Chapitre IV
Les techniques commerciales
p. 217-289
Texte intégral
1Le présent chapitre — de même que le suivant, consacré aux capitaux investis dans le commerce de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie — repose sur l’analyse de données sérielles et quantitatives provenant pour l’essentiel de l’Arxiu Històric de Protocols de Barcelone. Il convient bien sûr de préciser d’emblée que les résultats ainsi obtenus ne peuvent en aucun cas être tenus pour complets. Cependant, les valeurs relatives que ces séries permettent de déterminer comptent en fait bien plus que les chiffres bruts relevés, puisqu’elles permettent d’ébaucher des lignes d’évolution et d’établir avec commodité des comparaisons éclairantes, notamment avec les autres ports méditerranéens.
2Toutefois, si des analogies avec le trafic de Gênes vers la Romanie s’établissent avec évidence, puisque celui-ci se fonde sur le même type de données et que l’analyse qui en a été faite sert précisément de base à cette étude sérielle1, il n’en va malheureusement pas de même pour le négoce de nombreuses autres grandes cités maritimes. En effet, cette démarche comparative se heurte fréquemment à deux types d’obstacles : l’insuffisance de sources notariales, mais aussi l’existence d’autres sources déjà constituées en séries — les documents fiscaux en sont le meilleur exemple — et qui souvent sont privilégiées par rapport aux minutes notariales. L’exploitation aisée des données fiscales permet en effet d’aboutir à des résultats plus sûrs et de constituer des listes souvent plus longues et moins discontinues que la fastidieuse compilation des actes notariés, qui souvent n’apporte que des données fragmentaires et dispersées ; elle présente cependant un sérieux inconvénient : les informations relatives aux types de contrats utilisés — autrement dit aux techniques commerciales — échappent alors à l’analyse. Tel est en particulier le cas des études concernant Venise, qui privilégient les listes des fameux incanti — les enchères des galées marchandes — pour déterminer la conjoncture et la part des investissements dans le commerce au long cours. C’est pourquoi les principaux travaux consacrés à l’expansion vénitienne2 ne permettent guère d’établir de comparaisons chiffrées avec les techniques commerciales utilisées à Barcelone ou dans les autres grands ports de commerce méditerranéens. Le même type de difficulté se présente dans le cas de Valence au XVe siècle, puisque les activités commerciales de ce port peuvent être appréhendées à travers les registres des péages3. La démarche comparative est donc plus limitée qu’il n’y paraît à première vue et, compte tenu de l’état général de la documentation, elle se bornera donc souvent au seul commerce de Gênes avec la Romanie — sans pour autant, bien entendu, négliger l’activité des autres ports.
I. — Les actes notariés
3Les notaires barcelonais nous ont laissé un très grand nombre de minutiers, tous postérieurs au XIIIe siècle, qui font de l’Arxiu Històric de Protocols de Barcelone l’un des fonds les plus riches d’Europe pour ce type de documentation. Les notaires jouèrent en effet un rôle capital dans les activités commerciales menées par les marchands de Barcelone. Comme ailleurs en Occident, leur statut de personne publique et leur seing, apposé sur les documents, conféraient aux accords instrumentés par eux un caractère d’engagement définitif ou, pour employer un terme juridique, une force probante ; d’où le fréquent recours à leurs services pour garantir la bonne exécution des transactions conclues. Le très grand nombre de documents ainsi conservés à l’Arxiu Històric de Protocols permet de reconstituer partiellement les activités commerciales et de connaître dans le détail les techniques utilisées.
4Certaines limites, en particulier le caractère très fragmenté de ce type de sources, rendent toutefois son utilisation délicate. Par ailleurs, bien des accords étaient conclus sans notaire ; mais on ignore évidemment dans quelle proportion exacte puisqu’on ne trouve qu’exceptionnellement des traces écrites de ces transactions, à l’occasion de quittances ou dans des comptes commerciaux4. Quel est donc le degré de représentativité des actes instrumentés par les notaires ? On sait qu’à Gênes, dès le XIVe siècle, le recours à leurs services se raréfia progressivement en raison du développement des actes sous seing privé5. L’activité des tabellions barcelonais connut-elle la même évolution ? L’abondance des contrats à destination de l’Orient méditerranéen, jusqu’aux années 1410-1420 tout au moins, semble infirmer cette hypothèse : il était en effet nécessaire d’obtenir des garanties pour des opérations commerciales en terre lointaine et non chrétienne. Enfin, bien des minutiers de notaires ont disparu avec le temps et c’est souvent aux seuls caprices du hasard que nous devons la conservation de documents concernant le trafic de Barcelone avec le sultanat mamelouk. C’est dire si les informations tirées de ce type de sources restent partielles et lacunaires. Une fois ces limites admises, il faut néanmoins souligner que les contrats notariés peuvent constituer une véritable mine de renseignements.
Tableau 13. – Répartition des contrats selon les notaires consultés lors du départ de la nef de Bartomeu Amar, pour Rhodes, Chypre et Beyrouth (décembre 1415)
Notaires | Commendes | Changes et assurances | Total | % |
Bernat Sans | 33 | 13 | 46 | 35,7 |
Tomàs de Bellmunt | 34 | 1 | 35 | 27,1 |
Bernat Mateu | 30 | 2 | 32- | 24,8 |
Antoni Brocard | 6 | 3 | 9 | 7 |
Llorenç Aragay | 2 | — | 2 | 1,6 |
Inconnu | 1 | — | 1 | 0,8 |
Sans notaire | 2 | — | 2 | 1,6 |
5L’étude des actes montre de façon évidente que les marchands se consacrant au commerce au long cours étaient liés par un rapport de confiance professionnelle à des notaires bien précis. La fréquentation d’une clientèle relativement fidèle entraînait la spécialisation de certains tabellions dans la rédaction de contrats relatifs au Levant, et inversement. Ce constat ressort avec évidence de l’étude des actes instrumentés en décembre 1415 à l’occasion du départ de la nef de Bartomeu Amar pour Rhodes, Chypre et Beyrouth. Un inventaire des actes notariés conclus à cette occasion fut en effet dressé6 afin de permettre de répartir les sommes versées à titre de dédommagement par la commune de Gênes après le pillage de ce navire à Famagouste, le 21 février 1416, par le pirate génois Pietro Re. On peut donc considérer comme très complète la liste des accords établis devant notaire à l’occasion de ce voyage commercial. Les cent vingt-neuf contrats compilés dans cette enquête se répartissent comme indiqué dans le tableau 13 (voir p. 219).
6On constate ainsi que trois notaires ont à eux seuls instrumenté près de neuf actes (soit 87,6 %) sur dix établis à cette occasion. Leur intervention est directement liée à la préférence de certains marchands preneurs de fonds : Francesc Des Carner et Antoni Pujol, qui font équipe ensemble, viennent régulièrement consulter Tomàs de Bellmunt ; Francesc Riera préfère les services de Bernat Mateu, tandis que Bernat Pellicer et Pericó Terrassa restent fidèles à Bernat Sans. Ainsi s’explique la répartition constatée entre les différents notaires. Un autre chiffre est également très significatif, celui des contrats passés sous seing privé par les contractants eux-mêmes : malgré la date tardive, on compte seulement deux accords de ce type, ce qui confirme l’hypothèse d’une pratique notariale différente de celle de Gênes, ou ayant connu une évolution décalée par rapport à celle du port ligure.
7La spécialisation de certains notaires dans les opérations de grand commerce n’était pas nouvelle à Barcelone. Dès le milieu du XIVe siècle Jaume Ferrer, actif entre 1349 et 1368, rédigea, entre autres, cent vingt-trois commendes pour l’Orient méditerranéen en mai 1349, puis au moins huit contrats de nolis pour Chypre, Beyrouth et Alexandrie entre 1353 et 13577. Comme ses collègues de 1415, il n’était pas seul à se consacrer à ces activités, qui dépassaient sans doute de beaucoup les capacités d’un seul notaire : au cours des mêmes années, Bernat Arnau et Pere Ullastrell sont également connus pour avoir rédigé de nombreux contrats concernant des voyages vers les mêmes destinations. Avant d’instrumenter lui-même, Pere Ullastrell remplit d’ailleurs fréquemment le rôle de témoin lors des commendes rédigées par Jaume Ferrer en 1349, alors que lui-même n’était encore que simple scriptor8. La formation professionnelle auprès d’un notaire déjà spécialisé dans les accords de commerce au long cours perpétuait évidemment ce type d’activité. Pourtant, aucun contrat rédigé par Bernat Arnau ou Pere Ullastrell ne nous est parvenu et c’est toujours par des sources indirectes que nous apprenons qu’ils ont instrumenté des actes à destination du Levant9 — constat qui permet d’imaginer l’ampleur de la documentation perdue.
8Le minutier de commendes de Jaume Ballester10 (1363-1385), qui contient une centaine de documents concernant l’Orient méditerranéen, est le premier d’une longue série uniquement consacrée à la rédaction de ce type de contrats. Viennent ensuite le minutier de Joan Nadal, qui couvre les années 1388-1389, et surtout ceux de son frère Bernat Nadal, qui livrent plus de 1.000 commendes pour l’Égypte et la Syrie pendant la période 1393-1410. Au même moment, les minutiers d’Arnau Lledó (1394-1417, avec de nombreuses interruptions) et Tomàs de Bellmunt (1402-1416) apportent ensemble près de 700 autres commendes destinées au Proche-Orient mamelouk.
9Passé 1416, la documentation notariée se fait subitement beaucoup plus rare. Pourtant, Arnau Lledó, Joan et Bernat Nadal poursuivent tous trois leurs activités bien au-delà de cette date. Leurs derniers minutiers spécialisés ont peut-être disparu, mais il est bien clair qu’ils ne se consacrent plus aussi assidûment au commerce au long cours, comme s’ils paraissaient délaisser cette activité à la fin d’une carrière bien remplie. En effet, le dernier manual de commendes de Joan Nadal, qui couvre une période de onze années (1420-1430), ne contient plus qu’une vingtaine de documents spécifiant une destination11. D’autres notaires ont également pris la relève, tels Bernat Sans, Antoni Brocard, Bernat Mateu qui figurent tous trois en bonne place dans l’enquête précédemment citée de 1416 — et Bernat Pi, mais à l’exception du bref minutier de commendes de Bernat Sans (1428-1430) et de celui d’Antoni Brocard (1435-1445), lequel déborde les limites de notre étude, les autres ont hélas tous disparu alors que nous avons la certitude qu’ils ont bien existé12. Fort heureusement, de nouveaux minutiers, spécialisés cette fois dans la rédaction des assurances, prennent alors la relève ; le premier d’entre eux est celui de Bartomeu Masons major, couvrant les années 1428-1429 et comportant huit contrats pour Alexandrie et de très nombreux autres pour Rhodes13.
10Ce rapide panorama de la documentation notariale principalement utilisée ne dispense bien sûr aucunement d’explorer les autres minutiers des mêmes notaires ni ceux de leurs collègues. Ces autres documents fournissent beaucoup d’informations complémentaires, mais les documents pour l’Égypte et la Syrie y sont bien moins fréquents. En fait, cet état des sources notariales montre surtout l’inégale répartition des contrats à destination du Levant tout au long de la période étudiée : les séries d’accords commerciaux les plus longues et les plus fournies concernent une période assez brève, comprise entre 1393 et 1416 ; à quoi s’ajoutent d’autres documents concentrés sur quelques années isolées : 1349, 1388-1389 et 1428-1429. Ces disparités s’expliquent à la fois par la perte de documents et par des irrégularités conjoncturelles dont l’étude détaillée n’a pas sa place ici. La répartition des contrats obéit donc à un jeu complexe, où se mêlent hasard de la conservation des documents et circonstances politico-économiques et où il est le plus souvent bien difficile de faire la part de chaque facteur quand les documents sont peu nombreux. Toujours est-il qu’aux dates indiquées les données sont heureusement assez nombreuses pour pouvoir être considérées comme bien représentatives des activités marchandes catalanes et pour permettre de dégager quelques conclusions.
II. — Les commendes14
11Ce type de contrat, bien connu et étudié15 puisqu’il constituait l’une des principales techniques de commerce utilisée par les négociants occidentaux à la fin du Moyen Âge, associait deux marchands ou deux parties contractantes : l’une fournissant des capitaux et restant sur place, l’autre emportant les sommes confiées — généralement investies dans l’achat d’un ou plusieurs types de marchandises — vers la destination mentionnée, à charge pour elle de l’échanger contre d’autres produits qu’elle devait ensuite rapporter au(x) bailleur(s) dans le port de départ. Les trois quarts des profits de l’opération revenaient généralement à la première partie, également appelée accommendant, contre un quart au marchand voyageur (l’accommenditaire). Cet accord représentait l’association type du capital et du travail, dans la limite d’un seul voyage.
La part des commendes dans le commerce avec le sultanat mamelouk
12Les commendes dominent sans partage l’échantillon de documents notariaux utilisé pour la présente étude, dont elles constituent près des neuf dixièmes (88,87 %). Leur succès reposait en partie sur leur courte durée, qui permettait des placements commodes et rentables à court terme. Ces caractéristiques permettaient ainsi à tous, y compris à d’humbles particuliers, de participer même modestement au grand commerce. Cependant la prépondérance des commendes ne fut pas aussi écrasante à toutes les époques, comme en témoignent les données exprimées en valeurs relatives dans le tableau 14 (voir p. 224). Ces chiffres montrent une claire évolution dans l’utilisation des contrats : avant 1410, les commendes ne laissent qu’une place insignifiante aux autres types d’accords, du point de vue du nombre des actes aussi bien que des capitaux investis. Après cette date, en revanche, le recul des commendes se fait de plus en plus net, surtout du point de vue du nombre des actes, au point que ce type de contrat ne représente plus, pendant les années 1420, qu’un peu moins de six actes sur dix et à peine plus de la moitié des capitaux investis. Cependant, la faiblesse numérique de l’échantillon relatif à cette dernière décennie impose, répétons-le, de considérer ces chiffres avec prudence. À Barcelone, on constate donc, comme à Gênes, que la commende est progressivement délaissée, mais avec un net décalage chronologique par rapport au port ligure, pour lequel cette évolution est déjà perceptible dès la seconde moitié du XIVe siècle16.
Tableau 14. — Commendes barcelonaises à destination de l’Égypte et de la Syrie (sommes en livres de Barcelone)1
Périodes | Nombre de commendes | Part des contrats | Montants | Part des capitaux | Moyennes | Médianes |
1334-1342 | 18 | 100,0 % | 3.416,0 | 100,0 % | (172,4) | Non représentative |
1344-1350 | 126 | 100,0 % | 13.569,0 | 100,0 % | 107,7 | 65,0 |
1358-1365 | 32 | 94,1 % | 1.472,6 | 80,4 % | 46,0 | 40,0 |
1370-1379 | 79 | 92,9 % | 5.512,9 | 85,1 % | 69,8 | 44,0 |
1380-1389 | 99 | 95,2 % | 7.727,4 | 95,3 % | 78,1 | 47,4 |
1393-1399 | 467 | 92,3 % | 64.680,9 | 90,3 % | 138,5 | 60,0 |
1400-1409 | 914 | 90,5 % | 111.400,0 | 89,2 % | 121,9 | 55,6 |
1410-1419 | 257 | 76,0 % | 34.610,3 | 84,3 % | 133,6 | 83,1 |
1420-1430 | 29 | 59,2 % | 7.086,3 | 52,7 % | 244,4 | 111,0 |
Total | 2.021 | 88,9 % | 246.059,4 | 87,6 % | 122,4 | 57,7 |
13Certes, du fait du regroupement des commendes dans des minutiers à part, la proportion des commendes conservées se trouve sans doute exagérée par rapport à celle des autres contrats, dispersés dans d’autres minutiers non spécialisés et donc plus difficiles à rassembler. Toutefois, si les chiffres doivent être minorés, la domination de ce type d’acte avant 1410 ne peut guère être remise en cause, pas plus que son déclin relatif à partir de cette date, compte tenu du très grand nombre de commendes retrouvées principalement avant cette date.
Les différents types de commendes
14Dans leur synthèse consacrée à ce modèle de contrat à Barcelone, J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz distinguent essentiellement trois types de commendes : celui dit a esparç, dans lequel les marchandises confiées devaient être vendues par l’accommenditaire séparément des autres ; le second type, qui à l’inverse du cas précédent autorisait le preneur à commercialiser ensemble les biens ou les fonds remis par différents bailleurs et les siens propres, d’où les expressions in meo comuni ou simul cum meis mercibus utilisées pour l’identifier ; enfin, la formule missa in comuni, dans laquelle l’ensemble des marchandises emportées formait un tout dont la valeur était divisée en parts égales et constituait le montant des commendes17.
15Toutefois, il est le plus souvent bien difficile d’identifier clairement ces différents types dans la pratique, car ces formules sont en fait rarement précisées dans les contrats, en particulier lorsqu’ils sont abrégés, ce qui est très fréquent dans les minutiers. Aussi est-il impossible d’avancer des chiffres précis pour le nombre de ces trois variétés. Toutefois, les commendes in meo comuni dominent sans ambiguïté l’échantillon de documents recueillis. En effet, on ne trouve que rarement les expressions a esparç et surtout missa in comuni — celle-ci n’apparaissant en fait jamais parmi les commendes pour l’Égypte et la Syrie18. En revanche, les formules in comuni meo ou simul cum mets mercibus figurent dans près de 500 commendes, soit un peu moins du quart de l’échantillon recueilli. Ces accords présentaient en effet l’avantage pour les accommendants de pouvoir confier une somme d’argent, souvent de nombre rond, sans qu’elle fût déjà investie en une marchandise. Par ailleurs, la plupart des autres commendes dont le type n’est pas précisé sont fréquemment conclues en séries dépassant plus d’une dizaine d’actes19 par un grand nombre de bailleurs qui confiaient leurs biens à quelques accommenditaires seulement, et sans que les sommes données soient égales ou correspondent à des multiples ; ces caractéristiques apparentent donc également les accords ainsi passés au type de commende in comuni meo20.
16Comment expliquer le succès de ce type de commende pour l’Orient méditerranéen ? Il laisse en fait une assez grande liberté d’action à l’accommenditaire, qui pouvait se voir confier une simple somme et l’investir comme bon lui semblait dans le produit d’exportation de son choix. Mais surtout, ce marchand voyageur était souvent amené à définir lui-même les produits d’importation une fois arrivé sur place, comme l’indique clairement l’expression ad voluntatem meam alors utilisée — et clairement incompatible avec le modèle a esparç, dans lequel le bailleur exigeait des marchandises précises, séparées du reste de la cargaison rapportée par le preneur de fonds. Cette formule, qui laissait une autonomie complète à l’accommenditaire (ad voluntatem meam) à son arrivée en Égypte ou en Syrie, figure dans 445 contrats, soit un peu moins du quart des commendes entre 1334 et 143021. Si l’accommenditaire ne jouissait pas d’une pleine liberté d’action en Méditerranée orientale, il était souvent placé devant un choix de marchandises précises proposé par le bailleur, qui lui demandait alors d’acheter celles vendues au meilleur prix. On mesure bien les avantages d’une telle formule très souple : vu l’éloignement des destinations et la méconnaissance des conditions exactes du marché au moment de la conclusion du contrat à Barcelone, il était plus judicieux de laisser les preneurs de fonds faire leur choix une fois parvenus à destination.
17Les accommendants qui souhaitaient recevoir des marchandises déterminées provenant du Sultanat, séparément de l’ensemble importé, avaient parfois recours à un modèle hybride de commende : les fonds ou les biens étaient confiés à l’accommenditaire in comuni meo à l’aller, tandis qu’au retour, les produits devaient être rapportés a esparç22. Les commendes exclusivement a esparç, c’est-à-dire imposant de commercialiser les biens confiés séparément des autres tant à l’exportation qu’à l’importation, étaient en fait exceptionnelles vers ces destinations23.
Importance des commendes pour l’Égypte et la Syrie par rapport aux autres destinations
18La concentration du nombre de commendes pour l’Égypte et la Syrie entre 1393 et 1416 constitue-t-elle une spécificité de ces seules destinations ou bien l’ensemble des commendes se caractérise-t-il également par une hausse prononcée au cours de la même période ? Une confrontation du nombre de contrats relevés par destinations s’impose donc, afin de répondre à cette question et de mettre en valeur les particularités des commendes prévues pour le Proche-Orient mamelouk.
Tableau 15. — Répartition des commendes barcelonaises entre les différentes destinations (1363-1430)2
Destination | Couronne d’Aragon | % | Reste de la péninsule Ibérique | % | Barbarie | % | Total des contrats |
Années | |||||||
1363-1385 | 55 | 12 | 5 | 1,1 | 1 | 0,2 | 457 |
1402-1416 | 4 | 0,7 | 7 | 1,2 | 586 | ||
1428-1430 | 1 | 1,2 | 1 | 1,2 | 83 | ||
Total des destinations | 55 | 4,9 | 10 | 0,9 | 9 | 0,8 | 1.506 / 1.126 |
Destination | Sardaigne | % | Sicile | % | Italie | % | Total des contrats |
Années | |||||||
1363-1385 | 15 | 3,3 | 136 | 29,8 | 24 | 5,3 | 457 |
1402-1416 | 40 | 6,8 | 157 | 26,8 | 64 | 10,9 | 586 |
1428-1430 | 21 | 25,3 | 52 | 62,6 | 8 | 9,6 | 83 |
Total des destinations | 76 | 6,7 | 345 | 30,6 | 96 | 8,5 | 1506 /1126 |
Destination | Romanie | % | Chypre et Rhodes | % | Égypte et Syrie | % | Total des contrats |
Années | |||||||
1363-1385 | 102 | 22,3 | 74 | 16,2 | 106 | 23,2 | 457 |
1402-1416 | 64 | 10,9 | 129 | 22 | 350 | 59,7 | 586 |
1428-1430 | 5 | 6 | 53 | 63,9 | 25 | 30,1 | 83 |
Total des destinations | 171 | 15,2 | 256 | 22,7 | 481 | 42,7 | 1506 / 1126 |
19À y regarder de près, le trafic de Barcelone, tel qu’il apparaît d’après ces données, présente une singulière physionomie : comment croire en effet que les relations avec l’ensemble de la Péninsule, avec la France ou la Flandre aient été à ce point insignifiantes24 ? Comment croire également que le trafic avec la Sicile ait été inférieur de plus de moitié à celui destiné à l’Égypte et à la Syrie entre 1402 et 1416, alors que cette île nettement plus proche jouait un rôle économique actif et que des liens dynastiques l’unissaient à la couronne d’Aragon, à laquelle elle devait d’ailleurs revenir en 1409 ? Il est évident que tous ces chiffres ne sont pas l’exact reflet de la réalité. Ils ont pourtant une signification. On remarquera en effet que la part des destinations lointaines — Égypte et Syrie, mais aussi Rhodes et Chypre, ainsi que la Romanie au cours de la première période — paraît surévaluée par rapport à l’ensemble. Le facteur de la distance semble donc avoir stimulé le recours aux contrats écrits, qui offraient davantage de garanties dans la perspective d’un voyage plus incertain25. L’analyse du trafic par le biais des commendes amplifierait donc la part des destinations lointaines.
20Notons que ce phénomène présente en contrepartie de gros avantages : pour étudier ces relations au long cours, l’historien dispose de matériaux bien plus abondants qu’il n’en possède le plus souvent pour analyser un négoce de proximité. Par ailleurs, la comparaison des trafics vers les destinations lointaines sur la base des commendes, garde bien toute sa signification et l’on peut en tirer une claire lecture de l’évolution des relations commerciales de Barcelone avec l’Orient méditerranéen : on constate ainsi qu’entre 1363 et 1385 le commerce avec la Romanie (terme générique englobant Constantinople, Éphèse et plus rarement Phocée) talonne les échanges avec Alexandrie et Beyrouth, tandis que Chypre joue un rôle encore très actif et souvent indépendant du sultanat mamelouk au moins jusqu’en 1374-1375, soit avant les premiers effets de la prise de Famagouste par les Génois. Mais entre toutes les destinations, c’est encore la Sicile qui l’emporte. En revanche, entre 1402 et 1416 — et sans doute dès la fin du XIVe siècle —, les commendes révèlent une très nette prédominance des ports mamelouks : ceux-ci totalisent alors près de 60 % des contrats, devançant très largement la Sicile elle-même26 — avec les réserves à apporter à cette comparaison. Dans ce contexte nouveau, Rhodes se substitue à Chypre dans le rôle d’étape vers l’Égypte et la Syrie, entraînant du même coup le déclin du trafic vers la Romanie. Ce phénomène se poursuit et domine l’étape suivante (1428-1430) : pour les Catalans, l’île des chevaliers de Saint-Jean devient alors le principal pôle économique en Méditerranée orientale au détriment d’Alexandrie et surtout de Beyrouth, qui se maintiennent cependant à un niveau supérieur à la moyenne tandis que la Romanie poursuit son déclin. Les données de ce tableau indiquent donc très clairement que l’abondance des commendes à la fin du XIVe s. et au début du XVe siècle constitue un phénomène qui concerne spécifiquement le trafic de Barcelone avec Alexandrie et Beyrouth et non la totalité des destinations. Elles montrent également que sur l’ensemble de la période considérée, l’Égypte et la Syrie furent constamment pour Barcelone deux pôles commerciaux attractifs.
Les capitaux investis en commende et leurs bénéfices
21L’analyse des sommes moyennes investies dans les commendes selon les différentes périodes27 permet d’affiner l’étude de ce type de contrat. Elle témoigne de vigoureux contrastes, les montants moyens confiés pouvant aller du simple (années 1358-1365) au quintuple (dernière décennie). Certes, les valeurs médianes atténuent ces écarts, mais on remarquera cependant que leur amplitude varie presque du simple au triple entre les mêmes périodes. L’évolution du début à la fin de la période considérée n’est cependant pas linéaire. Elle est d’abord marquée par un effondrement des sommes investies entre la fin des années 1330 (près de 190 livres en moyenne) et les années 1360 (46 livres, soit quatre fois moins). Cette forte baisse doit cependant être nuancée par le fait que les chiffres de la période 1334-1342 se fondent principalement sur les activités de la puissante compagnie de Pere de Mitjavila, qui ne sont sans doute pas représentatives de l’ensemble du trafic catalan avec le Levant à la même époque. Mais si la première moyenne de 190 livres doit être revue à la baisse, la diminution enregistrée au cours des années suivantes ne semble faire aucun doute, tant les chiffres des années 1360 paraissent faibles.
22Toujours est-il qu’à partir de 1370 commence une longue phase de récupération progressive, qui permet de dépasser le niveau des 190 livres seulement au cours des années 1420. Dans ce mouvement de hausse se dessinent deux accélérations très nettes : lors de la dernière décennie du XIVe siècle, pendant laquelle la moyenne des commendes double presque (passant de 78 livres par contrat à 138,5 livres), puis pendant les années 1420, où l’on assiste à une augmentation comparable, qui place pour la première fois cette moyenne nettement au-dessus de la barre des 200 livres.
23Ces résultats sont bien sûr à prendre avec prudence compte tenu du nombre limité de commendes réunies au début et à la fin de la période étudiée. L’analyse détaillée de ces mouvements n’a donc pas sa place ici puisqu’il est nécessaire de connaître l’évolution des investissements dans le cadre des autres types de contrat pour pouvoir confirmer les mutations qui se dessinent ici et avancer des explications d’ensemble28. Notons simplement que les deux mouvements relevés paraissent traduire deux phases opposées d’un cycle économique de longue durée, dont la coupure se situerait au cours des années 1350. La hausse progressive de la moyenne des contrats au cours de la seconde phase peut a priori laisser supposer qu’elle compense la baisse du nombre de commendes à partir de 1410 ; en fait il n’en est rien, puisque la part des capitaux investis dans ce type de contrat diminue encore plus nettement29.
