Chapitre V
Circulations impériales
p. 117-147
Texte intégral
1L’atomisation démographique, le morcellement territorial et l’insuffisance du maillage routier n’empêchaient pourtant pas la circulation des hommes ; ces entraves en constituaient peut-être même le principal aiguillon. Car en dépit des distances et des écueils qui ralentissaient les échanges et les communications, les hommes circulaient d’un bout à l’autre du géant politique espagnol, et au-delà.
2La circulation la plus flagrante et la plus massive, au xviie et surtout au xviiie siècle, était cependant une mobilité contrainte : celle des Africains déportés qui venaient alimenter le commerce des esclaves en Nouvelle-Espagne et dans la Caraïbe, à Cuba et à Buenos Aires. Une fois en Amérique, hommes, femmes et enfants victimes de la traite étaient à nouveau les acteurs captifs de transferts le long des circuits de distribution à partir des ports récepteurs. En tant qu’esclaves, leurs déplacements étaient déterminés par les routes de commerce des hommes libres qui les détenaient. En tant que marrons, les territoires qu’ils occupaient échappaient le plus souvent aux autorités espagnoles et, en ce sens, relevaient de circulations alternatives indexées, en creux, sur les vides ou les frontières de la monarchie1.
3La circulation des hommes n’est donc pas forcément synonyme d’intégration, mais au contraire de formes de sujétion spécifiques, fondées sur des dissymétries fondamentales : l’immense majorité des déportés ne franchissait l’océan qu’une fois et dans un seul et unique sens, d’est en ouest. L’intégration économique qui ouvre la traversée d’Afrique en Amérique se mue ainsi pour les victimes de la traite en frontière infranchissable, car pour les esclaves, il n’y avait pas de retour possible. Leur exemple montre de manière cruelle que toutes les circulations n’ont pas un sens identique ou les mêmes conséquences, et que cette inégalité première doit donc être une des données fondamentales pour toute réflexion portant sur la notion de circulation2.
4La circulation des libres, quant à elle, pouvait être vecteur de possession, voire de juridiction ; aussi, c’est elle qu’il convient de privilégier pour l’étude de la territorialisation impériale. C’est grâce à elle, en effet, que l’Empire se dilatait… ou se contractait.
I. — Circulations : directions, densité, fréquence
5En 1580, le franciscain Martín Ignacio de Loyola est envoyé comme missionnaire en Nouvelle-Espagne et, de là, aux Philippines, où le père Pedro de Alfaro avait fondé l’année précédente le premier couvent franciscain de Manille. Les Espagnols avaient été précédés par l’établissement sur place d’une importante communauté de marchands chinois (appelés Sangley par les Espagnols)3 et les relations que les missionnaires avaient établies avec ceux-ci leur avaient fait miroiter la possibilité d’une évangélisation rapide de la Chine par des franciscains à partir des Philippines4. C’est ce qui avait poussé le père Alfaro à tenter — sans autorisation — une expérience malheureuse à Canton dès 1579, avant de mourir noyé, en 1580, sur la route entre Macao et Goa5.
6Arrivé à Manille, Martín Ignacio décide de reprendre le flambeau du père Alfaro et part prêcher l’évangile en Chine, où il est aussitôt fait prisonnier et enfermé à Canton. Libéré grâce à l’intercession des Portugais — désormais sujets de Philippe II — en 1582, il est nommé custode de Malacca (Malaisie) l’année suivante, puis rentre en Espagne par l’Inde, la « route portugaise ». Il se rend alors à Rome pour défendre auprès de Grégoire XIII l’idée d’une mission franciscaine en Chine. En 1585, il tente de nouvelles expéditions infructueuses en Chine à partir de Malacca, mais ne parvient pas à passer au-delà du comptoir portugais de Macao. Il se plaint alors des Portugais « qui n’obéissent qu’à leur vice-roi portugais » et empêchent les franciscains espagnols d’entrer en contact avec les Chinois, malgré le bon accueil que ceux-ci auraient réservé à leurs premières tentatives à Macao et à Canton6. Convaincu qu’il peut obtenir plus de moyens du monarque catholique, il repart en Espagne en passant cette fois par Mexico. Ses démarches semblent s’être soldées par un échec, aussi Martín Ignacio décide-t-il de se consacrer aux missions en Amérique du Sud, où il se rend en 1594. Missionnaire dans les provinces du Río de la Plata, il est élevé au diocèse du Paraguay en 16017. Loyola aura ainsi fait, en tout, presque trois tours du monde8.
