Chapitre II. Les registres et leurs usages
p. 57-96
Texte intégral
Parce que cette affaire a été traitée en secret, ces documents et les lettres suivantes ont été enregistrés dans ce registre du secret1.
1L’extrait provient d’une rubrique qui prélude à l’enregistrement de documents relatifs à des tractations menées en 1327 pour tenter de marier l’infant Pedro d’Aragon, fils de Jacques II, avec Leonor, la fille du roi de Castille Ferdinand IV. Les négociations échouent, mais leur trace dans l’un des Registra secreta de Jacques II témoigne du souci de rassembler, hiérarchiser et classifier la documentation diplomatique dans des registres de chancellerie. Les Registra secreta, parfois appelés Libri secretorum et, postérieurement, Legationum, sont les plus spécialisés en ce domaine. Ils renferment la copie d’un grand nombre de documents concernant les relations avec les puissances étrangères, leur véritable matière de prédilection2. Plus encore que parmi les documents originaux, c’est en leur sein que doivent être recherchées d’éventuelles modifications des méthodes employées par l’administration royale pour le traitement et l’usage de la documentation remise, utilisée et produite par les ambassadeurs.
2Un examen diplomatique des registres suppose une « méthodologie spécifique » (R.-H. Bautier)3, dont le principe consiste d’abord à analyser leur économie interne4. Pour la couronne d’Aragon, seuls les plus anciens de la chancellerie, ceux de Jacques Ier le Conquérant (1226-1276) et de Pierre III (1276-1285), ont bénéficié d’une analyse détaillée de leur organisation, encore très rudimentaire5. Tous les auteurs s’accordent pour constater ensuite une spécialisation progressive des registres, qui comportent pour certains dès 1283 une spécification et se répartissent de manière accrue en séries. Mais leur économie interne et la ventilation des documents entre les séries restent dans l’immense majorité des cas à explorer6. Le règne de Jacques II (1291-1327), durant lequel s’établit une « chancellerie stable » (J. Trenchs)7, constitue de ce point de vue une phase cruciale, marquée à la fois par l’accroissement considérable de la documentation enregistrée et par le développement de nouvelles séries spécialisées comme les Curiae, les Gratiarum, les Officialium et les Registra secreta. Ces derniers, originellement au nombre de quatre pour le règne de Jacques II, se répartissent aujourd’hui en sept volumes de papier. L’examen de leur économie interne donne à voir la classification des documents diplomatiques et les expériences menées en ce domaine par les scribes. Il permet également d’observer le contrôle exercé à la chancellerie sur l’usage des écritures diplomatiques et le fonctionnement d’une partie essentielle de la mémoire du pouvoir royal.
I. — GENÈSE ET LIMITES D’UN SYSTÈME DE CLASSIFICATION DES DOCUMENTS DIPLOMATIQUES : LES REGISTRA SECRETA
3En dépit de leur apparence quelque peu chaotique au premier abord, les Registra secreta de Jacques II résultent d’une modification profonde des méthodes de classement de la documentation enregistrée à la chancellerie des rois d’Aragon. Pour en prendre la mesure, il faut examiner d’abord la répartition des documents relatifs aux affaires diplomatiques entre différents registres, puis l’organisation interne des Registra secreta, son caractère novateur et les limites de l’instrument.
UNE SPÉCIALISATION DE CERTAINS REGISTRES DANS LES AFFAIRES DIPLOMATIQUES
4Avant la montée sur le trône de Jacques II, il n’existe pas de série spécifique pour les documents expédiés se rapportant aux relations avec les puissances étrangères. Toutefois, pour les règnes de Pierre III et d’Alphonse III d’Aragon, ils sont déjà en partie rassemblés dans certains registres de la chancellerie comportant aussi d’autres types de documents8. Des lettres des rois d’Aragon, des instructions à des ambassadeurs, des pouvoirs et des lettres de créance y sont enregistrés selon un ordre chronologique assez strict, parfois rythmé par des rubriques thématiques — contemporaines ou apposées postérieurement — qui réunissent des entrées du registre relatives à une même affaire et permettent ainsi de se repérer plus aisément9.
5L’enregistrement des documents concernant les relations diplomatiques connaît une triple mutation après l’accession au trône de Jacques II en 1291. Tout d’abord, leur nombre s’accroît considérablement, aussi bien en valeur absolue qu’en données relatives. La moyenne annuelle du nombre de folios des registres contenant des documents diplomatiques est ainsi au minimum multipliée par deux entre le règne d’Alphonse III et celui de Jacques II10. Les autres modifications essentielles concernent la répartition des copies entre les registres et l’ordonnancement des entrées au sein des volumes. Même si des documents diplomatiques continuent, notamment en début de règne, à être copiés avant leur expédition dans des registres généraux comme les Commune11, le phénomène général de spécialisation des registres de la chancellerie aragonaise touche aussi l’enregistrement des lettres de créance, des instructions, des pouvoirs, des sauf-conduits et des lettres envoyées par le roi d’Aragon à des souverains étrangers ou à ses ambassadeurs. Nombre d’entre eux se trouvent désormais rassemblés au sein de registres spécialisés de manière thématique ou géographique12, mais ils se concentrent aussi dans trois séries plus générales qui se stabilisent sous Jacques II, les Curiae, les Sigilli secreti et, surtout, les Registra secreta. Les registres de cette série se distinguent nettement des Sigilli secreti. Ces derniers renferment la copie avant expédition des documents scellés du sceau du secret lorsque le roi est en déplacement, tandis que les Registra secreta abritent des documents qui doivent rester secrets13. Ce critère apparaît à plusieurs reprises de manière explicite dans des notes de chancellerie qui justifient l’enregistrement14. Aucun des Registra secreta ne contient uniquement des copies de documents diplomatiques15, mais ils y occupent une place largement prépondérante, ce qui a permis de les considérer comme les premiers registres spécialisés dans les « affaires internationales »16.
L’ÉMERGENCE D’UN NOUVEL ORDONNANCEMENT : LES LEGATIONES
6Toutefois, c’est surtout par leur économie interne que les Registra secreta marquent une rupture avec la période antérieure. Le registre de chancellerie 252 de l’Arxiu de la Corona d’Aragó, le premier de la série, surprend d’emblée par son organisation : après quelques documents de 1297 et des folios blancs, on trouve des entrées de 1294 et 1295, puis un nouveau retour en arrière est effectué, cette fois-ci jusqu’en 1292, les documents étant ensuite enregistrés de manière globalement chronologique jusqu’en 130017. Ces multiples atteintes portées à l’ordre chronologique s’expliquent certainement par une reliure contemporaine erronée des différents cahiers de feuillets qui forment le registre, selon la pratique alors en usage18. Néanmoins, au sein de ce désordre apparent, une nouvelle méthode de rassemblement de la documentation diplomatique voit progressivement le jour. Les documents enregistrés sont désormais pour une partie d’entre eux réunis sous des têtes de chapitre (ou rubriques) contemporain(e)s qui portent le titre générique de legatio (« commission »), une désignation qui semble alors assez originale19. C’est une nouveauté, puisque dans les registres des règnes précédents, le terme legatio figurait seulement dans des régestes de documents ou bien dans des notes de chancellerie où il désignait une ambassade20. La legatio se hisse dorénavant en tête de chapitre. La première trace en apparaît dès le début du registre 252 où legatio est placé en position de titre, mais sans aucune spécification21. À mesure que l’on progresse dans la lecture du registre 252 et des autres Registra secreta, les têtes de chapitre legatio, situées au centre dans la partie haute des feuillets et souvent encadrées par trois traits qui laissent ouverte la partie supérieure du titre, se multiplient et se précisent pour fournir désormais presque à chaque fois des informations similaires : le nom du ou des chargé(s) de mission, la destination ou le destinataire et, plus rarement, le mobile de la mission. La « Legatio fratris Dominici de Jaccha et Simonis de Lauro in Castella missorum » rassemble ainsi la documentation remise au franciscain Domingo de Jaca et au chevalier Simó Desllor pour la mission qu’ils doivent accomplir en août 1295 en Castille22. Cette forme de rubrication, sans jamais être unique ou exclusive, devient de plus en plus régulière dans les Registra secreta et permet aux hommes de la chancellerie — et aux historiens — de repérer aisément une grande partie des ambassades dépêchées par le roi.
7Cependant, la signification exacte du terme legatio dans les têtes de chapitre des Registra secreta s’avère parfois difficile à déterminer. À première vue, selon l’un de ses sens classiques, le mot correspond sans équivoque à l’ambassade, mais ce constat général doit être précisé. Lorsqu’une ambassade itinérante est envoyée auprès de plusieurs souverains étrangers, la documentation qui s’y rapporte peut soit être rassemblée au sein d’une seule legatio23, soit être enregistrée sous plusieurs rubriques, avec une legatio pour chaque destinataire24. D’autre part, les documents relatifs à une ambassade dépêchée auprès d’un destinataire unique sont parfois répartis entre diverses rubriques legatio25. La legatio se réfère en ce cas à une mission spécifique confiée à un ou à plusieurs représentant(s) du roi, qui n’exclut pas l’existence de missions distinctes à effectuer au cours de la même ambassade. De manière significative, lorsqu’un ambassadeur de Jacques II est déjà arrivé auprès de son destinataire, une nouvelle legatio, c’est-à-dire très clairement une nouvelle mission à accomplir, peut lui être adressée. Guillem Oulomar, juge de la cour du roi, a ainsi été dépêché auprès du pape Jean XXII à la fin du mois de février ou au début du mois de mars 1323 pour une mission relative au projet de conquête de la Sardaigne. Jacques II lui envoie ensuite au début du mois d’avril une autre legatio : il doit s’efforcer d’obtenir la pourpre cardinalice pour l’évêque de Huesca Gastó de Montcada26. En somme, le sens qui domine pour le terme legatio employé dans les rubriques est bien celui d’ambassade, mais il faut souvent l’entendre au sens d’ambassade ad hoc, de mission spécifique et limitée dans le temps, selon une pratique courante dans les relations diplomatiques de la période27.
8On trouve alors rassemblée sous ces rubriques legatio la copie ou la mention d’une partie ou de la totalité de la documentation remise aux ambassadeurs du roi à leur départ, c’est-à-dire essentiellement des lettres de créance, des instructions, des pouvoirs, des sauf-conduits et des lettres de Jacques II adressées à des souverains étrangers. Certains documents, en particulier les pouvoirs, sont copiés intégralement avec seulement quelques abréviations (carta maioris), alors que les sauf-conduits et surtout les lettres de créance sont couramment enregistrés sur le mode du document circulaire. La copie intégrale d’un premier document qui sert de référence réduit dans ce cas l’enregistrement des actes rédigés d’après le même formulaire à de simples mentions qui indiquent l’existence d’un document similaire pour un autre destinataire (similis fuit facta)28. Quant aux instructions aux ambassadeurs, qui ne comportent en général ni date ni signes de validation, elles sont entièrement copiées sous les rubriques legatio correspondantes à partir de 1303 et témoignent d’une pratique alors devenue courante : la remise aux ambassadeurs d’instructions écrites29. Leur présence est souvent annoncée par une sous-tête de chapitre indiquant des capitula ou des capítols (« chapitres ») dont le contenu peut être développé30, ou bien encore une informatio ou informació (« instruction »)31, d’où parfois une véritable prolifération de sous-titres lorsque plusieurs instructions sont rédigées pour une même ambassade. Pour la legatio qu’il doit accomplir à la curie au début du mois de juin 1326, l’ambassadeur Berenguer de Jorba reçoit ainsi plusieurs instructions réunies sous un même chapitre du registre, où chacune des copies est précédée d’un titre, parfois explicite : super tributa (« sur la demande »), Alia informatio (« autre information »), elle-même suivie du sous-titre Super citatione facta domino infanti Petro pro comitatu Impuriarum (« sur la proclamation relative au comté d’Empúries effectuée pour le seigneur infant Pedro »), et, enfin, Alia informatio super eodem (« autre information sur la même affaire »)32. Bien que les documents copiés sous les premières rubriques legatio portent parfois des dates différentes, l’enregistrement s’effectue dans la plupart des cas en une seule fois, comme l’atteste l’emploi d’une même encre par une main unique. L’ordre suivi pour l’enregistrement reprend alors en partie au moins celui de l’usage des documents par les ambassadeurs. Ainsi les lettres de créance, dont la présence constitue, après le salut, le premier acte que doit effectuer le représentant du roi lorsqu’il rencontre le destinataire de sa mission33, sont-elles généralement enregistrées avant les autres écrits remis aux ambassadeurs34.
9Les Registra secreta modifient donc profondément l’ordonnancement de la documentation diplomatique dans les registres de la chancellerie royale de la couronne d’Aragon. D’autres registres ont-ils servi de modèles ? L’influence de chancelleries étrangères sur le développement de celle du roi d’Aragon continue à susciter des débats rendus complexes par la disparition de la plupart des registres angevins de Naples et de ceux de Jacques d’Aragon, quand il était roi de Sicile (1286-1291)35. L’examen de la filiation des Registra secreta constitue de ce point de vue une piste intéressante. Les notes dorsales présentes au dos de certains documents de l’époque où Jacques était roi de Sicile indiquent en effet clairement l’existence de registres (registratus in cancellaria, « enregistré à la chancellerie »)36. De surcroît, la mention pro secretis (« pour les secrets »), jointe à une note dorsale d’enregistrement, renforce l’hypothèse de l’existence de registres du secret pour cette période37. De même, bien avant le règne de Jacques II d’Aragon, les registres angevins de Naples comportent déjà une série au titre similaire (Registri secreti), dont l’existence est aujourd’hui attestée par la mention registrata in secretis qui se trouve au dos de nombreux originaux38. Mais la disparition complète de cette série réduit pour l’heure l’influence de la chancellerie angevine (directement ou par l’intermédiaire de la chancellerie aragonaise de Sicile) sur les Registra secreta de Jacques II à l’état de simple hypothèse39. D’autre part, outre une similitude générale de contenu déjà notée par H. Finke et J. Trenchs Odena, les registres contemporains de bulles secrètes de la papauté rassemblent eux aussi les documents sous des rubriques parfois proches de celles des Registra secreta. Le terme legatio est ainsi employé dans quelques têtes de chapitre des registres du pape Jean XXII (1316-1334), en particulier pour réunir la documentation remise aux collecteurs pontificaux40. En raison de l’absence d’études comparatives approfondies, il n’est cependant guère possible d’aller au-delà du constat d’un développement contemporain de la rubrication dans les registres des chancelleries pontificale et aragonaise.
10Invention de la chancellerie des rois d’Aragon ou bien adaptation d’un modèle extérieur, les rubriques legatio des Registra secreta permettent en tout cas de réunir en un même endroit du registre la copie des documents emmenés par les ambassadeurs de Jacques II, alors que l’ordre chronologique qui préside traditionnellement à l’enregistrement n’est initialement que peu perturbé par ce mode de rassemblement thématique de la documentation. Sans doute jugée efficace, la méthode est adoptée avec plus ou moins de rigueur pour d’autres registres de la chancellerie spécialisés dans les affaires diplomatiques. Tel est notamment le cas du premier registre Curiae et des registres spécialisés dans les relations avec un souverain ou un territoire étranger, Maioricarum, Pro negociis Castelle et Aragonum de 1304 a 1326 et Sardiniae41. Loin de constituer un système figé, l’ordonnancement des entrées sous les rubriques legatio subit toutefois d’importantes évolutions au cours des trente-six années du règne de Jacques II.
