Chapitre IX. Formes et signification du recrutement provincial
p. 611-684
Texte intégral
1Plus encore que l’origine du numéraire nécessaire au paiement de la solde ou que le prélèvement surplace de fournitures destinées au ravitaillement et à l’entretien des troupes, l’intégration de contingents hispaniques aux armées romaines de la conquête pourrait constituer l’élément véritablement décisif pour faire des légions des Hispaniae un jalon privilégié dans une éventuelle évolution, amorcée à l’intérieur de ces provinces, vers l’armée provinciale d’époque impériale. De nouveau, pourtant, l’interprétation en ce sens de la documentation disponible ne s’impose pas avec évidence. Les traces d’un changement profond des pratiques en matière de recrutement n’apparaissent pas clairement. Comme l’exercitus républicain comprenait à la fois des soldats-citoyens, regroupés dans les légions, et des soldats pérégrins, organisés en troupes auxiliaires, le problème concerne ces deux aspects, indissociables l’un de l’autre. Cela revient à se demander, d’une part, si la composition des légions stationnées dans la Péninsule se modifia pour intégrer régulièrement des éléments issus des deux provinces dont la création administrative précoce avait incontestablement favorisé la romanisation. D’autre part, il convient de vérifier si la proportion des auxilia conféra progressivement aux armées confiées aux gouverneurs une dimension provinciale à laquelle l’organisation de ces troupes hispaniques sur le modèle romain à la fin de notre période aurait apporté une première forme de reconnaissance.
I. — LE MAINTIEN DE LA CONSCRIPTION TRADITIONNELLE DES LÉGIONS D’HISPANIA
2La legio uernacula. — Les limites de l’émigration civile et militaire.
3Étroitement lié au fonctionnement traditionnel de la cité, le recrutement des milites Romani avait pour cadre strict l’ager Romanus depuis l’origine. La jouissance de la citoyenneté romaine formait en effet la condition nécessaire du service militaire dans les légions. L’expansion outre-mer contraignait ainsi les généraux romains à dépendre, pour la conduite de leurs opérations, des conscriptions successives effectuées en Italie sous l’autorité du sénat. Comme on l’a vu au chapitre ii, cette limitation provoquait souvent d’âpres disputes entre les gouverneurs entrants et sortants pour obtenir les effectifs légionnaires qu’ils jugeaient suffisants. Assurément, la décentralisation, au moins partielle, du recrutement dans ces provinces lointaines pouvait représenter une solution, d’autant plus que la popularité du service outre-mer connaissait des fluctuations fréquentes parmi les mobilisables, tandis que, inversement, l’insertion croissante des Hispaniae au monde romain avait pour conséquence la présence d’une population d’origine romano-italique sur le sol ibérique. Ce contexte a-t-il pour autant favorisé le développement de levées légionnaires provinciales sur une base institutionnelle ? La mention en Ultérieure d’une nouvelle catégorie de légion, dite vernaculaire (legio uernacula), à la fin de la République ne doit pas conduire à surestimer la profondeur d’une telle évolution, dans laquelle les circonstances propres aux guerres civiles du milieu du Ier siècle jouent un rôle essentiel.
LA LEGIO UERNACULA
4La question du recours à des levées provinciales comme celle de leurs modalités dans la péninsule Ibérique dépendent pour une large part de la signification que l’on accorde à la legio uernacula dont les récits relatifs aux guerres civiles entre Pompéiens et Césariens nous apprennent l’existence. Présente en Ultérieure sous les ordres de Varron en 49, elle y fut maintenue l’année suivante par César, en faveur duquel elle avait fait défection, puis participa activement à la révolte contre Cassius Longinus1. On la retrouve ensuite mentionnée fin 46 et début 45, de nouveau du côté pompéien, au cours des opérations devant Ategua et Ucubi2. Sa désignation particulière, unique dans nos sources, suggère que cette légion provenait d’un recrutement autochtone. Les reproches adressés par César dans son discours aux troupes afraniennes avant leur reddition en constituent, semble-t-il, la confirmation :
… Point d’autre raison, en effet, à l’expédition de six légions en Espagne, à la levée d’une septième dans le pays même (trad. P. Fabre, CUF)3.
5Cette septième légion, issue d’une levée en péninsule Ibérique même, ne peut correspondre qu’à la legio uernacula, puisque Pompée obtint en 55les quatre légions stationnées sur place, augmentées par la suite de deux nouvelles, votées en 52 pour équilibrer ses effectifs avec ceux de César4.
6Par conséquent, on en déduit parfois que la date de création de la legio uernacula doit être comprise entre 55 et 495.
7Cependant, J. M. Roldán a montré que le texte ne fournissait en réalité à lui seul aucun élément de chronologie : César se contente de souligner d’une manière globale la concentration des forces opérée contre lui6. Cet historien admet cependant que la mention répétée de l’unité péninsulaire, dans le Bellum Alexandrinum, comme une troupe aguerrie plaide en faveur d’une formation nettement antérieure à l’année 497. Selon lui, elle aurait pu acquérir cette expérience au cours des opérations menées par les légats de Pompée contre les Lusitaniens, ce que suggérerait un passage bien connu du Bellum Ciuile8. Toutefois, P. Le Roux a justement objecté que le texte en question ne pouvait être invoqué à ce sujet car il a trait seulement aux troupes de Citérieure commandées par Afranius et Petreius, alors que la legio uernacula était au contraire demeurée en Ultérieure avec Varron9. D’autre part, les expertas legiones mentionnées par le Bellum Alexandrinum sont comparées aux troupes récemment levées en 48 et restées fidèles à Cassius. Or, comme il a été souligné précédemment, il suffisait d’une ou deux années pour distinguer un uetus miles d’un tiro10. Il est donc tout à fait possible de ne pas envisager la formation de la legio uernacula avant l’année 50, voire le début de l’année 4911. Cette solution apparaît même comme la plus probable, dans la mesure où la course à la guerre s’accéléra seulement à partir de 52, date à laquelle l’accroissement des forces pompéiennes en Hispania s’effectua pour la dernière fois depuis l’Italie. Par la suite, en vertu des dispositions de la lex Trebonia, les légats de Citérieure et d’Ultérieure conservèrent la possibilité de compléter leurs effectifs par des levées à l’intérieur des provinces : la legio uernacula a donc dû s’ajouter, dans l’intervalle entre 51et 49, aux six légions déjà affectées à la Péninsule12.
8Fraîchement levée sur place lorsqu’éclata ouvertement la guerre civile, la legio uernacula s’inscrivait par conséquent dans une logique de mobilisation des ressources provinciales par les légats pompéiens incarnant le pouvoir légitime, en vue de l’affrontement imminent avec le proconsul des Gaules. La difficulté consiste à déterminer s’il s’agissait d’une mesure révolutionnaire, liée aux circonstances, ou bien, à l’inverse, d’une procédure régulière témoignant de la place nouvelle occupée par les territoires provinciaux dans le fonctionnement normal de l’exercitus républicain. De ce point de vue, la composition de ces troupes vernaculaires représente l’enjeu principal du débat depuis Th. Mommsen. En effet, selon qu’elles furent citoyennes ou pérégrines, elles ne revêtent pas la même signification dans l’histoire des Hispaniae comme de la militia républicaine. Sur le sujet, l’historiographie est nettement partagée. L’opinion la plus répandue est celle du statut pérégrin initial des soldats composant la legio uernacula13. Un argument important tient au nom donné à celle-ci dans le corpus césarien. Les partisans de cette théorie en font un terme générique désignant l’ensemble des légions de cette époque formées, selon eux, à partir d’éléments non-citoyens : dans cette perspective, la legio Alaudae césarienne serait ainsi une legio uernacula.
9Cette hypothèse a été critiquée, à juste titre nous semble-t-il, par un certain nombre d’auteurs estimant que la légion vernaculaire d’Hispania se composait en réalité d’Hispanienses, c’est-à-dire de citoyens romains issus de la province14. J. M. Roldán a défendu notamment l’idée que Vernacula correspond à un nom propre, similaire à Martia, Pontica ou Alaudae, car le texte de César définit la légion hispanique comme celle quae uernacula appellabatur, c’est-à-dire, selon lui, « qui portait le nom Vernacula »15. Cette interprétation est peut-être trop littérale, comme l’a rappelé P. Le Roux16. Elle a néanmoins le mérite de mettre en évidence le fait que, contrairement à ce qu’affirment les tenants de l’hypothèse traditionnelle, l’appellation uernacula renvoie manifestement à une origine géographique et non à un statut juridique. Ainsi, la proposition récente d’A. T. Fear d’expliquer cette dénomination par le statut éventuel de semi-dépendants d’une partie des indigènes composant la légion paraît inacceptable17. Elle repose en outre sur une lecture contestable d’un épisode du Bellum Hispaniense au cours duquel deux soldats de la legio uernacula, capturés par la cavalerie césarienne, tentèrent de se faire passer pour des esclaves afin d’échapper à la punition réservée aux déserteurs18. A. T. Fear estime que ce passage est incompréhensible si la legio uernacula n’avait pas été composée en partie de gens considérés comme des esclaves par les Romains19. Rien ne dit cependant que les deux hommes avaient admis d’emblée appartenir à cette légion : au contraire, ce fut seulement à leur arrivée au camp que des soldats ayant servi dans les Hispaniae en 46 les identifièrent comme des transfuges de l’armée de Trebonius20. Le plus probable en effet est que les deux hommes avaient cherché à maquiller leur statut pour dissimuler leur appartenance à la legio uernacula qui fut l’une des unités ayant forcé Trebonius à abandonner aux chefs pompéiens le contrôle de l’Ultérieure21. En se faisant passer pour des esclaves dont on sait que Cn. Pompée renforça largement son armée en 46-45, les deux hommes confirment donc que les membres de cette légion n’étaient pas notoirement assimilés à des dépendants22. On ne saurait par conséquent tirer argument de cet incident pour confirmer le statut pérégrin ou semi-servile des légionnaires de la formation vernaculaire23.
10Au contraire, E. Gabba a montré que le récit de la mutinerie contre Cassius Longinus permettait bien d’interpréter l’appellation uernacula comme une épithète en relation avec l’origine géographique des citoyens conscrits24. D’après l’auteur anonyme du Bellum Alexandrinum, l’un des conjurés, L. Laterensis, convaincu à tort du succès de l’attentat et de la mort du gouverneur, se rendit au camp où se trouvaient la legio uernacula et la legio II pour leur annoncer la nouvelle, sachant que ces troupes détestaient particulièrement Cassius, et le texte en donne la raison :
Il n’y avait, en effet, personne natif de la province, tels les soldats de la légion indigène, ni parmi ceux qui par un long séjour étaient devenus provinciaux, au nombre desquels était la seconde légion, qui ne fût d’accord avec la province entière pour détester Cassius (trad. J. Andrieu, CUF)25.
11L’historien italien explique pourquoi la restitution ut uernaculae legionis miles, proposée par K. Nipperdey, doit être préférée à la version des codices, donnant aut uernaculae legionis miles suivie par Th. Mommsen26. Si l’on conserve seulement le balancement aut… aut, la construction de la phrase est en effet plus cohérente : elle distingue alors clairement deux catégories parmi les troupes hostiles à Cassius (celles in prouincia natus et celles diuturnitate iam factus prouincialis), correspondant strictement aux deux exemples donnés (uernaculae legionis milites et secunda legio)27. Par conséquent, il n’y a pas de raison de douter que les soldats enrôlés dans la legio uernacula étaient citoyens romains, comme ceux de la legio II, conformément du reste à ce que le terme legio implique en règle ordinaire. La seule différence réside dans le fait que les premiers étaient originaires de la province où ils servaient et non d’Italie28.
12Les préparatifs de Varron en Ultérieure, à l’annonce des difficultés éprouvées par César sur les rives du Sicoris, constituent un élément supplémentaire à l’appui de cette interprétation :
… Il procéda à une levée dans la province entière et, aux deux légions complétées, il ajouta une trentaine de cohortes auxiliaires (trad. P. Fabre, CUF)29.
13Il est clair que ce passage distingue sans ambiguïté le recrutement des deux légions du légat de celui des auxilia hispaniques pérégrins30. La mention d’un dilectus renvoie de fait à la conscription traditionnelle des citoyens. On ne saurait par conséquent inclure la legio uernacula parmi les auxiliaires31. L’accueil fraternel réservé par les citoyens romains du conuentus d’Hispalis à cette unité après son refus d’obéir aux ordres donnés par Varron suggère en outre une étroite connivence, incompréhensible si les soldats mutinés avaient été des troupes auxiliaires32. E. Gabba a raison de penser que la même solidarité entre les Hispanienses d’Ultérieure explique la persistance de la legio uernacula dans son opposition à Cassius aux côtés de conjurés qui provenaient manifestement dans leur grande majorité, sinon dans leur totalité, des élites romaines de la province33. Par comparaison, la legio II se dissocia dans un premier temps de cette attitude et suivit les autres troupes venues d’Italie dans leur ralliement au gouverneur césarien rescapé de l’attentat34. Il convient de ne pas oublier en effet que le transfert de la guerre civile dans la péninsule Ibérique à partir de l’année 49 impliqua principalement des éléments romains et que les populations pérégrines y jouèrent un rôle moins important qu’au cours de la guerre sertorienne35. La conjuration contre Cassius résultait de ce point de vue moins des seules maladresses coupables de celui-ci vis-à-vis des provinciaux, comme cherche à l’accréditer le Bellum Alexandrinum, que d’un mouvement politique plus profond qui exprimait la préférence de nombre des ciues Romani d’Ultérieure pour le parti pompéien36. C’est dans ce contexte qu’il faut réinscrire l’évolution de la legio uernacula dont la détermination au cours des événements de 46-45 trouve précisément son origine dans sa composition civique37.
14Puisque, comme toute légion, la uernacula puisait dans le réservoir des citoyens romains, sa particularité ne réside donc pas dans son recrutement, mais tient à d’autres facteurs. En effet, en Citérieure également, les armées d’Afranius et de Petreius comprenaient de nombreux Romains d’Espagne, sans pour autant mériter la même appellation. Le fait est attesté par la promesse que César fit à ces hommes de les licencier sur place, immédiatement après la reddition de leurs chefs :
… On aboutit à la conclusion que ceux qui se trouveraient avoir un domicile ou une propriété en Espagne seraient démobilisés immédiatement, et les autres sur le Var (trad. P. Fabre, CUF)38.
15À la suite de E. Gabba et de P. Le Roux, il faut souligner que la phrase césarienne reprend sans doute une formule technique à la signification juridique précise39. Dans son détail, elle reste toutefois diversement comprise, même s’il ne fait aucun doute qu’elle renvoie, au moins en partie, à des citoyens romains installés de manière permanente dans l’une ou l’autre des provinces ibériques40. Quoi qu’il en soit, il est tentant de penser que l’expression renvoie à des catégories de citoyens inégalement liés aux Hispaniae41. L’épisode témoigne en tout cas qu’à la veille de la guerre civile, les légats pompéiens de Citérieure avaient amplement complété leurs légions italiennes avec des recrues issues de la province42. En cela, ils n’avaient pas agi différemment de Varron dont le dilectus évoqué précédemment avait eu aussi pour objectif de porter ses deux légions à plein effectif en prévision de l’assaut final contre César43. Peut-être avons-nous d’ailleurs une trace de la levée de ces renforts en Ultérieure à travers la mention de deux cohortes quae colonicae apellabantur, de passage à Cordoue au moment où la ville décida de passer à César44.
16Le recours aux mobilisables provinciaux excédait donc le cas spécifique de la legio uernacula qui n’en représentait qu’un aspect. La dénomination particulière de cette unité s’explique en réalité, comme l’a bien mis en valeur P. Le Roux, par le fait que, contrairement aux autres légions pompéiennes, celle-ci était exclusivement composée de citoyens natifs de la province45. De ce point de vue, elle constituait sans doute une exception, bien que les manuscrits du Bellum Hispaniense, dans le passage relatif à la description des effectifs de Cn. Pompée en 46, en évoquent à première vue plutôt deux : duae fuerunt uernaculae quae a Trebonio transfugerant46. Comme Cassius avait, semble-t-il, levé en 48 une nouvelle légion, la cinquième, à partir de l’Ultérieure, on a parfois pensé que la seconde legio uernacula mentionnée pour 46 lui correspondait47. Mais cette legio V n’est plus jamais mentionnée après 47, si bien qu’elle n’est probablement pas demeurée en service au-delà de cette date : en particulier, aucune source n’y fait allusion à propos de la mutinerie contre Trebonius48. Aussi la correction du texte proposée par Th. Mommsen (duae fuerunt uernacula e <t secunda> quae a Trebonio transfugerant) a-t-elle été majoritairement acceptée depuis49. Dans la mesure où la legio uernacula et la legio II sont très fréquemment mentionnées ensemble, il est également possible, en dehors de l’hypothèse, très plausible ici, d’une erreur de copiste, que l’auteur anonyme du Bellum Hispaniense les ait assimilées par inadvertance à une catégorie unique50. Toutefois comme, par ailleurs, il se réfère dans son récit à la legio uernacula, sans autre précision, il paraît plus logique de considérer qu’il n’y en avait qu’une seule identifiée ainsi, identique à celle levée avant le début de la guerre. D’une composition similaire, la legio V éphémèrement formée par Cassius ne fit sans doute jamais l’objet d’une telle dénomination parce que ce type d’appellation, on l’a vu, n’appartenait pas aux habitudes césariennes. Quant à la légion facta ex colonis qui fuerunt in his regionibus figurant dans le récit des événements de 46, elle est distinguée, parmi les troupes pompéiennes, de la legio uernacula et de la secunda en raison de sa création récente, postérieure à l’expulsion de Trebonius, mais nous ignorons si elle reçut un numéro ou un nom d’usage51.
17Par conséquent, la période de la guerre civile de 49-45 fut marquée par une participation notable au recrutement légionnaire des citoyens romains établis en péninsule Ibérique. Rien ne permet de penser qu’il s’agissait là d’une innovation. Néanmoins, nous n’avons pas d’exemple, bien attesté, de telles levées avant le Ier siècle : les dispositions prises par le sénat en 193 afin de permettre au gouverneur de Citérieure, Flaminius, d’effectuer une levée dans sa province ne sont pas claires52 ; quant à l’exercitus tumultuarius d’Aemilius Paulus en 189, il se composait vraisemblablement d’auxiliaires hispaniques53. En revanche, on sait que, dès 82, Sertorius avait procédé à des levées de Ῥωμαῖοι en Citérieure afin de compléter les troupes avec lesquelles il comptait affronter les armées envoyées par Sylla pour le chasser54. Nettement distinguées par Plutarque du recrutement des auxiliaires celtibères, ces levées correspondaient assurément à un dilectus régulier que le gouverneur marianiste, investi en théorie de l’autorité légale, était autorisé à effectuer55. Les circonstances agitées de la prise de fonction de Sertorius comme l’urgence à bâtir une force suffisante, susceptible de résister à l’adversaire, incitent toutefois à admettre qu’une partie de ces Ῥωμαῖοι n’étaient peut-être pas strictement des citoyens romains mais seulement des colons italiques56. La probable coloration « italienne » du mouvement sertorien après 80, héritage direct de la Guerre sociale selon E. Gabba, n’aurait fait ensuite que renforcer cet aspect initial du recrutement57. Quelle qu’ait été la proportion réelle de ciues Romani dans le dilectus provincial de 82, il est certain qu’au Ier siècle les gouverneurs des Hispaniae devaient fréquemment compter dans leurs légions un contingent de recrues issues de ces provinces58. Les exemples, mieux documentés, de César en Gaule Narbonnaise en 56 ou de Cicéron en Cilicie en 51 attestent par comparaison qu’il s’agissait désormais d’une pratique courante, même si elle variait en amplitude selon les besoins et ne devenait peut-être systématique qu’occasionnellement, en cas de péril notamment59.
18Pour la péninsule Ibérique, la documentation ne permet pas toujours de distinguer avec certitude l’émergence de ces procédures administratives régulières des expédients liés au contexte des guerres civiles au cours desquelles les généraux romains se montraient moins soucieux des formes légales du recrutement. Ainsi, les troupes rassemblées hâtivement en Ultérieure par Crassus en 85 ou par Vibius Pacciaecus en 81 se composaient sans doute également en partie voire en majorité d’Hispanienses, mais il ne s’agissait pas cette fois de levées officielles60. Le cas de Crassus, notamment, illustre surtout l’influence croissante des clientèles provinciales dans la puissance politique, et bientôt militaire, des aristocrates romains61.
19En fait, l’unique mention d’un recrutement interne à la province avant la décennie 50 concerne la campagne menée par César en Lusitanie au cours de sa préture en 61 : aux vingt cohortes stationnées sur place, il en aurait, selon Plutarque, ajouté dix autres, levées en Ultérieure62. Comme les vingt cohortes initiales paraissent correspondre aux deux légions que l’on attribue pour cette époque à la province, une partie des historiens interprète cette indication comme la formation d’une légion supplémentaire, composée de citoyens établis en Ultérieure63. En raison du vocabulaire employé par Plutarque (σπεῖϱα), le doute subsiste cependant64. Toutefois, l’incertitude concerne surtout la correspondance établie entre ces dix cohortes et une légion régulière, organisée comme telle. D’un point de vue numérique, un effectif de cette sorte ne dépassait sans doute pas les capacités de la communauté romaine d’Ultérieure à cette époque65.
20Par conséquent, le recrutement de la legio uernacula pompéienne ne représentait pas une rupture nette avec les pratiques républicaines. Au contraire, le lien traditionnel établi entre la conscription légionnaire et le corps civique, fût-il désormais étendu au domaine provincial, était bel et bien maintenu. La nouveauté réside dans le fait qu’entre 49 et 45, les provinces hispaniques, et notamment l’Ultérieure, contribuèrent à hauteur de trois légions entières (la legio uernacula de Varron, la legio V de Cassius et la légion coloniaire de Pompée le Jeune) au lieu des compléments ponctuels qui semblent avoir constitué la norme jusque-là. Il faut cependant nuancer le nombre absolu des mobilisables concernés par ces trois formations. Comme elles n’ont pas strictement coïncidé dans le temps, il est probable que certains soldats aient repris du service de l’une à l’autre. Ainsi la légion facta ex colonis reprit-elle peut-être en partie, en 46-45, des individus ayant servi en 48, de mauvaise grâce, dans la legio V, vraisemblablement dissoute, on l’a vu, après le remplacement de Cassius. Cette dernière avait pu, pour sa part, réintégrer certains des hommes licenciés par César en 49, après la capitulation d’Afranius66. Parmi ces soldats démobilisés, d’autres, peut-être les mêmes, ont pu également s’engager par la suite dans la légion coloniaire67. Quant à la legio uernacula, il est peu probable qu’elle soit restée, sur la totalité de cette période, composée strictement des mêmes soldats.
21Toute restitution un peu précise demeure impossible, mais il est plus prudent de ne pas cumuler l’effectif théorique de ces trois légions pour proposer une hypothèse concernant le nombre total des Romains de Citérieure et d’Ultérieure ayant participé aux guerres civiles du milieu du Ier siècle. Rien n’assure en effet que les unités mentionnées par nos sources attinrent jamais le plein effectif ni que leur composition demeura constamment homogène, ce que semble d’ailleurs corroborer l’état final des troupes pompéiennes qui, dans la dernière phase de la guerre, avant la bataille de Munda, mélangeaient, par la force des choses, pérégrins et esclaves aux citoyens. Ce caractère composite, fruit des nécessités de la guerre civile finissante et de la déstabilisation durable de la res publica, ne remet pas en cause la dimension parfaitement constitutionnelle, à l’origine, des légions vernaculaires d’Hispania. Une telle réserve incite seulement à ne pas surestimer la proportion de ce type de troupes dans la concentration des forces romaines à l’intérieur de la Péninsule dans la première moitié du Ier siècle.
22De ce point de vue, les premières années du conflit césaro-pompéien, entre 52 et 48, font en effet figure d’exception. Certes, l’ajout aux forces stationnées sur place, en 50-49, d’une légion intégralement composée de citoyens originaires d’Hispania entérinait une tendance récente de Rome à exploiter militairement les ressources croissantes offertes par les communautés romaines dispersées dans les provinces. Toutefois, comme l’a montré P. Le Roux de manière suggestive, ce choix traduisait sans doute tout autant, sinon davantage, une conception pompéienne de l’Empire où la militia traditionnelle conservait sa place dans un cadre renouvelé68. En ce sens, la véritable innovation correspondait plutôt à la legio Alaudae de César, composée de pérégrins, alors que la legio uernacula d’Ultérieure maintenait sans ambiguïté le caractère civique de la conscription69.
23Le développement d’un véritable recrutement provincial des légions ne fut pas seulement un phénomène tardif. Il demeura également très limité, en dépit de sa vigueur inhabituelle en péninsule Ibérique par comparaison avec d’autres provinces. Peut-être les insuffisances de l’infrastructure administrative de la République expliquent-elles en partie la difficulté à mettre en place une telle décentralisation des opérations de conscription. Il est vrai aussi que le chaos des guerres civiles acheva probablement de faire avorter toute évolution institutionnelle en ce sens dans le contexte du régime républicain. Toutefois, il convient, pour les deux derniers siècles avant notre ère, de ne pas succomber à la tentation d’un primitivisme administratif trop poussé. La raison principale est autre. Puisque le cas de la legio uernacula atteste la réticence de la Rome républicaine à admettre des pérégrins dans ses légions et que la diffusion de la citoyenneté romaine dans les provinces resta très réduite avant la mort de César, il faut tenir compte du fait que le réservoir de recrues citoyennes disponibles à l’intérieur des Hispaniae n’était pas en temps ordinaire très large. En effet, l’ampleur réelle prise, depuis le début du IIe siècle, par les flux migratoires privés vers la péninsule Ibérique ainsi que la tendance de la majorité de ces migrants à s’établir définitivement sur place demandent à être considérablement réévaluées.
LES LIMITES DE L’ÉMIGRATION CIVILE ET MILITAIRE
24La levée de troupes vernaculaires au cours de la première moitié du Ier siècle ne permet pas de douter, nous venons de le voir, de l’existence à cette époque de citoyens romains établis dans les provinces hispaniques en nombre suffisamment important pour répondre à une partie des besoins des légions stationnées sur place lors des guerres civiles successives. Cependant, la difficulté, évoquée précédemment, pour en proposer une estimation chiffrée, faute de documentation statistique, hypothèque grandement les conclusions susceptibles d’être formulées à partir de ce premier constat. Les données manquent en effet pour affirmer avec certitude que, sur le plan du recrutement provincial, la situation tardo-républicaine dont témoigne le cas de la legio uernacula résultait d’une évolution démographique sur le long terme marquée par l’implantation massive et durable de populations romano-italiques sur le sol ibérique dès les débuts de la conquête. Cette incertitude explique les divergences notables au sein de l’historiographie, partagée entre les tenants d’une forte émigration italienne et ceux qui privilégient un phénomène jugé au contraire marginal.
25Néanmoins, la controverse ne porte pas sur tous les aspects liés à ces déplacements de populations : chacun s’accorde en effet à reconnaître l’absence d’un véritable programme de colonisation officielle avant les lendemains de la bataille de Munda70. En revanche, certains envisagent un flux migratoire privé de grande envergure dès la création des provinces hispaniques dans les premières décennies du IIe siècle71. La comparaison avec l’attrait rapide exercé au demi-siècle suivant par les provinces orientales est retenue pour suppléer la carence des témoignages épigraphiques ou littéraires concernant l’Occident72. Considérée sur cette base comme particulièrement plausible, l’hypothèse d’une ample émigration italienne vers la péninsule Ibérique sert alors à expliquer certaines caractéristiques de nos sources, lesquelles fournissent à leur tour, selon un schéma circulaire souvent souligné dans ces pages, autant d’arguments à l’appui de la conviction initiale. Ainsi, les trois mille Ῥωμαῖοι mentionnés par Strabon à propos de la fondation de Pollentia et de Palma en 123-122 indiqueraient, d’après E. Gabba, un trop-plein d’émigrants en péninsule Ibérique dès la seconde moitié du IIe siècle, signe de la force du courant migratoire du demi-siècle précédent73. Dans le même esprit, telle qu’elle a pu être mise en évidence parles travaux linguistiques, l’empreinte indéniable, dans les toponymes antiques, mais aussi dans la langue espagnole, d’un latin marqué par des influences d’Italie méridionale, a contribué à renforcer la théorie d’une latinisation précoce due à l’installation de nombreux colons originaires d’Italie centro-méridionale74. Enfin, l’épigraphie des grands centres urbains de la côte orientale de la péninsule Ibérique, notamment celle de Tarragone ou de Carthagène, a livré des noms dont l’origine italienne ne fait aucun doute, correspondant à des magistrats monétaires ou à des negotiatores75. Parmi eux, il faut évidemment compter les membres des élites locales en voie de romanisation dont la transformation progressive des gentilices sur le mode romain s’explique par le phénomène des clientèles provinciales, très important dès le IIe siècle76. Toutefois, en ce qui concerne les nomina d’origine non plus romaine mais italique, M. A. Marín Díaz estime qu’ils correspondent de préférence à une population émigrée, en liaison avec une activité commerciale ou l’exploitation des ressources naturelles, notamment minières77. Comme la proportion de ces nomina italiques est très supérieure à celle des nomina romains, elle semble, aux yeux de cet auteur, une confirmation du volume atteint par l’émigration italienne, majoritairement composée, selon elle, de socii. Ces quelques exemples suffisent à montrer combien ténus sont les éléments censés refléter le mouvement migratoire du IIe siècle.
26Pour cette raison, la fragilité du dossier a été abondamment soulignée par ceux qui se refusent à réfléchir d’emblée en termes d’arrivée massive d’Italiens en péninsule Ibérique pour une période aussi haute78. Ainsi, rien ne prouve, comme l’a montré P. A. Brunt, que les individus installés aux Baléares par Metellus en 123-122 ont été prélevés parmi les colons établis dans les Hispaniae, d’autant plus que nous ignorons également si le consul avait effectivement la charge de l’une des provinces dans le cadre de son mandat79. Par ailleurs, la notion d’un trop-plein d’émigrants n’apparaît guère vraisemblable en soi dans le contexte de territoires en expansion où la proportion d’Italiens resta par définition extrêmement minoritaire par rapport à la population totale, ainsi que le reconnaissent eux-mêmes, du reste, les tenants d’un flux migratoire important. Quant à l’argument linguistique, R. C. Knapp a insisté à juste titre sur le fait que la présence ininterrompue des légions pouvait suffire à rendre compte des caractéristiques de la diffusion du latin dans la Péninsule80. On sait en effet que les armées de conquête se composaient dans une forte proportion de socii dont, en outre, le maintien dans les provinces hispaniques était souvent plus long que celui des troupes légionnaires81. Sans partager les vues de cet auteur sur le développement d’un réseau d’établissements militaires permanents dans les provinces ibériques, nous croyons cependant que les multiples contacts noués à l’occasion des échanges liés aux fournitures des troupes ou durant les périodes de garnison, en particulier pendant les longs mois d’hiver, créaient, pour une partie au moins des populations locales, les conditions d’un apprentissage nécessaire de la langue parlée par ces soldats. De même, l’afflux de marchands (mercatores), d’hommes d’affaires (negotiatores) ou de fournisseurs (redemptores) dans les grands ports du littoral oriental ouvrait ceux-ci, ainsi que leur hinterland, à l’influence matérielle et culturelle de Rome, sans qu’il soit nécessaire de supposer l’enracinement définitif des vecteurs de cette culture.
27De ce point de vue, on retiendra les objections méthodologiques, formulées par P. Le Roux dans un article important, soulignant la prudence indispensable dans le recours à la toponymie et à l’onomastique pour décrire un phénomène dont des critères de ce type ne sauraient à eux seuls épuiser la complexité82. En particulier, cet auteur attire l’attention sur la représentativité discutable de l’échantillon, fourni par l’épigraphie, qui sert de fondement à l’analyse de M. A. Marín Díaz : numériquement trop faibles, les soixante-cinq individus connus par les inscriptions ou les légendes monétaires ne peuvent pas non plus être rapportés avec certitude à un horizon chronologique suffisamment précis pour témoigner de l’existence d’un véritable flux migratoire au cours du IIe siècle83. Surtout, pas plus que dans le cas des nomina romains dérivés des clientelae, une dénomination italique ne prouve à coup sûr l’installation définitive d’un Italien dans une province hispanique. Le fonctionnement de l’exploitation des mines de Carthagène, tel que nous pouvons le saisir à partir des inscriptions sur lingots de plomb, illustre parfaitement l’ambiguïté fondamentale de l’interprétation de ces documents. Cl. Domergue a en effet montré que, sur les vingt-trois gentilices apparaissant ainsi, rattachables pour la plupart à l’onomastique de l’Italie méridionale et notamment à celle de la Campanie, seuls les affranchis devaient en réalité constituer des résidents permanents84. Selon lui, les exploitants d’origine italienne se faisaient représenter sur place par ces intermédiaires, mais n’élisaient pas eux-mêmes domicile dans la Péninsule85. Le fait que le nom de ces exploitants apparaisse sur un lingot n’est pas incompatible, bien au contraire, avec une gestion délocalisée, puisque l’estampille indique seulement le propriétaire du métal86.
28Ainsi, même dans le cadre de l’exploitation minière, on ne saurait associer systématiquement mention d’un gentilice italien en péninsule Ibérique et émigration. Bien souvent, c’est en effet l’enracinement du personnel affranchi dans la province qui explique, indirectement, la diffusion du nomen d’un exploitant italien dans l’épigraphie locale. Comme, en outre, ces affranchis n’étaient vraisemblablement pas toujours d’origine italienne, on voit combien il est nécessaire de ne pas tirer de ce type de sources des conclusions hâtives en terme de flux migratoire87.
