (CD-ROM).
115 J. E. Martínez Ferrando, « Los correos de la curia regia », p. 102.
116 Guillermus de Marsilia, portier du roi, puis bailli de Huesca, reçoit sous Alphonse IV la scrivania des Juifs de Huesca (références en annexe II [CD-ROM]).
117 J. Trenchs y Odena, « Los correos regios bajo Jaime I » ; Id., « Correos y troters de Pedro el Grande ».
118 Voir annexe II (CD-ROM).
119 Guillermus de Sancta María, devenu bailli de Montanyana, bailli d’Areny, doit laisser son office le 21 août 1308 ; Lope de Ejea est nommé bailli de Monbrió en récompense des services rendus comme courrier, le 29 août 1315, après avoir aussi été courrier de l’infant Juan (références en annexe II [CD-ROM], notices 42, 76).
120 Voir en annexe II (CD-ROM) les notices 8, 35, 36, 60, 85, 91 : Aznar de Biesquesa ; Domingo Granyen ; Dominguello « olim cursori nunc portario » ; Johan de Almudina ; Monge ; P. de Cirer.
121 Alfonsus de Vaylo, Antoni Vidal, G. ça Sala, Martí Vidal, Sanxo de Ribes, anciens courriers du roi, deviennent courriers du bailli de Barcelone, Bernat Robador du bailli général de Catalogne. Pere Burgues sert successivement la cour du roi, le bailli de Barcelone et le bailli général de Catalogne. Références en annexe II (CD-ROM), notices 3, 7, 23, 40, 77, 116.
122 M. C. Hill, The King’s Messengers, p. 4.
123 Lettre au roi de ses ambassadeurs, l’évêque de Majorque et Miguel del Corral, « … videretur nobis expediens quod duos vestros cursores haberemus per quos secure et fideliter qua facta et fienda per nos essent serenitati vestre literatorie miterentur… » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 149 [ES], n° 605 [11 septembre (1323), Montpellier]).
124 ACA, C, reg. 334, ffos 185v°-189v°.
125 Cas d’un courrier envoyé à Montpellier et qui doit y rester plusieurs jours dans ce but (ACA, C, reg. 337, f° 266r°[3] [18 juin 1319, Barcelone], lettre de Jacques II au recteur de Montpellier).
126 La trace de ces activités apparaît dans les comptes, par exemple pour Guillem de Sancta María et Domenec : « Soluti fuerunt Guillemo de Sancta Maria curssori curie misso ad Guillelmum de Solanis cum literis regiis ei missis super mitendo quasdam literas ad regem Karolum per quendam curssorem domine regine pro expenssis suis unius diei/VI d.jacc […] » (ACA, C, Varia 201, f° 11v° [3 septembre 1297]).
127 ACA, C, reg. 251, f° 124v° (9 février 1316, Barcelone).
128 M. C. Hill, The King’s Messengers, pp. 87, 95, 96 ; Y. Renouard, « Comment les papes d’Avignon expédiaient leur courrier », pp. 741-750.
129 M. C. Hill, The King’s Messengers, pp. 54, 87.
130 Annexe II (CD-ROM).
131 Salvador de Huesca, Monge, voir annexe II (CD-ROM), notices 85, 136.
132 Bernardus de R[Tous], Johan Almudina, Monge, Salvador de Huesca, Sanxo Pérez, voir annexe II (CD-ROM), notices 20, 60, 85, 113, 118.
133 Voir fiches biographiques, annexe II (CD-ROM), notices 85, 113.
134 Les éléments rassemblés dans le tableau 2 (pp. 138-139) révèlent que certains courriers étrangers (du roi des Romains, du roi du Portugal, de l’infante María de Castille) apportent à plusieurs reprises des lettres à Jacques II. La spécialisation éventuelle sur l’étranger de ces hommes requerrait une autre recherche.