MODIFICATIONS, LIMITES DU SYSTÈME
11À partir de 1302, les têtes de chapitre legatio, qui rassemblaient auparavant seulement des documents remis à l’ambassadeur à son départ, se réfèrent dorénavant souvent à des ensembles documentaires plus vastes, comprenant souvent la copie de lettres expédiées postérieurement par Jacques II aux destinataires de l’ambassade ou aux ambassadeurs eux-mêmes si leur mission se prolonge. Un témoignage remarquable de cette évolution est fourni par l’enregistrement de la documentation relative à l’ambassade solennelle de Bernat Peregrí, Vidal de Vilanova et Guillem de Lacera, partis en janvier 1304 à la curie pour saluer le nouveau pape Clément V et rencontrer le roi de Naples Charles II d’Anjou42. La rubrique
Mission [legatio] confiée à frère Bernat Peregrí, prieur provincial de l’ordre des frères prêcheurs dans la province d’Aragon, à Vidal de Vilanova, chevalier, et à Guillem de Lacera, citoyen de Barcelone43
12abrite en son sein, après la copie ou la mention de soixante-deux documents emmenés par les ambassadeurs (lettres de créance ou de recommandation auprès du pape, de personnes influentes à la curie et de marchands, litterae de statu qui informent de l’état de santé de la famille royale aragonaise, demandes de sauf-conduits, pouvoirs, instructions, documents utiles pour les tractations)44, les copies intégrales de dix lettres envoyées postérieurement par Jacques II à ses représentants45, ainsi que celles adressées aux princes ou aux cardinaux concernés par l’ambassade46. L’ultime lettre enregistrée sous cette rubrique legatio tentaculaire est l’ordre de retour envoyé par le roi au dernier de ses ambassadeurs resté à la curie, Vidal de Vilanova ; elle est datée du 28 novembre 1304, soit plus de dix mois après le départ de l’ambassade47.
13La dilatation dans le temps de la documentation réunie sous les rubriques legatio modifie dès lors l’économie interne des Registra secreta. Dans l’attente de l’enregistrement de la correspondance qui sera expédiée postérieurement à l’adresse des représentants de Jacques II ou de personnes concernées par l’ambassade, les folios blancs se multiplient à la suite de la transcription des documents remis aux ambassadeurs. Par exemple, dans le registre 338, la rubrique Legatio comissa nobili Gueraldo de Rochabertino et Johanni Luppi archidiacono Calataiubii ad dominum papam concerne les folios 40r°-44v°, puis les folios 45r°-47v° sont blancs, la Legatio comissa Bertrando de Gallifa militi ad partes Sicilie couvre ensuite les folios 48r°-51r°, puis le folio 51v° est vierge, avant que la Legatio principaliter per dominum infantem Alfonsum et consequenter per dominum regem comissa Simoni de Belloloco, consiliario domini regis, ad dominum papam et ad regem Robertum n’exerce l’office de tête de chapitre pour les folios 52r°-58r°. D’autre part, l’ordre de succession chronologique de l’enregistrement, déjà quelque peu chaotique en raison des erreurs de reliure, est de plus en plus souvent perturbé, puisqu’une nouvelle rubrique legatio peut être ouverte dans le registre, sans que pour autant la précédente soit close48. On aboutit par conséquent au sein même de l’organisation en legatio des Registra secreta à un système mixte d’enregistrement de la documentation diplomatique, thématique par le classement en legatio et en général chronologique à l’intérieur des chapitres, ainsi que d’un début de chapitre à l’autre. Néanmoins, en dépit de leur capacité certaine à ordonner une grande partie de la documentation dans les Registra secreta, les rubriques legatio n’abritent jamais, loin de là, tous les documents enregistrés ; elles n’excluent pas d’autres modes généraux de classification complémentaires.
14Les Registra secreta contiennent ainsi des entrées qui ne se rapportent à aucune tête de chapitre. Assez nombreuses à l’intérieur du premier registre de la série (1292-1300), dans lequel elles s’intercalent entre les diverses legationes, leur nombre diminue par la suite drastiquement, sans jamais toutefois complètement disparaître49. À partir du deuxième registre, cette évolution a pour corollaire l’apparition d’une nouvelle section, dont le titre évoque la diversité et souvent le caractère secret de la documentation qui s’y trouve enregistrée : Super parte diversarum registratarum (« sur la partie des entrées diverses enregistrées »), Littere sparsse (« lettres éparses »), In ista parte registrantur littere sparsse secrete (« dans cette partie sont enregistrées les lettres secrètes éparses ») et enfin Super diversis secretis (« sur les secrets divers »)50. Dans ces parties des Registra secreta qui possèdent parfois une numérotation propre et qui couvrent ordinairement toute la période embrassée par le registre originel, les rubriques legatio demeurent rares et l’enregistrement est effectué essentiellement selon un ordre chronologique51. Les réponses à des ambassades ou à des lettres envoyées depuis l’étranger côtoient ici des lettres adressées à des ambassadeurs de Jacques II, à des nobles de la couronne d’Aragon ou bien encore des copies de lettres envoyées par le roi aux infants, en particulier dans le dernier registre de la série52. La documentation bariolée de ces miscellaneae secretae se compose en fait pour une bonne part d’actes qui doivent demeurer secrets, mais dont la spécificité ne peut être absorbée telle quelle au sein de l’ordonnancement en legatio.
15Cette section accueille néanmoins aussi des documents qui pourraient en théorie tout aussi bien se trouver sous une rubrique legatio de la première partie d’un Registrum secretum. Il arrive en effet parfois que, faute de place, l’enregistrement ne puisse plus être effectué là où règne l’ordonnancement en legatio ; le scribe copie alors le document dans la deuxième partie du registre, celle des « secrets variés ». Ceci se produit notamment quand, une fois enregistrés les documents remis à l’ambassadeur, l’espace laissé vierge pour la correspondance à expédier postérieurement s’avère insuffisant53. De même, lorsqu’il n’est plus possible de consigner une legatio dans la première partie du Registrum secretum, elle peut être enregistrée intégralement dans la deuxième partie du registre54. Les Littere sparsse permettent ainsi à de multiples égards une certaine respiration de l’ordonnancement de l’enregistrement sous les rubriques legatio. Au sein des Registra secreta coexistent et parfois coopèrent donc diverses logiques générales de classement, l’une selon un ordre thématico-chronologique avec les legationes et l’autre plus strictement chronologique dans les sections littere sparsse. La communication entre les deux parties des registres demeure cependant relativement faible et les scribes chargés de l’enregistrement éprouvent visiblement des difficultés pour ordonner certains documents. Dans ces limites, les Registra secreta gardent les traces de l’élaboration d’un système d’ordonnancement général de la documentation diplomatique ; ils témoignent également des modifications apportées aux méthodes de la chancellerie royale durant le règne de Jacques II.
II. — COMPRENDRE L’ACTION DIPLOMATIQUE : LES REGISTRA SECRETA COMME LIEU D’EXPÉRIMENTATION POUR L’ORDONNANCEMENT DOCUMENTAIRE
Premièrement donc, pour que tout continue en ordre, on a enregistré ici, bien qu’elle l’ait déjà été plus haut, la lettre du roi de France que Bernat de Torre a apportée, comme on l’a noté auparavant55.
16Le scribe le suggère dans sa justification d’une répétition qui peut surprendre au sein du même registre : enregistrer un document, ce n’est pas seulement en conserver une trace authentifiable, c’est aussi rechercher un ordonnancement de la documentation qui rende compréhensible un ensemble, une affaire. La tâche est difficile et, ut omnia procedant per ordinem (« pour que tout continue en ordre »), les scribes multiplient les expériences.
QUELQUES EXPÉRIENCES DE RASSEMBLEMENT DES DOCUMENTS ENREGISTRÉS
17Si les années placées en position de titre fournissent quelquefois un repère dans les Registra secreta, la documentation enregistrée est ordonnée principalement dans des chapitres thématiques56. Les rubriques legatio sont alors certes les plus nombreuses à remplir cet office, mais, en particulier au sein des littere sparsse, elles n’éclipsent jamais totalement d’autres rubriques thématiques plus traditionnelles. Un titre indique ainsi une affaire (« sur le fait du désaccord entre le roi de Castille et l’infant Juan »)57 ou bien un souverain étranger concerné (« entre le seigneur notre roi et l’illustre roi Frédéric »)58, et abrite sur quelques folios des documents enregistrés de manière essentiellement chronologique. De telles rubriques sont notamment utilisées lorsque le roi ne dépêche personne sur les routes après la réception d’une lettre ou d’une ambassade étrangère. Les réponses de Jacques II envoyées par simple courrier ou emportées par l’ambassade qui repart s’intègrent dans ce cas difficilement sous les rubriques legatio59. Elles peuvent alors être rassemblées sous une même tête de chapitre60, et leur enregistrement est parfois précédé de la copie ou de la mention de la lettre étrangère reçue, elle-même encadrée de notes de chancellerie :
Comme le seigneur roi reçut une lettre de l’illustre roi de France par la main de Ramon de Melany, dont la teneur était la suivante (« Cum dominus rex recepisset ab illustri rege Francie quandam litteram suam per manus Raimundi de Melanno, cuius littere tenor sequitur in hunc modum ») :
Tres chiers e amez cousins, vous envoions par devers vous notre ame e feal chier Raymont de Mallan pour traitier du mariage de notre chier frere Charle de Évreux e de votre fille, si vous prions chierement que vous le veuillez creire de ce quil vous dira de par nous sus ceste chose. Donne a Saint Christophe en Halate le X. jour de may [1327].
Le roi, par une lettre qu’il remit audit Ramon de Melany, lui répondit de la manière suivante : (« Dominus rex respondit ei per litteram suam traditam dicto Raimundo de Malan, sub forma sequenti ») [suit la copie de la lettre remise à Ramon de Melany]61.
18La copie dans le Registrum secretum de la lettre de créance du roi de France Charles IV le Bel en faveur de l’ambassadeur Ramon de Melany facilite ici la compréhension de l’enregistrement isolé d’une lettre envoyée en réponse par le roi d’Aragon. Développant cette méthode, les scribes en viennent parfois à rassembler au sein d’un même chapitre les deux parties de la correspondance échangée pendant plusieurs mois entre Jacques II et un autre monarque, ce qui peut conduire dans des cas isolés à l’enregistrement de l’ensemble d’une legatio étrangère, par exemple sous le titre de « mission destinée au seigneur roi d’Aragon par l’illustre prince roi de France et réponse à cette dernière »62. Des documents émanant de chancelleries étrangères peuvent aussi être copiés dans les registres lorsqu’ils sont emmenés par des ambassadeurs aragonais pour les besoins de leur mission. Quand Vidal de Vilanova et Guerau de Rocabertí partent en juillet 1318 à la curie pour proposer une médiation aragonaise entre Robert de Naples et Frédéric III de Sicile, ils emportent ainsi plusieurs projets de paix. L’un d’entre eux, envoyé auparavant par Frédéric III à Jacques II dans des quaternii (« cahiers »), est copié pour les ambassadeurs en latin et in vulgari, puis consigné dans le registre en étant précédé d’une note détaillée de contextualisation63. Alors que les registres demeurent traditionnellement le lieu d’enregistrement des documents émanant de la chancellerie royale, les scribes n’hésitent donc pas à faire figurer ici la copie d’originaux reçus.
19La majorité des tentatives de rassemblement de la documentation diplomatique menées dans les Registra secreta s’efforcent toutefois plutôt d’utiliser ou d’adapter le cadre fourni par les rubriques legatio et les littere sparsse. Les titres des chapitres legatio, assez brefs et standardisés dans les premiers registres de la série, se développent ensuite pour devenir plus explicites sur la documentation à laquelle ils se réfèrent, ce qui conduit parfois, notamment dans l’ultime volume de la série, à la disparition du terme legatio des rubriques. Pour une mission confiée à Arnau de Cumbis et Pere Despens en décembre 1326, la tête de chapitre s’intitule ainsi :
Quand A[rnau] de Cumbis, archidiacre de Santa Maria del Mar dans l’église de Barcelone, et Pere Despens, juriste, furent envoyés au seigneur pape, aussi bien par le seigneur roi que par le seigneur infant Pedro, on remit audit A[rnau] une lettre de créance pour ledit seigneur pape sur l’affaire du comté d’Empúries et auxdits Arnau et Pedro une lettre de créance pour le même seigneur pape au sujet du mariage du seigneur infant Pedro, ainsi que d’autres lettres pour mener à bien ces affaires, comme on pourra le voir plus bas64.
20L’ordonnancement des documents au sein même des chapitres fait lui aussi l’objet d’aménagements. Afin de rendre plus lisible la documentation enregistrée, une sous-rubrique littere sparsse s’immisce ainsi à plusieurs reprises à l’intérieur d’une legatio, et le mode de répartition général de la documentation au sein du Registrum secretum est de la sorte adopté au niveau du chapitre. À une échelle supérieure, plusieurs chapitres legatio (ou assimilés) qui se réfèrent à une matière commune peuvent être réunis. Sans être englobées dans une catégorie explicite, diverses legationes dépêchées auprès de souverains musulmans (Égypte, Tunisie, Maroc, Bougie) sont ainsi enregistrées de manière consécutive65. Le lien entre plusieurs legationes relatives à une même affaire apparaît alors souvent dans les titres grâce à la mention circa premissa qui renvoie d’une rubrique à une autre et contribue à définir au sein des registres des ensembles plus vastes que les chapitres legatio66.
21Les Registra secreta constituent donc un lieu d’expérimentation des modes de regroupement de la documentation diplomatique enregistrée très productif. Il est pour cette raison assez difficile de s’orienter à l’intérieur des registres, car les critères et les méthodes retenus pour ordonner la documentation s’avèrent extrêmement variables. Sans aucun doute conscients du problème, les scribes de la chancellerie ont par conséquent utilisé et développé de nombreux renvois internes qui devaient aider à retrouver la documentation enregistrée et à lutter contre la dispersion de l’information relative à une même affaire.
D’UN DOCUMENT À L’AUTRE : CIRCULER DANS LES REGISTRES
22Encore très peu nombreux dans le registre 252 (1292-1300) dont l’organisation s’articule essentiellement autour des rubriques legatio, les renvois internes se développent à partir du deuxième volume de la série, lorsque l’ordonnancement de la documentation devient plus complexe. Les rubriques se réfèrent à d’autres rubriques et esquissent ainsi des ensembles documentaires plus larges. Ces renvois à d’autres parties du registre s’effectuent soit par référence explicite à la rubrique précédente (circa premissa), soit par l’indication du nombre de folios67 ou d’entrées du registre qui séparent du chapitre mentionné68. À une échelle inférieure, des notes de chancellerie apposées au-dessus, au pied ou plus rarement en marge des documents enregistrés peuvent aussi renvoyer à des documents situés ailleurs dans le registre, notamment quand l’on souhaite mentionner l’expédition d’une copie69. Ces indications précises permettent aussi de se reporter facilement à d’autres registres de la chancellerie. De retour d’une mission auprès du roi de Majorque effectuée en juillet 1318, Guillem Oulomar rapporte ainsi des accords passés avec ce dernier, dont la copie dans un registre Solutionum est indiquée dans une note du Registrum secretum70. La circulation au sein des Registra secreta est également facilitée par des notes de chancellerie justificatives qui rendent explicites les mobiles de transcriptions susceptibles de modifier l’économie interne des registres. La copie d’un document se justifie ainsi par le souci de réunir en un même endroit la documentation portant sur une affaire : « les deux lettres susdites furent enregistrées ici, parce qu’elles concernent l’affaire des rois Robert et Frédéric », précise un scribe à la suite de la copie de deux lettres relatives aux efforts de médiation de Jacques II entre Frédéric III de Sicile et Robert d’Anjou71. Comme certains documents présentent des intérêts multiples, les scribes choisissent parfois de les enregistrer à deux reprises, d’où la confection de notes de renvoi réciproque entre deux copies du même acte et une véritable prolifération de justifications72. Corrélativement, si l’enregistrement au lieu escompté est rendu impossible par manque de place, une note de chancellerie précise le folio ou la rubrique où il se trouve dans le registre, alors qu’une note de renvoi est apposée auprès de la transcription effectuée73. Les renvois réciproques entre documents enregistrés ou entre rubriques se multiplient à la fin du règne et l’on assiste même à l’apparition de renvois depuis une seule rubrique à des parties différentes du registre74.
