Annexes
p. 507-526
Texte intégral
Annexe i. — Lettre d’Amelot à Louis XIV, [août-septembre] 1705
Source : Éditée dans Esnault, Michel Chamillart, t. II, pp. 32-33.
Sire, il n’y a que trois mois que je suis à Madrid, mais les mois en Espagne peuvent estre comptés pour des années, par le travail et par la peine. Que Votre Majesté, Sire, ne soit donc point surprise si je luy réitère desjà la très humble prière que j’ai pris la liberté de luy faire en recevant ses derniers ordres à Marly. L’assurance de la première place de conseiller au Conseil royal qui viendra à vaquer est la grâce que je demande avec toutte la soumission possible à Votre Majesté. C’est l’objet de mes espérances et la consolation que j’ose attendre de la bonté de Votre Majesté pour me soutenir dans la vie du monde la plus pénible. Si je n’ay pas encore mérité cette grâce, Sire, la continuation de mon zèle et de mon aplication me fera peut estre trouver des occasions de m’en rendre plus digne avant que je sois en estat d’en jouir, et Votre Majesté comptera au moins pour quelque chose, ainsy qu’elle a daigné me le dire, [p. 33] ma résignation parfaite à me sacrifier à ses volontés. Votre Majesté, Sire, est trop juste pour trouver mauvais, m’ayant esloigné d’elle pour un tems, que je luy marque l’impatience que j’ays de m’assurer l’honneur inestimable de m’aprocher quelque jours de sa personne dans les fonctions d’une place au Conseil royal.
Je suis avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et sujet.
Amelot.
Annexe ii. — Lettre d’Amelot à la princesse des Ursins, Madrid, 10 décembre 1706
Source : AMAE, Acquisitions extraordinaires, no 19, fos 147-151.
Vous avez voulu, Madame, que je misse par écrit, un partie de ce que j’ay eu l’honneur de vous dire ce matin, lorsque vous m’avés montré l’article qui me regarde, d’une lettre de Madame de Maintenon du 28 novembre.
Personne n’a jamais servi le Roy, et ne lui a obéi avec plus de résignations que jay toujours fait. Je reconnois que les grâces dépendent uniquement de sa bonté, et que je ne fais que mon devoir en me sacrifiant entièrement pour l’exécution de ses ordres. J’ay servi seize ans de suitte dans les ambassades sans en avoir demandé ni prétendu aucune. Après avoir esté dix années dans les païs étrangers, j’ay supplié le Roy de me faire Conseiller d’État. J’ay vu passer devant moy 4 ou 5 de mes cadets, qui n’étoient jamais sortis du sein de leurs familles. Je n’en ai pas murmuré un instant, et me suis estimé très heureux quand il a plus au Roy de m’accorder une place au Conseil en 1695. Je suis revenu à Paris en 1698. L’année suivante j’ay esté chargé [fo 147vo] de la direction des affaires du commerce. J’y ay travaillé pendant six ans, et je puis dire que six de mes confrère, non seulement dans ce genre d’affaires, mais mesme dans les plus importantes de celles qui sont purement du Conseil, quoique que seize années d’absence eussent du me reculer de ces sortes de connaissances.
Au commencement de l’année 1705, le Roy m’a nommé à l’Ambassade d’Espagne. J’ay représenté mes raisons pour me dispenser d’accepter cet honneur, et je les ai représentées avec soumission. Le Roy n’y a pas eu d’égard. J’ay obéi et je suis parti en poste sans avoir presque eu le temps de mettre ordres à mes affaires. J’ay demandé au Roy en prenant congé de S. M. de me promettre la première place qui vaqueroit au Conseil Royal. Ce sont des places, Madame, qui sont destinées à des Conseillers d’Etat, et j’ose dire que le travail dont j’ay esté chargé pendant six ou sept ans que j’ay servi au Conseil avant que de partir pour l’Espagne [fo 148] me mettoit à portée d’y prétendre aussitost qu’un autre. Il y a près de deux ans que je suis en Espagne. Le Roy sait si je l’y ai bien servi, et s’il en est content. Du moins, Madame, vous estes témoin de mes peines et de mon travail ; et vous m’avez attiré la confiance du Roy et de la Reyne d’Espagne, qui, si je ne me trompe, est le point le plus essentiel, pour réussir dans cet employ.
Depuis six mois que Mr Orry est parti la besogne a redoublé. Il a fallu que j’ay pris soin des finances, et en gros et en détail. À son départ, le Roy d’Espagne n’avoit pour tout fonds que quatre vingt mil livres, tant entre les mains du Trésorier, qu’en différents bureaux de recette. Il avoit 21 bataillons et 56 escadrons à entretenir, sa maison et celle de la Reyne. Le pain et l’argent n’ont pas manqué d’un seul jour aux troupes. Leurs Majestés sont revenus à Madrid, et la Reyne doüairière est allée à Bayonne, sans compter les autres dépenses extraordinaires. Je n’entre point dans les détails [fo 148vo] de tout ce qu’il a fallu de dispositions et d’arrangements pénibles dans le temps de la sortie de Madrid de leurs Majestés Catholiques, pendant le cours de la campagne, et dans la nouvelle forme qu’il a fallu donner aux Tribunaux et aux Conseils. En un mot je croy qu’il y a peu d’exemples qu’un Etranger, comme je le suis en Espagne, ait jamais esté chargé de tant d’affaires, d’un aussy grand poids, et dans des conjonctures aussi extraordinaires et aussi terribles.