24Par ailleurs, dans la mesure où les contrats confiés selon le modèle in comuni meo, conclus en séries, représentent la quasi-totalité des commendes expédiées vers l’Égypte et la Syrie, il n’était pas rare que les capitaux réunis par un même preneur de fonds atteignent des sommes de plusieurs milliers de livres, puisque seuls quelques-uns d’entre eux concentraient entre leurs mains l’argent fourni par de nombreux bailleurs30. Le maximum relevé est emporté par l’un des membres de la compagnie Mitjavila à destination d’Alexandrie entre 1334 et 1342 : Arnau Espaser rassembla ainsi 6.643 livres, 3 sous et 7 deniers, somme tout à fait considérable, qui comprenait d’une part les capitaux fournis par la compagnie, à raison de 4.087 livres, 13 sous et 7 deniers, et des commendes confiées par différents bailleurs qui souhaitaient profiter de ce départ, pour un total de 2.555 livres et 10 sous31. Sans doute cet exemple, relevé parmi les comptes de l’une des plus puissantes compagnies catalanes du XIVe siècle, n’est-il pas le plus représentatif. L’enquête portant sur les commendes instrumentées lors du départ de la nef de Bartomeu Amar pour Rhodes, Chypre et Beyrouth, en décembre 141532 fournit des résultats vraisemblablement plus proches des quantités moyennes confiées aux accommenditaires au début du XVe siècle, mais qui restent fort respectables : Francesc Riera emportait 4.628 livres, fournies par 37 bailleurs différents, tandis qu’au même moment ses collègues Francesc Des Carner et Antoni Des Pujol se voyaient confier ensemble une somme équivalente (4.518 livres) par 41 accommendants. Et l’on pourrait encore citer bien d’autres cas, dont certains comportent des montants supérieurs33. Les marchands débarquant à Beyrouth ou Alexandrie se trouvaient donc généralement à la tête d’un important capital, malgré le montant souvent modique de chaque commende.
25Le bénéfice tiré des commendes reste très difficile à déterminer puisque dans la très grande majorité des cas les contrats étaient cassés avec la simple mention marginale cancellatum ou dampnatum de voluntate partium, seulement complétée par la date et la liste des témoins de la cancellation. Des quittances pour commende étaient donc rarement instrumentées et, lorsque des bailleurs de fonds en délivraient, elles n’indiquaient presque jamais le bénéfice réalisé34. Il faut donc se tourner vers la documentation, beaucoup plus clairsemée, des comptes commerciaux pour pouvoir collecter quelques renseignements très partiels, concentrés au début de la période étudiée.
Tableau 16. – Exemples de profits de commendes barcelonaises à destination du Levant (sommes exprimées en livres de Barcelone)
Dates | Accommenditaires | Sommes confiées | Solde | % | Destination | Références |
Entre 1334 et 1342 | Francesc Sabench | 768,2 | + 120,8 | + 15,7 | Beyrouth | J. M. Madurell, « Contabilidad », ffos 148v°-149r°. |
Pere Venrell | 92,3 | - 9,3 | - 10,1 | Beyrouth | J. M. Madurell, « Contabilidad », fo 1501r° | |
Arnau Llorenç | 1.795,1 | - 156,4 | - 8,7 | Chypre | J. M. Madurell, « Contabilidad », ffos 152r°-153r° | |
Juin 1343 | Joan Benet | 1.378,7 | + 552,3 | + 40,0 | Chypre | J. Plana, « The Accounts », tabl. 10. |
5 mai 1344 | Joan Benet | 300,8 | + 33,5 | + 11,1 | Chypre | ACB, Extravagants, Manual de comptes de Joan Benet (1338-1344). |
12 octobre 1348 | Bernat Ferrer et Francesc Des Clapers | 460,5 | + 169,7 | + 36,9 | Alexandrie | AHPB, J. Ferrer, Llibre comú (mai-août 1351), f° 8r°-v°. |
1384 (?) | Guillem Pere de Coscabella | 184,2 | + 10,0 | + 5,4 | Damas | C. Vela, « Les espècies », doc. 15. |
26L’examen de ces quelques données montre non seulement que le profit d’une commende était très irrégulier, mais qu’il pouvait arriver, même à des agents de la compagnie Mitjavila, de perdre une partie du capital investi (voir les deuxième et troisième commendes). Cela dit, de très gros bénéfices pouvaient également être réalisés, d’où l’attrait que suscitait presque constamment le commerce du Levant. Tout dépendait en fait des marchandises choisies, à l’exportation puis à l’importation, et des fluctuations de prix sur les marchés de Méditerranée orientale et de Barcelone. Comme le montre l’étude des comptes de Joan Benet, certaines épices, par exemple la cannelle, pouvaient rapporter jusqu’à près de 80 % de gains par rapport à leur prix d’achat à Chypre en 1343, tandis que d’autres produisaient tout au plus un bénéfice compris entre 14 % et 16,3 % (encens, sucre en cassons)35. Toutefois la conjoncture pouvait brutalement changer, comme en témoigne l’évolution des valeurs et des quantités commercialisées pour chaque marchandise36. L’opération comportait donc, en bonne logique marchande, une part de spéculation et de risque.
27Le partage du profit entre le bailleur et le preneur, fixé à trois quarts pour le premier et un quart pour le second, ne subissait qu’exceptionnellement des modifications. Sur plus de 2.000 cas, on n’en relève en effet qu’une dizaine dans lesquels l’accommenditaire devait obtenir davantage : la moitié, les deux tiers, voire la totalité des bénéfices37. À la différence de ce que M. Balard a pu observer pour Gênes38, à Barcelone ces contrats ne se caractérisaient pas particulièrement par de petites sommes puisqu’on relève parmi eux plusieurs montants de plus de 100 livres et même l’une des plus grosses commendes contractées pour l’Égypte et la Syrie, approchant les 2.000 livres39. Ces contrats paraissent en fait répondre à des accords particuliers, auxquels il est parfois fait allusion40 mais qui ne sont jamais détaillés. Les cas où l’accommenditaire touchait moins du quart des profits sont encore plus rares : on n’en relève que deux dans le même échantillon, pour des sommes assez élevées41. La comparaison avec Gênes, où ces accords modifiant les règles habituelles de répartition des profits n’étaient certes pas les plus nombreux, mais dépassaient tout de même au total le quart des commendes42, montre que les marchands barcelonais ne prenaient pas autant de libertés avec le modèle type de ce contrat ou n’adaptaient pas avec autant de souplesse la forme de l’acte notarié aux transactions particulières.
28Cependant, malgré cette différence somme toute relativement secondaire, bien des parallèles avec la pratique commerciale des grands ports italiens doivent au contraire être soulignés. À Venise, par exemple, les marchands voyageurs concentraient aussi entre leurs mains les investissements de nombreux capitalistes dans le cadre des colleganze, exactement comme dans les séries de commendes barcelonaises in comuni meo43. Enfin et surtout, on observe bien les mêmes caractéristiques essentielles d’évolution en matière d’utilisation des commendes à Barcelone et à Gênes, soit une réduction de leur part par rapport aux autres contrats et une augmentation de leur montant moyen. Ce double processus traduit, selon M. Balard, un phénomène de disparition progressive des petits investisseurs occasionnels, dépassés par les nouveaux enjeux commerciaux auxquels seuls pouvaient faire face les véritables hommes d’affaires, rompus aux techniques du négoce au long cours44. Cette explication pourrait parfaitement s’adapter au cas de Barcelone pendant la phase de croissance observée (1370-1430) ; mais avec un net décalage d’une cinquantaine d’années, comme on l’a déjà souligné.
III. — Les sociétés commerciales
Les sociétés ou comuns à parts égales
29En dépit du grand nombre de formes d’associations décrites par J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz45, dont beaucoup étaient pourtant spécialement adaptées au grand commerce, seul le modèle des sociétés ou comuns à parts égales de capitaux est représenté parmi l’échantillon d’actes dont nous disposons.
30Deux contrats à destination d’Alexandrie, datés des 8 juin 1353 et 5 avril 135646, sont apparemment les premières références catalanes connues à ce type d’association puisque J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz n’ont pu décrire son modèle théorique que d’après les commendes missa in comuni, investies en une part de capital fixe, qui en découlaient47. Le terme de comú n’est pas utilisé dans ces deux sociétés : les marchands qui y prennent part s’engagent simplement à respecter les « capitula » qui sont ensuite exposés ; seul le mot « companya » apparaît dans le premier contrat, dans une clause secondaire. Mais l’identification de ce type d’accord aux comuns à parts égales, tels qu’ils ont été décrits par A. Garcia i Sanz et J.M. Madurell i Marimon, ne fait aucun doute. Dans les deux cas, en effet, un groupe assez nombreux de marchands s’était constitué pour définir le montant d’une part de capital à investir et pour louer un navire à destination d’Alexandrie. Ce type de société répond donc bien à une double finalité, concrétisée par deux contrats distincts : l’un de nolis a escar, pour la location de l’embarcation, et l’autre définissant les clauses de l’association. Mais ces deux actes instrumentés le même jour participent bien d’un même accord ; la première clause de la société confirme en effet l’étroitesse du lien entre la constitution de l’association et le nolis du navire, puisqu’elle stipule d’abord que le chargement de la coque devra être divisé en 18 parts égales et fixe ensuite leur valeur48 ; de plus, le contrat définissant le second comú est complété par une liste de tarifs grevant des marchandises, exactement comme dans un affrètement de navire. Enfin, dans une dernière phase, les sommes rassemblées devaient être confiées en commende selon la formule missa in comuni. Ce type d’accord combinait donc au total trois techniques caractéristiques du commerce maritime médiéval : l’association, le nolis et la commende.
31Les capitaux réunis dans ces deux exemples de contrats se répartissent comme indiqué dans le tableau 17 ci-dessous.
Tableau 17. — Sociétés ou comuns à parts égales à destination d’Alexandrie (sommes exprimées en livres de Barcelone)
Dates | Nombre d’associés | Prix d’une part | Nombre de parts | Total théorique du comú | Navire loué | Références |
8 juin 1353 | 33 | 1.000 | ? | 32.500 | Nef Sant Joan | ffos 24v°-25v° |
5 avril 1356 | 20 | I.500 | l8 | 27.000 | Coque Santa Eulalia | ffos 92r°-93v° |
32Si le montant d’une part est clairement fixé, le total de l’association reste théorique puisque, dans le premier cas, les marchands qui adhèrent à cet accord disposent encore d’un court délai pour préciser s’ils prendront une part entière ou une demi-part. À la date de rédaction du contrat, un seul négociant déclarait vouloir n’acquérir qu’une demi-part de capital, soit 500 livres. En outre, dans le second cas, sept marchands sur les vingt associés sont titulaires d’une demi-part ; à la date où le contrat est instrumenté, le total n’atteint donc que 24.750 livres, et une part et demie reste encore à pourvoir. En dépit de ces incertitudes, les sommes rassemblées dans ces accords peuvent être qualifiées de colossales. La compagnie de Pere de Mitjavila, l’une des plus grosses qui ait existé en Catalogne, au XIVe siècle ne totalise pas de pareils investissements à bord d’un même navire à destination du Levant — il est vrai qu’elle se consacrait aussi au trafic avec d’autres places commerciales — et même son capital reste inférieur à ceux qui sont rassemblés ici, puisqu’il se montait « seulement » à 17.840 livres. Enfin, ces comuns à parts égales constituent les plus grosses sommes investies sur des navires à destination du Sultanat — bien que le calcul de la valeur totale des marchandises chargées à bord d’un bateau reste un exercice périlleux, compte tenu de la documentation très partielle dont nous disposons, et que cette valeur ne puisse être déterminée que dans un nombre très limité de cas, à coup sûr incomplets49.
33Le profit ou les pertes de ces associations devait être réparti en autant de parts que contenait la société, et chaque membre en recevait une, ou la moitié s’il n’avait souscrit qu’une demi-part. Les hommes d’affaires qui participaient à ces sociétés étaient manifestement des habitués puisqu’en 1356 onze associés sur vingt avaient déjà participé au comú de 1353.
Les autres sociétés
34Mis à part ces accords, aucun autre type de contrat de société n’a pu être relevé à destination de l’Égypte ou de la Syrie entre le milieu du XIVe s. et le milieu du XVe siècle, qu’il s’agisse de la societas maris génoise — qui était elle aussi conçue pour des voyages déterminés mais réunissait un nombre plus restreint d’associés apportant des parts de capitaux inégales et que l’on rencontre pourtant parmi les sources catalanes — ou de ces « sociétés de commerce général décentralisées », identifiées par J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, qui entretenaient des représentants dans diverses places marchandes afin d’y développer les échanges pour le profit de la société, soit un modèle proche de celui des grandes compagnies toscanes50. En outre, aucune recherche consacrée aux sociétés commerciales ne mentionne non plus de contrat de ce type à destination de l’Égypte ou de la Syrie51, Et lorsque certains de ces accords font allusion à ces pays, c’est généralement pour en interdire l’accès aux associés ou pour le réglementer strictement, bien que la plupart d’entre eux soient postérieurs à l’époque des prohibitions pontificales les plus sévères52.
35Seuls deux contrats font bien allusion à des opérations engagées ou à prévoir en Égypte ou en Syrie53, mais celles-ci se fondent dans un ensemble d’activités nombreuses de la société et dispersées dans plusieurs places commerciales. Il ne s’agit donc pas d’associations créées dans le but exclusif de commercer avec ces pays, comme dans le cas des comuns à parts égales de 1353 et 1356 ou des modèles décrits précédemment. À ces deux exemples il convient d’ajouter ceux des compagnies Mitjavila et de Gualbes, dont la participation au commerce avec la Méditerranée orientale entre 1334 et 1342 n’est connue que par les comptes de la première et non par des contrats précis54.
36Mais à côté de ces informations directes, plusieurs commendes indiquent également que les marchands qui en constituaient les bailleurs ou les preneurs étaient des associés ; ces contrats étaient donc bien conclus dans le cadre d’une société, au sujet de laquelle nous ne possédons malheureusement aucune information55. Dans ces conditions, il est bien sûr impossible de définir les éléments clés de ces accords ni de déterminer le rôle précis qu’y jouaient l’Égypte et la Syrie. De plus, des notaires ont fort bien pu oublier de mentionner l’existence d’une association après la présentation des contractants, de sorte que les cas relevés ne constituent évidemment qu’un échantillon minimum. Notons que dans ces conditions, il est très difficile de déterminer si l’un des associés agissait pour son compte personnel ou bien dans le cadre de l’association ; N. Coll i Julià a déjà été confrontée à ce problème lors de son étude de la fameuse société drapière Lobera et Junyent : elle relevait en effet une première commende pour Chypre et Beyrouth datée d’octobre 1404, assurément confiée dans le cadre de cette association commerciale, puisque baillée par deux des associés d’alors, Joan de Junyent et Pere Cirera (mais le contrat ne fait pourtant pas référence à la société) ; cependant, d’autres commendes pour les mêmes destinations étaient ensuite confiées par Joan de Junyent seul ; N. Coll i Julià les signale également, mais en mettant en doute leur intégration dans la société56. Les contrats ne faisant pas explicitement référence à une association commerciale ont donc été exclus de cette analyse, sauf rares exceptions, lorsque le bailleur de la commende est Florentin et s’appelle Francesco di Marco, et dans le cas de ce contrat d’octobre 1404 confié par deux membres de la compagnie Lobera et Junyent, dont il vient d’être question (voir tableau 18, pp. 238-239).
37En dépit des nombreuses limites évoquées précédemment, le premier élément à souligner est la relative régularité avec laquelle les marchands participant à une société commerciale ont investi une partie de leurs capitaux dans le commerce avec l’Égypte et la Syrie. Les lacunes constatées — années 1350-1380, puis 1415-1430, environ — sont en effet davantage dues à une insuffisance de la documentation notariale en général ou à un ralentissement de l’ensemble des activités économiques qu’à une absence de sociétés en particulier. Ces exemples restent certes limités, surtout pour le nombre de contrats — qui ne représentent que 1,2 % de l’ensemble instrumenté à destination du sultanat mamelouk —, moins pour les capitaux investis (4,3 %), mais leur régularité montre en tout cas clairement que les marchands engagés dans ce type d’accords ne se sont pas désintéressés du trafic avec la Méditerranée orientale, comme aurait pu le laisser supposer l’absence d’association commerciale créée exclusivement dans ce but ou comprenant des facteurs à Alexandrie ou Damas. Ces exemples de sociétés commerciales se rattachent donc manifestement au modèle visant de multiples places commerciales sans privilégier une destination particulière. On comprend dès lors pourquoi il est presque impossible de trouver mention de ces activités réduites vers l’Égypte ou la Syrie dans les contrats de sociétés eux-mêmes et que la trace en subsiste seulement dans les quelques commendes confiées par l’un ou l’autre des associés.
38Le détail des sommes montre de fortes inégalités, reflétant la stricte hiérarchie des capitaux investis, déjà établie par F. Melis pour les sociétés italiennes et par J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz pour les mêmes contrats barcelonais57. La compagnie de Pere de Mitjavila domine très largement cet échantillon d’investissements : ses capitaux représentent 57,6 % du total, ce qui n’a rien de surprenant puisqu’il s’agit de l’une des plus puissantes compagnies fondées par des Catalans au XIVe siècle. Il ne saurait être question ici de récrire l’historique de cette association entre Pere de Mitjavila, Arnau Espaser et Bernat de Puigmoradell. Rappelons simplement qu’en 1334 elle réunissait 17.840 livres de capital et qu’elle disposait de représentants permanents à Barcelone, Majorque, en Sardaigne, en Sicile et en Flandre58. Malgré l’ampleur des sommes investies par cette société vers Chypre, la Syrie et l’Égypte, ces destinations ne représentent qu’une partie de ses intérêts, comme le montrent bien ses comptes volumineux59. L’importante différence de capacité financière entre cette société et les autres, qui lui sont postérieures, est par ailleurs tout à fait conforme à l’évolution déjà relevée par Y. Renouard au cours du XIVe siècle : une nette rupture, marquée par les retentissantes faillites des compagnies géantes florentines, entre 1343 et 1346, sépare en effet celles-ci des nouvelles sociétés créées au cours de la seconde moitié du XIVe siècle, dont les capitaux étaient sensiblement plus réduits60. De même, pour Barcelone, J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz ont noté que les associations commerciales fondées au cours de la période 1250-1348 sur le modèle des grandes compagnies toscanes sont bien les plus imposantes, tandis que la phase suivante (1348-1400) se caractérise par une forte réduction de leur capacité financière, ce qui selon eux traduit un phénomène de démocratisation des sociétés61.
Tableau 18. – Investissements des sociétés commerciales dans le négoce de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie (les sommes sont exprimées en livres à Barcelone)
Sociétés | Période ou date | Capitaux | Nombre de commendes | Destination(s) | Références |
Mitjavila et Co. | 1334-1342 | 10.245.55 | Chypre-Beyrouth-Alexandrie | J. M. Madurell, « Contabilidad » (II), pp. 480-490. | |
Pere et Jaume de Gualbes | ? [entre 1334 et 1342] | 500 | Chypre-Alexandrie | J. M. Madurell, « Contabilidad » (II), pp. 484 et 488. | |
Lop et Nauter | 1363 | 132 | 2 | Alexandrie | AHPB, J. Ballester, Manual (septembre 1363 - juillet 1385), ffos 4v°1 et 3. |
Berenguer Tor | 1375 | 73,7 | 1 | Chypre-Beyrouth | AHPB, J. Ballester, Manual (sept 1363 – juil. 1385), f° 62 v°3. |
Joan de Gualbes | 1394 | 1.500 | 1 | Rhodes-Alexandrie | AHPB, A. Lledó, Llibre (mai 1394 - janvier 1404), f° 5r°. |
Pere Serra | 1194-1400 | 954,3 | 4 | Rhodes-Chypre, Beyrouth-Alexandrie | AHPB, A. Lledó, Llibre (mai 1394 - janvier 1404), f° 9r°1 ; AHPB, B. Nadal, Manual (sept 1393 - oct. 1397), ffos 73r°3 et 185r° ; AHPB, B. Nadal, Secundus liber (déc 1397 - oct. 1403), f° 98v°4. |
Arbones et Rodon | 1395 | 200,52 | 1 | Beyrouth | AHPB, B. Nadal, Manual (sept 1393 – oct. 1397), f° 68r°2. |
Conill, Marfà et Bertran | 1400 (?) | ? | ? | Alexandrie | J. M. Madurell, Societats, doc. 82. |
Verdaguer et Sala | 1402 | 26 | 1 | Alexandrie | AHPB, B. Nadal, Secundus liber (déc. 1397 – oct. 1403), f° 112r°. |
Pere Serra et Jaume Ses Avasses | 1404 | 331,2 | 3 | Beyrouth-Alexandrie | AHPB, B. Nadal, Secundus liber (1397-1403), ffos 150v°-151r° et 186v°. |
Giovanni et Guccio (Florentins) | 1404 | 235,3 | 1 | Sicile-Rhodes, Chypre-Beyrouth | AHPB, B. Nadal, Secundus liber (déc. 1397 – août 1403), f° 176r°1. |
Juyent, Lobera, ct Cirera | 1404 | 159,2 | 1 | Chypre-Beyrouth | AHPB, B. Nadal, Secundus liber (déc. 1397 – août 1403), f° 193r°. |
Pere, Bernat et Pericó Ferrer | 1405-1407 | 909,9 | 3 | Sicile-Rhodes, Chypre-Beyrouth-Alexandrie | AHPB, B. Nadal, Manuale (octobre 1404 - août 1410), ffos 11r°3 et 16v°2 ; AHPB, T. Bellmunt, Tercium manuale (avril 1406 - janvier 1414), f° 34r°). |
Poch, Cornet et Gomis | 1405-1409 | 397,8 | 2 | Sicile-Rhodes, Chypre-Beyrouth | AHPB, B. Nadal, Manuale (octobre 1404 - août 1410), f° 16v°4 ; AHPB, .A Lledó, Liber quartus (août 1407 - novembre 1417), f° 25v°1. |
Rabassa et Des Prats | 1405-409 | 580,3 | 3 | Sicile-Rhodes, Chypre-Beyrouth | AHPB, B. Nadal, Manuale (octobre 1404 - août 1410), fos 18r°4, 41r°4 et 69v°1. |
Ditini (Florentin) | 1406 | 55 | 1 | Rhodes-Chypre-Beyrouth | AHPB, T. Bellmunt, Tercium manuale (avril 1406 - janvier 1414), f° 17v°3. |
Aguilar | 1407 | 24 | 1 | Sicile-Rhodes, Chypre-Beyrouth | AHPB, B. Nadal, Manuale (octobre 1404 - août 1410), f° 40r°2. |
Canalda et Pastor | 1409 | 35,7 | 1 | Alexandrie | AHPB, T. Bellmunt, Tercium manuale (avril 1406 - janvier 1414), f° 60r°3. |
Bernat des Lor | 1414 | 114,1 | 1 | Damas | AHPB, A. Lledó, Liber quartus (août 1407 - novembre 1417), f° 57v°1. |
Lobera et Junyent | 1425 | I.500 | 1 | Alexandrie | AHPB, B. Pi, Manual (mars- décembre 1427), f° 25v° ; ACA, RP, MR, reg. 2910/1, f° 6r°4. |
39Loin derrière l’exemple de la compagnie des Mitjavila, d’autres associations parviennent tout de même à réunir des sommes importantes comprises entre 300 et 1.500 livres, telle celle des Lobera et Junyent, dont il a déjà été question, ou celle des de Gualbes. Dans les deux cas, on remarquera que la participation de ces deux sociétés, d’une longévité remarquable, s’opère en deux occasions séparées par de nombreuses années. Il n’est bien sûr pas impossible que d’autres investissements du même type n’aient pas été découverts au cours de ces longs intervalles de temps, mais on peut raisonnablement en douter dans le cas de la société Lobera et Junyent, puisque celle-ci a été minutieusement étudiée par N. Coll i Julià. On notera enfin que les deux commendes de 1.500 livres baillées dans le cadre de ces deux associations commerciales (en 1394 et en 1425), se classent parmi les plus gros contrats relevés à destination du Sultanat. Les marchands membres de ces compagnies exploitaient donc pleinement leur puissante capacité financière, de façon à retirer les plus gros profits du grand commerce avec le Levant.
40Toutefois, à côté de ces contrats d’envergure apparaissent également de petites commendes inférieures à 50 livres, qui répondent peut-être à une limite imposée dans les statuts de l’association comme nous avons pu le constater précédemment. Les investissements des sociétés catalanes dans le commerce vers le Levant se caractérisaient donc par le montant très variable des sommes engagées.
41L’association la plus intéressante sur le plan du nombre et de la diversité des documents est celle dont fut membre l’honrat Pere Serra. En quatre commendes échelonnées entre 1394 et 1400, celui-ci confia, au nom de sa société, près de 1.000 livres investies en huile, safran, amandes, mercure et draps de laine. Le nom de ses associés ne figure pas dans ces actes notariés, mais par chance J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz ont publié le contrat de renouvellement de la société dont Pere Serra faisait partie, daté du 10 mars 1397. On y apprend que Pere Serra, marchand de Barcelone, avait constitué pour deux ans une association commerciale réunissant un capital de 2.850 livres avec Bernat de Codinacs et Francesc de Campmagre, tous deux de Valence, afin de commercer en Catalogne, en Aragon, à Valence, à Majorque et à Murcie. Francesc de Campmagre représentait la société à Valence et Pere Serra à Barcelone62. C’est donc dans ce cadre de société, qui ne prévoyait pas explicitement de contacts avec le Levant ni aucune autre place commerciale lointaine, que Pere Serra put investir une partie de l’argent commun vers l’Égypte et la Syrie. Nous ne savons ensuite si cette association prit fin ou si elle s’élargit à de nouveaux membres. Quoi qu’il en soit, en septembre 1404, deux nouvelles commendes étaient confiées par Pere Serra, dans le cadre d’une (nouvelle ?) société, mais associé cette fois à Joan Ses Avasses, marchand de Barcelone. Ce dernier n’était en fait pas complètement étranger à la précédente société, conclue avec Bernat de Codinacs et Francesc de Campmagre, puisqu’il en avait été le témoin. L’association dura plusieurs années, sous des formes manifestement différentes et adaptées aux objectifs successifs des marchands. Les délais assez brefs entre chaque renouvellement de la société — deux ans, dans le cas de l’accord du 10 mars 1397 et le suivant, par exemple — lui assuraient une assez grande souplesse, qui explique également sa longévité.
42L’association commerciale de Pere Serra correspond au modèle des sociétés de commerce général implantées dans plusieurs places commerciales et n’était pas spécialisée dans un type particulier de marchandises. Les autres associations pour lesquelles plusieurs contrats ont pu être relevés investissaient elles aussi dans des produits variés. En revanche, certains accords incluaient dans la société la boutique autour de laquelle gravitaient les opérations commerciales à réaliser, et étaient de ce fait spécialisés dans les produits vendus dans celle-ci ; c’est le modèle d’association « in operatorio » identifié par J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz63. Le seul exemple certain de ce type, parmi l’échantillon de contrats relevés, est celui de la compagnie Lobera et Junyent, qui commercialisait des draps. De fait, la commende d’octobre 1404 confiée par Joan de Junyent et Pere Cirera était investie en saies d’Irlande (en 1425, ils en confièrent une autre de 1.500 livres mais on ignore les denrées sur lesquelles elle portait). Cette spécialisation dans les activités drapantes explique sans doute les efforts occasionnellement déployés par la société Lobera et Junyent pour commercer avec le Levant, puisque les draps de laine y étaient la marchandise la plus fréquemment exportée. Le 9 juillet 1427, Joan de Junyent menor cédait d’ailleurs deux autres commendes investies en draps à destination de Rhodes : l’une, d’un montant de 535 livres, à Joan de Lobera et l’autre, de 680 livres, à l’honrat Joan de Junyent, drapier64. Pourtant, les statuts initiaux de la société devaient privilégier d’autres marchés tels que la Flandre et Montpellier par exemple, tandis que les accords renouvelés de 1425 interdisaient même l’envoi de commendes vers l’ultramar sans l’assentiment de deux des associés65.
