Résumés
p. 819-830
Texte intégral
Résumé
1L’organisation et les conceptions de l’armée romaine furent-elles mises à mal par les contraintes spécifiques liées aux guerres successives menées par Rome dans la péninsule Ibérique entre la fin du IIIe s. et le milieu du Ier s. av. J. -C. ? C’est la question à laquelle ce livre se propose d’offrir quelques éléments de réponse, ou du moins de réflexion. En effet, il est frappant de constater à quel point l’idée d’une transformation de l’exercitus républicain, voire d’une crise de celui-ci, est associée dans l’historiographie, de façon plus ou moins explicite, aux guerres de conquête en Hispanie. Le rôle que celles-ci ont joué dans l’évolution d’une institution aussi fondamentale dans la définition et dans l’histoire de la res publica méritait par conséquent un réexamen. De ce point de vue, il apparaît que c’est à la notion même d’un particularisme hispanique en la matière qu’il convient de renoncer. Pour le démontrer, le propos s’organise en trois parties qui abordent successivement les domaines correspondant aux différentes tâches confiées à une armée de conquête (combattre, contrôler, exploiter) et pour lesquelles un tel particularisme est souvent admis.
2En premier lieu, ce livre insiste sur le fait que les conceptions stratégiques et tactiques des armées romaines, partagées en partie avec celles de la guerre hellénistique, leur offraient les moyens de porter, plus efficacement qu’on ne l’a dit, la guerre outre-mer, d’autant plus que Rome ne se trouva pas enlisée dans une seule et même longue guerre, divisée en phases successives, mais qu’elle mena en fait sur place des campagnes répétées, et néanmoins distinctes, en fonction d’objectifs très variables. Chaque campagne, généralement localisée, correspondait à un ensemble complexe de dispositions qui préparaient ou accompagnaient le moment de la confrontation proprement dite. En amont, la collecte de renseignements, la conclusion de nouvelles alliances, le rassemblement de stocks d’armes et de vivres à proximité de la zone de combat, étaient destinés à créer les conditions opérationnelles les plus favorables pour les troupes engagées dans la campagne à venir. Durant les opérations elles-mêmes, l’approvisionnement continu des légions par des convois depuis les dépôts établis préalablement, la reconnaissance permanente du terrain et des itinéraires par des éclaireurs ainsi que l’occupation des places fortes de l’ennemi, voire la destruction méthodique de ses champs et de ses maisons, devaient donner aux armées romaines la faculté de harceler l’adversaire afin de maintenir sur lui une pression constante et de le pousser à engager le combat dans une situation désavantageuse pour lui. Ces objectifs étaient atteints notamment par la fortification d’entrepôts ou l’installation de garnisons et de postes militaires à l’intérieur de la zone des combats. En aval, la dispersion relative des troupes dans les quartiers d’hiver, installés à l’intérieur ou à proximité des villes alliées, en retrait du théâtre des opérations de la saison écoulée, favorisait la conservation des principaux acquis de l’offensive précédente tout en offrant la possibilité de se livrer aux préparatifs de la suivante. Ainsi chacune des trois étapes d’une campagne militaire dépendait de dispositifs offensifs impliquant une bonne maîtrise de l’espace et de ses ressources, dont la trace dans la documentation apparaît trop souvent, à tort, comme le reflet d’une volonté d’organisation à long terme des territoires provinciaux. Rome ne planifia pas militairement la conquête de l’Hispania. En revanche, ses généraux organisaient leurs expéditions avec soin. L’analyse des sources exige de prendre en compte ce changement d’échelle, de la province tout entière vers la simple campagne militaire, du durable au temporaire. Un tel déplacement de perspective apparaît comme un élément essentiel pour réévaluer l’effort militaire représenté par l’expansion romaine dans cette partie de la Méditerranée.