23Face au perfectionnement des renvois internes par notes ou par rubriques, les quelques dessins qui indiquent des actes enregistrés font pâle figure. Une première initiative graphique surmonte la copie d’une lettre adressée au roi Philippe le Bel par Jacques II en août 1302 : deux écus triangulaires sont assez grossièrement dessinés, l’un représente avec des barres le blason de Jacques II, l’autre est aux armes du roi de France, avec un semis de fleurs de lys (fig. 2, p. 74)75. L’idée sous-jacente semble bien ici de figurer les armes du rédacteur et du destinataire de la lettre. Dans le même esprit, une croix et un écu aux armes de Jacques II accompagnent l’enregistrement d’une lettre adressée par le souverain aragonais au pape (fig. 3, p. 74)76. Mais il s’agit plus de tentatives isolées que d’éléments d’une sémiotique graphique, dont pourtant des exemples contemporains sont attestés à la chancellerie royale aragonaise77. De manière significative, la dernière représentation graphique que l’on trouve dans les Registra secreta, à nouveau une fleur de lys, n’exerce guère qu’une fonction décorative. Accompagnant une notice de renvoi au folio en elle-même suffisante pour retrouver la documentation à laquelle elle se réfère, la fleur de lys sert uniquement à faciliter le repérage (fig. 4a et 4b, p. 75)78. Le signum graphique demeure réellement « en marge des formalités habituelles de la chancellerie », c’est-à-dire de la référenciation par l’écriture et le chiffre79. L’ensemble des repères, renvois et références internes aux registres démontre en tout cas l’importance du travail de révision et de mise à jour effectué lors de la transcription de nouveaux actes, dont l’enregistrement a de plus en plus fréquemment pour conséquence la rédaction d’une note de chancellerie auprès d’un document déjà enregistré. Les liens entre les différentes entrées du registre se sont donc considérablement renforcés et les documents diplomatiques sont rassemblés, repérés de manière plus précise. Il ne reste plus désormais qu’un pas à franchir : relier les documents au sein de récits (fig. 2, 3, 4a et 4b, pp. 74-75).
LES REGISTRA SECRETA PRODUCTEURS DE RÉCITS ?
24Les notes de chancellerie indiquent, justifient, ou bien encore renvoient à un acte enregistré, mais elles jouent aussi d’autres rôles dans les Registra secreta. Alors que les documents regroupés sous une rubrique legatio se succèdent dans le premier Registrum secretum (1292-1300) sans autre lien visible que leur commune appartenance à un même chapitre, de brèves notes de chancellerie apparaissent et se généralisent dès le deuxième volume de la série pour signifier avant l’enregistrement d’un document sa remise à un ambassadeur. Selon un modèle assez stéréotypé, la mention fuit traditum, fuit tradita (« fut remis(e) ») est suivie du nom du récipiendaire80. Le rassemblement diachronique et thématique d’un ensemble de documents sous une seule tête de chapitre (legatio ou autre) conduit alors au développement remarquable de notes de contextualisation qui rapportent des événements parfois dépourvus de lien explicite avec une entrée du registre. Elles indiquent l’existence d’instructions orales du roi à ses ambassadeurs81, l’arrivée d’envoyés étrangers qui donne sens à une réponse de Jacques II82. Elles mentionnent une conversation de ce dernier avec des ambassadeurs étrangers83, certifient le retour d’un représentant du roi et le résultat de sa mission, par exemple l’échec de la médiation de Simó de Bell·Lloc entre les rois de Sicile et de Naples en 132284, ou bien encore attestent du rapport final viva voce effectué au retour d’une ambassade :
Par la suite [en mars 1305], comme lesdits envoyés [Joan Borgunyó et Tomàs de Prócida] revinrent sans avoir réglé l’affaire, ils dirent cependant en faisant le rapport de leur mission (legatio), entre autres choses, que le roi de France devait adresser prochainement son envoyé à notre roi85.
25La trame décousue des régestes et des transcriptions de documents réunis sous les rubriques gagne ainsi en continuité narrative. Prenons l’exemple du chapitre intitulé Inter dominum regem et regem Maioricarum (« entre le seigneur roi et le roi de Majorque »), qui renferme sur trois folios des documents datés du 18 janvier au 23 juillet 1321, presque tous relatifs au renouvellement de l’hommage pour fief dû à Jacques II par le roi Sanche de Majorque. Notes de chancellerie et copies de lettres reçues du roi de Majorque alternent ici avec les entrées d’écrits expédiés au nom de Jacques II. Le changement d’encre permet de reconnaître que la transcription a été effectuée en deux phases. Dans un premier temps, une note indique la venue de représentants majorquins porteurs d’une lettre de Sanche du 18 janvier 132186, qui est retranscrite et suivie d’une autre note explicitant les raisons de l’ambassade87. Vient ensuite une nouvelle note, qui mentionne l’existence de tractations (tractatus) entre Jacques II et les Majorquins auxquels le roi remet des propositions, elles-mêmes consignées ensuite dans le registre88. Après une troisième note qui atteste de la rédaction par Jacques II d’une réponse à Sanche et de sa remise aux ambassadeurs89, la première phase de transcription se clôt par l’enregistrement de cette lettre, datée du 13 février 1321. D’une encre différente, une note précise dans le registre que Sanche a écrit à Jacques II une lettre super predictis (« à ce sujet »)90. Celle-ci, datée du 21 mars 1321, est copiée à la suite avant qu’une dernière note n’annonce la réponse aragonaise du 31 mars, dont l’enregistrement met un terme à l’échange épistolaire sur cette affaire91.
26Les notes de chancellerie articulent entre eux de manière remarquable les différents documents transcrits sous la rubrique en annonçant leur enregistrement (ut sequitur), elles rendent possible une continuité narrative par l’usage d’adverbes de temps (postea) ou par des références aux actions passées (Super predictis ; Quibus tractatibus habitis) et mettent l’accent sur le rôle des intermédiaires pour contextualiser l’enregistrement des lettres. Cette partie du chapitre, plutôt que comme un recueil de correspondance, peut dès lors être lue comme un récit historique sommaire des relations des rois de Majorque et d’Aragon. Cependant, l’effort des scribes pour relier entre eux les documents atteint rapidement ses limites : au sein même du chapitre Inter dominum regem et regem Maioricarum, la dernière lettre du roi d’Aragon enregistrée, datée du 17 juillet 1321, n’est liée par aucune note de chancellerie aux précédentes92. Le récit est donc bien présent dans les Registra secreta, mais il demeure à l’état expérimental et fragmentaire. L’appréciation portée par Pere Benet sur les Secretorum et les Legationum (c’est-à-dire pour le règne de Jacques II sur les Registra secreta) dans un inventaire des Archives royales de Barcelone93 en 1601 prend dans cette perspective un relief singulier :
Legationum et Secretorum. Si quelqu’un désire faire l’histoire véritable et absolue des rois d’Aragon sans étudier ces registres et d’autres qui leur sont semblables, il échouera. C’est pour cette raison que Jerónimo Zurita, auteur très diligent, ne commet pas dans ses Anales les erreurs que commet l’un des nôtres, parce qu’il est bien connu qu’il en a tenu compte94.
27La documentation consignée dans ces registres constitue pour Pere Benet une source indispensable pour l’écriture de l’histoire « véritable et absolue » des rois d’Aragon, mais les liens créés entre les documents enregistrés apportent eux aussi une aide précieuse à l’historien. La contextualisation d’un document au moment de sa consignation dans le registre et son intégration au sein d’ensembles plus vastes s’apparentent en effet de manière modeste au travail de Jerónimo Zurita, car l’historien aragonais inclut souvent des documents d’archives dans ses Anales95. Cependant, si l’ordonnancement de la documentation enregistrée peut conduire à la constitution de récits fragmentaires, l’enregistrement d’un document n’a pas pour but premier son insertion au sein d’une narration historique. Les multiples expériences effectuées pour rassembler, ordonner, référencer et repérer les documents consignés dans les Registra secreta témoignent certes d’un travail de composition bien réel, mais qui vise d’abord à faciliter la manipulation des registres, à rendre plus accessible et plus compréhensible le déroulement des ambassades et des négociations menées au nom du roi d’Aragon. Les éléments de narration historique servent en fait à clarifier, à actualiser les connaissances des hommes de la chancellerie sur les affaires diplomatiques. Avec les registres du secret et, dans une moindre mesure, les notes dorsales et les classifications ébauchées aux archives pour les parchemins et les documents en papier, les hommes du roi disposent d’instruments perfectionnés avec lesquels ils peuvent suivre le déroulement de l’action diplomatique. Au-delà, la conservation de cette documentation occupe une place centrale dans l’action diplomatique elle-même. Pour tenter de la cerner, l’analyse des Registra secreta doit être reprise dans une autre perspective : pourquoi les documents diplomatiques sont-ils enregistrés dans les Registra secreta ? De manière plus générale, pourquoi le pouvoir royal conserve-t-il avec autant de soin les documents ayant trait à son action diplomatique ?
III. — LES REGISTRA SECRETA : UN INSTRUMENT DE CONTRÔLE
28De même que l’ensemble des registres de la chancellerie, les Registra secreta servent d’abord à conserver dans la mémoire administrative une trace authentifiée d’actes expédiés au nom du roi. Plus spécifiquement, leur tenue atteste cependant aussi de la très grande attention portée à l’élaboration, à la destination et à l’utilisation des documents diplomatiques. Les Registra secreta peuvent alors être envisagés conjointement comme un instrument du contrôle exercé sur les documents diplomatiques et comme une source sur les usages de cette documentation.
MAÎTRISER L’ÉLABORATION ET LA REMISE DES DOCUMENTS
29Les Registra secreta témoignent tout d’abord très nettement du contrôle exercé par le roi sur l’élaboration de la documentation diplomatique. Prenons l’exemple du registre 338 (1318-1327). Sur 601 entrées, 532 sont accompagnées de mentions hors-teneur et 525 d’entre elles résultent d’un mandat direct du monarque. Les résultats obtenus par Rafael Conde sur le registre 235 (Curiae I) fournissent ici un point de comparaison intéressant : le pourcentage de mentions hors-teneur présentes dans chacun des registres est tout à fait similaire, mais le roi effectue dans le Registrum secretum des mandats directs dans une proportion trois fois plus importante96. Son rôle dans la correction et le suivi des documents s’avère lui aussi bien plus déterminant que dans le registre Curiae, puisqu’il lit, écoute ou corrige près de la moitié des documents enregistrés (289)97. Jacques II réexamine notamment les chapitres des instructions remises à ses ambassadeurs, ordonne d’y apporter des corrections98, et certaines notes de chancellerie suggèrent l’existence à cette occasion d’un dialogue préalable entre le monarque et ses représentants99.
30Témoins de l’attention tatillonne du monarque, les Registra secreta constituent un instrument essentiel du suivi des documents diplomatiques au cours des diverses phases de leur élaboration. Leur fonction transparaît dans les notes de chancellerie qui accompagnent les différentes versions enregistrées d’un même acte, lorsque celui-ci subit des corrections. Dans le cas fréquent où des instructions à des ambassadeurs sont corrigées alors qu’une première version a déjà été enregistrée, une note de chancellerie est ainsi apposée auprès de la première entrée pour signifier qu’elle est devenue caduque et renvoyer à la version effectivement expédiée, la finalis informatio100. Les Registra secreta abritent des documents diplomatiques dont ils garantissent l’authenticité, mais l’actualisation des registres et la réécriture constante dont ils peuvent être l’objet doivent aussi permettre de vérifier à tout moment quelle version d’un acte ou d’un écrit documentaire a finalement été retenue101.
31Les Registra secreta rendent de surcroît possible un contrôle sur les documents diplomatiques enregistrés qui s’exerce au-delà de la seule élaboration de l’acte. Lorsque des notes signalent la remise d’un document, elles le contextualisent au sein de chapitres thématiques, mais permettent aussi de garder une trace explicite de la destinée du papier ou du parchemin produit par la chancellerie. Si plusieurs expéditions d’un acte sont effectuées, les scribes indiquent l’ensemble des personnes qui les reçoivent. Le pouvoir en vertu duquel Berenguer de Argilaguer et Pere Despens sont les commissaires de Jacques II à la conférence de Viella sur le Val d’Aran est par exemple suivi de l’annotation Fuit duplicata (« fut dupliqué »), qui précise qu’un pouvoir identique est confié à chaque représentant du roi102. De même, lorsqu’un ambassadeur doit en remplacer un autre, une note spécifie que les documents lui sont remis, indiquant le cas échéant les modifications qu’ils ont subies. Ainsi est-il précisé que Guillem de Santa Coloma, qui remplace Bernat Abbat pour une mission auprès du roi de Majorque en juin 1313, reçoit des instructions traduites — et adaptées — du latin in vulgari (c’est-à-dire ici « en catalan »)103. D’autres annotations accompagnant l’enregistrement de lettres adressées à des souverains étrangers révèlent pour leur part les voies multiples suivies par le courrier diplomatique104.
32Les scribes mentionnent également dans leurs annotations la remise aux ambassadeurs de documents qui ne sont pas enregistrés dans les Registra secreta. Ils s’y réfèrent soit par l’indication d’un titre suffisant pour les identifier105, soit par la citation de leur incipit106. Réceptacles des versions authentifiées et actualisées des actes expédiés, les Registra secreta servent donc aussi à garder en mémoire à la chancellerie la liste des documents, enregistrés ou non, qui ont été emmenés par les ambassadeurs. Ils contribuent de la sorte autant à contrôler la destinée des documents diplomatiques qu’à délimiter le champ d’action des ambassadeurs qui en feront usage.
ACCOMPAGNER LA DOCUMENTATION (RÉ)INTÉGRÉE À LA CHANCELLERIE
33Les notes de chancellerie indiquent quelquefois sommairement les modalités d’usage de la documentation remise, afin de préciser ou de rappeler les instructions adressées aux ambassadeurs. Lorsque le dominicain Ramon de Masquefa se rend en France à la fin du mois d’avril 1325 pour obtenir un mariage favorable à l’infant Pedro, fils de Jacques II, il est ainsi muni de divers pouvoirs et lettres de créance, dont la transcription dans un Registrum secretum est à chaque fois précédée d’une note brève indiquant les conditions requises pour leur emploi :
Si la seconde façon de traiter est utilisée, ledit messager doit parler de cette affaire avec le roi de France et obtenir de lui des concessions, notamment au sujet de l’hommage, de l’obligation de service selon laquelle il faut venir à la cour de ce même roi de France en raison de l’héritage de ladite jeune fille, Béatrice fille dudit Jean [de Clermont]. Un procureur dudit seigneur infant doit pouvoir se charger de cette tâche. Et pour cette raison fut remise audit messager une lettre de créance à l’adresse du roi de France, dont la teneur est la suivante [suit la transcription d’une lettre de créance]107.
… Au sujet de la première façon de traiter, si la seconde n’est pas utilisée [suit la transcription d’une autre lettre de créance]108.
… Pouvoir pour la première façon de traiter, si la deuxième n’est pas utilisée [suit la transcription du pouvoir en question après le titre « sur une autre façon de traiter du mariage de la fille du comte de Savoie »]109.