43Comme en témoignent par ailleurs les noms de marchands relevés dans ce bref échantillon de sociétés, les liens familiaux jouaient évidemment un rôle fondamental dans l’établissement et la reconduction de ces accords. L’exemple des de Gualbes le montre particulièrement bien : les premiers membres associés que nous voyons apparaître dans le commerce avec le Levant sont Pere et Jaume (entre 1334 et 1342) ; puis leurs enfants constituent un nouvel accord du même type, le 17 février 135066, prolongeant donc d’une certaine manière la société initiale en dépit du retrait de ses premiers membres. Le même phénomène peut être observé pour la société Lobera et Junyent, qui bat des records de longévité puisqu’elle dura de 1400 à 1501. Enfin, dans le cas de la société des Ferrer, qui participe au commerce avec l’Égypte et la Syrie entre 1405 et 1407, Pericó et Pere sont respectivement fils et frère de Bernat. Le clan familial constitue donc un cadre privilégié pour la conclusion d’associations commerciales, du fait de la plus grande confiance et du lien plus étroit qui existaient entre ses différents membres.
44L’origine géographique de ces associations commerciales mérite également une rapide analyse. Si la plupart des négociants figurant dans le tableau 18 (pp. 238-239) sont des marchands citoyens de Barcelone, quelques-uns viennent d’ailleurs. Arnau Canalda est en effet citoyen de Tortosa, de même que la société qu’il représente à Barcelone et qui confie, dans cette commende instrumentée le 25 octobre 1409,30 jarres de miel de la même ville. Certaines compagnies toscanes sont discrètement présentes dans le commerce de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie : celle de Francesco di Marco Datini n’y fait qu’une apparition fugitive en 140667, tandis que celle animée par Antonio di Guccio, un Florentin habitant Barcelone, et par son associé Giovanello di Giovani, natif de Pérouse, investit un peu plus de 235 livres en draps de laine à destination de la Sicile, de Rhodes, Chypre et Beyrouth. Les exportations vers l’Orient méditerranéen constituaient donc un secteur de la vie économique de Barcelone suffisamment lucratif pour inciter les représentants de sociétés toscanes à y participer, ne fut-ce que modérément.
45On constatera enfin que les associations relatives au commerce de ports de la couronne d’Aragon avec d’autres destinations que l’Égypte et la Syrie ne sont pas non plus très nombreuses. Si une vingtaine de contrats se référant à la constitution de sociétés ont pu être relevés par M. D. López Pérez dans les relations de Majorque avec le Maghreb au XIVe siècle, c’est souvent aussi par des accords indirects tels des nolis, des procurations, des assurances, ou d’autres contrats variés68. Au total, donc, le nombre de sociétés répertoriées par M. D. López Pérez reste donc légèrement inférieur à l’échantillon de contrats relevé pour le trafic de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie, dans des conditions d’observation très similaires. La situation à Gènes est a priori assez différente, puisque l’usage de la societas maris y était très répandu. Cependant, dans son étude de la Romanie génoise, M. Balard remarque bien que ce type de contrat disparaît presque complètement après 135069. Les principales sociétés qui survécurent étaient donc les compagnies toscanes. Or, ce sont bien des associations de ce type que l’on retrouve dans le commerce de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie, après 1330. Comme leur modèle toscan, les sociétés catalanes participant à ce trafic font également preuve d’une grande diversité, tant sur le plan de leurs activités que sur celui de leurs relations avec les différentes places commerciales, ce qui explique que le Sultanat n’y occupe qu’une place assez modeste, difficile à saisir dans la documentation. Les relations de Barcelone avec ces régions, observées dans le cadre de ce type de contrats, correspondent donc bien aux lignes d’évolution générale qui se dégagent dans les principaux centres de la Méditerranée occidentale au XIVe siècle. Mais la comparaison ne peut guère être poussée plus loin, faute de disposer dans la documentation barcelonaise d’éléments précis caractérisant ces accords.
IV. — Les opérations financières
46Les prêts, changes et assurances constituent une gamme d’accords variés dont la répartition est assez inégale parmi les minutiers de notaires barcelonais. Les prêts maritimes, forme élémentaire du prêt à intérêt dans le cadre d’un voyage, étaient en fait très rarement utilisés dans le trafic avec le Levant70. Pour leur part, les changes apparaissent plus régulièrement. Ils se caractérisaient aussi par l’apport d’un capital, mais qui devait être remboursé dans une autre place financière et en une autre monnaie. Cependant, les montants confiés dans ces contrats étaient presque systématiquement « investis » (« misi et converti ») dans une marchandise déterminée et complétés par une clause stipulant que l’opération était aux risques du bailleur71 et à la condition que le bien cité arrivât à bon port. Au change proprement dit s’ajoutait donc la couverture d’un risque, soit une forme d’assurance, mais qu’il convient de distinguer des assurances à prime, sans opération de change, plus tardives. Ces transactions combinaient donc un apport de capitaux, un change et une forme d’assurance. Elles témoignaient ainsi des efforts de garantie contre l’insécurité entrepris par les négociants occidentaux « pour élargir leur champ d’action, maîtriser davantage leur environnement et desserrer l’étau des forces hostiles qui les menaçaient72 ».
Les changes maritimes
a) Les marchandises assurées dans les changes maritimes
47Les marchandises couvertes par ces accords pouvaient être très différentes. Comme le montre le tableau 19 (p. 245), il faut principalement distinguer les navires, qui faisaient fréquemment l’objet de ce type de contrats, des articles transportés à leur bord.
48On notera tout d’abord que les premiers changes maritimes n’apparaissent que tardivement parmi les transactions à destination de l’Orient méditerranéen, puisqu’avant les années 1370 aucun acte de ce type n’a pu être relevé. Ces données montrent par ailleurs clairement que les premières opérations pour l’Égypte et la Syrie couvraient uniquement des navires73, et ce durant tout le dernier quart du XIVe siècle. D’après les documents relevés, en effet, ce n’est pas avant le début du XVe siècle que ces accords s’étendirent aussi aux marchandises transportées. Il faut bien entendu relativiser ces résultats et rappeler que les données en valeurs absolues regroupées dans ce tableau sont évidemment très incomplètes car, à la différence des commendes, elles se trouvent dispersées dans de nombreux minutiers ordinaires et sont donc beaucoup plus difficiles à rassembler. Ainsi s’expliquent essentiellement les irrégularités constatées : les six contrats de la période 1374-1375 sont par exemple connus grâce au départ exceptionnel d’un navire royal pour Alexandrie et par un procès qui par hasard eut lieu l’année suivante74. Les données rassemblées pour ces années paraissent ainsi disproportionnées par rapport à l’ensemble des actes relevés au cours de cette période. Ces chiffres ne présentent donc d’intérêt qu’à titre d’échantillon et comme base pour le calcul de pourcentages, plus significatifs que les données brutes.
Tableau 19. – Répartition des types de marchandises à destination de l’Égypte et de la Syrie couvertes par les changes à risque maritime3
Périodes | Changes maritimes couvrant des navires | Changes maritimes couvrant des marchandises | ||||||||
Nombre de changes | Part des contrats | Capitaux (en livres de Barcelone) | Part du total des capitaux | Montant moyen des changes | Nombre de changes | Part des contrats | Capitaux (en livres de Barcelone) | Part du total des capitaux | Montant moyen des changes | |
1374-1375 | 6 | 7,1 % | 966,0 | 14,9 % | 161,0 | |||||
1388-1389 | 1 | 1,0 % | 100,0 | 1,2 % | 100,0 | |||||
1394-1399 | 4 | 0,8 % | 149,6 | 0,2 % | 37,4 | |||||
1400-1409 | 9 | 0,9 % | 1.344,0 | 1,5 % | 149,3 | 5 | 0,5 % | 947,8 | 1 % | 189,6 |
1410-1416 | 40 | 11,7% | 3.277,0 | 8 % | 81,9 | |||||
1424-1431 | 4 | 8,1 % | 316,0 | 2,4 % | 79,0 | |||||
Total | 24 | 1.1 % | 2.875,6 | 1 % | 119,8 | 45 | 2,0% | 4.224,8 | 1,5 % | 93,9 |
49Les changes couvrant le risque d’un navire — de même que les rares prêts que nous avons relevés — étaient en fait également conclus pour permettre au patron du navire de rassembler les fonds nécessaires à la préparation de son embarcation avant d’entreprendre ce long voyage qu’était la traversée de la Méditerranée. Les formules employées au début de ces contrats stipulaient en effet que l’argent confié devait servir à financer l’équipement du navire, les vivres et les salaires des marins durant le trajet. Cette avance de fonds s’avérait indispensable : nous verrons en effet que les contrats d’affrètement accordaient au patron de l’embarcation, avant le départ de celle-ci, une partie seulement de la somme qu’il exigeait pour le transport des marchandises.
50Les premiers cas relevés sont particulièrement intéressants, puisqu’ils concernent le départ d’un pàmfil royal commandé par Bertran Sala pour Alexandrie en mai 1374. C’est donc de manière inattendue, parmi les documents de l’Arxiu de la Corona d’Aragó, que quatre de ces documents ont pu être rassemblés pour ce seul navire. Ils montrent que Bertran Sala recueillit plus de 500 livres et que plusieurs juifs et le médecin de la reine figuraient parmi les bailleurs75.
51L’année suivante, le procès du marchand Joan Ribalta, accusé par un rival de s’être livré à l’usure à Alexandrie, fournit des détails précis sur ce type d’accord, car Ribalta avait conclu un contrat de change à un fort taux d’intérêt (30 %) avec Jaume Oliver, le patron du navire qui l’avait conduit dans ce port. Aidé de son scribe, celui-ci chercha en effet les fonds nécessaires pour équiper son embarcation afin de retourner à Barcelone76. Ce fut en fait Bertran Sala, le patron du pàmfil royal précédemment mentionné, encore présent à Alexandrie, qui prêta la somme par l’intermédiaire de Joan Ribalta. Selon son propre témoignage, Bertran Sala tenait cet argent du roi lui-même, qui le lui avait prêté, également au taux de 30 %, pour affréter le pàmfil dont il était encore patron au même moment77. Joan Ribalta avait ainsi confié 500 besants d’or d’Alexandrie (équivalant à la même quantité de livres de Barcelone), à Jaume Oliver, qui devait lui restituer un montant de 650 livres de Barcelone une fois revenu dans ce port78. La forme précise du contrat n’est pas détaillée, mais tout indique qu’il s’agissait bien d’un change qui allait permettre au patron d’armer son navire. Les témoins qui défendaient Joan Ribalta n’eurent aucun mal à démontrer que le risque couru par le bailleur, en cas de dommage pour le navire, justifiait le profit, qu’on ne pouvait donc qualifier d’usuraire. Le témoignage du marchand Vidal de Rexach est tout à fait explicite, puisqu’il affirme que si le navire perdait sa voile ou tout autre équipement, l’assureur devait le rembourser « per sou e per liura »79. Enfin, la plupart des témoins ne manquèrent pas d’indiquer que la pratique d’un change à risque maritime couvrant le navire pendant sa traversée était alors courante dans le grand commerce80. Joan Ribalta fut donc acquitté sans difficulté.
52Comme le suggère cet exemple, la conclusion des changes maritimes investis dans l’armement d’un navire était aussi fréquente à Barcelone pour le trajet aller qu’en Méditerranée orientale lors du retour81. En outre, la plupart des autres contrats du même type étaient eux aussi conclus par des patrons ou des scribes de navires, qui dans certains cas s’engageaient à rembourser les donneurs grâce aux premiers versements reçus dans le cadre du nolis82.
53À partir du début du XVe siècle apparaissent les premiers changes maritimes couvrant des marchandises83. La couverture du risque garanti s’étendait du jour du départ du navire depuis Barcelone jusqu’à vingt-quatre heures après l’arrivée dans le port de débarquement. Toutes les denrées pouvaient faire l’objet d’un change à risque maritime, en particulier les draps puisqu’ils constituaient le principal article d’exportation. Il reste cependant hasardeux de présenter les sommes totales collectées pour chaque type de produit puisque le nombre des contrats couvrant des marchandises paraît trop faible pour fournir des données représentatives.
54La comparaison avec les changes maritimes garantissant les risques d’un navire montre que si les accords couvrant des biens ont été beaucoup plus tardifs que les précédents84, ils sont très rapidement devenus majoritaires — dès les années 1410 —, mais pour disparaître brusquement dès la décennie suivante. Cette utilisation très délimitée dans le temps témoigne d’un besoin de sécurité nouveau ; celui-ci ne disparaît pas au cours des années 1420, mais sans doute s’exprime-t-il alors par la pratique nouvelle des assurances à prime, qui se multiplient effectivement au cours de cette décennie et s’appliquent elles aussi à une gamme très variée de produits85. On notera enfin que la moyenne des sommes investies dans ces contrats (93,9 livres) est sensiblement plus faible que celle des changes maritimes couvrant les risques d’un navire (119,8 livres), ce qui s’explique par la différence de valeur des biens assurés.
b) Les changes à risque maritime confiés en commende
55Les marchands catalans avaient également mis au point, dans le cadre du commerce avec le Levant, un type de transaction complexe, associant à la fois, l’avance de capitaux, une opération de change, la couverture du risque couru par certaines marchandises et le réinvestissement de la somme confiée dans des denrées d’importation. Comme l’ont déjà mis en évidence Cl. Carrère, M. T. Ferrer et A. Garcia i Sanz86, ces accords reposaient sur la conclusion de deux contrats successifs mais de nature différente, le premier combinant le change et l’assurance, comme il vient d’être exposé, le second intégrant le même change dans une commende. Un exemple concret permettra de mieux saisir le déroulement et la finalité de ces opérations : le 19 septembre 1415, Berenguer Torrella faisait garantir par un contrat de change à risque maritime baillé par Jaume Rovira, une balle de sept draps de laine — qu’il avait reçue en commende pour Alexandrie —, contre 50 besants d’or qu’il devait théoriquement rembourser dans ce port. Mais un contrat de commende faisait suite à ce premier, stipulant que Berenguer Torrella devait réinvestir ces 50 besants d’Alexandrie dans des articles d’importation : un esclave noir d’une vingtaine d’années et ce qui resterait de la somme, en poivre87. Dans cette commende, le change prenait donc en quelque sorte la place d’une marchandise d’exportation. Ainsi le bailleur pouvait-il tirer un double profit du risque qu’il garantissait : par l’opération de change, d’une part, et par l’importation de biens en commende, d’autre part, à condition que les articles couverts par le change maritime fussent effectivement parvenus à bon port.
56Il n’est malheureusement pas toujours facile d’associer ces deux contrats (change maritime et commende) car dans la pratique ils étaient souvent rédigés dans des minutiers différents : le premier figurait dans le manual et le llibre ordinaires tandis que le second était consigné dans le recueil spécialisé, exclusivement destiné aux commendes88. Le notaire Antoni Brocard était en fait l’un des rares à rédiger dans le même cahier les deux actes successifs, du moins au début de sa carrière89. Par ailleurs, lorsque la somme en jeu dans le contrat de change initial était particulièrement élevée, il n’était pas rare qu’elle soit redistribuée en plusieurs commendes lors du retour90. Cette particularité rend donc encore plus difficile de mettre en relation les deux types de contrats associés. C’est sans doute pourquoi, dans de nombreux cas de commendes de ce type, il est expressément fait mention de l’opération de change antérieure dont elles procédaient, ce qui confirme qu’elles constituaient bien la seconde partie d’une seule et même transaction91.
57La première partie du tableau 20 (p. 251) recense les changes réinvestis en commende, tandis que la seconde regroupe ces mêmes données avec les changes à risque maritime étudiés précédemment, mais sans double compte ; autrement dit, dans le cas de l’exemple précédent, seule une somme de 50 besants a été retenue pour les deux contrats instrumentés.
58Il ressort de ces nouvelles données que la pratique des changes réinvestis en commende est un peu plus tardive (années 1380) que celle des changes maritimes simples. L’hypothèse d’un échantillon non représentatif avant cette période ne peut être retenue puisque les changes réinvestis en commende étaient consignés dans les minutiers de commendes qui rassemblaient un grand nombre d’opérations ; or le manual spécialisé de Jaume Ballester (1363-1385) ne contient qu’un seul de ces contrats à destination de Chypre en 137592, tandis que la longue série de commendes du mois de mai 1349 ne fournit aucun exemple de ce type. Il faut donc en conclure que l’association de ces deux actes résulta d’un lent processus qui n’arriva à maturation que vers la fin du troisième quart du XIVe siècle.
59À partir de 1388-1389, les changes réinvestis en commende dominent largement l’échantillon de contrats financiers relevés, pour le nombre d’actes (83 %) comme pour le montant des capitaux (73 %, en corrigeant l’effet de double compte lié aux deux opérations). Entre 1400 et 1416, ils représentent près de 15 % des investissements totaux dans le commerce avec l’Égypte et la Syrie, alors que les autres commendes sont pourtant très abondantes au cours de cette période.
60M. Del Treppo a bien montré que l’on ne pouvait voir dans ces opérations le complément en numéraire qui aurait fait défaut aux exportations des Catalans pour compenser un éventuel déséquilibre de leur balance commerciale avec le Levant93. Selon lui, ces changes devaient en effet tout d’abord être remis à d’autres Catalans et non à des négociants orientaux, sur les marchés du Levant ; ils ne relevaient donc pas de la balance des paiements. Par ailleurs, des opérations identiques avaient également lieu en sens inverse, en nombre certes nettement plus restreint94. Enfin, toujours selon M. Del Treppo, le déficit de la balance commerciale était limité pour les Catalans, qui parvenaient même sans doute à dégager un excédent certaines années95.
61Il convient toutefois de nuancer quelque peu cette interprétation. Remarquons tout d’abord que le premier argument avancé n’est pas tout à fait exact : comme la plupart des changes remis en commende à l’aller devaient être réinvestis en épices au retour, une somme d’argent — celle du change — était effectivement remise à un marchand oriental contre les biens qu’il proposait. Ce type d’opération financière a donc permis de compenser un éventuel déficit de la balance commerciale, ce que tend par ailleurs à confirmer le fait que les changes confiés en commende étaient quatre fois plus fréquents pour le voyage d’aller que pour celui du retour. Mais la conclusion de ces accords dans les deux directions montre aussi que ceux-ci ne répondaient pas exclusivement à ce rôle complémentaire. En outre, rappelons que par définition les changes maritimes à la base de ces opérations étaient avant tout destinés à couvrir des risques de mer ; et de fait, lorsque des dangers particuliers menaçaient le trafic du Levant, comme après le raid de Tamerlan contre la Syrie en 1400-1401, les changes investis en commendes furent passagèrement plus nombreux96. Mais surtout, nous verrons ultérieurement que certains marchands, tel Lluís Sirvent, s’étaient spécialisés dans ces contrats financiers. Ce n’est donc pas en raison d’un éventuel manque de marchandises à exporter que ces négociants eurent recours à de telles activités. Le rôle qu’ils s’étaient assigné explique au contraire leur intérêt pour la spéculation monétaire, y compris lors des voyages de retour vers Barcelone. Car le rapide succès rencontré par ces accords s’explique sans doute d’une part par la difficulté d’envoyer des lettres de change vers l’Égypte et la Syrie97 et, d’autre part, par le double profit que pouvaient en tirer les bailleurs, grâce à l’opération de change et au réinvestissement en marchandises à importer dans le cadre de la commende. Le capital remis au cours de ces opérations constituait donc un moyen supplémentaire de tirer profit du puissant et lucratif mouvement d’échanges entre la Catalogne et le Proche-Orient mamelouk98.
Tableau 20. – Changes maritimes et changes réinvestis en commende
Périodes | Changes confiés en commende | Total des changes maritimes et des changes confiés en commende | ||||||||
Montant moyen des changes | Nombre de changes | Part des contrats | Capitaux (en livres de Barcelone) | Part du total des capitaux | Montant moyen des changes | Nombre de changes | Part des contrats | Capitaux (en livres de Barcelone) | Part du total des capitaux | |
1374-1375 | 6 | 7,1 % | 966,0 | 14,9 % | 161,0 | |||||
1388-1389 | 4 | 3,8 % | 280,6 | 3,5 % | 70,2 | 5 | 4,8 % | 380,6 | 4,7 % | 76,1 |
1394-1399 | 32 | 6,3 % | 5.918,3 | 8,3 % | 184,9 | 36 | 7,1 % | 6.067,9 | 8,5 % | 168,6 |
1400-1409 | 86 | 8,5 % | 11.603,6 | 12,7 % | 134,9 | 100 | 9,9 % | 13.895,4 | 15,3 % | 139,0 |
1410-1416 | 37 | 10,8 % | 3.652,0 | 8,9 % | 98,7 | 77 | 22,5 % | 5.913,0 | 14,4% | 76,8 |
1424-1431 | 5 | 10,2 % | 800,0 | 5,9 % | 160,0 | 9 | 18,3 % | 1.116,0 | 8,3 % | 124,0 |
Total | 164 | 7,21 % | 22.254,5 | 7,9 % | 135,7 | 233 | 10,3 % | 28.338,9 | 5,6 % | 121,6 |
c) Conditions pratiques de la réalisation du change et règlements en cas de dommage
62Quels que soit le type de change contracté, il était nécessaire dans chaque cas définir précisément dans quels lieu et délai la somme devait être restituée. Dans la plupart des cas, le débiteur disposait d’un mois après l’arrivée du navire à Alexandrie ou à Beyrouth pour procéder au versement du change. C’est la durée du trajet vers le Levant qui explique ce délai, le plus long relevé parmi les changes maritimes instrumentés à Barcelone, toutes destinations confondues99. Mais de nombreux accords prévoyaient une période plus brève si ce délai était calculé à partir du déchargement du navire et non de son arrivée100. D’autre part, pour la Syrie, le change n’avait presque jamais heu à Beyrouth mais à Damas, la capitale économique du pays. Enfin, à partir des années 1420, Rhodes constituait souvent une autre destination possible avec Alexandrie, parmi les contrats qui devaient être honorés en ducats vénitiens101.
63Lors de la conclusion du contrat, il fallait également résoudre une difficulté de taille : le bailleur, qui le plus souvent restait à Barcelone, devait désigner une tierce personne pour recueillir le change à sa place à Damas ou Alexandrie (c’est ce que la technique de change italienne dénomme la ricorsa102). Les trois quarts des changes maritimes prévoient cette disposition, qui est en revanche moins fréquente parmi les changes investis en commende (un tiers des cas). Toutefois, ces contrats offrent de nombreux exemples dans lesquels les accommenditaires remplissaient eux-mêmes la fonction de bénéficiaires à la place du bailleur du change à risque maritime initial — toujours avec pour objectif final de remettre à ce dernier les marchandises d’importation qu’il avait réclamées en commende. Un exemple concret illustrera la répartition des rôles entre les parties prenantes. Le 1er juin 1396, Jaume Mathoses confiait en commende à Antoni Salavert et Antoni Vidal 110 livres de Barcelone investies (« implicatis ») dans un change de 2.860 dirhams d’argent de Damas, que Jaume Biure, scribe des marchands des galées sur lesquelles le voyage allait être effectué, devait remettre au bailleur Jaume Mathoses conformément au contrat de change conclu auparavant ; mais comme celui-ci n’allait pas faire le déplacement jusqu’à Beyrouth, Antoni Salavert devait lui-même recueillir la somme à sa place à Damas, puis la réinvestir en laque ou en d’autres marchandises103. Un cinquième des contrats de change confiés en commende confèrent ainsi à l’accommenditaire la fonction de bénéficiaire du change initial104.
64D’autres arrangements étaient également envisageables ; par exemple, le débiteur du change pouvait être l’un des accommenditaires dans l’opération de change confiée en commende : dans ce cas, il lui incombait de remettre la somme convertie à un second accommenditaire qui jouait ainsi seul le rôle de bénéficiaire105 ; d’autres cas sont plus complexes encore106. La succession de ces deux types de contrats donnait ainsi lieu à une multiplicité d’accords, adaptés aux situations les plus variées.
65Dans leur ouvrage consacré aux changes à risque, M. T. Ferrer i Mallol et A. Garcia i Sanz ont pu reconstituer les démarches effectuées lorsque des dommages avaient affecté les marchandises garanties par ces contrats. Si les produits n’étaient que partiellement détruits, le débiteur du change déduisait de sa dette la valeur des pertes lors du remboursement. En revanche, si l’ensemble était perdu, le change était simplement annulé et le bailleur n’était donc pas remboursé. Cependant, il existait alors parfois des possibilités de restitution, comme le montre le cas suivant. La nef de Bartomeu Amar, qui devait gagner Rhodes, Chypre et Beyrouth, avait été pillée à Famagouste par le corsaire génois Pietro Re, le 21 février 1416 ; mais le doge et la Commune de Gênes avaient accepté de verser une indemnisation de 4.500 florins de Florence aux négociants spoliés. Or, lors de ce voyage, le scribe des marchands, Antoni Oliver, avait reçu un change de Guillem de Cabanyelles pour payer l’impôt du manifest de la nef107 ; au mois de septembre suivant, Antoni Oliver rédigeait une lettre de change qu’il s’obligeait lui-même à payer à Rhodes, en remboursement de la somme initialement prêtée par Guillem de Cabanyelles. Selon M. T. Ferrer i Mallol et A. Garcia i Sanz, ce type d’accord permit au bailleur de recouvrer tout ou partie de son crédit, normalement perdu en raison du sinistre survenu108.
d) Les monnaies de change et le calcul du profit
66Les sommes confiées en change à Barcelone devaient être remises en l’une des trois monnaies suivantes, à Alexandrie ou Damas : des dinars — que nos sources catalanes appellent constamment « besants d’or d’Alexandrie » —, des dirhams d’argent de Damas ou des ducats d’or de Venise. Le tableau 21 (p. 256) montre la répartition de ces différentes monnaies selon les périodes considérées. Une fois de plus, les valeurs relatives, exprimées en pourcentage, nous fournissent des indications plus fiables que les chiffres bruts, assurément incomplets.
67Comme le fait remarquer M. Del Treppo, la conversion de ces monnaies en livres de Barcelone ne reposait pas sur des équivalences déterminées par les fluctuations du marché mais sur un change fixe, maintenu parfois artificiellement pendant de longues périodes109. Les documents révélant ces équivalences officielles confirment bien que le besant d’or d’Alexandrie avait la même valeur que la livre de Barcelone pendant tout le XIVe siècle110, tandis que le ducat d’or de Venise était fixé à 15 sous (soit une livre pour 1,33 ducat) de la fin du XIVe s. à la fin du XVe siècle111. Il en allait semble-t-il différemment du dirham d’argent de Damas, dont la valeur unitaire était très faible et pour lequel il est possible de relever de légères fluctuations (tableau 22, p. 257).
68La préférence pour l’une ou l’autre de ces monnaies au cours des différentes périodes s’explique essentiellement par le choix du port de destination : jusqu’aux années 1370, Alexandrie est le principal objectif des marchands catalans opérant en territoire mamelouk : les opérations de change s’effectuent donc en besants d’or d’Alexandrie. Mais à partir du dernier quart du XIVe siècle et jusque vers 1405, le pôle d’attraction bascule de l’Égypte vers la Syrie : Damas attire alors le trafic, et du même coup les changes en dirhams. Dans un troisième temps, les rôles s’inversent une nouvelle fois pour revenir à la situation initiale, et Alexandrie et ses besants d’or dominent donc à nouveau pendant une dizaine d’années112. Mais à partir de 1415 environ, le ducat de Venise affirme pleinement sa vocation de monnaie « internationale » et s’impose tant à Damas qu’à Alexandrie et à Rhodes113.
