Chapitre v
La présence espagnole dans le Saint-Empire à l’épreuve de la guerre (1617-1624)
p. 145-184
Texte intégral
1Pour rendre compte de l’entrée en guerre de la Monarchie Catholique dans le Saint-Empire en 1618, deux grandes traditions historiographiques peuvent être distinguées. La première insiste particulièrement sur l’importance du lien dynastique entre les maisons d’Espagne et d’Autriche, entre Philippe III et l’archiduc Ferdinand de Styrie, le futur Ferdinand II : c’est la volonté de maintenir un Habsbourg à la tête du royaume de Bohême puis de l’Empire qui pousse les Espagnols à intervenir de manière aussi énergique dès 1618. Cette explication laisse également une place aux enjeux stratégiques spécifiques de la monarchie espagnole puisque le traité de Graz de 1617 prévoyait l’aide hispanique en échange de la cession de territoires permettant de renforcer le camino español et donc les communications entre le Milanais et les Pays-Bas1. La seconde tradition met davantage en relief le rôle de premier plan que joue alors l’ancien ambassadeur à Vienne, Baltasar de Zúñiga, qui siège depuis peu au Conseil d’État espagnol : fort de sa connaissance approfondie du Saint-Empire et en apparence peu concerné par les luttes de factions courtisanes entre les partisans du duc de Lerma et ceux de son fils, le duc d’Uceda, Zúñiga est en mesure de décider Philippe III à une intervention rapide dans l’Empire2. Ces deux traditions historiographiques ne s’ignorent évidemment pas et peuvent se recouper au moins partiellement. Toutefois, elles tendent toutes deux à trop isoler la Monarchie Catholique et les Espagnols du contexte impérial dans lequel ils sont amenés à intervenir. En d’autres termes, peu d’attention est prêtée aux facteurs proprement germaniques qui peuvent avoir une influence sur les formes et les objectifs de l’intervention hispanique.
2Il s’agit pourtant d’une question importante pour comprendre la dimension « internationale », et plus encore globale, du conflit qui s’ouvre en 1618. En effet, après de nombreux efforts pour démêler les différentes participations « nationales » et les origines confessionnelles du conflit3, le débat a porté, à partir des années 1960, sur son caractère international, avec parfois le risque de le ramener à un simple moment de l’affrontement séculaire entre les Habsbourg et la maison de France4. À bien des égards, on peut considérer, avec Johannes Burkhardt, que la guerre de Trente Ans est « la guerre des guerres » c’est-à-dire la conjonction dans l’espace impérial de différents conflits européens ou impériaux5. Dans ce processus, le rôle de la monarchie espagnole est central : d’une part, elle est l’un des rares protagonistes permanents des affrontements. D’autre part, elle intervient, directement ou indirectement, sur les différents théâtres militaires, cherchant à promouvoir ses intérêts tout en défendant les droits de l’empereur ou des catholiques impériaux. Ainsi, une façon de restituer une unité au conflit qui se déroule de 1618 à 1648 consiste à faire de la Monarchie Catholique une des entrées possibles pour analyser cette guerre de Trente Ans sans l’isoler de la lutte entre les monarchies française et espagnole.
3En réalité, cette intervention, qu’elle se déroule en Bohême ou dans le Palatinat, prend place à un moment paradoxal de la présence espagnole dans l’espace impérial : depuis le début du xviie siècle, le réseau de clientèle hispanique a été considérablement développé mais la présence physique des Espagnols dans le Saint-Empire, notamment dans le Palatinat, confronte les clients du Roi Catholique à la réalité de la signification de ce lien de clientèle. Participer à ce réseau ne signifie pas seulement percevoir une pension et transmettre des informations à un diplomate, il s’agit désormais de prendre position ouvertement dans des débats qui agitent l’Empire, voire qui le déchirent. De ce point de vue, l’intervention des Espagnols constitue un moment décisif pour le développement ultérieur de leur présence dans le Saint-Empire.
4Dans ce contexte, Johann Schweikard von Cronberg joue un rôle particulier : à la tête de l’archevêché de Mayence depuis 1604, il a noué des relations d’amitié avec Zúñiga6, ce qui le désigne comme relais de l’influence hispanique auprès des autres princes territoriaux germaniques, et notamment auprès des autres princes-électeurs. Il devient donc intéressant d’étudier l’impact de l’intervention de la Monarchie Catholique sur son réseau de clientèle et la façon dont Johann Schweikard von Cronberg tente de mettre à profit cette nouvelle proximité avec ses protecteurs.
I. — LES DÉBUTS DE LA GUERRE DE TRENTE ANS
5Le 23 mai 1618, des membres des États de Bohême défenestrent trois conseillers praguois de l’empereur Matthias pour protester contre la politique religieuse menée dans leur royaume. Un peu plus d’un an après, en août 1619, ces mêmes États déposent le roi de Bohême, l’archiduc Ferdinand de Styrie, et élisent comme roi le comte palatin du Rhin Frédéric V. Ces événements ouvrent un conflit dont personne n’imagine encore l’ampleur. Même si le comte d’Oñate, le nouvel ambassadeur espagnol en poste à Vienne et non à Prague, estime à sa juste valeur la gravité de l’« offense commise » envers les régents Martinic et Slavata et le secrétaire du roi de Bohême, il ne pressent pas encore les implications plus générales de la crise ainsi ouverte7. L’intervention militaire conjointe des forces hispano-impériales laisse penser dans un premier temps que si le problème n’est sans doute pas définitivement résolu, la situation est quant à elle maîtrisée. C’est en grande partie le sens des sept premières années de ce conflit qui sera par la suite connu sous le nom de guerre de Trente Ans : l’ordre mis en place par les Habsbourg à l’échelle du Saint-Empire et, plus largement, de l’Europe est contesté mais il n’est pas renversé. La Monarchie Catholique n’en est pas moins contrainte d’apporter des modifications à la forme de sa présence dans l’espace germanique.
1617 : une routine espagnole dans le Saint-Empire
6Le 6 juin 1617, l’élection de l’archiduc Ferdinand de Styrie à la couronne de Bohême paraît enfin apporter un semblant d’ordre dans les affaires successorales concernant les Habsbourg d’Espagne et d’Autriche : depuis l’avènement de Rodolphe II en 1576, une telle élection ne s’était pas produite sans susciter d’opposition armée au sein de la fratrie issue de Maximilien II. Le processus de désignation d’un roi des Romains peut dès lors être envisagé dans un climat de relatif apaisement. Surtout, cette situation permet aux Espagnols de regarder leur relation avec le Saint-Empire dans une autre perspective que celle imposée par la question de la continuité dynastique.
7Alors qu’approche le terme de la trêve de Douze Ans conclue en 1609 avec les Hollandais et qu’un débat sur le bien-fondé de son renouvellement a lieu dans les instances de gouvernement espagnol, le danger que représentent les Provinces-Unies ne semble pas être la préoccupation majeure des agents de la Monarchie Catholique. À bien des égards, les provinces rebelles paraissent même être un centre d’intérêt secondaire. En octobre 1617, le comte d’Oñate est ainsi d’avis qu’il est possible d’enlever « cinq mille hommes à l’Armée des Flandres et [de] placer une troupe suffisante aux confins de l’Allemagne pour y contenir les calvinistes8 ». Quelques mois plus tard, dans les premières semaines de l’année 1618, Oñate confirme l’idée qu’une action commune entre les calvinistes de l’Empire et les Hollandais est peu probable. Au projet madrilène de « secourir les Catholiques d’Allemagne au cas où les Hollandais y entreraient en faveur des protestants », l’ambassadeur espagnol fait valoir « qu’il y a peu de raison de craindre cela en raison des discordes de Hollande »9. De manière indirecte, Oñate fait ici référence aux luttes politiques et confessionnelles qui opposent, d’une part, l’avocat de Hollande Oldenbarnevelt et une faction religieuse modérée connue sous le nom d’Arminiens, et, d’autre part, les « contre-remontrants » gomaristes, adeptes d’une plus grande intransigeance religieuse et proches du stathouder Maurice de Nassau, partisans d’une politique extérieure plus agressive et d’une organisation politique plus centralisée10. L’un des enjeux de cette lutte est la prolongation de la trêve avec la monarchie ibérique, projet qui a la faveur d’Oldenbarnevelt. Du point de vue immédiat des Espagnols, l’avantage de ce conflit interne aux Provinces-Unies est de diminuer, voire de réduire à néant, leur capacité d’intervention dans le Saint-Empire.
8La république de Venise représente en revanche une menace plus précise pour les Habsbourg d’Espagne comme pour ceux d’Autriche, et le conflit dans lequel elle s’engage donne à voir les lignes de force diplomatiques qui traversent les États européens11. En effet, depuis 1615, les Vénitiens ont entrepris de lutter contre la piraterie des Uscoques, sujets de Ferdinand de Styrie, également archiduc du Tyrol, installés dans les ports adriatiques de Senj et Rijeka. Ces derniers constituent pour la Sérénissime un double danger : non seulement ils attaquent les navires de la République mais, en s’en prenant aussi aux bateaux ottomans, ils font courir le risque aux Vénitiens d’une incursion turque pour faire disparaître cette zone d’insécurité maritime12. Face à l’ampleur de l’offensive vénitienne, à laquelle participent des mercenaires hollandais et anglais ainsi que les troupes du duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier sur le front secondaire du Milanais, l’archiduc Ferdinand doit accepter l’aide militaire espagnole13. Le gouverneur de Milan, le marquis de Villafranca et Baltasar de Zúñiga, depuis Vienne, prennent en charge la levée et la solde de troupes qui portent secours à la forteresse de Gradisca, assiégée en 1617 par l’armée vénitienne14. À cette occasion, un client du Roi Catholique se distingue, Baltasar de Marradas, qui parvient à faire passer des renforts dans la ville assiégée15. Pour cette raison, il est choisi par le comte d’Oñate et le marquis de Bedmar, ambassadeur espagnol à Venise, pour s’assurer que la restitution de places prévue par la paix, négociée à la fin de l’été 1617, soit observée par les Vénitiens16.
9Loin d’être une répétition générale de la guerre de Trente Ans, cet épisode de la guerre des Uscoques s’inscrit davantage dans le conflit complexe et multiforme qui oppose la monarchie hispanique à la république de Venise durant les premières décennies du xviie siècle. Pourtant, cette affaire inquiète durablement les Espagnols : à cette occasion, ils prennent conscience que l’hostilité envers la Monarchie Catholique et la maison des Habsbourg est à même de cimenter un front relativement hétéroclite. De plus, nombre de personnes voient que les connexions alors mises en place favorisent la circulation d’armes au profit d’éléments perturbateurs à l’intérieur du Saint-Empire. C’est le constat que fait notamment le conseiller Efferen dans une lettre adressée au comte d’Oñate : les canons dont dispose le comte palatin du Rhin Frédéric V viennent de l’armée vénitienne en voie de démobilisation17. Les tensions internes à l’Empire sont donc alimentées par des éléments qui lui sont extérieurs.
10Si les Hollandais ne sont provisoirement plus en mesure d’inquiéter les Espagnols, le comte palatin du Rhin continue d’être une source de préoccupations pour Philippe III et, plus largement, pour les catholiques de l’espace impérial. Frédéric V est toujours mentionné comme un éventuel perturbateur dans la succession et le soupçon qu’une « élection d’un Roi des Romains ne se tienne pas pour faire en sorte que l’Empire sorte de la maison d’Autriche durant l’interrègne et pour y placer à sa tête l’Électeur Palatin18 » demeure. Néanmoins, si Oñate semble penser que ce risque est réel, il n’en va pas de même pour Baltasar de Zúñiga, qui siège désormais au Conseil d’État espagnol, ni pour l’archiduc Ferdinand de Styrie, le candidat Habsbourg à la couronne impériale. Dans la même consulta, l’ancien ambassadeur fait ainsi valoir que, même en cas d’une candidature bavaroise qui rassemblerait les trois votes des électeurs du Palatinat, du Brandebourg et de Cologne (en raison du lien de parenté entre l’archevêque et le duc de Bavière),
elle serait en minorité puisqu’il y a sept Électeurs et le Roi Ferdinand pourrait être élu malgré cela grâce aux quatre votes restants car il est certain qu’il a le droit de voter pour lui-même19.
11De son côté, Ferdinand de Styrie
est tout à fait certain que le vote [du duc] de Saxe ne lui fera pas défaut, pas plus que celui des électeurs ecclésiastiques et pour s’en assurer davantage, le comte [d’Oñate] a envoyé Jacques Bruneau à travers l’Empire pour les informer de l’état des affaires et de la confiance certaine de Votre Majesté qu’ils ne feront pas défaut à sa très Auguste Maison en cette occasion20.
12Une relative sérénité semble donc de mise chez les Habsbourg quant à la succession impériale, sérénité qui n’empêche pas pour autant de chercher des garanties plus formelles. La présence de Zúñiga au Conseil d’État peut expliquer en partie cet état, car sa connaissance de l’espace impérial et les relations personnelles qu’il a nouées avec nombre de membres du réseau hispanique permettent au conseil de disposer de meilleures informations et d’appréhender les affaires impériales avec plus de précision21.
13En définitive, le principal motif d’inquiétude semble être les prétentions nouvelles du duc de Bavière Maximilien Ier. Ce dernier apparaît à plusieurs reprises comme un nouveau concurrent dans le processus électoral pour la couronne impériale, même s’il s’agit davantage d’une manœuvre tentée par l’électeur palatin et les calvinistes du Saint-Empire, conscients qu’une candidature issue de leurs rangs est vouée à l’échec :
Comme ils [les calvinistes] doutent de pouvoir réussir lors de leur première tentative, ils projettent maintenant de présenter le duc de Bavière qui a une correspondance plus étroite qu’a l’accoutumée avec l’Électeur Palatin […]. Il n’y a que le Duc [de Bavière] qu’il faille craindre dans la compétition pour l’Empire puisque, comme les deux Électeurs Calvinistes se sont déclarés pour lui, il ne lui manquera plus que son frère l’Électeur de Cologne22.
14Il s’agit d’un fait nouveau et important dans la mesure où une telle possibilité remet en cause l’alliance et le lien de clientèle anciens qui existent entre la Monarchie Catholique et le duché de Bavière.
15Dans un premier temps, la possibilité d’une candidature bavaroise à la couronne impériale est rejetée, tant de la part des Espagnols que de celle du duc lui-même. Zúñiga, qui « est si bien informé de ces choses », fait valoir que
les Calvinistes ont l’habitude d’avoir recours à des artifices pour semer parmi les Princes de la maison d’Autriche et leurs ministres la méfiance envers celle de la Bavière pour les diviser, ce qui serait la ruine complète de la religion et de l’état des deux maisons si cela se produisait23.
16Maximilien Ier de Bavière lui-même envoie un conseiller, le comte Johann Georg von Hohenzollern, auprès d’Oñate pour le rassurer quant aux manœuvres des calvinistes : il n’est pas dupe du fait que leur premier objectif est d’abord d’éloigner les deux princes catholiques l’un de l’autre24. Malgré les dénégations bavaroises et la volonté réitérée des Espagnols de continuer à « faire grand cas du Duc de Bavière », la « bonne correspondance » entre Philippe III et Maximilien Ier n’est désormais plus une évidence25. En témoigne le débat qui a cours parmi les Espagnols au sujet de l’organisation de la Ligue catholique : alors que Spinola et l’archiduc Albert souhaitent que l’empereur Matthias la dirige, Baltasar de Zúñiga plaide au contraire pour que soit maintenue l’ancienne forme de direction dans laquelle le duc de Bavière disposait d’un des deux directoires. Une voie moyenne est proposée par le duc de l’Infantado qui tente d’établir une synthèse des deux avis précédents et expose une forme de position madrilène sur le problème : selon lui, il convient de conserver les deux directoires de la Ligue en laissant l’empereur et les électeurs ecclésiastiques en nommer les directeurs, à la condition que le général de cette Ligue agrée au Roi Catholique. Une telle proposition permettrait de conserver le respect dû au duc de Bavière sans pour autant lui laisser la possibilité d’agir « sans consulter pour cela l’Empereur ni aucun des ambassadeurs des coalisés », parmi lesquels le Roi Catholique26. Cette position marque la nouvelle ambivalence des Espagnols à l’égard du duché de Bavière : il demeure un pôle essentiel du catholicisme dans l’espace impérial mais il n’est plus l’allié inconditionnel de la monarchie ibérique qu’il était depuis le milieu du xvie siècle.