34La remise au début du mois d’octobre 1302 à l’ambassadeur Jaume Busquet d’un traité de paix avec l’émir de Grenade est elle aussi précédée d’une note où les conditions d’utilisation du document sont brièvement rappelées110. Une telle pratique demeure néanmoins assez rare au sein des registres, car le contrôle exercé par le pouvoir royal sur les usages de la documentation diplomatique en cours de mission repose essentiellement sur les instructions aux ambassadeurs, ainsi que sur les missives qui leur sont envoyées par la suite111.
35Les Registra secreta abritent en fait surtout les traces du contrôle effectué sur les documents diplomatiques lorsque la scribania du roi les réceptionne, comme en témoignent les très nombreuses notes de chancellerie rédigées à cette occasion112. Une distinction doit ici être faite entre les documents reçus qui n’ont pas été expédiés par la chancellerie aragonaise et ceux qui, déjà enregistrés dans les Registra secreta, sont ramenés par les ambassadeurs à leur retour de mission. La première catégorie comprend tout d’abord des documents remis par des représentants étrangers venus rendre visite au roi d’Aragon. Sans se soucier des modes de réception des ambassadeurs, les notes de chancellerie attestent brièvement de la forme matérielle des lettres de créance, des litterae de statu ou plus rarement des instructions présentées à Jacques II avant d’en effectuer une copie ou un régeste dans les Registra secreta113. Des indications similaires sont fournies pour les documents étrangers ramenés par les représentants du roi d’Aragon au retour de leur mission. Il peut s’agir de lettres, de traités, de lettres de créance ou même de pouvoirs si l’ambassadeur a été renvoyé ad invicem. Guerau de Rocabertí ramène ainsi en juin 1316 des instructions remises par le roi de Majorque114. Dans ce cas, les écrits destinés au roi d’Aragon ne sont cependant pas les seuls à susciter la rédaction de notes de chancellerie au sein des Registra secreta. Au début de l’année 1325, l’infant Pedro arrive de la curie avignonnaise où il avait été envoyé comme ambassadeur, une note de chancellerie accompagnée de brefs régestes indique alors qu’il rapporte des lettres du pape, certaines à l’adresse du roi, mais d’autres dirigées à de hauts dignitaires religieux de la couronne d’Aragon115. Une attention toute particulière est également prêtée aux lettres de sauf-conduit remises par des princes étrangers aux ambassadeurs aragonais quand ils repartent et qui sont ensuite conservées à la chancellerie pour être réutilisées. Une note mentionne ainsi la remise d’un sauf-conduit du roi de France à l’évêque de Huesca, qui doit partir à Avignon en mars 1326, une deuxième note, d’une autre main, atteste de la réintégration du document au retour de l’ambassadeur et une copie authentique de ce sauf-conduit est ensuite demandée par l’infant Philippe de Majorque pour ses propres ambassadeurs. Bernat d’Aversó doit l’effectuer d’après l’original gardé en sa possession116. Les notes des registres témoignent donc de l’intense travail de vérification effectué à la chancellerie sur l’ensemble des documents étrangers ramenés par les ambassadeurs.
36Il existe aussi à l’intérieur des Registra secreta des annotations qui certifient la restitution à la scribania royale de documents expédiés par la chancellerie du roi d’Aragon, en particulier de copies d’originaux, de quelques lettres de créance ou d’instructions à des ambassadeurs117. Domingo García de Echauri, envoyé en Castille en 1310, reçoit son instruction sans que copie puisse en être prise dans les Registra secreta avant son départ, la transcription est donc faite à son retour118. Comme une partie importante de la documentation expédiée et confiée aux envoyés du roi est remise aux destinataires et ne peut donc réintégrer la scribania royale, les mentions de retour simple de documents utilisés demeurent néanmoins assez rares.
37En revanche, les annotations des scribes font régulièrement état de la restitution et de la destruction à la chancellerie de documents émis au nom du roi et qui n’ont pu être utilisés. Dans le premier registre de la série (1292-1300), ce sont des notes marginales apposées postérieurement auprès d’une entrée du registre qui le signalent119. Elles cèdent progressivement la place à des notes consignées au pied du document, qui signifient que celui-ci a été laniatum, laceratum, ruptum, fractum ou funeratum (« mis en lambeaux », « déchiré », « cassé », « brûlé »), les hommes de la chancellerie marquant une préférence assez nette pour la laceratio120. Les notes précisent fréquemment le mobile de la destruction. Les documents ont pu être corrigés, d’où la nécessaire annulation de la première version121, mais ils sont surtout détruits parce qu’ils n’ont pas été utilisés avec succès par les représentants du roi, en particulier quand l’ambassade n’a pas eu lieu, quand l’usage du document s’est avéré inutile ou bien lorsque la mission a finalement échoué :
Au retour desdits messagers, comme ils n’avaient fait aucune des choses pour lesquelles avait été confectionné le pouvoir transcrit ci-dessus ils restituèrent ce pouvoir, qui fut déchiré.
De même, ils restituèrent plusieurs lettres royales parmi celles qui leur avaient été remises et qu’ils ne présentèrent pas, et elles furent déchirées, comme il est contenu en détail ci-dessus.
Ils restituèrent aussi les chapitres — copiés plus bas — de l’instruction [informatio] qui leur avaient été remis, et ils furent déchirés, parce que les affaires contenues dans ces chapitres n’ont pas été menées à bien122.
38Les documents destinés à des représentants du roi et qui n’ont pu leur être remis sont aussi concernés par la destruction lors de leur réintégration à la chancellerie. Deux lettres adressées à Miguel del Corral alors en France en sont les victimes123. Dans cette perspective, les documents inutilisés qui peuvent présenter un danger pour la Couronne, notamment les pouvoirs laissés en blanc, sont systématiquement détruits à la chancellerie après leur restitution par les ambassadeurs. Les notes rédigées à cette occasion gagnent en précision et permettent de suivre l’ensemble du processus de contrôle subi par la documentation diplomatique. Les blancs confiés à Pere Marc pour une ambassade auprès du roi de Majorque constituent à cet égard un bel exemple124. Une première note indique la date de leur remise (Barcelone, 14 août 1323), en fournit une description matérielle détaillée — trois parchemins blancs munis du sceau pendant du roi sur lesquels rien n’est écrit — avant de rappeler que Pere Marc doit les utiliser selon les instructions qui lui ont été données125. Au retour de l’ambassadeur, une deuxième note, consignée dans le registre à la suite de la précédente, décrit le sort des blancs à la scribania du roi126. Dans la camera maioris (« grande chambre ») du palais royal de Barcelone, l’ambassadeur remet en présence du roi à Bernat d’Aversó les blancs qui n’ont pas été utilisés et sont identifiés d’après la description effectuée dans la première notice ; Jacques II ordonne alors leur destruction immédiate. En présence du roi, Bernat d’Aversó déchire les blancs et les incise, c’est-à-dire qu’il cisaille le document aux plis en provoquant par le support des coupures en forme de chevron, avant de rompre les sceaux ex toto (« complètement »)127. La destruction d’un blanc est ici devenue un acte solennel et spectaculaire, le scribe consigne en fait dans le Registrum secretum une petite cérémonie documentaire effectuée immédiatement au retour de l’ambassadeur afin d’éviter l’utilisation malveillante de ces parchemins particulièrement dangereux128.
39De même que les efforts fournis pour ordonnancer les documents diplomatiques enregistrés, le souci de contrôler le plus minutieusement possible les destinées de la documentation remise aux ambassadeurs a pour conséquence une mise à jour régulière des Registra secreta grâce aux notes de chancellerie. D’autre part, les très fréquentes destructions de documents témoignent du caractère fondamentalement temporaire d’une bonne partie de la documentation diplomatique enregistrée. De nombreux documents des Registra secreta n’auront ainsi été valables qu’au cours de la brève période comprise entre une première note de chancellerie qui signifie leur remise à un ambassadeur et une seconde annotation des scribes qui atteste de leur destruction. Dès lors, comme certaines lettres closes ont été ramenées puis détruites sans avoir été ouvertes, en l’absence de minutes conservées, le registre peut renfermer le seul témoignage de leur courte existence129.
40L’examen de la tenue et de l’économie interne des Registra secreta a montré qu’ils constituaient à la fois un laboratoire d’expérimentation pour le rassemblement des documents diplomatiques enregistrés et un outil de travail essentiel pour la chancellerie qui s’efforce de suivre l’utilisation des originaux par les ambassadeurs. Ils participent en ce sens du contrôle exercé par le pouvoir royal sur l’action de ses envoyés à l’étranger ; les multiples annotations qui y sont apposées par les scribes contribuent avec les lettres de créance, les procurations et les instructions à délimiter la marge de manœuvre dont disposent les ambassadeurs au cours de leur mission.
UNE LOGIQUE GÉNÉRALE DU CONTRÔLE DES USAGES DE LA DOCUMENTATION RELATIVE À LA DIPLOMATIE
41Le contrôle de l’utilisation des documents diplomatiques n’est pas réservé aux seuls Registra secreta. On en retrouve les traces également au sein des registres spécialisés dans les relations avec une puissance étrangère, notamment le Maioricarum ou bien le registre Pro negociis Castelle et Aragonum de 1304 a 1326 (« pour les affaires de Castille et des Aragonais de 1304 à 1326 »)130. Le traitement de plusieurs « protestations » remises à des ambassadeurs s’apparente ainsi très nettement à celui des blancs dans les Registra secreta. Une protestatio, protestació ou protesta (« protestation ») est un document généralement effectué devant notaire, par lequel est signifié la protestation devant un acte et souvent le retrait d’un engagement pris sous la contrainte, un retrait qui peut signifier la rupture des relations amicales131. Il s’agit d’un document extrêmement important, qui conduit l’ambassadeur à retirer la parole donnée par un représentant de Jacques II ou bien par ce dernier, et donc à mettre directement en jeu l’honneur du roi. Par conséquent, les hommes de la chancellerie s’efforcent comme pour les blancs de suivre le plus méticuleusement possible leur destination et leurs usages. Le registre Maioricarum contient à ce sujet un dossier particulièrement intéressant. De nombreuses protestations sont en effet émises au nom du roi d’Aragon en 1324 à la suite de la mort du roi Sanche de Majorque, puisque Jacques II refuse dans un premier temps de reconnaître la légitimité du prétendant au trône Jacques de Majorque.
42Le registre comprend d’abord les instructions du roi qui précisent aux ambassadeurs les différentes modalités d’utilisation des protestations, la copie des formae (« modèles ») des protestations qu’ils ont reçues, puis une note de chancellerie indique à leur retour l’utilisation qu’ils ont faite de ces documents fort compromettants. Lorsque Ramon Vinader et Bernat de Fonollar sont envoyés par Jacques II à Perpignan en 1324 pour y affirmer les droits du roi d’Aragon sur le royaume de Majorque, les scribes précisent ainsi dans le registre que
Les modèles [forme] des protestations remises par écrit à Bernat de Fonollar et à Ramon Vinader, messagers susdits, sont les suivants132.
43Après la copie du modèle des différentes protestations à effectuer (devant les exécuteurs testamentaires de Sanche, les éventuels tuteurs, les prélats, nobles, chevaliers et syndics des universitates), une note de chancellerie de contrôle apposée au retour des ambassadeurs indique
[qu’]il est certain que les susdits Bernat de Fonollar et Ramon Vinader amenèrent au retour de la mission susdite deux instruments notariés comportant les protestations et ce qu’ils avaient fait dans cette affaire. La teneur de ces documents est contenue plus bas, et prélude à l’instrument notarié de la protestation effectuée par Bertran Desllor et Francesc de Luna, qui avaient été envoyés comme messagers à Majorque pour la même raison133.
44À la suite de cette introduction, les protestations effectivement accomplies par les ambassadeurs du roi, dont l’authenticité est dûment validée par notaire — la mention probatum cum originali (« certifié avec l’original ») accompagne chaque copie — sont consignées dans le registre qui conserve donc la trace de toutes les étapes de la manipulation des parchemins134. De même que pour les blancs remis aux représentants de Jacques II, les notes de chancellerie stipulent aussi la réintégration à la chancellerie des protestations qui n’ont pas été utilisées à l’étranger135. Les registres doivent permettre de savoir à tout moment où se trouvent les documents diplomatiques, un souci de connaissance actualisée de l’utilisation de l’écrit qui se manifeste le plus nettement pour les documents les plus périlleux pour le pouvoir royal : les blancs, les pouvoirs et les protestations, c’est-à-dire les instruments par lesquels un représentant du roi peut engager ce dernier de manière contractuelle auprès d’un souverain étranger.
45Les registres accomplissent donc une part essentielle du suivi des usages des documents diplomatiques par les représentants du roi. Il existe dans la section des Cartes Reials d’autres témoignages du contrôle exercé par les hommes de la chancellerie. Le notaire garde des sceaux Bernat d’Aversó, l’homme-clé dans la production, la conservation et la communication de la documentation diplomatique royale, remet ainsi à Guillem Oulomar plusieurs documents lorsque ce dernier se rend en ambassade au concile de Vienne en 1311. La liste qui en est gardée reflète les grandes préoccupations catalano-aragonaises au concile, le règlement de l’affaire du Temple et le sort du Val d’Aran136. On y trouve pêlemêle trois registres en parchemin et des privilèges sur le Temple, une lettre du pape, trois autres lettres, deux cahiers en papier sur Miravet — la dernière maison du Temple à s’être rendue —, deux rescrits du pape sur le concile, une copie d’une lettre de Charles d’Anjou sur le Val d’Aran, une lettre du roi avec son sceau pendant faisant de Joan Borgunyó et de Lope Sánchez de Luna ses procureurs auprès du roi de France sur l’affaire du Val d’Aran, une lettre de réponse du roi de France, deux autres lettres du même roi, deux cédules en papier sur le Val d’Aran, une lettre de demande du roi, une bustia (« boîte ») contenant de nombreuses lettres du roi de France et d’autres sur les templiers, enfin, de nombreuses autres lettres en papier de frère Romeu ça Bruguera concernant les templiers.
46Dans cet inventaire à la Prévert, qui se rattache sans aucun doute à une legatio des Registra secreta (l’ambassade de Pere Boyl, Pere de Queralt et Guillem Oulomar au concile de Vienne)137, certains documents sont raturés alors que d’autres sont accompagnés d’une mention distincte indiquant qu’ils ont été « retenus » (reten, retent, retengue-les, retinge-les). Il est difficile de trancher sur la signification exacte de ce terme. Le plus probable est que les documents retenus soient encore, au moment de l’apposition des notes ou des ratures, en possession de l’ambassadeur du roi, alors que les documents raturés ont réintégré le bureau des écritures de Bernat d’Aversó. Selon un principe en vigueur sous d’autres formes dans diverses chancelleries occidentales de la période138, la liste garde ici en tout cas la trace actualisée des documents remis à un ambassadeur.
47Les documents diplomatiques ne restent donc pas tous lettre morte dans les sacs (sacs), les boîtes (bustiae, brúxolas), les caisses (caxiae, caixas), les coffres (cofres) ou les armoires (armariae, armaris) de l’archivium. Ils sont en permanence susceptibles d’être (re)convoqués et (ré)utilisés pour les besoins de la diplomatie royale. D’autre part, les registres ne peuvent dès lors pas être définis exclusivement comme des « volumes dans lesquels on procède à un enregistrement successif d’actes, de lettres, de comptes »139, mais les révisions régulières dont ils portent les traces incitent plutôt à voir en eux des instruments vivants de l’activité de la chancellerie. Avec les originaux conservés et les outils de repérage et de renvoi, ils permettent aux hommes de la chancellerie et de l’archivium de suivre et de comprendre le déroulement des relations diplomatiques tout en contrôlant l’usage de la documentation par les ambassadeurs.