Comme on ne se dépouille point entièrement de son intérest propre ; je me suis flatté après cela, Madame, que je pouvois espérer quelque marque de la satisfaction du Roy. J’ay cru que cet intérest étoit légitime, et graces à Dieu je n’en connois point d’autre. Nous avons vu que Mr d’Harcourt a esté fait Duc lors de sa nomination à l’Ambassade auprès du Roy Philipes V ; que Mr de Marsin a esté fait Lieutenant général avant que de partir pour l’Espagne, ensuite chevalier de l’ordre, et qu’il a eu un gouvernement à vendre [fo 149] pour payer sa dépense, quoique son ambassade n’ait duré que sept ou huit mois.
Je ne parle point des autres dignités qu’il s’est justement acquises par d’autres titres. Mr le cardinal d’Estrées a eu l’abbaye de Saint Germain Desprez, et Mr l’abbé d’Estrées le cordon bleu. Messieurs de Tessé et de Berwick ont esté faits Grands d’Espagne en arrivant, et le dernier Maréchal de France pour revenir ici au mois de février dernier.
Ces marques de la bonté du Roy répandues sur tous mes prédécesseurs, dont le séjour en Espagne a toujours esté fort court, m’ont donné lieu, Madame, de vous rendre compte de la vüe que j’avois eüe et de la grace que j’avois demandée au Roy avant que de partir de France. Vous avés trouvé mes raisons bonnes, et la bienveillance dont vous m’aves honoré vous a engagé de mander à Madame de Maintenon, sans que je vous en eusse supplié, ce que vous pensiés de mon état et de mes services. Je vois par sa réponse dont vous avés bien voulu me faire part que le Roy trouve de la difficulté [fo 149vo] à m’accorder l’assurance de la première place au Conseil Royal, dont je l’ay supplié. Je vous répète, Madame, que je ne prétends nulement que les exemples établissent un titre pour ce que je demande. Je ne tiens rien, et je n’espère rien, que de la pure grace de S. M. Cette difficulté cependant n’a pas arresté la bonne volonté du Roy pour Mr de la Houssaye mon beau-frère, à qui S. M. promit l’année dernière la première place de Conseiller d’Etat qui viendroit à vaquer. La mesme chose a esté faite pour Mr l’abbé d’Estrées quand S. M. lui donna l’ordre du Saint-Esprit, n’y ayant point alors de place à remplir.
Quant Mr de Rouillé quitta la direction des finances, il y a quelques années, le Roy créa pour lui une place de Conseiller d’Etat surnuméraire, à condition qu’elle seroit éteinte à la première vacante qui demeureroit à Mr de Rouillé, ce qui est à peu près la même chose.
S’il faut descendre, Madame, à des gens d’une moindre représentation que mes prédecesseurs. Mr Orry qui de sa vie n’avoit [fo 150] songé à prendre le chemin de la robe, a esté fait de plein saut Président à mortier au Parlement de Metz, sans avoir jamais pris le moindre des degrés nécessaires pour y parvenir, chose que jusqu’à présent la bonté du Roy n’avoit, si je ne me trompe, presque jamais accordée. S. M. l’a fait aussi chevalier de Saint-Michel. Le mesme ordre, sur mes représentations à Mr de Chamillart, a esté accordé en 1704 au sieur Mesnager avant qu’il partit pour l’Espagne. Le Sr Daubenton qui est ici depuis quelques années pour les affaires du département de Mr de Pontchartrain vient d’estre mis sur le petit état de la marine, avec douze mille livres d’appointements, en sorte que le voilà sûr d’avoir toujours cette paye, et d’estre employé sur ce pied là ici ou ailleurs.
Il est donc public, Madame que tout ce qui est venu en Espagne pour les affaires du Roy a esté récompensé, souvent avant le tems. Serai-je le seul distingué par ne recevoir point de marques de la bonté du Roy après un terme deux fois plus long [fo 150vo] qu’aucun de ceux de mes prédecesseurs que je viens de nommer. Vous savez, Madame, que je fais une grosse dépense, et que je ne puis ni ne dois faire autrement. Je ne suis payé au Trésor Royal qu’en billets de monnoye, ou en assignation qui ne produisent que des billets de monnoye ; et Mr Bernard qui me fait donner ici de l’argent, ne veut point recevoir de papier en payement. Je lui dois à l’heure qu’il est trente mil écus, et pour peu que cela dure je suis un homme ruiné.
Ma santé jusqu’à ces derniers tems s’est soutenue mieux que n’aurois cru, mais depuis quelques mois mes jambes sont très souvent enflées, ma vue diminue fort, et je ne dors que très peu. Ma famille souffre beaucoup de mon absence. J’aurois cru assurer un établissement à mon fils aisné en le mariant à une fille très riche, qui n’avoit pas encore douze ans. Depuis mon départ la mère a pris des travers contre mon fils, sans rime ni raison, et je suis à la veille de voir manquer cette affaire, parce que je ne suis pas sur les lieux.
En cet état, [fo 151] Madame, il m’est douloureux de me voir éloigné de l’espérance d’une grace, dont je m’étois flaté, plus par confiance en la bonté du Roy que par le grand nombre de ceux que S. M. a récompensés de bonne heure, que par une estime présomptueuse de mes services.
Vous savez tous les désagréments qu’on m’a fait essuyer par le style des dépesches que je vous ai souvent communiquées, et je vous ai fait voir les nouveaux dégousts qu’on m’a donnés encore dans ces derniers tems.
J’ose dire que le zèle et le courage ne me manquent pas, et que je prends sur moy et me sacrifie de bon cœur pour servir le Roy, mais je ne puis répondre ni de ma santé, ni des moyens de soutenir la dépense de mon employ. Une marque publique de la satisfaction du maistre par l’assurance d’une place au Conseil Royal en cas de vacance, me donneroit de nouvelles forces.
J’en ai bien besoin, Madame, et je vous supplie de ne jamais douter de ma vive reconnaissance et de mon parfait respect pour vous.