Tableau 21. — Répartition des différentes monnaies de change, d’après les contrats notariés et les données du dret de les drassanes4
Périodes | Besants d’Alexandrie | Conversion en livres | % | Dirhams de Damas | Conversion en livres | % | Ducats de Venise | Conversion en livres | % |
1361a | 258,3 | 258,3 | 100 | ||||||
1374-1375 | 1.030,0 | 1.030,0 | 100 | ||||||
1388-1389 | 100,0 | 100,0 | 14,4 | 6.660 | 249,8 | 35,9 | 461,0 | 345,8 | 49,7 |
1394-1399 | 752,0 | 752,0w | 24,2 | 62.758 | 2.353,4 | 75,8 | |||
1400-1409 | 3.611,0 | 3.611.0 | 51 | 81.719 | 3.064,5 | 43,3 | 543.0 | 407,3 | 5,8 |
1410-1416 | 3.557,0 | 3.557,0 | 57,2 | 3.643,3 | 2.732,5 | 42,8 | |||
1424-1431 | 4.640,0 | 3.480,0 | 100 | ||||||
Total | 9.308,3 | 9.308,3 | 42,5 | 151.137 | 5.667,7 | 25,8 | 9.287,3 | 6.965,6 | 31,7 |
Tableau 22. — Variations du taux de change du dirham d’argent de Damas (en livres de Barcelone)5
Dirham de Damas | Conversion en deniers de Barcelone | Équivalences d’une livre en dirhams | Dates | Références |
1 dirham | 9 deniers | 27,1 dirhams | 10 juillet 1355 | AHPB, J. Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), f° 55v°. |
1 dirham | 10 deniers | 24,4 dirhams | 1384 (?) | C. Vela, « Les espècies », doc. 14. |
1 dirham | 12 deniers | 20,3 dirhams | 2 décembre 1394 | A. Garcia et N. Coll, Galères, doc. I, p. 453. |
1 dirham | 9 deniers | 27,1 dirhams | 20 septembre 1404 | ACA, Generalitat, reg. G.186.1, f° 33r°2. |
69Dans leur ouvrage consacré aux changes maritimes, A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol rappellent que le profit de ces opérations résultait de trois facteurs différents : l’intérêt inhérent à toute somme prêtée et qui était fonction de la durée du prêt ; la valeur du risque de mer encouru par le créancier ; et enfin, la spéculation sur les différences de valeur entre les deux monnaies du change114. La combinaison de ces trois facteurs pouvait entraîner d’importantes variations du taux d’intérêt, selon les accords conclus. Comme celui-ci n’est jamais clairement exprimé dans le contrat, il est donc nécessaire pour le déterminer de convertir la somme exprimée en livres de Barcelone d’après les taux officiels indiqués précédemment, puis d’apprécier la différence avec le montant en monnaie étrangère exigé. Avant de se livrer à cette opération, il faut cependant rappeler que tous les contrats ne mentionnaient pas clairement les deux sommes ; dans ces cas, assez nombreux, le calcul de l’intérêt est donc impossible.
70Le calcul des taux d’intérêt confirme que ceux-ci variaient en fonction des monnaies et des années considérées. Pour les changes à remettre en besants d’or d’Alexandrie, le profit reste relativement stable sur l’ensemble de la période étudiée. Dans les cinq contrats relevés lors du départ du pàmfil royal pour Alexandrie en 1374, le taux de l’intérêt est toujours compris entre 20 et 30 %115 On se souviendra, par ailleurs, du change baillé par Joan Ribalta en faveur du patron de navire Jaume Oliver à Alexandrie en 1375 — change qui avait valu au premier un procès — pour un profit chiffré à 30 % également. Enfin, une demi-douzaine d’exemples s’échelonnant entre 1403 et 1411 confirment de manière unanime ce taux de 30 %116.
71La situation est sensiblement différente pour les changes à remettre en dirhams de Damas. Les exemples de contrats de ce type permettant de calculer le taux de change entre les deux monnaies montrent en effet (voir le tableau 23 ci-dessous) une augmentation régulière de celui-ci, liée à la fois à l’intérêt compris dans ces opérations mais aussi aux fluctuations relevées précédemment.
Tableau 23. — Taux de change de la livre de Barcelone en dirhams d’argent de Damas (moyenne des contrats de change par année)
1394 | 1396 | 1397 | 1398 | 1400 | 1403 | 1404 |
22,2 | 26,75 | 27,4 | 27,5 | 30,25 | 33 | 32,5 |
72À la différence de celles du tableau 22 (p. 257), ces nouvelles données incluent donc le bénéfice de l’opération de change, prévu par le bailleur. Toutefois, compte tenu des fluctuations du dirham, le taux d’intérêt peut seulement être calculé pour les années au cours desquelles nous disposons d’une équivalence simple (voir tableau 22), c’est-à-dire pour 1394 et 1404. La différence qui apparaît entre les données des deux tableaux révèle ainsi un taux d’intérêt moyen de 9,4 % en 1394 et de 20 % en 1404117.
73La situation est aussi particulièrement complexe pour ce qui concerne l’intérêt des changes à remettre en ducats vénitiens. Le nombre des exemples de contrats permettant de le calculer est en fait beaucoup plus réduit que pour les autres monnaies, car à partir de 1410 environ la somme en monnaie de Barcelone est de moins en moins souvent mentionnée ; or cette particularité affecte particulièrement les changes en ducats, plus tardifs que les autres. Les rares cas de profit possible à calculer montrent qu’il était très irrégulier, oscillant entre 0 % et 36 %118, sans que la date ne le détermine d’aucune façon. Enfin, deux commendes prévoyant un change, lors du voyage de retour vers Barcelone, fixaient celui-ci à 20 sous de Barcelone pour un ducat119, soit un intérêt de 33 %, donnée qui ne contredit pas les chiffres précédents.
74De tous les exemples qui précèdent, il ressort qu’en dépit des irrégularités relevées ou des difficultés que pose le calcul du profit des changes de Barcelone vers l’Égypte et la Syrie, le taux maximum, fréquemment atteint dans de nombreux contrats, paraît se situer à un peu plus de 30 %, ce qui représente un bénéfice particulièrement appréciable. Cette valeur confirme donc pleinement les dires de plusieurs témoins cités par la défense lors du procès de Joan Ribalta, lesquels affirmaient que les taux d’intérêt de ces contrats oscillaient entre 10 % et 40 % en fonction de la durée du voyage entrepris et du danger que celui-ci comportait120. Rien d’étonnant, dans ces conditions, que le médecin de la reine et le trésorier du roi lui-même se soient laissés tenter par la perspective de bénéfices aussi considérables.
e) Les bailleurs de changes maritimes
75Le profil des bailleurs de changes maritimes se différenciait-il de celui des créanciers figurant dans l’ensemble des contrats que nous avons étudiés ? En d’autres termes, cette fonction était-elle le plus souvent exercée par des marchands ou bien était-elle l’apanage d’autres groupes sociaux ou d’autres types de métiers spécialement intéressés par ce genre d’opérations ?
76Des marins ou des calfats confient en effet parfois quelques économies dans un change maritime, pour aider aux préparatifs d’un navire voire pour garantir le bon acheminement de marchandises121 ; mais les sommes restent modiques et les exemples assez rares : ce n’est là pour eux qu’une fonction occasionnelle. Les banquiers sont en revanche tout désignés pour participer à ces activités financières. On relève en effet le nom du changeur Joan Massana122 et surtout des membres de la famille de Gualbes, qui dirigeaient une banque renommée123. Bernat est en effet l’un des principaux prêteurs finançant le départ du pàmfil royal en mai 1374, pour une somme de 185 livres ; puis d’autres parents interviennent dans les activités de change à destination de l’Égypte et de la Syrie entre 1401 et 1414, pour des sommes comprises entre 60 et 260 livres. Mais on ne relève au total que sept contrats124 pendant cette période, et seuls Manuel et Ferrer portent effectivement le titre de changeurs.
77En fait, l’échantillon de bailleurs de changes maritimes n’échappe pas au profil général et est lui aussi dominé par les marchands, mais certains d’entre eux semblent s’être fait une spécialité de l’activité de change maritime. Tel est notamment le cas de Lluís Sirvent, négociant bien connu pour son rôle d’ambassadeur en compagnie de Raffael Ferrer lors du traité signé avec les envoyés du sultan Barsbāy à Rhodes le 30 mai 1430125. Mais avant d’entrer dans la clientèle du roi Alphonse V et de devenir l’un des agents de sa politique orientale, Lluís Sirvent avait commencé par se livrer au commerce avec le Levant ; il fut en particulier correspondant à Alexandrie de la compagnie Datini en 1410126. Rapidement, il se spécialise dans les opérations de change maritime : en octobre 1411, il confie en huit contrats l’équivalent en livres de Barcelone de 673 besants d’or et 410 ducats de Venise (soit près de 1.000 livres de Barcelone au total) à changer sur les places d’Alexandrie et de Beyrouth. Entre septembre et décembre 1415, six nouveaux contrats l’amènent à avancer quelque 376ducats et 60 besants d’or, toujours à destination du Levant127. Au cours des années suivantes, Lluís Sirvent fournit encore de nombreux changes maritimes, toujours à destination de la Méditerranée orientale mais principalement vers Rhodes128.
78En revanche, les mêmes sources ne font référence qu’à neuf commendes baillées par le même marchand entre 1410 et 1425129 : il y a donc bien là la preuve d’une spécialisation dans cette activité financière à destination du Levant. Celle-ci lui permit sans doute d’acquérir la fortune et le renom nécessaires pour devenir patron d’une nef, puis d’une galée de la Generalitat, qu’il dirigea plusieurs fois vers la Méditerranée orientale à partir du début des années 1420130. Les liens de sa famille avec le pouvoir royal131 devaient ensuite le conduire aux plus hautes fonctions, d’abord comme consul de la mer à Barcelone en 1427132, puis en tant qu’ambassadeur auprès des envoyés du sultan du Caire, à Rhodes en 1430. Sa spécialisation dans les changes maritimes constitua donc la base de sa brillante carrière.
Les assurances
79Ce type de contrat, qui représentait l’aboutissement d’un processus visant à garantir de la façon la plus efficace le risque de mer, se distinguait des changes maritimes pour plusieurs raisons. L’assureur s’engageait en effet à verser à l’assuré une somme indiquée dans l’acte en cas de perte des biens assurés, contre une prime qui n’est cependant jamais mentionnée dans les documents antérieurs à 1435133. L’assureur n’était donc pas tenu de financer un prêt pendant toute la durée d’un voyage, comme lors de la conclusion de changes à risque maritime. D’autre part, l’assurance ne comportait évidemment pas d’opération de conversion monétaire. Mais sur un plan pratique, les deux types de contrats couvraient les marchandises au cours de la même période, c’est-à-dire depuis le jour du départ de Barcelone jusqu’à vingt-quatre heures après l’arrivée à destination.
80Les assurances à prime furent utilisées dès le milieu du XIVe siècle par les marchands italiens, qui jouèrent dans ce domaine un rôle précurseur. Elles apparurent à Barcelone peu avant le XVe siècle134. Cependant, en direction du sultanat mamelouk, le nombre de contrats de ce type fut apparemment assez limité jusqu’à la seconde décennie du XVe siècle, peut-être en raison du succès rencontré par la formule précédente — qui offrait, il est vrai, de nombreux avantages —, mais sans doute aussi en raison d’un dépouillement qui ne peut être exhaustif parmi des minutiers non spécialisés. Les chiffres de répartition des contrats dépouillés (voir p. 262 le tableau 24), montrent non seulement que les assurances furent une technique de plus en plus utilisée à partir des années 1420, mais encore qu’il se produisit en leur faveur un engouement encore plus spectaculaire que pour les changes maritimes : en quelques années, elles passèrent d’un niveau quasi insignifiant à une suprématie absolue par rapport aux autres contrats financiers pour le nombre d’actes et surtout pour le montant des capitaux investis, lesquels représentaient près de 40 % du total destiné à l’Égypte et à la Syrie, tous contrats confondus. La brutalité de ce changement doit bien sûr être tempérée par le fait que la principale source utilisée pour ces années est le minutier d’assurances du notaire Bartomeu Masons ; la concentration de ce type d’opérations dans ce recueil spécialisé accroît évidemment la part des assurances pour la fin des années 1420. On peut donc gager que la transition fut plus progressive que les données chiffrées recueillies ici ne le laissent paraître. Toujours est-il que M. Del Treppo n’hésite pas à qualifier Barcelone d’un des marchés d’assurances les plus actifs du monde méditerranéen, surtout pendant les années 1420 et 1430135. Ace titre, l’apparition du premier minutier d’assurances, précisément pendant cette période, n’est pas fortuite.
Tableau 24. — Assurances
Périodes | Nombre d’assurances | Part des contrats | Capitaux | Part du total des capitaux | Montant moyen |
1394-1399 | 1 | 0,2 % | 200 | 0,3 % | 200 |
1400-1409 | 1 | 0,1 % | 35 | 0,4 % | 350 |
1410-1416 | 4 | 1,5% | 530 | 1,3 % | 132,5 |
1424-1431 | 11 | 22,4 % | 5.325 | 39,6 % | 484,1 |
Total | 18 | 0,75% | 6.405* | 2,3% | 376,8 |
81L’échantillon de produits assurés témoigne d’une composition assez diversifiée, proche de celle relevée dans les changes maritimes des années 1405-1415 : la répartition est en effet très favorable aux marchandises proprement dites, par opposition aux navires ; sur ce point, les assurances barcelonaises pour l’Égypte n’échappent donc pas au modèle général136. Il n’est malheureusement pas possible d’indiquer le total des sommes assurées pour chaque marchandise car de gros contrats couvraient indistinctement des articles très différents, comme en témoigne cette assurance pour Alexandrie de seize balles de 132 draps, trois caisses de corail, une grosse balle (« baló ») de chapeaux noirs, 212 coffes d’antimoine, vingt sacs de noisettes et deux marsapans de boutons de corail, le tout pour la somme globale de 1.300 livres137. Toutefois, les draps ne paraissent pas dominer cet échantillon de marchandises, à la différence de ce qui peut être relevé parmi les changes maritimes ou les commendes ; en revanche, le corail est mieux représenté138, sans doute en raison de sa valeur nettement supérieure à celle des draps ; mais comme le montre aussi l’accord précédemment détaillé, la gamme des marchandises couvertes est encore étendue. En outre, fait nouvellement attesté par rapport aux changes à risque maritime, des épices font parfois l’objet de ce type de contrat, lors de leur importation en Catalogne139. Toutefois, les assurances concernant le retour des voyages ne représentent pas encore, d’après l’échantillon d’actes relevés, la part importante qui devait être la leur un peu plus tard, en particulier pour le trajet Alexandrie-Barcelone140.
82On ne relève d’autre part qu’un seul cas de navire assuré, celui de Nicolau Julià, à destination de Candie, Rhodes, Chio, la Romanie, Chypre « e altres parts del soldà de Babilonia sotsmesos »141. Toutefois, ce contrat mérite quelque attention puisque les assurés sont en fait les bailleurs d’un change à risque maritime de 600 ducats confié au patron de l’embarcation lui-même142. Comme le montre donc cet exemple, les deux techniques ne s’excluaient pas mais se complétaient, puisque le change avait l’avantage sur l’assurance d’apporter des crédits au patron au moment d’appareiller, et que ceux qui les avaient financés pouvaient ainsi s’assurer à leur tour.
83La pratique de la réassurance est d’ailleurs attestée pour d’autres gros contrats, telle cette assurance déjà citée atteignant 1.300 livres : Leonardo Frescobaldi, qui s’était porté garant pour 300 livres, se fait réassurer pour la moitié de la somme par trois Catalans, mais sur la portion de trajet comprise entre Syracuse et Rhodes seulement et non jusqu’à Alexandrie143. L’expérience acquise par certains assureurs leur permettait donc d’affiner la couverture du risque, grâce à ce type d’accord.
84L’une des caractéristiques les plus marquantes des assurances à prime réside dans l’ampleur des capitaux qu’elles mobilisent. Ces contrats rassemblent en effet à eux seuls 39,6 % des investissements totaux vers l’Égypte et la Syrie pour les années 1420-1430. La moyenne des assurances atteint au total 376,8 livres et près de 700 pour le seul échantillon de neuf contrats relevé dans le minutier de Bartomeu Masons. À titre de comparaison, la plus forte moyenne enregistrée pour les commendes, celle de l’année 1429, n’est que de 280 livres ; celle des changes à risque maritime, en incluant les changes réinvestis en commende, n’est que de 124 livres. Les assurances permettaient donc de réunir des sommes bien plus considérables que les changes à risque maritime et se trouvaient donc nettement mieux adaptées aux nécessités d’un commerce mobilisant des capitaux toujours plus importants, comme nous l’avons constaté avec l’évolution des contrats de commende.
85Le profil des assureurs est lui aussi très spécifique. Plusieurs d’entre eux intervenaient généralement pour un même contrat ; ils étaient trois en moyenne, d’après l’échantillon d’assurances fourni par le notaire Bartomeu Masons, mais pour certains accords importants leur effectif pouvait atteindre cinq et même huit personnes144. Ils appartenaient le plus souvent à des compagnies spécialisées dans ce type d’activité. Ainsi s’explique la capacité à réunir de pareils fonds pour faire face à la demande d’assurance des marchandises. La forte minorité d’hommes d’affaires italiens parmi les assureurs agissant à Barcelone est également l’un de leurs traits caractéristiques au cours des années 1420-1430145. Dans le cadre du commerce avec l’Égypte, ils sont en effet présents dans sept contrats sur les dix-sept relevés, mais fournissent près de la moitié (46,1 %) des assurances en valeur. C’est incontestablement leur mode de participation le plus soutenu aux activités de grand commerce vers l’Orient méditerranéen menées depuis Barcelone. Parmi les nombreux noms relevés par M. Del Treppo émerge le Florentin Francesco Tosinghi vers l’Égypte et Rhodes, il participe au moins à huit polices, pour un total de 1.690 livres, entre 1426 et 1429, sans négliger pour autant les relations avec d’autres places commerciales146.
86Cette participation très active des marchands italiens ne doit évidemment pas éclipser le rôle de certains Catalans qui commencent à se spécialiser dans ce domaine à la même époque ; le marchand Bernat Serra se porte par exemple garant pour un total de 850 livres en quatre contrats à destination de Rhodes et d’Alexandrie147. Au-delà de ces exemples particuliers, Cl. Carrère a additionné le total des assurances fournies par des Barcelonais et par les Italiens, toutes destinations confondues, d’après les données du manual d’assegurances de Bartomeu Masons de 1428-1429 ; les premiers sont 106, le total assuré par eux est de 53.968 livres, soit une moyenne d’environ 69 livres par contrat ; les seconds, qui ne sont que 22, ont en revanche assuré 64.050 livres, soit 10.000 de plus que les Barcelonais, avec une moyenne de 169 livres par police148. La domination du secteur des assurances par les Italiens ne fait donc aucun doute pour la Barcelone de la fin des années 1420. Le commerce du Levant n’échappe pas à cette règle.
Conclusion
87Les données chiffrées exposées dans ce chapitre et sur lesquelles reposent les analyses qui précèdent doivent être considérées avec précaution, davantage encore que dans les autres domaines. D’une part, en effet, les dépouillements réalisés sont loin de pouvoir prétendre à l’exhaustivité, en particulier dans le cadre des minutiers non spécialisés, les seuls à fournir certains types de contrats (changes à risque maritime et assurances, avant 1428) : les maigres échantillons ainsi recueillis sont-ils bien représentatifs ? D’autre part, le contraste n’en est que plus vigoureux, et surtout artificiel, avec les résultats obtenus à partir des manuals de commendes ou d’assurances, dans lesquels les données sont beaucoup plus abondantes — mais bien sûr incomplètes. À chaque étape de l’analyse, il faut rester conscient de ces limites.
88Un processus de transition rapide se dessine cependant entre les changes à risque maritime et les assurances, en raison essentiellement de la meilleure adaptation du second type de contrat aux conditions nouvelles du grand commerce, comme nous l’avons constaté précédemment. L’utilisation successive de ces deux types d’actes constitue un phénomène également observé dans les principaux centres de commerce italiens, ainsi qu’à Majorque et à Valence. Prenons garde toutefois de ne pas trop simplifier ou de généraliser de façon hâtive les processus de transformation : à Gênes, par exemple, le change à risque maritime est progressivement supplanté par le contrat de change simple, et l’utilisation de l’assurance sous sa forme achevée passe par le stade préliminaire de la vente fictive, laquelle reste inconnue à Barcelone, et aussi d’ailleurs à Florence ou à Palerme149. L’évolution est donc loin d’être uniforme. Mais d’une manière générale, le change à risque maritime garantit bien le risque encouru par des marchandises pendant un voyage et précède de plusieurs décennies l’utilisation de l’assurance à prime. Le cas particulier des relations de Majorque avec le Maghreb montre en tout cas une évolution très proche de celle de Barcelone avec le Levant, et les conclusions qu’en tire M. D. López Pérez pourraient tout à fait s’appliquer aux données exposées précédemment ; le passage du change maritime à l’assurance à prime s’y justifie en effet en raison d’une claire préférence des assureurs pour un type d’accord, qui les mettait immédiatement en possession d’une prime sans les obliger à financer pendant toute la durée d’un voyage un capital souvent important150. À Valence, J. Guiral-Haziiossif remarque également le même processus de transition entre des contrats à risque maritime de valeur moyenne et des assurances à prime réunissant un grand nombre d’associés capables de faire face à des dépenses bien plus considérables151. Pour autant, les assurances ne font pas disparaître les changes à risque maritime, puisque ces opérations ne se recoupaient que partiellement152.
89En fait, l’originalité de Barcelone réside surtout dans l’utilisation tardive de l’assurance à prime comme mode régulier de couverture des marchandises transportées dans le cadre du grand commerce. Dans ce domaine, les marchands majorquins eux-mêmes témoignent d’une avance d’une vingtaine d’années par rapport à ceux de Barcelone153. Sans doute ce décalage est-il dû au fait que les méthodes commerciales pionnières utilisées par les hommes d’affaires italiens pénétrèrent plus vite à Majorque, qui constituait pour ces derniers un centre essentiel de leur réseau commercial en Méditerranée occidentale. En revanche, sauf dans le domaine des assurances de marchandises précisément, les Italiens jouaient un rôle assez limité dans le commerce de Barcelone avec le Levant Rien d’étonnant donc à ce que leurs expériences novatrices aient mis plus de temps qu’ailleurs à y être appliquées.
90On pourra certes objecter que toutes ces explications se heurtent toujours à la limite d’un échantillon très réduit et donc, peut-être, non représentatif dans le cas des assurances barcelonaises avant 1428. Cependant, l’hypothèse d’une utilisation plus précoce de cette technique à Barcelone dans le cadre du commerce avec le Levant ne tient pas, ou mal, compte tenu du rôle actif et bien réel des marchands italiens dans ce domaine isolé et à une date aussi tardive. Car, de fait, quinze ans plus tard, leur part est considérablement plus réduite dans le secteur de l’assurance, ce qui prouve que les marchands catalans ont alors pris le relais et parfaitement intégré cette méthode associant finance et commerce154.
V. — Les contrats d’affrètement de navires
91L’analyse des contrats d’affrètement ou de nolis barcelonais à destination de l’Égypte et de la Syrie est délicate, en raison surtout du faible nombre de documents de ce type relevé, qui ne permet pas non plus de dégager des conclusions toujours très sûres. En effet, seuls dix contrats d’affrètement ont pu être rassemblés — dont huit concentrés entre 1353 et 1357 —, et grâce à d’autres actes des données peuvent être collectées pour une quinzaine d’accords de ce type au total (voir le tableau 25, pp. 268-270).
92Il convient de rappeler, avant d’exposer plus en détail ces éléments, que marchands et patrons de navires distinguaient principalement les nolis a escar, prévoyant la location de l’ensemble de l’embarcation pour un prix forfaitaire global, et les affrètements a quintarades, qui faisaient reposer le coût du transport sur le poids des différentes marchandises chargées, lesquelles étaient alors grevées selon un tarif défini à l’avance155. Enfin, l’échantillon de contrats relevés ne fournit aucun exemple de contrats dits al través ou d’alt a baix156, ni aucune forme de location partielle du navire.
Contrats de nolis a escar ou a quintarades ?
93En fait, les deux grands modèles d’accords distingués, les nolis a escar et a quintarades, ne sont pas toujours faciles à identifier. Les cinq nolis a escar relevé s entre 1353 et 1356 présentent en effet tous une liste de tarifs de transport pour chaque marchandise, similaire à celle des accords a quintarades. Il s’agit pourtant bien de contrats a escar puisqu’une somme forfaitaire, comprenant la location de l’ensemble du navire, est bien précisée en début de contrat. Cependant, les groupes de marchands qui affrétaient ces embarcations pouvaient ainsi déterminer les paiements à demander à d’éventuels nouveaux négociants susceptibles d’ajouter leurs marchandises à bord, voire définir grâce à cette liste de prix la façon de répartir entre eux le paiement du nolis157.