7Bien que les deux tours du monde effectués par notre franciscain pour le compte de son ordre aient sans doute été peu communs, on peut tout de même affirmer que la traversée océanique s’était en quelque sorte « banalisée » à son époque, au point d’être minimisée comme un « saut » par un colon de la Nouvelle-Espagne en 1566, tentant par ce mensonge pieux de calmer les réticences de sa sœur à venir le rejoindre :
Dites à ma sœur […] que je la prie de me faire le plaisir de faire un autre saut comme celui qu’elle a fait d’Arjona à Séville, et qu’elle vienne se reposer ici, car elle sera bien mieux ici que là-bas, et elle aura des vieux jours plus tranquilles9.
8Certes, ces périples n’étaient ni faciles, ni triviaux, ni généralisés, mais des exemples comme celui de Martín Ignacio de Loyola prouvent qu’à partir du xvie siècle, la mobilité des hommes par-delà l’océan était une éventualité inscrite dans l’horizon des possibles. Et si le cas de Loyola met en scène une géographie planétaire, d’autres agents, sans parcourir de telles étendues, effectuaient eux aussi d’importants déplacements, bâtissant par ce biais des ponts entre l’Europe et l’Amérique, ou entre les divers recoins du nouveau continent lui-même.
9La mobilité géographique inscrite dans les comportements en tant que ressource reste en effet un trait caractéristique des pratiques de nombre d’habitants de l’Amérique espagnole tout au long de l’époque moderne, attitude dont témoigne le parcours du liménien don Diego Altamirano de los Ríos au xviie siècle.
10Né en 1622 à Lima, fils et petit-fils d’oidores de Lima10, Diego suit la carrière des armes. En 1654, il se trouve en Espagne où il s’embarque dans la flota en tant que capitaine au sein de l’Armada de Indias11. Arrivé à Veracruz, le vice-roi duc d’Albuquerque le nomme capitaine de la leva de soldats devant être faite à Mexico et à Veracruz pour la protection de La Havane en 1655 ; la même année, Diego accompagne à Cuba ces renforts destinés à contrer les attaques anglaises dans la Caraïbe. À La Havane, il obtient la permission de partir en Espagne en décembre 1655. Entre la fin de l’année 1658 et le début de 1659, il participe à la guerre luso-espagnole (guerra de Restauración, 1640-1668) dans l’armée d’Estrémadure : il se trouve à la prise de la forteresse de Vila Boim (Villabuin en castillan) en 1658 et au siège d’Elvas en janvier 1659, mais obtient l’autorisation de se rendre à la cour — selon ses dires — le 3 janvier, soit une dizaine de jours avant la défaite de l’armée de don Luis de Haro devant Elvas. En octobre de la même année, il obtient le titre de corregidor de Guayaquil pour cinq ans, poste qu’il semble conserver jusqu’à sa mort, vers 167312. Métier des armes et ambition personnelle mènent ainsi Diego Altamirano de los Ríos de Lima à Veracruz, de La Havane à Badajoz, et de Madrid à Guayaquil. Certes, tous ses voyages sont relativement concentrés — à partir de trente-sept ans, Diego demeure à Guayaquil —, mais il est clair que la mobilité faisait partie des moyens dont s’est servi ce membre de l’oligarchie liménienne pour envisager sa carrière.