Annexe iii. — Harangue [attribuée à Amelot] dans la Gazette d’Amsterdam, no 52, 29 juin 1706
De Paris, le 21juin. Voici la copie du discours que Mr Amelot ambassadeur de France a fait à l’Assemblée des Grands d’Espagne, qu’il a convoquée par l’ordre du roi, avec un récit de ce qui s’est passé en conséquence.
Illustres grandesses.
C’est par l’ordre du roi mon maître, que j’ai convoqué cette Illustre assemblée, pour savoir de vos bouches les véritables sentimens de vos Excellences, après les deux disgrâces qui sont arrivées aux deux couronnes, tant en Catalogne qu’en Flandre. Le Roi mon maître se plaignant du peu de secours qu’il reçoit de vôtre part, m’a obligé de faire tenir ce conseil, pour vous dire que le roi son petit-fils ayant été appellé par le droit du sang à la couronne des Espagnes, il ne prétend pas l’y maintenir contre les sentimens que plusieurs d’entre Vos Excellences pourroient avoir pour l’Archiduc, qui vient sans droit & à mains armée, troubler le repos de la monarchie. Si S. M. Catholique, ce prince si aimable que Dieu vous a donné, ne trouvoit pas de place dans tous les cœurs de la nation, n’ayant rien fait contre les loix du royaume, & contre la religion, comment pourra-t’on croire qu’une nation si chrétienne & si catholique puisse prendre le parti d’un usurpateur, accompagné d’hérétiques qui ne cherchent son établissement que par le renversement des autels ? Le roi mon maître, préférant le culte de Dieu à toutes les couronnes de la terre, consentirois plutôt au retour du roi son petit-fils, que d’être l’auteur de tous les sacrilèges qui se comettent pour envahir cette monarchie. C’est pourquoi il supplioit leurs Excellences de vouloir ouvrir leurs cœurs, & de lui faire connoitre les véritables sentimens dans lesquels il étoient pour leur prince.
Après que le Duc de Medina-Celi eut représenté les Griefs des Grands & ceux de la Nation, Mr Amelot répondit, que le roi son maître lui avoit donné pouvoir d’assurer Leurs Excellences, que Sa Majesté remediroit [sic] au désordre qu’il y avoit à craindre : qu’Elle s’en raporteroit entièrement à Leurs Grandesses ; et qu’Elles donneroit, & à leurs Excellences & à la Nation, toute la satisfaction possible.
Sur ces assurances, le Duc de Medina Celi répliqua au nom de l’Assemblée, que le Roi d’Espagne pouvoit compter, qu’ils sacrifieroient leurs vies & leurs biens pour le maintenir : qu’ils entretiendroient 40. mille hommes à leurs dépens, sans en diminuer ses revenus : qu’il pouvoit en toute sureté revenir à Madrid, & que S. M. Catholique connoîtroit leur fidélité : ensuite parlant à l’Assemblée, il dit, que s’il y avoit dans le parti de l’Archiduc, ils pouvoeint se retirer : qu’on leur feroit tenir leurs revenus où ils iroient ; mais qu’après cette déclaration, s’il y en avoit quelques uns qui trahissent le Prince & la Nation, ils pouvoeint compter que leurs têtes seroient portées sur un échafaut, & leurs biens confisquez : à quoi il ajouta parlant de lui-même, que si on découvroit quelque chose dans sa conduite qui fût contre l’intérêt de son Prince, il consentoit qu’on le fit servir d’exemple. Après quoi il finit, en disant, Vive Philippe V notre légitime Souverain ; ce qui fut applaudi de toute l’Assemblée.
Ce discours de Mr Amelot, dont les copies sont répanduës dans le public, donne lieu ici à plusieurs reflexions, parce qu’on n’avoit pas crû jusqu’à présent, que les affaires de la Monarchie d’Espagne fussent réduites à une telle extrémité ; et quoique la réponse qu’on dit avoir été faite par le Duc de Medina Cela, semble devoir rétablir les espérances, chacun néanmoin ne paroit pas également persuadé, que tout ce qui s’est passé dans cette Assemblée ait été rendu public ; de sorte qu’on est fort attentif aux suites qu’aura une démarche de cette conséquence. Quelques lettres particulières d’Espagne disent que l’Armée portugaise a repris sa marche du côté de Madrid, & que la Ville de Salamanque ouvrit ses portes aux ennemis le 6 de ce mois.
Annexe iv. — Lettre de la comtesse de Vaubécourt à Torcy, 24 juin 1706
Source : AMAE, Cor. pol., Esp., t. 164, fos 291-292.
Il y a huit ou dix jours Monsieur qu’il se répand dans Paris une prétendue harangue de Mr Amelot aux Grands d’Espagne ie conois assez son stille et sa manière de penser pour assurer sans mesme attendre la réponse que cela ne vient point de luy. J’ay desja méprisé […] iusqu’à présent mais [fo 291vo] il en court tant de copies dans le monde que ie crois estre obligée de vous en avertir et de vous en envoyer une. Il n’y a que vous Monsieur qui avez l’autorité en main qui puissiez y donner ordre. On y fait parler Mr Amelot de la part du roy d’une manière si indigne et sy peu convenable que vous luy devez cette iustice. Vous [fo 292] connoissez son zèle pour le service du roi et vous devez aussy Monsieur estre bien persuadé de son attachement pour vous. Ie suis Monsieur avec bien du respect Vostre très humble et très obéissante servante.
La comtesse de Vaubecourt.
Annexe v. — Lettre de Mme de Maintenon à Amelot, 20 novembre 1714
Source : Bibliothèque de la Sorbonne, manuscrits et autographes de Victor Cousin, t. 2, pièce no 51.