29Force est donc de reconnaître qu’il n’existe guère de preuves indiscutables d’une installation massive d’émigrants italiens dans les Hispaniae avant la première moitié du Ier siècle88. La raison en est simple : contrairement à ce qui est généralement admis, les conditions susceptibles de provoquer un mouvement d’une telle ampleur n’étaient pas réunies au IIe siècle. Il revient à P. A. Brunt et à P. Le Roux d’avoir mis en évidence le fait que la nécessité d’émigrer outre-mer ne s’imposait pas comme une évidence aux populations italiennes de l’époque89. Les causes « structurelles » et pluriséculaires de l’émigration (fuite devant la famine, espoir d’une vie meilleure, esprit d’entreprise, désir de gloire ou d’aventure) admises par A. J. N. Wilson dès son introduction pour justifier son postulat, sont considérées à raison par ces auteurs comme la transposition anachronique d’un modèle inspiré de l’expérience américaine à l’époque moderne et contemporaine, en particulier au XIXe siècle90. Dans le cadre de la Rome du IIe siècle, le citoyen ne pouvait désirer un changement de domicile qui lui aurait fait perdre le statut attaché au territoire, l’ager romanus, où il résidait91. Il en allait de même des Italiens vis-à-vis de leurs cités respectives : pour eux, le seul changement désirable de statut consistait dans l’obtention de la citoyenneté romaine laquelle ne pouvait impliquer, en vertu du ius migrationis, que le déplacement vers la capitale de l’Empire92. Encore cette aspiration demeura-t-elle limitée jusqu’à un moment fort avancé du IIe siècle93. La puissance publique contrôlait rigoureusement les mouvements du populus composant le corps civique, car ils se révélaient lourds de conséquences sur le plan juridique et politique94. Aussi l’hypothèse même d’un courant d’émigration privé de grande ampleur s’accorde-t-elle mal avec une telle conception, partagée tant par les particuliers que par les gouvernants95. Il est d’ailleurs révélateur qu’au moment où la question agraire, à la fin du IIe siècle, commence à dominer le débat politique, ni les populares, ni les classes rurales réclamant les redistributions n’envisagent de résoudre le problème ailleurs qu’en Italie. En 63 encore, la lex Seruilia, afin de procurer à l’État les moyens d’acheter des terres en Campanie pour y créer des colonies, se contentait de proposer la vente de l’ager publicus autour de Carthagène sans même songer à lotir directement celui-ci96. Il est difficile dans ces conditions d’imaginer qu’ait pu exister au siècle précédent un courant d’émigration spontané vers les Hispaniae, provoqué par la faim de terres des populations italiennes97. Bien qu’on ne puisse nier la présence d’Italici, dès les débuts de la conquête, dans les régions de la péninsule Ibérique soumises à l’influence romaine, il faut se résoudre à admettre que leur nombre est resté relativement modeste, au point qu’il est aujourd’hui devenu difficile, en l’état de notre documentation, de continuer à parler de phénomène migratoire pour la première phase de l’hégémonie romaine en Hispania98.
30Cette remise en cause, à nos yeux justifiée, a jusqu’à présent concerné essentiellement les caractères et le volume de l’émigration civile. En revanche, non sans paradoxe, l’émigration militaire demeure considérée par la majorité des historiens comme la source privilégiée de l’installation de Romains et d’Italiens dans les Hispaniae, dans la mesure où la présence de Rome en péninsule Ibérique s’est manifestée principalement au IIe siècle par l’envoi annuel d’importants contingents de troupes99. R. E. Smith estimait ainsi que les soldats servant outre-mer recevaient du gouverneur, à l’issue de leur service, les moyens de s’établir dans la province, soit directement par l’attribution d’un lot de terrain, soit indirectement, sous forme de numéraire leur permettant d’acquérir un lopin100. Cependant, les procédures de la missio sous la République, telle que nous les connaissons, contredisent une telle vue : l’habitude de gratifier de la sorte les soldats démobilisés apparaît en effet très tardivement, à l’occasion de la rivalité entre les différents imperatores au cours de la première moitié du Ier siècle101. En outre, même à cette époque, les lotissements de vétérans ne furent envisagés qu’en Italie et, avant Marius, ne concernèrent donc pas plus les provinces que dans le cas de la question agraire évoquée précédemment. Toutefois, sans aller pour cette raison aussi loin que R. E. Smith, la plupart des historiens admet que le soldat ayant servi longtemps dans la péninsule Ibérique et ayant peut-être dans certains cas fondé une famille, comme le suggère l’existence attestée de nombreux hybridae, pouvait préférer rester sur place, son service achevé, plutôt que de rentrer en Italie où ses perspectives sociales et économiques, surtout dans le cas d’un socius italique, devenaient de moins en moins encourageantes au cours du IIe siècle102. Certains gouverneurs auraient en outre favorisé ponctuellement cette tendance en établissant d’anciens soldats dans des villes indigènes refondées pour l’occasion. Cependant, ce schéma, largement diffusé dans l’historiographie, ne va pas sans soulever un certain nombre de difficultés.
31Ainsi, il n’est pas du tout assuré, on l’a vu, que les soldats des armées de conquête aient connu en péninsule Ibérique un service sensiblement plus long que sur les autres théâtres d’opération méditerranéens103. L’exception hispanique en la matière n’apparaît pas clairement dans les sources, contrairement à l’opinion la plus répandue. Il convient de ne pas confondre la présence permanente des armées avec celle des soldats que la pratique des supplementa permettait de remplacer régulièrement. Que certains milites aient bien effectué sur place plus de deux ou trois années de service n’implique pas qu’il s’agissait du cas le plus fréquent. Les situations individuelles variaient sans doute considérablement en fonction de l’ancienneté acquise par le soldat au cours d’autres campagnes comme des circonstances des opérations en cours dont le succès ou l’échec déterminait le sénat et les généraux à licencier une proportion plus ou moins grande des troupes. Par conséquent, les conditions du service dans les Hispaniae n’ont pas dû particulièrement inciter un nombre important de soldats à s’installer ensuite dans la Péninsule. L’exemple de Spurius Ligustinus montre que cinq années d’affilée passées à combattre en Macédoine n’avaient pas suffi à provoquer son déracinement104. Il n’y a pas davantage de raison de penser que, même dans le cas où certains soldats demeurèrent six années sur le sol ibérique, cette contrainte provoqua chez la majorité d’entre eux le désir de ne pas rentrer ensuite en Italie. Le cadre mental invoqué précédemment à propos de l’émigration civile s’appliquait tout autant aux légionnaires et aux socii, d’abord citoyens de leurs cités respectives. La différence essentielle résidait dans le fait que les militaires faisaient, par la force des choses, l’expérience du déplacement outre-mer et que cette émigration temporaire facilitait certainement pour certains la décision de la rendre définitive. Pour cette raison, il est vraisemblable que, parmi les Italiens établis dans la péninsule Ibérique, se trouvait une forte proportion d’anciens soldats. Cependant, cette présomption ne préjuge en rien du volume total atteint par ces établissements définitifs.
32La conviction que Rome favorisa l’installation en Hispania de groupes de soldats démobilisés, notamment italiques, tient pour une grande part à la signification accordée à la fondation d’Italica par Scipion dès 206, sur la rive droite du Guadalquivir, à l’emplacement de l’actuelle Santiponce. Cette initiative apparaît aujourd’hui comme le modèle d’une série de fondations urbaines, tenues pour les prototypes des colonies militaires du siècle suivant105. Pourtant, la forme prise par l’établissement scipionien ainsi que sa composition ne sont pas parfaitement connues. Ainsi M. J. Pena Gimeno a remarqué que l’expression utilisée par Appien (συνῴϰισε τούς τϱαύματίας ἐς πόλιν) n’implique pas, d’un point de vue philologique, la référence à une création ex nouo106. L’historien alexandrin ne dit pas en effet que Scipion fonda une nouvelle ville : il se contente de rapporter le fait que le général installa ses soldats dans une ville à laquelle il donna ensuite le nom d’Italica. Cette réserve nous paraît essentielle. Elle rappelle le processus suivi quelques décennies plus tard par Tiberius Sempronius Gracchus dans la haute vallée de l’Èbre, lorsque celui-ci établit en 178 des guerriers celtibères dans l’une de leurs place-fortes qu’il réorganisa avant de lui donner son nom, Gracchurris107. Or, les soldats laissés par Scipion en 206 à Italica étaient les blessés de la bataille d’Ilipa et rien ne permet d’assurer que leur installation ne fut pas seulement provisoire. On sait en effet qu’une telle pratique était coutumière aux généraux romains : en 181, après sa victoire chèrement acquise sur l’armée celtibère, Fulvius Flaccus confia ses blessés à la ville voisine d’Aebura où il avait placé un praesidium avant la bataille108. Il est probable qu’une fois rétablis, ces hommes rejoignirent le reste de l’armée car il n’y a aucune raison de penser qu’une garnison permanente demeura dans la place109. Du reste, à lui seul, cet épisode n’a jamais amené les historiens à supposer que Flaccus avait créé à Aebura un établissement similaire à celui envisagé pour Italica. Cet élément incite à considérer prudemment l’éventualité selon laquelle la mesure prise par Scipion en 206 s’était accompagnée de l’installation définitive d’un grand nombre de soldats italiques plutôt que de la réorganisation d’un oppidum indigène, à la manière de Gracchurris.
33Certes, le nom d’Italica, s’il date bien de l’époque de la fondation, ne permet guère de douter de la présence, parmi la population, d’un élément romano-italique110. En 206, celui-ci correspondait nécessairement à certains des blessés dont parle Appien. Encore faudrait-il pouvoir déterminer leur nombre avant de conclure à une première expérience d’émigration militaire. Le fait est qu’ils n’ont guère laissé d’empreinte visible dans la stratigraphie du site. L’archéologie montre en effet que, architecturalement et culturellement, l’Italica primitive, bien que mal connue, se distinguait manifestement peu des sites ibères, ce qui est surprenant si l’on admet qu’elle avait dès l’origine massivement abrité des soldats italiens111. Il est frappant à ce sujet de rappeler, avec S. Keay, que Tite-Live ne dit mot de la fondation de Scipion alors même que les hauts-faits de celui-ci dans la Péninsule sont minutieusement évoqués par l’historien augustéen112. Il est donc d’autant plus intéressant de noter que l’épisode n’est connu que par Appien, un écrivain du IIe siècle de notre ère soucieux d’exalter les prestigieuses origines de la patrie de deux empereurs de son temps113. Tout se passe en effet comme si la portée de la fondation de 206 ne prenait que rétrospectivement, à la lumière de l’histoire future de la ville, la dimension pionnière qu’on tend généralement à lui attribuer114. À quoi correspondait réellement, par conséquent, l’Italica de Scipion ? Les données manquent cruellement pour répondre à cette question essentielle. En mettant définitivement en évidence une occupation préromaine du site, les fouilles de ces dernières décennies ont conduit les historiens à admettre le principe d’un établissement mixte initial, sans parvenir toutefois à écarter totalement la possibilité d’un oppidum ibère romanisé115. La fréquence du gentilice Cornelius dans l’onomastique de la ville transmise par l’épigraphie suggère une relation clientélaire que peut suffire à expliquer le rôle joué par l’agglomération dans le dispositif stratégique de Scipion durant la dernière phase de la seconde guerre punique116. Dans cette perspective, la proportion initiale de soldats italiques définitivement installés sur place fut peut-être beaucoup plus réduite qu’on ne le suppose ordinairement117. Certes, le rôle majeur des Italicenses dans la conjuration contre Cassius Longinus en 48 atteste que la ville abritait sans doute au milieu du Ier siècle un noyau actif de citoyens romains118. Mais cela ne prouve pas qu’il en allait de même un siècle et demi auparavant, ni que ces notables soient les descendants directs des premiers colons établis par Scipion. La situation de la ville, à proximité de l’embouchure du Guadalquivir et aux portes des riches districts miniers de la Sierra Morena occidentale, a pu en effet attirer certains émigrants ou favoriser les prétentions de l’élite locale. Toutefois, dans les deux cas, cette évolution fut sans doute assez tardive et limitée, car la ville ne paraît pas avoir joui au IIe siècle d’un quelconque pouvoir d’attraction, contrairement aux grands ports de la façade littorale orientale comme Tarragone et Carthagène119. La présence d’une communauté d’origine romano-italique est d’ailleurs extrêmement mal attestée pour cette époque. Ainsi, aucun élément ne permet de lever entièrement l’ambiguïté relative à l’unique mention, livrée par Appien, d’un soldat originaire d’Italica dans la seconde moitié du IIe siècle, un certain Caius Marcius à qui des responsabilités militaires furent confiées par le préteur Quinctius au cours des opérations menées en 143 contre Viriathe120. Aucun des arguments employés pour conclure qu’il s’agissait d’un émigré ou d’un descendant d’émigré n’est véritablement concluant121. À l’inverse, le nom du personnage, pleinement romain, fait davantage penser à la diffusion clientélaire d’un gentilice qu’à la transmission par filiation du nomen de l’un des soldats italiques établis par Scipion122. En outre, un pérégrin d’Italica pouvait parfaitement porter un nom romain sans bénéficier de la citoyenneté romaine123. L’exemple de la fondation de 206 illustre donc les écueils d’une démarche consistant à supposer bien établi le fait que l’émigration italienne vers la péninsule Ibérique aurait eu très tôt une origine en grande partie militaire. Il convient par conséquent de ne pas surestimer le rôle de l’armée de conquête dans la formation des communautés romaines qui contribuèrent, au milieu du Ier siècle, au recrutement des légions vernaculaires124.
34En effet, les quelques créations urbaines postérieures mentionnées par les sources et susceptibles d’être mises en relation, avant la période césarienne, avec l’installation de milites romains ou italiques sont en nombre très réduit. Parmi elles, on compte ordinairement Cordoue (Corduba) et Valence (Valentia) ainsi que Palma et Pollentia dans les îles Baléares. Le bilan est par conséquent particulièrement maigre, même si l’on doit évidemment supposer que les données fournies par nos sources ne présentent aucun caractère exhaustif125. À cela s’ajoute le fait que la composition de ces fondations comporte une grande part d’incertitude. Selon Strabon, Cordoue accueillit une population mixte où les Ῥωμαῖοι ne formaient qu’un élément parmi d’autres126. Les historiens modernes hésitent à inclure des citoyens romains dans le groupe désigné ainsi127. Toutefois, tous estiment majoritairement que celui-ci correspondait assurément à des contingents démobilisés de l’armée romaine. Il n’en existe pourtant aucune preuve formelle128. L’ambiguïté est identique à celle constatée précédemment pour la double déduction de Metellus Balearicus en 123-122 à Palma et Pollentia129. Nous ignorons, faute de source explicite, d’où provenaient les trois mille Ῥωμαῖοι, également évoqués par Strabon, et à partir de quelles catégories de population ils furent réunis130. L’hypothèse de la présence parmi eux de nombreux légionnaires n’est qu’une supposition par défaut, sans réelle consistance131. Comme dans le cas de Cordoue, elle repose avant tout sur la conviction que, pour le général qui prenait l’initiative d’affirmer par une fondation urbaine l’empreinte de Rome sur les territoires conquis, les soldats italiens démobilisés formaient, de manière privilégiée, un noyau de population disponible et adapté à une telle ambition.
35L’exemple de Carteia suggère cependant que les porteurs de la culture romaine ne se limitaient pas aux légionnaires ou aux socii combattant dans la Péninsule. En 171, une délégation d’hybridae, c’est-à-dire de fils de soldats romains et de femmes hispaniques, réclama devant le sénat de Rome une cité où s’établir et vivre132. En leur assignant la cité turdétane de Carteia, située au nord de l’actuelle baie d’Algésiras, les patres reconnaissaient la légitimité de leur requête, au titre de consanguinei. En effet, contrairement à une théorie formulée notamment par Ch. Saumagne, il n’est guère probable qu’il se fût agi d’esclaves dont l’affranchissement aurait constitué le préalable à leur inscription sur les registres de la colonie133. La signification de la manumissio mentionnée par Tite-Live a été pour cette raison très discutée, d’autant plus que le texte présente à cet endroit une incertitude de lecture134. Selon la restitution privilégiée, on admet aujourd’hui que les libertini inscrits dans la colonie étaient ou bien les affranchis des hybridae135 ou bien les hybridae eux-mêmes suite à une fiction juridique destinée à les faire passer du statut de pérégrin à celui de latin136. Dans un cas comme dans l’autre, la création de la colonie latine, explicitement attestée par Tite-Live, marquait l’appartenance reconnue de ces descendants de soldats romains à la sphère de la romanitas et annonçait l’intégration future de leur communauté dans la citoyenneté romaine pleine et entière137. La fondation de la ville sur cette base sanctionnait le rôle que cette catégorie nouvelle et non négligeable de population (nouum genus hominum) pouvait être amenée à jouer dans la romanisation de la Péninsule, rôle dont les dirigeants de l’Urbs prirent conscience à l’occasion de l’ambassade de 171138. Le cas unique représenté par Carteia en Hispania, objet d’interrogations multiples, ne s’explique pas autrement139. Une fondation de ce type ne pouvait avoir été envisagée auparavant puisque, trente ans après la fin de la seconde guerre punique, la première génération d’hybridae arrivait seulement à l’âge adulte. Le nombre atteint par ces individus mâles adultes, plus de quatre mille selon Tite-Live, exigeait alors une solution inédite d’envergure. Par la suite, on peut imaginer que les générations postérieures, désormais prises en compte par les autorités provinciales et bénéficiant du précédent de Carteia, fournirent précisément aux gouverneurs une proportion importante des populations installées dans leurs propres fondations. Par comparaison, cette éventualité pourrait alors fournir un indice supplémentaire du statut latin octroyé à Cordoue, Palma et Pollentia, dont nous ne possédons cependant aucune preuve décisive140. D’accord en cela avec R. C. Knapp, il nous semble qu’il faut réévaluer l’importance des hybridae dans le développement de ces établissements, parallèlement à une composante indigène romanisée toujours présente141. Ils y représentaient une grande part de l’apport « romain » que l’on attribue ordinairement, d’une manière sans doute trop stricte, aux seuls soldats démobilisés142. Par conséquent, dans l’état actuel de la documentation, ces derniers ne sauraient être systématiquement associés aux quelques mentions de création de villes nouvelles parles magistrats chargés des provinces.
36En fin de compte, la complexité des problèmes posés par cette idée d’une émigration militaire est assez bien illustrée par le dossier de la fondation de Valentia, que l’on s’accorde aujourd’hui à situer sur la côte du Levante, à l’emplacement de l’actuelle Valence143. Contrairement aux exemples précédents, la fondation de la ville, connue seulement par une phrase de l’abréviateur de Tite-Live, est explicitement rapportée à l’installation d’une population d’origine militaire : Iunius Brutus cos. in Hispania iis qui sub Viriatho militauerant agros et oppidum dedit quod uocatum est Valentia144. Néanmoins, la traduction de ce passage présente un certain nombre de difficultés. Qui sont précisément les milites dont il est question ? S’agit-il de Lusitaniens, survivants de l’armée de Viriathe, comme l’ont pensé longtemps la majorité des travaux145, ou bien de légionnaires romains et d’alliés italiques, comme l’affirme une hypothèse déjà ancienne146, mais reprise et développée par les travaux les plus récents147 ? Quoi qu’il en soit, la mention de groupes qualifiés respectivement de ueterani et de ueteres dans plusieurs inscriptions d’époque impériale est fréquemment considérée comme une preuve de l’existence d’au moins une déduction de soldats originaires d’Italie148. La chronologie tardive de ces témoignages pose cependant la question de leur relation avec la période de la fondation149. Malgré cela, il est généralement admis qu’ils refléteraient les phases successives de la composition du corps civique, une colonie de vétérans (ueterani) étant venue renforcer un noyau originel de peuplement (ueteres)150. Ceux qui privilégient l’hypothèse d’une installation exclusive de légionnaires et/ou de socii estiment que les ueteres sont les descendants des soldats romano-italiques installés par Brutus en 138, tandis que les ueterani sont ceux de colons établis dans un deuxième temps, dans la première moitié du Ier s. av. J. -C. ou bien dans le courant du Ier siècle ap. J. -C.151. Ceux qui défendent au contraire l’hypothèse d’un lotissement initial de Lusitaniens attribuent les ueteres aux descendants de ceux-ci mais pensent également que les ueterani correspondent à des colons romano-italiques installés peu après ou plus tardivement152.
37Le débat ne peut guère être tranché à partir des sources écrites. Pour sortir de l’impasse, certains ont proposé de comprendre l’expression sub Viriatho non pas comme une référence à l’origine des soldats concernés mais comme une indication temporelle que l’on pourrait traduire par « à l’époque de Viriathe »153. Cependant, les faiblesses de cette interprétation, sur le plan philologique, ont été suffisamment démontrées154. Telle quelle, la phrase de la periocha ne peut avoir trait qu’à des soldats lusitaniens. Comme la situation stratégique de la ville ainsi que son nom et son haut degré de romanisation dès le Ier siècle semblent mieux convenir à une installation de soldats italiques, R. Wiegels a proposé de supposer une confusion de la source antique entre la fondation de Valentia (à partir de contingents romains) et celle de Brutobriga (à partir de troupes lusitaniennes)155. Comme l’a justement noté P. Le Roux, quelle que soit la solution privilégiée, l’hypothèse d’une déduction initiale de soldats romano-italiques impose donc de transformer la signification du texte original, pourtant bien établi156. Cette manipulation se révèle d’autant plus discutable qu’une installation de soldats indigènes n’est pas en soi incompatible, bien au contraire, avec les caractéristiques données à la fondation initiale par la phrase de l’abréviateur157.
38Le développement spectaculaire de l’archéologie valencienne depuis le milieu des années 80 est venu cependant apporter des données nouvelles. Celles-ci attestent désormais sans ambiguïté que la ville d’époque républicaine est bien une fondation ex nouo dont la morphologie présente des traits incontestablement romains158. Les fouilles ont notamment permis de mettre au jour des structures appartenant à des constructions publiques : un grand édifice, interprété comme un horreum, dont la construction est datée approximativement vers 100159 ; un petit complexe thermal flanqué de tabernae et détruit vers 75, ce qui fait de lui à ce jour le plus ancien édifice de ce type dans la péninsule Ibérique160. L’association de ce type d’urbanisme à la présence d’une population d’origine italique est alors fondée sur plusieurs éléments concluants : la découverte de dépôts votifs, mis en relation avec des rituels de fondation, publics ou privés, similaires à ceux documentés en Italie même161 ; la présence d’une abondante céramique italienne (essentiellement de la campanienne, associant les formes A et B)162 ; un monnayage de bronze dont la métrologie, les types et les légendes sont clairement latines, tandis que les nomina des magistrats monétaires, lorsqu’ils sont connus, correspondent à des noms italiques peu courants163 ; enfin, l’étude de la nécropole de la rue Quart, dans la partie orientale de la ville actuelle, atteste la pratique de rites funéraires nettement italiques164. L’analyse anthropologique des squelettes suggère en outre une population robuste et très masculine165. Une publication signale également la présence de restes d’armement, considérés comme ceux d’un gladius et de casques de type Montefortino166. Dans ces conditions, l’hypothèse d’une fondation militaire romaine ne fait pas de doute pour A. Ribera : les traces de fonds de cabanes et de trous de poteaux retrouvés rue Roc Chabàs sont donc interprétées comme les vestiges du campement temporaire ayant servi à héberger les colons dans l’attente du début des travaux de construction de la ville167 ; les structures mal conservées, mises au jour sous les édifices républicains des Cortes Valencianas et de l’Almoina, sont identifiées comme les restes des baraquements ayant permis de loger les soldats pendant l’érection de l’enceinte168. Ainsi, en l’espace de trois décennies, sont distinguées trois phases d’occupation très rapprochées, mais bien différenciées, qui aboutissent à l’étape monumentale attestée aussi bien par les restes de muraille que par le quartier de l’Almoina169. Enfin, l’étude de la faune semble parfaitement compatible avec les habitudes alimentaires supposées de colons d’origine italienne170.
39On le voit, si les arguments fondés sur la céramique et la numismatique n’ont rien de nouveau171, le dossier archéologique a pris en revanche une consistance certaine. Cependant, quelle que soit la richesse, et même le caractère tout à fait exceptionnel de celui-ci, on ne saurait ignorer certaines difficultés de l’interprétation qui peut en être donnée. Ainsi, l’abondance de la céramique italique, ne doit pas faire oublier que les productions indigènes sont également bien représentées172. Ajoutons que, dans cette région de contact anciens et d’échanges importants, un faciès très romanisé du matériel n’exclut pas à lui seul la possibilité d’une occupation majoritairement non romaine173. Au contraire, comme l’a rappelé récemment S. J. Keay, l’emploi de vaisselle italique ou le recours à un urbanisme romain ont tout aussi bien pu être privilégiés par des habitants issus de la Péninsule afin d’affirmer leur loyauté nouvelle à l’égard de Rome174. Ainsi, la monumentalisation que reflète la construction de l’ensemble de l’Almoina (tabernae, horreum, thermae) ne suffit pas en soi à préjuger de la composition ethnique des premiers habitants175. D’ailleurs, l’étude de la nécropole de la rue Quart ne permet pas d’exclure entièrement la présence d’une population non italique : sur les 38 tombes exhumées, seules quatre d’entre elles ont livré les têtes de porc et les strigiles qui permettent de les mettre nettement en relation avec un rituel funéraire typiquement italique176 ; d’autre part, si les fosses à incinération peuvent être mises en relation avec une population de même origine, dans la mesure où elles sont fréquemment associées à des dépôts similaires (notamment de la céramique italique et des strigiles), le caractère nettement ibère des crémations datées par les fouilleurs du Ier siècle a aussi été souligné177. Sur cette base, il nous paraît par conséquent prématuré de conclure que Valentia serait la première ville de péninsule Ibérique peuplée exclusivement, dès l’origine, de colons romano-italiques178. D’autant plus que, de l’aveu même d’A. Ribera, les contraintes induites par le développement de la ville actuelle limitent pour l’heure la fouille de la ville républicaine à seulement 2 % de sa superficie supposée179. Ces limites inévitables, et presque inhérentes à l’archéologie urbaine, ne doivent en aucun cas interdire de formuler des hypothèses raisonnables, mais, inversement, il convient également de ne pas minimiser excessivement la portée des incertitudes qui subsistent.
40Dans l’état actuel du dossier, il nous paraît donc raisonnable d’admettre l’existence à Valentia d’un noyau d’habitants d’origine (ou de culture) italique180. Le témoignage des émissions monétaires, associé aux caractères de l’urbanisme, permet effectivement d’aller dans ce sens. À quel moment s’est constitué cette partie du peuplement de la ville et quelle proportion de la population totale elle représentait, c’est en revanche ce que nous ne pouvons déterminer avec certitude181. De ce point de vue, une alternative comme celle suggérée il y a plus de vingt ans par P. Le Roux paraît en fin de compte toujours valable182. Rien n’interdit en effet que, dans le premier tiers du Ier siècle au plus tard, le nombre des occupants originaux ait été augmenté d’éléments italiens, peut-être à l’occasion d’une nouvelle déduction183. Si cette seconde phase a bien eu lieu, elle a pu, comme cela s’est produit ailleurs, accélérer profondément la transformation de l’agglomération en urbs. Néanmoins, l’installation d’émigrants italiques surplace n’est pas absolument indispensable pour expliquer une telle évolution : comme l’a fait valoir récemment S. J. Keay, le besoin d’imaginer la nécessité d’un tel contact direct correspond en fait à une forme de théorie diffusioniste dont les progrès des approches archéologiques ont montré les limites et les dangers184. La monumentalisation observable dès la fin du IIe siècle a pu tout aussi bien résulter d’une dynamique urbaine interne. Certes, si la ville a bien été élevée au rang de colonie suite à la guerre sertorienne, durant laquelle Valentia fut prise par Pompée et détruite, l’hypothèse d’une déduction de colons romains s’en trouverait renforcée185. Toutefois, même si elle est probable, la réalité de cette déduction pompéienne n’est pas admise partous186. Ainsi, bien que la présence d’habitants d’origine italique dès les premières phases d’occupation de la ville ne fasse guère de doute, il paraît fort hasardeux d’en déduire qu’elle était exclusive, ni même majoritaire avant le milieu du Ier siècle, et, surtout, contrairement à l’opinion actuellement dominante, rien n’assure qu’il s’agissait principalement de militaires187.
41Les réserves émises jusqu’ici au sujet de la composition des différentes fondations attestées par les sources n’entendent évidemment pas remettre entièrement en cause l’idée d’une participation effective de légionnaires et de socii démobilisés à un courant d’émigration vers la péninsule Ibérique amorcé au cours du IIe siècle. En effet, non seulement notre documentation ne nous offre pas les moyens d’en rejeter complètement l’existence, mais il est difficile en outre de penser que, sur le nombre des individus transportés en Hispania à l’occasion de leur service, aucun n’ait choisi de demeurer sur place pour des raisons dont le détail échappe inévitablement à l’historien de l’Antiquité. Toutefois, et c’est là le sens des pages qui ont précédé, il faut admettre également que les sources dont nous disposons ne permettent pas, à l’inverse, d’attribuer une grande envergure à ce mouvement. Ni les conditions du service en Hispania, ni les initiatives des gouverneurs en matière de fondations urbaines ne favorisaient particulièrement un déracinement qui restait encore fondamentalement contraire à l’idéal civique. Pas plus que pour les mouvements de populations civiles, liés à l’exploitation des ressources ou à l’activité commerciale, il n’est donc possible de mettre clairement en évidence, pour le IIe siècle, un processus d’installation massive et durable de colons italiens issus des contingents annuellement envoyés pour combattre dans les provinces hispaniques.
42Comment comprendre alors la présence incontestable, en Citérieure et surtout en Ultérieure, à l’époque des guerres civiles, d’une population citoyenne nombreuse dont témoignent les recrutements de la legio uernacula et des contingents légionnaires similaires ? La contradiction n’est qu’apparente, car rien n’oblige à faire remonter la genèse de ce phénomène au-delà des années 100. Le début du Ier siècle représente en péninsule Ibérique une période de mutation que l’attention privilégiée portée par les textes aux convulsions de la vie politique romaine tend parfois à occulter.
43De ce point de vue, l’importance cruciale, pour l’intégration des provinces hispaniques au monde romain, de la période comprise entre les ultimes décennies du IIe siècle et la guerre sertorienne n’est plus à démontrer188. S’approfondissait alors un processus de contacts et d’échanges durant lequel les Hispaniae voyaient se renforcer leurs liens politiques, économiques et culturels avec Rome et l’Italie. Durant cette période, la circulation des hommes et des biens s’accéléra dans un bassin méditerranéen que Rome commençait à penser définitivement comme un mare nostrum. Ajouté aux difficultés croissantes provoquées par le développement de la crise politique et institutionnelle qui allait déboucher sur les luttes intestines du milieu du siècle, cet élargissement de l’horizon de la cité aux dimensions de l’Empire créait désormais les conditions favorables à l’implication d’un nombre sans cesse plus important d’Italiens dans la péninsule Ibérique189. Plus que la première partie de la conquête, c’est surtout cette ultime phase de l’histoire de l’Hispania républicaine qui explique la présence conséquente de ciues Romani sur le sol ibérique à la veille du conflit césaro-pompéien.
44Même ainsi, l’ensemble des individus concernés par les levées des guerres civiles ne correspondait pas uniquement à des Hispanienses. En effet, comme l’a souligné P. le Roux, il faut éviter d’assimiler systématiquement cette présence accrue d’éléments italiens à une installation définitive d’émigrants190. De même qu’en Orient, ni les negotia, ni l’acquisition par des particuliers de terres en péninsule Ibérique, n’impliquaient aucunement la résidence permanente dans la province. En outre, parallèlement à l’expansion de ces activités économiques et commerciales à l’échelle de la Méditerranée occidentale, les troubles de la République finissante favorisaient la dispersion momentanée des citoyens romains à travers l’Empire. En particulier, les guerres civiles qui ensanglantèrent l’Italie dès la fin de la Guerre sociale occupent une place essentielle dans les déplacements de populations vers les provinces hispaniques. L’exil politique, volontaire ou non, a fourni ainsi une proportion notable des Romains dont la présence est attestée à un moment ou à un autre dans la Péninsule191. Dès le début de l’affrontement opposant Marianistes et Syllaniens, nombreux furent les membres des gentes de chaque bord qui cherchèrent alternativement refuge en Hispania pour échapper aux représailles du parti adverse parvenu au pouvoir à Rome. Le cas de M. Brutus en 86, partisan de Marius, ou, pour ce qui concerne les Syllaniens, celui de M. Crassus en 85, déjà évoqué, sont bien connus et représentent seulement des exemples illustres d’un mouvement qu’on devine d’une plus grande amplitude192. Le choix de la Citérieure ou de l’Ultérieure comme destinations de ces exilés révèle assurément l’attrait exercé par ces provinces, depuis longtemps sous hégémonie romaine, et montre l’importance revêtue au Ier siècle par les clientèles extra-italiennes forgées par les généraux successifs au cours de leurs campagnes193. Mais ces épisodes nous rappellent également combien il est difficile, dans la documentation relative à la période tardo-républicaine, de distinguer, parmi les nomina attestés en Hispania au hasard des sources, ceux qui ont trait à des Romains d’Espagne, issus de ces provinces, de ceux qui correspondent simplement à des individus dont le séjour était en réalité temporaire, motivé par leur désir d’échapper aux troubles secouant l’Italie ou par celui de participer à la lutte se déroulant dans les différentes parties de l’Empire194.