3Dans ce contexte, la deuxième conclusion de ce livre est que les armées de la conquête ne constituèrent pas un instrument de contrôle des régions conquises et ne se transformèrent pas progressivement en troupes de garnisons. Une large part de ce travail a consisté en effet à soumettre à la critique les témoignages matériels qu’on a pris l’habitude d’associer à la présence et à l’activité des armées romaines durant la conquête. Cette révision s’est essentiellement effectuée à partir de l’analyse des publications existantes. En dépit de cette limite, ce premier examen permet déjà de mettre en évidence la fragilité des conclusions tirées d’un dossier archéologique beaucoup moins bien établi et beaucoup moins cohérent qu’on ne veut bien habituellement l’affirmer. Ce faisant, l’impression d’originalité laissée jusqu’à présent, dans le domaine militaire, par la documentation relative à la péninsule Ibérique s’en trouve incontestablement affaiblie. Plus généralement, il n’existe aucun indice d’une quelconque évolution vers une stabilisation des forces armées à l’intérieur des territoires provinciaux. Au contraire, leur fonction demeura essentiellement offensive, ce que reflète la relative sophistication des dispositifs stratégiques et logistiques évoqués précédemment. Telle qu’elle se laisse percevoir dans notre documentation, l’organisation des armées d’Hispania était ainsi tout entière bâtie autour d’une double nécessité : celle de se déplacer pour atteindre l’adversaire et celle de l’affronter dans les meilleures conditions possibles. Les traditions guerrières des différentes sociétés péninsulaires contribuent, pour une grande part, à expliquer le fait que cette approche conventionnelle de la guerre prédomina tout au long de la conquête. En effet, l’historiographie moderne a excessivement valorisé la pratique de la guérilla par les peuples ibériques, au détriment de la bataille rangée qui représenta pourtant leur principal mode de confrontation avec les armées romaines. Or, sur le champ de bataille, la flexibilité tactique et l’équipement des armées républicaines formaient des atouts particulièrement précieux. C’est donc précisément parce que la tradition indigène privilégiait un affrontement classique dans lequel les légions détenaient un avantage certain que Rome put assurer progressivement son hégémonie par les armes, sans développer de nouvelles conceptions stratégiques. Le cloisonnement politique de la Péninsule acheva, en outre, de donner à cet avantage son caractère décisif, en limitant l’envergure de conflits dans lesquels la diplomatie et la dissuasion jouaient également un rôle essentiel.
4Enfin il faut souligner la place importante des liens maintenus par ces troupes avec Rome et l’Italie tout au long de la conquête. En ce sens, pour l’ensemble de la période considérée, on ne saurait conclure à une émergence d’armées provinciales, même de façon embryonnaire. D’une part, l’absence de projet prémédité de conquête de la Péninsule, évoquée précédemment, ne signifiait pas le désintérêt du sénat envers la conduite de la guerre sur place. Loin de déléguer, en raison de l’éloignement des théâtres d’opération, la totalité des responsabilités et des initiatives aux généraux placés à la tête des armées, les patres conservaient, au contraire, une influence décisive sur la progression de la conquête et sur le déroulement même des opérations. Bien entendu, le succès de la campagne, une fois celle-ci engagée, dépendait des compétences et de l’habileté propres à chaque chef d’armée. D’autre part, le sénat continuait à jouir du pouvoir d’intervenir directement dans trois domaines essentiels. D’abord, la définition précise de la politique extérieure de Rome dans la Péninsule. En effet, la connaissance que pouvait détenir l’assemblée des réalités ibériques pour fonder ses décisions ne doit pas être sous-estimée. Le sénat comptait en son sein nombre de membres qui avaient eu l’occasion, à des titres divers, de servir sur place. En outre, il maintenait une communication régulière avec les magistrats chargés des provinces. On ne peut douter que les orientations données à l’activité militaire aient résulté de mécanismes collectifs de prise de décision. Le second domaine d’intervention du sénat n’était pas moins crucial. Tout indique, en effet, que les armées d’Espagne ne s’affranchirent pas, durant toute la période, d’une infrastructure logistique étroitement contrôlée par l’État depuis l’Italie. On a pu parfois affirmer le contraire en raison de l’impossibilité évidente pour ces armées de se procurer certaines