135 ACA, C, Varia 342 A, f° 27v°.
136 Y. Renouard, « Comment les papes d’Avignon expédiaient leur courrier ».
137 Bernardus de Monte, scriptor du roi, envoyé à Avignon (ACA, C, reg. 337, f° 268v°).
138 Bernat de Maçanet, écuyer du roi, envoyé de Valence à Gênes pour ramener un cheval (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 30, n° 3835 [janvier ou février 1310]).
139 Ferran Pereç de Casteyla, rattaché à la maison de la reine (ACA, RP, MR 273, f° 92r°[4]).
140 Le battle de Barcelone dispose en 1321 de 16 courriers à son service (ACA, RP, MR 969, ffos 76-79).
141 Lettre remise par un sergent de Toulouse au veguer de Lérida et du Pallars, qui la transmet à Jacques II, avec une explication du retard (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 25, n° 3237 [18 septembre 1309, Lérida]).
142 Bernat de Queras est envoyé à Avignon en 1322 auprès de l’ambassadeur Simó de Bell · lloch (ACA, C, reg. 338, f° 111v°[1]), Arnau de Soler à Majorque en août 1297 (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 2, n° 332), etc.
143 Berenguer de Massanet doit ainsi mener l’ambassadeur de Jacques II Guillem Llull à la frontière (ACA, C, reg. 96, f° 82r°[4] [17 octobre 1293]), alors que Guillem de Pertusa doit en février 1303 accompagner et surveiller des ambassadeurs du roi de France (E. González Hurtebise, Libros de Tesorería, t. I, p. 182, notices 802-803).
144 Cortes de los antiguos reinos de Aragón y de Valencia y Principado de Cataluña, t. I, p. 247.
145 Le même Guillem Batlle est employé en 1311, en 1318 et en 1321 pour transmettre au roi de Majorque des convocations pour les Cortes (ibid., t. I, pp. 238, 256).
146 Par exemple Montserrat, courrier du noble G. de Canet (ACA, C, reg. 337, f° 188v°[4]).
147 H. Finke, Aus den Tagen Bonifaz VIII, doc. 11, pp. l-lviii (éd. partielle d’un document d’ACA, C, CR de Jaume II, non localisé).
148 Un frère de l’ordre de la Merci emmène ainsi une lettre de Joan Borgunyó depuis Bordeaux au roi en juillet 1306 (H. Finke, Papsttum und Untergang des Templerordens, doc. 13, p. 15).
149 Le courrier de Barcelone Joan de Fites porte un pli à Avignon (ACA, RP, MR 273, f° 59r°[4]).
150 Une lettre adressée par Jacques II à Frédéric III est ainsi remise au marchand barcelonais Bernat Fiveller qui se rend en Sicile (ACA, C, reg. 338, f° 114v°[4] [15 février 1323, Barcelone]), avant que le roi ne la renvoie par un autre canal qui n’est pas précisé (ibid., f° 114v°[6]).
151 Le correu de mercaders « Rodrigo Xemeno » est payé 29 sous et 3 deniers de Barcelone pour une mission effectuée à Gênes où il a été envoyé par le roi cuytosament per alguns affers (ACA, RP, MR 279, f° 78v°).
152 On remet par exemple à un ambassadeur du roi de Sicile qui se dirige vers le roi du Portugal une lettre de Jacques II adressée au souverain portugais (ACA, C, reg. 339, f° 241r° [21 août 1327, Barcelone]), alors que 10 sous de Barcelone sont réglés à « Domenicus Benavent », courrier de l’archevêque de Tolède Juan pour le port de rescrits pontificaux et de lettres confiées par Jacques II (ACA, C, Varia 342 A, f° 50r°).
153 ACA, C, reg. 337, f° 350r°[2] (12 mars 1315, Balaguer), brouillon : ACA, C, CR de Jaume II, caixa 163 [ES], n° 1860.
154 ACA, C, reg. 321, f° 45r°[2], passim.
155 Y. Renouard, « Information et transmission des nouvelles ».
156 Voir p. 264.
157 ACA, C, reg. 339, f° 206r°[2]-v° (27 octobre 1326, Barcelone).
158 « … Inminet vehementer necessarium et plusquam scripto possemus exprimere ut dicta litera memoratis nunciis celeriter presentetur… » (ibid., f° 206v°[2] [29 octobre 1326, Barcelone]).