11Comme lui, le novohispano Hernando de Mújica mêle à son tour carrière militaire et mobilité. Descendant de « conquistadors de la Nouvelle-Galice », Hernando entend suivre leur exemple13. Alférez d’une compagnie d’infanterie levée à Mexico pour les Philippines en 1610, il s’embarque la même année comme alférez dans un des bateaux de l’Armada de la guardia de las Indias à destination de Séville. Son intention semble avoir été d’aller pretender à Madrid, car il est réformé à sa demande dès son arrivée à San Lúcar. Quatre ans plus tard, il réside cependant aux Philippines, d’où il envoie une demande de poste dans l’administration des Finances en Nouvelle-Espagne14. Il est nommé contador des Caisses royales de Guadalajara en 1616, date à laquelle il séjournait en Espagne — pour faire aboutir sa requête ? — et obtient, en 1617, l’autorisation de partir en Nouvelle-Espagne accompagné de trois domestiques qu’il recrute au Pays basque et à Burgos15. Cette mobilité semble marquer les autres membres de la famille également, puisque l’un de ses frères était en garnison aux Philippines, et l’autre au Chili.
12Bien que d’autres personnages réalisent des déplacements moins impressionnants au regard de ces voyageurs transocéaniques, les distances américaines pouvaient être tout aussi considérables, à l’image des pérégrinations de José López Lisperguer, juriste dont le parcours couvre, au xviiie siècle, l’ensemble de la vice-royauté du Pérou16. Né en 1706 à Santiago du Chili, d’un propriétaire terrien soriano et d’une créole17, José obtient le diplôme de docteur en théologie en 1726, au collège jésuite de Santiago. Il continue ses études à l’université de San Marcos à Lima, où il obtient le doctorat en droit canon trois ans plus tard. La même année, il est nommé avocat du tribunal royal de Lima, puis de celui de Santiago du Chili, où il exerce également comme procurador du cabildo. En 1734, il se rend à Buenos Aires auprès du gouverneur Bruno Mauricio de Zavala, qui le nomme son assesseur letrado durant la campagne contre la révolte des comuneros du Paraguay18. Il envoie alors une relación de méritos au Conseil des Indes, qui semble aboutir à sa désignation en tant que protecteur des Indiens de l’Audiencia de Charcas, en 1744. Il y achète en 1749 la charge d’oidor, et en 1772, il est promu au même poste à Quito19.
13Cependant, en dépit de la grande mobilité marquant ces parcours rapidement ébauchés, il convient de remarquer que ceux qui en étaient les acteurs étaient proportionnellement peu nombreux, et leurs déplacements — comme on le devine au succinct récit de ces trois itinéraires — étaient tout sauf aléatoires. En effet, le nombre des individus libres, tout comme les effectifs de ces mouvements migratoires, variaient fortement en fonction des lieux de départ et d’arrivée. En ce sens, il est important de souligner que dans ce cas également, le flux de voyageurs était bien plus important dans le sens est-ouest que dans le sens inverse. Près de 5 000 migrants en moyenne, peut-être plus, auraient ainsi quitté l’Espagne chaque année entre 1506 et 165020, et après une nette chute, le courant aurait repris à hauteur d’environ 2 000 (?) migrants par an au xviiie siècle21. Si ces chiffres sont sans doute sujets à révision, ils donnent cependant un ordre de grandeur. En revanche, et bien que peu d’études aient été menées sur le courant en sens inverse, on peut affirmer qu’il ne saurait y avoir de comparaison, s’agissant d’échanges plus ponctuels et jamais massifs.
14Si l’on en vient de surcroît à établir un clivage entre assignations identitaires des voyageurs, les flux d’autochtones ou d’Africains et Noirs créoles vers l’Espagne, bien que réels et avérés, ne supportent aucune comparaison avec la mobilité à laquelle pouvaient prétendre les individus réputés « Espagnols »22. La circulation atlantique et américaine, il faut le souligner et le répéter, est clairement orientée et réservée à certaines catégories de la population. Ne circule pas qui le veut, mais qui le peut ou y est contraint23. À l’heure ou la « globalisation » et l’« intégration » planétaire réalisée à la suite des conquêtes ibériques ne cesse d’être invoquée, il convient de rappeler ce facteur simple mais fondamental pour l’étude des circulations.