Tableau 25. — Contrats de nolis pour Chypre6, Beyrouth et Alexandrie
Dates | Données relatives aux navires | Données relatives aux contrats de nolis | Sources | Publication | ||||||
Navires | Patrons | Nombre de ponts | Type de nolis | Prix du nolis | Nombre de marchands | Destinations | ||||
1327 (?) | Coque | Francesc Sa Bastida | 3 | A escar | 800 ll. | Alexandrie | J. M. Madurell, Societats, p. 392. | |||
7 juin 1353 | Coque bayonnaise Santa Maria | Société de Barcelone | 3 | A escar | 10.000 ll. | 40 | Chypre | AHPB J. Ferrer, Llibre comú (juin 1353 – octobre 1357), ffos 4r°-10v°. | ||
8 juin 1353 | Nef bayonnaise Sant Joan | Joan Lombarda, FrancescDes Clapers et FrancescSa Closa | 2 | A escar | 7.000 ll. | 33 | Alexandrie | AHPB, J. Ferrer, Llibre comú (juin 1353 – octobre 1357), ffos 15v°-24v°. | ||
(3 septembre 1354) 10 juillet 1355 | Nef bayonnaise Santa Clara | Pere de Valls et BartomeuBasers | 2 | A escar | 3 | 4 | Alexandrie | AHPB, J. Ferrer, Llibre comú (juin1353 - octobre 1357), ffos 41v°-42v° et 46r°-48r°. | ||
10 juillet 1355 | Nef bayonnaise Sant Joan | Pere de Galliners et Bonanat Roger (Joan Lombarda) | 2 | A quintarades | – | 28 | Chypre et Beyrouth | AHPB, J. Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 50v°-57v°. | ||
3 juillet 1355 | Nef bayonnaise Santa Eulalia | Bernat Bonet et Bernat Joncar | 2 | A quintarades | – | 11 | Alexandrie | AHPB, J. Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 58 r°-64r°. | ||
(3 septembre 1354) 16 juillet 1356 | Nef bayonnaise Santa Clara | Pere de Valls et BartomeuBasers | 2 | A escar | 4 | Alexandrie | AHPB, J. Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 78 v°-80v°. | |||
5 avril 1356 | Coque bayonnaise Santa Eulalia | Romeu d’Olzinelles et Berenguer Martí (Joan Lombarda) | 3 | A escar | 10.100 ll. | 20 | Alexandrie | AHPB, J. Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), fos 84v°-92r°. | ||
1357 (?) | Coque Santa Eulalia | Berenguer de Cateller et Bernat Bonet | 2 | A quintarades | – | 17 | Chypre | AHPB, J. Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), fos 112r°-118v°. | ||
1365 (?) | Nef Santa Eulalia | Ramon de Margens et Lleó March | 2 | A escar | Plus de 3.000 ll. | 17 | Alexandrie | AHPB, F. de Ladernosa, Llibre comú (octobre 1367 - janvier 1368), f° 21r°. | ||
1374 (?) | Pàmfil royal Sant Joan Evangelista | Bertran Sala | 1 | A quintarades | – | 2 | Alexandrie | ACA, RP, MR, reg. 2314, fos 88r°-90v°. | M Del Treppo, I mercanti, append. III (pp. 737-738). | |
9 septembre 1393 | Sant Pedro de Castro de Ordiales | Pedro Sánchez de Vendessu | ? | A escar | 1.040 ll. | 3 | Sicile, Alexandrie, Rhodes et Éphèse | AHPB. B. Nadal, Manual (juillet-novembre 1393), 2e part., f° 8v° et Plec de documentació diversa (9 août 1393) | ||
23 mai 1394 | Nef Santa Maria | Francesc Fogassot | 2 | A quintarades | – | Alexandrie | AHPB, B. Nadal, non localisé (anciennement dans les « Escrituras sueltas »). | M. Del Treppo, I mercanti, append. III (pp. 737-738). | ||
2 décembre1394 | Galée grosse Santa Eulalia | Bartomeu Vidal | A quintarades | – | 37 | Beyrouth | AHPB, J. Nadal, Manual (novembre-décembre 1394), ffos 33v°-40v°. | A Garcia et N. Coll, Galeres, doc. 1. | ||
2 décembre 1394 | Galée Sant Gabriel | (Pere de Quintana) | A quintarades | – | Beyrouth | AHPB, J. Nadal, Manual (novembre-décembre 1394), ffos 33v°-40v°. | A Garcia et N. Coll, Galeres, doc. 1. | |||
2 mai 1415 | Nef Sant Joan Baptista | Antoni Colom, alias Cotxello | 1 | A escar | 700(?) ll. | 3 (?) | Syracuse, Rhodes et Alexandrie | AHCB, Fonds Notarial, IX.13 Documents (2 mai 1415). | ||
28 avril 1419 | Nef Santa Jeroni | Frincesc Ferrer et Ramon Serra | 1 | A quintarades | Rhodes et Jaffa | AHPB, B. Pi, Manual (avril- décembre 1419), f° 4r°-v°. |
94L’évolution qui semble s’esquisser à partir de cet échantillon très réduit d’affrètements témoignerait donc d’un passage très progressif du type a escar, au milieu du XIVe siècle, au modèle a quintarades, plutôt majoritaire à la fin du XIVe s. et au début du XVe siècle158. Cette tendance semble par ailleurs confirmée par le nombre de plus en plus fréquent de galées marchandes participant au commerce du Levant à partir de la fin du XIVe siècle, alors que ces bâtiments n’étaient généralement pas nolisés a escar159. Mais le faible échantillon d’accords relevés impose de rester prudent et de rappeler qu’en fait tout un ensemble de conditions particulières pouvaient déterminer le choix de l’un ou l’autre type de contrat. Le nombre de navires partis pour l’Égypte et la Syrie au cours d’une même année constituait sans doute la plus décisive de ces conditions. En effet, la moyenne des bâtiments appareillant pour ces destinations pendant les années 1350, reste limitée à environ trois par an, tandis qu’elle dépasse les dix unités au tournant du siècle suivant. Dans les années 1350, la perspective de pouvoir utiliser facilement la totalité, voire la plus grande partie d’une embarcation, puisque seules quelques-unes appareillaient, aurait ainsi incité les marchands à préférer le modèle de contrat a escar. En revanche, quelques dizaines d’années plus tard, l’effet de concurrence entre les nombreux navires, pouvait amener les hommes d’affaires à juger le nolis a quintarades plus adapté, puisque limité aux seules marchandises qu’ils souhaitaient transporter, sans avoir à se soucier de remplir le reste du bâtiment pour rentabiliser sa location. Ils évitaient en outre de payer le prix parfois exorbitant demandé pour un nolis a escar ; celui de la coque Santa Eulalia en partance pour Alexandrie en 1356, qui atteignait la somme record de 10.100 livres, coûtait ainsi plus cher que le bâtiment lui-même160. Selon Ch.-E. Dufourcq, ces coûts excessifs se justifiaient par l’entretien et l’usure du navire ainsi que par la paie de l’équipage161.
95Il faut évidemment convenir que ces explications ne peuvent s’appliquer dans tous les cas puisque l’on relève plusieurs nolis a quintarades dès le milieu du XIVe siècle et des contrats a escara la fin du XIVe s. et au début du XVe siècle. Bien d’autres conditions pouvaient en effet intervenir pour déterminer le choix d’un type au détriment de l’autre, voire une combinaison des deux, dans le cas de ces cinq nolis a escar entre 1353 et 1356 : par exemple l’itinéraire prévu, selon qu’il était direct ou comportait de nombreuses escales. Les étapes prévues permettaient en effet d’augmenter des cargaisons restées incomplètes dans le cadre de nolis a quintarades tandis qu’elles ne présentaient aucun intérêt dans le cas d’un navire loué a escar et entièrement chargé à Barcelone. Or, on remarquera précisément que le trajet devait s’effectuer en droite ligne dans les contrats du milieu du XIVe siècle, qui sont majoritairement a escar, tandis qu’il était jalonné par de nombreuses étapes quelques dizaines d’années plus tard. Il faut donc sans doute voir dans la multiplication des escales un lien effet de la concurrence que se livraient des patrons de navire toujours plus nombreux.
96La taille de l’embarcation, d’autre part, pouvait également constituer un élément déterminant : si le navire était de vastes dimensions, il était en effet plus difficile de le remplir et donc de le louer a escar. Toutefois, paradoxalement, on notera que la plupart des bâtiments cités au cours des années 1350, qui sont de gros vaisseaux, sont pourtant majoritairement affrétés selon cette modalité162. Cette contradiction apparente s’explique par le fait que les embarcations étaient louées par des groupes constitués de nombreux marchands, parfois associés dans le cadre d’un comú à parts égales163, comme il a été signalé précédemment ; ces sociétés étaient en effet conclues pour commercialiser un très gros volume de marchandises, mais aussi pour trouver un moyen de transport adapté ; c’est pourquoi elles entraînaient logiquement le choix d’un navire de gros tonnage. Cependant, par la suite, en raison de la multiplication des départs pour le Levant et de l’effet de concurrence qui en découlait, il n’était plus nécessaire de se rassembler pour affréter tout un navire vers une destination lointaine, ce qui favorisa une pratique plus individuelle.
97On remarquera, enfin et surtout, que la pratique des contrats a quintarades permettait de mieux nuancer les prix en fonction des denrées transportées, ce qui correspond effectivement à une évolution générale des accords de nolis sur les principales places de commerce italiennes dès la fin du XIVe siècle, comme l’a bien miontré F. Melis ; à Barcelone aussi, cette technique entra progressivement en usage, mais ce ne fut pas avant le courant du XVe siècle et — d’après M. Del Treppo — de façon plus imparfaite164. Les données ici rassemblées, qui s’appuient sur des tarifs concernant des nefs aussi bien que des galées165, confirment en grande partie ces conclusions et permettent d’élargir le champ d’investigation au milieu du XIVe siècle, mais dans la seule perspective des trajets vers le Levant (voir le tableau 26, pp. 274-275).
98L’analyse de ces données montre bien que les tarifs concernant les marchandises d’exportation se diversifient en fonction de la valeur des articles transportés : l’affrètement des produits les moins chers — plomb, antimoine, miel ou draps — ne connaît pratiquement pas d’augmentation sur 50 voire 70 ans, et même baisse parfois. En revanche, la tarification témoigne d’une nette progression pour le safran et le corail, produits les plus onéreux exportés vers le Levant ; elle s’accompagne en outre, comme l’avait déjà remarqué M. Del Treppo166, d’une diversification des prix en fonction des différentes variétés d’une même marchandise, phénomène particulièrement évident dans le cas du corail : les types les plus chers sont bien grevés des coûts de transport les plus élevés et inversement. Dès la fin du XIVe siècle, les patrons de navire catalans étaient donc parvenus à mettre en place des nolis différenciés pour les transports de marchandises entre Barcelone et le Levant.
99Toutefois, en dépit de cette diversification, comme le soulignait encore M. Del Treppo167, les produits les plus chers étaient à l’évidence les moins taxés proportionnellement à leur valeur. Le nolis du quintal d’antimoine à destination du Levant, qui variait entre 3 et 5 sous, représente en effet 7,5 à 12,5 % du prix de ce produit en 1394 ; dans le cas du miel, le coût du transport est encore bien supérieur : de 12,5 à 25 %, selon sa qualité. En revanche, pour le safran, qui était l’une des marchandises les plus chères, ce taux n’est que de 1,6 à 3,2 %, en fonction des variétés ; pour le corail torejat, la part du fret n’atteint que 1,9 à 3,9 % du prix, et tombe même à 0,67 % dans le cas du corail en branche168. Enfin, dans le cas des draps, le coût du transport par rapport à leur prix était d’un niveau intermédiaire, soit de 7 % à 8 % environ. Les nolis barcelonais de marchandises à destination de l’Orient méditerranéen n’échappent donc pas au constat d’une gamme de tarifs exagérément restreinte, ménageant les denrées de luxe au détriment des produits les moins chers, en dépit de l’effort de diversification que nous avons relevé précédemment.
Tableau 26. — Évolution de quelques tarifs de nolis de Barcelone vers le Levant (Arxiu Històric de Protocols de Barcelona [AHPB]). A — Marchandises d’exportation7
Nolis des années 1353-1357 | Nolis de 1394 | 1419 | |||
Prix minimum | Prix maximum | Priv minimum | Prix maximum | Prix | |
Plomb et antimoine | 3 | 3,5 | 3 | 5 | |
Miel | 4,5 | 6 | 5 | 4 | |
Draps de plus de 14 liv. | 20 | ||||
Draps de plus de 8 liv. | 15 | 17 | |||
Draps de moins de 8 liv. | 12 | 14 | |||
Draps de plus de 10 liv. | 16 | ||||
Draps de moins de 10 liv. | 15 | ||||
Draps de plus de 9 liv. | 13 | ||||
Draps de moins de 9 liv. | 11 | ||||
Draps (sans distinction) | 12 | ||||
Safran | 20 | 25 | 50 | ||
Corail | 20 | 25 | |||
Corail poli et « brancut [?]) » | 30 | ||||
Corail non poli et « toret » | 15 | ||||
Corail non poli | 20 | ||||
Corail « torade mercader » de plus de 50 liv. | 14 | ||||
Corail « migan » | 6 | ||||
Corail « brancha » | 50 | ||||
Corail « torajat » valant entre 40 et 80 liv. le quintal | 31 | ||||
Corail de moins de 40 liv. | 16 | ||||
Corail « tor de tall » | 50 |
B. — Marchandises d’importation8
Nolis des années 1353-1357 | Nolis de 1394 | |||||
Prix minimum à Chypre | Prix maximum à Chypre | Prix minimum à Alexandrie | Prix maximum à Alexandrie | Prix minimum | Prix maximum | |
Épicesa | 11,6 | 15 | 20 | 26 | 15 | 25 |
Coton mapus | 15 | 22 | 26 | 16 |
100On aimerait pouvoir confronter ces chiffres à ceux des années 1350 afin de pouvoir prendre la mesure de leur évolution. Mais nous ne disposons pas de prix suffisamment sûrs pour ces différentes marchandises, à cette époque. Seuls les draps échappent à cette règle, mais ils sont grevés d’un nolis fixé au quintal alors que leur prix est déterminé à la pièce, de sorte qu’ignorant le poids précis d’un drap, on ne peut non plus déterminer le coût de leur nolis par rapport à leur valeur.
101Quant aux principales épices, comme l’a déjà fait remarquer M. Del Treppo169, leur particularité est d’être rassemblées dans une même catégorie alors même que leur valeur pouvait varier beaucoup d’un produit à l’autre ; cette caractéristique s’appliquait donc déjà aux tarifs de nolis du milieu du XIVe siècle. Des différences de prix peuvent en revanche être relevées en fonction du lieu d’origine, dans les années 1350 : le coût de leur transport depuis Famagouste était sensiblement inférieur à celui établi pour Alexandrie alors que la distance entre ces deux ports et Barcelone est en fait pratiquement équivalente. Mais on remarquera que les tarifs concernant Chypre en 1355 et 1357 étaient nettement plus chers qu’en 1343, où les principales épices n’étaient grevées que d’un nolis de huit sous et deux deniers par quintal de Barcelone170.
102De ce dernier constat, il faut certainement déduire que les ordonnances royales de 1352 et 1354, qui imposaient un rapport d’un membre d’équipage pour vingt salmes dans le but de mieux défendre les vaisseaux en raison du conflit contre Gênes171, empêchaient les patrons de réaliser des économies dans ce domaine. Ces mesures entraînaient donc vraisemblablement un surcoût des nolis destiné à payer ces équipages aux effectifs accrus. Nous savons en effet, grâce à son contrat d’affrètement, que la nef Sant Joan, qui avait quitté Barcelone pour Chypre et Beyrouth en 1355, comptait 140 hommes d’équipage tandis que celle qui avait appareillé pour l’île des Lusignan en 1357 disposait de 130 hommes (dont 20 arbalétriers) ; or ces deux exemples d’effectifs comptent précisément parmi les plus nombreux.
103La différence de tarifs entre les parcours Famagouste-Barcelone et Alexandrie-Barcelone est en revanche plus difficile à expliquer puisqu’elle n’est sensible que pour le transport des marchandises d’importation et non d’exportation. Peut-être est-elle due au nombre inégal de navires ayant fréquenté les deux ports au cours des années 1350 et à l’effet de concurrence disproportionné qui devait résulter de cette inégalité. Famagouste, port chrétien isolé dans un Orient méditerranéen à dominante musulmane, n’avait pas encore été prise par les Génois et était alors fréquemment visitée par les marchands catalans et occidentaux en général, davantage en tout cas qu’Alexandrie, située en plein territoire mamelouk172. Mais cette différence de tarifs confirme en tout cas que le coût des nolis n’avait pas de rapport avec la distance à parcourir, comme l’avait déjà montré M. Del Treppo, qui voyait dans cette inadéquation une nouvelle forme de rigidité des tarifs173.
104Quoi qu’il en soit, les prix de transport grevant les marchandises au départ d’Alexandrie témoignent, en 1394, d’un élargissement de la gamme des valeurs vers le bas qui n’a pas d’équivalent parmi les prix de nolis d’exportation. En 1404, le coût de leur fret depuis Alexandrie représentait ainsi en moyenne 4 % de leur prix à Barcelone174, un taux plutôt faible pour des denrées généralement onéreuses. En résumé, la situation se présente donc exactement comme dans les principaux ports de commerce d’Italie du Nord, où « tout se passe comme si les grains et l’alun » (à Gênes) et le sel (à Venise) « étaient requis pour subventionner le commerce des épices, dans la conjoncture déprimée de la seconde moitié du XIVe siècle175 ». À Barcelone, également, les tarifs de nolis appliqués aux produits bon marché et dans une moindre mesure aux draps catalans, expédiés en très grandes quantités, permettaient aux patrons de navire de réduire les coûts du transport des épices, objectif principal de ces voyages vers l’Orient méditerranéen. Or, cette habile stratégie reposait bien sûr l’usage de contrats d’affrètement a quintarades et non a escar.
Les huit contrats de nolis des années 1353-1357
105La série des huit contrats de nolis instrumentés entre 1353 et 1357 constitue une suite exceptionnelle de documents très riches, qui permet d’approfondir l’analyse de ces accords pour l’une des périodes les plus pauvres en actes notariés à destination de l’Orient mamelouk.
106Qu’ils soient conclus a escar ou a quintarades, ils présentent tous une structure commune précisant d’une part les obligations et engagements réciproques des marchands et des patrons de navire et prévoyant d’autre part des dispositions pour résoudre d’éventuels conflits, voire des sanctions pour contraindre chaque partie à bien respecter les accords.
107Les patrons de navires s’engagent ainsi à préparer leur embarcation, dont l’équipement, les agrès et l’armement défensif sont souvent décrits avec minutie. La composition de l’équipage est également détaillée : la nef Sant Joan de Joan Lombarda, qui doit se rendre à Alexandrie en 1353, puis à Chypre et Beyrouth en 1355, dispose ainsi à son bord de 100 marins, d’un pilote, d’un marin supplémentaire capable de remplacer celui-ci, de 25 mousses âgés d’au moins 25 ans, de 15 arbalétriers176, d’un « cuyrasser », d’un prêtre, d’un « barber » faisant office de médecin et de cinq musiciens (deux « trompadors », un « cornamusa », un « tabaler » et un « trompeta »)177. Des provisions sont également prévues pour tout cet équipage, pour une durée de 60 à 70 jours à l’aller et de 80 à 90 jours pour le retour — la différence s’expliquant par les vents d’ouest dominants, qui limitent la vitesse du bateau au retour. Un emplacement est réservé pour chaque marchand et ses effets ; il ne dispose ainsi que d’un espace réduit, couvrant la largeur de deux matelas sous l’un des ponts. Une date de départ est arrêtée, généralement plusieurs mois après la conclusion du nolis, de manière à laisser à chacun, patrons et marchands, le temps nécessaire de se préparer à un long voyage. Mais il pouvait arriver que ce délai fût plus bref : il était alors prévu de charger l’embarcation de jour et de nuit, afin d’accélérer les opérations178. Le patron s’engageait également à suivre l’itinéraire consigné dans le contrat, c’est-à-dire à se rendre directement en Méditerranée orientale, dans le cas de ces huit affrètements179. Il était toutefois prévu que certains navires pouvaient s’arrêter en cours de route, là où les marchands le souhaitaient, pour se tenir au courant des nouvelles, réapprovisionner le navire ou toute autre raison justifiant une escale ; mais dans tous les cas, ces arrêts ne pouvaient avoir lieu sans l’accord des marchands. Le délai de séjour à destination était généralement fixé pour une période de deux à trois mois et demi, soit environ autant sinon plus que le voyage aller-retour lui-même180. Le port de retour était toujours Barcelone.
108Les marchands, de leur côté, étaient tenus de charger tous leurs biens destinés au Levant sur le navire qu’ils affrétaient ; il leur était même parfois interdit d’expédier de nouveaux produits vers ces destinations, dans un délai de plusieurs mois après le départ de l’embarcation181. Cette clause permettait d’éviter que les marchands ne contournent l’interdiction précédente, par un envoi différé de quelques semaines. Il en allait de même pour le retour : chaque marchand devait réutiliser le même bâtiment que celui dans lequel il avait fait transporter ses biens à l’aller. Faisant suite à ces obligations, et comme pour les compenser, il était ensuite précisé que les biens de chaque négociant qui avait affrété le navire seraient déchargés avant ceux de tout autre marchand. Mais leurs principales obligations concernaient évidemment le paiement du nolis. Dans les contrats a escar, le versement du montant exigé ne pouvait être acquitté en une seule fois, compte tenu de l’ampleur de la somme, qui s’élevait à plusieurs milliers de livres (voir le tableau 25, pp. 268-270). Il était donc toujours étalé en trois échéances versées la première à Barcelone avant le départ, la seconde une fois le navire arrivé au Levant et la dernière au retour. La répartition des sommes à verser était variable ; elle pouvait se subdiviser en trois parts égales ou en trois versements arbitrairement déterminés dans le contrat. Le paiement d’une partie du nolis à Barcelone permettait au patron de faire face aux frais d’équipement de son navire avant le départ et d’éviter (ou de limiter) le recours aux coûteux contrats de prêts ou de changes maritimes qui comprenaient un intérêt. Dans le cas des nolis a quintarades, les frais d’affrètement des marchandises exportées devaient intégralement avoir été payés avant le départ de Barcelone ; mais au retour, le paiement pour les denrées importées était divisé en deux versements égaux, l’un en Méditerranée orientale et l’autre dans un délai d’un mois après le déchargement du navire à Barcelone. Les frais de nolis a quintarades se trouvaient donc eux aussi étalés en trois échéances, comme pour les affrètements a escar. Enfin, les marchands qui chargeaient des biens à bord d’un navire étaient dispensés de payer un nolis pour leur propre voyage, de même que les facteurs les accompagnant. En outre, ils pouvaient embarquer gratuitement une caisse d’effets personnels qui contenait entre autres les documents concernant les opérations commerciales en cours ; mais les dimensions de cette caisse étaient très strictement limitées et les marchands ne pouvaient bien sûr y placer des biens figurant dans les tarifs de nolis ; il leur était en revanche permis d’y ranger les sommes reçues en change.
109Afin de garantir toutes ces dispositions, plusieurs types de mesures, voire de sanctions, étaient systématiquement prévus. Chaque contrat était en effet assorti d’une clause destinée à régler les éventuels différends : deux marchands étrangers au litige devaient être désignés, l’un par les patrons du navire, l’autre par les affréteurs, afin de résoudre la question qui les opposait. Dans le cas où ces deux arbitres ne parvenaient pas à un compromis, le recours au Consolat de Mar devenait indispensable. Les contrats prévoyaient également des mesures plus contraignantes : ainsi, les patrons n’ayant pas satisfait à leurs engagements risquaient une déduction d’un quart du nolis182. A la fin du contrat, il était en outre rappelé qu’ils étaient tenus de faire respecter les accords conclus par tous les hommes à bord ; ils encouraient une pénalité pouvant s’élever à 1.000 livres s’ils y manquaient183. Enfin, ils engageaient leur propre navire, s’ils en étaient propriétaires, ainsi que tous leurs biens, mobiliers et immobiliers. Les patrons, redoutant surtout des retards de chargement de la part des marchands184, leur imposaient à leur tour des frais supplémentaires en pareil cas : les marchands devaient par exemple acquitter dix livres de plus pour tout embarquement au-delà de la date de départ185. Si les affréteurs, contrairement à ce qui était prévu, n’avaient pas payé leur part de nolis avant le départ et ne s’en acquittaient qu’une fois arrivés dans le port de débarquement, un taux de change monétaire désavantageux leur était imposé : à Alexandrie, ils devaient rembourser leur dette au cours d’une livre de Barcelone pour un besant et 18 carats d’or d’Alexandrie voire deux besants, alors que le taux de change normal était d’une livre pour un besant ; à Beyrouth, une équivalence de douze deniers de Barcelone pour un dirham leur était imposée alors que le prix réel d’un dirham de Damas était de neuf deniers186. Des dispositions similaires pouvaient être prises en cas de retard de paiement pour le nolis de retour. D’autre part, si des marchands chargeaient davantage de marchandises que ce pour quoi ils avaient payé, le surplus pouvait être confisqué et revendu par le scribe du navire, et le gain obtenu, redistribué aux autres affréteurs. Enfin, eux aussi devaient engager leurs biens mobiliers et immobiliers en vue de la bonne exécution de l’accord conclu.
110En dépit de ces données de base communes, chacun de ces huit contrats d’affrètement présente des particularités essentielles qui le distinguent des autres, y compris lorsqu’il s’agissait de contrats de nolis portant sur le même navire — car parmi cette série de huit accords la nef Sant Joan de Joan Lombarda est louée deux fois, de même que la nef Santa Clara commandée par Pere de Valls et Bartomeu Basers. Le premier contrat relevé est en effet un peu particulier puisqu’il s’agissait de la grosse coque à trois ponts qui emmena à Chypre Eléonore, cousine du roi Pierre le Cérémonieux, qui devait y épouser le roi Pierre Ier de Lusignan187. La société qui possédait ce navire profita donc de cette occasion exceptionnelle pour proposer ses services et faire également de ce voyage une grande entreprise commerciale, Ainsi se justifiait la fortune exigée (10.000 livres) pour affréter ce bâtiment. Deux des vaisseaux étaient d’autre part loués dans le cadre d’un comú à parts égales qui avait fait l’objet d’un contrat d’association, détaillant les liens qui unissaient les marchands affrétant ces deux navires188. On notera en outre que le propriétaire des deux embarcations (la nef Sant Joan en 1353 et la coque Santa Eulalia en 1356) n’était autre que Joan Lombarda, personnalité dominante dans ce milieu et ce type d’activités189. Par ailleurs, le troisième et le dernier contrat de nolis (Alexandrie, 1355 et Chypre, 1357) furent conclus par cette association de marchands gérant un navire, commandé par deux d’entre eux à tour de rôle, grâce à un système original de tirage au sort qui désigna Bernat Bonet pour diriger les deux vaisseaux. Le second navire, la coque Santa Eulalia, remplaçait, nous l’avons vu, le premier, utilisé en 1355, comme en atteste le contrat de construction et d’association de ces neuf hommes d’affaires, instrumenté le 12 mai 1357190, Il faut ici souligner la forme très originale du contrat a quintarades de la première nef — elle aussi appelée Santa Eulalia — à destination d’Alexandrie, qui fixe pour chaque marchand utilisant ce bâtiment, qui en est aussi le copropriétaire, une part de marchandises à charger s’élevant à 1600 livres ; les neuf parts additionnées permettraient donc de connaître la valeur totale des biens embarqués, soit 14.400 livres, somme qui constitue un capital considérable191. Ce mode d’organisation renvoie directement au phénomène de juxtaposition constaté entre la communauté des propriétaires ou parsonniers et celle des affréteurs192. Restent enfin les deux nolis de la nef Santa Clara de Pere de Valls et Bartomeu Basers pour Alexandrie, en 1355 et 1356. Ils s’inscrivent en fait dans le cadre d’un contrat précédent, sans doute instrumenté a escar le 3 septembre 1354, et qui prévoyait la location de ce navire pour deux voyages à Alexandrie par un groupe de quatre marchands bien connus dans le milieu des relations commerciales avec l’Orient méditerranéen : Bernat Ferrer, Francesc Des Clapers, Francesc Sa Closa et Bernat Martí. La guerre avec Gênes et les interdictions de navigation qui s’ensuivirent avaient empêché la réalisation de cet accord avant l’été 1355193. Cependant, le 10 juillet de cette même année, puis un an plus tard, le 16 juillet 1356, les quatre hommes d’affaires purent à leur tour « renoliser » le même navire à de nouveaux marchands, mais selon la forme a quintarades.
111À chaque voyage correspond donc également une forme d’organisation particulière. Car les contrats de nolis mettent en jeu des sommes considérables lorsqu’il s’agit de voyages aussi lointains ; chaque partie contractante entend ainsi faire valoir ses exigences et satisfaire ses attentes, qui débouchent sur un accord « taillé sur mesure ».