Vous m’avez bien fait souffrir Monsieur et je ne pouvois me consoler de vous avoir attiré un moment de chagrin du Roy par mon imprudence moy qui me flatte de n’avoir iamais fait de mal à personne. Mais tout est bien effacé grâce à Dieu et j’espère que vous trouverez S. M. dans son naturel avec vous. Il nous revient de tout côté que le parti est ravi de vostre voyage à Rome que vous avez esté longtemps [enfermé] avec Mr le Cal de N. [cardinal de Noailles], que toute votre famille vous obsède pour vous prévenir & tout cela ne fait aucune impression sur le Roy, et pour moy Monsieur je suis persuadé que si vous aviez d’autres sentiments que les siens, vous refuseriez cette négociation plutôt que de la faire de mauvaise foy, je suis bien sincèrement votre très humble et très obéissante servante.
Maintenon.
Annexe vi. — Lettre de Huguetan à Heinsius, 27 juillet 1707
Source : Eduard Van Biema, Les Huguetan de Mercier et de Vrijhoeven. Histoire d’une famille de financiers huguenots de la fin du xviie jusqu’à la moitié du xviiie siècle, d’après des documents inédits, La Haye, M. Nijhoff, 1918, p. 144.
J’envoye à Votre Excellence un mémoire au juste de ce qui se passe à Lion au sujet du payement, dont le chevalier Bernard dans un seul jour a fait tirer par son correspondant de Lion cent mille écus sur Messieurs Andrés Pels & Fils, de cette ville, j’ay représenté, que cela regarde les affaires du Roy de France, et ledit Pels les a toutes laissé protester. Comme il seroit fort nécessaire que l’on fût informé en France et en d’autres pays, que ledit Bernard et autres banquiers de la cour de France perdent leur crédit chés les banquiers de la Hollande pour les mettre hors d’état de soutenir celuy de la France, il faudroit, si Votre Excellence le juge à propos, qu’elle fît donner ordre à tous les Gasetiers de mettre ce qui se passe à Lion, dont ci-joint est le mémoire, sur la vérité duquel l’ont peut conter ; et j’ay cru de mon devoir d’en informer Votre Excellence. Je suys avec respect…
Annexe vii. — Mémoire des droits et prérogatives du consulat de Cadix, 9 janvier 1701
Source : AN, AE, BIII 374, Consulat de Cadix.
Pour les honneurs et les prérogatives. Un consul est icy considéré comme ministre du roy. C’est le fait de celuy qui l’est de se faire rendre les honneurs en cette qualité. Il met les armes de Sa Majesté dans sa maison et en lieu que tout le monde les puisse voir en entrant. Le respect que l’on a pour les armes en fait avoir pour le consul. Sa maison jouit de la franchise et est exempte par là d’estre visitée par les juges ou huissiers qui portent pour marque une longue baguette, quand ils viennent chez le consul de la part de quelques juges ils la laissent dans la cour aussy bien que les sergents leurs halbardes quand il viennent de la part du gouverneur.
Dans les assemblées des consuls des nations étrangères celuy de France a toujours eu la première place ce sera à celuy qui viendra à la soutenir, et se faire regarder avec distinction comme son prédécesseur, et ne point faire de faux pas avec les gouverneurs quand il leur rend des visites. Ils font donner depuis un temps un fauteuil au consul de France, et le reconduisent jusques à la porte de leur antichambre.
S’ils viennent chez luy il va jusqu’à la porte de la rue avant le Sr de Catalan, ils avoient accoutumé de ne point faire donner de siège et eux assis dans un fauteuil laissoient debout le consul. Un jour de l’an les nations allant rendre visite au duc de Veraguas général de l’armée d’Espagne il laissa aller devant les Anglois et Holandois ayant sçeu que leur consul avoit rendu sa visite debout il y fut avec quelques François, et voyant qu’on se préparoit à le recevoir de même que les autres ny ayant dans la chambre que le fauteuil où estoit assi le duc, il passa dans l’antichambre prit un fauteuil et s’estant assis ; il fit son compliment, depuis ce jour là on a continué à luy en faire donner un, on m’en a aussy donné quand je les ay esté voir et ils m’ont reçu comme feu mon oncle.
Pour la noblesse on la traite de la même manière qu’elle fait allant de pair avec elle.
De ce consulat, il y en a trois qui en dépendent a qui le consul nome qui sont ceux de Gibraltar, Séville et San Lucar. Mais le commerce des ces lieux est si petit qu’il n’y en a pas un qui retire trente écus par an, ils ne reçoivent que les droits que le Roy accorde. Ils auroient besoin Monseigneur que vous eussiez la bonté de leur augmenter quelques choses. Ils jouissent indubitablement des mêmes honneurs que le consul de Cadix qui leurs donnent de patentes semblables à celles qu’il a du Roy.
Le consul ne doit payer aucun droits d’entrée, mais comme il y a longtemps que ce privilège n’a point été spécifié dans les provisions que le Roy donne non plus qu’expliqué quels doivent estre ses prérogatives, feu le Sieur de Catalan, s’estoit attibué et fait rendre toute ce qu’il croyoit estre dû à l’honneur et à l’avantage de sa charge, il sera nécessaire dans la suitte que le Roy déclare ce que Sa Majesté prétend accorder et faire jouir au consul par les honneurs, autorités, prééminences, privilèges, franchises, exemptions libertés, et pouvoirs qu’elle luy donne dans ses provisions parce que ses provisions se présentent au Roy d’Espagne pour les confirmer et Sa Majesté Catholique fait expédier un ordre à ses lieutenants généraux, gouverneurs et juges pour maintenir le consul dans ces honneurs et droits estant déclarés il n’y aura plus de difficulté.
Le consul doit estre le juge de sa nation et ne point souffrir que la justice visitte aucunne maison de François ny même permettre que quand il en meurt quelqu’un elle saisisse ny fasse aucun inventaire. C’est ce que feu le Sr de Catalan avoit obtenu et qu’il soutenoit.