159 Lettre de Jacques II à Bernat de Boxadós, gouverneur de Sardaigne, Felipe de Boyl mestre racional et Pere de Montpahó veguer de Bonayre (ibid.).
160 « … Si vero iam priores litteras predictas receperitis et dictis nunciis litteram eis directam miseritis, hanc etiam quam eisdem dirigimus sibi, ut citius poteritis transmittatis, ut, si de primo aliud contingeret, saltem ultima in eorum valeat manibus pervenire, cum vehementer expediat, ut altera dictarum litterarum ad manus, ut predicitur, nunciorum perveniant predictorum… » (ibid., f° 207r°[1]-[2] [4 novembre 1326, Barcelone]).
161 Ibid., f° 206v°.
162 Jacques II indique néanmoins à Frédéric III de Sicile qu’il a perdu la trace d’un nuncius qu’il lui avait envoyé : « … Verum quia dubitamus, an predicte nostre littere […] ad manus vestra pervenerint, quia de nuncio qui portavit easdem post nichil audivimus nec a vobis ad litteras ipsas habuimus responsivam… » (ACA, C, reg. 334, f° 70r° [1er août 1302, Fraga]). Pour le topos littéraire, voir J. Merceron, Le message et sa fiction, p. 128.
163 Lettre de Charles II à Jacques II indiquant une double réception (ACA, C, P. de Jaume II [EI], carp. 199, n° 21 [7 avril 1298, Aix-en-Provence]). Cette pratique est courante au Moyen Âge (C. Lutter, Politische Kommunikation an der Wende vom Mittelalter zur Neuzeit, pp. 104-106).
164 Ramon Muntaner, Crònica, chap. lxxxvii, p. 741.
165 Cortes de los antiguos reinos de Aragón y de Valencia y Principado de Cataluña, t. I, p. 243 (19 février 1318, Valence).
166 ACA, C, Varia 342 A, f° 49r° ; ACA, C, CR de Jaume II, caixa 143 [Varios], X, XXXIII.
167 ACA, C, P. de Jaume II, carp. 163, n° 1728 (2 mai 1302, Figueras).
168 « … Confitemur et recognoscimus vobis, Dominicho Jençor, cursori domini regis, quod hodierna die veneris circa horam tercie quintodecimo kalendas aprilis tradidistis nobis quandam litteram sigillatam sigillo domini regis nobis directam super ordinatione facta inter dominum regem et nuncios comunis Janue, data […]. In cuius rei [tes]timonium presens albaranum sigillo nostri officii sigillatum vobis duximus concedendum… » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 19, n° 2404 [18 mars 1306, Barcelone]).
169 Pour des exemples de contrat passés avec des courriers professionnels, voir infra.
170 M. Nice Boyer, « A day’s journey in mediaeval France » ; J.-M. Cauchies, « Messageries et messagers en Hainaut », p. 108 ; T. Szabó, « Botenwesen », col. 484-487.
171 Y. Renouard, « Information et transmission des nouvelles ».
172 C’est ce qui ressort d’une lettre à Jacques II des ambassadeurs Pere Boyl et Guillem Oulomar : « … Estiers no serie romàs en nos que en la dita letra, que nós vos tramesem, senyor, vos clamam merçè, que tantost nos tramessessets resposta, que al correu nós no donam sinó X dies de anar e X de tornar, qui seran complits demà, qui serà dijous, que hom comptarà VIII idus aprilis… » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 128 [AG], n° 21 [5 avril 1312, Vienne], éd. partielle H. Finke, Papsttum und Untergang des Templerordens, doc. 144, p. 294). Sur cette ambassade, voir A. Forey, The Fall of the Templars, pp. 156-169.