17L’année 1617 paraît relativement normale dans le cours de la présence espagnole à l’intérieur du Saint-Empire : la continuité dynastique à la tête de ce dernier semble assurée et les menées des ennemis traditionnels du Roi Catholique (Provinces-Unies et Palatinat) se font nettement moins pressantes. Quant aux divergences qui commencent à apparaître avec le duché de Bavière, elles ne constituent pas un motif de préoccupation de premier plan.
« Non habebimus alium Caesarem nisi Regem »
18Lorsque les Défenseurs protestants de Bohême pénètrent dans le Hradschin et contraignent les régents catholiques du royaume, Slavata et Martinic, ainsi qu’un secrétaire du roi, à la défénestration, une nouvelle séquence chronologique s’ouvre27 : dans l’impossibilité d’infléchir la politique de recatholicisation menée par Ferdinand de Styrie en Bohême, les protestants font alors le choix de la remise en cause des Habsbourg. L’importance de cet événement ne tient pas seulement à ses conséquences à plus ou moins longue portée mais aussi au fait qu’il est jugé comme considérable par les contemporains et qu’il « est pris dans une chaîne », dans une série qui a « des antécédents et qui a des suites »28. En s’inscrivant dans les différentes catégories de la typologie de l’événement donnée par Fernand Braudel, la défénestration de 1618 semble même conduire à une accélération du mouvement historique qui amène la Monarchie Catholique à envisager sous un jour nouveau ses objectifs et les formes de sa présence dans l’espace impérial.
19Les Espagnols sont rapidement informés par plusieurs canaux des événements de Prague et de leur gravité. L’ambassadeur à Vienne, le comte d’Oñate, prévient Philippe III et son courrier arrive à Madrid environ un mois après les faits29. À cette première information s’ajoutent celles données après coup par des agents hispaniques qui tirent parti de leur proximité géographique avec le Saint-Empire ou de leurs connaissances plus précises de celui-ci. Ainsi, dans le courant de l’année 1619, un conseiller aulique impérial présent à Madrid, Johann von der Recke, et un client du comte de Gondomar résidant dans les Pays-Bas, Pedro Pardo Rivadeneyra, rédigent des mémoires dans lesquels la défénestration est décrite et analysée30. Tous deux insistent sur la gravité des faits survenus à Prague : Pardo Rivadeneyra évoque la « rébellion » comme un des facteurs qui mettent « l’Empire dans un état très dangereux31 » ; quant à von der Recke, il la déclare « si énorme et exorbitante » qu’elle relève « du crime de lèse-majesté divine et humaine »32. Ce faisant, tous deux soulignent le caractère politique de cette rébellion. En revanche, seul le conseiller impérial analyse plus en détail les origines religieuses de cette révolte. Il la met en rapport avec la lettre de majesté de 1609 accordée par Rodolphe II, qui concède la communion sous les deux espèces en Bohême, et avec les abus des protestants qui tentent d’édifier des temples réformés sur les territoires ecclésiastiques depuis le règne de Matthias. Selon le conseiller, la réaction de Ferdinand de Styrie, alors roi de Bohême depuis 1616, n’est qu’une application normale du principe de souveraineté et de justice :
Il ne s’est pas écarté de sa première sentence et résolution et a ordonné que ceux de Braunau ferment leur temple et qu’ils en déposent les clés à la Chancellerie Royale ; comme ils sont restés dans leur erreur, quelques-uns d’entre eux ont été capturés et conduits dans une prison publique33.
20Événement politique et religieux, la défénestration est donc signalée dès l’origine aux gouvernants espagnols comme un fait extrêmement grave qui remet en cause la religion catholique et l’ordre politique en Bohême. De ce point de vue, la défenestration s’apparente bien à un événement révolutionnaire : si le terme n’apparaît pas dans la documentation espagnole, l’idée qu’un ordre établi est subverti est présente dans les mémoires de von der Recke et Pardo Rivadeneyra34.
21Pourtant, les hommes de la Monarchie Catholique tentent d’en minimiser l’importance. S’adressant aux électeurs ecclésiastiques pour leur expliquer les raisons de l’intervention hispanique en Bohême, le comte d’Oñate ne parle que d’une « sédition » et en fait une affaire strictement interne à la dynastie des Habsbourg35. Sans se livrer à une surinterprétation des mots employés, notons que le terme de « sédition » désigne au xviie siècle une « émeute qui éclate dans un peuple lorsqu’il se divise en partis et qu’ils en viennent aux mains36 » ; il semble donc davantage s’inscrire dans la tradition des luttes de factions familières aux Espagnols. L’idée d’une contestation radicale du pouvoir en est absente. En parlant de « sédition », l’ambassadeur tâche de réduire la portée de cet événement : pour éviter que les princes allemands ne s’inquiètent de l’arrivée d’une armée espagnole dans l’espace impérial, il essaie d’isoler les événements de Bohême d’un contexte germanique tout aussi susceptible de remettre en question la domination des Habsbourg. L’écart entre les mots employés par Oñate quand il s’adresse aux électeurs ecclésiastiques et la réalité de la situation praguoise bien connue des Espagnols semble donc indiquer qu’ils craignent que le conflit ne touche rapidement le reste du Saint-Empire.
22En effet, la défénestration de Prague intervient alors que des partis définis par une appartenance confessionnelle et dotés de leurs propres armées se développent et se structurent dans le Saint-Empire. Dans la perspective espagnole, la menace principale vient une fois de plus du Palatinat rhénan. À la fin du mois de juin 1618, soit au moment où la nouvelle de la défénestration parvient à la cour d’Espagne, Oñate transmet à Madrid une information de Ferdinand von Efferen selon laquelle le comte palatin Frédéric V se procure des canons auprès des Vénitiens37. Trois mois plus tard, c’est par l’intermédiaire de Philipp Christoph von Sötern, évêque de Spire, que l’ambassadeur espagnol est averti des risques d’une attaque du Palatinat contre l’Alsace38 : il s’agit alors non seulement d’un espace d’une importance cruciale pour le maintien du système de communications de la Monarchie Catholique entre le Milanais et les Flandres, mais aussi de l’un des territoires patrimoniaux des Habsbourg, raisons pour lesquelles l’archiduc Léopold a été désigné évêque de Strasbourg en 1607. Si ces informations ne semblent pas directement reliées aux événements de Bohême, les doutes hispaniques quant à l’intention du comte palatin d’exploiter la nouvelle situation à Prague sont levés une année après la défénestration. Dans une lettre à l’archevêque de Mayence Johann Schweikard von Cronberg, transmise par ce dernier au comte d’Oñate, le comte palatin du Rhin dit voir d’un mauvais œil « le fait de faire venir des étrangers dans l’Empire, soulignant l’expédition qui a été faite depuis les Flandres39 ». À cette occasion, il ne prend pas seulement parti contre l’intervention précoce des soldats espagnols depuis les Flandres en faveur de Ferdinand de Styrie, il menace ouvertement d’une extension du conflit. Selon lui, les affaires de Bohême « en sont arrivées à un point tel qu’il semble qu’elles ne pourront pas se résoudre sans que beaucoup de sang ne soit versé puisque d’autres Provinces s’y trouvent intéressées40 ». Le risque d’une remise en cause de l’ordre instauré par les Habsbourg dans l’espace impérial se concrétise finalement lorsque Frédéric V accepte la couronne de Bohême en octobre 1619, alors que les cinq autres électeurs de l’Empire le lui ont formellement déconseillé.
23Dans une telle situation, les hommes de la monarchie hispanique ne se contentent pas de rassembler des informations ; grâce à cette collecte, ils sont souvent en mesure d’agir avec un coup d’avance. C’est de cette logique que procédait la volonté d’isoler les « affaires de Bohême » de celles du Saint-Empire, comme cela vient d’être vu. La réorganisation de la Ligue catholique, pourtant fondée par le duc de Bavière, Maximilien Ier, en participe également : lorsque le projet de création d’une nouvelle alliance militaire entre princes catholiques du Saint-Empire commence à voir le jour au début de l’année 1619, Oñate
leur donne très clairement à comprendre que ce qu’il s’agit de faire est de restaurer la ligue catholique pour la conservation de la Religion et l’autorité Impériale et la sécurité de ses personnes et de ses États et pour établir la paix et la tranquillité de l’Empire41.
24Trois semaines plus tard, Johann Schweikard von Cronberg informe Oñate qu’une réunion pour reformer la Ligue catholique a eu lieu et qu’une organisation bicéphale a été mise en place. La Ligue est constituée de deux directoires, l’un pour la région danubienne et sous la direction de Maximilien Ier de Bavière, l’autre pour la région rhénane et sous l’autorité de l’archevêque de Mayence. Dans son courrier, Johann Schweikard von Cronberg reconnaît les difficultés à trouver un accord entre les princes rhénans et la maison de Bavière et ajoute que « si Votre Excellence, grâce aux bons offices rendus par Bruneau, ne les avait vaincues, maintenant encore on ne pourrait en attendre grand-chose42 ». Mais les Espagnols ne se contentent pas d’être les facilitateurs d’une négociation au sein du parti catholique de l’Empire, ils en sont un des soutiens logistiques puisqu’ils fournissent au directoire du Rhin « un demi-régiment d’infanterie en Bourgogne et un autre dans la région d’Alsace ». Comme le fait alors remarquer l’archevêque de Mayence, sans un tel engagement « tout n’aurait peut-être pas été empêché mais l’accord aurait été à tout le moins bien plus difficile » à trouver43.
25De la même façon qu’ils s’impliquent dans les affaires germaniques pour ne pas laisser le champ libre aux calvinistes et, plus généralement, aux ennemis des Habsbourg, les Espagnols interviennent précocement dans la rébellion de Bohême. Ainsi, alors que la Ligue catholique vient d’être reconstituée mais n’est pas encore opérationnelle et que la mort de Matthias en 1619 ouvre une période de vacance de la couronne impériale, la monarchie hispanique apparaît comme l’une des rares à pouvoir mobiliser des forces et à intervenir pour mettre fin à la révolte de Bohême. Dans un courrier adressé aux trois électeurs ecclésiastiques et à « d’autres Princes de l’Empire », le comte d’Oñate les informe d’une prochaine arrivée de troupes en provenance des Flandres :
Voyant que les Bohêmes persistent dans leur obstination et ayant reçu des avis certains de ce qu’ils ourdissent dans et hors d’Allemagne contre sa Maison Royale, [Philippe III] a ordonné de lever des troupes d’Infanterie et de Cavalerie et de les envoyer en Bohême et cela à seule fin de conserver les Provinces patrimoniales de la Maison d’Autriche dont dépend en grande partie la paix publique d’Allemagne44.
26La justification avancée par l’ambassadeur espagnol paraît à première vue conforme à la tradition hispanique : les troupes de Philippe III agissent pour préserver les territoires patrimoniaux des Habsbourg et pour sauvegarder le Saint-Empire. Néanmoins, le fait qu’ils soient les premiers, et pour l’instant les seuls, à intervenir place les Espagnols dans une position délicate puisqu’il leur faut maintenir l’apparence du respect des constitutions impériales. Dans le même temps, Oñate s’active pour aplanir les difficultés qui pourraient surgir lors de la désignation du nouvel empereur : il insiste ainsi auprès des princes catholiques sur le besoin d’un retour rapide à la paix et il essaie de faciliter une tentative d’accord entre les trois électeurs ecclésiastiques45.
27Pourtant, toute cette activité et cette apparente position de force ne cachent pas les doutes soulevés par une intervention militaire dans laquelle les aléas peuvent être nombreux. Comme l’évoque à mots couverts Oñate, la révolte de la Bohême remet également en question la présence espagnole dans l’espace impérial :
Tous les fidèles de sa Majesté, où qu’ils se trouvent, l’aideront avec d’autant plus d’énergie et de plus grands moyens qu’ils verront leurs affaires en état de s’améliorer et ils l’abandonneront totalement s’ils voient qu’elle ne peut défendre ses fidèles46.
28En plus d’être une application pratique de la « réputation » tant recherchée par les souverains de l’époque moderne et le témoignage de la réciprocité des liens de fidélité, ce constat détermine la vigueur avec laquelle la Monarchie Catholique essaie de faire face au défi que lui oppose la révolte de Bohême. Il révèle enfin les limites de l’implantation hispanique dans le Saint-Empire : « les fidèles » de Philippe III, c’est-à-dire ses clients et ses alliés, sont également mus par leurs intérêts spécifiques. Ainsi, à la fin de l’année 1619, la crise née en Bohême est loin d’être résolue et les Espagnols, tirés de leur routine, sont prêts à agir.
Les ambiguïtés de l’intervention espagnole (1619-1624)
29Transmise à Madrid par le comte d’Oñate la nouvelle que Frédéric V a accepté la couronne de Bohême aux dépens de Ferdinand de Styrie marque l’échec de la stratégie espagnole consistant à maintenir isolée la rébellion bohême47. Cette dernière vient alimenter la contestation de l’ordre habsbourgeois mis en place dans le Saint-Empire, contestation emmenée par le comte palatin. Les fondements de cet ordre ne sont néanmoins pas réduits à néant et continuent à influer sur la nature de la présence et, désormais, de l’intervention espagnoles dans l’Empire. L’existence d’un parti catholique structuré et le maintien de la couronne impériale en sont les deux fondements essentiels mais à partir de 1619, le nouveau contexte impérial tend à les mettre en concurrence. Il en résulte une fragilisation de la présence hispanique dans l’espace impérial.
30Alors que le cours des événements renforce les possibilités d’un affrontement confessionnel en Bohême comme dans le Saint-Empire, le parti catholique dans l’Empire demeure fragile. Même si elle a été refondée et réorganisée en novembre 1619, la Ligue catholique ne semble pas encore en mesure de pouvoir faire face à elle seule aux différentes menaces qui se précisent. À la fin du mois de novembre 1619, Oñate informe Philippe III que « les levées de la ligue catholique ne se font pas assez vite » et que les troupes du duc Jean Frédéric de Wurtemberg « ont cerné les évêchés et les électorats du Rhin »48. L’ambassadeur est même averti par l’évêque de Spire Philipp Christoph von Sötern que si Philippe III « ne les aide pas en partie à détourner les forces de l’ennemi, beaucoup d’États catholiques trouveront par nécessité un arrangement » avec le duc de Wurtemberg49. À cette occasion, la monarchie espagnole apparaît comme l’unique force en mesure d’aider les catholiques impériaux. Ferdinand de Styrie a certes été élu empereur à la fin du mois d’août 1619 mais la contestation dont il a été l’objet de la part de l’électeur palatin a contribué à affaiblir son autorité de nouvel empereur. C’est donc vers le Roi Catholique que se tournent les membres de la Ligue. En revanche, un an et demi plus tard, c’est à Ferdinand II que sont adressées les doléances de l’archevêque de Mayence Johann Schweikard von Cronberg : celui-ci se plaint du « grand danger » que court son électorat car « la troupe du Palatin n’a pas encore été congédiée » ; de plus, « ces derniers jours, les colonels Blasius Huhenberg et Kniphausen ont saccagé un lieu de l’Électeur appelé Naumburg, dans la Hesse »50. Malgré l’autorité retrouvée de l’empereur, le constat initial sur l’état réel des forces du parti catholique reste le même : sa faiblesse militaire est patente et il a besoin d’un appui extérieur qu’il cherche de préférence chez les Habsbourg d’Espagne.