45Dans cette perspective, il est curieux que l’exemple de T. Pomponius Atticus ne soit jamais cité à titre de comparaison dans les travaux relatifs à l’émigration italienne en Hispanie. Nul ne songerait en effet à déduire du cognomen du célèbre familier de Cicéron ni de ses vingt-trois années passées sur ses terres en Épire, loin de Rome et de l’Italie (où il avait d’ailleurs vendu la plus grande partie des biens appartenant à sa famille), qu’Atticus avait émigré en Orient ou qu’il descendait d’une famille d’émigrants. Lors de son exil volontaire, il maintint des contacts étroits non seulement avec Cicéron mais aussi avec de nombreux membres de l’aristocratie romaine comme Caton, Pompée, César, Hortensius ou Brutus195. Inversement, revenu à Rome une fois la situation politique apaisée, il conserva ses propriétés orientales196. Comment ne pas voir dans cette démarche l’illustration d’une tentation que durent éprouver nombre de Romains fortunés, possesseurs de domaines outre-mer, pour échapper à l’horreur des proscriptions de Marius puis de Sylla ? Il est ainsi séduisant de penser que le riche propriétaire terrien des environs de Málaga qui recueillit le jeune Crassus en 85, un certain Vibius Pac(c)iaecus, fut de ceux-là197. Le personnage est habituellement considéré comme un descendant enrichi d’émigré campanien198. Cette conviction ne repose pourtant sur aucun élément décisif. Au contraire, sa fidélité à Sylla, marquée par le soutien apporté à Crassus en 85, ou par son expédition en Maurétanie contre Sertorius en 80, au cours de laquelle il trouva la mort, suggère qu’il avait pu tout aussi bien quitter l’Italie pour échapper aux représailles féroces des marianistes199. Cette interprétation se trouve renforcée si l’on admet, comme c’est généralement le cas, que le L. Vibius Pac(c)iaecus servant comme praefectus dans l’armée césarienne en 46-45 appartenait à la même famille200. À l’occasion de la désignation de ce personnage pour conduire la troupe envoyée au secours de la ville d’Ulia, assiégée par les Pompéiens, le Bellum Hispaniense se contente de le définir comme prouinciae notum et non parum scientem201. L’expression permet de penser que Vibius possédait bien un patrimoine en Ultérieure mais elle est en revanche insuffisante pour déduire une origo hispanique. Cette famille, dont l’existence nous est donnée à connaître à l’occasion des événements de la guerre sertorienne, ne représente sans doute pas un cas isolé. À la même époque, on peut établir un parallèle avec le cas de L. Fabius Hispaniensis202. Ce personnage est parfois considéré également, sur la foi de son cognomen, comme un Romain d’Espagne. En effet, dans la mesure où l’on admet généralement qu’il s’agit du même individu que celui mentionné comme questeur en Citérieure en 81 sous les ordres de C. Annius Luscus203, on en conclut que cette charge fut trop brève pour expliquer son surnom par une action d’éclat au cours de ce mandat204. L’argument n’est guère probant, car rien n’assure en réalité que le proscrit et le questeur de 81 soient une seule et même personne. Il est plus probable qu’il s’agisse de deux individus différents205, peut-être le père et le fils206. D’autre part, le cognomen du proscrit pouvait simplement avoir pour origine le fait que cet individu, ou sa famille, tout en résidant en Italie, était depuis longtemps étroitement lié par ses intérêts à la Péninsule207. Il est difficile de croire en effet que ce Fabius ait pu être, à cette époque, un Hispaniensis venu à la capitale pour entamer une carrière politique, comme le pense par exemple E. Gabba. Il s’agissait plutôt d’un sénateur romain passé dans le camp de Sertorius suite à sa proscription. Le chef marianiste ayant été capable de réunir un sénat de trois cents membres, dont très peu devaient être originaires d’Hispanie, on mesure l’ampleur des déplacements de population liés aux luttes politiques et aux proscriptions208.
46Tout en témoignant incontestablement de la place occupée désormais dans l’Empire par les provinces hispaniques, une grande partie de l’afflux de citoyens en Citérieure et en Ultérieure à l’époque des guerres civiles répondait ainsi à des motifs circonstanciels. Ainsi, les six mille hommes arrivés en convoi au bord du Sicoris en 49 n’avaient rien d’émigrés en quête d’un lieu où s’établir209. Mêlant des auxiliaires gaulois, de jeunes aristocrates romains membres de l’ordre équestre, des délégations de villes hispaniques et des officiers de César rejoignant leur chef, cette colonne de renforts participait pleinement, au contraire, au tumulte de la guerre en cours qui entraînait dans son sillage ceux qui avaient choisi, bon gré mal gré, de soutenir l’un ou l’autre parti. Ce constat explique pour une grande part les mentions d’equites présents dans l’armée de César ou dans celle de Pompée en 46-45. Certains, de passage pour leurs affaires ou prudemment éloignés de l’Italie, se trouvaient également surpris sur le sol ibérique par les conscriptions autoritaires des gouverneurs puis des généraux pompéiens. La correspondance de Cicéron nous apprend qu’une telle mésaventure arriva à C. Subernius de Calès, réfugié en Ultérieure en 49 et enrôlé en 46 dans les troupes de Cn. Pompée, bien malgré lui semble-t-il210. Un autre habitant du même municipe, M. Planius, se trouva manifestement dans une situation identique211. Il est intéressant de noter que cette lettre de Cicéron, destinée à son ancien gendre P. Cornelius Dolabella, membre à cette date du consilium césarien en Ultérieure, appuyait la requête d’hommes désireux d’obtenir leur pardon pour pouvoir rentrer en Italie212. On ne saurait mieux dire qu’il ne s’agissait nullement d’émigrés définitifs.
47Certes, on ne peut nier que les provinces hispaniques abritaient un certain nombre de résidents romains au milieu du Ier siècle, aussi bien en Citérieure213 qu’en Ultérieure214. Le témoignage césarien suffit du reste à montrer, on l’a vu, que les armées pompéiennes de 49 intégraient beaucoup d’hommes dont le domicilium se trouvait dans l’une ou l’autre de ces provinces215. Certains, combattant du côté césarien, sont nommément connus, comme Q. Iunius ou L. Titius216. Toutefois, il importe de souligner que les recrutements de légionnaires effectués dans les Hispaniae durant les guerres civiles ne se réduisaient pas à la composante citoyenne appartenant à la société provinciale. À côté de ceux qui, comme les soldats de la legio uernacula, résidaient incontestablement dans la Péninsule, figuraient également beaucoup de Romains de passage momentanément fixés par les hasards des conflits ou les aléas de leurs engagements sur le sol de la province. Ainsi l’ampleur spectaculaire de la conscription menée en Hispania au Ier siècle, en Ultérieure notamment, ne doit pas masquer le fait que, jusqu’à la fin de la République, les levées provinciales demeurèrent davantage un complément aux armées envoyées d’Italie, voire un expédient. Un constat similaire peut être dressé à propos des contingents auxiliaires pérégrins avec lesquels les généraux romains renforçaient leurs troupes italiennes.
II. — LES AUXILIA EXTERNA : L’APPEL AUX FORCES INDIGÈNES
48Un recours direct au mercenariat resté marginal.
49— Une contribution attendue des peuples péninsulaires à l’effort de guerre.
50Au cours de la conquête, le nombre des légions et de leurs socii italiques présents en Hispania a peu évolué, se maintenant à un niveau finalement fort modeste en regard de l’immensité ibérique217. Le cloisonnement des sociétés péninsulaires, confrontées tour à tour aux Romains, suffit pour l’essentiel à expliquer l’efficacité d’une force aussi réduite218. Cependant, même sans tenir compte des réclamations répétées des généraux toujours désireux de disposer de troupes plus nombreuses, les occasions requérant des effectifs supplémentaires ne manquèrent pas, tout au long de notre période. Faute de possibilités de levées provinciales de citoyens dont nous venons de rappeler les limites, y compris pour la fin de la République, Rome s’appuyait sur des contingents de pérégrins fournis par les peuples conquis et regroupés sous le terme générique d’auxilia externa. L’historiographie moderne relative à la péninsule Ibérique fut longtemps partagée sur la question du poids de ces auxiliaires hispaniques dans les succès de la conquête. Certains, comme A. Balil, admettaient que ces troupes avaient représenté l’essentiel des forces romaines219 ; d’autres, comme A. García y Bellido, insistaient à l’inverse sur leur faiblesse numérique en raison du sentiment anti-romain prêté à la majorité des populations indigènes220. Les travaux plus récents, à la suite des études de J. M. Roldán, ont appelé, à juste titre, à abandonner ces lectures idéologiques, trop ancrées dans une histoire nationale221. Constant, l’appel à des auxiliaires formait en effet un aspect indissociable de l’hégémonie romaine sur la Péninsule et, à ce titre, présentait un degré de pragmatisme similaire.
UN RECOURS DIRECT AU MERCENARIAT RESTÉ MARGINAL
51Parmi les troupes hispaniques combattant aux côtés des Romains, il n’est pas toujours aisé de distinguer les mercenaires, stipendiés par les généraux qui les recrutent, des auxiliaires, fournis à titre de prestation obligatoire par les sujets ou gracieusement par les alliés222. Cette difficulté s’explique par le fait que les modalités de recrutement des contingents indigènes sont rarement détaillées par nos sources de manière suffisante. En dépit de cela, on admet souvent que le mercenariat fournit aux armées romaines de la conquête une proportion importante de leurs troupes d’appoint223. Faute de données abondantes, cette conviction est en grande partie fondée sur la tradition prêtée en la matière aux peuples ibériques224. En effet, la présence de mercenaires issus de la Péninsule est attestée dès le Ve siècle en Méditerranée occidentale, et notamment en Sicile où de telles troupes sont mentionnées par Hérodote pour 480, à l’occasion de la bataille d’Himère225. Par la suite, on les retrouve fréquemment associées aux guerres menées par Carthage, en particulier lors de la guerre des mercenaires en 240, mais aussi aux conflits grecs226. Toutefois, l’ampleur réelle atteinte par ce phénomène ainsi que son rôle dans l’ouverture de la Péninsule aux influences puniques et grecques ont eu tendance à être surestimés par l’historiographie à la suite des travaux d’A. García y Bellido227. En effet, ce dernier attribuait le développement du mercenariat à l’esprit belliqueux des populations indigènes ainsi qu’à leur appauvrissement lié à la concentration excessive de la propriété. Les limites d’une telle analyse, bien mises en évidence par le renouvellement récent, fondé sur une approche anthropologique, de l’étude des sociétés paléohispaniques, conduisent aujourd’hui à douter que le mercenariat, comme le brigandage, aient vraiment représenté une caractéristique structurelle de ces peuples, et notamment de ceux appartenant à l’aire celtibère, traditionnellement considérés comme les plus enclins à vivre de leurs armes228. D’un point de vue méthodologique, on ne saurait désormais, sans mention explicite, admettre d’emblée que les armées romaines, parce qu’elles avaient l’occasion de mettre à profit les habitudes guerrières hispaniques, auraient recouru de manière régulière, voire privilégiée, à des mercenaires autochtones lors de leurs campagnes dans la péninsule Ibérique.
52Ainsi, il est frappant de constater, on l’a vu, que, contrairement à une opinion répandue, les frondeurs baléares ne semblent pas avoir massivement combattu aux côtés des Romains avant une date très avancée, sans doute postérieure à la conquête de ces îles par Metellus en 123-122229. De même, les deux épisodes constamment cités pour prouver la banalité du recrutement mercenaire illustrent en réalité des situations particulières. En 211, la défaite des Scipions fut causée par la défection de vingt mille celtibères recrutés l’hiver précédent230. La tradition livienne les présente comme les premiers mercenarii admis à l’intérieur d’un camp romain231. Il est probable qu’il faille entendre par là que, pour la première fois, les généraux romains prirent l’initiative de payer eux-mêmes ce type de troupes232. Le motif d’une telle innovation nous est expliqué par Tite-Live :
Les généraux romains, en offrant à la jeunesse cetibère la même solde que celle qui avait été convenue avec les Carthaginois, l’attirèrent à eux (trad. P. Jal, CUF)233.
53Dans le Saltus Castulonensis, un secteur où l’influence romaine demeurait encore limitée à cette date et réduisait peut-être la possibilité d’obtenir suffisamment d’auxiliaires, il s’agissait donc d’affaiblir l’adversaire en débauchant ses soldats, ou du moins d’équilibrer par ce moyen le niveau inégal des effectifs respectifs, priorité absolue pour la poursuite des opérations234. Moins que l’échec cuisant de cette tentative, aboutissant à la déroute complète des deux frères, ce fut sans doute la moindre nécessité de compenser de la sorte le manque d’auxilia fournis par les alliés ibères qui incita par la suite les généraux romains à ne pas renouveler l’expérience. En effet, tout indique que l’initiative des Scipions, dont l’authenticité est en outre incertaine, demeura isolée235. Bien que considéré comme la seconde preuve d’un recrutement régulier de mercenaires par les généraux romains, l’exemple de Caton en 195 ne dément pas ce constat, bien au contraire. En effet, le récit de Tite-Live ne permet pas de prétendre que le consul chercha alors à se procurer des mercenaires celtibères236. Selon Tite-Live, le but de Caton, en cela identique à celui des Scipions, consistait uniquement à diviser l’ennemi en détachant les Celtibères des Turdétans qui avaient acheté leurs services237. La réaction offusquée du consilium du consul face à la proposition saugrenue de payer des Barbares ainsi que la diffusion sous forme d’exemplum, dans l’historiographie antique, de la ruse imaginée par Caton pour éviter de leur verser de l’argent tiré des caisses de l’État suffisent à souligner, selon nous, le fait que les généraux romains n’avaient pas coutume de faire directement appel à des mercenaires238. Dans la mesure où, par ailleurs, les sources n’évoquent jamais ce système de recrutement du côté romain, il semble donc préférable de penser que le recours au mercenariat indigène est resté très marginal au cours des guerres menées par Rome dans la péninsule Ibérique, n’apparaissant que dans des cas de force majeure qui constituaient davantage l’exception que la règle. En cela, les pratiques en vigueur en Hispania ne différaient guère de ce que l’on peut constater d’une manière générale pour le monde romain à l’époque républicaine239.
54Ceci dit, il faut reconnaître la grande imprécision terminologique de notre documentation, rappelée au début de ce développement. Ainsi, tout en étant explicitement décrits par Tite-Live comme des mercenarii, les Celtibères recrutés par les Scipions en 212 sont appelés par la suite auxilia, sans que l’auteur paraisse effectuer aucune différence entre les deux termes, manifestement interchangeables à ses yeux240. Ce flou du vocabulaire des sources antiques explique la tendance des historiens modernes à ne pas toujours faire preuve de la rigueur suffisante et à assimiler abusivement mercenaires et auxiliaires241. Or, on sait le dédain affiché habituellement par Rome envers les premiers. Polybe lui-même, reflétant en cela les convictions de l’aristocratie romaine de son temps, expliquait à ses lecteurs que la supériorité romaine sur le plan militaire résidait dans sa militia civique tandis que ses adversaires, en particulier Carthage, se reposaient beaucoup trop sur les mercenaires étrangers242. Comme l’a parfaitement montré Chr. Hamdoune au sujet des auxiliaires africains, ce parti-pris idéologique n’incitait pas seulement les Romains à éviter de recruter des hommes de guerre, mais il les conduisait aussi à privilégier une conception particulièrement étroite du mercenariat dont nos sources se font naturellement l’écho243. Selon cet auteur, les Romains ne considéraient comme mercenaires que les soldats professionnels qu’ils recrutaient eux-mêmes et payaient de leurs deniers. En revanche, si leurs alliés s’acquittaient de leur contribution en faisant appel à des guerriers extérieurs dont ils payaient la solde, ces contingents n’en étaient pas moins considérés, du point de vue du droit romain, comme des auxilia, au même titre que s’ils avaient été composés des membres de la communauté concernée244. Cette utilisation indirecte du mercenariat suggère que Rome, sans recourir elle-même fréquemment à cette pratique, employait probablement, néanmoins, un certain nombre de mercenarii dans le cadre de ses auxilia245. Lorsqu’apparaissent, à la fin du IIe siècle, des troupes spécialisées, comme les frondeurs baléares, rien n’assure par conséquent que leur présence aux côtés de l’armée romaine résultait le plus souvent d’un recrutement direct246.
55En tant que tel, le recours à des mercenaires hispaniques ne représenta donc jamais pour Rome une alternative envisageable à l’envoi de contingents italiques en péninsule Ibérique. Hormis dans quelques cas particuliers, l’intervention de telles troupes auprès des armées de conquête, très limitée, doit être réinscrite essentiellement dans le contexte plus large du recrutement auxiliaire dont Rome fit un usage important dès les premières décennies de sa présence dans la Péninsule. Nous allons voir maintenant dans quelle mesure la participation de ces auxilia aux campagnes successives menées en Hispania permet d’affirmer que Rome, en régularisant progressivement ces levées, jeta ou non les bases d’un recrutement provincial des armées présentes sur place.
UNE CONTRIBUTION ATTENDUE DES PEUPLES PÉNINSULAIRES À L’EFFORT DE GUERRE
56Dès l’arrivée des premiers contingents romains sur le sol ibérique en 218, les généraux s’employèrent à mettre les soldats indigènes à contribution pour renforcer leurs troupes, selon une formule que Rome avait expérimentée avec succès en Italie247. Les opérations initiales, menées par Gn. Scipion, s’effectuèrent ainsi d’emblée avec le concours de nombreux éléments auxiliaires248. Le principe de cette participation ne fut pas remis en question par la suite. À la fin de notre période, Césariens et Pompéiens complétaient toujours leurs armées respectives d’une façon identique. L’annonce de l’arrivée de Césarincita Petreius et Afranius à procéder à des levées importantes dans les régions occidentales de la Péninsule249. De Capoue, Cicéron écrivit ainsi à son affranchi Tiron, le 27 janvier 49, que les légats de Pompée disposaient de sex legiones et magna auxilia250. En Ultérieure, Varron joignit aussi à ses forces légionnaires de nombreuses cohortes auxiliaires251. Du côté césarien, outre les transfuges de l’armée adverse après les premiers succès de 49, on doit compter notamment les levées effectuées par Cassius Longinus en Lusitanie l’année suivante252. En 46 enfin, César disposait de cavaliers hispaniques qui l’attendaient253. Lors de l’affrontement final près de Munda, chaque parti antagoniste avait également grossi ses rangs de troupes auxiliaires254.
57Bien attestée aux deux extrémités de notre période, la présence de soldats hispaniques aux côtés de l’armée romaine paraît, en outre, être demeurée permanente dans l’intervalle. Malgré l’imprécision des sources et leurs lacunes, nous disposons en effet de mentions régulières qui ne permettent pas de douter de la participation à l’entreprise de conquête de troupes indigènes variées255. Durant la seconde guerre punique, la tendance inaugurée par Gn. Scipion fut poursuivie avec constance jusqu’à l’expulsion des Carthaginois256, à laquelle, si l’on en croit Polybe, les Ibères se flattaient pour cette raison d’avoir puissamment contribué257. Par la suite, les gouverneurs successifs de Citérieure et d’Ultérieure ne manquèrent pas de renouveler annuellement cette pratique. Ce fut notamment le cas de Caton en 195258, de Calpurnius et de Quinctius en 185259, de Fulvius Flaccus et de Gracchus en 181-179260. Les généraux des guerres celtibéro-lusitaniennes firent aussi amplement appel aux contingents alliés261. On estime parfois que cette période de luttes difficiles entraîna même une demande accrue vis-à-vis des populations locales262. Au Ier siècle, le mouvement ne s’inversa pas, bien au contraire. Loin de caractériser uniquement l’armée sertorienne, dans laquelle l’élément autochtone prédominait par la force des choses, les troupes hispaniques formaient également une portion non négligeable de celles commandées par Metellus et Pompée263. Tout au long de la conquête, il est donc probable que les opérations militaires n’ont jamais eu lieu en l’absence totale, parmi les forces romaines, d’auxiliaires issus des Hispaniae. En effet, les rares fois où cette situation se produisit, comme en 206, lorsque Scipion affronta les Ilergètes d’Indibilis, les sources ne manquent pas de le souligner comme une singularité264.
58Le cadre dans lequel avait lieu le recrutement régulier de ces auxilia est cependant fort mal connu. Assurément, à l’image du fonctionnement des alliances italiennes, l’envoi de contingents par les peuples soumis à Rome correspondait en partie à une obligation explicitement stipulée dans les traités qui réglaient les droits et les devoirs de chacun265. C’est du moins ce que suggère une allusion d’Appien au contenu des traités gracchiens, à l’occasion de l’affaire de Segeda en 154266. Il ne nous semble pas cependant que Sempronius Gracchus, en 179, ait particulièrement systématisé cette pratique, dans le sens d’une régularisation juridique des pactes qui prédominaient jusqu’alors267. La contribution en hommes et en armes à l’effort de guerre romain constituait en effet un fondement ancien des relations entretenues par Rome avec les cités et les peuples passés sous son hégémonie, quelle que fût la nature de ce lien268. Elle matérialisait la reconnaissance du lien inégal tissé entre les deux communautés et représentait une contrepartie à la protection accordée aux sujets. L’entrée dans la fides romaine, formalisée ou non par un traité inégal, impliquait ainsi un devoir d’assistance militaire dont la légitimité n’apparaissait sans doute guère problématique à des sociétés ibériques au sein desquelles la large diffusion des systèmes clientélaires aristocratiques multipliait traditionnellement ce type d’obligations269.
59Ainsi, même lorsqu’il était spontané ou suscité par un bienfait, le ralliement à Rome de princes ou de cités au cours de la seconde guerre punique s’accompagnait invariablement de la promesse d’un apport de soldats. En 209, le Celtibère Allucius, princeps Celtiberorum adulescens, à qui la fameuse continence de Scipion permit de retrouver sa fiancée saine et sauve, s’empressa d’accepter l’offre du général de devenir l’ami du peuple romain (amicus populo romano)270. De retour dans sa patrie, il se fit l’avocat de la cause de Scipion avant de rejoindre celui-ci à la tête de ses clients271. La même année, la prise de Carthagène incita plusieurs autres chefs à proposer leur amitié au jeune vainqueur. Parmi eux se trouvaient Edeco, prince des Édetans (?), et Indibilis, prince des Ilergètes. Le premier fit miroiter à Scipion l’avantage militaire que son ralliement apporterait aux Romains : selon lui, de nombreux peuples, incités à imiter son exemple, offriraient à sa suite leur aide aux Romains272. Poursa part, Indibilis, mécontent de la brutalité des Carthaginois auxquels il était jusqu’alors allié, transféra sa loyauté, et donc celle de ses troupes, à Scipion273. La nature des accords conclus à ces occasions n’est pas parfaitement claire et il n’est pas toujours aisé de distinguer, dans la documentation, les auxilia issus de ces alliances spontanées de ceux qui formaient le produit des obligations contractées par les vaincus, désormais soumis à l’autorité romaine. L’exemple du roi Thurrus, dont les enfants furent capturés par Sempronius Gracchus en 179 à la suite du siège de la ville d’Alce, en Celtibérie, montre que la frontière entre l’un et l’autre cas de figure était souvent assez mince et dépendait souvent de l’attitude du magistrat romain. Venu trouver Gracchus pour négocier le sort de ses enfants, ce roi, devant les assurances données par le préteur, finit par se rallier à son adversaire :
La première chose qu’il lui demanda fut de savoir s’il aurait le droit de vivre, lui et ses enfants. Le préteur lui ayant répondu par l’affirmative, il demanda ensuite s’il lui serait permis de servir au côté des Romains. Comme Gracchus le lui accordait également, il dit : « Je vous suivrai contre mes anciens alliés, puisqu’ils n’ont pas daigné prendre les armes pour me défendre. » Dès lors, il suivit les Romains et, par son action valeureuse et fidèle, il seconda la cause romaine en de nombreuses occasions (trad. C. Gouillart, CUF)274.
60La plupart du temps, les modalités concrètes amenant telle communauté indigène à fournir des soldats à Rome nous échappent dans le détail. Quelle était ainsi la base sur laquelle Scipion convoqua à Tarragone les auxiliaires dont il avait besoin en 209 au moment du départ de son expédition vers Carthagène275 ? Quel type d’obligation contraignait en 206 le roi Culchas à remettre à M. Iunius Silanus les troupes réclamées par Scipion276 ? Était-elle du même registre que celle des communautés qui, au cours du même printemps, fournirent également à Scipion des renforts au fur et à mesure de sa progression vers le sud277 ? Il faut sans doute imaginerun éventail de cas particuliers, selon les circonstances de l’entrée de chacun dans la sphère d’influence romaine. Durant toute notre période, la coercition exercée envers le socius coexista ainsi avec le devoir attendu du client ou la générosité espérée de l’amicus.
61Au cours de la conquête, au moins aussi nombreuses que les communautés directement vaincues par les armes furent certainement celles, impressionnées ou séduites par la puissance et le prestige de Rome, qui conclurent avec les représentants de celle-ci une societas armorum à l’image des premiers contacts noués dès 218 par Gn. Scipion sur le littoral oriental et dans la basse vallée de l’Èbre278. Probablement, au fur et à mesure de l’affirmation de la domination romaine sur la Péninsule et de la généralisation de la deditio comme mode de relation privilégié avec le conquérant, la proportion des contributions militaires liées à un traité inégal dut l’emporter279. Ce fut alors essentiellement en tant qu’alliés et sujets que les cités et les peuples hispaniques furent soumis à cette obligation, systématiquement incluse dans les conventions qui réglaient juridiquement leurs relations avec Rome. Ainsi, aux ambassadeurs de la ville de Nertobriga qui lui demandaient ce qu’ils devaient faire pour obtenir la paix, Marcellus, gouverneur de Citérieure en 152, se contenta de réclamer des cavaliers destinés à servir dans son armée280. Lucullus fit la même réponse aux habitants de Cauca l’année suivante281. L’allégeance d’une cité ou d’un peuple entraînait le droit pour celui qui la recevait de placer à sa guise le potentiel militaire de cette communauté sous son commandement. Les guerres civiles illustrent parfaitement ce schéma. Sertorius tirait ainsi ses renforts des villes qui, nous apprend Plutarque, dépendaient de lui282. En 49, la défection des Ilurgauonenses en faveur de César provoqua aussitôt celle de la cohorte auxiliaire, fournie par ce peuple, qui servait dans le camp d’Afranius283. Parallèlement, toutefois, selon la logique qui guidait habituellement le recrutement des auxilia et que T. Yoshimura a bien mise en évidence pour la fin de la République, intervenaient toujours des contingents fournis à titre de clients par des princes ou des cités284. Pour la péninsule Ibérique, on en conserve sans doute une trace lors de la campagne de 46-45, durant laquelle perdit la vie un certain Indo, régnant sur une communauté inconnue et dont la cavalerie accompagnait celle de César285. Ainsi, la provenance des corps auxiliaires servant dans l’armée romaine ne se réduisait pas aux levées prévues par les traités, même si celles-ci en constituaient incontestablement la source principale.
62Entre l’obligation systématique d’une participation militaire, imposée aux populations ibériques par les conditions de leur soumission, et les opportunités offertes par les contingents spontanément mis à sa disposition par certains alliés, Rome disposait d’un vaste réservoir de soldats potentiels dont, en outre, l’ampleur allait croissant au fur et à mesure que s’étendait son hégémonie sur la Péninsule. Pourtant, en dépit de cela, les sources ne semblent pas faire état d’un volume considérable des effectifs auxiliaires engagés aux côtés des légions pour chaque campagne. Certes, comme en d’autres domaines, il est fort délicat de parvenir à une estimation chiffrée satisfaisante, faute de données. Les textes mentionnent rarement le nombre atteint par les auxilia. Pour cette raison, les opinions les plus diverses ont été émises. A. Balil, convaincu de l’importance du rôle joué par les troupes hispaniques dans la conquête, se fondait curieusement sur les chiffres des pertes donnés pour l’année 185 pour suggérer une proportion considérable d’auxiliaires dans les armées des préteurs Quinctius et Calpurnius286. A. García y Bellido, pour qui la participation indigène à la guerre romaine resta au contraire minimale jusqu’au Ier siècle, en proposait une interprétation inverse, soulignant avec raison que les auxiliaires (prouincialium auxiliorum) comptaient seulement 150 tués contre 600 pour les Romani sociisque287. Connaissant l’habitude romaine d’exposer davantage les troupes non légionnaires, il en déduisait que le total initial des auxilia ibériques devait être très réduit. Toutefois, l’argument ne convainc guère : d’une part, il faut tenir compte du fait que les 600 tués du côté romain comprennent les socii italiques, souffrant traditionnellement de pertes supérieures à celles des légionnaires proprement dits ; d’autre part, le contexte du combat montre que l’effort de l’armée adverse porta essentiellement sur le centre de la ligne romaine où se trouvaient la cinquième et la huitième légion288. Par conséquent, la faiblesse inhabituelle des pertes auxiliaires peut s’expliquer ici par le déroulement de la bataille et ne préjuge en rien du montant de l’effectif initial. En effet, les pertes indigènes sont, par ailleurs, souvent plus élevées. Ainsi, en 181, les auxilia de Fulvius Flaccus comptèrent 2. 400 morts, contre 200 légionnaires et 830 socii289. Mais cette fois, l’ennemi avait précisément cherché à percer la ligne romaine sur son flanc gauche (laeuum cornu) formé par les auxiliaires290. Ces derniers se trouvèrent vite débordés, à deux doigts de connaître une déroute dont on se souvient qu’elle constituait, dans une bataille antique, le moment où se produisait le plus grand nombre de pertes291. Ainsi, les 2. 400 tués de 181 formaient sans doute une proportion non négligeable de l’effectif total des auxilia292. Celui-ci dépassait toutefois les 6. 000 hommes, car on sait que Fulvius Flaccus avait ordonné à l’un de ses officiers, avant la bataille, de contourner l’ennemi pour attaquer son camp avec l’aile gauche et 6. 000 auxiliaires293. Après avoir enlevé le camp celtibère presque sans combat (prope sine certamine), ce qui implique peu ou pas de pertes, ce détachement prit l’armée ennemie à revers et contribua au massacre final294. Il est donc probable que la majorité des pertes mentionnées concerna l’aile gauche. Comme il faut tenir compte de l’existence d’une aile droite, qui ne pouvait être trop déséquilibrée par rapport à la précédente, le total des effectifs auxiliaires avoisinait alors peut-être les 10. 000 hommes. Sachant que, d’après Tite-Live, le préteur n’avait pu, malgré ces levées auxiliaires, égaler numériquement l’armée celtibère qui comptait 35. 000 hommes, cette estimation est plausible295. Dans ces conditions les pertes indigènes se seraient montées au quart de leur effectif total, justifiant le constat global de l’historien latin, selon qui « la victoire fut grande mais elle n’alla pas sans pertes (magna uictoria non tamen incruenta fuit) »296.
63Malgré la vraisemblance de ce calcul, il est bien difficile d’en déduire un quelconque ratio théorique entre troupes italiques et auxiliaires. Comme le préteur de Citérieure, en 181, n’était pas parvenu, semble-t-il, à réunir autant d’auxilia que nécessaire, peut-être un contingent hispanique d’une dizaine de milliers d’hommes constituait-il seulement un minimum pour une armée consulaire297. Encore faudrait-il admettre l’exactitude des chiffres liviens, tant pour le montant précis des pertes du côté romain que pour celui de l’effectif total prêté à l’armée celtibère. Or, sur ce plan, toute certitude fait défaut. La tendance de l’historiographie antique à exagérer la force de l’ennemi et à minimiser les pertes romaines est en effet bien connue. Il est préférable par conséquent de considérer le résultat obtenu à partir de l’analyse de l’épisode de 181 uniquement comme un ordre de grandeur, destiné à nourrir la réflexion. En tout état de cause, le volume des contingents auxiliaires devait rarement excéder celui des troupes romano-italiques. Le souvenir traumatisant du désastre des Scipions n’incitait pas les généraux à procéder autrement, même si les conditions de la guerre au IIe et au Ier siècles ne ressemblaient évidemment plus à celles qui, en 212, avaient motivé le recrutement des Celtibères298. Le cas du siège de Numance nous semble sur ce point une exception. On sait en effet que Scipion Émilien commandait à 60. 000 hommes en 133 dont les légionnaires et les socii ne formaient qu’une partie, peut-être seulement le tiers299. Toutefois, le contexte particulier du siège comme la nécessité de construire très rapidement la circonvallation puis de la tenir efficacement sur les neuf kilomètres de son pourtour, expliquent cette anomalie300. En règle générale, les magistrats romains veillaient probablement à maintenir l’équilibre entre leurs différentes catégories de troupes. Les rares données chiffrées que nous possédons, en dépit de leur interprétation parfois malaisée, ne contredisent pas cette idée301. À ce titre, il paraît intéressant de relever qu’à la veille de la guerre civile de 49, les levées d’auxilia, pourtant massives, effectuées par les légats pompéiens demeuraient légèrement inférieures, ou sensiblement équivalentes, au total des légions dont disposaient ces généraux. Outre leurs cinq légions, Afranius et Petreius comptaient ainsi une trentaine de cohortes d’infanterie et 5. 000 cavaliers auxiliaires, ce qui correspondait environ à l’effectif de quatre légions302. En Ultérieure, Varron ajouta également une trentaine de cohortes auxiliaires à ses deux légions régulières dûment complétées303.
64Loin de correspondre à des difficultés chroniques de recrutement, comme le croyait à tort A. García y Bellido, le maintien des effectifs auxiliaires à un niveau relativement limité exprimait avant tout l’absence d’une volonté de levées systématiques à l’échelle péninsulaire. Rome mobilisait uniquement la quantité d’auxilia nécessaire à la campagne en cours et pas davantage304. Le motif ne résidait pas seulement dans le souci d’éviter, comme il a été suggéré précédemment, de déséquilibrer le rapport de force entre Romains et auxiliaires. Il tenait aussi, et peut-être même surtout, à la nécessité, en temps ordinaire, de ne pas accroître démesurément l’effectif des armées de conquête : il convenait en effet, rappelons-le, de ne pas dépasser une certaine taille au-delà de laquelle la mobilité de l’armée comme son ravitaillement devenaient problématiques et pouvaient compromettre le succès des opérations305. Par ailleurs, n’oublions pas qu’une fois la seconde guerre punique terminée, les adversaires de Rome en péninsule Ibérique furent rarement en mesure de lui opposer des coalitions d’une envergure comparable à celle des armées carthaginoises. Dans le récit livien, les 34. 000 hommes rassemblés par Indibilis en 205surle territoire de ses alliés sédétans apparaissent ainsi comme un effort tout à fait exceptionnel, témoignant de l’influence dont jouissait alors la nation ilergète dans la basse vallée de l’Èbre306. Les 35. 000 Celtibères affrontés à Fulvius Flaccus en 181 offrent l’un des rares parallèles pour cette période, ce que Tite-Live prend d’ailleurs soin de souligner307. En outre, la similitude des deux chiffres suggère qu’il s’agit peut-être là d’un montant symboliquement destiné à signifier la multitude et il n’est pas exclu qu’il faille en réalité imaginer des concentrations de troupes moins importantes308. Quoi qu’il en soit, aucun autre épisode de la conquête, du moins au IIe siècle, ne semble mettre en jeu, en une seule fois, des forces supérieures, même durant les difficiles guerres celtibéro-lusitaniennes309. Par conséquent, les opérations militaires n’entraînèrent pas à cette époque une inflation notable des besoins de Rome en effectifs indigènes. L’accroissement du nombre d’auxiliaires, lorsqu’il se produisait, accompagnait toujours, comme ce fut sans doute le cas dans la seconde moitié du IIe siècle, un effort de guerre momentanément accru de la part de Rome, lequel correspondait également à un envoi plus important de troupes depuis l’Italie. La proportion des auxilia au sein des armées romaines ne s’en trouvait donc pas fondamentalement modifiée.