IV. — LA DIPLOMATIE ARCHIVÉE : UNE MÉMOIRE ACTIVE DU POUVOIR ROYAL
Pour que l’on garde cela en mémoire, il est écrit ici seulement que le susdit roi de Majorque a accepté de prêter à notre seigneur roi une quantité de 12.000 livres de Barcelone […] et de ceci il fut confectionné un instrument des dettes enregistré dans le registre des paiements [Solutionum], fait à Barcelone le V des ides d’août [9 août] de l’année susdite [1323] et clos par Guillem Agustí, scribe du seigneur roi et notaire public140…
48Les originaux conservés à l’archivium et, surtout, les Registra secreta, principaux garants de l’authenticité des documents diplomatiques et témoins des différentes modifications qu’ont pu subir des actes à la validité souvent temporaire, contribuent également à l’élaboration d’une mémoire active et sans cesse réécrite de l’administration des affaires diplomatiques aragonaises.
UNE MÉMOIRE DE RÉFÉRENCE SÉLECTIVE
49Certains documents font office de référence, voire de modèle pour la rédaction de nouveaux documents utilisés par le pouvoir royal pour son action diplomatique. Le cas le plus évident est naturellement celui des originaux qui sont copiés afin d’être ensuite réemployés dans l’action diplomatique, alors que l’archivium conserve l’exemplaire d’origine141. De même, les Registra secreta abritent des formulaires de chancellerie qui contiennent des modèles pour la rédaction des documents diplomatiques par les scribes142. Néanmoins, plutôt que des formulaires, ce sont souvent les documents consignés dans les registres qui exercent cette fonction143. Quand il intime à son chancelier Bernat Bonet de rédiger une procuration pour son représentant auprès du gouverneur de Navarre, Jacques II lui demande ainsi explicitement de suivre les termes d’une procuration précédemment remise à son représentant et qui se trouve consignée dans « ses registres »144.
50Pour sa part, le registre Maioricarum peut être interprété dans son ensemble comme un recueil de documents utiles pour défendre les droits de la Maison d’Aragon face aux intentions successorales du roi Sanche et aux prétentions de Jacques de Majorque à la Couronne. Il s’agit, comme l’indique très nettement une note de chancellerie qui sert en quelque sorte d’incipit, d’un registre de circonstance aux fonctions semblables à celles d’un cartulaire des droits du roi d’Aragon sur le royaume de Majorque :
Ordre a été donné de confectionner ce registre à propos de l’affaire de la déclaration que l’illustre Sanche, roi de Majorque, a l’intention de faire, comme on le rapporte, sur le droit de succession au royaume de Majorque et sur d’autres de ses terres. [Ce registre a aussi été ordonné] à propos d’autres affaires qui en découlent145.
51Le registre Pro negociis Castelle et Aragonie, qui rassemble des copies de documents de 1304 à 1326, et le Conventionum dotum Aragonie (« Des accords sur les dots d’Aragon »), qui réunit de très nombreuses pièces relatives aux mariages successifs du roi et des membres de la famille royale, exercent aussi une fonction mémorielle en rassemblant des documents sur la « longue durée »146. Le développement de registres thématiques spécialisés durant le règne de Jacques II met en évidence la constitution d’une mémoire orientée du pouvoir royal pour ses affaires diplomatiques. Le registre Pro negociis Castelle et Aragonie est ainsi considéré comme un instrument pratique permettant de conserver ensemble les lettres des rois d’Aragon et de Castille, mais aussi de produire des copies au sein de la chancellerie147. L’administration royale conserve bien pour mémoire les traces documentaires de l’action diplomatique qu’elle a pu mener, mais elle dispose surtout d’une connaissance sélective du passé, une connaissance sans cesse réactualisée et susceptible d’être mise à contribution pour la défense des intérêts de la Maison d’Aragon, en un mot, d’une mémoire qui peut être activée pour les besoins du pouvoir148.
L’ACTIVATION DE LA DOCUMENTATION CONSERVÉE POUR LA PRÉPARATION DE L’ACTION DIPLOMATIQUE
52L’action diplomatique menée au nom de Jacques II se nourrit des documents du passé, elle y puise de façon récurrente la matière qui sert à préparer les ambassades et à étayer les arguments de la politique royale. Ce travail constant sur la mémoire de la chancellerie porte aussi bien sur le règne de Jacques II que sur celui des rois qui le précèdent, tandis que les documents conservés à l’archivium sont eux aussi logiquement susceptibles d’être utilisés par les successeurs du souverain149. On observe en fait une politique générale de conservation et d’utilisation de la documentation, dont l’objectif essentiel est de défendre les droits de la maison royale. En ce domaine, les textes rassemblés par Francisco de Bofarull sur les mouvements de documentation entre les différents dépôts et la cour itinérante, auxquels peuvent être ajoutées des pièces inédites, fournissent des indications précieuses sur l’utilisation des archives dans la préparation de l’action diplomatique150. Avant de partir en mission, les ambassadeurs non seulement reçoivent les documents qui attestent de leur qualité (lettres de créance, sauf-conduits, pouvoirs, instructions), mais il est aussi nécessaire pour certains d’entre eux d’effectuer des consultations à l’archivium. Ils en repartent souvent avec des copies. Lorsqu’à l’automne 1297 le maître de l’ordre du Temple Berenguer de Cardona, le religieux Berenguer de Santjust et l’abbé de Foix Jofre de Cruïlles doivent se rendre en France, Jacques II intime au commandeur de la maison de l’Hôpital à Barcelone de leur permettre d’examiner omnia instrumenta nostra (« tous nos instruments notariés ») qui se trouvent dans les coffres placés sous sa garde. Il lui donne également l’ordre d’autoriser la confection de copies, les originaux devant par la suite être déposés à nouveau dans leur lieu de conservation151. Conjointement au roi, le notaire garde des sceaux Bernat d’Aversó ordonne parfois lui aussi de retrouver un document utile pour une ambassade et de le remettre à un représentant du roi en partance. Afin de vérifier la correction d’une copie d’un rescrit pontifical destiné à l’ambassadeur Bernat de Boxadós envoyé auprès du pape, le scribe Guillem ça Ruvira a ainsi dû mener une véritable chasse documentaire, car, en l’absence de Bernat d’Aversó, il a été nécessaire de récupérer auprès de la femme de ce dernier les clefs du coffre qui contenait l’acte recherché152. Le rôle central de Bernat d’Aversó dans les différents mouvements de la documentation royale est une fois encore confirmé, tandis que la logique générale de contrôle de la documentation est maintenue, puisque Bernat de Boxadós doit reconnaître dans une lettre qu’il a reçu cette copie des mains du scribe. Enfin, les documents utilisés dans l’action diplomatique à la suite de perquisitions ordonnées par le pouvoir royal sont ensuite réintégrés dans l’archivium. Le scribe Pere Soler doit ainsi venir de Calatayud à Barcelone pour remettre dans les caisses correspondantes de la maison de l’Hôpital les originaux qu’il avait emmenés pour négocier le mariage de l’infant Juan Manuel et de Constança153, l’une des filles de Jacques II.
53La consultation de la documentation conservée et la confection de copies utilisables constituent donc à plusieurs reprises un préalable indispensable à l’envoi des hommes en mission. Ce travail assure une forme de continuité à l’action diplomatique menée par le pouvoir royal, mais requiert du temps et peut retarder le déroulement des ambassades. D’après une lettre de Jacques II au pape Jean XXII, le départ en Avignon de Bonfill de Guardia, initialement prévu pour février 1326, est ainsi reporté à la mi-mars en raison des perquisitions documentaires nécessaires pour cette ambassade qui vise au rétablissement de la paix entre Angevins et Aragonais de Sicile. Stratégie dilatoire habile ou bien difficultés réelles pour retrouver les documents recherchés, il est difficile de trancher154. Quoi qu’il en soit, quand l’ambassade part finalement à la mi-mars sous la conduite de l’évêque de Huesca, chancelier du roi, et du chevalier Berenguer de Sant Vicenç, les représentants de Jacques II sont munis d’un dossier constitué de sept projets de paix entre Frédéric III de Sicile et Robert d’Anjou, roi de Naples. Afin de garantir l’authenticité de ces documents, les ambassadeurs du roi d’Aragon doivent selon leurs instructions dire au pape qu’ils ont été vérifiés d’après ses registres155. Le travail documentaire mené à l’archivium met donc à la disposition des ambassadeurs des arguments et des éléments légitimes et reconnus.
54Un des exemples les mieux documentés est à ce titre celui des négociations menées par la couronne d’Aragon avec le royaume de France relatives à la restitution du Val d’Aran à la dynastie de Barcelone156. Les recherches ordonnées à cette occasion dans les archives servent d’abord à actualiser la connaissance des droits du roi. Jacques II demande à cette fin de dénicher dans « ses armoires » de la maison de l’Hôpital l’accord passé avec le pape Boniface VIII et d’autres procès sur le Val d’Aran. Après investigation dans ses registres et archives ainsi que dans ceux de ses prédécesseurs, le roi ordonne de confectionner des copies authentiques des documents requis, qui sont envoyés par Bernat d’Aversó157. Les instructions ensuite baillées aux ambassadeurs précisent même que leur ont été remises toutes les lettres retrouvées et susceptibles d’être utiles à la défense des droits du roi sur le Val d’Aran158. De plus, alors qu’il s’agit d’apporter des preuves de la légitimité de ses prétentions sur ce territoire, les représentants de Jacques II aux négociations de Viella produisent des témoignages oraux, mais demandent aussi explicitement à leur mandataire de leur envoyer toutes les lettres qui peuvent servir la défense de ses intérêts159. Enfin, en 1314, les documents deviennent si impérieusement nécessaires pour cette négociation que l’on transporte à Lérida la caisse de la maison de l’Hôpital contenant les instruments notariés relatifs au Val d’Aran160. Cette caixa est ensuite ouverte sur ordre du roi par les scriptores qui l’ont apportée. Une liste de documents est établie ; une croix indique en marge ceux qui sont envoyés au Val d’Aran pour les négociations ; les autres sont remis dans la caisse qui est déposée dans la maison des dominicains à Lérida161. Il ressort de ces différents mouvements de fonds que la documentation conservée à l’archivium est mise à profit par le roi, les hommes de la chancellerie et les ambassadeurs comme une réserve d’autorité où l’on puise des arguments pour les négociations, une réserve qui doit fournir de manière continue les armes nécessaires à la défense diplomatique des intérêts du pouvoir, notamment de ses droits patrimoniaux.
LA MÉMOIRE DES ARCHIVES FACE AUX AMBASSADEURS ÉTRANGERS
55Le recours à la documentation de ses archives permet également au roi de mener des discussions plus précises et plus nuancées avec les ambassadeurs reçus à la cour. L’argument est ainsi employé par Jacques II dans une lettre adressée à son frère Frédéric III pour justifier le retard qui a été pris par les ambassadeurs de ce dernier : il était nécessaire de consulter des archives gardées à Barcelone pour pouvoir parvenir à une « discussion plus mûre » avec ses représentants162.
56De plus, l’authenticité des pièces conservées sous l’autorité de Bernat d’Aversó est reconnue par les souverains étrangers, puisqu’il leur arrive d’en appeler au roi d’Aragon pour obtenir la copie de certains documents. Ce phénomène apparaît très nettement dans le cas de la maison-sœur de Majorque qui, en dépit de tensions parfois fortes, a souvent des intérêts communs à défendre avec la couronne d’Aragon163. Suite à une demande d’instrumenta formulée par Sanche de Majorque, après perquisition dans ses archives, Jacques II d’Aragon renvoie ainsi à Sanche son ambassadeur Ramon de Vilaró avec les documents sollicités. La perquisition est ici effectuée en présence du représentant du roi de Majorque, l’examen ou du moins la vue des documents originaux par ce dernier devant servir de gage d’authenticité supplémentaire aux yeux de Sanche164.
57L’ostension d’un document conservé dans l’archivium constitue même un argument de poids dont on use pour convaincre des ambassadeurs étrangers. Les Registra secreta, outils de l’ombre et du secret, peuvent ainsi être utilisés de manière plus spectaculaire au cours même des rencontres diplomatiques. En janvier 1318, le roi d’Aragon reçoit des mains de l’ambassadeur Jaspert de Castellnou une lettre close du roi Sanche de Majorque dont le contenu lui paraît inacceptable, car elle met en cause l’action de ses ambassadeurs Bernat Guillem Saportella et Joan Borgunyó auprès du roi majorquin. Jacques II ordonne alors de faire reconnaître dans les registra les articles de la legatio qui avait été confiée à ses ambassadeurs, afin de montrer immédiatement aux yeux du représentant majorquin (ad occulum hostenda) les instructions enregistrées et de répliquer ainsi aux protestations de Sanche. À la demande de Jaspert de Castellnou, une copie des articula est ensuite effectuée pour être remise au roi de Majorque165, puis les ambassadeurs de Jacques II sont convoqués afin de s’expliquer166. L’authenticité de la documentation enregistrée dans les Registra secreta permet par conséquent ici à la fois de vérifier la validité d’une information au sein de la chancellerie et de contrôler l’action des représentants du roi, tandis que le secret où sont d’ordinaire confinés les registres fait de leur ostension un argument difficilement réfutable.
58Mémoire de référence, autre « mémoire des rois »167, instrument de contrôle de l’action des ambassadeurs de Jacques II, mémoire sans cesse réactivée pour la connaissance des droits du roi et pour les besoins de l’action diplomatique, la documentation diplomatique conservée dans les archives du roi (archivium nostrum) constitue donc également une réserve d’authenticité pour les représentants des souverains étrangers. La reconnaissance publique de la validité des documents d’archives étrangères, même si elle peut toujours être mise en doute, forme ainsi, à l’instar du vocabulaire commun qui est utilisé par les différentes chancelleries, l’une des conditions de possibilité de la pratique de la diplomatie durant la période. Alors que l’on constate aussi dans d’autres royaumes une intensification contemporaine des usages de la mémoire mise par écrit, le développement de l’action diplomatique entre les cours constitue donc un élément important pour une analyse comparée de l’évolution des rapports qu’entretiennent les pouvoirs politiques avec l’écrit à la fin du Moyen Âge168.
59Dans ce mouvement général, le recours à la documentation conservée par le pouvoir royal aragonais pour son action diplomatique présente néanmoins des singularités par rapport aux pratiques des autres monarchies. Dans le contexte d’un accroissement considérable des écrits produits et conservés par rapport aux règnes précédents, l’efficacité de la recherche, du contrôle et de l’utilisation de la documentation diplomatique paraît plus grande que dans les archives royales anglaises contemporaines, dont Michael T. Clanchy parle encore sous Édouard Ier comme d’un largely unmapped territory (« territoire largement non cartographié »), où il était très difficile de s’orienter169. L’utilisation par le pouvoir royal aragonais pour son action diplomatique de documents conservés à l’archivium s’apparente en ce sens plutôt à la situation du Trésor des Chartes à partir de l’arrivée de Pierre d’Étampes (1307), qui ouvre une période d’inventivité archivistique sans précédent170. Cependant, à la différence du Trésor des Chartes qui bénéficie d’une classification plus forte des documents originaux, à la différence encore du duc de Bretagne qui recourt, plus tard il est vrai, à des enquêtes sur les droits « royaux et ducaux »171, le pouvoir royal aragonais s’appuie surtout sur la documentation consignée dans les registres, notamment les Registra secreta, un instrument de travail remarquable pour la préparation, le suivi, le contrôle et la conservation par écrit des affaires diplomatiques. Bien avant le développement des ambassades permanentes à partir de la deuxième moitié du XVe siècle, dans un mundo de carta avant la lettre, où le contrôle et l’utilisation des écrits sont déjà déterminants pour l’action des ambassadeurs, les registres, corrélés avec les lettres dépêchées par les ambassadeurs du roi, permettent en effet de conférer une réelle continuité à la diplomatie royale172. Cependant, pour préparer son action et les arguments développés dans les cours étrangères, les seuls témoignages des registres et des archives s’avèrent insuffisants. Il est nécessaire de renouveler et de vérifier les données pour s’adapter le plus rapidement possible à des circonstances qui changent souvent très vite dans la période. Ce faisant, le pouvoir royal doit affronter et résoudre un problème particulièrement épineux pour l’exercice de la diplomatie : la collecte, la sélection et la transmission de l’information.