15On comprend dès lors en quoi les circulations impériales — nom pompeux pour désigner un vaste terrain d’enquête — permettent d’étudier les modalités d’une construction territoriale, construction qui n’est telle que parce que les connexions et les circulations en son sein ne sont pas aléatoires, mais qu’elles sont régies par des logiques donnant une certaine unité à l’expérience, avec ses noyaux denses et ses trous noirs24. L’étude de l’architecture de l’Empire espagnol, dans sa diachronie, révèle en ce sens toute la contingence d’une construction souvent décrite comme un processus linéaire d’intégration territoriale, mais dont les résultats historiques montrent bien les diverses logiques (individuelles, collectives) à l’œuvre dans toute expérience, ainsi que l’importance des formes pratiques de leur mise en place dans chaque contexte social précis25.
16Pour s’en tenir à la question de la circulation des personnes, nous constatons des rythmes différenciés qui dessinent, selon les périodes, des espaces de forte mobilité des hommes, par opposition à d’autres, sortes de culs-de-sac des mouvements de population. La distribution de ces espaces n’était pas homogène, ce qui se traduit, à l’intérieur des possessions nominalement espagnoles du continent américain, par une multiplication des frontières au xviie siècle. C’est notamment le cas de la Caraïbe, largement occupée par d’autres puissances européennes car désertée par les Espagnols, celui du littoral atlantique de l’Amérique centrale, déjà évoqué, sans réelle présence espagnole — en dehors d’enclaves ponctuelles — de la baie d’Amatique (Guatemala actuel) jusqu’au Darién, en passant par la côte Miskito (Nicaragua) et Talamanca (Costa Rica), ou encore celui des marches orientales de la Terre-Ferme. Pourtant, tous ces territoires étaient très fréquentés par les Espagnols pendant la première moitié du xvie siècle. D’autres régions, en revanche, connaissent dès le xvie siècle une centralité ininterrompue dans la circulation des biens, des hommes et des idées. C’est le cas de la Nouvelle-Espagne (centrée autour de Mexico)26 ou des cœurs de la vice-royauté du Pérou, Lima et Potosí27.
17Il est clair que ces variations de flux ne sont pas le fait du hasard, et que dans le cas précis de la Caraïbe et des régions de Terre-Ferme, les logiques économiques expliquent cette éclipse de près d’un siècle aux conséquences régionales durables. L’Est vénézuélien, dont on a noté l’isolement dans les pages qui précèdent, a ainsi été le cœur d’une intense activité perlière au xvie siècle, plaçant la petite ville de Nueva Cadiz, fondée en 1500, au cœur d’un trafic articulant les marchands du condado de Niebla (Huelva), le port de Séville et l’île de Cubagua aux autres fondations espagnoles sur le pourtour de la mer Caraïbe28. Ces liens, notamment avec le Cabo de la Vela (Guajira, Colombie actuelle), expliquent les déplacements de population qui ont lieu à partir des années 1530, lorsque, suite à l’épuisement de la production perlière — et à l’anéantissement des plongeurs indigènes —, les habitants de Nueva Cadiz quittent peu à peu l’île pour aller s’établir plus près de Carthagène. En l’espace de trente ans, la ville est passée du statut de centre de l’activité économique de la région (l’exploitation des perles produit des bénéfices considérables) à celui de marche oubliée et isolée. Les routes économiques et la circulation des hommes ne passent plus désormais par ce coin de l’Est vénézuélien, qui s’isole peu à peu.