65La fonction essentielle des troupes auxiliaires consistait à compléter les effectifs légionnaires en fonction des besoins310. Sans permettre de nier la dimension tactique de l’emploi des auxilia, les sources, on l’a vu, montrent néanmoins que le souci primordial des magistrats romains consistait, par ce biais, à adapter numériquement leur force à celle de l’adversaire311. Dès son arrivée en péninsule Ibérique en 145, Fabius Maximus Æmilianus s’empressa ainsi d’ajouter à ses deux légions formées de jeunes recrues une levée d’auxiliaires issus de l’Ultérieure312. Par définition, les exigences des généraux romains étaient donc variables. En 133, par exemple, Scipion Émilien fixa par écrit aux alliés le nombre d’hommes nécessaire aux travaux d’encerclement de Numance313. Il est probable en effet que l’obligation impliquée par les traités ne spécifiait pas la quantité d’auxiliaires que chaque communauté devait théoriquement fournir au gouverneur. Ce nombre dépendait des possibilités de chacune et variait aussi selon la gravité des circonstances. En outre, les contingents de plusieurs milliers d’hommes mentionnés dans les textes ne correspondaient jamais à la contribution d’une seule communauté. Les 3. 500 fantassins et cavaliers envoyés à Scipion en 207 par le roi Culchas se répartissaient assurément entre les nombreuses cités qui dépendaient de ce roi dont Tite-Live nous dit qu’il régnait sur vingt-huit oppida à l’époque de la seconde guerre punique314. Il revenait à l’autorité locale, une fois fixés les besoins de Rome, d’en partager la charge entre les différents membres de l’entité politique qu’elle représentait. Peut-être les quarante cavaliers réclamés à la ville celtibère de Certima par Sempronius Gracchus en 179 suggèrent-ils un niveau correspondant au montant minimal de la contribution d’une agglomération unique315. En 152, Marcellus obtint, pour sa part, cent cavaliers de la ville de Nertobriga316. Quoi qu’il en soit, non seulement Rome prélevait rarement l’intégralité des mobilisables d’une cité, mais surtout elle n’exigeait jamais les contingents de tous ses alliés à la fois317. Certains, en particulier, peut-être plus nombreux qu’on ne le pense habituellement, y échappaient en raison de l’octroi de privilèges. On sait par exemple que la ville celtibère de Segeda, dont les relations avec Rome étaient réglées par un traité remontant à la préture de Sempronius Gracchus, se trouvait exemptée de contribution militaire318. Toutefois, cette exemption demeurait révocable au gré du conquérant319. En 154, le sénat exigea donc de Segeda le contingent que la cité n’avait jusque-là jamais fourni. Ainsi, en ce qui concerne l’envoi de soldats auxiliaires, la participation réelle des populations ibériques aux guerres de conquêtes fut sans doute beaucoup moins générale qu’elle n’aurait dû l’être en théorie. Pour cette raison, il est difficile de croire que le soulèvement de 197 résultait d’une pression accrue en la matière, suite à la création administrative des provinces, comme on le croit parfois320. Au contraire, cette pression devenait moins forte pour chaque communauté à mesure que s’étendait la domination romaine sur les territoires péninsulaires et qu’augmentait parallèlement le nombre global de communautés soumises. En effet, le volume total des troupes auxiliaires accompagnant les armées romaines ne connaissait pas pour sa part un accroissement constant321.
66Ainsi, bien que la procédure concrète de ces levées nous échappe, Rome appliqua probablement en péninsule Ibérique un système de rotation similaire à celui dont V. Ilari a démontré l’existence en Italie en relation avec la formula togatorum322. D’un effectif variable en fonction des exigences de la campagne, les auxilia provenaient en priorité, comme l’a montré J. M. Roldán, des régions situées à proximité des zones d’opération et concernaient souvent des populations récemment soumises323. La manière dont Tite-Live caractérise les auxiliaires de Fulvius Flaccus par rapport aux Celtibères qui leur infligèrent de nombreuses pertes en 181 et qui, selon l’auteur, étaient « de leur propre race (sui generis) »324, en semble une confirmation. Tite-Live ne renvoie pas ici de façon vague au fait que ces auxilia provenaient de la péninsule Ibérique ou même de la Meseta, mais indique certainement que les adversaires appartenaient, à l’intérieur de ces catégories plus générales, au même groupe ethnique. Le soutien apporté aux Romains par l’un des membres de ce groupe s’inscrivait dans une rivalité traditionnelle de voisinage que le conquérant savait exploiter à son avantage325. L’exemple de Caton en 195 confirme la banalité de cette pratique. Le consul, revenu dans la vallée de l’Èbre depuis la Turdétanie avec seulement sept cohortes légionnaires, porta la guerre en pays lacétan326. La majorité de ses troupes auxiliaires se composait de Suessétans, auxquels les adversaires du consul avaient coutume de livrer bataille et dont ils méprisaient pour cette raison la faible valeur327. Bien que Tite-Live ne le spécifie pas, la composition relativement homogène des auxilia que Caton recruta pour cette opération s’explique par leur recrutement sur place, au sein de la population de la région qu’il venait de soumettre328. Ce système entraînait une certaine dépendance de fait du magistrat romain vis-à-vis des foyers de recrutement situés à proximité immédiate de la zone des combats. Cette caractéristique permet de comprendre les limites inévitables rencontrées en cas d’urgence, dans des régions où les alliés de Rome n’étaient pas toujours majoritaires. Elle explique les difficultés rencontrées, pour effectuer des levées inhabituellement importantes, par Fulvius Flaccus en 181, ou par Fulvius Nobilior en 153, obligé de nouer de nouvelles alliances pour obtenir rapidement les effectifs auxiliaires suffisants329. En règle générale cependant, les gouverneurs se contentaient probablement sans difficulté des ressources humaines offertes par les régions situées en bordure des théâtres d’opérations, à l’intérieur desquelles ils avaient également l’habitude d’établir la plupart du temps leurs quartiers d’hiver330.
67Tout indique en effet que l’absence d’une véritable organisation institutionnelle des auxilia hispaniques demeura en vigueur jusqu’à l’époque de César331. Cette dimension essentiellement ad hoc du recrutement de soldats ibériques dans le cadre des armées de conquête ne paraît guère devoir être remise en cause, dans la mesure où les contingents auxiliaires ne répondaient à aucune norme fixe d’un point de vue quantitatif et ne résultaient manifestement pas d’un système uniformément fondé sur les seuls foedera inégaux conclus avec Rome. Tout au long de la conquête de l’Hispania, ces troupes continuèrent à être recrutées temporairement, vraisemblablement pour la durée d’une seule campagne, à l’issue de laquelle elles étaient licenciées et réintégraient leurs communautés d’origine. Tout en étant entièrement soumis, durant les opérations, à l’autorité du gouverneur de la province, les contingents envoyés sur cette base aux Romains conservaient leur structure traditionnelle ainsi que leur encadrement propre332. En ce sens, leur intégration aux armées de la Rome républicaine resta extrêmement réduite.
68Ainsi, il convient non seulement de nuancer l’ampleur de la participation des soldats indigènes aux guerres menées par Rome dans la péninsule Ibérique, mais il faut encore souligner le fait que, lorsqu’elle avait lieu, une telle participation n’entraînait pas l’assimilation de ces troupes à des contingents réguliers de l’exercitus romain. Les évolutions constatées en la matière pour le deuxième tiers du Ier siècle n’invalident pas la portée générale de cette conclusion. L’apparition de gardes personnelles, attachées à certains généraux et formées notamment de guerriers celtibères ou lusitaniens, ne saurait constituer l’indice de la régularisation institutionnelle de certains contingents333. Au contraire, ce phénomène s’inscrivait plutôt dans un contexte clientélaire, dissocié d’un quelconque principe de conscription. Il est probable que, mieux attestées pour la fin de la République, ces gardes ont en réalité existé assez tôt334. Il ne semble pas non plus qu’il faille attribuer à César, comme le fait J. M. Roldán, une volonté d’innovation radicale en ce qui concerne les corps auxiliaires335. La mention, dans le corpus césarien, de cohortes et d’alae en relation avec l’infanterie et la cavalerie indigènes ne suffit pas pour supposer la transformation, à cette époque, des anciennes formations auxiliaires en unités régulières dont la levée et le déroulement du service obéiraient désormais à des procédures en tout point similaires à celles de leurs équivalents légionnaires336.
69Pour autant, un rapprochement entre l’organisation des auxilia et celle des légions à la fin de la République n’est pas impensable. En effet, une telle évolution résulta peut-être des mutations de l’infrastructure militaire traditionnelle consécutives à la Guerre sociale qui, en provoquant l’intégration pleine et entière des alliés italiques aux légions, favorisa la substitution croissante des auxilia externa à ces socii337. Toutefois, les preuves décisives font défaut. Certes, la présence au siège d’Asculum en 89 d’une turma Salluitana originaire de la vallée de l’Èbre témoigne sans conteste de l’appel à des troupes extra-italiques pour compenser la défection initiale des alliés italiens338. Si le nom de l’unité renvoie bien à la ville sédétane de Salduie (future Saragosse) et non au patronyme de son commandant — ce qui est le plus probable mais reste encore débattu —, cette dénomination inhabituelle suggère à première vue l’existence d’un système de recrutement à partir d’un centre régional drainant les mobilisables des agglomérations dépendant de son autorité339. Malheureusement, un lien autre que géographique entre les différents lieux d’origine des trente equites de la turma demeure inconnu. D’autre part, on ne peut dire si un tel système se place dans la continuité de pratiques antérieures ou bien traduit au contraire une rupture avec le modèle qui prévalait jusqu’alors340. L’envoi de la turma Salluitana en Italie s’expliquant manifestement par les circonstances exceptionnelles de la guerre, on estime parfois, non sans raisons, que les modalités particulières de son recrutement ont dû en réalité être éphémères341. Quoi qu’il en soit, il est certain que, par la suite, les contingents auxiliaires demeurèrent désignés par le nom de leur cité ou de leur peuple, comme l’indiquent les unités qui combattirent César en 49-45 et se rallièrent parfois à lui342. Cet élément tendrait donc à suggérer que l’organisation des auxiliaires n’avait pas encore subi de transformation radicale à cette époque. Par ailleurs, les cohortes scutatae et caetratae ne peuvent refléter une éventuelle réforme césarienne puisqu’elles appartenaient aux armées des légats de Pompée343. En revanche, il est difficile de déterminer dans quelle mesure cette appellation correspondait ou non à une évolution vers une organisation des unités sur un modèle entièrement romain344. Ainsi, le pluriel cohortes tend à s’appliquer dans nos sources à toute unité d’infanterie345. En classant les fantassins auxiliaires en fonction des deux types de bouclier connus en péninsule Ibérique, une telle désignation suggère peut-être une priorité croissante donnée à des regroupements effectués selon l’armement plus que selon la seule origine géographique346. Rien ne permet toutefois d’assurer, dans l’état actuel de la documentation, qu’il s’agissait là du résultat d’une véritable réorganisation des infrastructures et du rôle des auxilia externa plutôt que d’une adaptation des formations préexistantes à un cadre exprimé désormais en des termes romains347.
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70On ne saurait nier, dans le cadre des guerres en péninsule Ibérique, l’importance prise par le recrutement provincial. Les populations pérégrines des provinces hispaniques, en vertu de leur dépendance vis-à-vis du pouvoir romain ou des liens d’amicitia qui les unissaient à Rome, contribuèrent massivement aux campagnes militaires tout au long de la conquête. Chaque année, on peut estimer que les magistrats chargés de la Citérieure et de l’Ultérieure pouvaient disposer de troupes auxiliaires atteignant parfois un effectif équivalent à celui des armées romaines placées sous leur commandement. Ce ratio varia probablement selon les besoins et les circonstances, mais il est certain que l’apport de troupes indigènes de cavalerie comme d’infanterie renforça considérablement les contingents italiens et facilita l’entreprise de conquête. À l’époque des guerres civiles, s’ajouta en outre la possibilité de lever en nombre des légionnaires parmi les citoyens romains issus des deux provinces et notamment de l’Ultérieure. Cette évolution n’était pas propre aux Hispaniae mais y attint une ampleur inédite qui traduisait l’insertion, amorcée au début du Ier siècle, de ces provinces dans l’Empire. Aussi les armées romaines combattant dans la péninsule Ibérique comportèrent-elles une forte composante provinciale, d’abord pérégrine puis citoyenne, dont la legio uernacula de 49 souligne incontestablement l’originalité. Cependant, il convient également d’insister sur les limites de ce phénomène. D’une part, les troupes envoyées d’Italie demeurèrent toujours l’instrument fondamental des guerres de conquête comme celui des guerres civiles. L’élément auxiliaire ne l’emporta jamais quantitativement, sauf, peut-être, lors du siège de Numance en 133. Quant à la conscription vernaculaire, elle représenta une donnée remarquable mais très partielle du dispositif pompéien mis en place avant l’ouverture des hostilités en 49. On n’assiste donc aucunement, au cours de la période, à une évolution vers la substitution progressive d’un recrutement provincial à un recrutement italien des armées romaines présentes sur le sol ibérique. Au contraire, bien que mal connues, les modalités des levées des auxilia externa suggèrent, jusqu’à la fin de la République, l’absence d’une volonté de mobilisation systématique des ressources indigènes en soldats. De même, c’est surtout l’ampleur inhabituelle de la mobilisation imposée à la société romano-provinciale à l’occasion du déclenchement de la guerre civile qui explique les formes prises alors par ce recrutement.
Notes de bas de page
1 César, BC, II, 20, 4 (pour 49) ; Bell. Alex., LIII, 4 ; LIII, 5 ; LIV, 3 ; LVII, 1 ; LVII, 3 (pour 48).
2 Bell. Hisp., VII, 4 ; X, 3 ; XII, 1 ; XII, 2 (Ategua) ; XX, 2 ; XX, 4 ; XX, 5 (Ucubi).
3 César, BC, I, 85, 6 : Neque enim sex legiones alia de causa missas in Hispaniam septimamque ibi consciptam ; voir aussi Dion Cassius, XLI, 23, 2, qui atteste la présence de nombreux soldats issus de l’Ultérieure dans l’armée de Varron.
4 C’est notamment l’avis de P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, pp. 43-44 ; sur les effectifs présents en Hispania en 49, voir supra, p. 132.
5 T. Yoshimura, « Über die Legio Vernacula des Pompeius », p. 104 : cet auteur suggère même que la légion fut levée en 52 à l’occasion de la questure de Cassius en Ultérieure, ce qui expliquerait son hostilité envers lui. Mais l’argument n’est guère convaincant ; il est pourtant suivi par J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome, p. 34, P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 472, et M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 176 ; A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », pp. 812-813, tout en rejetant cette hypothèse, considère toutefois que César, BC, 1, 85, 6, offre bien un terminus post quem correspondant à l’année 55.
6 J. M. Roldán Hervás, « ¿Legio Vernacula, iusta legio ? », pp. 457-471, repris dans le recueil Ejército y sociedad en la Hispania romana, pp. 203-223, à la pagination duquel on se réfère ici.
7 Bell. Alex., LVIII, 1 : Interim Thorius ad Cordubam ueteres legiones adducit. (« Sur ces entrefaites, Thorius conduit les légions d’anciens soldats à Cordoue », trad. J. Andrieu, CUF) ; Bell. Alex., LXI : habebat enim ueteranas multisque proeliis expertas legiones (« il avait en effet des légions de vétérans éprouvés en maints combats », trad. J. Andrieu, CUF). On sait par Bell. Alex., LVII, 3, que parmi ces troupes se trouvaient la legio II et la legio uernacula.
8 César, BC, I, 44, 2 : cum Lusitanis reliquisque barbaris genere quodam pugnae adsuefacti (« habitués qu’ils étaient à une certaine façon de se battre avec les Lusitaniens et les autres barbares », trad. P. Fabre, CUF). J. M. Roldán Hervás, « ¿Legio Vernacula, iusta legio ? », p. 216 ; même opinion chez Id., « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », pp. 96-97 ; Id., Hispania y el ejército romano, p. 210 ; T. Yoshimura, « Über die Legio Vernacula des Pompeius », p. 104 ; E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », pp. 136.
9 P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 44.
10 Voir supra, p. 153.
11 Cette hypothèse est défendue notamment par P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 44. Elle paraît la plus vraisemblable. Le fait que la legio uernacula et la legio II soient qualifiées ensemble de ueteranas legiones ne signifie pas que les deux unités aient obtenu cette expérience en combattant ensemble pendant une assez longue période, comme le suppose à tort A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », p. 812, sur la foi de Bell. Alex, LIII, 5. Ce passage suggère au contraire que la legio II se distinguait de la legio uernacula par la longévité de son service dans la Péninsule.
12 Ainsi, dans ce contexte, la création de la legio uernacula serait un par Allèle, légal toutefois, à celle de la legio Alaudae qui intervient précisément en 51. A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior p. 818, pense même qu’elle a pu en fait constituer une réponse directe à l’innovation césarienne. Mais une telle conjecture nous semble inutile. Il suffit de relever que chaque parti, dans la perspective de la guerre prochaine, renforçait ses armées avec les moyens dont il disposait.
13 Cette hypothèse n’exclut pas, selon ses tenants, que les Hispani ainsi recrutés aient pu recevoir le droit de citoyenneté au moment de l’engagement ou bien après un certain temps de service. Th. Mommsen, « Die Conscriptionsordnung der römische Kaiserzeit », p. 13 ; J. Marquardt, De l’organisation militaire chez les Romains, p. 145 ; G. Veith, « Die Römer », p. 386 ; M. Marín y Peña, Instituciones militares romanas, pp. 164-165 ; T. Yoshimura, « Überdie Legio Vernacula des Pompeius », p. 105 ; J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome, p. 236 ; H. Botermann, Die Soldaten und die römische Politik, pp. 187-190 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, pp. 698-699 ; J. C. Mann, Legionary Recruitment and Veteran Settlement during the Principate, p. 3 ; D. B. Saddington, The Development of the Roman Auxiliary Forces, p. 13 ; L. Keppie, The Making of the Roman Army, p. 141 ; A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », p. 809 ; P. Cosme, Armée et bureaucratie dans l’Empire romain, pp. 60-62 ; L. Amela Valverde, Las clientelas de Cneo Pompeyo Magno en Hispania, p. 150. Dans un premier temps, E. Gabba, Esercito e società, p. 299, n. 269, partageait à cette hypothèse. Une position intermédiaire est représentée par celle de R. E. Smith, Service in the Post-Marian Army, pp. 55-56, qui pense que les membres de la legio uernacula étaient des hybridae, fils de Romains et de femmes indigènes, dépourvus de la citoyenneté romaine mais considérés par les Hispani comme des Romains. Il est suivi par R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, pp. 154-155.
14 A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », pp. 222 et 224-226 ; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, pp. 11 et 34 ; E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », pp. 136-137 ; J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », pp. 109-112 ; Id., « ¿Legio Vernacula, iusta legio ? », p. 222 ; Id., Hispania y el ejército romano, pp. 209-211 ; P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 45 ; C. González Román, Imperialismo y romanización en la provincia Hispania Ulterior, pp. 201-202 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 177 ; J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, pp. 109-116 ; J. S. Richardson, The Romans in Spain, p. 111.
15 J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, p. 210 ; Id., « ¿Legio Vernacula, iusta legio ? », p. 208 ; Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana, pp. 111-112. Dans une publication plus récente, cet auteur semble toutefois s’être rallié à l’autre hypothèse, puisqu’il présente désormais la legio uernacula comme composée de pérégrins : Id., « El papel social del ejército republicano romano en Hispania », p. 239.
16 P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 45, par compar Aison avec César, BC, III, 4, 1, suggère de manière convaincante que uernacula n’avait rien d’un surnom officiel, mais correspondait à un adjectif rappelant les circonstances de la formation des unités. Il pense qu’il s’agissait d’une pratique propre à l’armée pompéienne dans laquelle la variété de provenance des troupes était bien supérieure à celle de l’armée de César.
17 A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », p. 814. Cet auteur argue de la pluralité de sens du terme uernaculus, qui peut désigner un esclave né dans la maison de son maître, pour supposer que le nom donné à la légion proviendrait de l’inaptitude romaine à comprendre un statut intermédiaire entre homme libre et esclave, lequel aurait caractérisé selon lui une grande partie des soldats hispaniques recrutés.
18 Bell. Hisp., 12, 1 : Postero die ex legione uernacula milites sunt capti ab equitibus nostris duo qui dixerunt se seruos esse. (« Le lendemain, deux soldats de la légion vernaculaire furent capturés par nos cavaliers : ils déclarèrent être des esclaves », trad. N. Diouron, CUF).
19 A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », p. 814 : « It would seem unlikely that the two soldiers concerned would have made such a claim had it not carried some element of plausibility. » Il concède toutefois, non sans contradiction, que la présence d’esclaves dans la legio uernacula ne datait peut-être pas de sa création.
20 Bell. Hisp., XII, 2 : Cum uenirent cogniti sunt a militibus qui antea cum Fabio et Pedio fuerant <…> et a Trebonio transfugerant. Eis ad ignoscendum nulla facultas est data et a militibus nostris inter fecti sunt. (« Mais, à leur arrivée, ils furent reconnus par des soldats qui avaient servi aupar Avant sous les ordres de Fabius et de Pedius <…> comme transfuges de l’armée de Trebonius. On ne leur laissa pas la possibilité d’obtenir leur pardon : ils furent mis à mort par nos hommes », trad. N. Diouron, CUF).
21 Dion Cassius, XLIII, 29, 3.
22 Sur la présence d’esclaves dans l’armée pompéienne en 46-45, voir Bell. Afr., XXIII, 1 ; Bell. Hisp., XXII, 7 ; XXVII, 2 ; XXXIV, 2 ; Appien, BC, II, 103 ; Dion Cassius, XLIII, 39, 2 ; Velleius Paterculus, II, 7, 3. Il me semble que A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », p. 814, accorde trop de signification à la mention de la legio uernacula dès la première ligne du texte. Commodité du récit, elle ne permet pas d’assurer qu’au moment de la capture des Pompéiens, les cavaliers aient su qu’il s’agissait de membres de cette unité.
23 Un autre passage, relatif à la capture d’éclaireurs pompéiens nous paraît traduire la nette distinction entre les légionnaires vernaculaires et les esclaves (Bell. Hisp., XX, 5) : Ea nocte speculatores prensi serui III et unus ex legione uernacula. Serui sunt in crucem sublat, militi ceruices abscisae. (« Cette nuit-là, des éclaireurs furent faits prisonniers, trois esclaves et un soldat de la legion vernaculaire. Les esclaves furent crucifiés, le soldat eut la tête tranchée », trad. N. Diouron, CUF). Le châtiment réservé aux uns et aux autres suffit à démontrer leur différence de statut.
24 E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 135. Voir également Id., Esercito e società, pp. 475-481.
25 Bell. Alex., LIII, 5 : Nemo enim aut in prouincia natus, ut uernaculae legionis milites, aut diuturnitate iam factus prouincialis, quo in numero erat secunda legio, non cum omni prouincia consenserat in odio Cassii.
26 La tradition héritée de Th. Mommsen distingue pour cette raison trois catégories de soldats opposés à Cassius, au lieu de deux : ceux nés en Hispania, ceux appartenant à la legio uernacula, ceux venus d’Italie et devenus proches des provinciaux à la suite de leur séjour prolongé. Dans ce cas, il faut en conclure que la première catégorie concerne vraisemblablement des citoyens et donc que les vernaculaires sont des pérégrins. Cette interprétation est reprise par T. Yoshimura, « Über die legio Vernacula des Pompeius », p. 104.
27 E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 135. Il y voit confirmation dans le fait que la fin du texte cite à part les trois légions restantes (la XXX, la XXI et la V), ce qui suggère que l’auteur ne fait bien allusion aupar Avant qu’aux deux autres. En outre Bell. Afr., LIV, 3, montre sans ambiguïté que les deux seules légions haïssant Cassius étaient bien la uernacula et la secunda. Le même raisonnement est mené par J. M. Roldán Hervás, « ¿Legio Vernacula, iusta legio ? », p. 218, qui affirme que si l’auteur du bellum Alexandrinum avait voulu faire allusion à l’origine pérégrine des légionnaires vernaculaires, il n’aurait pas employé la formule in prouincia natus. Selon lui, « es claro que el autor del bell. Alex. presupone soldados del mismo status jurídico, sólo con distintos lazos con respecto a la provincia ». Il est suivi par P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 44.
28 Dans ces conditions, peut-être certains des bénéficiaires des assignations attestées par le bronze d’Ilici, découvert et publié récemment, sont-ils effectivement des vétérans de la legio uernacula. Voir notamment M. Mayer et O. Olesti, « La sortitio de Ilici », notamment p. 114.
29 César, BC, II, 18, 1 : Dilectum habuit tota prouincia, legionibus conpletis duabus cohortes circiter xxx alarias addidit.
30 R. E. Smith, Service in the Post-Marian Army, p. 55 (dont le lien avec sa démonstration est toutefois peu clair) ; E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 136 : « Pare evidente la contraposizione fra le coorti alariae di truppe ausiliarie ispaniche (cfr. b. c., I, 73, 3) e le legioni di cittadini completate con supplementi » ; P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 44.
31 T. Yoshimura, « Über die legio Vernacula des Pompeius », p. 102, le pense pourtant sur la foi d’une lettre de Cicéron, datée du 29 janvier 49, dans laquelle l’orateur évoque seulement sex legiones et magna auxilia Afranio et Petreio ducibus (Cicéron, Ad fam, XVI, 12, 4). E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 136, n. 8, et J. M. Roldán Hervás, « ¿Legio Vernacula, iusta legio ? », p. 217, ont montré cependant la fragilité de l’information livrée par ce document. En particulier, rien ne dit que Cicéron avait eu connaissance à cette époque de la levée récente d’une légion supplémentaire dans la province.
32 César, BC, II, 20, 4-5 : His cognitis rebus, altera ex duabus legionibus, quae uernacula appellabatur, ex castris Varronis, adstante et inspectante ipso, signa sustulit seseque Hispalim recepit atque in foro et porticibus sine maleficio consedit. Quod factum adeo eius conuentus ciues Romani comprobauerunt, ut domum ad se quisque hospitio cupidisime reciperet. (« Ces faits connus, l’une des deux légions, que l’on appelait vernaculaire, en présence même du légat et sous ses yeux, sortit avec ses enseignes du camp de Varron, se retira sur Hispalis, et campa sans molester personne au forum et sous les portiques. Cet acte fut si fort approuvé par les citoyens romains de ce conventus que chacun mit le plus grand empressement à loger des légionnaires dans sa propre maison », trad. P. Fabre, CUF). Voir le commentaire de ce passage chez E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 136. Contra, A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », p. 817.
33 E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 135 : « Se questa legione fosse stata formata da elementi locali non cittadini romani riuscirebbe molto difficile capire perchè proprio essi sarebbero stati così collegati con i congiurati, che, a quel che pare probabile, erano tutti cittadini romani. » Il relève également que les officiers de cette légion, comme L. Titius (Bell. Alex., LVII, 1) ou T. Thorius (Bell. Alex., LVII, 3), sont manifestement des citoyens. Cet argument est toutefois le plus faible : les troupes pérégrines disposaient en effet à cette époque d’un encadrement supérieur romain. Ainsi, P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 699, qui défend l’idée d’une unité non-citoyenne, admet une exception pour les cadres.
34 Bell. Alex., LIV, 3.
35 J. -M. Roddaz, « Guerres civiles et romanisation dans la vallée de l’Èbre », p. 322.
36 J. Harmand, « César et l’Espagne durant le second bellum civile », p. 197 ; E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », pp. 145-148 ; J. M. Roldán Hervás, « La crisis republicana en la Hispania Ulterior », pp. 123-126 ; C. González Román, « Guerra civil y conflictos sociales en la PHU en el 48-44 a. C. », pp. 137-138 ; J. B. Tsirkin, « The South of Spain in the Civil War of 46-45 BC », pp. 91-100 ; L. Amela Valverde, Las clientelas de Cneo Pompeyo Magno en Hispania, pp. 136-140. Le raisonnement de R. E. Smith, Service in the Post-Marian Army, p. 56, est pour cette raison moins convaincant : il suppose que des soldats nés dans la province ne pouvaient que se sentir « in sympathy […] with the natives ». Mais lorsque Bell. Alex., LIII, 5, affirme que ces troupes se trouvaient en accord cum omni prouincia, nous pensons que l’auteur ne fait ici allusion qu’à la composante citoyenne de la province dont on sait qu’elle fut durement traitée par Cassius (Bell. Alex., XLIX-L et LVI, 4). Sans doute les sentiments pro-pompéiens d’une grande partie de cette élite expliquent-ils d’ailleurs cette sévérité du gouverneur à son égard.
37 La legio uernacula est d’ailleurs présentée à l’époque du siège d’Ategua comme l’un des soutiens les plus fermes de Cn. Pompée dont, selon le Bellum Hispaniense, elle forme alors, avec quatre autres unités citoyennes, les troupes les plus fiables (Bell. Hisp., VII, 4)
38 César, BC, I, 86, 3 : res huc deduciturut ei qui habeant domicilium aut possessionem in Hispania, statim, reliqui ad Varum flumen dimittantur.
39 E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 137 ; P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 47.
40 R. E. Smith, Service in the Post-Marian Army, p. 54, estime que la clause distingue les résidents permanents (domicilium) de ceux qui, tout en vivant en Hispania et y ayant une propriété, n’étaient pas considérés comme tels (possessio) ; il est suivi par A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, pp. 10-11 ; en revanche, E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 138, rejette l’hypothèse précédente et n’écarte pas l’idée que domicilium fasse en réalité référence à des citoyens romains résidents et possessio à des petits propriétaires ruraux pérégrins ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 230, se réfère plus vaguement à ceux qui « had property or homes in Spain » ; P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 47, traduit la formule par « ceux qui vivaient dans la province ou y avaient des attaches et de quoi vivre » ; J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 110, ne prend pas nettement position dans le débat : « aquellos soldados que tuvieran domicilio o posesiones en Hispania ».
41 Ce n’était pas la nature du lien unissant les recrues aux Hispaniae qui formait la condition de la démobilisation, puisque celle-ci concernait tous les soldats pompéiens sans exception (César, BC, I, 85, 12). La distinction entre ceux qui habeant domicilium aut possessionem in Hispania et les autres fournissait seulement un critère pour échelonner les licenciements. Parmi les premiers, la mention domicilium distinguait sans doute, comme le suggère R. E. Smith, ceux qui, nés dans la province, y étaient des résidents permanents.
42 César, BC, I, 87, 4, suggère qu’au moment de la reddition, les soldats provinciaux représentaient environ le tiers de l’armée pompéienne : Parte circiter tertia exercitus eo biduo dimissa. On en déduit parfois que leur total se montait donc entre 8. 000 et 10. 000 hommes : A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 11 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 230 ; J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », p. 110 ; Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 110. La prudence de P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 47, n. 116, paraît toutefois préférable : cet auteur rappelle en effet que nous ignorons le montant initial de l’effectif total des cinq légions comme l’ampleur des pertes lors des opérations.
43 César, BC, II, 18, 1. E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 137 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 230 et 473 ; J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 109.
44 César, BC, II, 19, 3 : Simul ipse Cordubae conuentus perse portas Varroni clausit, custodias uigiliasque in turribus muroque disposuit, cohortis duas, quae colonicae appellabantur, cum eo casu uenissent, tuendi oppidi causa apud se retinuit. (« En même temps, le conventus des citoyens romains de Cordoue prit l’initiative de fermer les portes de la ville à Varron, plaça des postes et des sentinelles dans les tours et sur les remparts et retint à Cordoue, pour défendre la place, deux cohortes appelées coloniques, qu’un hasard avait amenées dans cette ville », trad. P. Fabre, CUF). La nature exacte de ces troupes ainsi que leur provenance ont fait l’objet de nombreuses discussions. Certains pensent qu’elles doivent leur nom au fait d’avoir été recrutées parmi les colons de toute la province : R. Thouvenot, Essai sur la province romaine de Bétique, p. 141 ; A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », p. 266 ; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 16, n. 8 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, pp. 230-231 ; J. M. Roldán Hervás, Hispaniay el ejército romano, p. 174 ; A. Ibáñez Castro, Córdoba hispano-romana, p. 115. D’autres qu’elles provenaient en réalité de Cordoue même dont elles formaient peut-être la milice urbaine : F. Vittinghoff, Römische Kolonisation und Bürgerrechtspolitik, p. 73, n. 1 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 9, n. 20 ; J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », p. 113 ; Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana, pp. 114-115 ; J. F. Rodríguez Neila, « Introducción a la “Corduba” romana en época republicana », p. 120 ; Id., Historia de Córdoba, t. I, pp. 232-233. Mais cette dernière solution est la moins probable, en raison de la précision cum eo casu uenissent, comme l’ont souligné P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 46, n. 106, et A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », p. 816. Ces deux auteurs n’écartent pas, pour leur part, la possibilité d’une force armée propre aux colons d’Ultérieure. Il nous semble toutefois plus vraisemblable qu’il se soit agi de contingents ponctuellement levés à l’occasion du dilectus de Varron, comme le suggère R. C. Knapp, Roman Córdoba, p. 11.