31La deuxième faiblesse qui menace la Ligue catholique est le problème de son organisation interne. Alors que les Espagnols avaient dû s’impliquer en novembre 1619 pour limiter les querelles quant au fonctionnement de cette alliance confessionnelle, le problème resurgit de manière régulière dans le courant des années 1620. L’un des enjeux est de savoir quelle est la place à accorder au duc de Bavière Maximilien Ier. Celui-ci avait été le fondateur de la première Ligue catholique en 1609 et n’a jamais accepté qu’elle lui échappe ni qu’elle devienne un instrument aux mains des Habsbourg. L’une des solutions trouvée et proposée par les Espagnols dès 1619 est la création de deux directoires, l’un pour la Rhénanie et l’autre pour la région du Danube c’est-à-dire la Bavière. Mais cette solution ne semble pas satisfaire les membres de la maison de Bavière puisqu’en 1624 l’archevêque de Cologne Ferdinand de Bavière réclame que « le Duc de Bavière Maximilien soit l’unique et absolu directeur de la ligue51 ». Ce problème toujours en suspens pose la question de l’efficacité concrète de la Ligue, tiraillée entre deux orientations contradictoires : d’un côté, être un des outils de reconstruction de l’autorité impériale et de l’autre, être l’instrument au service de l’ambition — de plus en plus visible — du duc de Bavière.
32De la même façon que l’existence d’un parti catholique constitue l’un des fondements de l’ordre habsbourgeois dans le Saint-Empire, la conservation de la couronne impériale dans le giron de cette famille en est le deuxième pilier. À bien des égards, on peut également considérer que tous deux se recoupent, au moins en partie. L’accession au titre impérial se faisant par voie électorale, l’une des façons les plus sûres d’y porter un Habsbourg est de parvenir à contrôler les sept membres du collège électoral. C’est pour cette raison autant que pour son rejet viscéral de l’hérésie que Ferdinand II, récemment élu empereur, n’hésite pas à faire qualifier le couronnement de Frédéric V du Palatinat de forfaiture : cela lui permet de l’exclure du collège électoral et de procéder à son remplacement par le duc de Bavière, tout cela étant effectué sans consulter la diète d’Empire52. À cette occasion s’esquissent les convergences qui peuvent exister entre le parti catholique dans le Saint-Empire et les intérêts de l’empereur ainsi que, plus largement, ceux des Habsbourg.
33S’il y a convergence entre ces deux logiques, elles ne coïncident néanmoins pas exactement. À au moins deux reprises par exemple, durant le mois de mars 1623, le comte d’Oñate fait part des réticences espagnoles à dépouiller le comte palatin de ses territoires et de son titre électoral. Il informe ainsi le ministre de Ferdinand II, Eggenberg, que
l’Électeur de Mayence et le Landgrave Louis de Hesse et d’autres ont demandé à l’Empereur une partie du Palatinat Inférieur. Le comte [d’Oñate] en a parlé avec celui d’Eggenberg en lui faisant valoir les inconvénients que cela aurait puisqu’une fois que le Duc de Bavière aura pris le Palatinat Supérieur et une fois que l’Inférieur sera attribué, il ne restera rien sur quoi établir la Paix ni même un moyen de donner satisfaction au Roi d’Angleterre53.
34La prise en compte des intérêts du Roi Catholique, alors à la recherche d’une alliance avec Jacques Ier d’Angleterre, et la volonté de fonder une paix durable pour ne pas fragiliser le système de communications hispaniques au moment de la reprise de la guerre contre les Provinces-Unies amènent Oñate à tenir une position moyenne qui n’est ni celle des catholiques de l’Empire ni celle de l’empereur54. Cette recherche d’un équilibre est même répétée de manière explicite :
Même si sa Majesté se réjouira de ce que la translation [électorale], une fois faite, soit durable (car elle est combattue par les [électeurs] séculiers), elle ne croit pas convenable de se faire juge de ce qui ne la concerne pas puisqu’il est nécessaire de donner satisfaction au Roi d’Angleterre et aux Protestants d’Allemagne55.
35Le Roi Catholique et son ambassadeur se montrent ainsi ouverts à une possible négociation pour préserver le camino español notamment, ce qui les incite à avoir une position en retrait sur la défense du catholicisme dans le Saint-Empire.
36Même si Ferdinand II s’était dans un premier temps empressé de déchoir le comte palatin de son droit de vote, il retrouve finalement une ligne proche de celle de son cousin de Madrid, montrant que les positions des Habsbourg d’Autriche et celles d’Espagne se sont rapprochées. L’empereur évoque par exemple la « façon de réconcilier et de réintégrer le Palatin sur notre ordre et sur celui du Sérénissime Roi Catholique56 ». C’est à ce moment qu’une divergence nette apparaît entre cette ligne propre aux Habsbourg et celle qu’essaient de suivre les membres catholiques du collège électoral. Ces derniers n’envisagent alors aucune réconciliation avec Frédéric V du Palatinat, comme l’explique Johann Schweikard von Cronberg à un cardinal à Rome :
Nous souhaitons et agissons de toutes nos forces pour que les Électeurs de Saxe et du Brandebourg se joignent à notre parti et pour que nous parvenions à ce qu’ils concèdent le titre d’Électeur à la Bavière57.
37Alors que les Habsbourg s’orientent vers une éventuelle réconciliation avec les calvinistes ou, à tout le moins, s’efforcent de ne prendre aucune décision irrémédiable, la fraction catholique du collège électoral pousse dans le sens opposé.
38Dans de telles conditions, la présence espagnole dans le Saint-Empire peut ponctuellement receler des éléments contradictoires. D’un côté, les troupes espagnoles sont nécessaires au maintien d’un ordre en faveur des catholiques et du nouvel empereur mais de l’autre, ces mêmes soldats sont perçus comme une atteinte aux libertés de l’Empire. Les ennemis de la Monarchie Catholique s’efforcent d’exploiter cette contradiction, comme le rapporte le comte d’Oñate à propos du roi de France : ce dernier envoie un ambassadeur auprès de l’archevêque de Mayence moins pour plaider la cause du comte palatin que pour faire valoir que Philippe IV « est trop présent en Allemagne » et pour offrir « de pacifier l’Empire et de rendre au Collège Électoral son autorité et sa prééminence »58. L’immixtion des Français dans les affaires impériales pousse l’ambassadeur espagnol à justifier la présence des Hispaniques dans le Saint-Empire :
Les armes du Roi mon seigneur sont venues en Allemagne principalement pour conserver la Religion et la dignité impériale que les calvinistes ont essayé de subvertir. Votre Sérénité sait également mieux que quiconque que le Roi mon seigneur n’a prétendu à rien d’autre en Allemagne qu’à la quiétude et au bonheur de l’Empire et de tous les Princes obéissants et que ses conseils en tout temps et même au Convent de Ratisbonne ont toujours été enclins à la Paix, au bien public et à la conservation des lois et des constitutions de l’Empire59.
39Au-delà de la justification d’une présence qui ne semble plus aller de soi, même auprès de l’un des clients les plus importants de Philippe IV, ce discours montre la contradiction dans laquelle se trouve placée la Monarchie Catholique avec son intervention dans l’Empire : son soutien militaire est indispensable au maintien d’un équilibre impérial favorable aux catholiques mais il lui est refusé tout autre rôle dans la vie institutionnelle de l’Empire et dans les prises de décision auxquelles parviennent les princes impériaux.
40Cette limitation du rôle des Espagnols aux affaires militaires est confirmée par une lettre que Johann Schweikard von Cronberg fait parvenir à la gouvernante générale des Pays-Bas Isabelle pour maintenir à l’écart de l’Empire les Français. Selon lui, les Espagnols présents dans la Palatinat inférieur doivent laisser à l’empereur et à l’infante
la disposition des choses de la justice et du gouvernement Politique, la couronne d’Espagne se réservant pour elle-même les militaires dans l’espérance que ladite Couronne de France et les autres se satisferont de cela60.
41De manière claire, l’archevêque de Mayence souhaite confier les pouvoirs de police et d’administration du Palatinat inférieur à des princes qui ont un lien institutionnel direct avec le Saint-Empire. En dépit de leur importante fonction militaire, les Espagnols ne sont toujours pas considérés comme des membres à part entière du Saint-Empire et sont une fois de plus renvoyés à leur statut d’auxiliaires militaires. Ce fait, qui est loin d’être anecdotique, restitue toute l’ambiguïté de la présence hispanique dans le Saint-Empire au début de la guerre de Trente Ans : cette présence est vivement souhaitée par une part importante du corps impérial, catholique essentiellement, mais elle est dans le même temps vue avec méfiance puisqu’il s’agit d’une ingérence d’un souverain étranger dans les affaires du Saint-Empire.
II. — LES FAUX-SEMBLANTS DU RÉSEAU ESPAGNOL
42Les premières années de la guerre de Trente Ans constituent sans aucun doute la première épreuve sérieuse à laquelle est confronté le réseau espagnol dans le Saint-Empire. Ce ne sont pas tant l’exacerbation des tensions confessionnelles et l’extension du conflit de la Bohême à la région rhénane qui menacent la présence hispanique dans l’Empire que la contestation d’un ordre mis en place au profit des Habsbourg et le rejet précoce d’une intervention étrangère dans l’espace impérial. Dans ce nouveau contexte, le réseau des clients du Roi Catholique doit donc s’adapter mais aussi travailler à justifier l’action espagnole dans le Saint-Empire.
Un réseau toujours en expansion ?
43Plusieurs indices montrent un réseau espagnol toujours dynamique de 1617 à 1624. Par dynamisme, il faut comprendre qu’il continue à recruter de nouveaux membres, et ce dans deux directions complémentaires : l’entourage impérial à Vienne et le milieu des princes ecclésiastiques rhénans.
44Après la longue parenthèse du règne de Rodolphe II, les dernières années de celui de Matthias voient les relations hispano-impériales devenir plus étroites quand la question de la succession impériale est en passe d’être résolue avec l’élection de l’archiduc Ferdinand de Styrie comme roi de Hongrie en 1617. En témoignent notamment l’entrée de nouveaux conseillers impériaux dans le réseau de clientèle espagnol. Le comte d’Oñate rapporte ainsi avoir « annoncé au Baron Maximilian de Traumestorf [Trauttmansdorff] la gratification que Votre Majesté a jugé utile de lui accorder, ce qu’il a jugé comme il le fallait61 ». Peu de temps après, l’ambassadeur espagnol transmet à Madrid la recommandation de l’empereur Matthias pour qu’un dénommé « Juan de Molart, pourvoyeur d’armes » de Cologne touche également une pension62. À cette occasion, ce n’est pas seulement avec la capitale impériale que les Espagnols renouent mais avec des pratiques plus anciennes qui avaient été délaissées depuis Philippe II : l’empereur retrouve une place centrale dans le réseau hispanique en tant que personne apte à formuler des recommandations auprès du Roi Catholique.
45Les premières années du règne de Ferdinand II voient également des tentatives de recrutement de nouveaux clients parmi les conseillers impériaux. En 1622, le comte d’Oñate insiste ainsi sur
les bonnes qualités du Baron Stralendorf, vice-président du conseil aulique, et il lui semble que cela serait utile au service de sa Majesté de lui accorder une gratification de 1 500 florins de pension annuelle63.
46Malgré la contestation de l’élection de Ferdinand de Styrie en Bohême, il y a donc là les éléments d’une continuité entre les règnes de Matthias et de Ferdinand II. Le fait que la succession impériale semble garantie importe davantage aux Habsbourg d’Espagne que la perspective d’un conflit naissant dans le Saint-Empire et justifie l’extension de leur réseau à l’entourage impérial.
47Le renforcement de la présence de clients espagnols à Vienne fait pendant au maintien d’un des acquis du début du xviie siècle, l’existence d’un réseau hispanique dans la région rhénane. Ce dernier n’est d’ailleurs pas simplement maintenu en l’état, il est également développé et étendu. Le cas de Philipp Christoph von Sötern, passé du statut de coadjuteur de Spire à celui d’évêque titulaire en 1610, en fournit un bon exemple. Au moment où Oñate informe Philippe III que Trauttmansdorff a reçu la nouvelle de sa gratification, l’ambassadeur annonce également au Roi Catholique que l’évêque de Spire lui
a parlé d’une augmentation de sa pension invoquant le fait qu’il n’était pas Prince quand on lui a accordé les deux mille florins qu’il possède. Dans cette perspective, j’ai proposé à Votre Majesté de lui faire quelque présent64.
48Non seulement l’ambassadeur relaie cette demande, comme peut l’être toute autre information intéressant le service du roi, mais il appuie même les requêtes de Sötern dans d’autres courriers : il le juge « très utile et même nécessaire » pour la tenue de la diète électorale qui doit décider de la succession de Matthias65. Peu de temps après, en juillet 1618, il persiste dans son jugement et l’estime
si prudent et si dévoué au service de la maison d’Autriche et il y a une si grande apparence qu’il succèdera à l’un des Électorats de Mayence ou de Trèves que je crois utile au service de Votre Majesté de lui accorder une gratification66.
49Au début de l’année 1622, Oñate propose soit de faire passer la pension de l’évêque de Spire de 2 000 à 6 000 florins annuels soit de lui offrir la somme de 30 000 florins en une seule fois67. Si le cas de Philipp Christoph von Sötern est exceptionnel par les espoirs qu’il semble susciter chez les Espagnols, il n’est néanmoins pas unique en son genre : les archevêques de Mayence Johann Schweikard von Cronberg et de Cologne Ferdinand de Bavière sont également suivis de près par le comte d’Oñate. Le premier sera évoqué un peu plus loin. Quant au second, Philippe III lui accorde le 10 mars 1618 une pension de 6 000 ducats, ce que l’ambassadeur espagnol apprend tardivement68. De ce point de vue, la Monarchie Catholique parvient à consolider les liens tissés avec les prélats rhénans au début des années 1600.
50On assiste également à de nouvelles pratiques qui visent à perpétuer le lien de clientèle avec la monarchie hispanique. Elles trouvent sans doute leur origine dans la prise de conscience que le lien qui unit les prélats et le Roi Catholique est, dans le meilleur des cas, viager : face à l’impossibilité pour ces princes évêques de contracter une alliance matrimoniale et d’avoir une descendance légitime, il devient nécessaire de trouver d’autres façons de les maintenir dans la clientèle espagnole. Reprenant le modèle des cardinaux-neveux, les Espagnols s’intéressent ainsi aux neveux de leurs clients ecclésiastiques. Oñate propose par exemple de donner une gratification à Wilhelm von Metternich, neveu de l’électeur de Trèves, car son oncle ne reçoit « aucune pension de Votre Majesté69 ». Il s’agit ici de compenser et de rattraper l’absence de l’électeur du réseau hispanique. Plus intéressant encore est le cas de l’évêque de Spire : en avril 1624, l’ambassadeur espagnol à Vienne informe Philippe IV du désir de Sötern de voir tout ou partie de sa pension transférée à un de ses neveux70. Comme cela a déjà été vu, un tel souhait est également émis par l’archevêque de Mayence. Il s’agit là de faits difficiles à interpréter : de la part de ces clients, on peut sans doute y voir la volonté d’assurer à leur famille des revenus accrus. D’ailleurs, il n’est peut-être pas indifférent que ces demandes émanent d’individus issus d’un même groupe social, celui de la chevalerie rhénane, dont la gestion collective des alliances matrimoniales et du patrimoine limite d’une certaine façon les possibilités d’ascension sociale hors de ce groupe : toute alliance contractée hors de ce groupe fait courir le risque d’une dérogeance71. En définitive, ce sont davantage les interférences entre des stratégies personnelles portées par ces princes ecclésiastiques et l’utilisation à des fins plus larges par la monarchie espagnole de son réseau clientélaire qui sont ici le plus facile à mettre en évidence72.
51Comme tend à le montrer la relation que rédige le comte d’Oñate pour son successeur Francisco de Moncada, comte d’Osona en 1623, le réseau espagnol dans le Saint-Empire est organisé autour de deux espaces distincts à cette date : la région rhénane et la cour impériale à Vienne73.