fournitures ailleurs que sur place. Mais, en réalité, l’important est de rappeler que, parmi tous les éléments nécessaires à l’entretien des troupes, ceux qui exprimaient traditionnellement l’appartenance des armées à la cité et la dépendance du général à l’égard du sénat continuèrent bien, en ce qui concerne les provinces ibériques, à relever de l’autorité de cette assemblée, comme le montre, en particulier, l’exemple de la solde légionnaire. Le maintien de ce système se fit d’autant plus naturellement que la responsabilité de l’État ne portait, en fin de compte, que sur une portion assez réduite des fournitures nécessaires. Aussi, en ce qui concerne ces fournitures étatiques, une décentralisation éventuelle au profit de l’administration naissante des provinces se révélait dépourvue de nécessité véritable sur le plan pratique. À l’inverse, se renforçait plutôt la volonté de conserver le contrôle sur les moyens dont disposaient les généraux auxquels la détention de l’imperium comme leur éloignement conféraient déjà un degré très élevé d’autonomie. Il faut donc renoncer à l’idée que Rome aurait développé l’organisation de ses provinces ibériques dans le but de solder et de ravitailler ses troupes. Le lien étroit de ces dernières avec l’Italie et la cité romaine ne cessa au contraire d’être réaffirmé. Ainsi, le sénat, et c’est le dernier domaine où se faisait sentir ce souci de contrôle, demeurait maître de l’affectation des effectifs et de la fixation de leur niveau annuel en fonction des besoins. Mieux, il semble même avoir développé assez rapidement des procédés administratifs perfectionnés, destinés à faciliter la rotation régulière des soldats envoyés dans ces provinces lointaines. On n’assiste d’ailleurs ni à l’émergence d’un service légionnaire spécifique aux Hispaniae, ni à l’établissement d’un vrai recrutement local. Bien que levés par le général lui-même, les auxiliaires hispaniques étaient vraisemblablement licenciés à la fin de chaque campagne et ne se substituèrent jamais aux troupes italiennes. Quant à la conscription provinciale, souvent considérée comme le reflet de l’exception hispanique, il s’agit d’un phénomène encore très limité à la fin de notre période.
5Ainsi, à travers le cas particulier des guerres en Hispanie, ce sont plus généralement les rapports de l’armée et de la conquête à l’époque républicaine qui sont posés : la conquête et la conservation des vastes territoires outre-mer appelaient-elles nécessairement, comme on le croit parfois, le développement d’une armée conçue sur des bases différentes, c’est-à-dire d’une armée permanente ? En d’autres termes, puisque la République impériale ne s’est jamais dotée de cette armée permanente, était-elle pour cette raison (et donc presque par définition) en contradiction, sur le plan de son infrastructure militaire, avec les exigences induites par l’entreprise de conquête ? Ce livre suggère que non. Loin de démontrer l’insuffisance de l’organisation militaire de la République et une situation de blocage provoquée par la dimension nouvelle des guerres d’expansion, les sources relatives à l’Hispanie témoignent davantage de la flexibilité du système et de sa réelle capacité d’adaptation. Il semble même que les contraintes propres à la péninsule Ibérique ont plutôt contribué à l’élaboration de solutions allant dans le sens d’un renforcement de cette flexibilité.
Resumen
6¿Las necesidades específicas derivadas de las sucesivas guerras emprendidas por Roma en la Península Ibérica entre finales del siglo III y mediados del siglo I a. C. pusieron en cuestión la organización y las concepciones del ejército romano ? Esta obra pretende ofrecer algunos elementos de respuesta, o al menos de reflexión, a esta cuestión. Es llamativo constatar, en efecto, hasta qué punto la idea de una transformación, se podría incluso hablar de una crisis, del exercitus republicano está asociada en la historiografía, de forma más o menos explícita, a las guerras de conquista en Hispania. El papel que éstas desempeñaron en la evolución de una institución tan fundamental en la definición y en la historia de la res publica merecía, por tanto, ser examinado de nuevo. Desde este punto de vista, consideramos que convendría renunciar a la noción misma de un particularismo hispánico en la materia. Para demostrarlo, nuestra argumentación se divide en tres partes que abordan sucesivamente los ámbitos correspondientes a las diversas tareas encomendadas a un ejército de conquista (combatir, controlar, explotar) respecto a las cuales se postula a menudo dicho particularismo.