112Ce constat de différences ne doit pas non plus faire perdre de vue un dernier élément essentiel : ces huit affrètements témoignent de liens nombreux et divers entre les contractants de ces différents accords. Sans parler des mêmes groupes de négociants qui affrètent à plusieurs reprises un navire vers le Levant, on trouve en effet presque toujours le même noyau d’hommes d’affaires mêlé à ces expéditions maritimes. Dans le cadre du premier voyage pour Alexandrie en 1353, Joan Lombarda, propriétaire de la nef Sant Joan, tient sa licence pontificale et son autorisation royale de ce groupe de quatre marchands194 qui nolise ensuite la nef Santa Clara pour la même destination en 1355, puis 1356. Mais deux de ces quatre hommes d’affaires — Francesc Des Clapers et Francesc Sa Closa — possèdent en 1353 une seconde licence, qu’ils partagent également avec Joan Lombarda ; ce dernier leur délivre ensuite procuration pour pouvoir l’utiliser à sa place, témoignant ainsi des liens de confiance qui existaient entre les trois marchands195. On remarquera également que plusieurs contrats sont signés à la même date ou presque : les deux nolis pour Chypre et Alexandrie de 1353, respectivement conclus les 7 et 8 juin ; et les trois affrètements de 1355, instrumentés les 3 et 10 juillet — soit exactement à la même date pour les nefs Sant Joan et Santa Clara. Plus qu’un effet de concurrence, il y a là sans doute la marque d’une coopération dans le milieu des armateurs et des marchands. Les navires de Joan Lombarda — nef Sant Joan et coque Santa Eulalia — sont d’ailleurs toujours autorisés à voyager de conserve avec d’autres, pourvu qu’ils soient équipés d’un gouvernail196. Mais les patrons Bernat Bonet et Bernat Joncar vont jusqu’à accorder aux marchands affrétant leur nef le droit de charger leurs biens sur celle de Pere de Valls et Bartomeu Basers en 1355, après le leur avoir interdit pour tout autre navire197. Une telle disposition suppose évidemment une entente préalable entre les patrons des deux navires, qui tous deux devaient gagner Alexandrie cette année-là. S’ils étaient hommes d’affaires, les patrons de navire, forts de leur expérience de la navigation au long cours, étaient aussi conscients des dangers qui pouvaient les ruiner lors d’une traversée malheureuse ; une attitude de solidarité pouvait donc se révéler bien plus efficace et adaptée que les réflexes de concurrence, comme le montre également la pratique des convois.
VI. — Autres contrats et techniques commerciales
113Les autres types d’actes notariés ne fournissent à notre étude qu’un apport assez réduit, mais qui toutefois n’est pas dénué d’intérêt, puisqu’ils complètent parfois utilement les informations relatives au commerce à destination du sultanat mamelouk.
114Les procurations en particulier constituaient un instrument indispensable pour les négociants qui ne pouvaient se rendre au Levant mais qui y étaient engagés par leurs affaires et souhaitaient s’y faire représenter ou, à l’inverse, pour les marchands qui partaient et désignaient un procureur afin de défendre leurs intérêts à Barcelone en leur absence. Cependant, en dépit de sa fréquente utilisation dans le cadre des relations avec l’Orient méditerranéen, cette forme de contrat n’apprend rien de plus sur les types d’opérations commerciales et son apport le plus spécifique reste en définitive de témoigner des nombreux liens de confiance professionnelle que les marchands avaient tissés entre eux, dont l’étude n’a pas sa place ici198.
115Les quittances sont quant à elles d’un apport très limité puisqu’elles n’étaient qu’exceptionnellement délivrées lors du règlement des commendes. Nous avons en effet déjà vu que la liquidation de ces contrats était consignée par quelques annotations marginales à l’endroit même où la commende figurait dans les minutiers. La cancellation de la commende dispensait donc généralement son bailleur de délivrer une quittance au preneur de fonds. L’apport de ce type de documents pour cette étude est donc des plus limités.
116Les lettres de change brillent également par leur absence parmi les techniques commerciales utilisées par les marchands catalans dans le commerce avec l’Égypte et la Syrie199, aucun protêt de lettre vers ces destinations ne s’étant trouvé parmi les minutes notariales consultées. Il existe pourtant l’exemple d’une lettre de change déjà citée, contenue dans le registre des opérations ouvrant droit à une indemnisation après le pillage de la nef de Bartomeu Amar à Famagouste en février 1416200. Aucune destination précise n’y est mentionnée, mais elle avait été cependant rédigée en septembre de la même année, soit après l’attaque du navire, sans doute pour rembourser le bailleur d’un change maritime puisque le débiteur avait perçu une indemnité ; et sa destination était vraisemblablement Rhodes, comme le supposent A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, qui ont republié et commenté ce document très particulier201. Cet exemple est cependant très révélateur du fait qu’il n’existe probablement pas ou très peu de lettres de change expédiées par des Catalans vers l’Égypte ou la Syrie alors que l’on en trouve pour Rhodes202. À cela une raison bien simple : pour pouvoir réaliser ce type d’opération, il faut disposer de correspondants et de partenaires commerciaux fixes dans la place de destination ; or nous verrons plus loin que la communauté catalane était sans doute réduite au strict minimum à Damas, Beyrouth et même sans doute à Alexandrie203. Ce nombre très limité de compatriotes — et les réticences à utiliser cette formule de contrat sous seing privé avec des marchands syriens ou égyptiens, qui par ailleurs n’apparaissent jamais dans la documentation notariale privée — constituaient donc des obstacles majeurs à l’envoi de lettres de change par des Catalans en direction du Sultanat.
117N’oublions pas, enfin, que le troc constituait aussi une technique de commerce essentielle pour les marchands en Méditerranée. La plupart des commendes le rappellent204 (lorsqu’elles ne sont pas abrégées), autorisant le preneur de fonds à échanger les denrées confiées contre d’autres. Les rares documents comptables, se rapportant à des acquisitions de biens en Syrie, le confirment également. Guillem Pere de Costabella expliquait par exemple, en introduction de ses comptes de commende, qu’il avait vendu et troqué (« vanudes e baratades ») à Damas toutes les marchandises de son comú (vers 1384) ; de son côté, Nicolau Viastrosa indiquait que sur les cinquante coffes d’antimoine qu’il avait emportées en commende en 1432, il en avait échangé quarante-quatre contre de l’encens (un quintal et 73 ròtols de Damas)205.Toutes les marchandises ne sont certes pas troquées, comme le suggère d’ailleurs le premier de ces deux documents. Les marchands catalans devaient en effet posséder un peu de numéraire pour avancer les frais de nolis des importations, que les patrons de navires réclamaient en partie avant le départ du Levant. Mais l’essentiel des biens était sans doute acquis de cette manière en Égypte et en Syrie206.
118Dans ces conditions, cependant, comment savoir si les marchandises étaient bien de valeur équivalente ? C’est en fait par l’intermédiaire de courtiers — qui exerçaient souvent aussi la fonction de traducteurs207 — que les hommes d’affaires occidentaux et orientaux parvenaient à conclure un accord ; deux clauses du traité de 1430 entre Alphonse le Magnanime et Barsbāy étaient spécialement consacrées à leur rôle dans les affaires208. Dans l’exemple cité précédemment, Nicolau Viastrosa avait en effet pu échanger son antimoine avec le marchand damasquin Elli grâce à l’entremise du courtier Callill [Khalîl], Ainsi, d’une rive à l’autre de la Méditerranée209, la pratique du courtage facilitait les transactions et rendait plus dynamiques les échanges, pérennisant des habitudes séculaires déjà prises au temps de la Geniza210.
Conclusion
119Les commendes et les participations de sociétés, seuls types d’accord régulièrement présents dans le commerce de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie avant 1350, témoignent d’une rupture de la tendance économique au milieu du XIVe siècle : les montants investis en commende chutent fortement entre 1342 et 1358 et les associations les plus puissantes s’intéressant de près au commerce du Levant n’apparaissent qu’avant 1350. Cette rupture de tendance paraît constituer un élément déterminant de modification des techniques commerciales utilisées par les Catalans dans leur négoce avec l’Égypte et la Syrie. En effet, elle induit une utilisation très restreinte des sociétés mais favorise en revanche celle des commendes, forme contractuelle adaptée à des investissements limités ; d’où leur nette domination parmi l’échantillon d’accords conclus. Il en résulte ainsi une physionomie très individualiste de ce commerce, à l’image de celui de Venise ou surtout de Gênes et par opposition à celui des grandes sociétés toscanes. Cette prédominance de la commende jusqu’aux premières décennies du XVe siècle jette les bases d’une popularisation du commerce du Levant, concomitante de la démocratisation des associations commerciales au cours de la seconde moitié du XIVe siècle. Mais la mise en évidence complète de cette rupture de tendance économique doit également, et peut-être même avant tout, s’appuyer sur une étude approfondie des capitaux investis et de leur évolution, quel que soit le type de contrat utilisé, ce qui fera l’objet du chapitre suivant.
120En outre, en dépit de nombreux parallélismes déjà remarqués avec les techniques commerciales utilisées dans les différents ports italiens, la pratique barcelonaise semble bien souvent en décalage avec celles-ci. C’est en effet seulement au cours des années 1410-1420 que les commendes commencent à perdre de leur influence parmi les contrats barcelonais, tandis que les sommes qui y étaient investies continuent d’augmenter, phénomènes qui apparaissent dès le milieu du XIVe siècle à Gênes et même dès 1325 à Venise211. Autre exemple significatif, la pratique courante de l’assurance à prime n’apparaît régulièrement dans le cadre du commerce de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie qu’au cours des années 1420, alors que nous avons vu qu’elle était déjà généralisée à Gênes et en Toscane dès les dernières décennies du XIVe siècle.
121Ce décalage chronologique est sans doute l’effet d’une rigidité des pratiques commerciales barcelonaises, que l’on remarque en outre dans la répartition presque immuable des profits des commendes ou dans la répercussion limitée du prix des marchandises et de la distance à parcourir sur le coût d’un nolis, ou encore dans le peu d’actes conclus sous seing privé212. Cl. Carrère avait déjà très bien caractérisé ces méthodes très particulières adoptées par les Catalans dans le cadre du commerce avec l’Égypte et la Syrie, qui tranchaient avec leurs pratiques marchandes habituelles au cours des XIVe et XVe siècles, dans une brève communication quelque peu oubliée : « méthodes et techniques » du commerce du Levant, souligne-t-elle,
restent celles des siècles antérieurs, au rebours de l’évolution générale. Multiples et nombreux déplacements des marchands, qui comptent souvent parmi les plus riches et séjournent très peu de temps en Orient ; recours extrêmement fréquent à la commande maritime, qui disparaît presque entièrement dans les autres directions ; point de facteur à demeure, ni même de correspondant, alors que les Barcelonais s’installent si volontiers partout ; absence totale de lettres de change à destination de l’Égypte, de la Syrie ou des pays turcs, ou en provenant, à l’heure où les protêts forment la presque totalité de certains registres notariés : on est frappé de ce retard. À Barcelone même et malgré l’importance des sommes en jeu, le commerce du Levant ne donne pas lieu à des concentrations de capitaux marquées par la formation de grandes compagnies. [...] Si les Barcelonais sont peu portés à constituer des compagnies durables et géantes, ils ont pourtant su adopter cette formule dans les échanges avec la Flandre, sensiblement égaux en valeur avec ceux du Levant213.
122Sans doute faut-il attribuer cette plus grande résistance aux évolutions et aux adaptations, à une attitude de prudence extrême des hommes d’affaires du Principat qui commerçaient avec le Proche-Orient mamelouk. Ce comportement particulier est sans doute essentiellement imputable à un contexte d’expansion commerciale distinct de celui de Venise ou de Gênes. Les marchands catalans ne disposaient pas en effet de véritables comptoirs en Méditerranée orientale, au même titre que les Génois en Romanie, qui bénéficiaient ainsi dans ces « autres Gênes » de facteurs installés de longue date et bien intégrés dans le réseau des relations commerciales orientales ; rien d’étonnant à ce qu’ils aient par exemple pu se passer du notaire pour « les transactions de routine » dès la seconde moitié du XIVe siècle214.
123Certes, les méthodes vénitiennes peuvent parfois donner l’impression d’être plus proches de celles que les Catalans utilisaient dans leurs relations avec le Levant, en raison de la pratique de nombreuses petites colleganze ou de l’utilisation également tardive des assurances, deux caractéristiques qui faisaient de la Sérénissime un « centre plus traditionaliste que Gênes » selon Y. Renouard215. Cependant, l’ancienneté et l’étendue du réseau commercial de Venise induisait par ailleurs des pratiques commerciales bien différentes de celles de Barcelone : c’est ainsi, par exemple, que la plupart des grandes familles marchandes vénitiennes entretenaient des représentants commerciaux à Alexandrie et dans les autres grandes places commerciales du Levant. Il leur était dès lors possible d’y expédier des marchandises par un simple système de commission, sans qu’un facteur les accompagnât, ce qui entraîna un recul progressif des colleganze au cours du XIVe siècle216. Les Vénitiens bénéficiaient en outre de l’appui de l’État, qui mettait à la disposition des hommes d’affaires de puissantes flottes de galées afin d’assurer l’acheminement régulier des marchandises à bon port217. Un tel soutien logistique n’existait pas à Barcelone, même si les autorités royale et municipale, ainsi que la Generalitat, étaient loin de se désintéresser du grand commerce. Par rapport à celui de ses deux principales concurrentes, le trafic de Barcelone avec le Levant restait donc en définitive plus dépendant des méthodes imposées par les risques du négoce au long cours.
124Cependant, l’étude des techniques commerciales utilisées dans ces échanges témoigne également de puissantes capacités et d’une gamme relativement variée d’accords dont peu d’autres ports méditerranéens peuvent se prévaloir au même moment, Venise et Gênes exceptées. Les comparaisons avec ces autres cités marchandes ne sont pas toujours aisées car les études qui leur ont été consacrées ne détaillent que rarement la part de chaque type d’accord et les montants qui y sont investis. Faut-il y voir le reflet d’un manque de sources, attestant lui-même un niveau de développement commercial inférieur à celui de Barcelone ? Ce serait sans doute trop simple. On notera cependant que les échantillons de contrats utilisés par J. Guiral pour étudier l’expansion marchande de Valence sont surtout concentrés sur le dernier quart du XVe s. et le premier du XVIe siècle218, époque au cours de laquelle ce port a effectivement supplanté celui de Barcelone à la suite de la guerre civile catalane des années 1462-1472. À Marseille, les techniques commerciales utilisées ne sont pas sans rappeler la situation observée à Barcelone : les commendes confiées à un nombre restreint de marchands itinérants dominent en effet dans le trafic avec le Levant ; mais la reprise que connaît l’activité portuaire de la ville est de courte durée à la fin du XIVe siècle et E. Baratier ne nous renseigne guère sur les autres types de contrat instrumentés dans la cité phocéenne219, dont l’activité ne semble pas pouvoir soutenir la comparaison avec celle de Barcelone. Le nombre et surtout la variété des contrats relevés dans le commerce de Majorque avec le Maghreb n’est pas non plus sans rappeler les différentes techniques utilisées dans les relations de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie. Mais globalement, les accords notariés conclus entre les Baléares et l’Afrique du Nord paraissent davantage centrés sur la navigation que sur le commerce proprement dit : en effet, les échantillons de nolis, de prêts et de changes maritimes sont dans chaque cas bien plus fournis que celui des commendes, situation diamétralement opposée à celle du négoce de Barcelone avec le Levant ; M. D. López Pérez a également pu y relever des associations d’affréteurs de navires que l’on ne rencontre pas dans le commerce de Barcelone avec le Levant ; enfin, les assurances, certes au total moins nombreuses que les commendes, ne jouent pas à Majorque un rôle aussi tardif qu’à Barcelone, comme cela a déjà été souligné220. La comparaison révèle bien la spécificité des deux types de relation : la distance séparant la Catalogne de l’Orient méditerranéen entraîne ainsi un nombre de départs réduit par année, qui ne permet pas la conclusion d’autant d’opérations d’affrètement, de prêt ou de change maritime portant sur des navires, comme dans le cadre du trafic entre Majorque et le Maghreb ; en revanche, la forte valeur des biens commercialisés dans le commerce avec le Levant, tant à l’exportation qu’à l’importation, stimule les opérations marchandes, parmi lesquelles la commende domine sans partage.
125De toutes ces comparaisons, il résulte bien que les techniques si particulières adoptées par les Catalans dans leur négoce avec le Levant ont effectivement créé les conditions d’une expansion commerciale de premier ordre en Méditerranée, dont il reste à présent à mesurer l’ampleur en terme de capitaux.
Notes de bas de page
1 M. Balard, La Romanie génoise, t II, pp. 599-641 et 673-700 ; sur les données de méthodologie en matière de contrats notariés, voir plus particulièrement les pp. 675-675. Voir également, à propos des archives notariales barcelonaises, E. Duran, « L’aportació dels notaris a la historiografía catalana ».
2 Gino Luzzato, Storia economica di Venezia dall’XI-XIV secolo, Venise, Centro internazionale delle Arti e del Costume, 1961 ; F. Thiriet, La Romanie vénitienne au Moyen Âge ; et F. C. Lane, Venise, une république maritime. Aucun de ces ouvrages ne consacre de développement spécifique aux techniques commerciales. La nouvelle Storia di Venezia aborde bien l’étude des différents types de contrats (G. Arnaldi, G Cracco et A. Tenenti [éd.], La formazione dello Stato patrizio, t III, pp. 568-580), mais pas selon une optique quantitative qui permettrait des comparaisons chiffrées — de capitaux investis, par exemple — avec le trafic de Barcelone en direction du Levant
3 J. Guiral-Hadziiossif, Valence, port méditerranéen au XVe s. ; sur la richesse des registres du péage pour l’histoire commerciale et maritime de Valence, voir en particulier p. 489.
4 Voir J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, doc. 106, quittance pour une commende confiée pour Chypre « sine instrumento » (22 mai 1349) ; également, AHPB, Perc Martí, Llibre comú (juillet 1377 - décembre 1378), f° 19v° (même situation, mais pour une commende confiée à destination de Beyrouth ; 10 septembre 1377). Voir aussi, parmi les comptes de la compagnie de Pere de Mitjavila (1334-1342), les sommes emportées par Jaumet de Mitjavila à destination de Beyrouth (1.155 livres) et celles confiées à Arnau Espaser, membre de la compagnie, pour Alexandrie (4.087 livres). Dans ces deux cas, les comptes ne font pas référence à des contrats de commende instrumentés devant notaire, à la différence des autres capitaux investis par cette compagnie dans le commerce du Levant (J. M. Madurell i Marimon, « Contabilidad de una compañía mercantil trecentista barcelonesa », ffos 148r°-157r°).
5 M. Balard, La Romanie génoise, t II, p. 600.
6 Bibl. de Catal. Junta de Comerç, reg. 199 V.
7 AHPB Jaume Ferrer, Liber (mars-mai 1349) ; et AHPB Jaume Ferrer, Llibre comú (mai 1349) ; une quarantaine de ces commendes ont été publiées par J. M, Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, doc. 98-106. Pour les contrats de nolis, voir AHPB Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357).
8 J. M. Madurele i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, doc. 95, 99 [1] et [2], 99 [13], 99 [15], 99 [19] et 99 [20], 99 [22 à 24], etc.
9 Il ne nous reste de Bernat Arnau qu’un seul folio, intégré dans AHPB, Jaume Ferrer, Liber (mars-mai 1349) ; pourtant, le livre de comptes de Joan Benet (1332-1356), conservé aux archives de la Cathédrale de Barcelone, contient de nombreuses références à des commendes pour Chypre, Beyrouth et Alexandrie instrumentées par ce notaire. Dans le cas de Pere Ullastrell, actif entre 1353 et 1387, seuls trois minutiers conservés à l’Arxiu Històric de Protocols de Barcelone, sans intérêt pour le grand commerce, nous sont parvenus. Pourtant, différentes sources confirment que ce notaire était lui aussi spécialisé dans la rédaction de contrats pour l’Orient méditerranéen (AHPB, Pere Martí, Llibre XIIII [juillet 1366 - décembre 1368], ffos 49v°-50r° : référence à une commende de 200 livres pour Chypre instrumentée par P. Ullastrell ; AHPB, Bernat Nadal, Manual [1385-1387], f° 37v° : référence à une commende de 38 livres et 16 sous pour Chypre et Beyrouth, instrumentée par P. Ullastrell, le 26 juin 1384 ; AHPB, Joan Nadal, Manuale instrumentorum contractuum comunium octavum [janvier-juin 1388], f° 45v° ; référence à un contrat de nolis pour l’ultramar [sans date], rédigé par le même notaire ; voir également R. Conde i Delgado De Molina, « Las actividades y operaciones de la banca barcelonesa trecentista de Pere Descaus y Andreu d’Olivella », pp. 161-162 : référence à deux commendes de 1377 pour Beyrouth et Damas instrumentées par P. Ullastrell ; ibid., p. 163 : allusion au dépôt chez ce notaire de deux licences pontificales pour se rendre à Alexandrie, également en 1377 ; voir encore Enrico Basso [éd.], Notai genovesi in Oltremare. Atti rogati a Chio da Giuliano de Canella (2 noemvriou 1380 - 31 martiou 1381), Athènes, 1993, nos 25, 32, 41 et 42 : référence à un contrat de nolis à destination de Salonique, Chio, Ephèse, Beyrouth et Alexandrie instrumenté par ce notaire, le 28 juin 1380 ; et enfin, A. Rich, La comunitat jueva de Barcelona entre 1348 i 1391, doc. 63 : référence à une commende à destination d’Alexandrie, « in posse discreti Petri Huyastrelli », etc.).
10 Longtemps confondu avec son collègue Jaume Just (AHPB), comme l’indiquaient encore le précédent inventaire de l’Arxiu Historie de Protocols de Barcelone rédigé par J. M. Madurell i Marimon et, à sa suite, tous ceux qui s’y sont référés.
11 Le même constat de déclin ou de réorientation des activités avait pu être effectué à partir des contrats du notaire T. de Bellmunt ; voir D. Coulon, « Le commerce barcelonais avec la Syrie et l’Égypte, d’après les actes du notaire Tomàs de Bellmunt », p. 215 (n. 14 et 15).
12 Dans les minutiers non spécialisés de Bernat Sans, Antoni Brocard et Bernat Pi figurent des références à des commendes rédigées par ces notaires que l’on ne retrouve pourtant nulle part ; voir AHPB, Bernat Sans, Manuale instrumentorum contractuum [comunium] decimum (octobre 1402 - avril 1403), ff° 45v°3 et 78v°-79r° ; AHPB, Antoni Brocard, Manuale undecimum (décembre 1416 - mai 1417), f° 20r° (commende pour Rhodes, Chypre et Beyrouth) ; AHPB, Antoni Brocard, Manuale comune vicesimum tercium (janvier-juillet 1423), f° 42v°/2 et f° 92v° ; AHPB, Antoni Brocard, Manual (février-juin 1431), ffos 7v°-8r°, f° 26r° (deux commendes pour l’ultramar et Alexandrie) ; AHPB, Bernat Pi, Manual (janvier-juillet 1426), f° 93r (référence à une commende ad partes de Levant) ; la bossa du même minutier contient les restes d’un folio contenant plusieurs commendes (en grande partie illisibles) ; voir aussi AHPB, Bernat Pi, Manual (mars-décembre 1427), f° 25v° (commende pour Alexandrie) et ffos 37r° et 40v° (trois commendes pour Rhodes).
13 Ce minutier a fait l’objet d’une analyse minutieuse par M. Del Treppo, « Assicurazioni e commercio internazionale a Barcellona ».
14 Nous utilisons l’orthographe commende afin de distinguer ce type de contrats des commandes, au sens habituel de ce terme, ce second mot étant également utilisé dans les développements qui suivent.
15 On trouvera une bibliographie complète sur l’utilisation de ce type de contrats dans les pays de la couronne d’Aragon dans M. D. López Pérez, La Corona de Aragon y el Magreb en el siglo XIV, p. 402, n, 3 ; le principal ouvrage de référence restant J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media. Pour une comparaison avec l’Italie, voir M. Balard, La Romanie génoise, t II, p. 600, n. 4. L’article de J. H. Pryor, « A Voyage under Contract of Commenda » permet en outre de replacer l’usage de ce type de contrat dans le contexte de l’ensemble de la Méditerranée.
16 M. Balard, La Romanie génoise, t II, p. 607.
17 J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, pp. 94-96.
18 On relève par contre deux contrats d’association permettant de confier des commendes missa in comuni, pour Alexandrie (voir infra, pp. 233-234).
19 Voir l’appendice II, rubrique « Nombre de contrats ».
20 L’une des spécificités de ce type de commende était précisément de réunir de nombreux bailleurs contractant autant d’accords avec un seul accommenditaire (J. M, Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, p. 95).
21 Mais c’est surtout au cours de la période 1388-1416 que cette formule apparaît le plus fréquemment {dans 26,5 % des commendes), soit au moment où l’on enregistre le plus grand nombre de commendes passées en séries (voir infra le tableau 15 p. 127). En dehors de cette période, le taux de ce type d’accord représente toujours moins de 10 % des commendes.
22 Voir par exemple J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, doc 116, 135 [1], 140 [1], 140 [2], 140 [3], etc. Parmi les documents inédits, voir par exemple, AHPB, Gombau, Manual (1382-1384), ffos 10r°5, 10v°2, 10v°5, 10r°5, 11r°7-11v°3. Au total, on peut relever plus d’une soixantaine de commendes de ce type vers l’Orient méditerranéen.
23 J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, doc 136 [1] (l’expression « a esparç » est bien précisée après les marchandises d’exportation, puis d’importation) ; voir également AHPB, Gombau, Manual (1382-1384), ffos 10r°1 et 2.
24 Les commendes pour la France ne figurent pas dans ce tableau car leur nombre et leur taux par rapport à l’ensemble des contrats rassemblés restent constamment inférieurs à 1 % (on n’en compte que six dans l’ensemble des minutiers des trois notaires qui sont à l’origine de l’échantillon étudié ici, auxquelles s’ajoute une commende pour la Flandre en 1404).
25 Dans son étude des relations entre la couronne d’Aragon et le Maghreb, M. D. López Pérez note un phénomène comparable : la part des ports secondaires d’Afrique du Nord se trouve amplifiée d’après les commendes, en raison de l’absence de facteurs et de représentants des hommes d’affaires majorquins dans ces places commerciales. Ceux-ci auraient donc cherché davantage de garanties dans ces ports secondaires, où ils contrôlaient moins bien la situation, par le biais de contrats écrits portant le seing d’un notaire (M. D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo XIV, pp. 414-415). Cl. Carrère insiste également sur la difficulté d’entretenir des facteurs commerciaux permanents en pays musulman et sur l’ampleur des opérations commerciales à caractère hautement spéculatif pour expliquer le très grand nombre de commendes barcelonaises à destination de l’Égypte et de la Syrie (Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 155) ; mais ces explications ne peuvent entièrement s’appliquer au cas de Rhodes, en terre chrétienne, et qui totalise plus de contrats que le Sultanat en 1428-1430.
26 Quelques données extraites des minutiers de commendes de Tomàs de Bellmunt ont déjà été fournies dans D. Coulon, « Le commerce barcelonais avec la Syrie et l’Égypte, d’après les actes du notaire Tomàs de Bellmunt », p. 205.
27 Voir le tableau 14, p. 224, dernière colonne.
28 Voir le chapitre v, consacré aux capitaux investis.
29 Voir le tableau 14, p. 224, pourcentage des capitaux en 1420-1430.
30 Voir l’appendice II, rubrique « Sommes confiées ».
31 J. M. Madurell i Marimon, « Contabilidad de una compañía mercantil trecentista barcelonesa », f° 156v°.
32 Bibl. de Catal., Junta de Comerç, reg. 199 V.
33 Dès 1349, Salvador Des Quer et Antoni Des Castell emportaient au moins 5.575 livres fournies par 44 bailleurs différents, tandis qu’en octobre 1409 Pere de Muntros se voyait confier plus de 6.000 livres par 25 commenditaires (voir l’appendice II).
34 AHPB, Antoni Brocard, Manuale comune vicesimum primum (janvier-juillet 1422), 2e partie, f° 26v° ; AHPB, Antoni Brocard, Manuale comune vicesimum tercium (janvier-juillet 1423), f° 92v° ; AHPB, Antoni Brocard, Manual (février-juin 1431), ffos 26r° et 30r°, etc. Seule exception relevée, cette quittance pour une commende à destination de Rhodes, dont le montant était de 30 livres et qui avait rapporté 6 livres, soit 20 % de bénéfice (AHPB, Bernat Nadal, LXIX manuale comune, [avril 1426 - novembre 1427], f° 43r°). Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 164, affirme clairement qu’« en ce qui Concerne [le profit] des commandes maritimes, il faut se résigner à l’ignorance ».