18Ce sont également des logiques économiques — la traite en l’occurrence — qui expliquent les liens durables entre Carthagène, l’île de Saint-Domingue et Veracruz aux xvie et xviie siècles, avec Cuba et d’autres îles des Antilles françaises au xviiie siècle, liens qui se bloquent ou se distendent en fonction des vicissitudes politiques (indépendance du Portugal en 1640, changement dynastique à Madrid ou guerre de l’Asiento entre 1739 et 1748). En 1707, par exemple, à la faveur de l’union dynastique, certains marchands basques palliaient au manque de navires pour les Indes au départ de Cadix en s’embarquant à Bordeaux à destination de Saint-Domingue, étape avant de se rendre en Nouvelle-Espagne29.
19En Amérique du Sud, il en va de même des relations unissant São Paulo aux pays du Río de la Plata et au Chili, dans un vaste espace animé par des marchands d’esclaves qui alimentaient en main-d’œuvre africaine les exploitations agricoles et les villes du versant oriental des Andes, tout comme les centres urbains et les campagnes du Chili central. Ces relations variaient également au gré de l’approvisionnement, légal ou illégal, en main-d’œuvre réunie à Buenos Aires, tenu tantôt par les Portugais, tantôt par les Anglais. Le poids croissant de ces échanges (en esclaves et en autres marchandises) s’est développé en parallèle de l’importance politique et économique acquise par le port du Plata au cours du xviiie siècle, au point de faire de l’ombre à la route Valparaíso-Callao, qui régnait sans conteste au siècle précédent30. Ainsi, l’hétérogénéité politique (cas du clivage entre capitales vice-royales ou régionales) et économique (cas des ports comme Panama ou Buenos Aires) déterminait des types spécifiques de mobilité, tout comme leur densité changeante. Il existait des routes et des réseaux plus empruntés que d’autres, et cette simple réalité concourait à souligner la hiérarchisation des territoires.
20En ce sens, en dehors des phénomènes économiques, d’autres facteurs, et notamment l’impossibilité de dominer des territoires ou tout simplement celle de se déplacer, imposaient également des formes spécifiques de circulation. La contrainte, la difficulté ou l’incapacité de se mouvoir modelaient ainsi l’espace tout autant que les circulations. C’est dans cette perspective que l’on peut envisager aussi bien le recul de la présence espagnole dans le Sud chilien — sept « villes » sont rayées de la carte par la révolte indigène de 1599-1600, entraînant le reflux de la colonisation pendant plus de deux cents ans — que les vicissitudes de la guerre chichimèque en Nouvelle-Espagne, le recul des possessions antillaises de l’Espagne face à l’avancée des autres puissances européennes au xviie siècle, ou la présence précaire et isolée des missions et des présides du Sonora et du Nouveau-Mexique au xviiie siècle31. Tous ces exemples renvoient à des phénomènes d’avancée et de recul qui se soldent, pour les Espagnols, soit par des impasses et des marginalisations — les culs-de-sac évoqués ci-dessus —, soit par des victoires et l’établissement subséquent de circulations démographiques et économiques stables, comme dans le cas de Zacatecas et des reales de mines du Nord de la Nouvelle-Espagne32 après la « pacification » (précaire) des Chichimèques33.
21Le mouvement missionnaire lui-même répondait à cette différence fondamentale entre une colonisation menée par des chefs de guerre, suivie de fondations de villes (voir chap. i), et une avancée plus lente et dangereuse, où les missionnaires — souvent secondés par des garnisons — étaient le moyen d’affirmer la dimension spirituelle de la conquête34. À partir de l’arrêt proclamé des conquêtes militaires en 1573, la mission demeure en effet un moyen d’avancer, de manière plus laborieuse, dans l’annexion de terres et de sujets pour le roi d’Espagne. Dans la pratique, par conséquent, la mission palliait souvent l’impossibilité pour les Espagnols de s’imposer militairement, et était toujours associée à une présence militaire (soldats ou garnison) plus ou moins proche. Cette connivence objective entre le glaive et la croix est clairement perceptible sur le terrain : c’est le cas de la « guerre défensive » promue par le jésuite Luis de Valdivia au Chili, entre 1612 et 1625, même si ce dernier avait défendu ce projet comme une alternative à la guerre ouverte pratiquée jusqu’alors35. De l’aveu des missionnaires eux-mêmes, la religion catholique était le premier pas dans un processus qui devait mener à l’acceptation du monarque espagnol comme « seigneur naturel ». Par conséquent, on peut penser que ce ne furent pas tant les talents de rhéteur et la capacité de persuasion de Luis de Valdivia qui poussèrent la Couronne à mettre en place cette expérience, que l’impossibilité réelle des Espagnols à s’imposer par les armes depuis la révolte « araucan » de 1599.