7En primer lugar, este libro insiste en el hecho de que las concepciones estratégicas y tácticas propias de los ejércitos romanos, compartidas en parte con las de la guerra helenística, les ofrecían los medios de llevar la guerra a ultramar, más eficazmente de lo que se suele afirmar, tanto más cuanto que Roma no se encontraba inmersa en una única y misma guerra prolongada, dividida en fases sucesivas, sino que desarrolló sobre el terreno campañas repetidas y sin embargo distintas en función de objetivos muy variables. Cada campaña, por lo general localizada, correspondía a un conjunto complejo de disposiciones que preparaban o acompañaban el momento de la confrontación propiamente dicha. En primer lugar, la recogida de información, la conclusión de nuevas alianzas, la acumulación de stocks de armas y víveres en las proximidades de la zona de combate, estaban destinadas a crear las condiciones operativas más favorables para las tropas enviadas a la futura campaña. Durante las propias operaciones, el avituallamiento permanente de las legiones mediante convoyes desde los depósitos establecidos con anterioridad, el reconocimiento continuo del terreno y de los itinerarios por los exploradores, así como la ocupación de las plazas fuertes del enemigo, e incluso la destrucción metódica de sus campos y viviendas, debían proporcionar a los ejércitos romanos la facultad de hostigar al adversario para mantener sobre él una presión constante y obligarle a entablar combate en una situación desfavorable. Estos objetivos se alcanzaban, sobre todo, mediante la fortificación de almacenes o la instalación de guarniciones y puestos militares en el interior de la zona de combate. En segundo lugar, la relativa dispersión de las tropas en los cuarteles de invierno, instalados en el interior o en las proximidades de las ciudades aliadas, por detrás de los teatros de operaciones de la temporada pasada, favorecía la conservación de las principales adquisiciones de la ofensiva precedente a la vez que ofrecía la posibilidad de dedicarse a los preparativos de la siguiente. Así, cada una de las etapas de una campaña militar dependía de dispositivos ofensivos que implicaban un buen dominio del espacio y sus recursos, cuya huella en la documentación aparece a menudo, pero erróneamente, como el reflejo de una voluntad de organización a largo plazo de las provincias. Roma no planificó militarmente la conquista de Hispania ; en cambio, sus generales organizaban minuciosamente sus expediciones. El análisis de las fuentes exige tomar en consideración este cambio de escala, del conjunto de la provincia a la simple campaña militar, de lo perdurable a lo temporal. Tal desplazamiento de la perspectiva nos parece un elemento esencial para reevaluar el esfuerzo militar que representó la expansión romana en esta parte del Mediterráneo.
8En este contexto, la segunda conclusión de esta obra es que los ejércitos de conquista no supusieron un instrumento de control de las regiones conquistadas ni se transformaron progresivamente en tropas de guarnición. Una parte importante de este trabajo ha consistido, en efecto, en someter a crítica los testimonios materiales que se han asociado habitualmente a la presencia y la actividad de los ejércitos romanos durante la conquista, revisión realizada fundamentalmente a partir del análisis de las publicaciones existentes. A pesar de esa limitación, este primer examen permite ya resaltar la fragilidad de las conclusiones obtenidas a partir de un corpus arqueológico peor establecido y mucho menos coherente de lo que habitualmente se suele reconocer, lo cual deja incontestablemente atemperada la impresión de originalidad que ha venido suscitando hasta ahora la documentación relativa a la Península Ibérica en el ámbito militar. Más en general, no existe ningún indicio de una supuesta evolución hacia una estabilización de las fuerzas armadas en el interior de los territorios provinciales. Su función, por el contrario, siguió siendo esencialmente ofensiva, como refleja la relativa sofisticación de los dispositivos estratégicos y logísticos que hemos señalado anteriormente. Tal y como se desprende de nuestra documentación, la organización de los ejércitos de Hispania estaba enteramente construida alrededor de una doble necesidad : la de desplazarse para alcanzar al adversario y la de enfrentarse a él en las mejores condiciones posibles. Las tradiciones guerreras de las diferentes sociedades peninsulares contribuyen, en gran parte, a explicar que este enfoque convencional de la guerra predominase a lo largo de la conquista. En efecto, la historiografía moderna ha sobrevalorado la práctica de la guerrilla en los pueblos ibéricos, en detrimento del combate en orden de batalla que supuso, sin embargo, el principal modo de confrontación con los ejércitos romanos. Ahora bien, en el campo de batalla, la flexibilidad táctica y el equipamiento de los ejércitos republicanos constituían bazas particularmente valiosas. Precisamente porque la tradición indígena privilegiaba el enfrentamiento clásico — en el que las legiones tenían una ventaja evidente —, Roma pudo afirmar progresivamente su hegemonía a través de las armas sin desarrollar nuevas concepciones estratégicas. El fraccionamiento político de la Península terminó, además, dando a esa ventaja su carácter decisivo, al limitar la envergadura de unos conflictos en los que la diplomacia y la disuasión desempeñaban también un papel esencial.