35 J. Plana i Borràs, « The Accounts of Joan Benet’s Trading Venture from Barcelona to Famagusta », tableau 8 ; la cannelle avait rapporté un gain de 31 livres, 7 sous et 2 deniers par charge, soit 76,96 % de profit par rapport à son prix d’achat et pour un total de 9 centenares, 40 ròtols et 8 onces de Famagouste, soit 16,5 charges de Barcelone ; bénéfice tiré du sucre en cassons : 3 livres 5 sous 7 deniers par charge, soit 16,32 % de profit par rapport au prix d’achat, pour un total près de 3 charges de Barcelone ; bénéfice rapporté parle poivre : 36,42 % (ou près de 17 livres) par charge, pour un total de 31,5 charges.
36 Voir infra les chap. vi et vii, respectivement consacrés aux marchandises d’exportation et d’importation.
37 Moitié des profits pour le preneur : AHPB, Arnau Lledó, Llibre de comandes (mai 1394-janvier 1404), ffos 27v°1 et 28v° ; AHPB, Bernat Nadal, Secundus liber comandarum (décembre 1397 - août 1403), f° 154v° ; et AHPB, Tomàs de Bellmunt, Tercium manuale comandarum (avril 1406 - janvier 1414), f° 76r°2. Trois cinquièmes des profits : AHPB, Arnau Lledó (1307-1417), f° 21r°1. Deux tiers des profits : AHPB, Jaume Ferrer, Liber (mars-mai 1349), f° 90r°1. Totalité des profits ; AHPB, Bernat Nadal, Secundus liber comandarum (décembre 1397 - août 1403), f°35r°2.
38 M. Balard, La Romanie génoise, t II, p. 604.
39 AHPB, Bernat Nadal, Secundus liber comandarum (1397-1403), f° 35r°2 (222,6 livres) ; AHPB, Arnau Lledó, Llibre de comandes (mai 1394 - janvier 1404), f° 27v°1 (172 livres) et f° 28v° (1.869,8 livres).
40 AHPB, Bernat Nadal, Secundus liber comandarum (décembre 1397 - août 1403), f° 174v°.
41 ACB, Llegats de Llibres Extravagants, Comptes de Joan Benet (1332-1356), f° 25r° (460,8 livres) ; AHPB, Arnau Lledó, Liber quartus comandarum de viagio (août 1407 - novembre 1417), f° 17r°2 (579,5 livres).
42 M. Balard, La Romanie génoise, t II, p. 604.
43 Y. Renouard, Les hommes d’affaires italiens du Moyen Âge, p. 142.
44 M. Balard, La Romanie génoise, t II, pp. 607-608.
45 J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Societats mercantils medievals a Barcelona.
46 AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 24v°-25v° et 92r°-93v°.
47 J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Societats mercantils medievals a Barcelona, t I, pp. 200-203 ; et A. Garcia i Sanz, « Fletamientos catalanes medievales », p. 239.
48 « Primerament, que del carrech de la dita coqua en lo dit viatge, se fassen XVIII equals parts » ; viennent ensuite le nom des marchands qui n’auront qu’une demi-part et, seulement après, le montant d’une part (AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú [juin 1353 - octobre 1357], f° 92r°).
49 Le maximum obtenu, en dehors de ces trois exemples, reste celui de la nef de Bartomeu Amar, qui en décembre 1415 ne totalise que 13.600 livres de marchandises à son bord : voir le graphique 6, p. 311, dans l’introduction du chap. vi.
50 J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Societats mercantils medievals a Barcelona, t I, pp. 209-213 et 225-233. L’absence de sociétés de ce type dans le commerce de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie s’explique sans doute par le fait que la communauté catalane était très réduite à Damas, Beyrouth et Alexandrie ; aucun facteur commercial permanent de société n’y résidait probablement ; voir Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 273, infra, pp. 586-595 ; et Damien Coulon, « Les marchands catalans installés en Égypte et en Syrie ».
51 Dans leur article consacré aux sociétés, C. Cuadrada et M. D. López Pérez, « A la Mediterrània Medieval », p. 74, n. 23 et p, 79, n. 39, évoquent pourtant l’existence de sociétés à destination de la Romanie, Chypre et Beyrouth ; les documents cités pour Beyrouth sont en fait tous des commendes, qui font référence à des sociétés commerciales amenant certains des associés à se rendre en Égypte ou en Syrie ; mais rien ne prouve que ces destinations constituaient le but exclusif de ces sociétés, dont nous ignorons tout. Cette absence d’exemple de compagnies spécialement constituées pour commercer dans ces deux contrées n’est pas fortuite, nous le verrons plus loin ; Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 158, avait d’ailleurs déjà noté que les commendes étaient l’outil le plus adapté du commerce avec le sultanat mamelouk, par opposition aux sociétés. On trouve bien, en revanche, des associations du type de la societas maris à destination de Chypre ou de la Romanie : voir C. Cuadrada et M. D. López Pérez, « A la Mediterrània Medieval», pp. 74 et 79 ; et A. Luttrell, « Notes on Cyprus and Aragon », doc. 9.
52 M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Societats mercantils medievals a Barcelona, t I, p. 296 et t II, doc. 27 clause [1], doc. 32, doc. 64 [6] et doc 83 [7] ; le document 84 prévoit bien dans sa clause [5] la possibilité d’investir des biens de la société vers la Sicile et « les parts d’ultramar », mais dans la limite assez restreinte de 50 livres par navire. Les contrats no 113 [13] et no 115 [11] conditionnent également cette éventualité à l’accord préalable des autres associés.
53 J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Societats mercantils medievals a Barcelona, t II, doc. 82 [21], (22 décembre 1400) et doc. 84 [6], (17 février 1401).
54 Voir infra le tableau 18, pp. 238-239.
55 Dans sa présentation des associations commerciales barcelonaises, Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 162, note bien la fréquente utilisation des commendes dans ce cadre.
56 N. Coll i Julià, « Una compañía barcelonesa », p. 383.
57 F. Melis, Aspetti della vita econimica medievale, pp. 305 et 330 J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Societats mercantils medievals a Barcelona, t I, pp. 278-279.
58 J. M. Madurell i Marimon, « Contabilidad de una compañía mercantil trecentista barcelonesa » (1965), doc. 33, pp. 426-428 ; et J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Societats mercantils medievals a Barcelona, t I, pp. 393-393.
59 La carte schématique des relations commerciales de la compagnie Mitjavila, établie par V. Hurtado, montre bien que le chiffre d’affaires que la société réalisait avec la Sardaigne et la Sicile dépassait 4.000 livres ; voir Jesús Mestre i Campi et Víctor Hurtado (dir.), Atles d’història de Catalunya, Barcelone, Edicions 62, 1995, p. 103.
60 Y. Renouard, Les hommes d’affaires italiens du Moyen Âge, pp. 186-187.
61 J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Societats mercantils medievals a Barcelona, t I, pp. 385-408.
62 Ibid., t II, doc. 69.
63 Ibid., t I, pp. 213-220.
64 AHPB, Bernat Pi, Manual (mars-décembre 1427), f° 37r° et 40v° ; les deux commendes avaient initialement été conclues en février [427 et septembre 1425 ; ces documents sont également cités par Cl. Carrère, Barcelone centre économique, t I, p. 151, n. 6.
65 Societats mercantils medievals a Barcelona, t I, p. 217 et t II, doc. 86, clause [3] ; et N. Coll i Julià, « Una compañía barcelonesa », pp. 370-371.
66 J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Societats mercantils medievals a Barcelona, t II, doc. 49.
67 En dépit du fait que la succursale de la compagnie à Barcelone entretenait un facteur à Alexandrie au moins en 1409 et 1410 : Lluís Sirvent, puis Pere Salvany (J. Ainaud, « Quatre documents sobre el comerç català amb Siria i Alexandria », doc. iii et iv). Mais ces lettres envoyées par les deux facteurs ne fournissent aucun renseignement relatif à des opérations concrètes de la compagnie en Égypte réalisées par l’intermédiaire de sa succursale barcelonaise. Voir également le développement consacré aux correspondants commerciaux en Égypte et en Syrie dans notre chapitre xi.
68 M. D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo XIV, pp. 419-420.
69 M. Balard, La Romanie génoise, t II, p. 611.
70 Seuls quatre exemples ont pu être relevés : AHPB, Jaume Ferrer, Manual (juin 1361 - janvier 1162), f° 94v°2 (11 octobre 1361) ; AHPB, Bernat Nadal, Manual (juillet-novembre 1393), f° 36v° (18 août 1393) ; AHCB, Fons Notarial, IX.7 Companyies s. xv, 27 décembre 1394 ; et A. Garcia i Sanz et M.T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t II, doc. 112 (28 novembre 1399). Un cinquième exemple à destination de Rhodes et Chypre vient également compléter cette courte série (ibid, doc. 54).
71 La clause utilisée était alors généralement formulée de la manière suivante : « Predictum autem debitum sive cambium vestrum eat, maneat et sit ubique, postquam scilicet dicta navis vellificaverit in hac plagia maris Barchinone pro faciendo dicto viagio quousque sit luneta et applicata in dicto portu Alexandrie, ad usum maris et gentium et ad vestrum risicum, periculum et fortunam, prout scilicet dominus Deus salvaverit res et merces in dicta navi onustas, per solidum et libram computando. »
72 Jean Delumeau, Rassurer et protéger. Le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois ; Paris, Fayard, 1989, p. 525.
73 Sur les navires faisant l’objet d’un prêt ou d’un change maritime, voir A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, pp. 84-86.
74 Voir les paragraphes suivants.
75 Des quatre contrats cités, Bertran Sala obtint 315 livres de Barcelone et 120 florins d’or, à restituer à Alexandrie contre 444,5 besants d’or d’Alexandrie (ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, Parchemins, carpeta 13, nos 614, 615, 617 et 619). Mais le registre des dépenses effectuées avant le voyage révèle qu’il y eut également deux autres prêts s’élevant au total à 130 livres, sans que la forme précise de ces contrats soit détaillée (ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, reg. 2314, ffos 69r°-70r°).
76 ACA, Cancelleria Reial, Procesos en folio, leg. 113, no 3, leg. 129, no 18 et leg. 134, no 9.
77 ACA, Cancelleria Reial, Procesos en folio, leg. 134, no 9, ffos 5v°-6r°. Bertran Sala avait choisi de passer par l’intermédiaire du marchand Joan Ribalta, ce qui lui permettait de demander un fort taux d’intérêt à Jaume Oliver, le patron du navire en question ; car en fait les deux patrons se connaissaient et Bertran Sala craignait que ce lien ne l’empêchât de percevoir un tel profit s’il avait conclu directement le prêt avec Jaume Oliver...
78 À ce change de 500 besants s’en ajoutait un second, baillé par un marchand majorquin, d’un montant de 85 besants contre lesquels Jaume Oliver devait lui rendre 110 livres de Barcelone (ACA, Cancelleria Reial, Procesos en folio, leg. 134, no 9, ffos 2v°-3r°).
79 ACA, Cancelleria Reial, Procesos en folio, leg. 129, no 18, f° 28r° ; voir également les autres témoignages sur ce point (qui correspond à la rubrique 23 du questionnaire soumis à chaque témoin), ibid., ffos 4v°, 9v°, 16r°, 21r°-v°, 27v°, etc. Tous les témoignages de la défense s’accordent d’ailleurs pour attester que Joan Ribalta ne pratiquait pas l’usure.
80 ACA, Cancelleria Reial, Procesos en folio, leg. 129, ffos 4v°, 16r°, 21r°-v°, etc.
81 Bertran Sala négocia en outre un prêt maritime de 100 ducats d’or à Alexandrie, en juillet [374, pour préparer le pàmfil royal, qu’il dirigeait, à un court voyage jusqu’au port de Sidon (ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, reg. 2314, f° 43r°). Pour un autre exemple de change maritime conclu en Méditerranée orientale, à Damas en [393, pour une somme de 1.500 dirhams d’argent, contre lesquels le scribe du navire devait restituer 75 livres à Barcelone, voir AHPB, Bernat Nadal, Manual (juillet-novembre 1393), f° 33r°2.
82 A. Garcia i Sanz et M.T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t II, doc. 111 et 113.
83 Sur les marchandises faisant l’objet d’un prêt ou d’un change maritime, voir A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, pp. 86-88.
84 M. D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo XIV, p. 501, note une situation analogue dans le commerce de Majorque avec le Maghreb au cours des années 1350 : les changes maritimes couvrant des navires y sont alors nettement majoritaires ; la forme des prêts destinés à l’équipement des navires y est toutefois un peu différente puisqu’ils étaient intégrés dans des commendes à investir dans l’armement des vaisseaux. On ne retrouve que très rarement ce type de contrat à destination de l’Orient méditerranéen (pour Cagliari, Syracuse, Rhodes et Jaffa ; voir AHPB, Bernat Nadal, Plec de documentació diversa [1386-1428], 22 avril 1398 : commende-prêt de57 livres).
85 Voir infra, pp. 261-264.
86 A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, pp. 69-71, et Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 154.
87 AHPB, Antoni Brocard, Manuale comune nonum (août 1415 - mars 1416), f° 19r°-v°.
88 Les habitudes du notaire Tomàs de Bellmunt le confirment : les quelques contrats de ce tabellion publiés par M. T. Ferreri Mallol et A. Garcia i Sanz sont en effet extraits de son Manuale secundum instrumentorum comunium (30 avril - 28 novembre 1399) et de son Manuale comune tercium (28 novembre 1399 - 17 mai 1400) et également repris plus en détail dans les Llibres correspondants ; on a d’autre part déjà vu que ce notaire consignait ses commendes dans d’autres minutiers spécialement prévus à cet effet ; le premier d’entre eux est perdu, ce qui nous empêche de retrouver les changes investis en commende correspondant à ces contrats publiés ; voir A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t II, doc. 111-115.
89 AHPB, Antoni Brocard, Manuale comune nonum (août 1415 - mars 1416), ffos 2r°-v°, 4r°-v°, 19r°-20v°, etc., ainsi que dans son Manual (juin-novembre 1411), ffos 30r°-47r°. On trouve des cas de contrats successifs également chez Joan Reniu (AHPB, Antoni Brocard, Manual [juin-décembre 1426], f° s. n., 4 et 10 juillet 1426).
90 AHPB, Tomàs de Bellmunt, Manual de comandes (septembre 1402 - avril 1406), f° 38r°2 (allusion à un change à risque maritime de 19.024,5 dirhams d’argent de Damas) et ffos 38v°2, 40r°3 et 40r°3 (changes partiels investis en commende) ; et AHPB, Antoni Brocard, Manual (juin-novembre 1411), f° 30v°2 (change maritime de 274 besants d’or d’Alexandrie et 4 carats) et ffos 30r°1, 45r°4 et 45v°2 (changes investis en commende) ; f° 36v°2 (change maritime de 258 besants et 8 carats) et ffos 39r°1, 39r°3 et 39v°1 (changes investis en commende).
91 Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 154, n. 4 ; et AHPB, Joan Nadal, Manual de comandes (novembre 1388 - mai 1389), ffos 31r°, 32v°, 34r°2 ; AHPB, Arnau Lledó, Llibre de comandes (mai 1394 - janvier 1404), fos 9v°1, 14r°2 ; AHPB, Bernat Nadal, Manual de comandes (septembre 1393 - octobre 1397), ffos 106v°2, 132v°2, 143v°3, 145v°2 ; AHPB, Arnau Lledó, Liber quartus comandarían de viagio (août 1407 - novembre 1417), ffos 67v°2, 68v°2, 69r°1, 69r°2 ; AHPB, Tomás de Bellmunt, Manual de comandes (septembre 1402 - avril 1406), ffos 38r°-v° et 40r°, etc.
92 AHPB, Jaume Ballester, Manual de comandes (septembre 1363 - juillet 1385), f° 63r°2.
93 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 78-90 ; ces changes maritimes réinvestis en commendes sont cependant interprétés comme des lettres de change par M. Del Treppo ; sur cette question, voir le développement consacré aux lettres de change, infra pp. 283-284.
94 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, p. 85. Pour la période 1388-1430, j’ai pour ma part relevé, 164 commendes investies en change dans le sens des exportations, contre 39 dans le sens des importations.
95 Sur la question de la balance commerciale et des arguments avancés par M. Del Treppo, voir infra, pp. 488-491.
96 Dix commendes sur une série de douze se rapportant au départ de la nef de Guillem Passadores et de Francesc Fogassot pour Alexandrie en novembre 1401 sont investies dans des changes maritimes à l’aller, ce qui est tout à fait inhabituel (AHPB, Arnau Lledó, Llibre de comandes [mai 1394 - janvier 1404], ffos 16r°-18v°). Or, la nouvelle de l’attaque de Tamerlan contre la Syrie avait été rapportée en Occident par ce même navire, qui avait donc échappé de justesse aux envahisseurs l’année précédente (F. Melis, Aspetti della vita economica medievale, p. 30).
97 Voir le développement consacré à ces opérations, infra, pp. 283-284.
98 Il est à cet égard frappant de constater que lorsque le trafic avec l’Égypte et la Syrie s’essouffle, à partir des années 1415-1420, la part des changes diminue elle aussi : elle tombe à seulement 3 % des capitaux investis vers ces destinations ; rappelons qu’entre 1400 et 1416 cette part atteignait près de 15 %. À partir de 1420, les changes investis en commende se concentrent alors sur Rhodes, nouvelle tête de pont du commerce catalan vers le Levant ; voir M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 83 et 89-90.
99 A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, p. 89.
100 AHPB, Bernat Nadal, Manual (octobre 1389 - juin 1390), f° 15v°2 ; AHPB, Bernat Nadal, Manual de comandes (septembre 1393 - octobre 1397), ffos 106v°, 124v° ; AHPB, Bernat Nadal, Llibre (juillet-novembre 1403), f° 51r° (quinze jours) ; A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances canvis marítims medievals a Barcelona, t II, doc. 111 et 113 (vingt jours), etc. On peut aussi, mais plus rarement, relever des délais plus longs : voir AHPB, Bernat Nadal, Manual de comandes (septembre 1393 - octobre 1397), f° 35v°2 (quarante jours).
101 AHPB, Arnau Lledó, Liber quartus comandarum de viagio (août 1407 - novembre 1417), ffos (1416) ; AHPB, Bernat Sans, Manual de comandes (août 1428 - octobre 1430), ffos 10r°2, 14v°2,15v°2 et 21v°2 (1429-1430).
102 A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, p. 74.
103 AHPB, Bernat Nadal, Manual de comandes (septembre 1393 - octobre 1397), f° 132v°2.
104 Autres exemples : AHPB, Joan Nadal, Manual de comandes (novembre 1388 - mai 1389), ffos 31r°, 32v°, 34r°2 ; AHPB, Arnau Lledó, Llibre de comandes (mai 1394 - janvier 1404), ffos 9v°1, 14r°2 ; AHPB, Bernat Nadal, Manual de comandes (septembre 1393 - octobre 1397), ffos 106v°, 132v°, 143v°, 145v° ; AHPB, Arnau Lledó, Liber quartus comandarum de viagio (août 1407 - novembre 1417), ffos 67v°2, 68v°2, 69r°1, 69r°2 ; AHPB, Tomàs de Bellmunt, Manual de comandes (septembre 1402 - avril 1406), ffos 38r°-v° et 40r°, etc. C’est précisément par ce biais que nous apprenons que le change à réinvestir en commende était bien lié à un contrat de change maritime antérieur.
105 AHPB, Bernat Nadal, Manual de comandes (septembre 1393 - octobre 1397), ffos 116v° et 124v° ; et Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 134, n. 4 (l’accommenditaire et l’emprunteur sont la même personne, sans précision de l’identité du bénéficiaire).
106 Le bailleur du change à risque maritime pouvait lui-même prendre la place de l’accommenditaire : voir AHPB, Tomàs de Bellmunt, Manual de comandes (septembre 1402 - avril 1406), f° 38r°2 (allusion au change initial confié) et ffos 38v°2, 40r°2 et 40r°3 (changes partiels réinvestis en commende) ; AHPB, Antoni Brocard, Manual (juin-novembre 1411), f° 36v° (change initial) et ffos 39r°1, 39r°3 et 39v°1 (changes partiels réinvestis en commende). Dans d’autres exemples, les contractants de plusieurs commendes étaient tous différents de ceux qui avaient conclu le change maritime initial mais le lien entre les actes était bien précisé ; quatre personnages au moins intervenaient donc dans ce type d’opération, remplissant quatre fonctions différentes : un bailleur et un preneur pour le change maritime, ainsi qu’un un socius stans et socius partans pour la commende, « investie » dans le change qui précédait. Ces quatre fonctions évoquent évidemment la situation d’une lettre de change, mais cette transaction en deux contrats notariés s’en distinguait surtout parce que des marchandises devaient bien être rapportées à l’endroit même où le change avait été remis ; voir AHPB, Antoni Brocard, Manual (juin-novembre 1411), f° 30v°2 (change maritime initial), ffos 30r°1, 45r°4 et 45v°2 (changes partiels réinvestis en commendes procédant du premier contrat).
107 Sur cet impôt, voir supra le chap. 11, p. 110, note 198.
108 A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, pp. 112-113.
109 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, p. 79, n. 162.
110 Ch,-E. Dufourcq, L’Espagne catalane et le Maghreb aux XIIIe et XIVe siècles, pp. 529-530 (années 1304-1327) ; AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 23v°, 25r°, 481r°, 61r°-62v°, 80v° et 91r° (1353-1356) ; ACA, Cancelleria Reial, Procesos en folio, leg. 134/9 ffos 2r° et 8r° (fin 1374, début 1375) ; ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, reg. 2313, f° 11r° (fin 1374, début 1375) ; ACA. Reial Patrimoni, Mestre Racional, reg. 2313, f° 11r° (fin 1374, début 1375) ; ACA, Cancelleria Reial, reg. 2142 f° 64r° (2 octobre 1392).
111 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, p. 79, n. 162 ; et ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, reg. 2910/1, ffos 1r°3, 10v°4, 12v°3, 13r°1, 20r°4, 22v°2, 26r°3, 31v°1, 32v°4, 33v°, 34r° et reg. 2910/2, f° 8r°1 (1419-1436).
112 Voir le développement consacré aux destinations, supra pp. 188-193.
113 Cette périodisation ne coïncide qu’imparfaitement avec la chronologie établie par J. L. Bacharach, « The Dinar versus the Ducat », qui montre que le ducat était parvenu à remplacer le dinar sur les marchés égyptiens et syriens eux-mêmes, dès 1399 et jusqu’à la frappe des nouveaux dinars ashrafī par le sultan Barsbāy en 1425.
114 A. Garcia i Sanz et M.T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, p. 80.
115 ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, reg. 2314, ffos 69r°-70r°.
116 AHPB, Tomàs de Bellmunt, Manual de comandes (septembre 1402 - avril 1406), ffos 43v°1, 45v°2, 76r°3 ; AHPB, Bernat Nadal, Manuale instrumentorum contractuum comandarum quintum (octobre 1404 - août 1410), f° 60v°2 ; AHPB, Arnau Lledó, Liber quartus comandarum de viagio (août 1407 - novembre 1417), f° 13v°2 ; et AHPB, Antoni Brocard, Manual (juin-octobre 1411), f° 39r°1.
117 Avec des pointes jusqu’à 24 % et même 31 % en 1404 : voir AHPB, Tomàs de Bellmunt, Manual de comandes (septembre 1402 - avril 1406), ffos 39r°2, 40r°2 ; et AHPB, Bernat Nadal, Manuale instrumentorum contractuum comandarum quintum (octobre 1404 - août 1410), f° 6r°1.
118 Pour une période comprise entre 1389 et 1409, voir AHPB Joan Nadal, Manual de comandes (novembre 1388 - mai 1389), ffos 28v°, 32v° et 34r°2 ; AHPB, Bernat Nadal, Manuale instrumentorum contractuum comandarum quintum (octobre 1404 - août 1410), ffos 4r°3, 61v°1 et 68v°2 ; AHPB, Tomàs de Bellmunt, Tercium manuale comandarum (avril 1406 - janvier 1414), f° 49v°3 ; AHPB, Arnau Lledó, Liber quartus comandarum de viagio (août 1407 - novembre 1417), f° 52r°.
119 AHPB, Antoni Brocard, Manuale comune nonum (août 1415 - mars 1416), ffos 2v°2 et 60v°2
120 ACA, Cancelleria Reial, Procesos en folio, leg. 129/18, f° 46r°-v°.
121 AHPB Jaume Ferrer, Manual (juin 1361 - janvier 1362), ffos 93v°3, 94r°2 et 94v°2.
122 Celui-ci ne confie que 50 livres en octobre 1404 ; voir AHPB, Bernat Nadal, Secundus liber comandarum (décembre 1397 - août 1403), f° 188r°.
123 Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés ; pp. 536 et 574, n. 2 ; M. T. García Panades, « Los bienes de Ferrer de Gualbes, ciudadano de Barcelona », p. 153 ; voir en outre le développement consacré à cette famille, infra pp. 542-549.
124 AHPB, Arnau Lledó, Llibre de comandes (mai 1394 - janvier 1404), f° 17v°1 AHPB, Arnau Lledó, Liber quartus comandarum de viagio (août 1407 - novembre 1417), ffos 42v°2, 52r°, 62v°2 et 67v°2 ; AHPB, Bernat Nadal, Secundus liber comandarum (décembre 1397 - août 1403), ffos 167r° et 170r°.
125 M. A. Alarcón y Santón et R. García de Linares (éd.), Los documentos árabes diplomáticos del Archivo de la Corona de Aragón, doc. 153 ; C. Marinescu, La politique orientale d’Alfonse V d’Aragon, p. 9 ; D. Coulon, « Un tournant dans les relations catalano-aragonaises avec la Méditerranée orientale », p. 1059.
126 Pour ses premières activités, voir J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, doc. 174 (20 et 22 août 1407 ; dans ces premières commendes que Lluís Sirvent emporte à Alexandrie, il déclare avoir entre 20 et ans) ; AHPB, Bernat Nadal, Manuale instrumentorum contractuum comandarum quintum (octobre 1404 - août 1410), f° 51r°3 (commende baillée, cette fois, le 12 janvier 1408) ; AHPB, Arnau Lledó, Liber quartus comandarum de viagio (août 1407 - novembre 1417), ffos 36r°2 et 36r°3 (commendes baillées du 4 février 1411). Sur ses activités de correspondant de la compagnie Datini, voir J. Ainaud, « Quatre documents sobre el comerç català amb Siria i Alexandria », doc. 111 (1er avril 1410).
127 AHPB, Antoni Brocard, Manual (juin-novembre 1411), ffos 30v°, 33v°-34r°, 37v°2, 38r°, 39v°, 40r°, 42r°, et 43r° ; AHPB, Antoni Brocard, Manuale comune nonum (août 1415 - mars 1416), ffos 4r°, 16r° et 60r°-v°.
128 ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, reg. 2910/1, f° 1r°3 (change de 100 ducats à destination d’Alexandrie ; août 1419) ; AHPB, Antoni Brocard, Manuale undecimum (décembre 1416 - mai 1417), f° 85v° ; AHPB, Antoni Brocard, Manual (mai-octobre 1419), ffos 10v°-11r° (référence à quatre opérations de change en ducats), ffos 11r°2, 28r°3 et 34v° ; AHPB, Antoni Brocard, Manuale comune decimum nonum (décembre 1420 - juillet 1421), f° 24r° ; AHPB, Bernat Pi, Manual (mai 1425 - janvier 1426), ffos 35v°-36r° etc. Dans la foulée de ces activités, Lluís Sirvent participe également à une assurance à destination de la Méditerranée orientale : voir AHPB, Bartomeu Masons, Manual d’assegurances (juillet 1428 - décembre 1429), f° 25r°-v°.