45 P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 46. C’est également l’homogénéité de son recrutement qui est l’élément mis en valeur, à juste titre, par certains des partisans du statut prérégrin de ses membres, à l’instar de P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 699 : « the term legio vernacula is restricted to a unit which was purely non-citizen (except presumably for cadres) ».
46 Bell. Hisp., VII, 4.
47 Bell. Alex., L, 3 : Quintam legionem nouam conscribit. Augetur odium et ipso dilectu et sumptu additae legionis. (« Il lève une nouvelle légion, la cinquième. La haine s’accroît à cause précisément et de cette levée et des dépenses que provoque la légion supplémentaire », trad. J. Andrieu, CUF) ; Bell. Alex., LIII, 5 : quinta legio nupererat ibi confecta (« mais la cinquième avait été formée récemment sur place », trad. J. Andrieu, CUF). L’hypothèse selon laquelle cette legio V doit être identifiée à l’une des uernaculae de 46 a été formulée par H. Botermann, Die Soldaten und die römische Politik, p. 188.
48 P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 231, pense ainsi que Trebonius l’avait démobilisée. Il est suivi par A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », p. 812. Cette hypothèse n’est pas impossible, si l’on tient compte de la volonté du successeur de Cassius d’apaiser des provinciaux que la levée de cette légion supplémentaire avait, on l’a vu, exaspérés. Quoi qu’il en soit, dans le cas contraire, si l’on doit l’identifier à la legio V de Munda (Bell. Hisp., XXX, 7), elle combattait alors toujours du côté césarien et ne peut donc être de toute façon la uernacula de Bell. Hisp., VII, 4. Voir J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, p. 175 et P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 46. Toutefois, l’historiographie interprète traditionnellement la legio V de Munda comme étant la legio Alaudae : R. Cagnat, « Legio », p. 1081 ; L. Keppie, The Making of the Roman Army, p. 206.
49 Th. Mommsen, « Zum Bellum Hispaniense », p. 610. Il est suivi notamment par T. Yoshimura, « Über die legio Vernacula des Pompeius », p. 105 ; E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 136 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 231, n. 4 ; J. M. Roldán Hervás, « ¿Legio Vernacula, iusta legio ? », p. 214 ; P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 45 (avec réserves cependant).
50 C’est une suggestion de E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 136.
51 Bell. Hisp., VII, 4. On ne peut douter que cette légion procéda d’un recrutement en tout point similaire à celui de la legio uernacula. Voir E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 135 ; P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 46 ; J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 115. En revanche, A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », p. 266, considère à tort qu’il s’agit de la legio V levée par Cassius. Il convient également de ne pas accorder une signification trop précise à la terminologie employée (un manuscrit donne la variante ex coloniis) et supposer que les recrues pompéiennes provenaient des colonies latines et romaines fondées en Hispania, comme le fait J. C. Mann, Legionary Recruitment and Veteran Settlement during the Principate, p. 3.
52 Tite-Live, XXXV, 2, 7 (193) : si tumultus in Hispania esset, placere <tumultuarios milites> extra Italiam <scribi a praetore. Mens ea senatus fuit ut in Hispania> tumultuarii milites legerentur. Valerius Antias et in Siciliam nauigasse dilectus causa C. Flaminium scribit et ex Sicilia Hispaniam petentem, tempestate in Africam delatum, uagos milites de exercitu P. Africani sacramento rogasse ; his duarum prouinciarum dilectibus tertium in Hispania adiecisse. (« Si soulèvement grave il y avait en Espagne, leur avis était que le préteur enrôle hors d’Italie des troupes levées en urgence. L’opinion du sénat fut de recruter en Espagne ces soldats levés à la hâte. Valérius Antias écrit que Caius Flaminius alla par mer jusqu’en Sicile pour les recruter ; mais alors qu’il partait en Sicile pour gagner l’Espagne, une tempête l’aurait déporté en Afrique, où il aurait soumis au serment des soldats errants de l’armée de Publius l’Africain ; c’est à ces levées dans deux provinces qu’il en aurait adjoint une troisième, effectuée en Espagne », trad. R. Adam, CUF, modifiée). Sachant que l’objectif du sénat était alors de refuser à Flaminius la légion supplémentaire qu’il réclamait, il est tentant de penser que l’autorisation donnée au gouverneur de Citérieure d’enrôler des milites tumultuarii, de façon à le contenter à moindre frais, ne préjuge pas, bien au contraire, de la capacité de la province à fournir effectivement des légionnaires en nombre suffisant. De fait, seul le détour du préteur par la Sicile et l’Afrique lui permit de parvenir à lever un contingent. Sur l’interprétation malaisée de ce passage, voir : A. Afzelius, Die römische Kriegsmacht, p. 90, qui considère qu’il s’agit d’auxiliaires ; A. J. Toynbee, Hannibal’s Legacy, t. II, p. 93, qui estime également que la « unorthodox levy » en Citérieure s’est faite « among the subject population » et constituait seulement un expédient dans un contexte particulier ; J. S. Richardson, Hispaniae, pp. 96-97, qui reconnaît : « it is not clearwhere these soldiers were expected to come from ».
53 Tite-Live, XXXVII, 57, 5 (189) : In qua prouincia, prius aliquanto quam successor ueniret, L. Aemilius Paulus, qui postea regem Persea magna gloria uicit, cum priore anno haud prospere rem gessisset, tumultuario exercitu collecto, signis collatis cum Lusitanis pugnauit. (« Dans cette province, avant l’arrivée de son successeur, L. Aemilius Paulus, qui par la suite remporta une glorieuse victoire sur le roi Persée, mais qui avait conduit la guerre sans succès l’année précédente, rassembla une armée en toute hâte et livra une bataille rangée aux Lusitaniens », trad. J. -M. Engel, CUF). Voir A. J. Toynbee, Hannibal’s Legacy, t. II, p. 94.
54 Plutarque, Sert., VI, 9.
55 La majorité de l’historiographie admet que Sertorius avait recruté ses troupes parmi les citoyens romains installés en Citérieure : A. Schulten, Sertorio, p. 64 ; R. E. Smith, Service in the Post-Marian Army, p. 48 ; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 39 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 470 ; E. Gabba, Esercito e società, p. 300 ; J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 78. Contra P. O. Spann, Quintus Sertorius and the Legacy of Sulla, p. 43 : cet auteur insiste sur la volonté du chef marianiste de ne pas s’aliéner la province en incorporant de force les Hispanienses à son armée ; par conséquent, il pense que Sertorius n’avait pas procédé à de véritables levées et s’était contenté d’équiper et d’entraîner ces populations. Cette argumentation compliquée paraît toutefois peu vraisemblable.
56 H. Pavis d’Escurac, « Province et guerre civile », p. 33, pense ainsi que Sertorius a surtout enrôlé des hommes originaires d’Italie centro-méridionale dépourvus de la citoyenneté romaine et qu’il la leur aurait conférée à cette occasion ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 174, croit également qu’une bonne partie des soldats recrutés alors n’étaient pas citoyens ; elle est suivie par F. García Morá, Un episodio de la Hispania republicana, pp. 26-27, et notamment p. 27, n. 16.
57 E. Gabba, Esercito e società, pp. 303-333 ; cette thèse a été critiquée par E. Badian, Foreign Clientelae, p. 269, n. 7, pour qui les sources sont insuffisantes pour présenter Sertorius comme le champion des Italici d’Espagne. Voir également les remarques prudentes de J. -M. Roddaz, « D’une péninsule à l’autre. L’épisode sertorien », pp. 108-109.
58 En ce qui concerne les levées de Sertorius à son arrivée en péninsule Ibérique, P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 42, souligne à juste titre que le nombre de ciues ne doit pas y être sous-estimé, dans la mesure où Plutarque suit une tradition (sans doute issue de Salluste) favorable au chef marianiste et vraisemblablement soucieuse d’insister sur son respect de la constitution et des lois de Rome.
59 Cicéron, Ad Att., V, 18, 2 ; César, BG, I, 7, 2 ; III, 20, 2 ; VII, 65, 1. Sur les mécanismes administratifs réglant ces levées provinciales, voir P. Cosme, Armée et bureaucratie dans l’Empire romain, pp. 50-52.
60 Plutarque, Crassus, VI, 1 (pour l’année 85) ; Sert., IX, 5 (pour l’année 81). À l’époque de son séjour en Ultérieure, Crassus était un priuatus, dépourvu de toute autorité légitime. Le statut des 2. 500 hommes accourus volontairement à son appel est controversé. P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 230, estime ainsi que ces volontaires ne comprenaient aucun citoyen, tandis que E. Gabba, Esercito e società, p. 300, est persuadé du contraire. Il est difficile de trancher. À l’inverse, si l’on s’accorde à admettre que les soldats de Pacciaecus étaient bien des Hispanienses, on ignore si leur chef fut officiellement envoyé contre Sertorius par Sylla, comme le prétend Plutarque, ou si l’expédition fut le résultat de l’initiative de ce riche propriétaire terrien, sympathisant de la cause sénatoriale. Voir A. Schulten, Sertorio, pp. 73-74 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 470 ; B. Scardigli, « Sertorio. Problemi cronologici », p. 229 ; P. O. Spann, Quintus Sertorius and the Legacy of Sulla, p. 51 ; F. García Morá, Un episodio de la Hispania republicana, pp. 49-50 ; Id., « El conflicto sertoriano y la provincia Hispania Ulterior », p. 272 ; J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, pp. 79-80.
61 E. Badian, Foreign Clientelae, pp. 266-267. Crassus, qui avait servi en Ultérieure sous les ordres de son père en 97 (Plutarque, Crass., IV, 1), avait conservé de puissants appuis dans la province. La constitution d’une clientèle pompéienne à partir de la guerre sertorienne obéissait à la même logique : L. Amela Valverde, Las clientelas de Cneo Pompeyo Magno en Hispania, pp. 83-133.
62 Plutarque, Caes., XII, 1.
63 J. Carcopino, César, p. 201 ; R. E. Smith, Service in the Post-Marian Army, p. 48 ; J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », pp. 94-95 ; E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 139 (avec des réserves) ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 471 ; J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, p. 172 ; C. González Román, Imperialismo y romanización en la provincia Hispania Ulterior, p. 84 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 174 ; M. Ferreiro López,« La campaña militar de César en el año 61 », p. 366 ; J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 92.
64 Voir à ce sujet les remarques de J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome, p. 34, qui préfère conclure à des auxiliaires ; il est suivi par P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 43 ; leur scepticisme est partagé par A. T. Fear, « The Vernacular Legion of Hispania Ulterior », p. 813.
65 Cette légion, si on doit bien l’interpréter ainsi, fut en outre, selon tout probabilité, démobilisée aussitôt la campagne achevée (voir supra, pp. 129-130).
66 C’est l’hypothèse de J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », p. 112, reprise dans Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 114. Elle est plausible dans la mesure où rien ne permet de refuser a priori l’idée que certains des compléments de l’armée de Citérieure provenaient de l’autre province, mieux pourvue en résidents romains. D’autre part, la démobilisation des soldats afraniens en 49 s’accompagnait de leur promesse de ne plus servir contre César (César, BC, I, 85, 11-12). Ce serment était donc compatible avec un réengagement dans la legio V, levée par un gouverneur césarien.
67 Un passage de Dion Cassius, d’interprétation difficile (Dion Cassius, XLIII, 30, 4), atteste que d’anciens soldats d’Afranius se joignirent à Cn. Pompée en 46. S’agissait-il de citoyens ou d’auxiliaires ? Le texte n’est pas suffisamment précis pour trancher. J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 115, admet que le recrutement de la légion levée par Pompée le Jeune avait été facilité par la disponibilité des hommes démobilisés après Ilerda, qu’il évalue à une dizaine de milliers. Outre que cette estimation est très incertaine, il est impossible de connaître parmi eux la proportion — plausible mais très hypothétique — d’individus originaires d’Ultérieure. Rien ne dit qu’elle était majoritaire, ni même importante. Or, on sait que la légion coloniaire avait été entièrement levée dans cette province (in his regionibus).
68 P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 48 : « Tout se passe, en effet, comme si Pompée avait cherché à utiliser de préférence le réservoir provincial dans la zone où il en avait besoin en misant sur la disponibilité des citoyens installés à une date plus ou moins récente et sur leur attachement à la tradition de Rome ; ce faisant, il sauvegardait le fonctionnement de l’armée sénatoriale tout en tirant les conséquences de l’expansion et de la romanisation de l’Empire. Au contraire, César tendait à imposer une armée de volontaires homogène et mobile, essentiellement italique et ne recourant à d’autres sources de recrutement qu’en cas de nécessité et pour combler les vides. »
69 Suétone, Diu. Iul., XXIV, 2, à propos de l’Alaudae, prend en effet soin de préciser que César l’assujetit à la discipline des Romains (quam disciplina cultuque Romano). Sur la portée de cette innovation, voir en particulier les remarques de J. M. Roldán Hervás, « ¿Legio Vernacula, iusta legio ? », pp. 208-209 et 221-222 ; L. Keppie, « The Changing Face of the Roman Legions », p. 90.
70 Sur les rythmes et les caractères de cette colonisation, voir : F. Vittinghoff, Römische Kolonisation und Bürgerrechtspolitik ; A. García y Bellido, « Las colonias romanas de Hispania », pp. 447-509 ; E. T. Salmon, Roman Colonization under the Republic, notamment pp. 128-144 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 191-222 ; G. Bandelli, « La colonizzazione romana della Penisola Iberica », pp. 105-142.
71 R. Thouvenot, Essai sur la province romaine de Bétique, p. 183 ; E. Gabba, « Aspetti della lotta in Spagna di Sesto Pompeo », p. 142 ; Id., Esercito e società, pp. 289-299 ; cette théorie a été reprise et développée par A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, notamment pp. 9-12 et 22-27 ; elle a été depuis suivie par une grande partie des travaux sur le sujet : J. M. Blázquez Martínez, La romanización, t. II, pp. 27-30 ; C. González Román, Imperialismo y romanización en la provincia Hispania Ulterior, pp. 83-87 ; M. A. Marín Díaz, « La emigración itálica a Hispania en el siglo II a. de C. », p. 53 ; Ead., Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 47 ; J. B. Tsirkin, « Two Ways of Romanization of Spain », pp. 478-480 ; Id., « Romanization of Spain. Socio-Political Aspect (II) », notamment pp. 282 et 301-305 ; A. Caballos Rufino, « La revolución romana en la provincia Bética », p. 152 ; C. Castillo, « Hispanienses e Hispani en la Bética », p. 88.
72 A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 9 : « … even were there less trace exists of western settlers, it would be hard to believe that these were insignificant in number or negligible in importance compared with the Romans in the East ».
73 Strabon, III, 5, 1 ; E. Gabba, Esercito e società, p. 292 ; même analyse chez A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 10. Ces deux auteurs estiment que, Metellus n’ayant certainement pas transféré toute la population romano-italique d’Hispania dans les Baléares, il faut donc en déduire que le volume de ces émigrants était bien supérieur à trois mille individus.
74 R. Menéndez Pidal, « Colonización suritálica de España según testimonios toponímicos e inscripcionales », pp. LXIX-LXVIII ; A. García y Bellido, « La latinización de Hispania », pp. 3-29 ; A. Tovar, Latín de Hispania, p. 14 ; E. Gabba, Esercito e società, pp. 295-298 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 47-48 (avec réserves).
75 M. A. Marín Díaz, « La emigración itálica a Hispania en el siglo II a. de C. », pp. 56-60 ; Ead., Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 56-76. L’auteur inventorie soixante-cinq individus, répartis par elle en trois groupes : ingenui, liberti et esclaves. Les premiers sont selon elle les plus nombreux (quarante-cinq), en raison notamment de la forte proportion des légendes monétaires dans le corpus.
76 E. Badian, Foreign Clientelae, pp. 256-259 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 76 ; C. González Román, « Prosopografía y romanización de las elites », pp. 179-180.
77 M. A. Marín Díaz, « La emigración itálica a Hispania en el siglo II a. de C. », pp. 59-60 ; Ead., Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 78-79 ; elle est suivie par C. González Román, « Prosopografía y romanización de las elites », pp. 180-182.
78 Une telle position n’est pas nouvelle : on la trouve déjà exprimée par J. J. Van Nostrand, « Roman Spain », pp. 135-136. Elle a été systématisée par P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 215, et R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 152, suivis par J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », p. 81, et Id., « De Numancia a Sertorio », p. 163. Voir également les remarques prudentes de J. S. Richardson, Hispaniae, p. 163.
79 P. A. Brunt, Italian Manpower, pp. 215-216 ; voir aussi R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 153, et J. M. Roldán Hervás, « De Numancia a Sertorio », p. 168. Pour tous, le terme Ῥωμαῖοι désigne ici les porteurs d’une culture romaine regroupant aussi bien les Romains que les Italiques ou les hybridae, voire les indigènes romanisés. Ils sont suivis par M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 142, qui se dissocie sur ce point de l’hypothèse traditionnelle. Selon cet auteur, l’inscription de Palma et Pollentia dans la tribu Velina, attestée pour une période postérieure, suggère qu’une partie des individus installés sur place provenait directement d’Italie, car la mention de cette tribu est très rare en péninsule Ibérique. Elle en déduit qu’il devait s’agir notamment de vétérans de l’armée de Metellus, mais rien ne permet en réalité de le confirmer. Pour sa part, R. Zucca, Insulae Baliares, pp. 146-147, préfère ne pas trancher sur l’identité et la provenance de ces colons ; E. García Riaza et M. L. Sánchez León, Roma y la municipalización de las Baleares, pp. 64-66, écartent quant à eux toute idée d’une déduction officielle en 122, que celle-ci ait été ou non effectuée à partir d’Italiens installés en Citérieure. Sur la question d’un gouvernement éventuel de la Citérieure par Metellus, voir supra, p. 115.
80 R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, pp. 156-157.
81 Voir supra, pp. 97-98.
82 P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », pp. 85-95.
83 Ibid., p. 86. Selon lui, les datations retenues par l’historienne espagnole sont généralement trop hautes, privilégiant arbitrairement le IIe siècle.
84 Cl. Domergue, Les mines de la péninsule Ibérique dans l’Antiquité romaine, p. 325 ; il est suivi par P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », p. 90.
85 Parmi ces exploitants, les citoyens romains sont assez rares : Cl. Domergue, Les mines de la péninsule Ibérique dans l’Antiquité romaine, pp. 322-323. L’auteur précise toutefois que la tribu est très souvent omise dans les dénominations, si bien qu’il ne faut pas exclure que la proportion de citoyens puisse être sous-estimée.
86 Ibid., p. 325. Ainsi, lorsque figure le nom de l’affranchi, cela signifie que celui-ci n’agit pas au nom de son patron mais au sien. En effet, les affranchis avaient la faculté de soumissionner pour leur propre compte un contrat d’exploitation de mines dans une enchère publique. Il est donc plus vraisemblable de penser, avec Cl. Domergue, que ces affranchis menaient leurs propres affaires par Allèlement à celles de leur patron.
87 P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », pp. 90-91. L’auteur illustre son propos en analysant de façon convaincante le cas bien connu du tribun de la plèbe Q. Varius Severus Hybrida (Valère-Maxime, III, 7, 8 ; VIII, 6, 4 ; Appien, BC, I, 37 ; De Vir. Ill., LXXII, 11 ; Cicéron, Brut., 221 et 305 ; De Nat. Deor., III, 81 ; De Orat., I, 117 ; Asconius, in Scaur., XX, 22, 73-74c). Le cognomen de ce personnage, joint aux appellations Sucronensis et Hispanus transmises également par les sources, a traditionnellement contribué à lui attribuer une origine levantine et à en faire par conséquent le premier magistrat romain issu de la Péninsule : A. Caballos Rufino, « Los senadores de origen hispano durante la República romana », p. 245, avec bibliographie antérieure ; voir également M. J. Pena Gimeno, « Problemas históricos en torno a la fundación de Valentia », p. 275, rejetant le commentaire de la dernière édition du CIL II2/14, fasc. I, p. 1, qui considère sans preuve que ce personnage serait plus précisément originaire de Valentia. Les partisans de cette hypothèse reconnaissent toutefois que cette origine n’a manifestement eu aucune incidence sur la carrière politique de Varius, laquelle s’est entièrement déroulée à Rome jusqu’à son exil en 89. Hormis sa dénomination, rien n’empêche donc de renoncer totalement à une origo extra-italienne. Or, il est préférable de ne pas interpréter littéralement les épithètes qui lui sont attachées : elles dérivent en effet d’une tradition, représentée notamment par Cicéron, très hostile à l’action de ce popularis et attachée à le discréditer en l’assimilant à un provincial (Sucronensis), voire à un pérégrin (Hispanus et Hybrida). Ce type de pratique politique diffamatoire, bien connu à Rome, a été clairement mis en évidence par Sir Ronald Syme à propos de L. Decidius Saxa, également associé à la péninsule Ibérique et dont on ne peut douter que, originaire ou non d’Hispania, il fût romain (R. Syme, « Who was Decidius Saxa ? », pp. 127-137). Cette réserve ne suffit évidemment pas à nier tout lien effectif de ces individus avec les Hispaniae : il fallait bien un fondement à l’insulte politique. Elle suggère seulement qu’en l’absence d’autre donnée, l’existence d’un tel lien n’est pas forcément, en soi, la preuve d’une origo hispanique. Ainsi, il est possible que L. Decidius Saxa ait bien été un Hispaniensis, comme l’a raisonnablement proposé R. Syme, mais ce personnage a pu aussi être associé à la péninsule Ibérique pour d’autres raisons (voir pp. 471-472).
88 Dernièrement, M. L. Bonsangue, « Des affaires et des hommes. Entre l’emporion de Narbonne et la péninsule Ibérique », pp. 24-25 et 35, a bien montré qu’une présence attestée de negotiatores italiens permet de prouver l’existence d’intérêts économiques et le développement de circuits commerciaux, mais n’offre aucune réponse à la question de savoir si ces hommes d’affaires ou leurs agents faisaient effectivement souche à l’endroit où les sources permettent de les localiser.
89 P. A. Brunt, Italian Manpower, pp. 160-164 et 233 ; P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », pp. 86-89. Voir aussi les remarques de R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, pp. 137 et 157-158.
90 A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 2 ; l’idée d’une émigration nourrie par l’espoir du migrant d’une amélioration de sa condition a été néanmoins reprise dernièrement par J. S. Richardson, « Social Mobility in the Hispanic Provinces in the Republican Period », p. 251.
91 P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », p. 87.
92 L’existence de ce ius migrationis ou ius migrandi, en ce qui concerne les Latins, a toutefois été remise en question dernièrement par W. Broadhead, « Rome and the Mobility of Latins », pp. 315-335, qui privilégie par conséquent une immigration clandestine.
93 J. M. David, La romanisation de l’Italie, pp. 177-187.
94 P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », p. 89 ; plus généralement, sur les problèmes soulevés par les questions liées aux déplacements des personnes, voir les intéressantes remarques de Cl. Moatti, « Le contrôle de la mobilité des personnes dans l’Empire romain », pp. 925-958, qui montre que si la mobilité était bien réelle, elle ne doit pas être confondue avec une liberté totale de circulation et qu’il a existé des moyens administratifs de contrôle dans les cas où celui-ci était jugé nécessaire.
95 Il faut ajouter, comme le souligne P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », p. 86, que, sous l’Empire encore, Rome et l’Italie demeurent considérées comme le centre de la vie civilisée : « les mentalités civiques n’intégraient pas comme naturel ou comme souhaitable le recours à l’émigration ».
96 Cicéron, De leg. Agr., I, 5 et II, 51.
97 P. A. Brunt, Italian Manpower, pp. 214-217 ; le fait est bien démontré pour la péninsule Ibérique par M. Villanueva Acuña, « La inmigración y asentamiento romano-itálico en Hispania como factor de romanización del campo », pp. 774-784.
98 En dernier lieu, voir les remarques en ce sens de S. Keay, « Romanization and the Hispaniae », pp. 120-121.
99 Contra, A. Caballos Rufino et S. Demougin, « Avant-propos », p. 12, qui privilégient pour leur part l’émigration civile par rapport à l’émigration militaire, dans la mesure où ils considèrent que « la présence des militaires en Hispania était en majorité seulement conjoncturelle, suivant les événements militaires ».
100 R. E. Smith, Service in the Post-Marian Army, p. 53.
101 P. A. Brunt, « The Army and the Land in the Roman Revolution », pp. 265-273 ; J. C. Mann, Legionary Recruitment and Veteran Settlement during the Principate, pp. 1-3 ; L. F. Keppie, Colonisation and Veteran Settlement in Italy, pp. 38-43 ; P. Cosme, Armée et bureaucratie dans l’Empire romain, pp. 303-308.
102 J. M. Blázquez Martínez, « Causas de la romanización de Hispania », p. 23 ; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 25 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, pp. 217-219 ; J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », pp. 83-84 et 86 ; Id., « El ejército romano y la romanización de la Península Ibérica », pp. 130-131 et 133 ; Id., « La crisis republicana en la Hispania Ulterior », pp. 118-120 ; M. A. Marín Díaz, « La emigración itálica a Hispania en el siglo ii a. de C. », p. 55 ; Ead., Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 86-88 et 183-185 ; M. Villanueva Acuña, « La inmigración y asentamiento romanoitálico en Hispania como factor de romanización del campo », pp. 778-779 ; P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », p. 91 ; J. M. Roldán Hervás, « Conquista y colonización en la Bética en época republicana », pp. 34-35 ; J. S. Richardson, The Romans in Spain, p. 80.
103 Voir supra, p. 154.
104 Voir supra, pp. 137-138.
105 En dernier lieu, voir : A. Caballos Rufino, Itálica y los italicenses, notamment p. 34 ; A. Caballos Rufino, J. Marín Fatuarte et J. M. Rodríguez Hidalgo, Itálica arqueológica, p. 22.
106 Appien, Ib., 38 : Καὶ αὐτοῖς ὁ Σϰιπίων ὀλίγην στϱατιὰν ὡς ἐπὶ εἰϱήνῃ ϰαταλιπὼν συνῴϰισε τοὺς τϱαυματίας ἐς πόλιν, ἣν ἀπὸ τῆς Ἰταλίας Ἰταλιϰὴν ἐϰάλεσε. (« Après avoir laissé à ces préteurs une petite armée, comme il est naturel en temps de paix, Scipion installa ses blessés dans une ville à laquelle il donna le nom d’Italica, tiré de celui de l’Italie », trad. N. Diouron, CUF) ; M. J. Pena Gimeno, « Apuntes y observaciones sobre las primeras fundaciones romanas en Hispania », p. 51.
107 Tite-Live, Per., XLI, 2 : Tib. Sempronius Gracchus procos. Celtiberos uictos in deditionem accepit monimentumque operum suorum Gracchurim oppidum in Hispania constituit. Peut-être l’oppidum antérieur s’appelait-il Ilurcis, si l’on en croit le témoignage de Festus (86 L) : Gracchurris urbs Hiberae regionis dicta a Graccho Sempronio quae antea Ilurcis nominabantur ; sur les caractères de cette fondation, voir A. García y Bellido, « Las colonias romanas de Hispania », pp. 448-449 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 13 ; J. A. Hernández et P. Casado, « Graccurris : la primera fundación romana en el valle del Ebro », pp. 23-30 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, pp. 108-109 ; M. J. Pena Gimeno, « Apuntes y observaciones sobre las primeras fundaciones romanas en Hispania », p. 54 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 123-124 ; J. A. Hernández Vera, « La fundación de Graccurris », pp. 173-182 Pour sa part, R. López Melero, « ¿Gracchurris fundación celtibera ? », pp. 171-177, défend l’hypothèse que Gracchus installa sur place des Vascons.
108 Tite-Live, XL, 32, 9.
109 Sur cette question du praesidium, voir supra, p. 436.
110 F. Vittinghoff, Römische Kolonisation und Bürgerrechtspolitik, p. 72 ; A. García-Bellido, « Las colonias romanas de Hispania », p. 508 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 7 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 206 ; E. Gabba, Esercito e società, p. 289 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 114.
111 J. M. Luzón, Excavaciones en Itálica, p. 10, a montré que les signes matériels de la romanisation (notamment les amphores importées et la céramique à vernis noir) appar Aissent seulement tardivement, dans les couches du début du Ier siècle ; cette datation a été contestée, sans beaucoup d’arguments, par M. J. Pena Gimeno, « Apuntes y observaciones sobre las primeras fundaciones romanas en Hispania », p. 50, qui propose de la remonter à la première moitié du IIe siècle ; elle est suivie par M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 121 ; la confirmation leur semble être apportée par la mise au jour, sur le Cerro de los Palacios, d’un édifice interprété par son fouilleur comme un temple romain archaïque datable de l’époque immédiatement postérieure à la fondation : M. Bendala, « Un templo en Itálica de época republicana », pp. 861-868, et Id., « Excavaciones en el Cerro de los Palacios », pp. 24-74. Toutefois, il semble que la chronologie proposée soit erronée : sur ce point, voir S. J. Keay et J. M. Rodríguez Hidalgo, « Recent Work at Italica », pp. 395-420, qui pensent qu’il s’agit d’un édifice turdétan bien antérieur. Ils sont suivis par A. Caballos Rufino, J. Marín Fatuarte et J. M. Rodríguez Hidalgo, Itálica arqueológica, p. 57. Plus généralement, S. J. Keay, « Early Roman Italica and the Romanization of Western Baetica », pp. 28-31, montre de façon convaincante que les influences italiennes sur la culture matérielle de la ville sont restées effectivement très réduites jusqu’à la fin de la République.
112 S. J. Keay, « Early Roman Italica and the Romanization of Western Baetica », pp. 28-32.
113 Précisément, l’allusion d’Appien à la fondation d’Italica constitue dans le texte une incise comportant une référence à ces empereurs (Appien, Ib., 38).
114 M. A. Marín Díaz, « Problemas históricos en torno a las fundaciones romanas de la Hispania meridional durante el siglo II a. de C. », p. 140, suggère ainsi à juste titre que cette lecture rétrospective explique également les théories contradictoires relatives au statut juridique initial de la ville, successivement dotée par l’historiographie moderne des trois statuts privilégiés possibles (colonie romaine, colonie latine, municipium), seuls jugés « en consonancia con el glorioso futuro de la ciudad como patria de los emperadores hispanos ». En réalité, il semble que la ville conserva un statut pérégrin jusqu’à la fin de la République. Voir à ce sujet : A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 16 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 7 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, pp. 112-114 ; M. J. Pena Gimeno, « Apuntes y observaciones sobre las primeras fundaciones romanas en Hispania », p. 51 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 120.
115 L’Italica primitive est très mal connue d’un point de vue archéologique, car la uetus urbs, selon l’expression consacrée par A. García y Bellido, c’est-à-dire la ville antérieure à l’extension réalisée sous Hadrien, est entièrement recouverte par l’actuelle Santiponce. L’idée d’une dipolis initiale née de l’installation d’un praesidium, proposée par R. Corzo, « Organización del territorio y evolución urbana en Itálica », pp. 307-310, est aujourd’hui mise en doute en raison du manque de preuves : à ce sujet, voir notamment A. Caballos Rufino, J. Marín Fatuarte et J. M. Rodríguez Hidalgo, Itálica arqueológica, pp. 56-57, qui acceptent toutefois la théorie d’un établissement militaire romain permanent à partir de 206. Or, la présence d’un camp romain à côté de l’oppidum ibère est hautement hypothétique et cette restitution ne repose sur rien de solide : voir supra, p. 351.
116 R. C. Knapp, « The Origins of Provincial Prosopography in the West », p. 213. Voir aussi Id., Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 115.
117 C’est notamment l’avis exprimé récemment, à juste titre, par S. J. Keay, « Early Roman Italica and the Romanization of Western Baetica », p. 26, qui conclut : « The lesson must surely that large-scale italic presence needs to be demonstrated rather than assumed » ; de même, A. T. Fear, « Military Settlement at Italica ? », pp. 213-215, a montré que les séries de semisses frappés par la ville sous le règne de Tibère et portant au revers deux signa entourant un uexillum surmonté d’une aigle légionnaire ne pouvaient commémorer une origine militaire de la fondation, mais renvoyaient plutôt à une déduction de vétérans d’époque césaro-augustéenne peut-être attestée, par ailleurs, par un passage corrompu de Strabon (III, 2, 1).
118 Bell. Alex., LII, 4 ; C. González Román, « La onomástica del “corpus” cesariano y la sociedad de la Hispania meridional », pp. 68-74 ; Id., « Prosopografía y romanización de las elites », p. 291. Sur la conjuration elle-même, voir : M. A. Marín Díaz, « En torno a la conjura contra Q. Casio Longino », pp. 185-190 ; L. Amela Valverde, Las clientelas de Cneo Pompeyo Magno en Hispania, pp. 225-231.
119 S. J. Keay, « Early Roman Italica and the Romanization of Western Baetica », pp. 26-27. L’auteur étend du reste ce constat à l’ensemble de la période républicaine.
120 Appien, Ib., 66. Selon A. García y Bellido, Colonia Aelia Augusta Italica, p. 41, nº 11, il s’agit d’un indigène romanisé ; mais la tendance majoritaire est d’en faire un hispaniensis : E. Gabba, Esercito e società, p. 292, n. 248 ; A. Caballos Rufino, « Los senadores de origen hispano durante la República romana », pp. 263-265 ; C. González Román etA. M. Marín Díaz, « Prosopografía de la Hispania meridional en época republicana », pp. 282-283, nº 63.
121 Les partisans de l’hypothèse de son statut romain estiment que l’expression ἄνδρα Ἴβηρα utilisée par Appien est l’équivalent grec du terme Hispaniensis. Bien que plausible, cette interprétation ne s’impose pas cependant de manière décisive face à la traduction « un Ibère » couramment choisie par les éditeurs du texte. La confirmation de cette théorie ne saurait en tout cas être cherchée dans le fait que C. Marcius commandait à des soldats romains, comme le croit A. Caballos Rufino, « Los senadores de origen hispano durante la República romana », p. 265. Le passage d’Appien ne précise pas en effet la catégorie des troupes placées sous son autorité. La frilosité du préteur, retiré dans ses quartiers d’hiver, ne permet pas d’exclure que ce magistrat se contenta plutôt d’envoyer contre Viriathe des auxiliaires conduits par un Ibère romanisé, fin connaisseur du pays. En fait, le personnage est considéré par ces auteurs comme un romain avant tout parce qu’il vient… d’Italica : voir ainsi C. González Román et A. M. Marín Díaz, « Prosopografía de la Hispania meridional en época republicana », p. 283 : « ciudadano romano, dado su “origo” y las funciones que desempeña ».