Je ne vous marqueray rien des dépences que le consul est obligé de faire tant par raport à la chaireté du pays que pour les vaisseaux du Roy quand ils sont icy, et les présents qu’il faut daire aux principaux de cette ville sans compter des pensions à Madrid et icy pour estre informé de ce qui se passe, vous vous les persuaderez aizément, et ces dépences sont plus ordinaires au consul de France qu’à ceux des autres nations quoy que leurs droits sont beaucoup plus considérables, en cette considération. Le roy avoit la bonté de donner tous les ans quelques gratifications au feu sieur de Catalan.
Je crois Monseigneur, que je n’ay rien à adiouter à ce mémoire.
Fait à Cadix, le 9 janvier 1701.
de Catalan.
Annexe viii. — Lettre d’Atrisco à [ ?], 25 novembre 1706
Source : AGI, Indiferente General, leg. 260.
He resuelto, se embien a Dn Ambrosio Daubenton, duplicados de los despachos circulares, expedidos à los gobernadores de Santa Marta, Cartagena, Portobello, y Panamá avisando les lo sucedido en esta corte, desde el día veinte y ocho de junio que salí de S. M. hasta mi restitución, à fin de que los dirija con el navío de la compañía del Asiento de negros, que ha de salir de los puertos de Francía, à principios del mes que viene, tendrase entendido en el consejo de Yndias, y se executaran, y entregaran luego à Dn Ambrosio.
Annexe ix. — Portrait de Philippe V
Annexe x. — Charles II offrant son carrosse au saint sacrement
Annexe xi. — Lettre d’Amelot à Castelldosrius, 14 juillet 1705
Source : ANC, Fons dels marquesos de Castelldosrius, 1242.19.20.
Amelot assure le marquis de Castelldosrius, qui lui a recommandé son fils, de son soutien.
S. Mio, la recomendazion que V. E. se sirve pasarme de los méritos del Sr don Antonio su hixo de V. Exa no era nezecaria para que yo le sirviese con particularisimo afecto en todo, como se lo tengo asegurado verbalmente, pues al mayor de serlo, añade los propios tan luzidos que yguala los que adquiese, a los que hereda y por que estas expresiones tengan generales motivos para acreditarse de menores que las obras, sera de mí mayor aprezio me los frequente V. Exa de su agrado y servizio.
Annexe xii. — Lettre d’Amelot à Castelldosrius, 26 décembre 1706
Source : ANC, Fons dels marquesos de Castelldosrius, 1242.19.20.
Monsieur,
V. E. m’a fait un très grand plaisir, en m’aprenant, par la lettre qu’elle m’a fait l’honneur de m’escrire le dernier juillet, son heureuse arrivées à Portobelo. J’ay donné part au Roy mon maitre de la satisfaction que témoigne V. E. à l’égard des commandans des deux frégates françoises, qui l’y ont conduite de Carthagène. Je suis bien persuadé qu’on leur saura gré du service, qu’ils ont rendu en cette ocasion à V. E. Je compte qu’elle est présentement au Pérou. Sa présence y est bien nécessaire pour le rétablissement des affaires de ce païs-là, que je crois un peu dérangées depuis la mort du précédent viceroy. V. E. sait que cette monarchie, dans [vo] la conjoncture, où nous nous trouvons présentement, quoique plus heureuse qu’elle n’a cy-devant esté, a grand besoin du secours des Indes, pour se maintenir, ainsy le Roy d’Espagne se promet beaucoup de votre aplication, pour le luy procurer le plus promptement qu’il vous sera possible. S’il y a lieu d’être utile en cette cour à V. E. et à sa famille, elle ne doit pas douter de mon attachement à luy marquer la sincérité parfaite avec laquelle je suis,
Monsieur,
De V. E.
Le très très humble & très obéissant serviteur.
Amelot.
Annexe xiii. — Extrait de la lettre de Louis XIV à Amelot, 30 juillet 1708
Source : Louis XIV, Amelot, Correspondance… Espagne, t. II, p. 68.
Comme je connoissois la fidélité et l’attachement que le marquis de Castelldosrius avoit pour lui [Philippe V], j’ai été fasché d’apprendre que les relations de sa conduite au Pérou soient aussi peu favorables que vous me le marquez. Il ne seroit pas juste, pour lui faire plaisir, de laisser perdre entre ses mains les affaires du roy mon petit-fils. Comme je ne prétends le contraindre, ni sur ce sujet, ni sur aucun autre, je laisse à sa prudence de nommer un autre vice-roy pour succéder au marquis de Castelldosrius, quand le terme de trois années sera expiré.
Annexe xiv. — Lettre de Crozat et de La Boulay à Daubenton, [1707]
Source : AMAE, CADN, Ambassade, Madrid, Série A, no 5.
Monsieur sur l’avis que nostre Compagnie de Saint-Domingue vient d’avoir que Mr le marquis de Villarin, gouverneur de La Havane est mort et que Sa Majesté Catholique ne peut prendre aucune confiance dans la fidélité de don Louis [Chacón], qui commande par la mort de M. de Villarin. Nous avons cru Monsieur ne pouvoir rendre un meilleur service à Sa Majesté Catholique, que de vous informer de cette vérité dont vous aurez agréable de rendre compte à M. l’Ambassadeur. Nous avons pris cy-devant la liberté de vous escrire en faveur de M. Dom Bartholomé de Ponté qui sert depuis dix-huit ans Sa Majesté Catholique et pour lequel, Mgr de Pontchartrain a escrit à M. l’ambassadeur. Nous sommes si fortement persuadés de la fidélité de cet Espagnol, pour Sa Majesté Catholique, et de son inclination, favorable aux intérêts des deux couronnes, que nous osons Monsieur répondre de sa personne.