Tableau 1 — Les pensionnaires espagnols en 1623
Montant annuel des pensions (en florins) | |
Électeur de Mayence | 10 000 |
Électeur de Cologne | 10 000 |
Duc de Neubourg et son fils | 12 000 |
Évêque de Spire | 2 000 |
Landgrave Louis de Hesse | 3 500 |
Comte Wolfgang von Mansfeld | 1 500 |
Comte de los Leones Roxosa, majordome du duc de Bavière | 1 500 |
Cardinal Klesl, évêque de Vienne | 4 500 |
Baron Meggau, grand chambellan de l’empereur | 2 250 |
Baron Khun, conseiller d’État de l’empereur | 2 250 |
Colonel Baltasar Marradas | 1 250 |
TOTALb | 51 000 |
b Le total indiqué dans le tableau est celui retenu par Oñate ; la somme arithmétique exacte est de 50 750 florins.
52Pour la cour impériale de Vienne, on relève trois noms (le cardinal Klesl, les barons Meggau, et Khun, respectivement grand chambellan de l’empereur et conseiller impérial) sur un total de onze. Sur les 51 000 florins payés annuellement en pensions par l’ambassade espagnole, ils reçoivent à eux trois 9 000 florins, soit un peu plus de 17 % de la somme totale. Quant aux clients espagnols dans la région rhénane, ils sont au nombre de quatre (les électeurs de Mayence et de Cologne, le landgrave Louis de Hesse et l’évêque de Spire) pour un total de 25 500 florins annuels, soit l’exacte moitié des montants déboursés par l’ambassade. Par la concentration d’individus pensionnés et par le montant total des pensions versées, les rives du Rhin sont donc devenues l’endroit où sont réunis les plus grands moyens financiers hispaniques. Quant aux pensions prodiguées à Vienne, si elles ne représentent qu’une part assez médiocre du total des pensions versées par les Espagnols, c’est sans doute qu’elles sont mieux distribuées et profitent proportionnellement à un plus grand nombre de personnes. Surtout, c’est la preuve que les Espagnols ont de nouveau pris pied dans l’entourage impérial et qu’ils ne remettent pas en cause leur présence dans la région rhénane. De ce point de vue, le milieu des années 1620 peut être vu comme un apogée des réseaux de clientèle hispanique dans le Saint-Empire.
L’accroissement des tensions dans le réseau espagnol
53Malgré son indéniable extension au mitan des années 1620, le réseau espagnol dans le Saint-Empire n’en reste pas moins travaillé par d’importantes tensions qui en limitent le fonctionnement ou en soulignent la fragilité. Une première forme de tension est liée à son financement et, plus largement, au financement de l’ambassade espagnole à Vienne. Déjà, à la fin des années 1610, les plaintes des clients contre les retards dans les versements des pensions se multiplient. L’archevêque de Mayence fait par exemple intervenir son conseiller Efferen auprès de Zúñiga ; celui-ci lui répond que « le fait de ne pas avoir donné d’ordre en ce sens jusqu’à maintenant est dû aux guerres présentes74 ». Quelques mois plus tard, c’est le comte d’Oñate qui avertit Philippe III de ce que « l’Électeur de Mayence et les autres pensionnaires ont des raisons de se plaindre du mauvais paiement de leurs pensions75 ». Si ces réclamations ont en partie à voir avec le départ d’un ambassadeur et la prise de fonction d’un nouveau et visent à garantir des rentrées d’argent qu’un changement de personnel diplomatique peut remettre en question, elles n’en constituent pas moins une atteinte indéniable au prestige du Roi Catholique comme souverain capable d’entretenir une vaste clientèle. Pour cette raison, le Conseil d’État espagnol enjoint de faire « très attention à ce que la pension de l’Électeur [de Mayence] soit payée avec ponctualité76 ». Malgré cette mise en garde, la situation des clients espagnols ne paraît pas s’améliorer dans l’immédiat et Oñate doit de nouveau insister auprès de Philippe III sur les conséquences négatives que cela pourrait avoir pour « son Royal nom et la réputation de son Empire77 ». Comme l’a fait remarquer John Elliott, ce recours à la notion de reputación n’est pas le signe de l’irruption de l’irrationnel dans la conduite des affaires politiques mais plutôt « l’objet et l’instrument de la politique » menée par les souverains de l’époque moderne78. À ce titre, le paiement des pensions participe d’autant plus de l’entretien de la réputation du Roi Catholique, c’est-à-dire de sa capacité à fédérer autour de lui d’autres individus qui construisent sa projection dans l’espace impérial, que le montant de ces pensions provient de fonds secrets qui sont, en théorie, la propriété personnelle du souverain79.
54Contrairement à ce que laisse entendre Zúñiga, les guerres ne sont pas les seules raisons aux retards des pensions : les pensionnaires n’ont pas attendu la défénestration de Prague, le 23 mai 1618, ni l’extension du conflit à l’espace germanique, pour faire entendre leurs plaintes. Toutefois, on peut supposer, à l’instar du comte d’Oñate, que la généralisation de la guerre perturbe les flux financiers dans le Saint-Empire et que les places allemandes comme Nuremberg, sur lesquelles s’effectuaient traditionnellement les remises d’argent espagnol, sont désormais menacées80. De manière tout aussi certaine, le contexte économique et financier du Saint-Empire pèse sur le paiement des pensions espagnoles. À deux reprises au moins, Oñate transmet les protestations de Johann Schweikard von Cronberg contre le fait que sa pension ne soit pas réévaluée en fonction des dévaluations et de l’inflation qui permettent à Ferdinand II de soutenir l’effort de guerre dans lequel il est engagé : la première fois, il n’est question que de « l’augmentation de la monnaie » impériale81 ; la seconde, il rappelle que le retard dans le versement des pensions s’ajoute à « une baisse de la monnaie » par l’empereur qui fait passer « le ducat à 2 florins et 20 kreutzers et le Thaler à un florin et demi82 ». L’ambassadeur espagnol évoque ici indirectement la Kipper- und Wipperzeit, cette crise financière qui touche le Saint-Empire de 1619 à 1623 et qui se caractérise par des « manipulations monétaires, [l’]inflation du billon, [la] montée en flèche des prix qui augmentent en valeur réelle de 300 à 500 %, en valeur nominale de 800 à 1 000 %83 ». De cette façon, ce sont les conditions économiques propres au Saint-Empire qui pèsent à leur tour sur les relations de clientèle mises en place par les Espagnols.
55Une deuxième forme de tension à l’œuvre dans le réseau des clients hispaniques est liée à l’émergence du duché de Bavière comme pôle d’organisation d’un parti catholique à l’intérieur du Saint-Empire. Jusque vers la fin des années 1610, les relations de Philippe III avec Maximilien Ier de Bavière semblent se situer dans la lignée de celles héritées de Philippe II avec les ducs de Bavière : en 1617, Maximilien Ier proteste de sa fidélité aux Habsbourg et se montre conscient de la nécessité de faire front commun contre les calvinistes. En retour, le comte d’Oñate juge toujours nécessaire « de le gagner et de l’obliger le plus possible84 ». La guerre en Bohême modifie néanmoins ce rapport puisqu’il est nécessaire d’organiser une riposte catholique à la rébellion. La place et le rôle à accorder aux Bavarois posent alors problème : faut-il considérer les troupes de Maximilien Ier comme de simples forces d’appoint pour une riposte emmenée par les hispano-impériaux ou, reconnaissant la fonction pionnière du duc de Bavière dans la mise en place de la Ligue catholique, faut-il lui attribuer une place plus grande ? À la suite d’une visite à Munich à l’automne 1619, le comte d’Oñate estime que Philippe III « ne doit faire aucune différence entre les États bavarois et ceux d’Autriche » ; par conséquent, l’ambassadeur conseille que « les forces de sa Majesté Catholique servent pour l’instant indifféremment dans les armées de l’Empereur ou du seigneur duc de Bavière »85. Si la question de l’organisation des armées catholiques se pose, c’est que les Habsbourg ne sont plus les seuls à revendiquer la position de défenseur de la religion catholique ; la proposition faite par le comte d’Oñate apparaît ici davantage comme une concession que comme une reconnaissance à sa juste valeur de l’importance du duc de Bavière. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la seule réserve émise par le diplomate espagnol soit que « sa Majesté Impériale veuille bien ordonner » la mise à la disposition de Maximilien Ier des soldats hispaniques86. Un débat sur la nature de la relation avec le duché de Bavière apparaît ainsi qui gagne en acuité à mesure que la guerre se prolonge dans l’espace impérial. Il atteint son apogée dans les années 1630 et 164087.
56La translation de la dignité électorale du comte palatin du Rhin à son cousin lointain le duc de Bavière, promise par l’empereur Ferdinand II en 1619, vient autant sanctionner l’aide inconditionnelle fournie par Maximilien Ier qu’elle ne montre les craintes du nouvel empereur de se voir dépossédé de sa nouvelle couronne par les calvinistes88. Cette décision, entérinée par un Deputationstag en janvier 1623 et non par une diète impériale, marque néanmoins le début de la méfiance espagnole vis-à-vis des Bavarois et se retrouve dans la partie secrète de l’instruction confiée au nouvel ambassadeur de Philippe IV, le comte d’Osona futur marquis d’Aytona. Après avoir rappelé dans des instructions publiques « la grande amitié et la parenté » qui l’unissent à la maison de Bavière, le Roi Catholique évoque la nature réelle de ces relations dans le second document :
J’ai voulu vous avertir ici en aparté que si vous devez procéder avec lui sous cette forme et le maintenir toujours dans la confiance et le désir — parce qu’il est un Prince en qui concourent des vertus très exceptionnelles — et le zèle de la Religion — mais parce qu’en plus de cette foi il a trouvé en lui le désir de s’approprier l’Empire pour lui et sa maison — lui et ses dépendants font attention à ne perdre aucune bonne occasion qui s’offrirait pour cela. Pour cette raison, je vous recommande de rester informé et d’essayer de pénétrer ses desseins à ce propos et de m’informer de ce que vous découvrirez et d’en informer de même l’Empereur89.
57Le lien est ici clairement établi entre l’importance de Maximilien de Bavière dans la constitution d’un parti catholique indépendant de la tutelle des Habsbourg et des prétentions — avérées ou non — à la couronne impériale. Cette possible concurrence est donc la raison de la méfiance nouvelle des Espagnols à l’égard d’une dynastie qui était jusqu’alors considérée comme un allié de confiance et justifie la surveillance particulière dont elle fait désormais l’objet. À un autre niveau d’analyse, cet exemple tend à montrer qu’une alliance, ici matrimoniale puisque l’empereur Ferdinand II est non seulement issu d’un mariage entre Habsbourg d’Autriche et Wittelsbach de Bavière mais avait aussi épousé en première noce une cousine bavaroise, n’épuise pas le sens des liens qui peuvent unir deux dynasties princières à l’époque moderne.
Les Espagnols sont-ils des étrangers dans le Saint-Empire ?
58Durant les années 1617-1624, la signification de la présence hispanique dans le Saint-Empire paraît ambiguë voire contradictoire, aussi bien pour les princes territoriaux que pour les historiens postérieurs : d’une part, l’expansion du réseau clientélaire tend à montrer que la présence espagnole est acceptée, si ce n’est souhaitée, par une fraction non négligeable des membres de l’Empire ; d’autre part, cette même présence est contestée ouvertement par d’autres comme le comte palatin du Rhin, ou rendue en partie inutile en raison du rôle nouveau qu’aspire à jouer le duc de Bavière Maximilien Ier. Cette apparente contradiction n’est en réalité que le reflet d’un débat plus profond et non assumé comme tel au sein de l’Empire : les monarques espagnols peuvent-ils être considérés comme des membres de l’Empire ?
59Comme cela a déjà été dit, les possessions de l’ancien duché de Bourgogne, constituées en cercle impérial, permettent aux Rois Catholiques de participer à la vie institutionnelle du Saint-Empire, même si la Transaction d’Augsbourg de 1548 modifie substantiellement cette possibilité90. D’une certaine façon, les débuts de la guerre de Trente Ans posent cette question sous une forme renouvelée : avec le début des hostilités apparaît un ensemble de feuilles volantes qui non seulement font des Espagnols des étrangers vis-à-vis du Saint-Empire mais qui tendent aussi à les opposer au maintien de la « liberté allemande »91. En instrumentalisant le problème de la naturalité espagnole, c’est-à-dire de l’appartenance locale et de sa reconnaissance par un groupe, ces pamphlets posent la question de la légitimité hispanique à intervenir dans un conflit qui paraît alors essentiellement germanique92. Que la réponse apportée soit positive ou négative, ce débat tend à remettre en cause l’évidence d’une présence espagnole dans l’Empire.
60De manière schématique, deux points de vue semblent prévaloir parmi les princes impériaux. En premier lieu, on peut observer le rejet net et affirmé de toute forme de présence espagnole dans l’espace impérial et, à plus forte raison, de toute intervention hispanique dans le conflit en cours. Sans grande surprise, une telle opinion est incarnée par le calviniste Frédéric V, comte palatin du Rhin. L’archevêque de Mayence Johann Schweikard von Cronberg rapporte ainsi à son propos qu’il est hostile « au fait d’introduire des étrangers dans l’Empire » et prend explicitement comme exemple les troupes espagnoles en provenance des Flandres93 ; Frédéric V a même précisé sa pensée et a averti qu’en « voyant tant d’étrangers et d’ennemis de sa Religion, personne ne s’étonnera du fait qu’il s’arme94 ». Il s’agit certes de propos indirects dont on peut se demander dans quelle mesure ils n’ont pas été reformulés pour répondre aux attentes espagnoles mais ils n’en témoignent pas moins qu’une telle attitude est plausible. Le problème de la présence des Espagnols, ici considérés comme des étrangers, est même évoqué sans détour : c’est un facteur aggravant de désordre au sein de l’Empire puisqu’il justifie la prise d’armes de princes impériaux pour lutter contre cette présence étrangère. L’électeur palatin se saisit de ce prétexte pour rendre les Espagnols responsables d’une guerre qui vient de débuter.
61D’un autre côté, la position de l’archevêque de Mayence est certes plus nuancée que celle de Frédéric V mais ne peut être réduite pour autant à une acceptation en bloc de la présence espagnole dans l’Empire. En témoigne un courrier du 2 juillet 1624 adressé au comte d’Oñate :
Parmi de nombreuses choses qui le laissent perplexe et dubitatif, il y a l’émulation chaque jour croissante entre les Couronnes d’Espagne et de France et même si, par l’intermédiaire des lettres du comte d’Oñate, il [l’archevêque] a compris qu’il n’est pas dans l’intention de sa Majesté Catholique de conserver les terres du Palatin, il lui semble toutefois que ceux qui les possèdent à l’heure actuelle ont d’autres intentions ; de telle manière qu’il est à craindre qu’il ne résulte de tout cela de grands inconvénients pour la tranquillité commune de l’Empire95.
62En usant de la rhétorique classique du bon roi secondé par de mauvais conseillers, Johann Schweikard von Cronberg fait ici sentir sa réticence à l’égard de la présence espagnole et, plus largement, du rôle joué par les troupes hispaniques dans la guerre du Palatinat qui s’achève. Il prend soin de ménager Philippe IV et sa politique mais laisse néanmoins entrevoir une méfiance réelle quant à l’ingérence de la Monarchie Catholique dans les affaires impériales, dans la mesure où elle entraîne à son tour le royaume de France à s’intéresser à ce qui se passe outre-Rhin. L’archevêque de Mayence appuie son raisonnement sur le fait que d’autres membres de l’Empire, notamment calvinistes, « soupçonnent les Rois étrangers d’accommoder l’affaire principale en fonction de leur utilité particulière et non pas en fonction des besoins de l’Empire96 ». Philippe IV est cette fois-ci compris dans l’ensemble des « Rois étrangers » et bien que, une fois encore, ces propos soient attribués à d’autres princes, il semble bien que Johann Schweikard von Cronberg partage au moins en partie une telle opinion. Ce qui pose ici problème est moins la présence espagnole en elle-même que le fait qu’elle finisse par susciter l’intervention d’autres monarchies et que cette situation fasse courir le risque à l’espace impérial de se voir déposséder de sa souveraineté.