9Por último, hay que resaltar la importancia de los vínculos que las tropas mantuvieron con Roma e Italia a lo largo de toda la conquista. En este sentido no sería posible postular una emergencia, ni aun embrionaria, de ejércitos provinciales en el conjunto del período considerado. Por un lado, la ausencia de un proyecto premeditado de conquista de la Península, que ya hemos señalado, no significaba un desinterés por parte del Senado respecto a la dirección de la guerra sobre el terreno. Lejos de delegar, a causa de la lejanía de los teatros de operaciones, todas las responsabilidades e iniciativas en los generales al mando de los ejércitos, los patres conservaron una influencia decisiva sobre la progresión de la conquista y sobre el desarrollo mismo de las operaciones, aunque, por supuesto, el éxito de la campaña, una vez entablada, dependía de las competencias y las habilidades propias de cada jefe militar. Por otro lado, el Senado seguía disfrutando de su capacidad de intervenir directamente en tres ámbitos esenciales. Primero, en la definición precisa de la política exterior de Roma respecto a la Península. No deberíamos, en efecto, subestimar el conocimiento que podía tener la asamblea acerca de las realidades ibéricas para fundar sus decisiones. El Senado contaba entre sus miembros con muchos que habían tenido ocasión de servir en Hispania en diversos empleos. Además, mantenía una comunicación regular con los magistrados provinciales. No hay duda de que las orientaciones impuestas a la actividad militar son el resultado de mecanismos decisorios colectivos. No menos crucial era el segundo ámbito de intervención del Senado. Todo indica, en efecto, que a lo largo de este período los ejércitos de España no se vieron libres de una infraestructura logística estrechamente controlada desde Italia por el Estado. A veces se ha mantenido lo contrario, a causa de la evidente imposibilidad del ejército de procurarse determinadas provisiones fuera de Hispania. Pero, en realidad, lo que importa es recordar que, entre todos los elementos necesarios para el mantenimiento de las tropas, aquellos que manifestaban tradicionalmente la pertenencia de los ejércitos a la ciudad y la subordinación del general al Senado continuaron, en lo que atañe a las provincias ibéricas, siendo competencia de la autoridad de aquella asamblea, como lo demuestra, en particular, el ejemplo del sueldo de las legiones. El mantenimiento de este sistema se realizó tanto más naturalmente cuanto que la responsabilidad del Estado se limitaba, a fin de cuentas, a una porción bastante reducida de las provisiones necesarias. Así, en lo que concierne a las provisiones estatales, no existía en la práctica auténtica necesidad de una eventual descentralización en beneficio de la incipiente administración provincial. Por el contrario, más bien se reforzaba la voluntad de mantener el control sobre los medios a disposición de unos generales a quienes tanto el ejercicio del imperium como su alejamiento otorgaba ya un alto grado de autonomía. Hay pues que renunciar a la idea de que Roma habría desarrollado la organización de sus provincias ibéricas con la finalidad de pagar y avituallar a sus tropas. Por el contrario, la estrecha vinculación de éstas con Italia y la ciudad romana no cesó de reafirmarse. Así, el Senado (y es el último ámbito donde se hacía patente esa voluntad de control) mantenía su potestad sobre la asignación de efectivos y fijaba anualmente su número en función de las necesidades. Más aún, parece haber desarrollado con bastante rapidez elaborados procedimientos administrativos encaminados a facilitar la rotación regular de los soldados enviados a esas lejanas provincias. No asistimos, por otro lado, ni a la emergencia de un servicio legionario específico en las Hispaniae ni a la implantación de un auténtico reclutamiento local. Aunque reclutados por el propio general, los auxiliares hispanos eran presumiblemente licenciados al finalizar cada campaña y nunca llegaron a sustituir a las tropas italianas. En cuanto al reclutamiento provincial, a menudo considerado como la prueba de la excepción hispánica, se trata de un fenómeno todavía muy limitado a finales de nuestro período.
10De esta forma, a través del caso particular de las guerras en Hispania, quedan planteadas, más en general, las relaciones entre ejército y conquista en época republicana : ¿La conquista y la conservación de los vastos territorios de ultramar exigían, como a veces se piensa, el desarrollo de un ejército concebido bajo presupuestos diferentes, es decir, un ejército permanente ? En otras palabras, el hecho de que la República imperial nunca se dotase de un ejército permanente ¿significaba que en el plano de la infraestructura militar se encontraba en contradicción (casi por definición, por tanto) con las exigencias derivadas de la empresa conquistadora ? Este libro sugiere que no. Lejos de demostrar la insuficiencia de la organización militar de la República y una situación de bloqueo provocada por la nueva dimensión de las guerras de expansión, las fuentes relativas a Hispania aportan más bien datos sobre la flexibilidad del sistema y sobre su capacidad real de adaptación. Incluso parece que las constricciones específicas de la Península Ibérica contribuyeron más bien a la elaboración de soluciones tendentes a reforzar esa flexibilidad.