La place de La Havane est la clef de touttes les Indes et si Sa Majesté Catholique l’avoit perdüe, Elle auroit peine à soutenir le Mexique. Nous vous exposons Monsieur touttes ces raisons, pour que vous les fassiez valoir auprès de M. l’Ambassadeur.
Les services que vous nous avez rendus à plusieurs occasions, nous engagent à vous dire des vérités dont nous donnerions des preuves, si cela estoit nécessaire affin de vous donner occasion de continuer à rendre aux deux couronnes les services que vous leurs avez jusqu’à présent rendü […].
Crozat, de la Boulay.
Annexe xv. — Extrait du mémoire de Simeon de Guinda y Aperteguy, 17 juin 1708
Source : AHN, Estado, leg. 4826, Informe que haze a Su Magestad, el Doctor Don Simeon de Guinda y Aperteguy, abad de la Iglesia de San Isidro de León, de las diferencias que se han ofrecido entre el Prior, y cabildo de Roncesvalles, y el Obispo, y Cabildo de Bayona; y asimismo de las que ay entre los Valles de Erro, Baztan, y Balcarlos, y otros de los dominios de Francia, sobre el goze, y aprovechamiento de los términos, y montes de Alduide, Madrid, 17 juin 1708, fo 8.
Y siendo todo lo que llevo representado à V. M. en este informe, correspondiente à este mismo assumpto, debo dezir, que el despacho dado por Su Magestad Christianissima, y el contenido de él, es muy conforme al fin de lograrse la union, y paz, que se desea aya entre los vasallos de ambas coronas, en aquellos parages; y que en consequencia de ello parece ha llegado el caso de que V. M. puede servirse de ordenar, se expida el despacho conveniente para el comissario, o comissarios, que en nombre de esta corona huvieren de concurrir, con los que se nombraren por la Francia, para las conferencias, y ajuste de este negocio; y que sea por los motivos que quedan referidos, sin intervencion de las partes interessadas.
Annexe xvi. — Médaille de « L’union de la France et de l’Espagne », avers et revers
Annexe xvii. — Lettre de Laureano de Torres y Ayala à Philippe V, 14 décembre 1708
Source : AGI, Gobierno, Santa Fe, 504.
Señor,
por cédula de tres de octubre de setecientos y siete se sirve V. M. ordenarme de quenta muy particular, de los que hubiese obrado en conformidad de la requisitoria despachada por el Governador de la Provincia de Santa Marta, para la aprehensión de un capitana vizcaína que según la declaración del comandante de una presa Ynglesa avia pasado de la Ysla de Jamayca a esparcir papeles a favor del archiduque, sobre lo qual debo poner en la superior noticia de V. M. que segun la que he podido adquirir, ni en esta ciudad, ni en los terminos de sus jurisdiccion se halla el referido Capn, y conformer se hallan los ánimos de todos, tengo por cierto, que no ha aportado a esta Ysla y que fuera descubierto de la fidelidad de sus habitadores si a ella ubiera llegado. Por lo que materia de tanta gravedad pide de revension, y advertencia, quedo con el cuidado, y cautela debida, para que si en lo de adelante llegare a esta territorio sea aprehendido.
De cuyo diligencias dare quenta a V. M. cuya Catholica Real personna garde Dios los muchos años que la Christianidad ha menester. La Havana, y diciembre 14 de 1708.
Laureano de Torres.
Annexe xviii. — Lettre d’Amelot à Louis XIV, 7 janvier 1709
Source : AMAE, Cor. pol., Esp., t. 189, fos 2-14.
Sire,
Vostre Majesté m’ordonne par sa dépêche du 24 décembre de m’informer bien exactement, et de luy rendre compte des véritables dispositions [fo 2vo] des provinces d’Espagne dans une conjoncture où vos ennemys affectent de répandre plus que jamais qu’elles sont toutes également mécontentes que la castille n’est pas intérieurement plus fidèle que l’Aragon, que l’Andalousie se soulèveroit si elle voyait quelque jour à le faire avec seureté que les Grands, la noblesse souhaitent avec également un grand empressement un changement de gouvernement, et que les mêmes [fo 3] gens qu’on a cru jusqu’à présent sans crédit seroient suivis d’un nombreux party lorsqu’ils auroient la hardiesse de faire quelques démonstrations contraires à la fidélité qu’ils doivent au Roy leur maistre.