Notes de bas de page
1 « … Quia negotium hoc agebatur in secretum, fuerunt haec et subsequentes carte in hoc secreto registro registrate » (ACA, C, reg. 339, f° 247r°).
2 Sur la composition de la série, voir pp. 59-60.
3 R.-H. Bautier, « Propositions méthodologiques pour la diplomatique du bas Moyen Âge », p. 40. Sur la discipline, voir : O. Guyotjeannin et al., Diplomatique médiévale, pp. 17-28 ; P. Cammarosano, Italia medievale, p. 19, note la difficulté actuelle à définir la diplomatique.
4 On s’inspire en ce domaine assez aride des études classiques d’O. Hageneder (dir.), Die Register Innocenz III.
5 R. I. Burns, Societat i documentació en el regnat de València, chap. viii. Sur les registres de Pierre III (1276-1285), voir J. Trenchs, Casa, corte y cancillería de Pedro el Grande, pp. 134-149.
6 R. Conde y Delgado de Molina, « Análisis de la tipología documental del siglo XIV », p. 61. Pour le règne de Jacques II, l’étude fondamentale demeure H. Finke, Acta Aragonensia, pp. xcv-cxxii [« Das Registerwesen Jaymes II. »], complétée pour la série Officialium par I. Baiges i Jardí, Els registres Officialium ; Id., « Aportació a l’estudi de la gènesi documental del nomenament reial ».
7 J. Trenchs et A. M. Aragó, Las cancillerías de la Corona de Aragón y Mallorca, pp. 40-50.
8 Pour Pierre III d’Aragon : ACA, C, reg. 47, ffos 84-fin (1278-1285). Pour Alphonse III d’Aragon (1285-1291) : ACA, C, reg. 64, ffos 174-198 (avril 1286 - décembre 1287), ACA, C, reg. 77, ffos 1-32 (juin 1288 - décembre 1289), appelé au XVIe siècle Curiae et Legationum de 1288 a 1289 et ACA, C, reg. 73, ffos 63-105 (décembre 1289-1291, avec le titre Super negociis curiae regis Alfonsi). Ces parties de registres correspondent en fait le plus souvent à des cahiers, reliés ensuite à d’autres cahiers pour former les registra.
9 Cas, par exemple, de la copie des accords de Campillo (1281) précédée de la rubrique « Secuntur carte convenientiarum et pactorum initorum inter reges Castelle et Aragonie in Campillo » (ACA, C, reg. 47, f° 103r°).
10 Cet ordre de grandeur est obtenu par la comparaison entre le nombre de folios des cahiers de registres d’Alphonse III relatifs aux affaires diplomatiques et ceux des seuls Registra secreta, auxquels il faudrait bien sûr ajouter toute la documentation diplomatique enregistrée dans des volumes spécialisés et dans les séries générales. Cette méthode sommaire — il faudrait pour plus de rigueur compter document par document les entrées de tous les registres… — donne respectivement une moyenne de 20 folios et de plus de 36 folios par an.
11 H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, p. ci ; G. Barraclough, A Report on Materials, pp. 16-17.
12 Par exemple les registres 292 (Conventionum et dotum reginarum), 321 (Registrum primi viatici Rome, 1296-1297), 340-341 (Sardiniae) ou 1521 (Pro negociis Castelle et Aragonum, 1304-1326).
13 H. Finke, Acta Aragonensia, t. I, pp. cxvii-cxviii.
14 Outre l’extrait qui ouvre ce chapitre, ACA, C, reg. 337, ffos 191r° et 200v° ; reg. 339, ffos 228v° et 384r°.
15 On y trouve en particulier un grand nombre de documents relatifs aux relations du roi avec les infant(e)s.
16 J. Trenchs et A. M. Aragó, Las cancillerías de la Corona de Aragón y Mallorca, p. 47.
17 ACA, C, reg. 252, ffos 1r°-3v° [1297], 4r°-9v° [blanc], 10r°-23v° [1294-1295] et 25r°-238r° [1292-1300].
18 Des erreurs manifestes de reliure conduisent parfois à des incohérences dans les registres. La notice « Item dominus rex providit et mandavit Bernardo de Aversone, quod ipse scriberet per suam litteram predicto fratri Poncio sub forma qua sequitur, que fuit lecta ipsi domino regi » (ACA, C, reg. 337, f° 353v°) n’est pas suivie dans le registre par la lettre annoncée, mais d’un document sans rapport rédigé trois années plus tard. La lettre que le roi a ordonné à Bernat d’Aversó de rédiger à l’adresse de frère Ponç [Carbonell] se trouve en fait… 39 folios auparavant (ibid., f° 314r°). Il s’agit d’un problème dû à une reliure d’époque, car une note contemporaine tient compte de la présence « par erreur » de la lettre à cet endroit (ibid., f° 313v°).
19 Le terme legatio est après 1200 beaucoup moins employé en Angleterre pour désigner les ambassades (P. Chaplais, English Diplomatic Practice in the Middle Ages, pp. 76, 153).
20 ACA, C, reg. 47, ffos 130r°-v° (legatio à Grenade, 1284) ; reg. 66, f° 176v° (s. d.).
21 ACA, C, reg. 252, f° 1r°.
22 Ibid., f° 19r°.
23 Cas de la mission (legatio) de Simó de Bell · lloc auprès du pape Jean XXII et de Robert d’Anjou (ACA, C, reg. 338, f° 52r° [ca. 23 juillet 1321, Gérone]).
24 Cas des documents expédiés pour Joan Borgunyó, qui part auprès de Frédéric III et de Robert d’Anjou (ACA, C, reg. 337, ffos 211v°, 216r° [avril 1314]).
25 Cas des documents de l’ambassade confiée en 1315 à Bernat Guillem Saportella et à Joan Borgunyó auprès du roi de France, pour partie réunis sous la rubrique « Legatio comissa per dominum regem nostrum nobili Bernardo Guillelmi de Portella et venerabili Johanni Burgundi sacriste Maiorice et priori Daroce ad illustrem regem Francie » (ibid., f° 235r°), puis, après correction par le roi, sous la rubrique « Legatio comissa per dominum regem nostrum ad regem Francie nobili Bernardo Guillelmi de Portella et Johanni Burgundi sacriste Maiorice et priori Daroce » (ibid., f° 239v°), avant d’être finalement rassemblés sous une troisième rubrique : « Itaque supradicta legatio finaliter fuit ordinata et expedita sub forma sequenti » (ibid., f° 241v°). Une legatio familiaris (« mission familiale ») est même confiée aux ambassadeurs (ibid., f° 247v°).
26 ACA, C, reg. 338, ffos 125v° et 129v° ([ca. 4 avril 1323, Barcelone]).
27 D. E. Queller, The Office of Ambassador, pp. 76, 82, 84, 88, 194.
28 Sur les modes d’enregistrement : J. Trenchs et A. M. Aragó, Las cancillerías de la Corona de Aragón y Mallorca, pp. 34-35.
29 Le même phénomène a été observé en Angleterre de manière remarquablement contemporaine, entre 1293 et 1325 (P. Chaplais, English Diplomatic Practice in the Middle Ages, p. 197).
30 Par exemple pour annoncer des instructions séparées remises à Pere Boyl, envoyé aux rois Frédéric III de Sicile et Charles II d’Anjou au printemps 1308 (ACA, C, reg. 335, ffos 229v° et 231r°).
31 ACA, C, reg. 337, f° 313r°.
32 ACA, C, reg. 339, ffos 217r° (titre de chapitre), 217v°, 218v° et 219r°.
33 Sur ce point, voir pp. 274-277.
34 Cette hypothèse permet d’expliquer certaines inversions chronologiques. Une accréditation pour Guillem de Santa Coloma auprès de Sanche de Majorque, datée du 5 juin 1313 à Barcelone (ACA, C, reg. 336, f° 105v°[3]) précède le pouvoir remis à l’ambassadeur, pourtant daté du 31 mai 1313, à Barcelone (ibid., f° 106r°[1]). Plutôt que comme une « erreur » du scribe, il faut voir ici le respect d’un ordre d’enregistrement sous une même rubrique legatio (ibid., f° 105v°), selon lequel les lettres de créance précèdent les autres documents.
35 R. Filangieri (éd.), I registri della cancelleria angioina.
36 ACA, C, CR de Jaume II, caixa 149 [ES], nos 598, 600, 601 et 603. Parmi les Cartes Reials de la période 1286-1291, on trouve aussi la mention dorsale pro curia (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 162 [ES], n° 1837).
37 ACA, C, CR de Jaume II, caixa 149 [ES], n° 600.
38 À partir de 1268 (A. Kiesewetter « La cancellaria Angioina », pp. 366-370).
39 Avant la disparition en 1943 des registres de Robert d’Anjou (1309-1343), on n’avait pas décelé de registres secrets tenus de manière régulière (F. Bock, « Über Registrierung von Sekretbriefen », p. 214).
40 F. Bock, « Studien zur Registrierung der politischen Briefe ». Sur l’enregistrement à la chancellerie pontificale : T. Frenz, Papsturkunden des Mittelalters und der Neuzeit, pp. 59-71.
41 ACA, C, reg. 347, 1521, 340 et 341. Le registre 347 (Maioricarum) est par sa structure le plus proche des Registra secreta, avec des legationes et des littere sparsse.
42 V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. I, pp. 240-268 ; J. Vincke, Staat und Kirche in Katalonien und Aragón, pp. 166-167 ; S. Péquignot, « Interponere partes suas ».
43 « Legatio comissa fratri Bernardo Peregrini, priori provinciali ordinis fratrum predicatorum in provincia Aragonie, Vitali de Villanova militi et Guillelmo de Laceria, civi Barchinone » (ACA, C, reg. 334, f° 181r°).
44 ACA, C, reg. 334, ffos 181r°-189v°. La plupart de ces documents sont édités par V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 60-72, pp. 84-106, doc. 76-78, pp. 111-113. Un régeste indique la remise aux ambassadeurs de la copie de huit autres documents (ibid., f° 190r°[1]), dont certains sont copiés dans d’autres registres : ACA, C, reg. 335, f° 310 (éd. J. Vincke, Documenta selecta, doc. 100, pp. 55-56) ; reg. 341, ffos 6v°-7r° (éd. V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 74-75, pp. 108-111).
45 ACA, C, reg. 334, ffos 190r°[2]-192r°, 193r°[2], 193v°[2] et 194r°[2] (éd. V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 77, p. 112, doc. 80-81, pp. 114-115, doc. 89, p. 12, doc. 103-104, pp. 140-142, doc. 107, p. 144, doc. 109-110, pp. 145-147).
46 Ibid., ffos 192r°[2] (21 août 1304, Saragosse : lettres à Charles II d’Anjou et à Robert, duc de Calabre) et 192v°-193r° (21 août 1304, Saragosse : lettres adressées à 18 cardinaux).
47 Ibid., f° 194v°[1], éd. V. Salavert y Roca, Cerdeña y la expansión mediterránea de la Corona de Aragón, t. II, doc. 114, p. 150.
48 La rubrique « Legatio comissa per dominum nostrum regem ad soldanum Babilonie… » abrite des documents expédiés du 6 septembre 1322 au 20 août 1327 (ACA, C, reg. 338, ffos 138r°-140r°) ; après un folio blanc, la Legatio comissa per dominum regem Laurencio Cima judici curie ad regem Tunicii et Bugie… commence par une accréditation du 1er mai 1323 (ibid., f° 141r°).
49 Voir notamment ACA, C, reg. 252, ffos 35r°-37v°, 38v°-41v°, 44r°-50r°, 68r°-70v°, 76v°-81r°, 101r°-v°, 123v°-124v°, 129v°-131r°, 133v°-136r°, 136v°-144v°, 149r°-151v°, 152v°-160v°, 178r° - 217v° et 223v°-227r°.
50 Respectivement ACA, C, reg. 335, ffos 296r° (pour les ffos 296r°-299r°) et 299v° (pour les ffos 299v°-347r°) ; reg. 337, f° 317v° (pour les ffos 317v°-362r°) ; reg. 339, f° 369r° (pour les ffos 369r° - 383v°). Dans le registre 252 (1292-1300), une section similaire sans tête de chapitre se trouve aux ffos 178r°-217v°.
51 ACA, C, reg. 335, ffos 296r°-347r° (numérotation de 1 à 51). Les sections Super parte diversarum registratorum et Littere sparsse du registre 335 couvrent la période octobre 1301 - avril 1310, c’est-à-dire le champ embrassé par le registre originel aujourd’hui divisé en deux volumes — 334, 335 — ; la section In ista parte registrantur littere sparsse secrete du registre 337 contient des documents datés de février 1311 à avril 1319 (les volumes 336-337 vont de 1310 à 1319) ; la section Super diversis secretis du registre 339 abrite des entrées qui vont de mars 1319 à octobre 1323 (les volumes 338-339 vont de 1318 à 1327).
52 ACA, C, reg. 339, ffos 369r°-383v°.
53 Dans le registre ACA, C, reg. 337, des documents relatifs à une ambassade à Avignon de Pere Boyl en février 1318 sont enregistrés parmi d’autres au sein de la Legatio comissa Petro Boyl ad dominum papam entre les folios 283r° et 316 v°, mais d’autres documents postérieurs concernant cette même legatio sont enregistrés à partir du folio 354r° dans la section In ista parte registrantur littere sparsse secrete (ibid., f° 317r°).
54 Ibid., f° 342r°.
55 « Primo igitur, ut omnia procedant per ordinem, fuit hic registrata littera dicti regis Francie, licet iam supra registrata sit, quam aportavit Bernardus de Turri, ut superius est notatum… » (ACA, C, reg. 336, f° 112v°). La note précède l’enregistrement d’une lettre de Philippe IV à Jacques II du 26 avril 1313 (J. Reglá Campistol, La lucha por el Valle de Arán, t. II, doc. 31, pp. 311-312), en réponse à une ambassade menée par Bernat de Torre et Berenguer d’Argilaguer, au retour de ce dernier. Le premier enregistrement a eu lieu au retour de Bernat, avec une autre lettre du roi de France (ACA, C, reg. 336, f° 104r°[2]).
56 Les années n’apparaissent en titre qu’à deux reprises, en 1293 en pleine page, en 1317 en majuscules entre deux entrées (ACA, C, reg. 252, f° 71r°, reg. 337, f° 256v°).
57 « Super facto desabenencie regis Castelle et infantis Johannis » (ACA, C, reg. 337, f° 319r°).
58 « Inter dominum regem nostrum et illustrem regem Ffredericum » (ACA, C, reg. 334, f° 162r°, pour les ffos 162r°-170v°, documents du 9 juin 1303 au 26 octobre 1306).