122 C. González Román et A. M. Marín Díaz, « Prosopografía de la Hispania meridional en época republicana », p. 283, rappellent qu’il s’agit d’un nom étrusque latinisé. A. Caballos Rufino, « Los senadores de origen hispano durante la República romana », pp. 264-265, n. 186, insiste quant à lui sur le fait que Marcius est « de estirpe romana (a este respecto su nombre es significativo) y no meramente itálica ». Ce faisant, il ne tient pas compte de l’origine essentiellement italique qu’en raison du nom donné à la ville, on attribue ordinairement aux soldats établis là par Scipion. Plus contradictoire cependant nous paraît être le refus de l’auteur d’envisager toute possibilité du patronage du L. Marcius attesté pour 211 (Tite-Live, XXVI, 17, 2) alors qu’il n’écarte pas « alguna relación de parentesco » avec le L. Marcius attesté pour 206 (Tite-Live, XXVIII, 30, 1). Le récit de Tite-Live montre en effet qu’il s’agit d’un seul et même individu. Sur la banalité de la pratique consistant pour les patrons romains à laisser leurs clients ibériques utiliser leurs noms sans que cela soit forcément l’indice d’une concession de citoyenneté, voir E. Badian, Foreign Clientelae, pp. 256-257 et S. L. Dyson, « The Distribution of Roman republican Family Names in the Iberian Peninsula », pp. 258-299.
123 P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 207 : « Nomenclature is thus no certain guide to status ». En outre, Italica ne jouissait probablement, on l’a vu, d’aucun statut privilégié à cette époque et n’était en tout cas pas une colonie romaine. Sur l’utilisation de noms romains par des pérégrins, voir les remarques de J. S. Richardson, « Social Mobility in the Hispanic Provinces in the Republican Period », pp. 247-249. Il dresse d’ailleurs un par Allèle avec l’adoption d’un urbanisme de type romain par des villes dépourvues de tout statut privilégié.
124 Voir l’ébauche d’une réflexion en ce sens chez J. B. Tsirkin, « The Veterans and the Romanization ofSpain », pp. 137-141 (pour la période républicaine). Bien qu’il par Aisse difficile d’adhérer sans réserve à toutes les conclusions de l’auteur, cet article souligne un certain nombre de difficultés du dossier.
125 En revanche, il nous paraît impossible d’ajouter à cette liste les castra et les castella mentionnés par les Itinéraires et l’épigraphie, comme le font notamment C. González Román, « La onomástica del “corpus” cesariano y la sociedad de la Hispania meridional », p. 75 et M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 86-88. Ce faisant, à la suite des travaux de R. C. Knapp, ils surinterprètent la signification militaire de ces toponymes, ainsi qu’il a été montré supra, pp. 282-292. Dans la mesure où l’on ne saurait par ce biais restituer un réseau de postes militaires républicains, il est bien hasardeux de chercher à en tirer quelque conclusion que ce soit en matière d’émigration militaire.
126 Strabon, III, 2, 1. La date de la fondation de la ville demeure controversée. Hormis A. M. Canto, « Colonia Patricia Corduba, nuevas hipótesis sobre su fundación y nombre », pp. 846-857, qui envisage à tort une datation augustéenne, il y a unanimité des historiens pour attribuer la fondation à M. Claudius Marcellus. En revanche, les travaux demeurent partagés entre ceux qui pensent qu’elle a eu lieu durant le premier séjour de Marcellus en Hispania en 169-168 et ceux qui préfèrent la placer au cours de son second séjour en 152-151. La datation haute est défendue par : C. Castillo, « Hispanos y romanos en Córdoba », p. 191 ; A. Ibáñez Castro, Córdoba hispano-romana, p. 59 ; R. C. Knapp, Roman Córdoba, p. 10. La datation basse est admise par : F. Vittinghoff, Römische Kolonisation und Bürgerrechtspolitik, p. 72 ; A. García y Bellido, « Las colonias romanas de Hispania », pp. 451-452 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 9 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 215 ; J. F. Rodríguez Neila, « Introducción a la “Corduba” romana en época republicana », pp. 110-112 ; Id., Historia de Córdoba, t. I, pp. 212-213 ; Id., « Corduba », p. 177. Entre les deux solutions, il n’y a guère moyen de trancher, comme le reconnaît un nombre croissant de travaux : M. J. Pena Gimeno, « Apuntes y observaciones sobre las primeras fundaciones romanas en Hispania », p. 60 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 130 ; A. U. Stylow,« De Corduba a Colonia Patricia », pp. 77-78 ; Á. Ventura, P. León et C. Márquez, « Roman Cordoba in the Light of RecentArchaeological Research », p. 88 ; X. Dupré Raventós (éd.), Córdoba, p. 7. Une position originale, mais indémontrable, est celle de R. Contre ras de la Paz, Marco Claudio Marcelo, fundador de Córdoba, p. 394, qui choisit une solution de compromis : selon lui, la fondation date de 169 mais fut complétée en 152.
127 H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 15, et R. Contreras de la Paz, Marco Claudio Marcelo, fundadorde Córdoba, p. 383, interprètent les ‘Pωμαῖοι comme des citoyens romains ; J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », p. 85, les considère plus précisément comme des légionnaires ; d’autres préfèrent y voir essentiellement ou exclusivement des socii : P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 215 ; P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 36 ; R. C. Knapp, Roman Córdoba, pp. 13-14. D’autres encore admettent un mélange de Romains et d’Italiques : A. J. N. Wilson, Emigration, p. 16 ; J. F. Rodríguez Neila, « Introducción a la “Corduba” romana en época republicana », pp. 113-114 ; Id., Historia de Córdoba, t. I, pp. 216-217 ; Id.,« Corduba », pp. 180-184 ; A. U. Stylow,« De Corduba a Colonia Patricia », p. 78 ; Á. Ventura, P. León et C. Márquez, « Roman Cordoba in the Light of Recent Archaeological Research », p. 88. Dernièrement, dans le bilan qu’il effectue dans X. Dupré Raventós (éd.), Córdoba pp. 7-8, J. F. Rodríguez Neila préfère se contenter de rappeler les différentes théories sans trancher entre elles, le dossier étant considéré par lui comme une « cuestión sin aclarar ».
128 Le fait a été noté à juste titre par M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 133, et J. B. Tsirkin, « The Veterans and the Romanization of Spain », p. 138.
129 Voir supra, p. 630.
130 Strabon, III, 5, 1.
131 Pourtant, elle est admise notamment par A. García y Bellido, « Las colonias romanas de Hispania », p. 457, et M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 142. La prudence de R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 137, est préférable : « There thus seems to be good reason to doubt that the men settled at Palma and Pollentia were veterans of the Roman legions. » Voir aussi M. Arribas Palau, La romanització de les Illes Balears, pp. 17-18. Pour sa part, R. Zucca, Insulae Baliares, pp. 95-96 et 146, préfère ne pas se prononcer. En dernier lieu, E. García Riaza et M. L. Sánchez León, Roma y la municipalización de las Baleares, p. 60, admettent qu’il s’agit plutôt d’auxilia de Metellus, carils rejettent l’hypothèse d’une déduction coloniaire dès 122, privilégiant à la place celle de l’implantation d’une série de castella dont Palma et Pollentia auraient fait partie et qui aurait été alimentée par la distribution de ces trois mille hommes en divers points du territoire.
132 Tite-Live, XLIII, 3, 1-4.
133 Ch. Saumagne, « Une colonie latine d’affranchis », pp. 135-152 ; Id., Le droit latin et les cités romaines sous l’Empire, pp. 60-71. Voir aussi A. Garcíay Bellido, « Las colonias romanas de Hispania », p. 450 ; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, pp. 24-25 ; R. López Melero, « Observaciones sobre la condición de los primeros colonos de Carteia », pp. 43-49. L’argument selon lequel les hybridae devaient être affranchis parce qu’ils descendaient de mères esclaves n’est pas convaincant : la précision cum quibus conubium non esset, apportée parles délégués eux-mêmes devant le sénat, serait inutile et redondante si ces femmes avaient été notoirement de statut servile.
134 Le codex Vindobensis donne eorumque si quos manumissent. On peut restituer eorumque si quos manumisisset, comme le fait Ch. Saumagne, ou bien eorumque si quos manumisissent, comme l’admettent la plupart des éditions actuelles. Cette seconde lecture est généralement suivie par les historiens : Th. Mommsen, Le droit public romain, t. VI, 2, p. 3 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 8 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, pp. 118-119 ; J. S. Richardson, Hispaniae, p. 119 ; M. J. Pena Gimeno, « Nota sobre Livio, XLIII, 3 », pp. 267-276 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 126-129. Dans une brève synthèse récente sur l’histoire de la ville, M. Bendala Galán, L. Roldán Gómez et J. Blánquez Pérez, « Carteia : de ciudad púnica a colonia latina », p. 159, se contentent de signaler l’existence de cette controverse.
135 H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 8 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 119 ; M. J. Pena Gimeno, « Nota sobre Livio, XLIII, 3 », pp. 270-272. Dans ce cas, on conclut par conséquent à l’existence de trois catégories d’individus établis à Carteia : les hybridae, leurs affranchis et les habitants précédents de l’oppidum auxquels le sénat a accordé le droit d’intégrer la colonie. Cette hypothèse est celle suivie par M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 128.
136 M. Humbert, « Libertas id est civitas », pp. 221-241 ; cette hypothèse a été reprise et développée récemment par F. WulffAlonso, « La fundación de Carteya », pp. 43-58. Pour ces auteurs, le principe appliqué par le sénat à Carteia fut celui d’une réduction formelle en esclavage suivie d’un affranchissement immédiat, sur le modèle de ce que pratiquaient les alliés italiens, dans les premières décennies du IIe siècle, pour obtenir la citoyenneté romaine. Ce type de procédure était illégal depuis 177 (Tite-Live, XLI, 8-9), mais fut réactivé dans le cas de Carteia, selon ces auteurs, afin de répondre, en conférant le droit latin par ce biais, à un problème jusque-là inédit. Cette solution a été récemment critiquée par P. López Barja de Quiroga, « La fundación de Carteya y la manumissio censu », pp. 83-93, qui en propose une variante : selon lui, les hybridae auraient volontairement effectué une deditio formelle devant le sénat avant d’être affranchis par celui-ci. Cet expédient s’expliquerait à ses yeux par le fait que, contrairement à l’habitude, les futurs colons latins étaient cette fois tous peregrini.
137 Tite-Live, XLIII, 3, 4 : latinam esse coloniam. Malgré les réserves de E. T. Salmon, Roman Colonization under the Republic, p. 187, et de R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 117, il n’y a pas de raisons d’en douter.
138 Il est clair, comme le remarque à juste titre A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 24, que les hybridae représentés devant le sénat en 171 ne pouvaient constituer une population marginalisée à l’intérieur de la province d’Ultérieure. Les soutiens dont ils ont dû bénéficier pour adresser leur requête à Rome comme le caractère collectif de leur action suffisent à suggérer un certain degré d’organisation ainsi que, au moins pour certains d’entre eux, une position notoire dans la province.
139 Ainsi, F. Wulff Alonso, « La fundación de Carteya », p. 57, s’étonne que, à notre connaissance, l’expérience de 171 n’ait pas été renouvelée, alors que la question des hybridae dut se reposer encore au cours du IIe siècle.
140 La question est très discutée. Comme Strabon affirme que Cordoue était une colonie ἀποιϰία), le statut de colonie latine est parfois admis pour cette fondation : RE, IV, col. 1222 (Hübner) ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, pp. 9-10 ; P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 36 ; J. F. Rodríguez Neila, Historia de Córdoba, t. I, pp. 214-216 ; R. C. Knapp, Roman Córdoba, p. 11 ; A. U. Stylow, « De Corduba a Colonia Patricia », p. 80 ; Á. Ventura, P. León et C. Márquez, « Roman Cordoba in the Light of Recent Archaeological Research », p. 88. Toutefois, il est également souvent rejeté au motif que la ville abritait un conventus ciuium Romanorum à l’époque des guerres civiles : A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 16 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 215 ; M. J. Pena Gimeno, « Apuntes y observaciones sobre las primeras fundaciones romanas en Hispania », p. 60 ; A. Ibáñez Castro, Córdoba hispano-romana, p. 111 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 132-133 ; S. J. Keay, « The Development of Towns in Early Roman Baetica », p. 85. Néanmoins, cet argument, pertinent dans le cas d’une colonie romaine, n’est pas décisif dans celui d’une colonie latine, comme l’a rappelé R. C. Knapp, Roman Córdoba, p. 12, n. 72. En ce qui concerne Palma et Pollentia, la documentation fait largement défaut mais l’historiographie n’écarte pas la possibilité d’un statut latin : H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 15 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, pp. 131-139 ; M. Arribas Palau, La romanització de les Illes Balears, pp. 13-20, notamment p. 18 ; J. M. Abascal et U. Espinosa, La ciudad hispano-romana, p. 21. Dernièrement, E. García Riaza et M. L. Sánchez León, Roma y la municipalización de las Baleares, pp. 51-67, ont mis en doute l’existence même d’une déduction coloniale dès 122 : pour ces auteurs, l’obtention du statut de colonie serait une conséquence de la guerre sertorienne et ils n’écartent pas alors l’hypothèse d’un statut romain et non simplement latin. Sur la question de l’existence de colonies latines en Hispanie en dehors de Carteia, voir en dernier lieu M. A. Marín Díaz, « Observaciones sobre las colonias latinas en la Hispania meridional », pp. 277-287, qui se montre très réservée sur ce point.
141 R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, pp. 147-153. Selon cet auteur, « these hybridae would have also provided an important nucleus of romanized men in other communities ». Il estime ainsi que Curius et Apuleius, mentionnés par Appien, Ib., 68, n’étaient pas des déserteurs de l’armée romaine, comme le croyait R. Thouvenot, Essai sur la province romaine de Bétique, p. 128, mais des hybridae devenus brigands.
142 Ainsi, J. F. Rodríguez Neila, Historia de Córdoba, t. I, pp. 218 comme A. U. Stylow,« De Corduba a Colonia Patricia », p. 78, admettent que, parmi les ἐπὶλεϰτοι de Cordoue, devaient se trouver des hybridae.
143 Les hypothèses alternatives, commeValença do Minho, sur la rive gauche du Minho, proposée par RE, X, col. 1022 (Münzer), ou Valencia de Alcántara, proposée par H. Simon, Roms Kriege in Spanien, p. 138, ont été définitivement réfutées depuis en faveur de Valencia (del Cid) : C. Torres, « La fundación de Valencia », pp. 113-121 ; A. García y Bellido, « Las colonias romanas de Hispania », p. 454 ; D. Fletcher, « Consideraciones sobre la fundación de Valencia », p. 173 ; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 40 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 12 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 215 ; R. Wiegels, « Liv. Per. 55y la fundación de Valentia », pp. 197-198 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 130 ; M. J. Pena Gimeno, « Apuntes y observaciones sobre las primeras fundaciones romanas en Hispania », pp. 63-65 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, pp. 135-136 ; A. Ribera i Lacomba, « Valentia. Desarrollo urbano al final de la República », pp. 355-373 ; Id., La fundació de València, p. 95 ; Id., « El papel militar de la fundación de Valentia », pp. 363-389.
144 Tite-Live, Per., LV, 4.
145 M. Tarradell, « Valencia, ciudad romana. Estado actual de los poblemas », p. 19 ; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 41 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 12 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, p. 215 ; P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 37 ; J. Esteve Forriol, Valencia, fundación romana, pp. 146-149 ; J. Corell, Inscripcions romanes de Valentia i el seu territori, pp. 27-28.
146 RE, 7A, p. 2148 (Schulten) ; C. H. V. Sutherland, The Romans in Spain, p. 79 ; F. Vittinghoff, Römische Kolonisation und Bürgerrechtspolitik, p. 73 ; A. García y Bellido, « Las colonias romanas de Hispania », p. 454 ; D. Fletcher, « Consideraciones sobre la fundación de Valencia », pp. 198 et 206 ; R. Wiegels, « Liv. Per. 55 y la fundación de Valentia », pp. 213-214 et 216. Quant à E. T. Salmon, Roman Colonization underthe Republic, p. 132, il reste assez vague, même si le contexte de son argumentation laisse supposer qu’il privilégie également dans le cas de Valentia le lotissement de vétérans de l’armée romaine.
147 M. J. Pena Gimeno, « Apuntes y observaciones sobre las primeras fundaciones romanas en Hispania », 63 ; A. Ribera i Lacomba, « Domingo Fletchery la fundación de Valencia », notamment p. 208 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 37 ; A. Ribera i Lacomba, La fundació de València, pp. 98 et 510-517 ; voir aussi, en dernier lieu, les différentes contributions réunies dans J. L. Jiménez Salvador et A. Ribera i Lacomba (coord.), Valencia y las primeras ciudades romanas de Hispania.
148 CIL, II, 3733-3737, 3739, 3741 ; AE, 1938, 24 : ualentini ueterani et ueteres ; CIL, II, 3745-3746 : uterque ordo ualentinorum ; AE, 1938, 22-23 : decurio ualentinorum ueteranorum ; AE, 1933, 5-6 ; CIL, II, 4745 : ex d (ecreto) d (ecurionum) ueteranorum. Ces inscriptions attestent clairement l’existence de deux groupes au sein de l’ordo decurionum.
149 H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 12, n. 44, estime que ces insciptions ne sauraient fournir aucune information relative à l’époque de la fondation, dans la mesure où il les date du début du IIIe siècle de notre ère. Il est suivi en cela par R. Wiegels, « Liv. Per. 55y la fundación de Valentia », pp. 199-200 : « estas inscripciones nada pueden aportara nuestra cuestión » ; voir aussi les remarques de J. B. Tsirkin, « The Veterans and the Romanization of Spain », pp. 138-139. Cette objection doit cependant être nuancée, car il a été démontré que ces inscriptions se répartissent en deux groupes de chronologie différente : seules les dédicaces collectives, qui correspondent à celles portant la formule ualentini ueterani et ueteres, doivent être datées du IIIe s. Les autres sont plus anciennes (début IIe siècle, voire même époque flavienne) : G. Pereira Menaut, Inscripciones romanas de Valentia, p. 8 et nos 12-17, 19-20, 22-25 ; J. Corell, Inscripcions romanes de Valentia i el seu territori, p. 34 et nos 17-22, 24, 26-27, 30, 39, 40. Par conséquent, elles pourraient attester une situation encore antérieure. Pour sa part, A. Ribera i Lacomba, La fundació de València, pp. 519-522, estime qu’il existe un hiatus net entre le peuplement d’époque républicaine et celui d’époque impériale : tout en admettant que les ueterani sont venus renforcer les ueteres, cet auteur estime qu’un tel processus est postérieur au milieu du Ier siècle ap. J. -C., en relation avec une profonde réorganisation urbaine, attestée selon lui par l’archéologie.
150 Rares sont ceux qui ont proposé une chronologie inverse. C’est le cas de C. Torres, « La fundación de Valencia », p. 120, qui pense curieusement que les ueterani sont les colons primitifs tandis que les ueteres seraient plutôt ceux établis à l’issue des guerres sertoriennes. Les objections de M. J. Pena Gimeno, « Consideraciones sobre el estatuto jurídico de Valentia », pp. 313-314, semblent cependant définitives.
151 Pour cette tendance de l’historiographie, c’est la date à laquelle les ueterani ont été ajoutés aux ueteres qui ne fait pas l’unanimité. Pour certains, les ueterani doivent être rapportés à des vétérans installés par Pompée à la suite de la guerre contre Sertorius : A. García y Bellido, « Las colonias romanas de Hispania », p. 455 ; D. Fletcher, « Consideraciones sobre la fundación de Valencia », pp. 199-200 ; A. Ventura Conejero, « Qui sub Viriatho militaverant », p. 551. Pour d’autres, il s’agit plutôt de colons installés au Ier siècle de notre ère, soit à la suite d’une catastrophe naturelle (G. Pereira Menaut, Inscripciones romanas de Valentia, p. 9, et Id., « Valentini veterani et veteres. Una nota », p. 340), soit dans le cadre d’un programme officiel de colonisation à l’époque julio-claudienne (M. J. Pena Gimeno, « Consideraciones sobre el estatuto jurídico de Valentia », p. 314 ; Ead., « Problemas históricos en torno a la fundación de Valentia », p. 277).
152 Dans cette perspective, toutes les solutions envisageables ont été proposées pour les ueterani : colons contemporains, ou presque, de la fondation même (J. Corell, Inscripcions romanes de Valentia i el seu territori, p. 34) ; colons postérieurs d’époque sertorienne (J. Esteve Forriol, Valencia, fundación romana, pp. 85-86) ; colons tardifs d’époque sévérienne (H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 54 ; R. Wiegels, « Liv. Per. 55y la fundación de Valentia », pp. 200-201, n. 34).
153 D. Fletcher, « Consideraciones sobre la fundación de Valencia », p. 197 ; l’idée a été reprise et développée ensuite par A. Ventura Conejero, « Qui sub Viriatho militaverant », pp. 539-551.
154 R. Wiegels, « Liv. Per. 55y la fundación de Valentia », pp. 204-206 ; J. Esteve Forriol, Valencia, fundación romana, pp. 106-108.
155 R. Wiegels, « Liv. Per. 55y la fundación de Valentia », pp. 213-217. Il est suivi par R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, pp. 130-131. Sur Brutobriga, nous sommes mal renseignés, hormis une brève notice d’Étienne de Byzance et la légende monétaire d’une émission mal datée (T. MANLIVST. FSERGIA/BRUTOBRIGA).
156 P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 36.
157 Ibid., p. 37 : l’auteur souligne ainsi que la formule agros et oppidum dedit renvoie davantage aux assignations de pérégrins qu’auxfondations coloniales de citoyens. contra, M. A. Marín Díaz, Emigración, colonizacióny municipalización en la Hispania republicana, p. 138, pourqui les par Allèles invoqués, Turris Lascutana (CIL, II, 5041) et Carteia, relèvent en réalité de processus juridiques très différents. Cette réserve n’est pas décisive néanmoins, comme le suggère le rapprochement possible avecle cas de Gracchurris, attesté également parles Periochae (Tite-Live, Per., XLI). De ce point devue, la différence de registre onomastique entre les deux fondations ne doit pas être surestimée, car comme le note P. Le Roux, aucune source ne permet d’assurerque Valentia fut bien le nom originellement donné à l’établissement.
158 Nous renvoyons ici aux différentes synthèses qui ont présenté ces résultats : A. Ribera i Lacomba, « Valentia. Desarrollo urbano al final de la República », pp. 355-373 ; Id., « El papel militar de la fundación de Valentia », pp. 363-389 ; Id., « El urbanismo de la primera Valencia », pp. 299-313 ; Id., « The Roman Foundation ofValencia and the Town in the 2nd-1st c. B. C. », pp. 75-89.
159 Dans un premier temps, A. Ribera i Lacomba, « Valentia. Desarrollo urbano al final de la República », p. 360, évoque des contextes de construction « que irían bien hacia fines del s. II a. C. » ; dans une publication ultérieure, le même auteur retient une fourchette chronologique un peu plus large, entre le dernier quart du IIe siècle et les premières années du Ier siècle : La fundació de València, p. 185 ; enfin, dernièrement, A. Ribera s’est montré plus affirmatif en situant la construction de l’édifice vers 100 : « El urbanismo de la primera Valencia », p. 306.
160 A. Ribera i Lacomba et C. Marín Jordá, « Los baños republicanos de Valentia », pp. 151-156 ; J. M. Nolla i Brufau, « Las termas republicanas en Hispania », pp. 47-49. Le moment de la construction de l’édifice est en revanche inconnu. Ces publications admettent donc par défaut une datation de l’époque même de la fondation ou très peu postérieure.
161 A. Ribera i Lacomba, « Una peculiarfosa de fundación en Valentia », pp. 187-195, fait état d’une fosse de la rue Roc Chabàs, remplie d’un lot de céramique italique dont l’usage lui paraît avoir été celui d’un banquet rituel ; A. Ribera i Lacomba et C. Marín Jordá, « La realidad arqueológica de la fundación de Valencia », pp. 290-294, en présentent plusieurs autres : un dépôt d’urnes sous le Palau de Les Corts ; un dépôt d’amphores italiques retrouvées sous le mur des thermes ; un dépôt monétaire, composé de six as républicains à l’intérieur d’un petit coffre de bois, sous la porte nord de l’enceinte. Voir aussiA. Ribera i Lacomba, « El papel militar de la fundación de Valentia », pp. 366-367.
162 G. MartínÁvila, « Estudio de los materiales arqueológicos hallados en el subsuelo del palacio de la Generalidad de Valencia », pp. 89-109 ; J. Bernabeu, V. Lerma, C. Mata etA. Ribera, « Excavaciones en Valentia », pp. 137-190 ; A. Ribera i Lacomba, Lafundació de València, pp. 106-108 et 320-331. Ce dernier auteur a souligné à plusieurs reprises la similarité de ce faciès céramique avec celui des camps de Numance : Id., « Valentia. Desarrollo urbano al final de la República », p. 356 ; Id., « El papel militarde la fundación de Valentia », p. 368 ; Id., « The Roman Foundation of Valencia and the Town in the 2nd-1st c. B. C. », pp. 79-81. Un bilan détaillé des découvertes concernant la céramique campanienne est donné par C. Marín Jordá et A. Ribera i Lacomba, « Las cerámicas de barniz negro de Valentia », pp. 91-105.
163 P. P. Ripollès Alegre, La ceca de Valentia ; M. J. Pena Gimeno, « Los magistrados monetales de Valencia », pp. 151-164 ; Ead., « Problemas históricos en torno a la fundación de Valentia », pp. 270-273 ; P. P. Ripollès Alegre, « La ceca de Valentia y las monedas de su época », notamment pp. 336-339. Les monnaies émises par la cité se répartissent en trois émissions, qui donnent les noms de six magistrats monétaires : C. Lucienus, C. Munius, T. Ahius, L. Trinius, L. Coranius et C. Numius.
164 P. Guérin (coord.), « Los primeros pobladores de Valentia », pp. 34-45 ; E. García Prósper et alii, « La necrópolis romana de la calle Quart », p. 296 ; E. García Prósper, « Algunos apuntes sobre las prácticas funerarias de época romana en Valentia », pp. 76 et 82 ; A. Ribera i Lacomba et C. Marín Jordá, « La realidad arqueológica de la fundación de Valencia », p. 294 ; E. García Prósper et P. Guérin, « Nuevas aportaciones en torno a la necrópolis romana de la calle Quart de Valencia », pp. 207-208. En particulier, la fouille des tombes à chambres de la nécropole a livré des crânes de porc qui ont été mis en relation avec le rituel italique de la porca praesentanea. La présence de strigiles dans ces tombes renvoie à un contexte culturel marqué par l’hellénisme, suggérant, selon les fouilleurs, une origine des défunts à rechercher dans les régions d’Italie les plus concernées par cette influence (Étrurie, Picenum, Bruttium).
165 P. Guérin (coord.), « Los primeros pobladores de Valentia », pp. 43 et 44 : il fait état, pour l’ensemble de la période républicaine, de 26 individus, dont 12 de sexe masculin, 5 de sexe féminin, 4 de sexe indéterminé et deux enfants en bas âge ; E. García Prósper et alii, « La necrópolis romana de la calle Quart », p. 298 ; L. Alapont, « Rasgos antropológicos de los primeros pobladores de Valentia », pp. 315-322. Dans cette dernière publication, l’auteur présente les résultats d’une étude portant cette fois sur 43 squelettes, en majorité des mâles adultes, ce qui lui paraît confirmer le caractère militaire de la fondation. L’état des squelettes, présentant des insertions musculaires marquées, tend à prouver que les individus concernés étaient soumis à un travail physique dur et constant. La majorité d’entre eux présentent des signes de carences remontant à l’enfance, ainsi que des dents gâtées, ce qui pourrait s’expliquer par un régime alimentaire à base de blé. Toutefois, les conclusions laissent le lecteur sceptique : l’ensemble des caractéristiques exposées dans cette étude pourraient sans doute s’appliquer aussi bien à d’autres types de population. L’auteur n’échappe pas en réalité au risque si banal de l’argument circulaire, puisque pour expliquer ses observations, il prend la peine de s’appuyer sur ce qu’il devrait en réalité démontrer : « Debemos recordar que la colonia de Valentia fue fundada ex nouo por legionarios y auxilia itálicos licenciados tras el final del conflicto con los lusitanos de Viriato. » Ailleurs, surpris de constater qu’un seul individu présente les traces des traumatismes physiologiques qu’on attendrait logiquement chez des militaires, il conclut un peu curieusement : « Podemos suponer que la ausencia de este tipo de lesiones se deriva de un tiempo de paz y de estabilidad social, además de confirmar el carácter vencedor de los soldados fundadores. »
166 E. García Prósper et P. Guérin, « Nuevas aportaciones en torno a la necrópolis romana de la calle Quart de Valencia », p. 209.
167 A. Ribera i Lacomba et C. Marín Jordá, « La realidad arqueológica de la fundación de Valencia », pp. 296-297. Voir aussi A. Ribera i Lacomba, « El papel militar de la fundación de Valentia », p. 367, qui explique que ces traces d’habitation rappellent celles des sites italiques protohistoriques, mais que « en nuestro caso creemos que se asemejarían más a las construcciones que dejaría un campamento itinerante o de paso ».
168 Ces structures consistent en alignements de pierres formant des espaces de plan rectangulaire : A. Ribera i Lacomba, « El papel militar de la fundación de Valentia », p. 367.
169 A. Ribera i Lacomba, « Valentia. Desarrollo urbano al final de la República », p. 357 ; Id., « El papel militar de la fundación de Valentia », p. 367 ; A. Ribera i Lacomba et C. Marín Jordá, « La realidad arqueológica de la fundación de Valencia », p. 289.
170 A. Sanchis Serra, « La alimentación de origen animal en la Valentia republicana », pp. 323-334, qui insiste sur la prédominance du porc, au moins dans une première phase.
171 Voir en particulier D. Fletcher, « Consideraciones sobre la fundación de Valencia », pp. 202-205 ; R. Wiegels, « Liv. Per. 55y la fundación de Valentia », pp. 206-209.
172 Ainsi, même dans le dépôt (votif ?) de la rue Roc Chabás, coexistent les céramiques importées et les productions locales. A. Ribera i Lacomba, « Una peculiar fosa de fundación en Valentia », pp. 189 et 191-193, dénombre en effet onze pièces de céramique ibérique, deux de céramique commune grise et une petite jarre emporitaine à côté du matériel italique (trois vases à vernis noir, onze céramiques de cuisine, quatre vases à parois fines, cinq amphores) et punique (six amphores). L’auteur remarque d’ailleurs (p. 191) que « en contra de lo que se podría esperar, las ánforas más abundantes no proceden del mundo romano, sino que vienen de la púnica y lejana Tripolitana ». Si la conclusion de l’étude souligne que la composition du lot est « mayoritariamente de procedencia itálica », il faut bien constater toutefois que cette prédominance, tout en étant réelle, n’est pas écrasante.
173 Ce constat est selon nous d’autant plus vrai s’il s’agit bien d’une fondation ex nouo du magistrat romain, comme on le pense généralement. Il est curieux que R. Wiegels, « Liv. Per. 55y la fundación de Valentia », p. 207, estime peu concluante la présence de vaisselle ibérique sur le site pour prouver une occupation indigène (« tales utensilios pueden haber sido usados indistintamente por los romanos »), mais n’envisage pas la solution inverse, à propos de la céramique romaine. Or, les nouvelles approches méthodologiques en matière d’analyse des phénomènes d’acculturation (« cultural changes »), actuellement en plein essor dans l’historiographie anglo-saxonne, mettent en garde, avec raison, contre une conception aussi unilatérale, très répandue dans les analyses traditionnelles sur la romanisation. Dans une première tentative de synthèse de ces nouvelles problématiques, S. J. Keay, « Romanization and the Hispaniae », p. 121, rappelle ainsi que la présence de matériel romain sur un site ne saurait prouver celle de populations romaines ou italiques : « Imported artefacts, like Black Gloss pottery and wine amphorae, and architectural styles could have been chosen by Roman ornative alike fora numberof reasons, not least fashion, outward expressions of status, loyalty, ethnic identification oremulation. »
174 S. J. Keay, « Romanization and the Hispaniae », p. 131, qui ajoute : « Another possibility is that access to these goods and ideas was facilitated by Rome as a means of retaining native loyalties in the context of the crucial patron-client relationships which underwrote the success of Roman control in the peninsula. »
175 Voir par exemple J. Á. Asensio Esteban, « Primeras manifestaciones del urbanismo romano-republicano en el valle medio del Ebro », pp. 219-255, à propos de La Caridad de Caminreal et de El Durón de Belmonte (notons toutefois que cet auteur ne doute pas que Valentia ait été fondée pour des colons romano-italiques) ; Id., « Urbanismo romano republicano en la región de la cuenca del Ebro », pp. 162 et 174 ; de même, A. Ferreruela Gonzalvo et J. A. Mínguez Morales, « Dos modelos de implantación urbana romanorrepublicana en el valle medio del Ebro », pp. 256-260 : alors que les fouilles ont mis au jour à La Corona une vaste domus de plan italique, sans équivalent dans la région, y compris à La Caridad, l’existence de cet urbanisme très romanisé ne constitue pas aux yeux de ces auteurs un critère suffisant pour conclure à un peuplement italique. Seul un faciès céramique et épigraphique entièrement romain leur semble un critère véritablement décisif, ce qui nous paraît raisonnable, à condition toutefois que les trouvailles en ce sens aient valeur d’échantillon représentatif, ce qui, comme on l’a vu, ne va pas toujours de soi.