22La politique adoptée face aux populations insoumises des vallées calchaquies dans le Tucumán des années 1630, puis à la fin des années 165036, reprenait exactement le même schéma et confirme la place cruciale détenue par la mission dans les dispositifs de conquête militaire. Refusant la domination hispanique dès le milieu du xvie siècle, les populations de langue cacan, désignées sous l’ethnonyme de Calchaquis par les Espagnols, demeuraient toujours indépendantes dans le premier tiers du xviie siècle. Main-d’œuvre convoitée par les exploitants espagnols du Tucumán — et ce d’autant plus que l’absence de mines et la vertigineuse chute démographique des populations soumises livrées au bon vouloir des encomenderos mettaient en danger l’agriculture, seul moyen local de produire des richesses —, les habitants des vallées calchaquies étaient un objectif économique de premier ordre. La production agricole était d’autant plus importante que la région se trouvait au carrefour de deux routes, celle liant les mines du Haut-Pérou au port de Buenos Aires, et celle reliant ce dernier port au Chili et à l’océan Pacifique. Caractérisée par un climat semi-aride dans une région sans cours d’eau, sa production agricole était la seule garantie pour les voyageurs et les convois assurant les communications entre tous ces espaces. Le contrôle des Indiens des vallées de Calchaquis était ainsi vital non seulement pour les producteurs espagnols locaux, mais également pour la survie des échanges à l’échelle régionale. Après la destruction de Córdoba de Calchaqui en 1562, et d’une guerre de onze ans (1624-1635) entre colons et autochtones s’étant soldée par un statu quo, les autorités espagnoles tentèrent, comme au Chili vingt ans plus tôt, de jouer la carte des missionnaires jésuites. En 1646, quatre missionnaires réussirent à s’établir au cœur des vallées calchaquies ; la correspondance qu’ils ont laissée montre clairement leur conscience de constituer le fer de lance d’une conquête qui avait échoué militairement. La mission devait précéder et préparer l’encomienda.
23En dépit de l’échec de cette stratégie au Chili (la guerre contre les populations de langue mapudungun se perpétue bien au-delà du xviiie siècle) et de son dénouement atroce au Tucumán (la déportation en masse des populations rebelles en 1665), la permanence du dispositif apparaît encore de manière limpide à travers le long chapelet de missions et de garnisons que constituaient, dans le dernier tiers du xviiie siècle, les provinces internes de la Nouvelle-Espagne37 (carte 22).
24Élaborée vers 1779 par don Miguel Constansó, ingénieur militaire, à l’occasion de l’érection de la Comandancia general de provincias internas en 177738, cette carte identifie les garnisons (presidios) en activité ou abandonnées (trace du caractère précaire de la présence hispanique sur place), les villages de mission, de même que les villes (ciudades) et les bourgs (villas), les haciendas et les établissements miniers, tout comme les agglomérations d’autochtones non christianisés (rancherías de gentiles). La carte fait ainsi apparaître, dans toute sa fragilité, la présence clairsemée des établissements hispaniques au milieu d’étendues très vastes dominées par les sociétés autochtones (Navajos, Moquis, Apaches, Comanches…). Cette présence se limitait au camino real à Santa Fe (ou camino real de Tierra Adentro), longue succession de garnisons, de missions et de lieux-dits sécurisant tant bien que mal la circulation. La spécificité de cet espace justifie l’érection de cette Comandancia general, c’est-à-dire une juridiction aux mains de militaires devant assurer la sécurité des territoires qui, comme l’indique le brevet royal de création de cette nouvelle organisation de l’espace, se trouvaient sur « la ligne allant depuis le golfe de Californie à la baie de l’Esprit-Saint » (aujourd’hui baie de Matagorda au Texas). La proximité du gouvernement militaire autonome, qui avait son siège dans la ville d’Arizpe, devait ainsi pallier la fragilité de ces établissements, et tout particulièrement celle des villages de mission qui en constituaient la majorité.