63Face au rejet et au doute jamais entièrement avoué, les Espagnols n’ont de cesse de fonder leur légitimité à intervenir dans le Saint-Empire. Ainsi, dans une lettre du 3 avril 1619 adressée aux électeurs ecclésiastiques, le comte d’Oñate justifie la participation de troupes hispaniques à la répression de la révolte en Bohême par le fait que le Roi Catholique est membre de la « Maison d’Autriche » ; peu importe que la couronne de Bohême ait été élective et non héréditaire, le raisonnement déployé par Oñate insiste sur l’appartenance des États patrimoniaux habsbourgeois à l’espace impérial et sur le fait que les Habsbourg, d’Autriche comme d’Espagne, sont les seuls à pouvoir maintenir l’équilibre politique à l’intérieur de l’Empire et la paix qui en découle97. De la sorte, l’intervention espagnole en Bohême est rendue légitime parce qu’elle vient en défense des droits territoriaux d’une dynastie du Saint-Empire et qu’elle vise à maintenir l’ordre impérial.
64Sous-tendu par une logique à la fois patrimoniale et territoriale, ce discours évolue néanmoins à mesure que le conflit de Bohême prend de l’ampleur et s’étend au reste de l’espace impérial. Cinq ans plus tard, alors que la crise en Bohême paraît achevée mais que le roi de France semble prêt à intervenir ou à s’immiscer dans les affaires impériales, le comte d’Oñate justifie à nouveau les positions espagnoles vis-à-vis du Saint-Empire par l’intérêt général de l’Empire que seuls les Habsbourg semblent en mesure de préserver98. S’y ajoute une légitimation d’ordre confessionnel qui intervient après coup.
65Cette ligne argumentative qui privilégie le bien général de l’Empire plutôt que les intérêts propres aux Habsbourg est désormais suivie par les Espagnols pour s’adresser aux princes territoriaux germaniques. En réponse à la lettre de l’archevêque de Mayence évoquée précédemment et dans laquelle il était fait mention des « Rois étrangers », le comte d’Oñate insiste pour présenter l’intervention espagnole comme une œuvre au service de la tranquillité intérieure de l’Empire. Pour l’ambassadeur, les actions de la « Couronne d’Espagne »
ont visé et visent toujours à conserver et maintenir l’obéissance due à sa Majesté Impériale et à l’autorité et à la dignité des Électeurs, mettant au second plan ses affaires et ses intérêts propres et l’intention et la sincérité de sa Majesté se vérifieront non seulement par des paroles mais par des faits lorsque les choses en seront arrivées à leur fin99.
66Il s’agit là d’un discours qui cherche avant tout à rencontrer les attentes des membres de l’Empire : la Monarchie Catholique se place dans une position de service à leur encontre ou feint de le faire afin de se libérer de l’image d’étranger qui rendrait toute action illégitime dans l’espace impérial. Cette volonté de Philippe IV de se démarquer des « Rois étrangers » transparaît encore dans l’opposition mise en scène dans la suite de la lettre :
Les Rois étrangers résoudront les affaires de l’Empire davantage en fonction de ce qui leur convient que de ce qui convient à l’Empire. Mais on ne peut croire cela de sa Majesté Catholique du fait des exemples donnés de sa Royale intention et de sa façon sincère de procéder et du fait qu’il souhaite le bien et la quiétude de l’Empire de manière si grande et si évidente qu’il n’y a pas lieu de douter de cela ; cela se voit d’autant plus que sa Majesté désire que la solution des affaires de l’Empire et le retour de la Paix soient le fait de l’Empereur et du Collège Électoral100.
67L’obéissance, le respect des intérêts du Saint-Empire et le fait que la cause hispanique ne saurait être différente de celle de l’Empire fondent la légitimité de l’Espagne à intervenir dans le Saint-Empire. Toutefois, la fluctuation de la ligne argumentative des Espagnols montre que le débat sur le caractère étranger du Roi Catholique vis-à-vis de l’espace impérial fait mouche : Philippe IV et ses agents doivent justifier leurs actes au moment où leur présence dans le Saint-Empire ne va plus de soi. Il n’est plus seulement question pour eux de se servir de leur réseau de clients pour faire connaître leurs actions comme cela a été le cas durant le règne de Philippe II, il s’agit désormais de se justifier auprès de ces mêmes clients. Il y a là une évolution notable des relations entre la Monarchie Catholique et l’ensemble des princes impériaux.
III. — JOHANN SCHWEIKARD VON CRONBERG ET LES ESPAGNOLS FACE AUX DÉBUTS DE LA GUERRE DE TRENTE ANS
68Lorsqu’il met en évidence les liens qui unissent l’archevêque de Mayence Johann Schweikard von Cronberg et la Monarchie Catholique entre 1618 et 1624, Jürgen Kessel dissocie le versement de la pension espagnole ainsi que d’autres sommes d’argent, des services rendus en contrepartie101. De cette présentation découlent deux conséquences : la première est de présenter Johann Schweikard von Cronberg comme un individu essentiellement mû par la perspective de l’enrichissement personnel et familial ; la seconde est de rendre inexplicable le fait que la collaboration entre l’archichancelier et les Espagnols se maintienne malgré les retards, voire les non-paiements, de la pension et malgré la divergence entre les objectifs poursuivis par les deux partenaires. La perspective adoptée ici repose davantage sur l’idée que la relation entre l’archevêque de Mayence et la couronne espagnole consiste d’abord et avant tout en un échange de services qui est également nécessaire aux deux parties. Il ne s’agit pas de nier que l’argent ait joué un rôle dans ces liens mais il n’en rend pas totalement compte. À bien des égards, ce qui permet d’expliquer que les agents des Rois Catholiques et Johann Schweikard von Cronberg parviennent à mettre en place une collaboration durable est le fait qu’ils se retrouvent sur un certain nombre d’objectifs communs. Une telle approche permet aussi d’éviter une vision trop mécaniste des liens unissant les deux parties et de leur restituer une relative autonomie. Il convient donc de montrer la réalité de la coopération entre Mayence et la monarchie hispanique et de pointer les limites de cette collaboration.
La réciprocité des services au fondement des relations
69En 1615, alors qu’il a déjà intégré le réseau hispanique, l’archevêque de Mayence reçoit de la couronne espagnole 6 000 ducats par an à titre de pension selon Baltasar de Zúñiga102. Huit ans plus tard, le même Johann Schweikard von Cronberg perçoit 10 000 florins annuels103. Surtout, on dispose à cette date d’une hiérarchie des pensions espagnoles versées dans le Saint-Empire qui permet de situer Mayence par rapport aux autres clients hispaniques : après le duc Wolfgang Guillaume de Neubourg, qui est récemment revenu dans le giron de l’Église catholique et qui perçoit 12 000 florins annuels conjointement avec son fils, l’archevêque de Mayence est le deuxième des pensionnaires espagnols par le montant de sa pension, à égalité avec l’archevêque de Cologne Ferdinand de Bavière104. Si le montant de cette pension a une quelconque signification, Johann Schweikard von Cronberg est l’un des tout premiers clients espagnols dans le Saint-Empire au moment où éclate la guerre de Trente Ans. Mais cela implique également que les services rendus soient à la hauteur de la somme versée.
70Par exemple, l’archichancelier prend vite conscience que seule une solution trouvée collectivement par les différents acteurs de l’Empire est à même de clore la crise ouverte par la révolte en Bohême et la tentative de Frédéric V du Palatinat de déposséder Ferdinand de Styrie de la couronne de ce royaume. Au printemps 1619, alors que la mort de l’empereur Matthias rend nécessaire la désignation de son successeur et que certains électeurs réformés tentent de se servir de cette occasion pour résoudre à leur avantage la crise ouverte en Bohême, Johann Schweikard von Cronberg assure au duc Jean Georges Ier de Saxe
que depuis le début de son gouvernement il n’a rien cherché davantage pour l’Empire, ses États et ses membres que la conservation des constitutions, de la paix de Religion et de la paix profane et de tous les autres privilèges et bonnes coutumes ; il l’a recherchée en toute quiétude, paix et unanimité105.
71Dans le même temps, l’archevêque de Mayence fait consulter l’ambassadeur espagnol à Vienne pour savoir quel membre des Habsbourg Philippe III serait le plus enclin à voir élu empereur. De manière habile, le comte d’Oñate répond aux envoyés de Mayence que « cela peut être vu librement par les Électeurs », leur laissant ainsi le soin de décider de l’élection à la condition que leur choix se porte sur un membre de la maison d’Autriche106. Ce faisant, il donne un avis, certes vague, qui associe indirectement la Monarchie Catholique au processus de désignation du nouvel empereur. De la part de l’archevêque de Mayence, c’est une façon de se concerter avec son protecteur et de le ménager ; de la part de l’ambassadeur hispanique, c’est un moyen de faire valoir les intérêts du monarque sans donner l’impression d’imposer ses volontés.
72L’essentiel est ici que les deux acteurs partagent la même approche de la situation dans le Saint-Empire : pour l’un comme pour l’autre, il s’agit d’abord de procéder à une élection impériale. La rébellion bohême paraît en regard secondaire, comme le reconnaît Johann Schweikard von Cronberg :
La conservation de tout l’Empire importe davantage que celle d’un seul de ses membres et il n’y a pas lieu de douter qu’une fois que la tête de l’Empire sera pourvue, Dieu accordera sa grâce pour que l’affaire de Bohême se résolve beaucoup plus facilement107.
73Si, pour les Espagnols, l’objectif est évidemment de conserver le titre impérial dans le giron familial, l’enjeu est sensiblement différent pour l’archevêque de Mayence. Outre le fait que la vacance impériale prive le groupe social des chevaliers d’Empire, dont il est issu, de l’un de leurs rares appuis institutionnels, le titre d’archichancelier d’Empire est vidé de son contenu en l’absence d’un empereur : ce sont alors le duc de Saxe et le comte palatin du Rhin qui assurent l’intérim. Organiser le plus rapidement possible une élection impériale est ainsi le meilleur moyen pour Johann Schweikard von Cronberg d’assurer sa position institutionnelle à l’intérieur de l’Empire et face aux autres princes électeurs. De cette façon, les intérêts de Mayence et ceux de la Monarchie Catholique concordent autour de l’élection impériale et tous deux travaillent à faire en sorte qu’un successeur soit désigné le plus rapidement possible.
74Cet intérêt partagé est alimenté par un ensemble de services prêtés et échangés en fonction des besoins et des capacités de chacun des partenaires. D’un côté, Johann Schweikard von Cronberg est un informateur précieux, comme cela a déjà été vu. De leur côté, les Espagnols offrent à l’archevêque de Mayence un supplément de sécurité que l’autorité impériale, en pleine reconstruction, n’est alors pas en mesure de lui fournir. Cela peut passer par l’aide pour organiser la Ligue catholique : de ce point de vue, le rôle joué par Oñate dans la constitution du directoire rhénan de la Ligue catholique est équivalent à celui du duc Maximilien Ier de Bavière pour le directoire danubien. La Monarchie Catholique apporte également aux princes ecclésiastiques rhénans ses compétences militaires et il est par exemple prévu qu’un régiment espagnol soit mis au service de la Ligue108. Cette aide militaire se concrétise ensuite une fois que la guerre a éclaté et que les armées calvinistes tentent de ravager la région du Rhin. Johann Schweikard von Cronberg sollicite par exemple l’aide du contingent espagnol commandé par Gonzalo Fernández de Córdoba qui lui répond :
Je vois l’hostilité dont a usé le landgrave Maurice [de Hesse-Cassel] pour désarmer une compagnie d’infanterie de Votre Altesse […]. Les affaires s’arrangent de sorte que nous avons de grands espoirs de succès et ainsi les occasions ne manqueront pas pour trouver un remède à tout cela et à condition que demain nous passions le pont d’Aschaffenbourg, je renverrai à Oppenheim un détachement de soldats pour que (au cas où l’ennemi entreprenne quelque chose) il puisse faire face sur l’autre partie du Rhin ; avec cela la Ville de Mayence restera assurée109.
75Les Espagnols n’hésitent pas à intégrer dans leurs plans de campagne l’assistance ponctuelle à leurs alliés. Dans le cas présent, cette aide est également dans leur propre intérêt puisqu’en portant secours à la « Ville de Mayence », Fernández de Córdoba garde ouverte la route qui longe le Rhin et permet d’approvisionner les Pays-Bas depuis le Milanais. Cet exemple confirme, si besoin en était, que l’intervention espagnole dès le début de la guerre de Trente Ans est aussi, et peut-être surtout, motivée par des raisons qui concernent d’abord la cohésion territoriale de la Monarchie Catholique.
76Si la relation entre l’archevêque de Mayence et la Monarchie Catholique se fonde sur un diagnostic partagé de la situation du Saint-Empire et si elle est alimentée par des échanges de services, elle trouve néanmoins sa justification et sa légitimité dans une certaine complémentarité de leurs objectifs : les Espagnols parviennent à suppléer au moins partiellement les défaillances de l’autorité impériale et la position institutionnelle de Johann Schweikard von Cronberg leur permet de disposer d’un relais dans les institutions impériales à un moment où le pouvoir de l’empereur reste à reconstruire. L’étude du rôle de l’archevêque vis-à-vis du comte palatin du Rhin avant qu’il ne soit élu roi de Bohême en octobre 1619 en fournit un bon exemple.
77En effet, l’une des caractéristiques de la fonction d’archichancelier de l’Empire est de permettre à l’archevêque de Mayence de rester en contact avec des ennemis déclarés de la monarchie espagnole et, de ce fait, de pouvoir fournir à cette dernière des informations auxquelles elle n’a pas accès. Ainsi, le 19 mai 1619, alors que le collège électoral doit être réuni pour désigner le successeur de l’empereur Matthias récemment décédé, Johann Schweikard von Cronberg fait parvenir à Oñate la réponse de Frédéric V du Palatinat : celui-ci reste hostile à l’organisation d’une élection impériale et souhaite en premier lieu régler le problème posé par la révolte en Bohême110. Cette position s’explique non seulement par le fait qu’en refusant de participer dans l’immédiat à une élection impériale, le comte palatin fragilise la domination des Habsbourg sur le Saint-Empire mais aussi par les dispositions prévues en cas de vacance impériale : il revient alors au duc de Saxe et au comte palatin du Rhin d’exercer l’intérim dans le cadre d’un vicariat. Un mois plus tard, l’archevêque de Mayence résume en ces termes les intentions de Frédéric V à l’encontre de la Monarchie Catholique :
Il ne voit pas comment la paix de Bohême pourrait être traitée après l’Élection puisque alors une seule partie sera présente. Il estime que ce sursis n’irait pas à l’encontre des autres Électeurs ni de la Bulle d’or puisque cette question est e novo emergente. Il ne sait pas davantage s’il y a une peine prévue pour tout cela111.
78La position est moins conciliante qu’il n’y paraît puisque Frédéric V a auparavant déclaré que les événements de Bohême « sont arrivés à un point tel qu’il semble qu’ils ne pourront se résoudre qu’en faisant couler beaucoup de sang112 ». Ce faisant, l’électeur palatin se montre prêt à une lutte ouverte avec ceux qui espèrent régler le soulèvement bohême rapidement, c’est-à-dire avec les Habsbourg.