173 ACA, C, CR de Jaume II, caixa 148 [ES], n° 462 (5 juillet 1298 [?], Avignon).
174 Lettres du 23 mars (Avignon), du 2 avril (Barcelone), du 21 avril (Avignon) et du 28 avril (Barcelone), du 28 avril (Avignon) et du 5 mai (Barcelone), du 29 avril (Avignon) et du 8 mai 1309 (Barcelone) [V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 349, pp. 437-441, doc. 355, pp. 447-448, doc. 365, pp. 456-459, doc. 368-370, pp. 461-465, doc. 372-373, pp. 469-470].
175 Ordre de Jacques II remis à Miquel de Novals : « … Als feels seus justicies, batles e altres officials de la nostra senyoria als quals esta present carta pervendrà […] Con nós trametam cuytadament e per affers fort cuytosos en los quals ha gran perill en la tardança lo feel porter nostre Michel de Novals, axí que és peus d’anar de nit e de dia que no s’atur en null loc e abans que pria bèsties de loc en loc, per ço vos deym en · s manam sots pena de la nostra gràcia e mercè e sots pena dels cors que a requisició del dit nostre porter liurets a ell bèsties de cavalcar en que puxa anar cuytadament… » (ACA, C, reg. 335, f° 292v°[2] [5 mai 1309, Barcelone]).
176 ACA, C, CR de Jaume II, caixa 128 [AG], n° 21, éd. partielle H. Finke, Papsttum und Untergang des Templerordens, doc. 144, pp. 292-294.
177 Lettre de Cristiano Spinola à Jacques II du 18 mai 1308, Gênes (V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 252, pp. 307-311).
178 ACA, C, CR de Jaume II, caixa 149 [ES], n° 615 (samedi 29 août [s. a.], Torroella]). Comme le document date du règne de Jacques II, et comme Simó de Bell∙lloc, mentionné dans le texte, meurt en 1322 (ACA C, reg. 338, f° 115r°), il n’a pu être rédigé qu’en 1293, 1299, 1304, 1310 ou en 1321.
179 Par exemple des courriers de l’infant du Portugal de retour de la curie, auxquels le roi remet gracieusement 20 sous de Barcelone (ACA, C, Varia 342 A, f° 50v° [1321, Vallveguera]).
180 « Domino Bernardo de Aversone. Noveritis quod Guillelmus de Ahuero, cursor domini regis, in mense iulii proximo preterito, quando ibat versus Portugaliam, non fuit quitatus per domini Toletani archiepiscopi curiam. Tamen fuerunt sibi dati gratiose, sicut consuetum est aliis cursoribus, decem morabetini regis Castelle… » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 163 [ES], n° 1894 [6 décembre 1326, Valence]).
181 La prise en charge des courriers étrangers par la cour de Jacques II apparaît aussi dans les ordres de paiement consignés dans les registres Solutionum, Bernat de Sarrià doit ainsi régler 50 tournois d’argent à deux troteriis du roi Charles II d’Anjou (ACA, C, reg. 262, f° 178v°[4] [25 octobre 1304, Barcelone]).
182 Le trésorier du roi d’Aragon, Pere Boyl, verse ainsi 162 sous et 9 deniers de Barcelone à deux courriers portugais pour leur vêtements et pour les dépenses engendrées par leur retour (per messió de tornarse’n) [E. González Hurtebise, Libros de Tesorería, t. I, notice 541, p. 132]. Les nuncii gratifiés par les Navarrais pour avoir indiqué l’avancement des rencontres royales de Tarazona en 1304 sont probablement des courriers du roi d’Aragon (ACV, 5, AGN, Comptos, Registros, n° 8, año 1304, § 55, n° 185 et n° 192, pp. 376, § 59, pp. 496-497).
183 Cas de Johan de Constança (ACA, RP, MR 279, f° 76v° [juillet-décembre 1315]).
184 J.-M. Cauchies, « Messageries et messagers en Hainaut », p. 326.
Notes de fin
1 Abréviations spécifiques utilisées : LT = E. González Hurtebise, Libros de Tesorería ; db = denier de Barcelone ; dj = denier de Jaca ; s = sou ; sb = sou de Barcelone ; sj = sous de Jaca ; t = tournoi d’argent.
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