25Cet objectif d’occupation du territoire grâce aux missions était par ailleurs clairement défini par la Couronne, le devenir de toute mission se traduisant par deux étapes différentes qui impliquaient un degré d’institutionnalisation grandissant : aux missions volantes (« missions vives » de certains documents) devait succéder la réduction (c’est-à-dire la sédentarisation de populations semi-nomades ou la concentration de populations vivant auparavant dispersées, à des fins d’évangélisation)39. L’achèvement de ce processus se trouvait dans le passage de la réduction à la doctrine : la doctrine impliquait l’érection d’une organisation paroissiale, ce qui avait deux conséquences majeures pour les Indiens ainsi encadrés : ceux-ci relevaient désormais de l’ordinaire et étaient dès lors soumis aux tributs ecclésiastiques et à ceux de la Couronne. Dans ces cas-là, les sources cessent d’utiliser le terme « mission ». C’est dire que cette dernière renvoie à une possession précaire et toujours changeante des territoires à encadrer, dépendant étroitement des flux de religieux pris en charge par la Couronne40. Dans ce contexte, tout échec ou trébuchement de l’avancée évangélisatrice signait une limite, voire une impasse. Les morts de religieux lors de ripostes indiennes aux fronts de conversion constitués par le diptyque couvent-réduction doivent partant être considérées comme autant d’obstacles contre lesquels achoppait la circulation missionnaire et impériale41 : c’est le cas, du xvie au xviiie siècle, des attaques des Cumanagotos contre les franciscains, en représailles aux menées esclavagistes des Espagnols de l’île de Saint-Domingue ; des massacres de missionnaires en Nouvelle-Galice pendant la guerre du Mixton, ou en Floride durant la révolte de Guale, au xvie siècle42 ; au Chili lors du soulèvement « araucan » de 1598 ; au Tucumán durant les révoltes calchaquies entre 1630 et 1666 ; au Nouveau-Mexique à l’occasion de la grande révolte des Pueblos entre 1680-169643 ; ou encore dans les terres orientales du Pérou à plusieurs reprises, entre 1637 et 1766, pour ne citer que ces exemples connus44. Ces révoltes sont autant de fronts contre lesquels butait la mobilité des agents impériaux.
26Au xviiie siècle, la belligérance chronique entre les puissances européennes, qui se traduisit par de nombreux affrontements dans les colonies, aboutit également à un blocage partiel des communications pendant les conflits, soit par le biais de blocus au sens plein du terme, soit par l’effet de l’insécurité qui s’empara des contemporains qui hésitaient dès lors à voyager ou même à envoyer des fonds à leurs associés ou à leurs proches.
27Dans les mots de don Francisco de Ugarte, marchand espagnol de Cuba écrivant à son correspondant à Madrid en 1746 :
Je n’envoie rien cette fois-ci, car en ce moment seule une frégate française est au départ, la flotte ayant été suspendue, si elle venait à partir je profiterais de l’occasion […] mais je me méfie, bien qu’il s’agisse d’un bateau assez fort pour sa taille et muni de voiles, qui est ce qui rassure ceux qui ont quand même décidé de s’y embarquer, mais moi qui ai peu d’argent, je ne veux pas l’aventurer dans ce bateau et j’en attendrai un autre qui, au moins, ait l’air plus sûr45.