59 Sur les courriers au service de Jacques II, voir pp. 119-126.
60 Cas des réponses de Jacques II à une ambassade de Frédéric III de Sicile (ACA, C, reg. 336, f° 25r°).
61 ACA, C, reg. 339, f° 260r°.
62 « Legatio destinata domino regi Aragonum per illustrem principem Francie regem et responssio ad eandem » (ACA, C, reg. 334, ffos 79r°-81r°), comportant une lettre de Jacques II, une accréditation de Philippe IV pour son ambassadeur (11 août 1302, Paris), des instructions françaises (s. d.), une accréditation en réponse de Jacques II (18 septembre 1302, s. l.), ses instructions à l’ambassadeur (s. d.), une lettre de Philippe IV à Jacques II (28 octobre 1302, Paris), la réponse du roi et sa lettre à des messagers français (19 novembre 1302, Barcelone).
63 « Subscriptas formas pacis atulerunt et domino regi nostro tradiderunt notarius Michelis de Cantono et Romeus de Arteriis […] ut continebantur inter alia in quaternis traditis per ipsos nuncios que habentur, de quibus quaternis fuerunt tradita translata antefatis nobili Geraldo de Rochabertino et Vitali de Villanova. Et etiam eisdem fuit traditum translatum formarum predictarum pacis tam in latino quam in vulgari… » (ACA, C, reg. 338, f° 8v°).
64 « Quando A[rnaldus] de Cumbis, archidiaconus Sancte Marie de Mari in ecclesia Barchinone, et Petrus Despens, jurisperitus, fuerunt missi ad dominum papam tam per dominum regem quam dominum infantem Petrum, fuit tradita dicto A[rnaldo] littera de credencia ad dictum dominum papam super facto comitatus Impuriarum et ipsis Arnaldo et Petro littera de credencia ad ipsum dominum papam super facto matrimonii domini infantis Petris, una cum aliis litteris pro negociis ipsis facientibus, ut infra videbitur » (ACA, C, reg. 339, f° 229r°).
65 ACA, C, reg. 338, ffos 138r°-151v°.
66 La « Legatio circa premissa comissa Gondiçalvo Garsie et Johanni Bergundi … » (ACA, C, reg. 335, f° 208r°) renvoie à la précédente legatio (ibid., f° 202r°).
67 Le titre « Continuatur hic super legatione […] de qua habetur supra in XX primo folio » (ACA, C, reg. 339, f° 257r°) renvoie à une legatio au f° 236r°.
68 Par exemple dans une note qui renvoie six lettres enregistrées plus haut (ACA, C, reg. 337, f° 264r°).
69 Cas d’une lettre incluse dans une lettre enregistrée (ACA, C, reg. 338, f° 17r°), qui renvoie par sa date à une autre lettre enregistrée (ibid., ffos 12v°-13r°).
70 ACA, C, reg. 336, f° 110v°.
71 « Predicte due littere fuerunt hic registrate, quia tangunt negocium regum Roberti et Ffrederici » (ACA, C, reg. 337, f° 308v°). Même méthode pour certaines rubriques (ibid., f° 173r°).
72 Trois lettres adressées à Frédéric de Sicile, qui relèvent de la rubrique « Circa negocium regis Frederici » (ACA, C, reg. 338, f° 28r°) sont précédées par la notice « Predicte tres littere proxime registrate similiter registrate sunt infra in rubrica legationis Simonis de Bello Loco » (ibid., f° 34r°) qui renvoie à la rubrique « Legatio principaliter per dominum infantem Alfonsum et consequenter per dominum regem comissa Simoni de Belloloco consiliario domini regis ad dominum papam et ad regem Robertum » (ibid., f° 52r°), où l’on retrouve effectivement les lettres, précédées de la note « Certum est quod subscripte tres littere consequenter registrate sunt similiter registrate supra inter alias sub rubrica “circa negocium regis Frederici” » (ibid., f° 57v°), mais… suivies d’une note similaire, d’une autre encre : « Predicte tres littere supra proxime registrate sunt similiter supra alibi registrate in rubrica ubi dicitur “circa negocium regis Frederici” » (ibid., f° 58r°).
73 Par exemple, à la note « Certum est quod super premissis negociis, cum hic registrari non possent, fuit recepta alia pars huius registri ad haec registranda, que est infra in XLVII° carta » (ibid., f° 62v°) correspond effectivement, quarante-sept folios plus loin, une rubrique et les documents devant être enregistrés : « Continuatio legationis comisse ad dominum papam et ad regem Robertum Simoni de Bello Loco, super negociis ipsius regis et regis Frederici et aliis de quibus habetur supra in L carta et sequentibus » (ibid., f° 110r°) [le renvoi est effectué au folio 60v°, car c’est le début de la Legatio concernée].
74 « Super isto negocio infra registratum est in XII° folio et sequentibus et etiam supra tangitur aliquid de isto negocio in XIII° folio et sequentibus » (ACA, C, reg. 339, f° 238v°).
75 ACA, C, reg. 334, f° 77r°.
76 Ibid., f° 181r°.
77 Des symboles graphiques parsèment l’un des Memoriales de Mateu Botella, ACA, C, Memoriales, 7/1 (inventaire de 1306). Voir J. Riera i Sans, Catálogo de Memoriales, notice [5], p. 24 ; R. Conde y Delgado de Molina, Les primeres Ordinacions de l’Arxiu Reial de Barcelona. Sur le rôle des symboles graphiques dans les actes médiévaux : P. Rück (éd.), Graphische Symbole in mittelalterlichen Urkunden.
78 La première fleur de lys se trouve à côté de la note de chancellerie « Quia hac pars non poterat capere plus negociorum legationis predicte, fuit infra continuatum negocium in lxxvii carta in prima pagina, cuius est tale signum » [suit la fleur de lys] (ACA, C, reg. 337, f° 190v°) qui clôt la première partie de l’enregistrement de la documentation d’une ambassade confiée à Vidal de Vilanova auprès du pape en février 1317. On retrouve effectivement soixante-dix-sept folios plus loin le renvoi par le folio et la fleur de lys « Super negociis legationis pro qua Vitalis de Villanova consiliarius domini regis est in curia domini pape. Estque alia prior pars ipsius legationis supra ac finit in lxxvii carta ubi est tale signum » (ibid., f° 267r°).
79 D. Navarro Bonilla, « Manifestaciones gráficas ordinarias », pp. 161-162.
80 Voir les notes qui annoncent la remise à Artal de Azlor et Sancho Garcés de Loriz d’un pouvoir, d’une lettre de créance, d’instructions, d’un sauf-conduit, et précèdent à chaque fois leur copie (respectivement : ACA, C, reg. 334, ffos 110r°-v°, 111r°, 111v°, 112r°). Les ambassadeurs partent en Castille, en 1303.
81 Ibid., f° 8v°.
82 Par exemple pour des ambassadeurs de Juan de Biscaya (ACA, C, reg. 339, f° 214r°).
83 ACA, C, reg. 336, f° 125r°.
84 ACA, C, reg. 338, f° 114v°[1].
85 « Postmodum cum dicti nuncii rediissent negocio inperfecto, sic tamen quod refferentes explicationem legationis sue dixerint inter cetera regem Francie debere suum nuncium destinare in proximo dicto regi nostro… » (ACA, C, reg. 335, f° 206r°).
86 « Nobilis Guillelmus de Caneto et Nicholaus de Sancto Iusto, thesaurarius illustris Sancii regis Maioricarum, venerunt ad dominum regem in civitate Valencie ex parte dicti Maioricarum regis et presentaverunt ei quandam litteram clausam dicti regis Maioricarum suo sigillo sigillatam, cuius tenor talis est » (ACA, C, reg. 338, f° 76r°).
87 « Predicti autem nuncii venerunt pro negocio potestatum Maioricarum et aliarum terrarum, quas dictus rex Maioricarum tenet pro domino rege in feudum, et super facto adventus dicti regis Maioricarum ad curias domini regis nostri, ut tenetur secundum convenencias… » (ibid.).
88 Ibid., f° 76r°-v°.
89 « Quibus tractatibus habitis, dominus rex noster rescripsit regi Maioricarum per litteram suam, traditam predictis nunciis sub forma sequenti … » (ibid., f° 76v°).
90 Ibid.
91 « Ad quae dominus rex noster rescripsit dicto regi Maioricarum, ut sequitur … » (ibid., f° 77r°).
92 Ibid., f° 78v°.
93 Sur les enjeux de cette désignation polémique de l’Arxiu de la Corona d’Aragó, voir C. López Rodríguez, « Orígenes del Archivo de la Corona de Aragón ».
94 « Legationum et Secretorum. Si algú dessitja fer la veritable i absoluta història dels reis d’Aragó sense l’estudi d’aquests registres i d’altres similars fracasarà. Per això el diligentíssim autor Jeroni Çurita en els seus Annals, no comet els errors que comet algú dels nostres, per què és fama que va tenir-ho en comte » (R. Conde y Delgado de Molina, « La búrxula del present Arxiu Real de Barcelona », p. 21).
95 Á. Canellas López, « Datos para la historia de los reinos peninsulares » ; Id., « Fuentes de Zurita ». Sur la méthode, B. Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, pp. 91-100.
96 R. Conde, « La transmisión de la iussio regis », pp. 83-85.
97 Nous faisons entrer dans cette catégorie les mentions hors-teneur qui comportent l’expression « fuit ei [Jacques II] lecta » ou une expression équivalente et celles qui indiquent une correction personnelle apportée par le roi. Son contrôle sur les documents diplomatiques apparaît aussi dans les notes de chancellerie particulièrement détaillées qui accompagnent certaines entrées du registre.
98 Pour une mission de Joan Borgunyó et Bernat Guillem Saportella au début du mois d’octobre 1314, la note « Ordinata itaque legatione predicta, ut superius continetur, dominus rex voluit iterum examinare capitula supradicta et propterea fuerunt lecta coram eo in consilio et correxit eadem capitula sub forma sequenti, aliquibus detractis et aliquibus correctis, ut inferius plenius continetur » (ACA, C, reg. 337, f° 237r°) prélude l’enregistrement d’une deuxième version des instructions.
99 ACA, C, reg. 336, f° 150v°.
100 Après une première version d’instructions remises à Vidal de Vilanova pour une mission auprès du pape en mars 1310 (ACA, C, reg. 335, f° 351v°), la note de chancellerie suivante a été apposée auprès du titre « Informatio autem tradita dicto Vitali de Villanova sequitur » : « Postea vero hac informatio fuit correcta et in pluribus mutata, ut patet inferius ubi latius registrata est, sicquod non hac, set illa fuit tradita Vitali de Villanova » (ibid.), la version définitive des instructions emmenées par Vidal de Vilanova se trouvant trois folios plus loin, après la note « Sequitur finalis informatio tradita Vitali de Villanova » (ibid., f° 354r°).
101 A. Kiesewetter « La Cancellaria Angioina », p. 373, fait un constat similaire pour les registres angevins.
102 ACA, C, reg. 336, f° 94r°[2]-v° (12 juillet 1312, Barcelone).
103 « Informatio tradita Bernardo de Abbate, judici curie, qui fuerat prius ordinatus ad eundum in legatione, postea comissa dicto Guillermo de Sancta Columba, et informatio tradita dicto Guillermo subsequitur infra in vulgari » (ibid., f° 106r°, éd. J. Reglá Campistol, La lucha por el Valle de Arán, t. II, doc. 34, pp. 315-316) qui renvoie aux instructions en catalan (ibid., ffos 107r°[2]-108r°, éd. C. A. Willemsen, « Der Kampf um das Vall d’Aran », doc. X, pp. 218-219).
104 Sur ces modes de transmission du courrier, voir pp. 124-136.
105 « Item quadernum indulgenciarium Hospitali concessarum. Item quaternum d’en Momelon… » (ibid., f° 259v°), remis à l’évêque Ponç de Lérida et à Bernat de Fonollar en février 1309 pour une ambassade à Avignon (ACA, C, reg. 335, ffos 257r°-259v°).
106 ACA, C, reg. 338, f° 23r°-v°.
107 « Si secundus procedat tractatus, dictus nuncius debet alloqui cum rege Francie circa ipsum negocium pro aliquibus obtinendis ab eo, videlicet de homagio, de servicio de veniendo ad curias ipsius regis Francie ratione hereditatis dicte puelle Beatricis filie dicti Johannis, ut possint per procuratorem dicti domini infantis hec explicari. Et propterea fuit tradita ipsi nuncio littera credencie ad dictum Francie regem tenoris sequentis » (ACA, C, reg. 339, f° 354v°). Sur ces négociations, voir pp. 462-466.
108 « Circa primum tractatum, si secundus non procedetur » (ibid., f° 355r°).
109 « Procuratorium circa primum tractatum, si secundus non procederet. Super alio tractatu matrimonii filie comitis Sabaudie » (ibid., f° 356v°).
110 ACA, C, reg. 334, f° 85v°.
111 Sur ce point, voir pp. 298-338.
112 La scribania du roi ne doit pas être entendue ici comme un lieu fixe, mais comme l’ensemble des escrivans (« scribes ») qui accompagnent le roi lors de ses déplacements dans les grandes résidences royales. Des notes de chancellerie mentionnent ainsi que la scribania du roi se trouve à Valence, Calatayud, Lérida et Barcelone (ACA, C, reg. 334, f° 88v°[2] ; reg. 335, f° 247v°[2] ; reg. 336, ffos 7v° et 12r° ; reg. 339, f° 386r°).
113 ACA, C, reg. 336, f° 125r° ; reg. 337, f° 289v°.
114 ACA, C, reg. 337, f° 252r°[4].
115 ACA, C, reg. 338, f° 155r°.
116 ACA, C, reg. 339, f° 199r° ; reg. 347, f° 88v°[2] (13 avril 1326, Barcelone).
117 Gonzalo García, conseiller du roi, de retour d’une mission non accomplie auprès du comte d’Empúries, restitue à Bernat d’Aversó quatre lettres de créance (ACA, C, reg. 336, f° 7v°). Pour une réintégration d’instructions, voir : ACA, C, reg. 338, f° 87r°.
118 ACA, C, reg. 336, f° 13r°[2], 13v°.
119 « Cancellatum, quia recuperatum fuit procuratorium, quia nil fuit procuratum », qui annule un pouvoir inutilisé par Guerau d’Albalat au Portugal en 1294 (ACA, C, reg. 252, f° 103r°). Même méthode, ibid., f° 103v°.
120 Lorsque des lettres de créance sont enregistrées sur le mode de la copie circulaire, la restitution et la destruction sont sommairement indiquées auprès des noms des destinataires. « Restituta et lacerata », annote-t-on ainsi après-coup des copies d’accréditations remises à Juan López et Guerau de Rocabertí, envoyés à Avignon (ACA, C, reg. 338, f° 40r°-v° [17 avril 1320, Montblanc]).
121 Voir p. 79.
122 « Revenientibus predictis nunciis, cum nichil egissent super effectu eorum pro quibus confectum fuit procuratorium proxime scriptum, restituerunt ipsum procuratorium, quod fuit laceratum. Item restituerunt plures litteras regias ex premissis eis traditis quas non presentaverunt et lacerate fuerunt, ut supra in singulis continetur. Item restituerunt capitula infrascripta informationis eis tradite, quae lacerate fuerunt, quia negocia in ipsis contenta capitulis non processerunt » (ACA, C, reg. 338, f° 41r° [il s’agit d’une ambassade de Juan López et Guerau de Rocabertí]).
123 Ibid., f° 104v°[4].
124 Sur les blancs, voir G. Dickinson, « Blanks and Blank Charters » ; P. Chaplais, English Medieval Diplomatic Practice, t. I-1, doc. 114-118, pp. 179-183.