79Dans cette configuration, l’archevêque de Mayence n’agit qu’en informateur à l’égard du comte d’Oñate et de Philippe III et les bénéfices retirés par les Espagnols sont relativement limités ; cela leur permet néanmoins de savoir à quoi s’en tenir et de se préparer à toute éventualité. En revanche, quand l’action de Johann Schweikard von Cronberg glisse du rôle d’informateur à celui d’acteur dans le cadre des institutions impériales, il devient un bien meilleur relais des positions espagnoles. À l’automne 1619, une fois que les Bohêmes ont déposé Ferdinand de Styrie et cherchent un nouveau roi, Frédéric V apparaît comme un prétendant possible. Face au danger de voir la crise bohême importée dans l’espace germanique, Johann Schweikard von Cronberg prend l’initiative d’une lettre commune par laquelle les cinq électeurs impériaux (les trois électeurs ecclésiastiques et ceux de Saxe et du Brandebourg) demandent au comte palatin de refuser la couronne qui lui est alors offerte113. Dans l’immédiat, cette action est un échec puisque Frédéric V l’accepte114. Toutefois, cette démarche permet de donner corps à un rapprochement entre les princes électeurs favorables à la stabilité à l’intérieur du Saint-Empire, quelle que soit leur confession. Ainsi, l’action de l’archevêque de Mayence connaît des succès inégaux et ne se révèle utile pour les Habsbourg en général et les Espagnols en particulier que si elle s’inscrit dans les structures collectives impériales. Sa fonction d’informateur reste néanmoins décisive et explique sans doute en partie la rapidité et la réussite de l’intervention hispanique dans l’espace impérial au tout début des années 1620.
Des exigences matérielles croissantes
80Les débuts de la guerre de Trente Ans sont également l’occasion pour l’archevêque de Mayence et la Monarchie Catholique de tirer le meilleur parti des avantages qui découlent de leur alliance. Le conflit fonctionne comme s’il créait des possibilités de négociation supplémentaires entre deux partenaires pressés par la crise. Il est aussi l’occasion de rappeler les exigences parfois anciennes d’un des deux alliés qui trouve alors l’occasion de monnayer à la hausse ses compétences.
81Ainsi Johann Schweikard von Cronberg avait-il déjà demandé qu’une partie de sa pension soit transférée à son neveu Adam Philipp von Cronberg.115. Le conflit qui commence en 1618 relance le projet, ce qui laisse penser de manière assez certaine que les demandes formulées en 1616 n’avaient pas été satisfaites. La stratégie de l’archevêque de Mayence a toutefois évolué et il tient un discours quasiment économique pour justifier le transfert de pension, comme le rapporte le comte d’Oñate :
L’Électeur de Mayence, lorsque je me trouvais à Francfort, m’a parlé de ce qu’il désirait soulager les finances royales de Votre Majesté, souhaitant céder ses pensions, et qu’elles lui soient données sous forme de bénéfices ecclésiastiques espérant de cette façon que Votre Majesté pourra ordonner de l’augmenter et maintenant il m’écrit pour me demander que cette augmentation consiste en un doublement, prenant prétexte des grands coûts engendrés à ces occasions116.
82Cette pétition intervient à un moment capital de la présence hispanique dans le Saint-Empire et, plus généralement, de l’histoire de ce dernier : Ferdinand de Styrie vient d’être couronné empereur à Francfort mais les États de Bohême l’ont destitué de son titre royal et ont fait le choix de le remplacer par Frédéric V du Palatinat. La position des Habsbourg dans le Saint-Empire est donc pour le moins ambiguë et sujette à contestation puisque le titre impérial est lui-même menacé. Johann Schweikard von Cronberg ne se contente toutefois pas de placer l’ambassadeur espagnol face à la brutalité de ce rapport de forces, il justifie l’augmentation et le transfert de la pension : les services rendus à la couronne espagnole en rendent raison. Par ailleurs, le prélèvement sur des biens ecclésiastiques et non plus dans les caisses royales est un argument supplémentaire susceptible de faire consentir à la demande de l’archevêque. Son souci de la cause espagnole va jusqu’aux économies que la Monarchie Catholique pourra réaliser et témoigne d’une bonne connaissance du système de pensions espagnoles qui repose pour une large partie sur la distribution de biens tirés des évêchés castillans117. Au-delà de l’étude des arguments déployés, on peut s’interroger sur les raisons d’une telle demande : Johann Schweikard von Cronberg agit-il par simple népotisme ou est-il mû par une stratégie d’ascension sociale pour sa famille ? En l’état actuel des choses, il n’est pas possible de trancher. Mais une fois de plus, il convient de constater que la demande est formulée à un moment où l’autorité impériale est fragilisée et qu’il s’agit pour l’archevêque de Mayence de trouver un appui alternatif pour garantir sa position politique et institutionnelle dans le Saint-Empire.
83Avec l’extension du conflit de la Bohême au Palatinat, les demandes de l’archevêque de Mayence évoluent à la fois dans les justifications mises en œuvre et dans les formes qu’elles prétendent recouvrir. C’est une fois de plus la situation du neveu de l’archevêque, Adam Philipp von Cronberg, qui en fournit le meilleur exemple. Le 8 août 1622, le prélat écrit à Philippe IV par l’intermédiaire du comte d’Oñate :
Les bons offices par lesquels je suis venu au secours de la chose publique ont été tels qu’il en est survenu de grandes haines de la part des Princes Hérétiques à l’encontre de ma famille et principalement à l’encontre de mon neveu qui, en son temps, a servi de longues années le Sérénissime Prince de Flandres. Il se trouve maintenant dans l’armée de Votre Majesté dans le Palatinat. Il en a résulté, à l’occasion de cette guerre causée par la rébellion du [comte] Palatin, qu’on lui a brûlé et mis à sac les biens de sa demeure comme à un ennemi. Je supplie très humblement Votre Majesté qu’elle […] ne consente pas à ce qu’on le rétribue mal dans ce tourment commun mais qu’elle veuille bien le recevoir avec bienveillance et par l’effet de sa Royale libéralité parmi ses vassaux et domestiques ; que par grâce Royale, elle veuille bien lui accorder qu’un jour il ait une retraite sûre sous la protection de Votre Majesté, en lui faisant don de la Seigneurie de Florange qui se trouve dans le Duché de Luxembourg118.
84L’argent de la pension n’est plus demandé, il s’agit davantage d’une récompense à la hauteur des services rendus par la famille Cronberg aux Habsbourg. La demande d’une seigneurie à Florange a par ailleurs une certaine logique puisqu’elle permet ainsi de ne pas grever les finances espagnoles, d’attacher durablement aux Rois Catholiques le lignage de l’archevêque et de le placer plus directement encore sous la protection de la maison d’Espagne. Surtout, cette pétition s’inscrit dans la continuité des objectifs politiques privés que semble poursuivre Johann Schweikard von Cronberg : ce dernier s’engage alors dans la prise de mesures radicales à l’encontre de Frédéric V et va de la sorte dans le sens de l’empereur en réclamant lui aussi que le comte palatin soit dépouillé de son titre électoral au profit du duc de Bavière119. L’archevêque de Mayence tente même de se saisir de cette occasion pour accroître sa principauté et demande « à l’Empereur une partie du Palatinat Inférieur120 ». Le bouleversement des équilibres territoriaux et confessionnels à l’intérieur du Saint-Empire et l’appui qu’il croit trouver auprès des Espagnols permettent à Johann Schweikard von Cronberg d’espérer tirer parti de cette nouvelle situation, à la fois pour son lignage et pour sa principauté.
85Ce faisant, il perturbe néanmoins les objectifs poursuivis par Philippe IV et ses agents. Dans un premier temps, la perspective de voir la totalité du Palatinat cédée à d’autres princes impériaux inquiète les Espagnols car elle supprimerait toute possibilité de négociation avec le comte palatin et son beau-père, le roi d’Angleterre Jacques Ier, et donc toute possibilité de retour à une paix durable121.
86Sur ce sujet précis, les prétentions de Mayence et celles des Espagnols diffèrent radicalement, au point que l’archevêque s’estime en droit de se plaindre de l’attitude hispanique :
Même s’il est évident au monde entier que la cause du [comte] Palatin en est à un point tel que personne ne peut mettre en doute le fait qu’il a perdu sa dignité et ses biens, malgré cela il s’en trouve certains qui travaillent à sa restitution avec tant de sollicitude qu’il semble qu’ils ne prennent pas en compte l’éminence électorale ni celle des États obéissants de l’Empire auxquels sa rébellion a causé tant de dommages122.
87Les Espagnols ne sont pas nommément mis en cause et, dans une certaine mesure, ces propos pourraient viser d’autres « étrangers » à l’Empire. Néanmoins, la plainte constitue une réponse si précise aux préoccupations hispaniques de ne pas réduire à néant les possibilités de négociation avec le comte palatin qu’Oñate perçoit que c’est le projet de Philippe IV dans le Saint-Empire qui est mis en cause. Dans ses ultimes développements, et après avoir été une source de rapprochement entre la Monarchie Catholique et la principauté de Mayence, la question du Palatinat est désormais un point d’achoppement entre les deux partenaires.
88Cette situation nouvelle impose aux Hispaniques de trouver une réponse à apporter aux craintes qu’ils suscitent parmi leurs propres alliés. Elle se fait en deux temps. D’une part, comme cela a déjà été dit, Oñate tâche de rassurer l’archevêque de Mayence sur les desseins espagnols et proteste de la volonté du Roi Catholique de s’en remettre à l’autorité de l’empereur et de respecter les prérogatives du collège électoral123. D’autre part, s’adressant à Philippe IV, l’ambassadeur espagnol lui conseille
de prendre en considération le fait que l’Électeur est le Premier Prince d’Allemagne, le vote le plus sûr dont ont disposé Votre Majesté et sa Maison Royale dans toutes les occasions passées et sans lequel on ne peut obtenir que difficilement satisfaction dans les présentes ni dans la succession de l’Empire qui pourra peut-être être réglée avec la négociation de la Paix124.
89Ce plaidoyer adressé au roi pour qu’il ménage l’archevêque de Mayence est assorti d’une considération bien plus pragmatique sur l’intérêt de lui accorder une nouvelle grâce : « l’Électeur est si âgé que quelque grâce viagère que lui fasse Votre Majesté elle ne peut durer que peu de temps125 ». L’un et l’autre argument appellent donc à la prise en considération des plaintes de l’archevêque de Mayence. Toutefois, la réponse qui est ici envisagée par le diplomate ne vise pas à un infléchissement des objectifs espagnols dans le Saint-Empire, il s’agit seulement de concéder un dédommagement matériel au « Premier Prince de l’Empire » en échange du maintien de la collaboration.
90C’est à la même époque que resurgit un projet qui avait déjà été envisagé à l’époque de Philippe II : placer à la tête de la principauté archiépiscopale de Mayence un cadet de la maison d’Autriche. Deux versions légèrement différentes semblent avoir été considérées. La première émane de la famille impériale et des Espagnols présents dans l’Empire ou à sa périphérie, c’est-à-dire le comte d’Oñate et l’infante Isabelle. Durant toute l’année 1623, ils escomptent pouvoir placer l’archiduc Charles, frère de Ferdinand II et déjà évêque de Breslau et de Bressanone, comme coadjuteur de Johann Schweikard von Cronberg. C’est d’abord l’empereur qui sonde l’archiduc Charles et en informe sous le sceau du secret l’ambassadeur126. La gouvernante générale des Pays-Bas est ensuite mise dans la confidence et consultée quant au bien-fondé de ce projet ; elle en approuve le principe et conseille d’élargir la perspective à l’électorat de Trèves127. C’est également la gouvernante générale des Pays-Bas qui traite de cette question directement avec Johann Schweikard von Cronberg et communique en retour avec l’ambassadeur espagnol et l’empereur128. Pourtant, pour avancées qu’elles paraissent, ces négociations n’aboutissent à aucun résultat concret129 ; il est possible que les ambitions des Habsbourg se soient heurtées aux modalités de recrutement des chapitres ecclésiastiques rhénans, modalités fondées sur l’appartenance à la chevalerie immédiate d’Empire et sur la cooptation par des pairs130.
91Une seconde version de ce projet apparaît peu de temps après dans un mémoire du comte d’Olivares destiné à Philippe IV en 1625. Dans ce mémoire sur « Le Problème des infants » et frères du roi, le valido envisage les différentes possibilités qui s’offrent au roi pour doter ses deux frères, l’infant Carlos et l’infant Ferdinand131. Déjà archevêque de Tolède, Ferdinand se voit proposer de s’installer à Oran, qui dépend de son diocèse, et d’y agrandir les territoires espagnols à l’exemple du cardinal Cisneros un siècle plus tôt. À plus long terme, le pontificat est envisagé, ce qui conviendrait davantage à sa nature « de se voir supérieur à tous les autres132 ». Ce n’est qu’en deuxième recours que la fonction de coadjuteur de Mayence est mentionnée :
Une autre voie s’offre également, même si à mon avis elle n’est pas aussi avantageuse que celle que j’ai proposée et qui ne conviendrait pas aussi bien au génie de ce prince et je ne la considère pas aussi facile à mettre en œuvre. Il s’agirait de faire des efforts extraordinaires dans l’Empire pour lui négocier la charge de coadjuteur de Trèves ou de Mayence, moyen qui doit permettre de le maintenir ferme et assuré dans la profession ecclésiastique. Pour cela, il conviendrait de l’envoyer en Allemagne pour qu’il s’y fasse à ces coutumes et mode de vie, en le faisant éduquer dans la maison de l’empereur son oncle133.
92Cette alternative au plan précédent s’inscrit également dans une perspective de plus grande ampleur : elle fait pendant aux envois, par leur père Maximilien II, des archiducs Rodolphe, Albert et Ernest qui avaient été élevés à la cour de Philippe II durant les années 1560-1570 et rappelle aussi le modèle des cadets Habsbourg dotés d’un évêché important (les archiducs Albert et Léopold avec Tolède et Strasbourg par exemple). C’est en outre le moyen, en maintenant l’infant Ferdinand dans la « profession ecclésiastique », de limiter les conflits successoraux au sein de la maison d’Espagne. Enfin, ce projet intervient peu de temps après la mort de l’archiduc Charles qui avait d’abord été envisagé comme coadjuteur de Mayence : le choix de Ferdinand est une façon de maintenir les prétentions des Habsbourg à placer un des leurs dans un électorat rhénan, au profit de la branche espagnole cette fois-ci. Mais, comme le font remarquer les éditeurs du mémoire du comte d’Olivares, John Elliott et José de la Peña, cette combinaison tourne rapidement court puisqu’en 1626, une commission travaille davantage sur l’idée d’envoyer Ferdinand dans les Flandres134. Malgré tout, ce projet sans postérité invite à se demander s’il ne s’agit pas là pour les Espagnols d’un moyen de maintenir une présence hispanique dans un espace, le cours moyen du Rhin, décisif pour la conservation du système territorial de la Monarchie Catholique. Il peut également s’agir d’une réponse à l’accroissement récent que vient de connaître la maison de Bavière et qui constitue désormais un sujet d’inquiétude pour les Espagnols : après que l’électorat de Cologne est passé au cadet des Wittelsbach, le duc de Bavière Maximilien Ier a reçu la dignité électorale jusqu’alors détenue par le comte palatin du Rhin. Placer un cadet de la maison d’Espagne à Mayence ou à Trèves serait ainsi un moyen de contrer cette influence bavaroise croissante. À cette occasion, l’archevêché de Mayence apparaît comme un enjeu pour le maintien de la domination hispanique dans le Saint-Empire et non plus comme un territoire tenu par un des clients du Roi Catholique. De manière assez révélatrice, le dessein espagnol ne parvient pas à se concrétiser dans une telle configuration.
93À en juger par la situation en 1624, l’intervention hispanique dans le Saint-Empire peut sembler avoir obtenu des résultats paradoxaux. D’un point de vue militaire, elle constitue un indéniable succès : Ferdinand de Styrie a finalement été confirmé comme roi de Bohême, il a ensuite été élu empereur, conservant ainsi le titre impérial dans le giron de la dynastie des Habsbourg. Dans le même temps, la rébellion bohême a été matée et Frédéric V du Palatinat a été destitué de son titre d’électeur, ce qui exclut du collège impérial un ennemi patenté des Habsbourg. Preuve que les questions militaires ne rendent pas compte de la totalité du mouvement historique d’une période, la présence espagnole dans le Saint-Empire a pourtant été fragilisée de deux façons : d’une part, malgré l’existence d’un lien de clientèle, la présence hispanique à la fois dans les Pays-Bas et dans le Palatinat inférieur provoque une certaine méfiance de la part des princes territoriaux voisins qui voient d’un mauvais œil l’arrivée et surtout l’installation qui paraît durable d’un nouvel acteur dans le jeu impérial. D’autre part, cette présence espagnole crée un argument supplémentaire en faveur de la restauration des « libertés germaniques » que des monarques étrangers enfreignent ou bafouent. Sont ainsi posés les fondements de la contradiction qui préside à la présence de la Monarchie Catholique dans le Saint-Empire.