176 À l’issue de la campagne de fouille de 1998, A. Ribera i Lacomba, La fundació de València, p. 492, fait état de la découverte de 22 tombes datables du IIe siècle, parmi lesquelles se détachent les quatre hypogées, où ont été retrouvés les crânes de porc, auxquels il accorde une grande importance. Dans sa présentation plus récente du site, L. Alapont, « Rasgos antropológicos de los primeros pobladores de Valentia », p. 316, évoque désormais une quarantaine de tombes, mais le nombre des sépultures à chambre latérale est demeuré, lui, inchangé. Pour ce qui est des strigiles, les publications actuellement disponibles ne font pas clairement état de leur nombre. E. García Prósper et alii, « La necrópolis romana de la calle Quart », p. 296, mentionne la découverte de deux de ces objets, en mauvais état de conservation, dans une fosse en limite méridionale de la nécropole, interprétée comme une fosse rituelle en relation avec le déroulement des banquets funéraires.
177 P. Guérin (coord.), « Los primeros pobladores de Valentia », p. 44, considère l’inhumation et l’incinération comme deux formes également pratiquées par les colons italiques, reflet en cela de la « diversidad de actitudes rituales romanas » ; E. García Prósper, « Algunos apuntes sobre las prácticas funerarias de época romana en Valentia », p. 76, précise que, pour la phase républicaine, « las cremaciones mejor conservadas tienen un marcado carácter indígena ». Voir également E. García Prósper et P. Guérin, « Nuevas aportaciones en torno a la necrópolis romana de la calle Quart de Valencia », pp. 209-210, qui estiment que « el marcado carácter indígena de la necrópolis del siglo I a. C. podría reflejar la incorporación a la colonia de una comunidad local (ibérica), en coexistencia pacífica o en simbiosis con los veteranos ». Intrigués par cette « presencia ibérica en una necrópolis colonial itálica », ces auteurs insistent (p. 214) sur son décalage chronologique par rapport au moment de la fondation.
178 Il s’agit de la thèse défendue par A. Ribera i Lacomba, La fundació de València, p. 522, pour qui la fondation républicaine « fou la primera entitat urbana d’Hispania exclusivament poblada des d’un principi per romanoitàlics ».
179 A. Ribera i Lacomba, « El urbanismo de la primera Valencia », p. 304.
180 Ce point nous semble en effet un acquis définitif des recherches récentes. Voir en ce sens les remarques de S. J. Keay, « The Early Roman Towns of Tarraconensis », p. 227 : « Here, if anywhere, we find good evidence for the material culture of Italians formally settled in Iberia. »
181 La chronologie précise du monnayage n’est en effet pas clairement établie. P. P. Ripollès Alegre, « La ceca de Valentiaylas monedas de su época », pp. 338-339, rappelle que l’on considère depuis longtemps que les émissions de Valentia reproduisent le motif du denier romain de Q. Fabius Maximus Eburnus, daté par M. H. Crawford de 127 (RRC, nº 265-1). Comme on s’accorde d’autre part à estimer que le monnayage de la ville cesse après la guerre de Sertorius, il est d’usage de dater les trois émissions valenciennes entre les années 120 et les années 80. Il ne s’agit là cependant que d’une fourchette chronologique indicative, à l’intérieur de laquelle il est bien délicat de placer chacune de ces émissions. Alambiquée et moins plausible nous semble la suggestion récente de M. J. Pena Gimeno, « Problemas históricos en torno a la fundación de Valentia », p. 271, selon laquelle ce serait en réalité Q. Fabius Maximus Eburnus qui aurait repris pour la frappe de son denier le type choisi par les magistrats monétaires de Valentia, afin de commémorer ainsi le rôle des Fabii Maximi dans la conduite des guerres durant lesquelles avaient servi les soldats établis dans la nouvelle fondation. Pour sa part, L. Pedroni,« Valentia e i denari romani Repubblicani », p. 196, affirme, sans convaincre, que le monnayage de Valentia est un monnayage de fondation dont le type remonte à 138, sur le modèle du denier de Fabius dont il remonte par conséquent la chronologie. Dans le même ordre d’idée, une émission de restitution du denierde Fabius (RCC, 371/1) commémorerait selon lui la reprise de la ville par Pompée en 75.
182 P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 37 : ou bien la fondation « rassemblerait à la fois des Lusitaniens et des soldats alliés établis en une fondation mixte, par Allèle mais non identique à celle de Corduba », ou bien il faut imaginer « l’adjonction de nouveaux contingents quelque temps après ». Il est d’ailleurs suivi en cela par J. Corell, Inscripcions romanes de Valentia i el seu territori, p. 29, n. 21.
183 C’est l’hypothèse, plausible, de H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 12, n. 42. Il est suivi par J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », p. 86, et P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 37.
184 S. J. Keay, « Romanization and the Hispaniae », p. 120.
185 En 60, la ville semble attestée comme colonie par une inscription trouvée à Cupra Maritima, près d’Asculum, en Italie (CIL, IX, 5275 = ILS, 878 = ILLRP, 385) : L(ucio) Afr[a]nio A(uli) f(ilio) / co(n)s(uli) / consc[r]ip(ti) et c[ol(oni)] / col(oniae) Vale [nt(inorum)]. On admet donc généralement qu’il pourrait s’agir d’une initiative de Pompée dontAfranius fut le lieutenant durant la guerre contre Sertorius : A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 41 ; H. Galsterer, Untersuchungen zum römischen Städtewesen, p. 12 ; R. Wiegels, « Liv. Per. 55y la fundación de Valentia », pp. 200-201 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 125 ; J. Esteve Forriol, Valencia, fundación romana, pp. 85-86 ; M. A. Marín Díaz, Emigración, colonización y municipalización en la Hispania republicana, p. 139 ; L. Amela Valverde, « La inscripción de Cupra Maritima, la colonia de Valentia y la lex Plotia Agraria », pp. 65-74 ; Id., Las clientelas de Cneo Pompeyo Magno en Hispania, pp. 176-181. Le fait que Pline, NH, III, 3, 20 appelle la ville colonia Valentia incite ces auteurs à penser qu’il s’agirait bien d’une colonie précésarienne.
186 Voir ainsi les objections formulées par M. J. Pena Gimeno, « Consideraciones sobre el estatuto jurídico de Valentia », pp. 306-309 ; A. Ribera i Lacomba, La fundació de València, p. 103 ; M. J. Pena Gimeno, « Problemas históricos en torno a la fundación de Valentia », pp. 267 et 276, qui parle de la « inexistente colonia pompeyana » comme d’une vieille controverse que chacun gagnerait à oublier. Selon ces deuxauteurs, l’inscription d’Asculum ne fait pas clairement référence à Valentia. Au contraire, A. Ribera pense (ibid., pp. 123-127), à partir d’une analyse stratigraphique, que la destruction de la ville en 75 fut suffisamment importante pour entraîner un abandon du site pendant une cinquantaine d’années. Voir aussiA. Ribera i Lacomba, « Valentia. Desarrollo urbano al final de la República », p. 373.
187 Déclarer d’emblée, comme le fait A. Ribera i Lacomba, « Valentia. Desarrollo urbano al final de la República », p. 355, que « otro tema que hay que considerar como zanjado es el origen romano-itálico de los primeros pobladores » nous semble donc problématique. Nous rejoignons en cela les remarques de J. Corell, Inscripcions romanes de Valentia i el seu territori, p. 28, n. 18.
188 J. M. Roldán Hervás, « De Numancia a Sertorio », pp. 167-170 ; J. S. Richardson, Hispaniae, p. 156 ; Id., The Romans in Spain, p. 93.
189 Sur l’importance de la période s’ouvrant avec la guerre sertorienne pour comprendre l’accélération remarquable de la romanisation des provinces hispaniques à partir de César, voir J.-M. Roddaz, « Pouvoir et provinces. Remarques sur la politique de colonisation et de municipalisation de Rome dans la péninsule Ibérique entre César et Auguste », pp. 17-20 dont les conclusions ont été récemment prolongées par le même auteur dans « L’empreinte de César sur la péninsule Ibérique », pp. 261-266.
190 P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », pp. 90-91.
191 E. Gabba, Esercito e società, p. 300 ; H. Pavis d’Escurac, « Province et guerre civile », pp. 31-35.
192 E. Gabba, Esercito e società, p. 302, émet cependant une réserve importante : il rappelle en effet qu’une émigration politique se compose toujours de membres de la classe dirigeante, si bien qu’il est difficile selon lui de penser que la masse des & Rvma µ ioi impliqués dans la guerre sertorienne consistait en exilés. Cette objection (qui ne vaut pas toutefois pour les légionnaires arrivés avec Sertorius et Perperna) ne contredit pas notre propos. Il a été admis supra, pp. 623-624, que Sertorius avait effectivement compté sur le soutien de nombreux Hispanienses. Inversement, comme la réflexion sur l’émigration repose en partie sur l’étude des nomina appar Aissant dans la documentation et que ces nomina correspondent généralement à des personnages issus des élites, il est essentiel de ne pas sous-estimer dans ce corpus la proportion des exilés politiques.
193 Granius Licinianus, 23 B (Brutus) ; Plutarque, Crassus, VI, 2 (Crassus). Sur les liens des Iunii et des Licinii aux Hispaniae, voir E. Badian, Foreign Clientelae, pp. 265-266 ; sur ceux de la gens Pompeia, voir L. Amela Valverde, Las clientelas de Cneo Pompeyo Magno en Hispania, pp. 83-109, qui insiste cependant sur le fait que, malgré le témoignage du bronze d’Ascoli, la clientèle pompéienne en Hispania est peu développée avant la guerre sertorienne. Les circonstances propres aux guerres civiles ne faisaient cependant qu’approfondir une tendance déjà existante : on sait ainsi qu’à la fin du IIe siècle, le consulaire C. Porcius Cato choisit volontairement Tarragone comme lieu d’exil (Cicéron, Balb., 28). Nul doute que ses liens avec le grand port du littoral oriental remontaient au consulat de son grand-père en 195. Voir G. Alföldy, Tarraco, p. 27.
194 C. González Román, « La onomástica del “corpus” cesariano y la sociedad de la Hispania meridional », p. 66, dresse ainsi un inventaire des noms donnés par le corpus césarien qui lui par Aissent correspondre à des résidents permanents.
195 Sur l’implication d’Atticus dans la vie politique romaine et ses liens étroits avec la plupart des nobiles romains : O. Perlwitz, Titus Pomponius Atticus, notamment pp. 97-120 ; K. E. Welch, « T. Pomponius Atticus. ABanker in Politics ? », pp. 450-471 ; Y. Benferhat, « Atticus : un épicurien face au pouvoir », pp. 57-68.
196 Sur les domaines d’Atticus en Épire : O. Perlwitz, Titus PomponiusAtticus, pp. 66-78.
197 Plutarque, Crassus, IV, 2-5.
198 E. Badian, Foreign Clientelae, p. 308 ; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, pp. 30-31 ; E. Gabba, Esercito e società, p. 301, n. 279 ; T. P. Wiseman, New Men in the Roman Senate, p. 248, nº 300 ; B. Scardigli, « Sertorio. Problemi cronologici », pp. 250-251 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 153 ; H. Pavis d’Escurac, « Province et guerre civile », p. 33 ; C. González Román, « La onomástica del “corpus” cesariano y la sociedad de la Hispania meridional », p. 73 ; A. Caballos Rufino, « Los senadores de origen hispano durante la República romana », pp. 247-250, nº 3 ; C. González Román et M. A. Marín Díaz, « Prosopografía de la Hispania Meridional en época republicana », pp. 310-311, nº 107 ; J. S. Hernández Fernández, « Los Vibii Pac(c)iaeci de la Bética », pp. 163-176.
199 P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », p. 91.
200 Sur les liens de parenté entre les deux personnages : C. González Román et A. M. Marín Díaz,« El Bellum Hispaniense y la romanización del sur de la Península », p. 29 ; Id., « Prosopografía de la Hispania Meridional en época republicana », pp. 311-312, nº 108 (avec rappel de la bibliographie antérieure) ; J. S. Hernández Fernández, « Los Vibii Pac(c)iaeci de la Bética », p. 165 ; C. González Román, « Prosopografía del Bellum Hispaniense », pp. 305-306.
201 Bell. Hisp., III, 4 ; l’expression nous paraît seulement confirmer les liens étroits entretenus par cette famille d’origine campanienne avec l’Ultérieure ; contra A. Caballos Rufino, « Los senadores de origen hispano durante la República romana », pp. 260-262, nº 10 ; J. S. Hernández Fernández, « Los Vibii Pac(c)iaeci de la Bética », p. 165 ; C. González Román, « Prosopografía del Bellum Hispaniense », p. 306. Un individu du même nom figure à deux reprises dans la correspondance de Cicéron (Ad Att., XII, 2, 1, et Ad Fam., VI, 18, 2). Il s’agit probablement de la même personne. Or l’orateur, qui ne mentionne pas son origo, semble y faire allusion comme s’il s’agissait d’un personnage bien intégré au milieu politique romain.
202 Salluste, Hist., III, 83 M (= III, 79 MG).
203 RRC, p. 381, nº 366/1.
204 E. Gabba, Esercito e società, p. 301 ; A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 26 ; T. P. Wiseman, New Men in the Roman Senate, pp. 21 et 230, nº 168 ; A. Caballos Rufino, « Los senadores de origen hispano durante la República romana », p. 246, nº 2.
205 Contrairement aux affirmations de E. Gabba et A. J. N. Wilson, selon qui Fabius fut proscrit parSylla pour cause de désertion en faveur de Sertorius, il semble plutôt qu’il ait rejoint le chef marianiste après avoir été inscrit sur les listes de proscription au début de l’année 81, puisque Salluste le décrit comme senator ex proscriptis. Voir F. Hinard, Les proscriptions de la Rome républicaine, pp. 351-352, nº 25. Pour sa part, C. F. Konrad, « Some Friends of Sertorius », pp. 519-521, croit que le nom de Fabius aurait été rajouté sur les listes entre la fin 82 (date probable de son élection à la questure) et le 1er juin 81 (date de clôture définitive des listes), peut-être à l’initative d’ennemis personnels. Parvenue en Citérieure à l’été 81, la nouvelle de cette proscription inattendue aurait entraîné sa défection. Depuis, F. Hinard a mis en doute de manière convaincante le fait que le questeur de 81, attesté par l’émission monétaire, et le sénateur proscrit, attesté par Salluste, correspondent à une seule et même personne : F. Hinard, « Philologie, prosopographie et histoire à propos de Lucius Fabius Hispaniensis », pp. 113-119, notamment p. 117.
206 J. -M. Roddaz, « D’une péninsule à l’autre. L’épisode sertorien », p. 106, considère qu’on aurait, dans ce cas, une belle illustration de « la rupture de la solidarité familiale provoquée par les guerres civiles ». Pour cet auteur, le choix du fils comme questeur par le gouverneur syllanien s’expliquerait ainsi par la volonté de contrebalancer le passage du père dans le camp sertorien.
207 P. Le Roux, « L’émigration italique en Citérieure et Lusitanie jusqu’à la mort de Néron », p. 91.
208 Sur le sénat de Sertorius : Appien, BC, 1, 108. En outre, H. Pavis d’Escurac, « Province et guerre civile », p. 31, rappelle l’observation fameuse de Florus, II, 10, 22 : bellum Sertorianum, quid amplius quam Sullanae proscriptionis hereditas fuit ? (« La guerre de Sertorius, quoi de plus que le legs des proscriptions de Sylla ? », trad. P. Jal, CUF). De même, F. Hinard, Les proscriptions de la Rome républicaine, p. 156, n. 44, donne une liste de 18 proscrits dans l’entourage de Sertorius et constate que ces individus correspondent à la quasi-totalité des personnages dont le nom est attesté dans l’entourage du chef marianiste. Il ajoute (pp. 157-158) que les Sertoriens représentent un quart des proscrits connus par les sources. Enfin, C. F. Konrad, « Some Friends of Sertorius », pp. 525-527, remarque que le terme philoi appliqué par Plutarque à ceux qui avaient invité Sertorius à prendre la tête du mouvement en Espagne (Sert., XXII, 10) ne peut en aucun cas renvoyer aux Lusitani dont on nous dit par ailleurs qu’ils avaient fait appel à lui en 80 (Salluste, Hist., I, 104 M ; Plutarque, Sert., X, 1). Il ne peut selon lui s’agir que de sénateurs ou de chevaliers romains ou italiens réfugiés dans le sud de la Lusitanie pour échapper au régime syllanien. Dernièrement, J. -M. Roddaz, « D’une péninsule à l’autre. L’épisode sertorien », p. 107, a repris cette hypothèse : selon lui, le choix par ces exilés de la Lusitanie comme destination ne s’explique pas seulement en raison de son éloignement par rapport aux territoires provinciaux acquis au pouvoir syllanien, comme le suggérait C. F. Konrad, mais aussi parce qu’il s’agissait d’une région liée aux milieux d’affaires italiens, dont les activités s’étaient réorientées vers l’Occident depuis la prise de Délos en 88.
209 César, BC, I, 51, 1-3. Ainsi, on ne peut suivre J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », p. 83, qui affirme qu’il s’agit de « 6. 000 colonos, entre los que incluso se encontraban hijos de senadores y caballeros, que venían a asentarse a la Península ». Même interprétation discutable dans F. Beltrán Lloris, M. Martín-Bueno et F. Pina Polo (éd.), Roma en la cuenca media del Ebro, p. 60.
210 Cicéron, Ad Fam., IX, 13, 1 (datée de fin janvier ou début février 45) : C. Subernius Calenus et meus est familiaris […]. Is cum uitandi belli causa profectus esset in Hispaniam cum M. Varrone ante bellum, ut in ea provincia esset in qua nemo nostrum postAfranium superatum bellum ullum fore putaret, incidit in ea ipsa mala quae summo studio uitauerat ; oppressus est enim bello repentino, quod bellum commotum a Scapula ita postea confirmatum est a Pompeio ut nulla ratione ab illa miseria se eripere posset. (« C. Subernius de Calès est un de mes familiers […]. Pour éviter la guerre, il avait pris le chemin de l’Espagne avec M. Varron, avant que la guerre n’éclate ; il se trouvait ainsi dans une province où aucun d’entre nous, après la défaite d’Afranius, ne s’attendait à des opérations quelconques, lorsqu’il tomba précisément dans les maux qu’il s’était si bien appliqué à éviter ; en effet, la guerre soudaine déclenchée par Scapula le surprit, guerre si bien durcie ensuite par Pompée qu’il n’avait plus aucun moyen de se tirer de ce drame », trad. J. Beaujeu, CUF).
211 Cicéron, Ad Fam, IX, 13, 2 : Eadem causa fere est M. Plani Heredis qui est item Calenus, Leptae nostri familiarissimus. (« Le cas de M. Planius Heres, lui aussi de Cales et ami intime de mon cher Lepta, est à peu près le même », trad. J. Beaujeu, CUF). A. J. N. Wilson, Emigration from Italy in the Republican Age of Rome, p. 34, n. 2, qui cite le document, suggère que ce Planius appartient à la gens des Planii dont l’activité économique est bien attestée en Ultérieure. Le rapprochement de son nom avec les inscriptions sur lingots de plomb mentionnant M. PLANI L. F. RVSSINI, proposé par RE, XX, 2, 1941, s. v.
« Planius », col. 2186 (Münzer), est aussi accepté parCl. Domergue, « Les Planii et leuractivité industrielle en Espagne sous la République », p. 23. Ce personnage se trouvait donc en Ultérieure non pour échapperà la guerre, comme C. Subernius, mais pours’occuper de son negotium. Sur les raisons exactes de leur présence en péninsule Ibérique, voir toutefois les remarques de É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, pp. 338-340, qui rappelle à juste titre que les lettres de Cicéron cherchent de toute évidence à minimiser l’engagement délibéré de ces deux individus du côté pompéien.
212 Cicéron, Ad Fam, IX, 13, 4 : Quapropter, quoniam iis Caesar uitam sua liberalitate concessit nec est quod iis praeterea magnopere possit adimi, reditum, si me tantum amas quantum certe amas, hominibus confice ; in quo nihil est praeter uiam longam, quam idcirco non fugiunt ut et uiuant cum suis et moriantur domi. (« Aussi, puisque César, avec sa générosité habituelle, leur a laissé la vie et qu’il n’y a pas grandchose d’autre qu’on puisse leur retirer, si tu as pour moi toute l’affection que tu as sans nul doute, assure-leur le retour. Il ne pose qu’un problème : la longueur du trajet ; s’ils l’affrontent, c’est pour vivre avec leur famille et mourir dans leur patrie », trad. J. Beaujeu, CUF).
213 Voir ainsi les publications récentes sur la Catalogne ou la moyenne vallée de l’Èbre : A. Martín Menéndez et J. García Roselló, « La romanización en el territorio de los layetanos y la fundación de la ciudad romana de Iluro », notamment pp. 202-203 ; A. Ferreruela Gonzalvo et J. A. Mínguez Morales, « Un nuevo descubrimiento epigráfico tardo-republicano en el Valle del Ebro », pp. 241-249 ; Id., « “La Cabañeta” », pp. 205-214 ; A. Ferreruela Gonzalvo, J. F. Mesa, J. Mínguez Morales et M. Navarro Caballero, « Una inscripción republicana de la sede de una posible corporación en La Cabañeta », pp. 217-230 ; A. Ferreruela Gonzalvo et J. A. Mínguez Morales, « Dos modelos de implantación urbana romanorrepublicana en el valle medio del Ebro », pp. 247-262.
214 Une hypothèse récente souligne ainsi la place particulière qu’aurait revêtu sur ce plan la ville d’Olisipo : M. Navarro Caballero, « Notas sobre algunos gentilicios romanos de Lusitania », notamment p. 294, et Ead., « L’émigration italique dans la Lusitanie côtière », en particulier pp. 90-96.
215 César, BC, I, 86, 3. Sur l’interprétation de ce passage, voir supra, pp. 619-620.
216 Q. Iunius (César, BG, V, 27, 1) ; L. Titius (Bell. Alex., LVII, 1 ; Bell. Afr., XXVIII, 2 ; Cicéron, Ad Fam., V, 16). Voir C. González Román, « La onomástica del “corpus” cesariano y la sociedad de la Hispania meridional », pp. 70 et 72.
217 Voir supra, pp. 87-134.
218 Voir supra, pp. 28-29 sqq.
219 A. Balil, « Un factor difusor de la romanización », pp. 108-134.
220 A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », pp. 213-226.
221 J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, pp. 28-32 ; plus récemment, cet auteur a synthétisé son point de vue sur la question dans un petit livre : Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana.
222 En dépit de cette difficulté, une telle distinction est indispensable, d’un point de vue juridique, et on ne saurait, comme M. Maríny Peña, Instituciones militares romanas, p. 44 (§ 80), définirl’ensemble des auxilia comme des « mercenarios extranjeros procedentes de los pueblos sometidos extraitálicos ».
223 A. Balil, « Un factor difusor de la romanización », pp. 120-121 ; A. García y Bellido, « Los mercenarios españoles en la Segunda Guerra Púnica », pp. 7-23 et « Los mercenarios españoles en la Segunda Guerra Púnica (II) », pp. 7-31 ; A. M. de Guadán, Las armas en la moneda ibérica, p. 133 ; J. M. Roldán Hervás, « El elemento indígena en las guerras civiles en Hispania », p. 99 ; Id., Hispania y el ejército romano, p. 27 ; N. Santos Yanguas, « Los lusitanos en los ejércitos romanos de la República », p. 695 ; Id., « Los celtíberos en el ejército romano de época republicana », p. 182 ; J. M. Blázquez Martínez et M. P. García-Gelabert Pérez, « Mercenarios hispanos en las fuentes literarias y en la arqueología », p. 259 ; J. J. Sayas Abengochea,« Los vascones y el ejército romano », p. 107 ; J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 133.
224 Sur les caractéristiques du mercenariat hispanique, voir notamment : A. García y Bellido, « Factores que contribuyeron a la helenización de la España prerromana, I », pp. 639-670 ; Id., « Los iberos en Cerdeña, según los textos clásicos y la arqueología », pp. 225-256 ; Id., « Factores que contribuyeron a la helenización de la España prerromana, II », p. 71 ; P. Bosch-Gimpera, « Les soldats ibériques, agents d’hellénisation et de romanisation », pp. 141-144 ; A. García y Bellido, « Otros testimonios más de la presencia de mercenarios españoles en el Mediterráneo », pp. 201-203 ; N. Santos Yanguas et M. P. Montero Honorato, « Los celtíberos, mercenarios de otras poblaciones ibéricas », pp. 5-16 ; J. M. Blázquez Martínez et M. P. García-Gelabert Pérez, « Mercenarios hispanos en las fuentes literarias y en la arqueología », pp. 256-258.
225 Hérodote, VII, 165 ; voir aussi Pausanias, X, 17, 7 ; Diodore, XI, 1, 5 ; XIII, 62, 2.
226 Diodore, XIII, 54, 1-2 ; XIII, 56, 5 ; XIII, 80, 2 ; XIII, 110, 5-6 ; XIV, 54, 5-6 ; XIV, 75, 8-9 ; XIV, 78 ; XVI, 73, 3 ; XX, 11, 1 ; Plutarque, Timol., XXVIII ; Polybe, I, 17, 4 ; sur la guerre des mercenaires : Polybe, I, 67, 7 ; Diodore, XXV, 2, 2 ; sur leur utilisation en Grèce : Xenophon, Hel., VII, 1, 20 ; VII, 1, 28 ; Diodore, XV, 70, 1.
227 Voir à ce sujet les remarques de F. Quesada Sanz, « Vías y elementos de contacto entre la Magna Grecia y la Península Ibérica », pp. 191-246, et Id., « Los mercenarios ibéricos y la concepción histórica en A. García y Bellido », pp. 309-311.
228 J. M. Gómez Fraile, « Mercenariado y bandolerismo en Celtiberia », pp. 503-509, en particulier p. 505.
229 Voir supra, pp. 265-268 ; ainsi, les arguments en faveur d’un recrutement antérieur à 123 avancés par R. Zucca, Insulae Baliares, p. 93, n. 150, et p. 189, ne sont guère convaincants. Pour un avis différent, voir J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 133.
230 Polybe, X, 6, 2 ; Tite-Live, XXV, 33, 7 ; Tite-Live, Per., XXIV.
231 Tite-Live, XXIV, 49, 8 : Id modo eius anni in Hispania ad memoriam insigne est, quod mercennarium militem in castris neminem ante, quam tum Celtiberos Romani habuerunt. (« Le seul fait digne d’être rappelé cette année-là en Espagne est que les Romains n’eurent aucun soldat mercenaire dans leurs camps avant d’y avoir les Celtibères à ce moment-là », trad. P. Jal, CUF) ; Tite-Live, Per., XXIV, 9 : Quorum auxiliis adscitis tunc primum mercennarium militem Romana castra habuerunt. (« Comme on les avait appelés en renforts, un camp romain contint pour la première fois des soldats mercenaires », trad. P. Jal, CUF) ; Orose, IV, 16, 14 : Celtiberos milites, quam primam externam manum Romani in castris habere coeperunt, pretio sollicitatos ab hostium societate in sua castra duxerunt. (« Les Romains amenèrent dans leur camp les soldats celtibères, attirés à prix d’argent hors de l’alliance des ennemis, première troupe étrangère qu’il commencèrent d’avoir dans leur camp », trad. M.-P. Arnaud-Lindet, CUF).
232 Chr. Hamdoune, Les auxilia externa africains des armées romaines, p. 21.
233 Tite-Live, XXIV, 49, 7 : Celtiberum iuuentutem eadem mercede qua pacta cum Carthaginiensibus erat imperatores Romani ad se perduxerunt. Voir aussi Orose, IV, 16, 14, cité supra, p. 663, n. 231.
234 Sur la faiblesse des effectifs des Scipions en 212, voir supra, pp. 90-91. Hasdrubal sut habilement retourner cette stratégie contre leurs auteurs en obtenant par la même méthode un nouveau revirement de ses anciens soldats (Tite-Live, XXV, 33, 3). La trahison des Celtibères rendit alors Publius Scipion incapable de tenir tête à l’armée carthaginoise.
235 Un doute subsiste quant à la véracité de la version transmise par Tite-Live. Ainsi, Á. Capalvo Liesa, Celtiberia, p. 131, n. 702, remarque à juste titre que Polybe, X, 6, 2 décrit les contingents celtibères de 211 comme des « alliés » (σύμμαχοι) et non comme des « mercenaires » (ἐςενολογημένοι), un terme que l’historien grec applique en revanche aux Celtibères présents à la bataille des Grandes Plaines (Polybe, XXV, 33, 4). Pour cette raison, Á. Capalvo propose (ibid., p. 132) que les Celtibères recrutés par les Scipions en 212 fussent en réalité des auxiliaires orétans fournis par Castulo et Iliturgi, dont la défection aurait par la suite entraîné naturellement celle des contingents qu’ils avaient envoyés aux généraux romains.
236 Comme l’affirment, par exemple, de manière erronée, A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », p. 215, et J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 38.
237 Tite-Live, XXXIV, 17, 4 et XXXIV, 19, 1-7. La proposition du consul aux Celtibères était en effet triple : ceux-ci pouvaient passer du côté romain moyennant une solde se montant au double de celle promise par les Turdétans ; ou bien ils pouvaient rentrer chez eux sans combattre, avec la promesse de ne pas subir de représailles de la part des Romains ; enfin, ils pouvaient choisir la bataille que Caton leur offrait au jour de leur choix. La forme donnée à cet ultimatum montre que le recrutement de mercenaires ne formait pas la préoccupation véritable du consul.
238 Plutarque, Cat. Maior, X, 2 ; Plutarque, Apoph. Cat., 24 ; Frontin, Strat., IV, 7, 35. Il est possible, vu l’imprécision des documents, que ces textes ne renvoient pas au même épisode que celui évoqué parTite-Live. Cette réserve importe peu ici cependant, car, dans les deux cas, le recrutement éventuel de mercenaires y apparaît très nettement comme un expédient.
239 G. T. Griffith, The Mercenaries of the Hellenistic World, pp. 234-235 : insistant sur l’extrême rareté des mentions de mercenaires dans l’armée romaine (il en dénombre onze, mais sans être exhaustif cependant), cet auteur estime ainsi que le recours à de ce type de troupe restait occasionnel, même à la fin de la République ; voir également S. Yalichev, Mercenaries of the Ancient World, pp. 241-242, une étude très générale, cependant, qui ajoute peu au travail de Griffith.
240 Tite-Live, XXIV, 49, 8 : mercennarium militem ; Tite-Live, XXV, 33, 1 : Celtiberorum auxiliis. Le contexte ne laisse aucun doute quant au fait qu’il s’agit des mêmes Celtibères, contrairement à ce que semble croire N. SantosYanguas, « Los celtíberos en el ejército romano de época republicana », p. 184
241 Énumérant les prestations imposées par Rome à ses sujets, J. M. Roldán affirme par exemple qu’elles consistaient en « trigo, plata y mercenarios » : J. M. Roldán Hervás, « Los reclutamientos romanos en el valle del Ebro », pp. 761-779, repris dans le recueil Ejército y sociedad en la Hispania romana, pp. 91-117, à la pagination duquel on se réfère ici ; voir aussi M. Marín y Peña, Instituciones militares romanas, p. 44 (§ 80), qui définit les auxiliaires comme des « mercenarios extranjeros procedentes de los pueblos sometidos extraitálicos ».
242 Polybe, VI, 52, 4 ; le mépris de Polybe pour les troupes mercenaires doit cependant être nuancé, en fonction notamment de leur origine : J. Pelegrín Campo, « La representación de los mercenarios en las Historias de Polibio », en particulier pp. 74-75.
243 Chr. Hamdoune, Les auxilia externa africains des armées romaines, pp. 21-24. Elle rappelle qu’il en va de même des transfuges passés du côté romain, assimilés à des auxilia externa si les Romains n’avaient pas cherché à les attirer. De fait, ni les transfuges celtibères présents dans l’armée de Silanus en 207 (Tite-Live, XXVIII, 1, 7), ni Moericus, le commandant espagnol de l’Achradine de Syracuse en 212 (Tite-Live, XXV, 30-31), ne sont plus mentionnés comme des mercenaires après leur défection en faveur des Romains.
244 Chr. Hamdoune, Les auxilia externa africains des armées romaines, p. 23, donne ainsi l’exemple des archers crétois et des peltastes lacédémoniens fournis à Rome par Hiéron de Syracuse un peu avant la bataille de Trasimène : Polybe, III, 75, 7, ne les appelle pas mercenaires, car ils sont payés par le monarque et non par l’État romain. Voir aussi Tite-Live, XXII, 37, 7-8.
245 Cette explication paraît plus satisfaisante que celle suggérée par J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome, p. 42, n. 113 : cet auteur estime que les levées exigées par Rome de ses sujets pouvaient fréquemment être acquittées en argent, lequel servait ensuite aux généraux à solder des mercenaires. Selon nous, cette hypothèse est moins plausible, car, comme l’appel à des auxilia se produisait non systématiquement mais en fonction des besoins immédiats de la campagne, Rome comptait sur des soldats directement utilisables et non sur du numéraire.
246 De même, les corps d’archers et de frondeurs accompagnant les éléphants envoyés par Micipsa en 134 à Scipion Émilien pour compléter ses troupes devant Numance (Appien, Ib., 89 ; Salluste, Iug., V, 6 et 7) correspondaient au produit d’une relation clientélaire et non à un recrutement direct effectué en Afrique par le Romain. À ce sujet, voir T. Yoshimura, « Die Auxiliartruppen und die Provinzialklientel in der römischen Republik », p. 489, et Chr. Hamdoune, Les auxilia externa africains des armées romaines, p. 45.
247 J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, pp. 23-25.
248 Polybe, III, 76, 4 ; Tite-Live, XXI, 60, 4.
249 César, BC, I, 38, 3 : His rebus constitutis, equites auxiliaque toti Lusitaniae a Petreio, Celtiberiae, Cantabris barbarisque omnibus qui ad Oceanum pertinent ab Afranio imperantur. (« Les choses ainsi réglées, une levée de cavalerie et de troupes auxiliaires est faite dans toute la Lusitanie par Petreius, en Celtibérie, chez les Cantabres et chez tous les Barbares qui avoisinent l’océan, par Afranius », trad. P. Fabre) ; voir aussi César, BC, I, 39, 1 ; I, 61, 4 ; I, 78, 1 ; I, 83, 1.