Je crois, Sire, que si les ennemis répandent de pareils bruits, ce ne peut etre que par deux motifs, ou pour augmenter la crainte et la consternation qu’ils se persuadent que le bonheur surprenant des derniers succès de leurs armes doit [fo 3vo] avoir imprimé, ou parce que quelques Espagnols malintentionnés les flattent que tout est disposé en ce pays-cy favorablement pour l’Archiduc mais soit que le fondement de ces bruits soit un pur artifice, ou que les ennemis, sur la foy des correspondances qu’ils ont en Espagne, comptent effectivement sur la vérité de ces bruits, ou soit qu’il entre en cecy de l’un, et de l’autre, je puis dire à V. M. que je ne vois nulle apparence qu’il y ait rien à craindre des Provinces d’Espagne. Il ne s’est rien passé qui doive [fo 4] faire soupçonner la fidélité des peuples en général. Il est vrai qu’il y a bien des gens qui souffrent par la guerre, parce qu’il est impossible que cela soit autrement. Les quartiers d’hiver, et les passages continuels de troupes, joints aux contributions ordinaires sont un poid considérable, que beaucoup de lieux pauvres par eux mesmes, et par la fénéantise de leurs habitants, ont de la peine à supporter. La mauvaise récolte de l’année dernière a esté un surcroît de mal pire que tout le reste, mais au milieu de tout cela, on n’a pas vût qu’il y ait eu en aucun [fo 4vo] endroit, ni des plaintes trop aigres, ni la moindre disposition à se soustraire de la soumission due aux magistrats, et à l’autorité royale. D’ailleurs, que peut on craindre pendant que le Roy d’Espagne a actuellement cent vingt-trois bataillons & cent soixante escadrons, tant des troupes de V. M. que des siennes, et qui occupent d’un costé les royaumes de Navarre, d’Aragon, et de Valence, et de l’autre l’Andalousie, l’Estrémadure, & la Galice, & qui par conséquent envelopent les deux castilles, et tout le reste du continent intérieur d’Espagne. J’ay des relations continuelles dans toutes les provinces. [fo 5] Le président de Castille, et celuy du Conseil d’Hazienda, qui en ont encore de plus générales, & de plus fréquentes par l’obligation de leurs emplois, & qui sont des ministres très sûrs, et très attachés au Roy votre petit-fils, ne savent rien, non plus que moy qui doive faire apréhender l’effet des mauvaises dispositions qu’on attribue aux peuples. Je ne laisseray pas cependant de redoubler mon attention, pour être informé de tout ce qui regarde une matière aussi importante, et pour en rendre compte à V. M.
Après cela, [fo 5vo] Sire, si V. M. me permet de dire ce que je pense la source de tous ces bruits est le mécontentement de quelques seigneurs qui ne peuvent s’accoutumer à n’être pas les maistres qui se plaignent sans cesse durement, qui disent qu’on ne ménage ny la nobless ny le peuple qu’on renverse les lois, et les usages si sagement établis, que les tribunaux n’ont plus d’autorité, et qu’en un mot tout achèvra de se perdre en Espagne, si on ne prend d’autres mesures .
Ces seigneurs [fo 6] colorent en mesme temps ces plaintes de l’amour de la patrie, & du bien public, ainsi que de leur attachement aux véritables intérests du Roy leur maître. J’ay déjà eu l’honneur, Sire, en d’autre occasions d’informer V. M. de ces discours. Ils ont estés renouvelés, & répétés avec plus d’art que jamais à tous les voyages que Monseigneur le duc d’Orléans a fait à Madrid ; mais comme ce prince estoit averti des tentatives qu’on ne manqueroit pas de faire auprès de luy, dans la vue de causer quelque nouveauté, & que S. A. R. a d’ailleurs toute la pénétration nécessaire pour connoistre le principe et la fin de pareilles insinuations, il a paru [fo 6vo] que cela ne faisoit aucune impression sur son esprit. On ne s’est pas rebuté ; on a redoublé les mesmes discours à ce prince pendant le dernier séjour qu’il a fait icy, à ce qu’il m’a dit luy mesme et j’ay sceu que quelques uns de ces seigneurs avoient été sur le point de dépescher un homme de leur confiance à Votre Majesté pour luy faire de grandes représentations sur la matière.
Je ne puis m’empescher en cet endroit, Sire, sans prétendre canoniser tout ce qui se fait en Espagne par rapport au gouvernement, de toucher en peu [fo 7] de mots ce qu’on peut répondre aux plaintes de ceux qui blâment le gouvernement.
Le Roy d’Espagne est un prince juste, mesme jusqu’au scrupule, et qui dans les choses douteuses décide toujours contre luy mesme à l’exemple de V. M. J’ose dire que ceux qu’il honore de sa confiance, ne luy inspirent rien de contraire. Il a éprouvé l’amour de ses peuples dans la révolution de l’année 1706. Il a une atention continuelle à les soulager autant que la nécessité des conjonctures le peut permettre, et l’on a toujours eu ce point de vüe, autant par un principe de reconnoissance, que de politique [fo 7vo] dans les affaires de finances qui se présentent à faire. Il a déchargé d’imposts pendant plusieurs années tous les lieux qui ont souffert par l’invasion des ennemis, et il n’y a aucun de ses sujets d’Aragon, Valence et Catalogne, qui se sont maintenus fidèles malgré la rébellion, qui n’ayent esté assistés, et récompensés à proportion de leur naissance, ou de leurs services.
L’affaire des Alcavalas et des autres droits aliénés de la Couronne, a esté à la vérité la plus hardie qui ait jamais été faite en Espagne, et qu’aucun des Roys prédécesseurs de [fo 8] Philippe 5e n’avoit osé tenté, mais elle a esté conduite d’une manière, dont personne n’a pû, ni dû se plaindre après le premier bruit qu’elle a causé. Le Roy votre petit-fils a nommé quatre juges des plus intègres, et de la plus grande réputation qu’il y ait à Madrid, et a reglé ses décisions sur leurs avis. Il a fait cesser au bout de deux ans la joüissance qu’il s’estoit justement attribuée de ces sortes de revenus malgré la continuation de la guerre, par des raisons qu’il seroit inutile, et trop long d’expliquer icy. On ne peut pas dire qu’il ait esté fait injustice à personne. [fo 8vo] Le Roy d’Espagne a répandu et répand tous les jours mille grâces sur ses sujets de toutes conditions. Il n’a point de favoris, qui amassent des richesses au dépens du public, et qui arrachent pour eux, ou pour leurs parents, les récompenses que d’autres auroient plus justement méritées.
La Reyne est polie, gracieuse, & très bienfaisante. Elle n’a jamais voulu recevoir aucun présent, ni de ses sujets, ni du Roy mesme. Elle n’a jamais acheté un diamant, ni un bijou, et l’on peut dire avec vérité que leurs Majtés Cat. ne dépensent pas cinq cent pistoles par an au-delà du pur [fo 9] nécessaire pour l’entretien de leurs personnes. Cela est connu de tout le monde, et les Espagnols ont la consolation de voir que l’argent qu’on tire d’eux pour les besoins de la guerre, sont uniquement, & utilement employés à cette destination.