94L’archevêque de Mayence Johann Schweikard von Cronberg constitue un bon exemple de cette contradiction : l’augmentation substantielle de sa pension et l’obtention d’une seigneurie à Florange pour son neveu montrent les profits qu’il espère parvenir à tirer de sa relation privilégiée avec les Espagnols. Mais il est lui-même sensible à l’argument portant sur la présence des « rois étrangers » et il met en garde le comte d’Oñate contre les risques qu’une telle situation peut faire courir à Philippe IV. Il commence même à adopter des positions qui ne sont pas celles de la Monarchie Catholique, notamment sur la question de la restitution du Palatinat à laquelle il est violemment opposé. Sans doute s’agit-il là d’une preuve supplémentaire que les actions des membres d’un réseau ne sont pas déterminées de manière mécanique par leur appartenance à celui-ci. Mais c’est peut-être surtout une preuve des tensions qui travaillent le réseau hispanique.
Notes de bas de page
1 Ródenas Vilar, 1967, pp. 6-7 ; Sánchez, 1994 ; Elliott, 1992b, p. 69.
2 Kessel, 1992, pp. 44-45 ; González Cuerva, 2012, pp. 388-395.
3 Wilson, 2009, pp. 9-10 ; Id., 2008.
4 Steinberg, 1966 ; Sutherland, 1992.
5 Burkhardt, 1992. Pour l’expression « der Krieg der Kriege », pp. 15-20.
6 González Cuerva, 2012, p. 353.
7 Lettre du comte d’Oñate, 30 mai 1618, AGS, Estado, Alemania, leg. 2503, fo 7.
8 « Cinco mil hombres al Ex[erci]to de Flandes y poner en los confines de Alemaña gente sufficiente para enfrenar los Calvinistas » (consulta du consejo de Estado sur des lettres du comte d’Oñate, 24 octobre 1617, AGS, Estado, Alemania, leg. 2326, doc. 48).
9 « En q[uan]to a socorrer a los Catt[óli]cos de Alem[ani]a en caso q[ue] Olandeses entrassen en favor de los Protestantes. Desto [h]ay a[h]ora menos rezelo por las divisiones de Olanda » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 21 janvier 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
10 Israel, 1995, pp. 421-477.
11 Parker (dir.), 1987, p. 97.
12 Tenenti, 1967, pp. 3-16.
13 Cozzi, Knapton, Scarabello, 1992, pp. 99-102.
14 González Cuerva, 2012, pp. 339-343.
15 « El buen suceso q[ue] a los 11 de julio tubo don Balt[alza]r Marradas rompiendo la cavallería de Venecianos y metiendo socorro en Gradisca » (lettres du comte d’Oñate à Philippe III, 9 septembre 1617 et 24 octobre 1617, AGS, Estado, Alemania, leg. 711, respectivement doc. 27 et doc. 252).
16 Lettre du marquis de Bedmar à Philippe III, 12 avril 1618, AGS, Estado, Venecia, leg. 1930, fo 185.
17 Copie d’une lettre du comte d’Oñate, 27 juin 1618, AHN, Estado, leg. 1638.
18 « No se haga elección de Rey de Romanos por disponer durante el interegno que el Imperio salga de la cassa de Austria y ponerle en caveça del Elector Palatino » (consulta du consejo de Estado sur des lettres du comte d’Oñate, 8 août 1617, AGS, Estado, Alemania, leg. 2326, doc. 60).
19 « Siendo siete los Electores vendría a ser el menor núm[er]o y podría sin embargo desto el Rey Ferdinando salir electo por los cuatro votos restantes pues es cierto que puede votar por sí mismo » (ibid.).
20 « Está muy seguro de que Saxonia no le faltará con su voto, ni tanpoco los electores eclessiásticos, y para asegurarlos mas ha embiado el conde a Jaques Bruneau por el Imperio a representarles el estado de las cosas y la segura confiança que V[uestra] M[ajesda]d tiene de que en esta ocassión no faltarán a su Augustíssima Cassa » (consulta du consejo de Estado sur des lettres du comte d’Oñate, 24 octobre 1617, AGS, Estado, Alemania, leg. 2326, doc. 48).
21 González Cuerva, 2012, pp. 365-375.
22 « Que por que desconfían de poder salir de primer lanze con esto, designian agora introduzir al duq[ue] de Baviera, el qual tiene mas estrecha correspondencia que solía con el Elector Palatino […]. Solo al d[ic]ho Duque se puede temer en Alemaña por competidor del Imperio, pues declarándose por el los dos Electores Calvinistas solo faltará su hermano el Elector de Colonia » (consulta du consejo de Estado sur des lettres du comte d’Oñate, 8 août 1617, AGS, Estado, Alemania, leg. 2326, doc. 60).
23 « Los mismos Calvinistas suelen con artificio sembrar en los Príncipes de la cassa de Austria y sus ministros desconfianças de la de Baviera por desunirlo cosa que si alcansasen sería la total ruyna de la religión y del estado de ambas cassas » (ibid.).
24 « El Duque Max[imilia]no de Baviera le ha embiado a dezir (con el conde de Zolerem) que save las invenciones q[ue] siembran los Calvinistas para desunir la cassa de Austria de la suya y conoce la conveniencia y necess[ida]d de estar muy conformes y que le asegura para que assí lo asegure a V[uestra] M[ajesda]d que en las presentes ocassiones y en todas las que se offrecieren acudirá como es razón » (consulta du consejo de Estado sur des lettres du comte d’Oñate, 21 octobre 1617, AGS, Estado, Alemania, leg. 2326, doc. 54 et 55).
25 « Haziéndose gran caudal del Duq[ue] de Baviera » (consulta du consejo de Estado, 15 janvier 1617, AGS, Estado, leg. 2326, doc. 24). L’expression est employée à deux reprises dans la même consulta.
26 « Sin consultar para esto al Emp[erad]or ni a ning[un]o de los embaxadores de los coligados » (ibid.).
27 Pour un récit de la défénestration du 23 mai 1618, voir Parker (dir.), 1987, pp. 104-108 ; Bireley, 2003, pp. 1-2.
28 Braudel, 1990, t. II, pp. 223-224.
29 Lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 6 juin 1618, BNE, ms. 18435, fo 129. Pour la date de réception, voir González Cuerva, 2012, p. 389.
30 Bourdeu, 2013.
31 « El Imperio en el Estado mas peligrosso » (lettre de Pedro Pardo Rivadeneyra au comte de Gondomar, 4 avril 1619, Real Academia de la Historia [RAH], ms. 9/86, fo 308vo).
32 « La Rebellión de Bohemia es tan enorme y exorbitante, q[ue] no solo en todo el mundo los hombres de qualquiera religión q[ue] sean la conozen y declaran por crimen laesae Maiestatis diuinae et humanae » (mémoire de Johann von der Recke, 24 mars 1619, RAH, ms. 9/86, fo 75vo). Voir aussi le récit de la journée du 23 mai 1618 dans l’annexe II.
33 Ibid., fo 77vo. Voir annexe II.
34 Hugon, 2011, pp. 17-18 et 25-32.
35 « La sediçión de Bohemia » (lettre du comte d’Oñate aux électeurs ecclésiastiques et princes de l’Empire, 3 avril 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
36 « Alboroto que se suele causar en un Pueblo, quando se divide en particularidades, y vandos, y vienen a las manos » (Covarrubias Orozco, Tesoro de la lengua castellana o española, s. v. « Sedición », fo 172vo).
37 Lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 27 juin 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.
38 Lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 30 septembre 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.
39 « El traer forasteros al Imperio, apuntando la entrada de la q[ue] ha venido de Flandes » (Sommaire d’une lettre de l’Électeur Palatin à celui de Mayence, 9 juin 1619, AHN, Estado, leg. 1638, doc. 4).
40 « Han llegado a termino q[ue] parece no se podrán componer sin derramar mucha sangre hallándose interessadas otras Provincias » (ibid.).
41 « Darles muy claram[en]te a entender q[ue] lo q[ue] se pretende es restaurar la liga cathólica para conservación de la Religión y autoridad Imperial y seguridad de sus personas y Estados y para establecer la paz y tranquilidad del Imperio » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 10 janvier 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
42 « Si V[uestra] E[xcelencia] con sus officios hechos por Bruneo no los huviera venzido aun a[h]ora se podría esperar poco » (copie d’une lettre de Johann Schweikard von Cronberg au comte d’Oñate, 29 janvier 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
43 « Q[ue] V[uestra] E[xcelencia] nos asegure de tal man[er]a con las asistencias de su M[ajesda]d Catt[óli]ca q[ue] por imposibilidad no se buelva a deshazer porq[ue] si el obispo de Espira no nos huviese dado esta esperança dello y asegurado de q[ue] ya [h]avía començado a tratar con V[uestra] E[xcelencia] de entretener medio regimi[ent]o de infantt[eri]a en Borg[oñ]a y otro tanto en las partes de Alsacia sino se huviera impedido del todo por lo menos se huviera difficultado mucho este tratado » (ibid.).
44 « Viendo que los Bohemios persisten en su obstinación y teniendo avisos ciertos de lo que dentro y fuera de Alem[ani]a maquinan contra su Real Cassa ha mandado levantar en Flandes algunas tropas de Infanteria y Cavallería y embiarlas a Bohemia, y esto solo con fin de conservar las Provincias patrimoniales de la Cassa de Austria de que en gran parte pende la paz pública de Alemania » (copie d’une lettre du comte d’Oñate aux trois électeurs ecclésiastiques et à d’autres princes de l’Empire, 3 avril 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
45 Lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 21 avril 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.
46 « Todos los fieles de su Mag[esda]d en qualquiera parte que estuvieren le asistirán con mexor ánimo y mayores asistenzias biendo sus cosas en estado de poderse mexorar y le perderán del todo biendo que no puede defender a sus fieles » (papier du comte d’Oñate à l’archiduc Léopold, 18 octobre 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n.f.).
47 Copie de la lettre du comte d’Oñate à Philippe III, novembre 1619, AHN, Estado, leg. 1638, doc. 2. Cette copie ne porte pas mention d’une date plus précise.
48 « Liga cat[óli]ca cuyas levas no se hacen a prisa » et « Tienen tan rodeados los obispados y electoratos del Rin » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 27 novembre 1619, AHN, Estado, leg. 1638, doc. 3).
49 « No les ayuda en parte a divertir las fuerzas del enemigo q[ue] muchos estados cat[ólic]os por necesidad se compondrán con el de aquí » (ibid.).
50 « Con gran peligro, assí por no ser aun despedida la gente del Palatinato » et « Los días passados sacagearon los coroneles Blasio Huhenberg y Kniphausen un lugar del Eletor llamado Naumburg en Hassia » (sommaire d’une lettre de Johann Schweikard von Cronberg à Ferdinand, 7 mai 1621, AHN, Estado, lib. 712, n. f.).
51 « El Duq[ue] de Bav[ie]ra Max[imilian]o fuesse único y absoluto director de la liga » (lettre du comte d’Oñate à Philippe IV, 12 février 1624, AHN, Estado, leg. 1635, fo 14).
52 Evans, 1979, pp. 68-69 ; Parker (dir.), 1987, pp. 126-128 ; Press, 1991, pp. 199-201.
53 « El Elector de Maguncia y el Langravio Ludovico de Assio y otros pedían al Emp[erad]or parte del Palatinato Inferior. Sobre lo qual habló el conde al el de Equemberg representándole los ynconvenientes que esto tendría pues tomando (como se trata) el Duque de Baviera el Palatinato Superior y reparténdose el Inferior no quedaría cosa sobre que se tratase la Paz ni forma de dar satisfación al Rey de Inglaterra » (sommaire de deux lettre du comte d’Oñate à Philippe IV du 9 et 15 mars 1623, AGS, Estado, Alemania, leg. 2507, n. f.).
54 Bireley, 1981, p. 6.
55 « Aunque su Mag[esda]d holgará de que la translación hecha se puede sustentarse (por estar contrad[ic]ha por los seglares) no tiene por conveniente hazerse juez de lo que no le toca siendo necess[ari]o dar satisfación al Rey de Inglat[err]a y Protestantes de Alemania » (sommaire de deux lettre du comte d’Oñate à Philippe IV du 9 et 15 mars 1623, AGS, Estado, Alemania, leg. 2507, n. f.).
56 « De modo reconciliandi et redintegrandi Palatini jussu Ser[enissi]mi Regis Catholici ac nobis » (lettre de Ferdinand à Franz Christoph von Khevenhüller, 23 mars 1624, HHSA, Spanien, DK 18, Konv. 7, fo 14).
57 « Optamus quid & agimus omni conatu ut Electores Saxoniae & Brandeburgi cum nostris partibus adiungamus, idq[ue] efficiamus ut Electori Bau[ari]ae titulum tribuant » (lettre de Johann Schweikard von Cronberg à un cardinal, 21 mars 1624, HHSA, Spanien, Varia 5, Konv. F, fo 554).
58 « Tiene demasiado pie en Alem[ani]a » et « Pacificar al Imp[eri]o y bolber por la autoridad y preeminen[ci]a del Colegio Electoral » (lettre du comte d’Oñate à Johann Schweikard von Cronberg, 24 avril 1624, AHN, Estado, leg. 1635, fo 40).
59 « Las armas del Rey mi s[eño]r vinieren a Alemaña principalm[en]te para conservar la Religión y dignidad imperial q[ue] los calvinistas tratavan de subvertir. También save V[uestra] S[erenida]d mejor q[ue] nadie q[ue] el Rey mi s[eño]r no ha pretendido en Alemaña ninguna con mas q[ue] la quietud y felicidad del Imp[eri]o y de todos los Príncipes obedientes y q[ue] sus consejos en todos t[iem]pos en el mismo Con[ven]to de Ratisbona fueron s[iem]pre ynclinados a la Paz al bien público y conservación de las leyes y constituciones del Imperio » (ibid.).
60 « La disposición de las cosas de justicia y del gobierno Político reservándose la corona de España para si el de las militares con esperanças que la d[ic]ha Corona de Francia y otros se satisfarían con esto » (résumé d’une lettre de Johann Schweikard von Cronberg à Isabelle-Claire-Eugénie, 25 novembre 1624, BNE, ms. 2355, fo 331vo).
61 « Al Baron Max[imilia]no de Traumestorf he d[ic]ho la m[e]r[ce]d q[ue] V[uestra] M[ajesda]d se sirve de hazerle q[ue] la estima como es justo » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 7 mars 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
62 « Ju[an] de Molart p[r]ov[eed]or de las armas » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 13 mai 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
63 « Representa también las buenas partes del Varón Stralendorf vice-presidente del cons[ej]o áulico y pareçele q[ue] sería servi[ci]o de su M[ajesda]d hazerle m[e]r[ce]d de 1 500 florines de pensión al año » (relation sommaire de ce que contiennent les dépêches d’Allemagne du 14 janvier 1622, AHN, Estado, lib. 740, fo 7).