250 Cicéron, Ad Fam., XVI, 12, 4 : ex Hispaniaque sex legiones et magna auxilia Afranio et Petreio ducibus habet a tergo (« et il a sur ses arrières les six légions d’Espagne, avec de grosses forces auxiliaires, sous le commandement d’Afranius et de Petreius », trad. J. Bayet, CUF).
251 César, BC, II, 18, 1, qui donne le chiffre d’une trentaine de cohortes auxiliaires.
252 Sur les transfuges auxiliaires en 49 : César, BC, I, 60, 4 ; I, 78, 1 ; sur les levées césariennes de 48 : Bell. Alex., LI, 3 ; LVI, 5 ; LXII, 1.
253 Bell. Hisp., II, 2 : utque sibi equitatus, qui ex prouincia fuisset, praesidio esset (« et ordonnant que la cavalerie recrutée dans la province lui serve d’escorte », trad. N. Diouron, CUF).
254 Bell. Hisp., XXX, 1 et 7 ; Appien, BC, II, 87 et 103.
255 J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 39.
256 Polybe, III, 99, 7 ; Tite-Live, XXII, 22, 20 ; XXVI, 41, 1 ; XXVI, 50, 14 ; Polybe, X, 34, 1 ; X, 38, 5 ; XI, 20, 3-4 ; Tite-Live, XXVIII, 14, 4 et 9 ; XXVIII, 16, 5. J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 25, estime ainsi, à juste titre, que Scipion l’Africain a systématiquement incorporé des contingents alliés à ses troupes. Toutefois, il faut souligner que cette préoccupation ne lui était pas propre et qu’elle était partagée par tous les généraux de l’époque.
257 Polybe, XI, 31, 7.
258 Tite-Live, XXXIV, 20, 3 ; Frontin, Strat., III, 10, 1.
259 Tite-Live, XXXIX, 30, 7 ; XXXIX, 31, 15.
260 Tite-Live, XL, 30, 2 ; XL, 31, 1 ; XL, 32, 4 ; XL, 32, 7 ; XL, 40, 1 ; XL, 40, 13 ; XL, 47, 10 ; XL, 49, 7.
261 Appien, Ib., 47 ; 48 ; 52 ; 58 ; 63 ; 65 ; 100.
262 J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, pp. 40-41.
263 Sur l’importance de la composante indigène de l’armée de Sertorius : Plutarque, Sert., I, 10-11 ; XVI, 1 ; XXI, 6 et 7 ; XXII, 6 ; Appien, BC, I, 108 ; Salluste, Hist., II, 34 MG (= II, 35 M) ; Florus, II, 10 (III, 22) ; sur les auxilia des armées sénatoriales : Tite-Live, frgt. XCI ; Appien, BC, I, 109 ; Plutarque, Sert., XVIII). Ce point a été très justement souligné par J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, p. 34.
264 Polybe, XI, 31, 5-6 : Διόπεϱ οὐδὲ πϱοσδέξασθαι συναγωνιστὴν Ἰβήϱων οὐδένα ϰαθάπαξ ἔϕη, δι᾽ αὐτῶν δὲ Ῥωμαίων συστήσασθαι τοὺ ϰίνδυνον, ἵνα ϕανεϱὸν γεύηται πᾶσιν ὡς οὐϰ Ἴβηϱσι Καϱχηδονίους ϰαταπολεμησάμενοι, ϰαθάπεϱ ἔνιοί ϕασιν, ἐξεβάλομεν ἐξ Ἰβηϱίας, ἀλλὰ ϰαὶ Καϱχηδονίους ϰαὶ Κελτίβηϱας ταῖς Ῥωμαίων ἀϱεταῖς ϰαὶ τῇ σϕετέϱᾳ γενναιότητι νενιϰήϰαμεν. (« C’est pourquoi, lui, Scipion, n’avait accepté le concours de personne parmi les populations indigènes et il entrerait en campagne avec les troupes romaines seules, afin de bien faire voir à tous que ce n’était pas grâce à l’appui des Ibères qu’il avait triomphé des Carthaginois et qu’il les avait chassés d’Espagne, comme d’aucuns le prétendaient, mais qu’il avait vaincu à la fois les Puniques et les Celtibères grâce aux vertus de la nation romaine et à la vaillance personnelle de ses hommes », trad. D. Roussel) ; voir aussi Tite-Live, XXVIII, 32, 6.
265 A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », p. 216 ; A. Balil, « Un factor difusor de la romanización », p. 122 ; J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, pp. 27 et 32 ; Id., « Los reclutamientos romanos en el valle del Ebro », p. 105 ; R. C. Knapp, Aspects of the Roman Experience in Iberia, p. 146 ; J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 40. En revanche, il nous semble qu’il faut rejeter l’interprétation de M. Marín y Peña, Instituciones militares romanas, p. 44 (§ 80), selon qui « los provinciales no tienen una obligación jurídica de servir militarmente a Roma ».
266 Appien, Ib., 44 : Ἡ δὲ σύγϰλητος πυθομένη τό τε τεῖχος ἀπηγόϱευε τειχίζειν ϰαί ϕόϱους ᾔτει τοὺς ὁϱισθέντας ἐπὶ Γϱάϰχου στϱατεύεσθαί τε Ῥωμαίοις πϱοσέτασσε ϰαὶ γὰϱ τοῦθ᾽ αἱ Γϱάϰχου συνθῆϰαι ἑϰέλευον. (« À cette nouvelle, le sénat interdit la construction de l’enceinte, réclama le payement du tribut fixé à l’époque de Gracchus et ordonna l’envoi du contingent destiné à servir dans l’armée romaine. C’était en effet ce que prescrivait le traité de Gracchus », trad. N. Diouron, CUF).
267 En ce sens, le rôle de Gracchus est peut-être surestimé par J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 40.
268 Pour cette raison, on ne peut en tout cas accepter l’interprétation qu’en donne A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », p. 216, selon qui l’insertion d’une telle clause dans les traités gracchiens attesterait la réticence des populations indigènes à fournir spontanément un tel soutien. Sur les clauses prévoyant la fourniture de telles troupes auxiliaires, voir : E. García Riaza, Celtíberos y lusitanos frente a Roma, p. 198 ; T. Ñaco del Hoyo, « Vectigal incertum. Guerra y fiscalidad republicana en el siglo II a. de C. », p. 388.
269 Sur l’importance des liens clientélaires dans les sociétés hispaniques, voiren dernier lieu : M. Molinos et A. Ruiz Rodríguez, Los iberos, pp. 262-267 ; J. Muñiz Coello, « Guerra y paz en la España Céltica », pp. 15-36 ; A. Ruiz, « Los príncipes iberos. Procesos económicos y sociales », pp. 289-300.
270 Tite-Live, XXVI, 50, 2.
271 Tite-Live, XXVI, 50, 14 : Itaque delectu clientium habito cum delectis mille et quadringentis equitibus intra paucos dies, Scipionem reuertit. (« Aussi fit-il une levée parmi ses clients et revint-il, quelques jours plus tard, auprès de Scipion avec mille quatre cents cavaliers d’élite », trad. P. Jal, CUF).
272 Polybe, X, 34, 9 : εἰς δὲ τὸν μετὰ ταῦτα χϱόνον πϱοϰαταληϕθέντας τῇ τοιαύτῃ τιμῇ ϰαὶ ϕιλανθϱωπίᾳ συναγωνιστὰς ἀπϱοϕασίστους ὑπάϱξειν αὐτῷ πϱός τὰ ϰατάλοιπα τῶν ἔϱγων. (« Puis, ultérieurement, gagnés par les égards et l’amitié que Scipion leur aurait témoigné, ils ne lui ménageraient pas leur concours dans les campagnes à venir », trad. D. Roussel) ; d’après Tite-Live, XXVII, 17, 1, Edeco marquait également sa reconnaissance à Scipion : sa femme et ses enfants se trouvaient parmi les otages de Carthagène.
273 Polybe, X, 38, 5-6 : ῏Нν δὲ τὸ συνέχον τῶν ὁμολογηθέντων ἀϰολουθεῖν τοῖς Ῥωμαίων ἄϱχουσι ϰαὶ πείθεσθαι τοίς ὑπὸ τοὺτων παϱαγγελλομένοις. Γενομένων δὲ τούτων ἀναχωϱήσαντες εἰς τὰς αὑτῶν παϱεμβολὰς ϰαὶ παϱαλαβόντες τὰς δυνάμεις ἧϰον πϱὸς τὸν Πόπλιον, ϰαὶ στϱατοπεδεύσαντες ὁμοῦ τοῖς Ῥωμαίοις πϱοῆγον ἐπὶ τὸν Ἀσδϱούβαν. (« La clause essentielle de l’accord était qu’il suivrait les généraux romains et obéirait à leurs ordres. Cela fait, Andobalès regagna son camp, prit avec lui ses troupes et vint rejoindre Scipion. Il s’installa dans le même camp que les Romains et marcha avec eux contre Hasdrubal », trad. D. Roussel).
274 Tite-Live, XL, 49, 6-7 : Et primum quaesiuit ab eo liceretne sibi ac suis uiuere. Cum praetoruicturum respondisset, quaesiuit iterum si cum Romanis militare liceret. Id quoque Graccho permittente, « sequar, inquit, vos aduersus ueteres socios meos, quoniam illos <arma pro> me <piguit> suspicere. » Secutus est inde Romanos fortique ac fideli opera multis locis rem Romanam adiuuit.
275 Tite-Live, XXVI, 41, 1.
276 Polybe, XI, 20, 3 ; Tite-Live, XXVIII, 13, 2.
277 Polybe, XI, 20, 4 ; Tite-Live, XXVIII, 13, 2.
278 Tite-Live, XXI, 60, 4.
279 Sur la question de la deditio, voir supra, pp. 70-75 ; E. García Riaza, Celtíberos y lusitanos frente a Roma, p. 199.
280 Appien, Ib., 48.
281 Appien, Ib., 52.
282 Plutarque, Sert., XXI, 6 et 7.
283 César, BC, I, 60, 4 : Transit etiam cohors Illurgauonensis ad eum cognito ciuitatis consilio et signa ex statione transfert. (« Il passe même du côté de César une cohorte d’Illurgavoniens qui, ayant appris la décision de leur patrie, désertent pendant qu’ils sont de garde », trad. P. Fabre, CUF).
284 T. Yoshimura, « Die Auxiliartruppen und die Provinzialklientel in der römischen Republik », pp. 473-495.
285 Bell. Hisp., X, 3 : Rex nomine Indo qui cum equitatu suas copias adduxerat, dum cupidius agmen adversariorum insequitur, a uernaculis legionariis exceptus est et interfectus. (« Un roi nommé Indo, qui avait accompagné la cavalerie avec ses propres troupes, emporté par son ardeur tandis qu’il poursuivait une colonne ennemie, fut capturé et tué par les soldats de la legio uernacula », trad. N. Diouron, CUF). On sait très peu de choses sur ce roi : C. González Román et M. A. Marín Díaz, « Prosopografía de la Hispania meridional en época republicana », p. 273, nº 47 ; C. González Román, « Prosopografía del Bellum Hispaniense », p. 300, nº 14.
286 Tite-Live, XXXIX, 31, 15 ; A. Balil, « Un factor difusor de la romanización », p. 121.
287 A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », p. 215.
288 Tite-Live, XXXIX, 31, 3 : acerrime media acies duae fortissimae legiones dimicabant. Quas cum aliter moueri loco non posse hostis cerneret, cuneo institit pugnare et usque plures confertioresque medios urgebant. (« Au centre des lignes les deux légions les plus valeureuses se battaient avec un acharnement extrême. Mais l’ennemi, voyant qu’on ne pouvait leur faire céder du terrain autrement, entreprit de combattre en formation en coin ; toujours plus nombreux, toujours plus denses, ils exerçaient leur pression sur le centre », trad. A. -M. Adam, CUF).
289 Tite-Live, XL, 32, 7.
290 Tite-Live, XL, 32, 4 : Acie media urgebantur acriter a quinta legione ; aduersus laeuum cornu in quo sui generis prouincialia auxilia instruxisse Romanos cernebant, cum maiore fiducia intulerunt signa. (« Au centre du front, ils étaient durement pressés par la cinquième légion ; mais contre le flanc gauche, où ils voyaient que les Romains avaient rangé les auxiliaires provinciaux appartenant à leur propre race, ils firent porter leur attaque avec plus de confiance », trad. C. Gouillart, CUF).
291 Tite-Live, XL, 32, 5 : Iam prope erat ut sinistrum cornu pelleretur Romanis, ni septima legio successisset. (« Déjà, le flanc gauche romain était presque culbuté et l’aurait été, si la septième légion n’était venue à la rescousse », trad. C. Gouillart, CUF).
292 L’année suivante, une pression similaire des Celtibères sur les éléments auxiliaires de la ligne romaine produisit les mêmes effets (Tite-Live, XL, 40, 1) : externa auxilia ab simili armatura, meliore aliquantum militum genere urgebantur nec locum tueri poterant (« mais les auxiliaires étaient bousculés par des troupes armées comme eux, mais formées de soldats sensiblement meilleurs et ils étaient incapables de conserver leurs positions », trad. C. Gouillart, CUF). De nouveau, la proportion de tués est plus élevée chez les auxilia (Tite-Live, XL, 40, 13) : 472 légionnaires, 1. 019 socii et 3. 000 auxilia.
293 Tite-Live, XL, 31, 1. L’ala sinistra correspond à la cavalerie alliée, mais cela ne signifie pas que les auxilia qui les accompagnent soient également tous des cavaliers.
294 Tite-Live, XL, 32, 5-6.
295 Fulvius Flaccus commandait probablement à deux légions complètes (voir supra, p. 106), soit environ dix mille hommes, auxquels il faut rajouter l’équivalent en socii italiques, si bien qu’on obtient un total de vingt mille hommes environ. Même en comptant dix mille auxilia, l’armée romaine était, comme le dit le texte, loin d’égaler numériquement l’ennemi (Tite-Live, XL, 30, 2 : sed nequaquam numero militum hostem aequabat).
296 Tite-Live, XL, 32, 7. On mesure d’autant plus la portée de cette remarque si on la compare à celle qui accompagne le bilan des faibles pertes de 185 (Tite-Live, XXXIX, 31, 16) : tribuni militum quinque amissi et pauci equites Romani cruentae maxime uictoriae speciem fecerunt. (« C’est la perte de cinq tribuns militaires et de quelques chevaliers romains qui donna l’impression d’une victoire particulièrement sanglante », trad. A. -M. Adam, CUF).
297 Tite-Live, XL, 30, 2. A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », p. 215, voit dans cette limite imposée au préteurl’indice de la difficulté des Romains à effectuer ordinairement leurs levées auxiliaires, lesquelles se heurtaient selon lui à la résistance des populations locales. Il est clair cependant que la raison est à chercher ailleurs et notamment dans l’urgence de la situation. L’obstacle rencontré par le magistrat montre seulement que les auxilia ne formaient pas des unités stables des armées romaines mais étaient levées en fonction des besoins. Sur cette question, voir infra, pp. 680-681.
298 Sous la plume de Tite-Live, la mésaventure fatale des Scipions, apparaît ainsi clairement présentée comme un exemplum (Tite-Live, XXV, 33, 6) : Id quidem cauendum semper Romanis ducibus erit exemplaque haec uere pro documentis habenda ne ita externis credant auxiliis ut non plus sui roboris suarumque proprie uirium in castris habeant. (« Il y a là, assurément, un fait auquel les généraux romains devront toujours prendre garde et ils devront considérer vraiment ces exemples comme une leçon qui leur enseigne qu’ils ne doivent pas se fier à des auxiliaires étrangers au point de négliger d’avoir dans leur camp, en nombre supérieur, un noyau romain et des forces qui soient proprement à eux », trad. F. Nicolet-Croizat, CUF). Sans doute l’inflation incontrôlée des troupes auxiliaires, à l’extrême fin de la République, ainsi que l’importance accordée aux soldats non légionnaires dans la réorganisation de l’armée au début du Principat, ont pu directement inspirer cet avertissement à l’auteur. Toutefois, sa mise en garde s’incrit également dans la dénonciation topique des armées majoritairement non citoyennes qui a été évoquée précédemment à propos du mercenariat.
299 Appien, Ib., 92. Voir H. Simon, Roms Kriege in Spanien, p. 179.
300 Les hommes réclamés aux alliés par le général romain sont ainsi décrits d’abord par Appien comme des travailleurs (Appien, Ib., 90), employés, aux côtés des légions, à la construction du fossé et du retranchement. Ces terrassiers demeurèrent certainement sur place après la fin des travaux et doivent être comptés ensuite parmi les 60. 000 hommes nécessaires à la surveillance de la circonvallation.
301 En 209, selon Tite-Live, Scipion quitta Tarragone pour Carthagène en compagnie de 5. 000 alliés (Tite-Live, XXVI, 41, 1). Les historiens modernes ne s’accordent pas sur le fait d’inclure ou non ces troupes dans le total de 31. 000 hommes donné ensuite par les sources pour l’armée de Scipion au moment du franchissement de l’Èbre (Polybe, X, 6, 7 ; X, 9, 6 ; Tite-Live, XXVI, 42, 1 ; surcette question, voir supra, p. 92). Dans les deux cas cependant, même en supposant l’ajout de quelques contingents supplémentaires passés sous silence par les textes, le nombre des auxiliaires paraît à cette époque très inférieurau quart de l’effectif total. Après la prise de Carthagène, les nombreux ralliements provoquèrent certainement un accroissement important de la proportion des troupes hispaniques dans l’armée de Scipion (Polybe, X, 37, 3 ; Tite-Live, XXVII, 17, 4). Àlui seul, durant cette campagne, le Celtibère Allucius rejoignit le général romain avec 1. 400 cavaliers (Tite-Live, XXVI, 50, 14). Toutefois, outre les pertes dont il faut tenir compte, rien n’assure que les renforts successifs, lorsqu’ils sont explicitement mentionnés, se cumulaient de façon systématique. Au contraire, certains furent même envoyés en Italie, comme en 207 où Scipion expédia plusieurs milliers de fantassins et de cavaliers ibériques au consul Livius (Tite-Live, XXVII, 38, 11). Ainsi, en 206, les 3. 000 fantassins et les 500 cavaliers fournis par le roi Culchas furent levés cette année-là, tout comme les autres contingents collectés par Scipion en cours de route (Polybe, XI, 20, 4). Bien qu’élevés, ces chiffres ne permettent donc pas d’affirmer avec certitude que le volume des effectifs auxiliaires dépassa considérablement celui des troupes italiennes. Par la suite, le maximum attesté par nos sources correspond aux20. 000 hommes recrutés par Sulpicius Galba après sa défaite en 151 (Appien, Ib., 58). On ne peut cependant déterminer clairement si Appien ne confond pas avec l’effectif total du préteur (voir ainsi les réserves de H. Simon, Roms Kriege in Spanien, p. 58). En 147, après la défaite contre Viriathe et la mort du gouverneur Vetilius, le questeur de celui-ci obtint seulement un renfort de 5. 000 hommes de la part des Belli et des Titti (Appien, Ib., 63).
302 César, BC, I, 39, 1.
303 César, BC, II, 18, 1.
304 Aussi la proposition récente de F. J. García de Castro, « Planteamientos económicos en la conquista romana de Celtiberia », pp. 511-514, paraît-elle difficile à soutenir. Pensant à tort que l’intérieur de la Péninsule se caractérisait par sa pauvreté, l’auteur suggère ainsi que la seule richesse susceptible d’y être exploitée par Rome était son potentiel humain et guerrier. Selon lui, les conquérants auraient donc massivement recruté des auxiliaires afin d’épargner leurs propres citoyens.
305 Sur la question fondamentale du ravitaillement, voir supra, pp. 440-451 et 579-589. Bien que Rome ne fournît manifestement pas la ration de ses auxilia (voir notamment César, BC, I, 78, 1), les corvées quotidiennes de frumentatio et de pabulatio se trouvaient néanmoins considérablement alourdies en cas de contingents auxiliaires trop nombreux.
306 Tite-Live, XXIX, 1, 26. L’historien mentionne 30. 000 fantassins et 4. 000 cavaliers. Il renforce l’idée qu’il veut donner de la puissance ilergète en précisant que ces troupes ont été rassemblées en peu de jours (intra paucos dies). La précédente révolte ilergète, en 206, n’avait selon lui réuni que 20. 000 fantassins et 2. 500 cavaliers (Tite-Live, XXVIII, 31, 7).
307 Tite-Live, XL, 30, 1 : Magnum bellum ea aestate coortum in Hispania citeriore. Ad quinque et triginta milia hominum, quantum numquam ferme antea, Celtiberi compar Auerant. (« Une guerre importante éclata en Espagne citérieure cet été-là. Les Celtibères avaient mobilisé environ trente-cinq mille hommes, chiffre qui n’avait presque jamais été atteint par le passé », trad. C. Gouillart, CUF). On retrouve ce même chiffre de 35. 000 à l’occasion d’un autre combat contre les Celtibères en 185 (Tite-Live, XXXIX, 31).
308 Ainsi, P. Moret, « Les Ilergètes et leurs voisins dans la troisième décade de Tite-Live », p. 156, considère l’évaluation donnée pour 205 comme exagérée.
309 Valerius Antias prétendait que plus de 40. 000 ibères tombèrent lors de la bataille d’Emporion en 195, mais Tite-Live lui-même juge le chiffre peu crédible (Tite-Live, XXXIV, 15, 11) : Valerius Antias supra quadraginta millia hostium caesa eo die scribit. Cato ipse, haud sane detractator laudum suarum, multos caesos ait : numerum non adscribit. (« Valerius Antias écrit que plus de quarante mille ennemis tombèrent ce jour-là. Caton lui-même, peu enclin à rabaisser ses exploits, dit qu’il y eut beaucoup de morts, sans préciser le nombre », trad. M. Nisard modifiée). L’historien augustéen se montre tout autant dubitatif envers l’exploit attribué à l’armée du gouverneur d’Ultérieure de 180, Lucius Postumius Albinus, qui, selon ses sources, aurait tué environ 35. 000Vaccéens en une seule bataille (Tite-Live, XL, 50, 7) : Propius uero est serius in prouinciam peruenisse quam ut ea aestate potuerit res gerere. (« Il est plus proche de la vérité de dire qu’il arriva trop tard dans sa province pour pouvoir faire campagne cet été-là », trad. C. Gouillart, CUF). Il semble donc que, dans ces deux cas, les chiffres de pertes transmis par les annalistes revêtent également une dimension surtout symbolique. En dehors de ces exemples, les estimations données par les textes sont toujours inférieures à 35. 000. Les plus élevées, en ce qui concerne les effectifs présents sur le champ de bataille, ont trait à la campagne de 195 (20. 000 celtibères défaits, selon Valerius Antias, par M. Helvius : Tite-Live, XXXIV, 10, 1) et aux guerres celtibères (26. 000 hommes, sous les ordres de Caros, en embuscade près de Numance en 153 : Appien, Ib., 45 ; plus de 22. 000 hommes réfugiés dans la ville d’Intercatia en 151 : Appien, Ib., 53). En ce qui concerne les chiffres des pertes, les maxima sont atteints en 189 (20. 300 Lusitaniens tués ou faits prisonniers par Paul-Émile : Tite-Live, XXXVII, 57, 6) et en 180 (22. 000 Celtibères tués à la bataille de Mont Chaunus : Tite-Live, XL, 50, 5). En revanche, l’armée de Viriathe est toujours décrite comme très inférieure en nombre à celle des Romains (Appien, Ib., 68 et 70). Mais peut-être est-ce une figure rhétorique destinée à fustiger davantage l’incapacité des généraux romains de l’époque. D’une manière générale, l’authenticité de ces évaluations ne saurait être vérifiée. Il est seulement frappant de constater que, même pour les plus fantaisistes, elles ne dépassent jamais 40. 000 hommes, soit environ le double d’une armée consulaire standard.
310 J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, p. 31.
311 Voir supra, p. 273.
312 Appien, Ib., 65.
313 Appien, Ib., 90.
314 Tite-Live, XXVIII, 13, 2 ; les chiffres des effectifs envoyés par ce roi sont donnés par le même texte de Tite-Live ainsi que par Polybe, XI, 20, 3.
315 Tite-Live, XL, 47, 10. L’exigence du préteurétait cependant loin d’être négligeable puisque ces cavaliers devaient être pris parmi les plus nobles (nobilissimi), ce qui correspondait sans doute à une fraction importante de l’aristocratie de la cité. Tite-Live précise bien que l’objectif de cette requête consistait à garantir la loyauté de cette élite en utilisant, implicitement, ces cavaliers comme otages.
316 Appien, Ib. 48.
317 Ce point a été souligné par P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, p. 40.
318 Appien, Ib., 44.
319 App., Ib., 44 : Καὶ τῷ ὄντι ἦσαν ἀϕειμένοι. δίδωσι δ᾽ ἡ βουλὴ τὰς τοιάσδε δωϱεὰς ἀεὶ πϱοστιθεῖσα ϰυϱίας ἔσεσθαι, μέχϱι ἂν αὐτῇ ϰαὶ τῷ δήμῳ δοϰῇ. (« On les en avait réellement exemptés, mais quand le sénat octroie des privilèges de ce genre, c’est toujours avec ce préambule qu’ils ne demeureront en vigueur que “tant qu’il paraîtra bon à lui-même et au peuple romain” », trad. N. Diouron, CUF).
320 J. Muñiz Coello, El sistema fiscal en la España romana, p. 51.
321 Comme l’a remarqué à juste titre N. Santos Yanguas, « Los celtíberos en el ejército romano de época republicana », p. 193, il est ainsi frappant de relever l’absence de plaintes relatives aux exigences en soldats dans les doléances des ambassades de 171 (Tite-Live, XLIII, 2, 2-3 et 12), ce qui suggère qu’elles devaient être assez bien supportées.
322 V. Ilari, Gli Italici nelle strutture militari romane, p. 88.
323 J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, p. 31 ; Id., « Los reclutamientos romanos en el valle del Ebro », p. 105 ; Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana, pp. 39-40.
324 Tite-Live, XL, 32, 4.
325 Sur cet aspect essentiel de la diplomatie romaine, voir supra, p. 63.
326 Tite-Live, XXXIV, 19, 10 ; Frontin, Strat., III, 10, 1. Sur l’interprétation du terme cohors pour ce passage, voir supra, pp. 259-260.
327 Tite-Live, XXXIV, 20, 5-6 : Maximum ex omnibus auxiliis numerum suessetanae iuuentutis habebat ; eos ad murum oppugnandum subire iubet. Quorum ubi arma signaque Lacetani cognouere, memores quam saepe in agro eorum impune persultassent, quoties ipsos signis collatis fudissent fugassentque, patefacta repente porta, uniuersi in eos erumpunt. (« La plus grande partie de ses troupes auxiliaires se composait de la jeunesse des Suessétans. C’est à eux qu’il ordonna d’attaquer les murailles. Lorsque les Lacétans eurent reconnu leurs armes et leurs enseignes, se rappelant combien de fois ils avaient impunément ravagé leurs campagnes, combien de fois ils les avaient battus et mis en fuite en bataille rangée, ils ouvrirent tout à coup une de leurs portes et fondirent tous ensemble sur eux », trad. M. Nisard modifiée).
328 Tite-Live, XXXIV, 19, 10, précise en effet explicitement que Caton était revenu de Turdétanie uniquement avec certains de ses légionnaires (ipse cum septem cohortibus ad Iberum est regressus) et Tite-Live, XXXIV, 20, 1, ne laisse aucun doute quant à la soumission récente des Suessétans (defecere ad eum Sedetani, Ausetani, Suessetani). Le choix de Caton tenait donc à l’habitude romaine d’impliquer ses alliés récents dans les campagnes militaires, et non, comme l’affirme A. García y Bellido, « Los auxiliares hispanos en los ejércitos romanos de ocupación », p. 214, à la défection des anciens appuis de Rome depuis 197.
329 Appien, Ib., 47 : Ὁθεν Βιήσιον ἵππαϱχον ἐπὶ συμμαχίαν ἔς τι γειτονεῦον ἔθνος ἔπεμπεν, ἱππέων δεόμενος. (« C’est pourquoi il envoya le préfet de la cavalerie, Biesus, auprès d’une peuplade voisine afin de conclure une alliance : il demandait des cavaliers », trad. N. Diouron, CUF).
330 Sur la localisation privilégiée des hiberna, voir supra, pp. 414-415.
331 G. R. Watson, The Roman Soldier, p. 15 ; J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome, pp. 41-47 ; J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, pp. 30-36 ; Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 88. Toutefois, J. M. Roldán croit à un double système : d’une part des corps permanents de mercenaires spécialisés (notamment dans les armes de jet), pas nécessairement hispaniques, et d’autre part des auxilia irréguliers temporairement recrutés sur place par le biais des traités et jouant le rôle de compléments d’effectifs en fonction des besoins.
332 J. M. Roldán Hervás, « Los reclutamientos romanos en el valle del Ebro », p. 106 ; Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana, pp. 123-126.
333 César, BC, I, 75, 2 ; Appien, BC, II, 109 ; Bell. Alex., LIII, 1.
334 Plutarque, Marius, XLIII, 4-5.
335 J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, p. 36 ; Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana, pp. 120-123 et 128-130.
336 César., BC, II, 18, 1 ; Bell. Hisp., X, 1 ; XXX, 1. J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 121, s’appuie en particulier sur le fait que les unités auxiliaires mentionnées dans ces textes possèdent des enseignes (signa), comme les légions, pour étayer son hypothèse de formations désormais constituées à la romaine. C’est négliger les nombreuses références aux enseignes des armées ibères et celtibères prises par les Romains au cours du IIe siècle (voir p. 211) qui attestent la tradition indigène en la matière.
337 La Guerre sociale est généralement considérée, à raison, comme une étape essentielle dans l’évolution institutionnelle des auxilia au Ier siècle : G. Veith, « Die Römer », p. 393 ; J. M. Roldán Hervás, Hispania y el ejército romano, p. 33 ; Id., Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 47 ; P. Cosme, Armée et bureaucratie dans l’Empire romain, pp. 57-58.
338 ILS, 8888 ; J. M. Roldán Hervás, « El bronce de Ascoli en su contexto histórico », p. 132 ; N. Criniti, L’Epigrafe di Asculum di Gn. Pompeio Strabone, pp. 182-186 ; L. Amela Valverde, « La turma Salluitana y su relación con la clientela pompeyana », p. 80.
339 Sur ces questions, voir supra, pp. 541-542, avec le rappel de la bibliographie.
340 La seconde hypothèse est souvent privilégiée : P. Le Roux, L’armée romaine et l’organisation des provinces ibériques, pp. 39-40 ; F. Quesada, « Aristócratas a caballo y la existencia de una verdadera “caballería” en la cultura ibérica », p. 178.
341 J. M. Roldán Hervás, « El bronce de Ascoli en su contexto histórico », p. 134.
342 César, BC, I, 60, 4 (cohors illurgauonensis) ; Bell. Hisp., X, 1 (signa Saguntinorum) ; Bell. Hisp., XXII, 1 (Bursauonenses).
343 Sur ces formations, voir supra, p. 270. J. M. Roldán Hervás, Los hispanos en el ejército romano de época republicana, p. 130, se méprend ainsi sur la portée des scutati et des caetrati dans l’optique d’une hypothétique réforme césarienne des auxiliaires.
344 En tout cas, il ne s’agit certainement pas d’une initiative césarienne. L’intérêt particulier de César pour les troupes auxiliaires n’est pas un fait bien établi. G. Veith, « Die Römer », p. 434, pense au contraire que le proconsul des Gaules avait peu d’estime pour cette catégorie de troupes ; J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome, pp. 44-46, reconnaît que César ne semble pas avoir prêté une attention privilégiée aux auxilia d’infanterie, mais admet (p. 48) qu’il organisa la cavalerie auxiliaire sur un mode stable et professionnel ; cette idée est réfutée en partie par M. Rambaud, « La cavalerie de César », pp. 437-440 et 444, qui ne croit pas à une singularité césarienne (« il fit moins que Pompée »). Selon cet auteur, les généraux romains de l’époque avaient tous éprouvé le besoin d’une force de cavalerie organisée et le développement des alae provinciales représenta alors, à ses yeux, un phénomène général à toutes les armées romaines.
345 Voir par exemple Tite-Live, XXI, 60, 4 pour 218 à propos de recrutements au nord de l’Èbre. Plus généralement, Tite-Live utilise couramment le terme pour désigner des formations d’infanterie chez les adversaires de Rome, aussi bien en Orient qu’en Occident (XXI, 14, 2 ; XXII, 18, 2 ; XXIV, 1, 5 ; XXVI, 5, 11 ; XXVI, 6, 1 ; XXVII, 15, 17 ; XXVIII, 5, 15 ; XXX, 11, 4 ; XXXI, 24, 10 ; XXXI, 36, 3 ; XXXI, 39, 12 ; XXXII, 40, 5 ; XXXVII, 40, 7 ; XL, 6, 2 ; XLII, 57, 8 ; XLIII, 18, 11 ; XLIII, 19, 11 ; XLIII, 23, 4 ; XLV, 6, 7) ; voir aussi Frontin, Strat., I, 6, 3 ; IV, 1, 7.
346 César, BC, I, 48, 7, évoque des caetrati citerioris, alors que BC, I, 39, 1, se référait à des scutatae citerioris prouinciae et caetratae ulterioris Hispaniae cohortes.
347 La distinction entre scutati et caetrati est déjà appliquée par Tite-Live aux troupes hispaniques servant dans l’armée carthaginoise (Tite-Live, XXI, 21, 12 ; XXI, 47, 5 ; XXII, 46) et Frontin, Strat., II, 5, 31, mentionne des cohortes scutatae dans l’armée de Sertorius. On ne peut non plus exclure une simple commodité du récit.
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Hibera in terra miles
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