129 AHPB, Arnau Lledó, Liber quartus comandarum de viagio (août 1407 - novembre 1417), ffos 36r°2, 36r°3, 37r°3 et 76r° (J. M. Madurell i Marimon et A. Garcia i Sanz, Comandas comerciales barcelonesas de la Baja Edad Media, doc 200) ; AHPB, Antoni Brocard, Manual (juin-novembre 1411), f° 40r°1 ; AHPB, Antoni Brocard, Manual (mai-octobre 1419), ffos 10v°-11r° (référence à trois commendes pour Jaffa) ; AHPB, Antoni Brocard, Manuale comune vicesimum tercium (janvier-juillet 1423), f° 92v°.
130 Voir ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, reg. 2910/1, ffos 1r°, 9r°, 17v°, 20r°, 21r°, 24v°, etc. ; et l’appendice I, pp. 766, 768, 772, 774 et 776.
131 Son père, l’honrat Bartomeu Sirvent, avait été protonotaire du roi Jean ; Bernat, le frère de Lluís, remplissait la fonction de subthesaurarius auprès du roi Alphonse le Magnanime (AHPB, Bernat Pi, Manual [octobre 1424 - mai 1425], f° 86r°-v° ; AHPB, Antoni Brocard, Liber Testamentorum Secundus [1415-1445], ffos 61r° et 69v° ; et arbre généalogique dans C. Batlle i Gallart, La crisis social y económica de Barcelona a mediados del siglo XV, t II, planches hors texte).
132 Llibre del Consolat del Mar, éd. G. Colon et A. Garcia i Sanz, doc. 26, pp. 52-55.
133 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, p. 423 ; au sujet des primes perçues sur les voyages vers le Levant après cette date, voir infra pp. 433-434 et l’appendice II, pp. 688-697 ; les primes relevées pour la période 1437-1440 oscillaient entre 7 % et 8 % pour les voyages aller vers le Levant.
134 Federigo Melis, Origini e sviluppi delle assicurazioni in Italia (secoli XIV-XVI), Rome, Istituto Nazionale delle Assicurazioni, 1975 ; et A. Garcia i Sanz et M.T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, pp. 127-131.
135 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, p. 469.
136 J. Heers, Gêner au XVe siècle, p. 166 ; M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 423-424 ; et M. D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo XVI, p. 518. Sur les assurances de navires et de marchandises à Barcelone, voir A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, pp. 180-188.
137 A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t II, doc. 153 ; les marchandises sont estimées au total à 1.445 livres.
138 Seules deux opérations relatives aux draps ont pu être retrouvées parmi les contrats de Bartomeu Masons, pour une valeur de plus de 400 livres assurées ; pour le corail, on recense trois contrats et plus de 700 livres assurées.
139 AHPB, Bartomeu Masons, Manual d’assegurances (juillet 1428 - décembre 1429), ffos 32r° et 33v°2 ; dans le premier cas, les contrats, rédigés à Barcelone, ne peuvent évidemment déterminer la quantité ni même le type précis d’épices rapportées ; dans le second, il s’agit de poivre.
140 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 426-427 ; seuls les deux contrats cités précédemment font état d’une assurance couvrant une partie du retour, d’Alexandrie (ou Rhodes) vers la Catalogne ; en revanche, et contrairement aux conclusions de M. Del Treppo, les assurances pour le trajet Rhodes-Barcelone sont plus nombreuses parmi les contrats de Bartomeu Masons (AHPB, Bartomeu Masons, Manual d’assegurances (juillet 1428 - décembre 1429), ffos 7v°1, 31v°2, 53r°-v°, 98v°, 101v°2, 103v°1 et 103v°2) ; mais l’échantillon d’assurances de ce notaire est bien sûr beaucoup plus réduit que celui sur lequel a travaillé M. Del Treppo, qui s’étend bien au-delà des années 1430.
141 « Et autres domaines soumis au sultan de Babylone », c’est-à-dire le sultan mamelouk du Caire.
142 AHPB, Bartomeu Masons, Manual d’assegurances (juillet 1428 - décembre 1429), f° 97r°-v°.
143 A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t II, doc. 153 (régeste) ; le texte de la réassurance est publié par M. Del Treppo, « Assicurazioni e commercio internazionale a Barcellona », p. 511, n. 2.
144 AHPB, Bartomeu Masons, Manual d’assegurances (juillet 1428 - décembre 1429), f° 93r°-v° (publié dans A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Maillol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t II, doc. 153) et f° 96v°.
145 M. Del Treppo, « Assicurazioni e commercio internazionale a Barcellona », pp. 720-727 ; Id., I mercanti catalani e l’espansione della Corona l’Aragona nel secolo XV, pp. 469-477 ; et A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t I, pp. 140-141. Ces études indiquent en détail de la participation de chaque communauté ; les Florentins étaient parmi les plus actifs.
146 M. Del Treppo dans I mercanti catalani e l’espansione della Corona l’Aragona nel secolo XV, pp. 473-474, a relevé une cinquantaine d’assurances contractées par cet homme d’affaires, atteignant au total environ 15.000 livres ; à destination de l’Égypte et de Rhodes, voir AHPB, Bartomeu Masons, Manual d’assegurances (juillet 1428 - décembre 1429), ffos 13v°2, 17v°2, 18r°2, 18r°-v°, 51v°2, 93r°-v°, 98r°2 ; et AHPB, Bernat Pi, Manual (mai 1425 - janvier 1426), f° 98r°. Leonardo Frescobaldi, également remarqué par M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 470-472, participe quant à lui à cinq assurances au moins à destination de l’Égypte et de Rhodes en 1428-1429, qui totalisent 820 livres (AHPB, Bartomeu Masons, Manual d’assegurances [juillet 1428 - décembre 1429], ffos 38r°-v°, 53r°-v°, 59r°2, 93r°-v° et 97r°-v°).
147 AHPB, Bartomeu Masons, Manual d’assegurances (juillet 1428 - décembre 1429), ffos 14r°, 16r°-v°, 33v°2, 58r°-v° et 99r°-v° ; voir également le cas de Joan Des Quer (quatre assurances pour Rhodes et Alexandrie pour un total de 390 livres [ibid., ffos 15r°-v°, 15v°2, 24v°1 et 33v°2]).
148 CL Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t II, pp. 870-872 ; en fait Cl. Carrère a regroupé ensemble tous les étrangers ; mais tous sont Italiens, à l’exception de l’Allemand Gaspar de Vat ; les chiffres précédemment exposés font donc abstraction de la participation de ce dernier.
149 M. Balard, La Romanie génoise, pp. 615 et 631-634 ; M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 460-461.
150 M. D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo XIV, p. 503.
151 Jacqueline Guiral-Hadziiossif, « Assureurs et assurances à Valence à l’époque des Rois Catholiques », dans Henri Dubois, Jean-Claude Hocquet et André Vauchez (éd.), Horizons marins. Itinéraires spirituels (Ve-XVIIIe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 1987 (2 vol.), t II : Marins, navires et affaires, pp. 155-166, voir pp. 159-160.
152 Voir le cas de l’assurance de la nef de Nicolau Julià, développé précédemment (supra p. 263) ; et M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, p. 463.
153 M. D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo XIV, p. 505, a en effet pu relever un échantillon de 59 assurances entre Majorque et le Maghreb pour la période 1409-1413.
154 Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t II, pp. 873-874 ; tableau des assureurs en 1444 : les Italiens relevés ne sont plus que cinq, pour un total de 1.350 livres, contre quarante Barcelonais assurant plus de 5.300 livres toutes destinations confondues. Le tableau des assureurs en 1454 montre une disproportion entre les deux groupes encore plus criante, ce qui confirme l’évolution constatée.
155 À propos des contrats de nolis en Catalogne ou à Barcelone, voir A. Garcia i Sanz, « Fletamientos catalanes medievales » ; Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, pp. 232-243 ; et M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragon a nel secolo XV, pp. 541-581.
156 A. Garcia i Sanz, « Fletamientos catalanes medievales », pp. 245-248 ; on trouve cependant des exemples de contrats al través à destination de Rhodes : voir AHPB, Bernat Nadal, Plec de documentació diversa (1386-1428), 10 avril 1399.
157 AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 22v° et 93r° ; et, concernant le second type d’usage possible de cette liste de prix, M. D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo XIV, p. 466.
158 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 545-547, note que la forme a quintarades était la plus répandue à Barcelone au XVe siècle, en particulier sur les itinéraires les plus fréquentés, dont la route du Levant faisait partie. Pour Gênes, M. Balard, La Remanie génoise, pp. 623-624, constate également une évolution progressive du type a escar vers celui dit a quintarades. En revanche, M. D. López Pérez note une évolution inverse pour les nolis entre Majorque et le Maghreb (M. D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo XIV, pp. 443 et 457 et explications pp. 481-482) ; en substance, le recul des nolis a quintarades serait dû à l’influence croissante des marchands sur les patrons de navires, les premiers s’efforçant avec succès de contrôler les moyens de transport et ne concédant plus aux seconds qu’un simple rôle de pilotage.
159 A. Garcia i Sanz et N. Coll i Julià, Galeres mercants catalanes dels segles XIV i XV, p. 307.
160 Sa valeur était en effet de 8.000 livres, comme le rapporte le même contrat d’affrètement (AHPB Jaume Ferrer, Llibre comú [juin 1353 - octobre 1357], ffos 84v°-92r°).
161 Ch.-E. Dufourcq, La vie quotidienne dans les ports méditerranéens au Moyen Âge, pp. 46-47.
162 La coque Santa Maria, partie pour Chypre en 1353, était en effet dotée de trois ponts, comptait 150 hommes d’équipage et devait par conséquent être de grandes dimensions ; de même, la nef Santa Clara partie pour Alexandrie en 1355 jaugeait 2.700 salmes. Pourtant, ces deux vaisseaux furent loués a escar.
163 AHPB Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 24v°-25v° (faisant suite au nolis de 1353 pour Alexandrie) et ffos 92r°-93v° (complétant le nolis de la coque Santa Eulalia pour Alexandrie en mars 1356).
164 Sur la mise en place des « nolis différenciés », voir F. Melis, « Werner Sombart e i problemi della navigazione nel Medioevo » ; et M. Balard, H. Bresc, J.-Cl. Hocquet et J. Guiral-Hadziiossif, « Le transport des denrées alimentaires en Méditerranée à la fin du Moyen Âge », pp. 111-115 ; dans le cadre des transports catalans, voir M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 547-561.
165 Garcia i Sanz et N. Coll i Julià, Galeres mercants catalanes dels segles XIV i XV, p. 308, rejettent les conclusions de M. Del Treppo en matière d’évolution des nolis parce que cet auteur n’a pas tenu compte du coût sensiblement plus élevé des tarifs d’affrètement des galées par rapport à ceux des nefs. Cependant, la comparaison des prix exigés sur les galées parties en 1394 avec les plus élevés de la période 1353-1357 révèle parfois, au profit des seconds, de sensibles écarts qui confirment bien les conclusions de M. Del Treppo ; voir infra le tableau 26 (pp. 274-275) et le développement qui suit.
166 I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, p. 557.
167 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 548-556.
168 Ces données reposent sur les prix suivants (détaillés au chapitre vi, pp. 371, 373, 392, 400 et 412) : antimoine : environ 40 sous le quintal (ou 20 sous la coffa, soit environ un demi-quintal) ; miel : 20 à 40 sous le quintal selon la variété ; safran : 15 à 30 sous pour une livre, selon la qualité ; corail torejat : 40 à 80 livres le quintal ; corail en branche : 2,9 livres la livre. Tous ces prix sont valables pour l’année 1394ou au moins dans le courant de la dernière décennie du XIVe siècle.
169 I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, p. 549.
170 J. Plana i Borras, « The Accounts of Joan Benet’s Trading Venture from Barcelona to Famagusta », tableau 4.
171 Voir p. 147.
172 Voir l’appendice I ; il faut en outre tenir compte du fait que les navires catalans partis pour Chypre n’ont pas fait l’objet d’une recherche systématique ; leur liste est donc sans doute bien plus longue que celle que nous présentons dans cet appendice.
173 M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 560-561.
174 Ibid., p. 551.
175 M. Balard, La Romand génoise, p. 630 Jean-Claude Hocquet, Histoire économique et sociale du sel à Venise (XIe-XVIe siècles). Le commerce du sel, thèse d’État soutenue en 1975 à l’université de Paris IV - Sorbonne (inédite), p. 430.
176 Dans le cas des nolis ne prévoyant pas d’embarquer des arbalétriers, il était prévu que les marins disposeraient d’un équipement composé d’un casque, d’une cuirasse et d’une épée (AHPB Jaume Ferrer, Llibre comú [juin 1353 - octobre 1357], f° 59r).
177 Ibid., ffos 18r° et 52v°. Il est cependant prévu qu’en 1355 cet équipage pourra être réduit à 80 marins et 20 mousses, si le roi est en paix avec ses ennemis au moment du départ. Les frais de nolis pourront alors être réduits (ibid., f° 56r°).
178 Ibid. ; le premier contrat est conclu alors que le navire se trouve encore à Majorque et le second alors que l’embarcation n’est vraisemblablement pas terminée, d’où les délais de chargement assez brefs.
179 Le nolis de la nef Sant Joan de Joan Lombarda à destination de Chypre et Beyrouth prévoyait cependant un aller-retour supplémentaire entre l’île des Lusignan et le port syrien, une fois le navire arrivé à destination. Le trajet prévu était donc le suivant : Barcelone, Chypre, Beyrouth, Chypre, Beyrouth, Chypre et retour à Barcelone (ibid., f° 51r°).
180 Ibid., ffos 19v°, 54r°, 60r°-v°, 89r° et 115v°. À titre de comparaison, rappelons que les bâtiments génois en route vers la Romanie passaient eux aussi la moitié du voyage, sinon plus, immobilisés dans diverses escales et non en mer (M. Balard, La Romaine génoise, pp. 576-578) ; alors que les convois de galées vénitiennes ne s’arrêtaient qu’une vingtaine de jours à Beyrouth ou Alexandrie (D. Stöckly, Le système de l’incanto des galées du marché à Venise, pp. 142 et 150).
181 AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 19r° et 61r° ; ces deux nolis sont signés en juin 1353 et juillet 1355 ; dans les deux cas, le délai d’interdiction d’expédier de nouvelles marchandises vers le Levant s’étend jusqu’au Noël suivant.
182 Ibid., ffos 22r°, 90v° et 118r°.
183 Ibid., ffos 24r°, 57r° et 91r° ; parfois cependant, ce montant ne dépassait pas 200 livres (f° 63r°).
184 Un exemple de conflit dû à un retard de chargement est fourni par un document du 21 juillet 1393 ; dans cette protestació, les marins de la nef Santa Maria, commandée par Pedro Sánchez de Fontarabie, organisés en « companya », réclamaient à leur patron des dommages pour le retard de leur navire qui devait appareiller la veille pour Rhodes, Beyrouth et Alexandrie. Le patron leur répondit alors qu’il avait pris la précaution d’exiger une indemnité de 110 livres en cas de retard, lors du contrat de nolis conclu par le marchand Bartomeu Mir, qui était à l’origine du retard. Mais Pedro Sánchez à son tour accuse ses marins et réclame 100 francs de dommages car il affirme que d’autres marchands ont préféré renoncer à faire charger leurs marchandises sur son navire, voyant qu’il était en conflit avec ses marins (AHPB, Bernat Nadal, Plec de documentació diversa [1386-1428], 21 juillet 1393).
185 AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 19r°, 60r° et 88v°.
186 Ibid., ffos 23r°, 47v°, 55v°, 61v° et 79v° ; pour des équivalences réelles, voir ibid, ffos 23v°, 48r°, 55v°, 62r° et 80r°.
187 Voir supra p. 149. Il est d’ailleurs fait explicitement référence au départ de l’infante dans le texte du contrat (ibid., f° 6v°).
188 Voir supra, pp. 233-235.
189 D. Coulon, « Ascensión, apogeo y caída de Joan Lombarda ».
190 Voir supra pp. 163-164 ; et AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 104v°-106v°.
191 En fait, certains marchands se partagent une même part (Pere Lart et Bernat Tarrago, par exemple, ou encore Guillem de Gabanyelles, Arnau Colomer et Guillelmonet de Cabanyelles) ; par ailleurs, le nombre de parts reste en fait confus : au début du contrat, huit sont énumérées ; dans cette clause fixant le montant d’une part, le chiffre de sept est rayé au profit de neuf, mais un peu plus loin il est de nouveau question de huit parts. Il semble en fait qu’aux huit parts des marchands affrétant le navire doive s’ajouter celle des patrons, ce qui ferait bien neuf (ibid., ffos 58r°-64r°). Notons enfin que ce capital total de 14.400 livres (s’il faut effectivement compter neuf parts), quoique considérable, est tout à fait plausible puisque comparable à la valeur des biens chargés sur la nef de Bartomeu Amar, partie pour Chypre et Beyrouth en décembre 1415, qui atteignaient près de 13.600 livres (Bibl. de Catal., Junta de Comen, reg. 199 V ; et le graphique 6, p. 311).
192 A. Garcia i Sanz et N. Coll i Julià, Galeres mercaras catalanes dels segles XIV i XV, p. 297.
193 AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 41v°-42r° : contrat de report du nolis conclu le 3 septembre 1354 à Majorque.
194 Ibid., ffos 12r°-15r°, puis 16r° ; la licence avait initialement été délivrée en faveur du comte de Ribagorça. Voir l’appendice III, pp. 834-835.
195 Ibid., ffos 25v°-26r° (partage de la licence en trois parts égales) ; ffos 26v°-27r° (procuration) ; il s’agit de la licence initialement accordée au conseiller royal Bernat de Cabrera. Voir l’appendice III, pp. 834-835.
196 Ibid., ffos 20v° et 90r°.
197 Ibid., f° 60v°.
198 Voir infra pp. 600-602.
199 CL Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 273, n. 2, avait déjà souligné ce phénomène. M, Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 79-90, utilise toutefois l’expression « lettre de change » pour évoquer les changes confiés en commende. Nous avons cependant vu que, dans tous les cas où cette première opération financière était connue, il s’agissait bien d’un change maritime, consigné par-devant notaire. On notera en outre qu’aucun protêt de lettre de change n’a été retrouvé parmi les contrats notariés à destination de l’Égypte ou de la Syrie.
200 Voir supra p. 220.
201 Bibl. de Catal., Junta de Comerç, reg. 199 V, no 109 ; document publié une première fois par E. Moliné i Brasés (éd.), Llibre del Consolat del Mar, pp. 356-357 ; puis par A. Garcia i Sanz et M. T. Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, t II, doc. 129 et commentaire, t I, p. 113.
202 Comme le montre l’exemple précédent ; voir aussi AHPB, Antoni Brocard, Manual (mai-octobre 1419), f° 28r°3.
203 Voir le chapitre consacré aux marchands catalans installés en Égypte et en Syrie, pp. 586-595. Notons que Cl. Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, p. 273, a également abouti aux mêmes conclusions.
204 Par la formule Et etiam possim ipsam comandam baratare cum illis rebus et mercibus que michi videbuntur ou autre variante analogue.
205 C. Vela i Aulesa, « Les espècies orientais », doc. 14 (vers 1384) ; et AHCB, Fons Notarial, IX.13 Documents mercantils (1421-1449), document de cinq folios 1433-1434 (l’échange eut lieu à Damas en octobre 1432).
206 Hypothèse que confirment également W. Heyd, Histoire du commerce du Levant au Moyen Âge, t II, pp. 452-453 ; et M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, p. 78.
207 A. López de Meneses, « Los consulados catalanes de Alejandría y Damasco en el reinado de Pedro el Ceremonioso », doc. xii (« Mançor, lo qual es torcimany corredor en Domas ») et doc. xxxv ; voir également la clause 16 du traité de 1430 dans M. A. Alarcón y Santón et R. García de Linares (éd.), Los documentos árabes diplomáticos del Archivo de la Corona de Aragón, doc 153, p. 385.
208 Les autorités mameloukes étaient notamment tenues de les laisser agir en pleine liberté ; voir M. A. Alarcón y Santón et R. García de Linares (éd), Los documentos árabes diplomáticos del Archivo de la Corona de Aragón, doc. 153, clauses 16 et 20.
209 Sur le courtage à Barcelone à la fin du Moyen Âge, voir F. Plazolles-Guillen, « Les courtiers de commerce à Barcelone au XVe siècle » ; voir également infra le développement consacré aux courtiers engagés dans le commerce de Barcelone avec l’Égypte et la Syrie, pp. 537-539.
210 S. D. Goitein, The Jewish Communities of the Arab World, t I, pp. 160-161 ; CL Cahen, « Douanes et commerce dans les ports méditerranéens de l’Égypte médiévale », p. 239 ; et W. Heyd, Histoire du commerce du Levant au Moyen Âge, t II, pp. 451-453.
211 Aux comparaisons avec la pratique commerciale des Génois en Romanie peuvent s’ajouter les conclusions tirées par B. Z. Kedar de l’analyse de séries de commendes très fournies destinées à de multiples places commerciales ; le déclin de ce type de contrat s’amorce dès la fin du XIIIe siècle, mais s’accélère surtout à partir du milieu du XIVe siècle. Selon un échantillon de contrats certes beaucoup plus réduit, le déclin des commendes débuterait dès 1324 à Venise, à la suite de la promulgation du Capitulare Navigantium, destiné à limiter les investissements dans le commerce maritime en raison des excès de marchandises accumulés dans ce port ; voir B. Z. Kedar, Mercanti in crisi a Genova e Venezia nel 300, pp. 51-52.
212 Sur les divers aspects de cette rigidité des pratiques commerciales catalanes par rapport aux Italiens, voir également M. Del Treppo, I mercanti catalani e l’espansione della Corona d’Aragona nel secolo XV, pp. 589-590.
213 « Barcelone et le commerce de l’Orient », p. 367 ; voir également les remarques du même auteur dans Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, t I, pp. 158-164.
214 M, Balard, La Romanie génoise, p. 600.
215 Les hommes d’affaires italiens du Moyen Âge, p. 142 ; toutefois, J.-Cl. Hocquet a bien rappelé qu’une première forme d’assurance avait été utilisée de façon pionnière à Venise dès 1336, voir G. Arnaldi, G. Cracco et A. Tenenti (éd.), La formazione dello Stato patrizio, p. 574.
216 Y. Renouard, Les hommes d’affaires italiens du Moyen Âge, p. 143 ; F. C. Lane, Venise, une république maritime, pp. 197-204 ; et G. Arnaldi, G. Cracco et A.Tenenti (éd.), La formazione dello Stato patrizio, pp. 587-588 et 608.
217 Le système de l’incanto des galées du marché à Venise, pp. 39-89.
218 L’échantillon de changes maritimes étudié porte par exemple sur un total de 151 contrats entre 1474 et 1513 (J. Guiral-Hadziiossif, Valence, fort méditerranéen au XVe s., pp. 209-216) ; les accords d’affrètements analysés sont concentrés au cours de la même période (ibid., pp. 199-205).
219 É. Baratier et F. Reynaud (coord.), De 1291 à 1480, t II, pp. 229-244.
220 M. D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo XIV, pp. 401-521.
Notes de fin
1 Aux commendes recueillies dans les minutiers notariaux ont été ajoutées celles figurant dans le livre de comptes de la compagnie de Pere de Mitjavila (voir J. M. Madurell i Marimon, « Contabilidad de una compañía mercantil trecentista barcelonesa », ffos 148v°-157r°). Parmi ces comptes, les sommes confiées à Jaumet de Mitjavila à destination de Beyrouth (1.155 livres) et à Arnau Espaser pour Alexandrie (4.087 livres) n’ont pas été retenues puisqu’elles leur avaient été remises sans contrat notarié ; en outre, la commende de 1.795 livres et un sou confiée à Arnau Llorenç n’est pas non plus intégrée dans ce tableau puis qu’elle est destinée à Chypre. Les 110 commendes consignées dans le registre de la Junta de Comerç pour établir l’inventaire de la nef de Bartomeu Amar partie en décembre 1415 (Bibl. de Catal., Junta de Comerç, reg. 199 V) ont elles aussi été incluses dans ce tableau. Afin de permettre d’établir des comparaisons avec l’expansion maritime d’autres cités marchandes, nous avons adpoté la méthode de traitement des données notariales utilisée par M. Balard pour la Romanie génoise (voir M. Balard, La Romanie génoise, t. II, pp. 599-641) ; on retrouvera ici donc les mêmes rubriques dans les différents tableaux.
2 De nombreux contrats mentionnent plusieurs destinations : le total de celles-ci (1.506) est donc supérieur à celui des contrats (1.126). Les pourcentages sont donnés en fonction du nombre des contrats et non des destinations : leur total est donc supérieur à 100).
3 Les pourcentages de contrats et de capitaux sont donnés par rapport à l’ensemble des actes relevés au cours des différentes périodes.
4 Comme tous ceux qui précèdent, ce tableau a été réalisé à partir des différents contrats de change consenti dans les minutiers notariaux et aussi à partir des quelques mentions de changes relevées dans le premier registre du dret de les drassanes, qui couvre les années 1417-1433 (ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, reg. 2910/1, ffos 1r°3, 12v°3, 13r°1, 20r°3, 22v°2 et 26r°3). Les sommes exactes libellées en monnaies étrangères ne sont pas toujours mentionnées dans les contrats ; c’est pourquoi le total des capitaux convertis, au cours de la plupart des périodes, est généralement inférieur à celui des tableaux précédents, exprimé en livres. En revanche, lorsqu’aucun contrat n’a été retranché, le total d’une période est alors légèrement supérieur dans le présent tableau puisque la somme indiquée en monnaie étrangère incluait le bénéfice de l’opération de change ; il en va de même pour la période 1423-1431, pour laquelle les données issues du dret de les drassanes ont été ajoutées.
5 Les données de ce tableau proviennent d’équivalences simples, n’incluant pas de taux d’intérêt, à la différence de celles qui figurent dans les contrats de changes, lesquelles apparaissent dans le tableau 23, p. 258.
6 Compte tenu du peu de données rassemblées pour les nolis, deux contrats de ce type à destination de Chypre (1353 et 1357), ont été ajoutés à cette liste.
7 Unités de chargement : quintal de Barcelone (soit 41,6 kg), sauf pour les draps pour les tarifs de nolis de 1394 (comptés à la pièce et non au quintal ; les tarifs sont indiqués en italique), et pour le plomb et l’antimoine, pesés au quintal de Falcet (dont l’équivalence précise reste inconnue). L’unité monétaire est le sou de Barcelone.
8 Unité pondérale : quintal de Barcelone. Unité monétaire : sou de Barcelone. (Calculs de conversion. — Chypre : 7 à 9 besants sarracénats le quintal de Chypre d’épices [AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos et 117r°] ; 1 besant sarracénat = 8 sous 9 deniers de Barcelone [ibid., et ACB, Llegats de Llibres Extravagants, Manual de comptes de Joan Benet (1338-1344), f° 47r°] ; 1 quintal ou centenar de Chypre = 5,27 quintaux de Barcelone [J. Plana i Borràs, « The Accounts of Joan Benet’s Trading Venture from Barcelona to Famagusta », tableau I]. — Alexandrie : 5 à 6,5 besants d’or d’Alexandrie la portada de 5 quintaux forfolins [AHPB Jaume Ferrer, Llibre comú (juin 1353 - octobre 1357), ffos 23v°, 62r°, 48r°, 80r°-v° et 93r°-v°] ; 1 besant d’or d’Alexandrie = 1 livre de Barcelone [AHPB, Jaume Ferrer, Llibre comú [juin 1353 - octobre 1357], ffos 23v°,48r°, 61v°-62r°, 80v°), etc. ; 1 quintal forforí = 1 quintal et 2,5 livres de Barcelone [voir l’appendice IV]).
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