64 « Ha hablado en crescim[ien]to de su pensión alegando no hera Príncipe quando se le dieron los dos mil flor[ine]s q[ue] tiene. Anteviendo esto propuse a V[uestra] M[ajesda]d el hazerle algún presente » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 7 mars 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
65 « Muy útil y aún necessaria » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III sur l’évêque de Spire, 13 mai 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
66 « Tan prudente y tan affecto al serv[ici]o de la casa de Austria y [h]ay tanta apariencia de q[ue] se succederá en unos de los Eletoratos de Moguncia o Treveris q[ue] tengo por conveniente al serv[ici]o de V[uestra] M[ajesda]d hazerle m[e]r[ce]d » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 13 juillet 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
67 Relation sommaire de ce que contiennent les dépêches d’Allemagne du 14 janvier 1622, AHN, Estado, lib. 740, fo 7.
68 « El Eletor de Colonia me ha embiado la carta de V[uestra] M[ajesda]d de 10 de Marzo en que se sirve de mandarme se le paguen aquí los 6 [000] d[ucad]os de pensión q[ue] V[uestra] M[ajesda]d le ha hecho m[e]r[ce]d » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 13 mai 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
69 « Ning[un]a pensión de V[uestra] M[ajesda]d » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 27 janvier 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
70 Lettre à Philippe IV, 24 avril 1624, AHN, Estado, leg. 1635, fo 36.
71 Duhamelle, 1998, pp. 232-255.
72 Thiessen, Windler, 2005, pp. 11-12 ; Thiessen, 2005, pp. 30-38.
73 Réponse du comte d’Oñate à une lettre de Juan de Ciriza du 15 septembre 1623, sans date, BNE, ms. 2354, fo 67. Voir annexe III.
74 « El no haverse dado hasta agora orden para esto ha sido por caussa de las guerras presentes » (consulta du consejo de Estado sur une lettre de Baltasar de Zúñiga, 23 novembre 1617, AGS, Estado, Alemania, leg. 2326, doc. 51).
75 « El Elector de Magun[ci]a y los demás Pensionarios tienen causa para quexarse de lo mal que se le pagan sus pensiones » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 7 mars 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
76 « Tenga mucho cuydado de que al Elector se le pague puntualmente su pensión » (consulta du consejo de Estado sur une lettre de Baltasar de Zúñiga, 23 novembre 1617, AGS, Estado, leg. 2326, doc. 51).
77 « Su R[ea]l nombre y reputación de su Imp[eri]o » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 13 mai 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
78 Elliott, 1983, plus particulièrement pp. 477-478.
79 Seiz Rodrigo, 2010, pp. 331-336.
80 Lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 30 septembre 1618, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.
81 « Este crecimiento de la moneda » (lettre du comte d’Oñate à Philippe IV, 22 février 1623, AGS, Estado, Alemania, leg. 2507, n. f.).
82 « Con haverse baxado la moneda […] el ducado a 2 fl[orines] y 20 creiceres y el Taller a florino medio » (lettre du comte d’Oñate à Philippe IV, 3 janvier 1624, AHN, Estado, leg. 1635, fo 4).
83 Vogler, 1981, t. I, p. 267. Voir aussi Gagliardo, 1991, p. 76.
84 « Prendarle y obligarle lo más que sea posible » (consulta du consejo de Estado sur une lettre du comte d’Oñate, 21 octobre 1617, AGS, Estado, Alemania, leg. 2326, doc. 54).
85 « No diferencia en nada los estados bávaros de los austriacos » et « las fuerzas de su Mag[esda]d Catt[óli]ca por a[h]ora yndiferentemente sirvan en los exercitos del Emp[erad]or o del señor duque de Baviera » (copie d’un document donné par le comte d’Oñate à Munich, 5 octobre 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
86 « Se sirviere ordenarlo su Mag[esda]d Cess[are]a » (ibid.).
87 Ruppert, 1979, p. 75.
88 Parker (dir.), 1987, pp. 127-128.
89 Instructions secrètes au comte d’Osona, 6 décembre 1623, BNE, ms. 2354, fo 61vo. Voir annexe III.
90 Weis, 2003, pp. 23-31.
91 Schmidt, 2001.
92 Álvarez-Ossorio Alvariño, García García, 2004 ; Planas, 2013.
93 « El traer forasteros al Imperio » (sommaire d’une lettre de l’électeur palatin à l’archevêque de Mayence, 9 juin 1619, AHN, Estado, leg. 1638, doc. 4).
94 « Viendo tantos forasteros y contrarios a su Religión, ninguno estrañará q[ue] se arme » (ibid.).
95 « Entre muchas cossas q[ue] le tienen perplexo y dudoso es la emulación que cada día se ba cresciendo entre las Coronas de Esp[añ]a y Françia y aunq[ue] por cartas del conde de Oñate ha entendido que la yntención de su M[ajesda]d Catt[ólic]a no es de quedarse con las tierras del Palat[i]no todavía pareçe que tienen diferente yntención los que a[h]ora las tienen entre manos de manera que es de temer que desto no resulten grandes impedimientos para la tranquilidad común del Imp[eri]o » (résumé d’une lettre de l’archevêque de Mayence au comte d’Oñate, 2 juillet 1624, AHN, Estado, leg. 1635, fo 69).
96 « No sospechen que los Reyes forasteros acomodarán el negoçio principal a su propia utilidad y no a la necesidad del Imp[eri]o » (ibid.).
97 Copie d’une lettre du comte d’Oñate aux trois électeurs ecclésiastiques et à d’autres princes de l’Empire, 3 avril 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.
98 Lettre du comte d’Oñate à Johann Schweikard von Cronberg, 24 avril 1624, AHN, Estado, leg. 1635, fo 40.
99 « Han sido y están endereçadas a conservar y mantener la obediencia devida a su Mag[esda]d Cess[are]a y la autoridad y dignidad de los Ele[c]tores postponiendo sus cossas y convenencias propias y q[ue] esta yntençión de su M[ajesda]d y sinceraçión se verificarán no tanto con palabras como por los efetos mismos q[uan]do las cossas lleguen a aquel término » (résumé de la réponse du comte d’Oñate à Johann Schweikard von Cronberg, 11 juillet 1624, AHN, Estado, leg. 1635, fo 70).
100 « Los Reyes forasteros acomodarán los negocios del Imp[eri]o mas a lo q[ue] les estuviese bien a ellos q[ue] no al Imp[eri]o. Pero q[ue] de su M[ajesda]d Catt[óli]ca no se puede creer esto por ser los ejemplos muestros q[ue] ha dado de su R[ea]l yntención y sincero modo de proceder y de lo mucho q[ue] dessea el bien y quietud del Imp[eri]o tan grande[mente] y evidente[mente] q[ue] no queda lugar para dudar dello y esto aun mas se echa de ver por lo q[ue] su Mag[esda]d dessea que la composición de las cossas del Imp[eri]o y redución de la Paz se remita al Emp[erad]or y al Colegio Ele[c]toral » (ibid.).
101 Kessel, 1979, pp. 58-64.
102 Lettre de Baltasar de Zúñiga à Philippe III, 12 juin 1615, AGS, Estado, Alemania, leg. 2501, fo 59.
103 En 1620, il perçoit 6 000 escudos annuels de pension (AGS, Estado, leg. 2034, fo 121 cité par Alcalá-Zamora y Queipo de Llano, 2001, p. 154, n. 76).
104 Réponse du comte d’Oñate à une lettre de Juan de Ciriza du 15 septembre 1623, sans date, BNE, ms. 2354, fo 67. Voir annexe III et tableau 1.
105 « Assegura que desde el principio de su govierno no ha tenido cosa mas en recomendación que de procurar que se guardassen al Imperio y a los Estados y miembros del las constituciones, la paz de Religión y profana y todos los demás sus privilegios y buenas costumbres con quietud, paz y unanimidad » (réponse de l’archevêque de Mayence au duc de Saxe, 15 mai 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
106 « Se reconoce esta librem[en]te de los Ele[c]tores » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 19 mai 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
107 « Importa mas la conservación de todo el Imperio que de un miembro solo del y no es de dudar de que estando proveydo de cabeza el Imp[eri]o Dios dará su gracia para que lo de Bohemia se componga mucho mas fácilmente » (réponse de l’archevêque de Mayence au duc de Saxe, 15 mai 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.). Voir également le résumé d’une lettre de Johann Schweikard von Cronberg à Ferdinand de Styrie, 13 juin 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.
108 « Pues el directorio danubiano es mas potento q[ue] el n[uest]ro del Rin q[ue] V[uestra] E[xcelencia] nos asegure de tal man[er]a con las asistencias de su M[ajesda]d Catt[óli]ca q[ue] por imposibilidad no se buelva a deshazer » et « Entretener medio regimi[ent]o de infantt[erí]a en Borg[oñ]a y otro tanto en las partes de Alsacia » (copie d’une lettre de l’électeur de Mayence au comte d’Oñate, 29 janvier 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
109 « Veo la hostilidad que el lantgrave Mauricio a usado en desarmar una compania de infantería de V[uestra] A[lteza] […]. Los negocios se van disponiendo de manera que tenemos grandes esperanzas de muy buenos successos y assi no faltaran ocasiones para poner remedio en ello y supuesto q[ue] mañana pasaremos el puente de Asch[aff]e[n]burg […] yo embio luego la buelta de Oppenheim un golpe de gente para que (en caso que el enemigo atentase alguna cosa) haga frente a la otra parte del Rhyn con que la Villa de Maguncia quedará asegurada » (lettre de Gonzalo Fernández de Córdoba à Johann Schweikard von Cronberg, 16 juin 1622, BNE, ms. 1869, fo 25).
110 Lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 19 mai 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.
111 « No vee como después de la Elección se pueda tratar de la paz de Bohemia pues entonces no se hallará presente mas q[ue] la una parte. Juzga q[ue] esta prorrogación no huviera sido tan contraria a los demás Ele[c]tores, ni a la Bula Aurea, siendo e novo emergente. Tanpoco sabe q[ue] [h]aya pena señalada por ella » (résumé d’une lettre de Frédéric V à Johann Schweikard von Cronberg, 9 juin 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
112 « Han llegado a termino q[ue] parece no se podrán componer sin derramar mucha sangre » (ibid.).
113 Copie d’une lettre de cinq électeurs impériaux à Frédéric V, 16 octobre 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.
114 Lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 5 novembre 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.
115 Efferen sert d’intermédiaire pour demander le transfert de 1 500 aurea de la pension de l’archevêque à son neveu (lettres de Ferdinand von Efferen à Baltasar de Zúñiga, 2 et 11 janvier 1616, HHSA, Spanien, Varia 4, Konv. C, fos 7 et 11).
116 « El Elector de Maguncia quando estuve en Francafort me habló en q[ue] deseava decargar la real haçienda de V[uestra] M[ajesdad] deseando hacer dexaçión de sus pensiones y q[ue] se la diessen en beneff[ici]os ecl[esiástic]os esperando por este camino se la podrá V[uestra] M[ajesdad] mandar crezer y a[h]ora mescrive pidiéndome que el acrescentarse la fuese doblársela alegando los grandes gastos q[ue] hace en estas ocasiones » (lettre du comte d’Oñate à Philippe III, 17 novembre 1619, AHN, Estado, leg. 1638, n. f.).
117 Fernández, 1974.
118 « Siendo así que de los buenos officios, con que yo he acudido a la República [h]an brotado grandes odios de los Príncipes Herejes contra mi familia y principal[en]te contra el d[ic]ho mi sobrino, que en d[ic]ho tiempo servió muchos años al sereníss[m]o Principe de Flandes; y a[h]ora assiste en el exerçito de V[uestra] Mag[esda]d en el Palatinado; de donde [h]a procedido, que a[h]ora, con occasión desta guerra, que por la rebellión del Palatino nos [h]a venido, le [h]an quemado y saqueado como a enemigo los principales assientos de su morada y domicilio; supp[li]co muy humildem[en]te a V[uestra] Mag[esda]d que […] no consienta que en este común trabaxo lo pague mal; sino que se digne por su Real liberalidad de reçibirlo piadosam[en]te en sus vassallos y criados; y por su Real graçia de concederle que algún día tenga segura retirada so el amparo de V[uestra] Mag[esda]d haciéndole m[e]r[ce]d del Señorío de Florchinquen, que está en el Ducado de Lucemburg » (lettre de Johann Schweikard von Cronberg à Philippe IV, 8 août 1622, AGS, Estado, Alemania, leg. 2507, n. f.).
119 « El elector de Maguncia ha escrito al Emp[erad]or proponiéndole por medio para la paz con el Palatino q[ue] se de la administración del Electorato a Bavi[er]a » (résumé de dépêches d’Allemagne, 14 janvier 1622, AHN, Estado, lib. 740, fo 7).
120 « El Elector de Maguncia y el Langravio Ludovico de Assio y otros pedían al Emp[erad]or parte del Palatinato Inferior » (résumé de lettres du comte d’Oñate à Philippe IV, 9 et 15 mars 1623, AGS, Estado, Alemania, leg. 2507, n. f.).
121 Ibid.
122 « Aunque es manifesto a todo el mundo q[ue] la causa del Palatino es tal que nadie puede dudar que no [h]aya perdido su dignidad y bienes todavía [h]aya algunos que procurren su restitución con tanta solicitud q[ue] no pareze tendrán q[uen]ta de la eminencia ele[c]toral ni de los Estados obedientes del Imp[eri]o a los quales ha causado tantos daños su rebelión » (résumé d’une lettre de Johann Schweikard von Cronberg au comte d’Oñate, 2 juillet 1624, AHN, Estado, leg. 1635, fo 69).
123 Résumé de la réponse du comte d’Oñate à Johann Schweikard von Cronberg, 11 juillet 1624, ibid., fo 70.
124 « Considerar q[ue] el Eletor es el Primer Principio de Alem[ani]a el voto más seguro q[ue] V[uestra] M[ajesda]d y su R[ea]l Cassa han tenido en ella en todas las ocasiones passadas q[ue] sin el difficilm[en]te se sati[faze] bien de las presentes ni con la sucessión del Imp[eri]o q[ue] por ventura se podría encaminar con el ass[ien]to de la Paz » (lettre du comte d’Oñate à Philippe IV, 18 juillet 1624, ibid., fo 71).
125 « El Ele[c]tor tiene tantos años que puede durar poco qualquier m[e]r[ce]d q[ue] V[uestra] M[ajesda]d le hiciese por su vida » (ibid.).
126 L’empereur « ha embiado a llamar al Archiduque Carlos y ha savido el conde de secreto es para hazerle coa[d]jutor del Elector de Magun[ci]a » (sommaire de deux lettre du comte d’Oñate à Philippe IV du 9 et 15 mars 1623, AGS, Estado, Alemania, leg. 2507, n. f.).
127 « Yba mirando en la subçesión del Electorato de Tréberis apuntando su A[lteza] ha considerado que no sería fuera de propósito procurar nombrar coadjutor y lo propio para Magunçia y que importaría encaminar la coadjutoría para el Archiduque Carlos » (points abordés dans des lettres du comte d’Oñate et de l’infante Isabelle à Philippe IV, 22 mars, 6 et 19 avril 1623, AGS, Estado, Alemania, leg. 2507, n. f.).
128 « La señora Infanta me avisó en carta de 26 de Agosto lo se havia tratado en Brusselas con el Elector de Maguncia sobre la coadyutoria de su Electorato para el s[eño]r Archiduq[ue] Carlos. Di quenta dello al Emper[ard]or y me respondió que de lo que aqui resolviesse con sus A[ltezas] se venía la resolución q[ue] toma el señor Arch[duqu]e Carlos y conforme a ella me respondería lo que se huviesse de hazer » (lettre du comte d’Oñate à Philippe IV, 3 octobre 1623, AGS, Estado, Alemania, leg. 2507, n. f.). Les mots soulignés correspondent aux parties chiffrées de la lettre.
129 Kessel, 1979, pp. 102-103.
130 Duhamelle, 1998, pp. 73-93.
131 Olivares, Memoriales y cartas, « Documento VIII: El problema de los infantes (1625) », t. I, pp. 165-170.
132 « De verse superior a todos » (ibid., p. 169).
133 « Otro camino se ofrece también aunque a mi parecer desigual al que he propuesto, y en el genio de este príncipe no entraría tan bien, y en sí no lo tengo por tan fácil de disponer. Este sería hacer diligencia extraordinaria en el Imperio para negociarle la coadjutoría de Tréveris o Maguncia, por medio para el fin en que se le ha de procurar que esté siempre firme para tenerle seguro en la profesión eclesiástica. Para esto convendría enviarle a Alemania, para que se hiciese a aquellas costumbres y modo de vida, criándose en casa del emperador su tío » (ibid., p. 170).
134 Ibid., pp. 163-164.
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