Madame la Princesse des Ursins, outre tout ce qu’on luy connoit de mérite, a en tout le procédé du monde le plus noble. Elle a fait du bien à ceux mesmes qui sont ses ennemis, et pour tout ce qui s’appelle intérêt, elle en est tellement éloignée, que souvent elle n’est pas payée de ses appointements, et de ses pensions, parce qu’elle ne songe pas à les faire demander. [fo 9vo] C’est une justice qui luy est due, et l’on ne peut dire le contraire sans une malice noire.
Il est vray que les Grands ont peu d’autorité, que le Roy d’Espagne ne se confie à personne, que les tribunaux ne disposent plus de beaucoup de choses dont ils estoient auparavant les dispensateurs, mais V. M. Sire, a connu depuis longtemps la nécessité de mettre les choses sur ce pied, pour maintenir le Roy d’Espagne sur sont trône. Il y a quatre ans que S. M. C. n’avoit, ni troupes, ni armes, ni artillerie, [fo 10] ni rien en un mot de tout ce qu’il faut pour la guerre, que les domestiques de sa maison n’estoient point paysé, que ses gardes du corps mouroient de faim, et estoient obligés d’aller manger la soupe qu’on distribue aux portes des couvents. C’estoit cependant alors les ministres du cabinet qui gouvernoient, et les Conseils régloient, chacun dans son département, toutes les affaires qui se présentoient, le Roy d’Espagne se conformant toujours à leurs consultes.
V. M. Sire, sait tous les changements qu’il y a eu depuis dans les affaires, et l’estat où elles sont présentement en Espagne. [fo 10vo] Je ne crois pas que personne conseille à S. M. C. de reprendre les anciens usages, qui dans le fonds n’estoient nullement conformes aux loix, et de se mettre à la discrétion de gens, qui trouvoient moyen dans un temps de paix de ne pas laisser au Roy Charles Second de quoy aller se promener à Aranjuès, ou à l’Escurial, lorsque l’envie luy prenoit d’y passer quelques semaines. La différence de l’estat présent, ne vient que de ce qu’on a mis de l’ordre, et de la règle dans l’administration des revenus du Roy d’Espagne ; qu’on a appliqué à son profit, du moins autant qu’on a pu, beaucoup d’effets, et de revenus, qui estoient dissipés [fo 11] par les ministres, par les Conseils, et par les bas officiers de justice, de police, et de finances, chacun dans l’étendue de son ressort, sans qu’ils en sussent gré au Roy leur maître.
Personne en ce pays-cy n’estoit accoutumé à obéir et les seigneurs pouvoient beaucoup plus pour l’avancement de leurs créatures dans les règnes précédents que les Roys mesme qui ne voyaoitne que par les yeux de leurs favoris les choses [fo 11vo] dans le cours naturel où elles doivent estre, et quoi qu’il s’en faille beaucoup qu’on y soit parvenu on ne laisse pas d’avoir fait un assez grand chemin.
Il n’est pas possible de toucher sérieusement à deux articles aussi importants, sans que beaucoup de gens, qui profitoient de la confusion ne trouvent mauvais qu’on veüille la faire cesser. Il n’y a sorte de discours, de tentatives, et d’artifices qu’on n’ait employé pour obliger à changer de mesures, et pour intimider l’ambassadeur de V. M., mais quand on agit avec des intentions pures, qu’on n’a d’autre intérest, [fo 12] et d’autre règle que celle de son devoir, qu’on peut se flatter d’avoir acquis quelque connoissance par un long usage, et que l’on suit les ordre d’un maître à qui l’on est pleinement dévoué, on ne se laisse point ébranler ni par la crainte, ni par le faux espoir de contenter tout le monde, et l’on suit son objet avec courage malgré les obstacles qui se présentent. Je crois Sire, que c’est ainsy que V. M. veut etre servie.
Sur ce qu’on dit que les mesmes gens qu’on a cru jusqu’à présent sans crédit seroient suivi d’un nombreux parti lorsqu’ils auroient [fo 12vo] eu la hardiesse de faire quelque démonstration contraire à la fidélité qu’ils doivent à leur maître, je n’en connois point Sire de capables de faire cette démonstration publique et j’ay bien de la peine à croire que ceux qui n’ont osé lever le masque lorsque les ennemis ont esté les maîtres de Madrid soient assez hardis pour se déclarer lorsque S. M. C. a reconquis les royaumes d’Aragon & de Valence, [fo 13] & une partie de la Catalogne, et que ce prince a près de quatre vingt mille hommes de bonnes troupes en Espagne, en comptant celles de V. M. de vouloir persuader que ces mêmes gens seroient suivis d’un nombreux parti, c’est encore ce que l’expérience rend difficile à croire. Les peuples et les particuliers d’une condition médiocre hayssent les Grands. Ils savent depuis la trahison de l’Amirante, [fo 13vo] les discours séditieux de plusieurs seigneurs et leur lâche indifférence pour le service de leur Roy, ont été causes des entreprises que les ennemys ont formées sur l’Espagne. Il y a eu des moments mesme ou rien n’auroit esté plus aisé que de faire brusler les maisons de ces Grands par le peuple & enfin quoiqu’on ne puisse jamais répondre de l’avenir, il est certain au moins après tout ce qu’on a vu, [fo 14] qu’on ne doit rien craindre en Castille moralement parlant de tout ce qu’on appelle révolte ou soulèvement.
Il ne s’est rien passé de nouveau depuis le dernier ordinaire.
Je suis avec un très profond respect,
Sire,
De V. M.
Le très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur, & sujet.
Amelot.
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