125 « Et est certum quod, ad mandatum expressum domini regis, fuerunt tradita in Barchinone XIX kalendas septembris anno predicto [1323] dicto Petro Marti in scribania domini regis tria instrumenta pergamenea alba, in quibus nichil omnino scriptum erat, set sigillata sigillo domini appendicio ipsius domini regis, ut ipse Petrus Marti juxta comissa sibi in sua legatione uti valeat et scribi facere in eis, prout expedierit et negocia postulabunt » (ACA, C, reg. 339, f° 386r°).
126 « Postmodum autem, reveniente dicto Petro Marti a dicta legatione in Barchinona II° nonas septembris anno predicto, restituit in presentia domini regis in camera maiori sui palacii Barchinone Bernardo de Aversone, notario dicti domini regis, presente Guillelmo Augustini, scriptore ipsius domini regis, predicta eadem tria instrumenta pergamenea alba in quibus nichil scriptum fuerat, set tradita fuerant dicto Petro Marti sigillo communi pendenti dicti domini regis, ut predicitur, sigillata, sic quod incontinenti coram ipso domino rege et de mandato suo ipsa tria instrumenta fuerunt per dictum Bernardum lacerata et inscisa et sigilla pendentia in eis ex toto confracta » (ibid.).
127 M. M. Cárcel Ortí (éd.), Vocabulaire international de la diplomatique, p. 40.
128 Autres exemples de destructions de blancs : ACA, C, reg. 335, ffos 283v° et 291v°-292r°, etc.
129 Cas d’une lettre close emmenée par l’ambassadeur Ramon de Masquefa à la curie, pour laquelle une note précise : « In reditu predicti fratris Raimundi restituit hanc litteram clausam, quia non presentaverat eam, que fuit lacerata » (ACA, C, reg. 339, f° 355r°).
130 ACA, C, reg. 347, reg. 1521.
131 Le terme ne figure pas dans M. M. Cárcel Ortí (éd.), Vocabulaire international de la diplomatique. Ce type de document est pourtant fréquent, voir par exemple les protestationes du roi de Majorque qui refuse depuis Perpignan une alliance forcée avec la couronne d’Aragon les 23 août 1295 et 14 août 1301 (A. Lecoy de la Marche, Les relations politiques de la France avec le royaume de Majorque, t. I, doc. XXXVI, pp. 462-466, doc. XLII, pp. 473-476). Sur les protestationes, voir aussi pp. 288-292.
132 « Forme protestationum tradite in scriptis Bernardo de Fonollario et Raimundo Vinaderii, nunciis antefatis, sunt que sequntur… » (ACA, C, reg. 347, f° 21r°).
133 « Certum est quod, revenientibus de legatione predicta Bernardo de Fonollario et Raimundo Vinaderii supradictis, attulerunt duo instrumenta protestationum et eorum que egerunt supra premissi, quorum tenores inferius continentur et post eos subsequitur instrumentum protestationis facte per Bertrandum de Lauro et Franciscum de Luna nuncios missos apud Maioricem simili causa » (ibid., f° 24v°).
134 Les protestations sont regroupées plus loin dans le registre avec celles d’une ambassade postérieure menée par Betran Desllor et Francesc de Luna. Leur copie est annoncée par une note préalable (ibid., f° 32r°), puis une double note de chancellerie (ibid., f° 36r°) annonce la transcription des protestations effectuées lors des deux ambassades (ibid., ffos 36r°-46v° et 47r°-52v°).
135 Cas d’une intéressante protestación en aragonais remise à Jiménez de Tovia, que ce dernier aurait pu utiliser auprès du roi de Castille Alphonse XI, si celui-ci avait refusé de renouveler les accords d’Ágreda (1304) [ACA, C, reg. 1521, f° 77r° (ca. 22 septembre 1326, Barcelone)].
136 ACA, C, CR de Jaume II, caixa 161 [ES], n° 1733 (s. d.). Cette remise fait probablement suite à un ordre donné par le roi en mars 1311 à Bernat d’Aversó (ACA, C, reg. 239, f° 38 r°) : il doit chercher dans les armoires de la maison de l’Hôpital à Barcelone des procès relatifs au Val d’Aran qui figurent dans la liste. Sur l’ambassade, voir J. Reglá Campistol, La lucha por el Valle de Arán, t. I, pp. 123-132 ; A. Forey, The Fall of the Templars, pp. 156-169.
137 ACA, C, reg. 336, f° 67r°. Peut-être la liste fut-elle feuillet de registre avant d’aboutir dans les Cartes Reials.
138 Avant leur départ, les ambassadeurs du roi d’Angleterre effectuent un acte d’endenture où figure la liste de tous les documents emmenés (P. Chaplais, English Medieval Diplomatic Practice, t. II, doc. 356, p. 742).
139 M. M. Cárcel Ortí (éd.), Vocabulaire international de la diplomatique, p. 38.
140 « Ut memoria habeatur ad hec, solum hic scriptum est, quod predictus Maioricarum rex nunc concessit mutuare domino regi nostro quantitatem duodecim mille librarum Barchinone […] Et de hoc fuit confectum instrumentum debitarum registratum in registro solutionum actum in civitate Barchinone V idus augusti anno predicto et clausum per Guillelmum Augustini scriptorem domini regis et notarium publicum… » (ACA, C, reg. 339, f° 385v°[2]).
141 Sur ce point, voir supra l’usage de la mention probatum.
142 ACA, C, reg. 336, f° 0r°..
143 Sur ce point, voir pp. 27-28.
144 ACA, C, CR de Jaume II, caixa 12, n° 1591 (17 mars 1302, siège du château de Montfalcó).
145 « Hoc registrum ordina[tum] est super facto declarationis quam illustris Sancius rex Maioricarum intendit facere, ut f[er]tur, supra jure successionis regni Maioricarum et aliarum terrarum suarum. Et super aliis subsequendis » (ACA, C, reg. 347, f° 1r°). Ce registre rassemble des documents qui vont de 1318 à 1325, mais a visiblement commencé à être composé en 1324 au moment de la crise successorale. Il s’agit d’une ressource juridique consultée par les ambassadeurs aragonais avant leur départ en mission.
146 ACA, C, reg. 1521 et 292. Sur ce dernier registre, voir pp. 468-480.
147 En témoigne une note suivant une copie d’accords de trêves passés en 1304 : « Les cartes de la ratificació feta […] són largament registrades en lo registre, del qual són stats trets aquests trellats per què si són necessaris trametan a la scrivania e hauran los axí del rey de Castella com del rey d’Aragó » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 26, n° 3331, f° 9v°).
148 En cas de perte de la documentation à l’archivium, on se tourne vers les registres. Gil de Jaca, ancien notaire, doit ainsi chercher dans ses notes et envoyer au roi des copies de lettres relatives à des engagements pris par Berenguer d’Entença en 1299 lors d’une mission à Naples (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 148 [ES], n° 411).
149 Le registre Maioricarum (ACA, C, reg. 347) est ainsi rempli de notes de chancellerie postérieures, notamment de mentions super x.. auprès de très nombreux documents. L’hypothèse d’une utilisation ultérieure est renforcée par la note en page de garde (f° 0r°) « Maioricarum anno M.CCCXVIII usque XXVII ».
150 F. de Bofarull i Sans, Historia del Archivo de la Corona de Aragón, pp. 37-43 ; R. Conde y Delgado de Molina, Les primeres ordinacions de l’Arxiu Reial de Barcelona. Des ordres de perquisition de documents demeurent inédits pour le règne de Jacques II, par exemple : ACA, C, reg. 238, f° 197r°[2].
151 ACA, C, reg. 252, f° 177v°[4] (25 octobre 1297, Teruel).
152 D’après une lettre de Guillem ça Ruvira à Bernat d’Aversó : « … Litteram domini regis et aliam vestram habui super perquirendo rescripto papali et tradendo Bernardo de Boxados. Hocque fuit die sabbati X° kalendas aprilis. Et domina consors vestra erat apud Turrim et misi ad eam, ut haberem claves et habui et perquisivi in coffro de quo dixistis et inveni ibi illud, quod comprobavi cum transumpto quod misistis et illud idem est. Quod incontinenti tradidi dicto Bernardo de Boxados et habui litteram ab eo directam vobis, que facetur recepisse per manum meam rescriptum predictum, quam litteram vobis mito presentibus interclusam … » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 151 [ES], n° 778 [23 mars 1326, Barcelone]). Sur le rôle central de Bernat d’Aversó dans le fonctionnement des archives, voir F. de Bofarull i Sans, Historia del Archivo de la Corona de Aragón, doc. XXIII-XXIV, XXVI-XXX.
153 ACA, C, CR de Jaume II, caixa 25, n° 3204 (26 mai 1326, Calatayud), éd. partielle (sans la liste des documents) F. de Bofarull i Sans, Historia del Archivo de la Corona de Aragón, doc. XVII, pp. 42-43.
154 « … Quod pro quibusdam informationibus habendis necessariis in negocio legationis quam ordinamus ad sacram presentiam vestram et ad magnificos principes karissimos fratres nostros Robertum Sicilie et Fredericum Trinacrie reges, quas perquiri opportuit et opportet in archivo scriptorum nostrorum, nuncios nostros per presentem mensem februarii, ut ordinaveramus ac etiam dixeramus discreto Bonifilio de Guardia militi nuper per dictum regem Sicilie ad nos destinato adesse facere non valemus. Set convenit, ut hoc usque ad medium instantis mensis martii (sic) differatur, quo prolongato termino antedicti nostri nuncii se indubie coram vestra beatitudine presentabunt… » (ACA, C, reg. 339, f° 191v°[1]).
155 « … E per ço, sant pare, que la vostra sanctitat veia e conega que nostre senyor lo rey ha dret e bon enteniment en aquestes affers, desigan molt que venguessen a bona pau e a bona fi e que no roman en ell de cercar totes maneres per què es pogués fer, tramet vos totes aquelles formes de pau que ell sap que són estades mogudes tro vuy per diverses temps passats entre · ls reys damuntdits e axí com les ha pogudes fer trobar en sos registres de lonc de temps a ençà, les quals a la vostra sanctitat som ara aparellats de mostrar o quant vos placia… » (ibid., f° 197r° [ca. 15 mars 1326, Barcelone]).
156 Sur l’affaire, voir J. Reglá Campistol, La lucha por el Valle de Arán.
157 ACA, C, reg. 239, f° 38r°[2] (15 mars 1311, Valence). Cet ordre de perquisition répond à une demande formulée par le roi Sanche de Majorque, qu’on informe de la procédure (ibid., f° 38r°[3] [15 mars 1311, Valence]).
158 J. Reglá Campistol, La lucha por el Valle de Arán, t. II, doc. 14, p. 291.
159 Ibid., doc. 12, p. 288.
160 Ibid., doc. 60, pp. 348-349.
161 « Caixa illa que erat in archivo domini regis, quod est in civitate Barchinone apud hospitale sancti Johannis Jherosolomitani in qua erant reposite et conservate scripture facientes pro valle Aranni fuit inde extracta et aportata ad civitatem Ilerde de mandato ipsius domini regis per Bernardum de Turri et Bernardum de Serradello et in presentia venerabilium Omberti de Capite Pontis, G[uillelmi] de Jaffero et P[etri] Despens, et fuerunt in ea invente scripture sequentes [liste des documents précédés d’une croix, puis des documents qui en sont dépourvus] Et predicte scripture remanserunt in dicta caxia que fuit reposita apud predicatores Ilerde nomine domini regis, illis exceptis que sunt cruce signate, que de consilio predictorum fuerunt portate ad vallem Aranni per Bernardum de Serradello. In quorum testimonium nos predicti Ombertus de Capitepontis, Guillelmus de Jaffero, Petrus Despens et Bernardus de Turri sigilla nostra duximus apponenda [trace de 4 sceaux] » (ACA, C, CR de Jaume II, caixa 25, n° 3203 [ca. printemps 1314, Lérida], éd. partielle F. de Bofarull i Sans, Historia del Archivo de la Corona de Aragón, doc. XIV, p. 39).
162 « … Nos vero, quia quibusdam ad haec scriptis indigebamus quae erant in archivo regio Barchinone, ad quam civitatem tunc dirigebamus accessum, usque ibi eos [les ambassadeurs] propterea duximus retinendos, abhinc, eis inibi tam dictis scriptis quam aliis maturiore discusione provisis, eosdem nuncios ad vestram presentiam remisimus expeditos… » (ACA, C, reg. 336, f° 27v° [1er octobre 1310, Barcelone]).
163 Voir pp. 493-499.
164 « … Similiter super facto instrumentarum que petitur a nobis pro parte vestra, mandavimus perquiri instrumenta archivii nostri, eo presente, et ea ex ipsis que videntur pro vobis facere mandavimus sibi tradi vobis defferenda per eum … » (ACA, C, reg. 241, f° 68v°[2] [24 octobre 1313, Barcelone]).
165 Lettre de Jacques II à Sanche de Majorque : « … Significamus vobis nobilem virum Jaspertum, vicecomitem Castri Novi, ad nos per vos cum littera credencie super quibusdam negociis destinatum presentasse nobis quoddam scriptum clausum vestro sigillo sigillatum, quod misistis nobis super facto nobilium Guillelmi de Caneti et Petri de Fenolleto, quodque nos apperuimus et que eius series continebat audivimus et intelleximus diligenter, de quibus vehementer fuimus admirati, scientes ea qua ad nos veritatem nullatenus continere. Et continuo legationum articulos per nos comissarum nobili Bernardo Guillelmi de Portella et venerabili Johanni Burgundi sacriste Maiorice, quando ipsos ad regem Ffrancie misimus, sicut scitis, in registro nostro fecimus recognosci, et etiam dicto Jasperto ad occulum hostenda, et ad instanciam etiam predicti Jasperti mittimus vobis copiam legationis, quam non soli dicto sacriste, set etiam ambobus predictis nobili Bernardo Guillelmi et sacriste comisimus, prout plenius in cedula hic interclusa videbitis contineri… » (ACA, C, reg. 337, f° 264r°[1] [8 janvier 1318, Valence]). Une note de chancellerie assure ensuite que la copie de la legatio familiaris incriminée a bien été faite d’après sa version enregistrée aux ffos 247v°-248r°.
166 « Nichilominus etiam vocavimus ad nos dictum sacristam presentem in curia nostra, cui hostendimus et perlegi fecimus dictum scriptum, qui miratus quamplurimum et turbatus se de contentis in ipso scripto totaliter excusavit, dicens se processisse et fecisse una cum dicto nobili tam in predictis, quam aliis secundum informationem nostram et non alias et per se solum processisse in nullo quia hoc informatio non dicebat, affectantes insuper rem prodire in lucem ad nos dictum nobilem Bernardum Guillelmi providimus evocandum … » (ibid., f° 264r°[1] [8 janvier 1318, Valence]).
167 Selon l’expression employée par S. M. Cingolani, La memòria dels reis pour les textes historiographiques.
168 « Making documents for administrative use, keeping them as records, and using them again for reference were three distinct stages of development which did not automatically and immediately follow from each other », écrit ainsi M. T. Clanchy, From Memory to Written Record, p. 125, situant la troisième étape autour de 1300 pour la monarchie anglaise. Pour la France, voir O. Guyotjeannin, « Les méthodes de travail des archivistes du roi de France », notamment p. 122.
169 M. T. Clanchy, From Memory to written Record, pp. 50 et 141.
170 O. Guyotjeannin, « Les méthodes de travail des archivistes du roi de France ».
171 J. Kerhervé, « Les enquêtes sur les droits “royaux et ducaux” de Bretagne », p. 425.
172 F. Senatore, Forme e strutture della diplomazia sforzesca.
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