Summary
11Did the organisation and conceptions of the Roman army suffer from specific constraints connected with the successive wars that Rome waged in the Iberian Peninsula between the end of the 3rd century and the middle of the 1st century BC ? That is the question to which this book attempts to provide some answers, or at least material for discussion. In fact it is striking the extent to which historiography associates the notion of a transformation — or indeed a crisis — of the republican exercitus more or less explicitly with the wars of conquest in Hispania. The role played by these wars in the evolution of an institution that is so fundamental for the definition and the history of the res publica therefore deserved to be re-examined. Considered from this perspective, it would seem that we must eschew the very notion of Hispania as a special case. To demonstrate this, the book is organised in three parts which successively address the issues relating to the different tasks entrusted to an army of conquest (fighting, controlling, exploiting), in connection with which Hispania is often treated as special.
12First of all, the book stresses the fact that the strategic and tactical conceptions of the Roman armies, partly shared with those of the Hellenistic warfare, furnished them with the means of waging war overseas more effectively than has been supposed, particularly given that Rome was not immersed in a single, long war in successive phases, but rather conducted repeated but distinct ad hoc campaigns which pursued widely varying goals. Each campaign, generally localised, responded to a complex set of events which prepared the ground for or coincided in time with the actual confrontation. Beforehand, the gathering of intelligence, the conclusion of new alliances and the assembly of stocks of weapons and supplies close to the war zone proceeded with a view to assuring that the troops could operate in the most favourable conditions possible in the forthcoming campaign. During the actual operations, uninterrupted provisioning of the legions by convoys from previously-established depots, ongoing reconnaissance of the terrain and routes by scouts and occupation of the enemy’s strongholds, and in some cases the methodical destruction of their fields and their homes, were intended to help the Roman armies harry their adversaries, thus keeping them under constant pressure and inducing them to engage in conditions that were disadvantageous for them. These goals were achieved particularly by fortifying entrepots or installing garrisons and army posts in the interior of combat zones. Afterwards, the relative dispersion of troops in winter quarters sited inside or close to allied settlements, as they withdrew from the theatre of operations at the end of the campaigning season, helped to keep a hold on the principal acquisitions of the last offensive while allowing the armies to prepare for the next one. Thus each of the three stages of a military campaign depended on offensive arrangements entailing firm control of the area and its resources, and the evidence of this in the documentation is all too often — wrongly — interpreted as reflecting an intent to organise the provincial territories on a long-term basis. Rome had no military plans for the conquest of Hispania. On the other hand, her generals organised their expeditions with care. The sources, then, need to be analysed on the basis of a different scale : not the entire province but only the military campaign — the short term rather than the long term. Such a shift in perspective is essential in order to reassess the military effort that Rome’s expansion in this part of the Mediterranean world entailed.
13In this context, the book’s second conclusion is that the conquering armies were not conceived as an instrument for the control of the conquered regions, and nor did their role gradually change to that of garrison troops. In fact a considerable part of this work consisted in critically examining the material testimony that has traditionally been seen as associated with the presence and the activity of Roman armies during the conquest. This review is based essentially on an analysis of existing publications. But despite that limitation, this first examination serves to point up the flimsiness of the conclusions drawn from a body of archaeological research that is much less firmly grounded and much less coherent than one is normally led to believe. As a result, the impression of originality in the military domain that has hitherto been left by the documentation bearing on the Iberian Peninsula is undeniably weakened. On a more general level, there is no sign of any kind of evolution towards stabilisation of the armed forced inside the provincial territories. To the contrary, their function remained essentially offensive, reflecting the relative sophistication of the strategic and logistic approaches noted earlier. As far as we can tell from our documentation, the organisation of the armies in Hispania was built up entirely around a twofold need : to move in order to come to grips with the adversary, and to face him in the best possible conditions. The warlike traditions of the various peninsular societies go a long way to explaining why this conventional approach to war predominated throughout the conquest. Indeed modern historians have tended to overstress the use of guerrilla tactics by the Iberian peoples as opposed to pitched battle, which was in fact the principal means used by them to confront the Roman armies. On the battlefield, however, the tactical flexibility and the equipment of the republic’s armies proved invaluable assets. Hence it was precisely because the autochthonous tradition favoured a classical type of engagement in which the legions were sure of their advantage that Rome was able progressively to consolidate her hegemony through warfare without developing any new strategic approaches. Moreover, the compartmentalisation of the Peninsula rendered that advantage decisive by limiting the scope of conflicts in which diplomacy and dissuasion likewise played an essential role.
14And finally, it is important to note that these troops maintained links with Rome and Italy throughout the conquest. All this means that it is impossible to assert that provincial armies emerged, even in embryo, over the period considered. In the first place, the absence of a premeditated plan for the conquest of the Peninsula, as noted earlier, did not signify that the Senate was indifferent to the conduct of the war on the ground. Far from delegating all responsibilities and initiatives to the generals leading the armies in view of the distance of the theatres of operations, the patres retained a decisive measure of influence on the progress of the conquest and even on the conduct of operations. Of course the success of a campaign once begun depended on the abilities and the skill of each commander. Nonetheless, the Senate still possessed the power of direct intervention in three essential areas. The first of these was the precise definition of Rome’s foreign policy in the Peninsula. And indeed one should not underestimate the knowledge of conditions in the Iberian Peninsula that the assembly may have possessed as a basis for its decisions. There were a good number of members of the Senate who had had occasion to serve there in various capacities. Moreover, it was in regular contact with the magistrates in charge of the provinces. There can be no doubt that the guidelines laid down for military activity were the product of collective means of decision-making. The second area in which the Senate intervened was no less crucial. In fact the evidence suggests that at all times throughout this period the armies in Spain were bound by a logistical infrastructure under strict State control from Italy. It might have been possible to assert the opposite given the evident impossibility of these armies procuring certain supplies other than on the ground. In reality, however, the important thing is to remember that of all the elements necessary for the upkeep of the troops, the ones which traditionally reflected the fact that the armies belonged to the city and that the generals were subordinate to the Senate continued, as far as the Iberian provinces were concerned, to bear the stamp of the Senate’s authority, as witness for example the legionaries’ pay. The maintenance of this system was all the more natural that in the final analysis the State was responsible for only a small portion of the necessary supplies. Then, in the case of these State-furnished supplies, any decentralisation that might have favoured the nascent provincial administration was not really essential in practical terms. To the contrary, the tendency was rather to seek to retain control over the resources at the disposal of the generals who already enjoyed a very high degree of autonomy thanks to their exercise of imperium and their distance from Rome. We cannot therefore sustain the notion that Rome’s purpose in developing the organisation of its Iberian provinces was to pay and supply its troops. Indeed, the close ties that these maintained with Italy and the city of Rome are constantly reaffirmed. For instance, the Senate — and this is the last of the areas in which it showed its resolve to retain control — remained responsible for assigning troops and determining their numbers annually as needs dictated. What is more, it even seems quite early on to have developed sophisticated administrative procedures intended to facilitate regular rotation of the soldiers dispatched to distant provinces. Moreover, there is no sign of the emergence of a legionary service specific to the Hispaniae, or of the introduction of real local recruitment. Although levied by the particular general concerned, the Hispanic auxiliaries seem likely to have been paid off at the end of each campaign, and they never replaced Italian troops. As to conscription in the provinces, which has often been viewed as reflecting the exceptional nature of Hispania, this was in fact still very limited at the end of the period discussed here.
15Thus, the issues that the Hispanic wars raise are more general questions relating to the army and the conquest in the republican period : did the conquest and conservation of vast overseas territories necessarily call, as some believe, for the development of an army based on a different conception — i. e. a standing army ? In other words, since the imperial Republic never acquired such a standing army, does that mean that it therefore (and hence almost by definition) stood in contradiction, in terms of its military infrastructure, to the demands raised by the enterprise of conquest ? This book suggests not. Far from demonstrating the inadequacy of the Republic’s military organisation and inability to adapt to the new scale of its wars of expansion, the sources relating to Hispania tend rather to point to the system’s flexibility and a genuine capacity to adapt. It even seems that the constraints peculiar to the Iberian Peninsula rather contributed to a search for solutions which tended to reinforce this flexibility.
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