28Le jeune gaditan Joseph Sasio, venu tenter sa chance en Amérique, était confronté aux mêmes craintes et suivit, lui aussi, la prudente décision d’Ugarte :
J’ai acheté quelques vêtements dont j’avais besoin […] je suis actuellement [vêtu] d’habits fort chers et couvert d’argent […] et j’ai 80 pesos dont je vous aurais volontiers envoyé la moitié mais j’ai peur de toutes ces guerres, et [je me méfie] du bateau La Princesa, qui est fort lourd, sur lequel j’aurais pu vous l’envoyer avec M. Pedro Moreno, mais dès que l’occasion se présentera je ne manquerai pas de le faire46.
29La suite devait leur donner raison, puisque leurs lettres, et les bateaux qui les transportaient, furent capturés en 1747 par la marine anglaise.
30Pendant la guerre de Succession d’Espagne, déjà, seules quatre flotas et un seul convoi de galeones avaient fait la traversée de l’Atlantique47. Les vingt-six registros sueltos qui quittèrent l’Espagne pendant cette même période furent dès lors les seuls éléments permettant de maintenir un contact suivi entre la métropole et les ports autorisés à cette occasion (Veracruz, La Havane, Floride, Campeche, Tabasco, Honduras, Carthagène, Maracaibo, Caracas, Cumaná, Trinidad et Buenos Aires). À partir de 1739, ce fut tout le système des flottes qui s’effondra. En effet, avec le nouveau conflit opposant l’Espagne à la Grande-Bretagne, et suite à l’attaque britannique contre Portobelo de décembre 1739, la Couronne espagnole décida d’abandonner provisoirement le système des flottes, qu’elle remplaça, comme pendant la guerre de Succession, par des registros sueltos. Malgré la reprise en 1757 de la navigation de la flotte — vers la Nouvelle-Espagne uniquement —, le système des registros demeura, au point que selon les calculs de García-Baquero González, entre 1739 et 1778, près de 80 % de tout le commerce colonial se fit par ce biais48. Le port de Buenos Aires fut l’un des grands gagnants de ce virage stratégique49. La guerre, qui révéla l’intérêt tactique de certaines régions par rapport à d’autres, permit de la sorte de remodeler profondément la géographie des échanges impériaux.
31Il est en même temps d’autres conditionnements — logiques politiques spécifiques ou même les différentes manières dont les profanes intégraient les cadres juridiques de la monarchie — qui déterminaient le sens et la forme des circulations des personnes. Ainsi, bien que les Indes, qui appartenaient en droit au royaume de Castille, aient été ouvertes dès le xvie siècle à l’immigration de tous les ressortissants de Castille et d’Aragon, rares furent les Aragonais qui franchirent l’océan, pour ne pas parler des Catalans. Cette absence eut des conséquences culturelles de taille, et lorsqu’à la faveur de la politique de libre commerce de la monarchie (1765 puis 1778), les Catalans se lancèrent dans le commerce des Indes (au travers de la compagnie de Santo Domingo notamment), les créoles eurent beaucoup de mal à ne pas les considérer comme des étrangers50.
32Dans ce cas, c’est la fréquence du contact qui révèle la construction d’un espace identitaire, où la langue castillane et l’ethnonyme espagnol se conjuguaient ensemble, excluant dès lors tous ceux qui étaient perçus, pour une raison ou pour une autre, comme des non Castillans. Il faut en ce sens remarquer l’exception notable que constitue le cas des « Biscayens », présents depuis le début de la conquête des Indes et de plus en plus nombreux dans les terres américaines à partir du milieu du xviie siècle, qui, bien que perçus comme différents, ne furent jamais véritablement exclus de l’hispanité, dont ils représentaient au contraire la quintessence51.
33Enfin, le double standard de genre touchant la mobilité a eu des répercussions structurelles sur les caractéristiques des circulations. En effet, à aucune période les femmes n’ont compté pour plus du tiers des migrants, même aux moments de plus forte émigration de familles entières et donc de plus forte présence féminine (entre 1550 et 1625)52. Dans un échantillon de migrants officiels quittant l’Espagne entre 1765 et 1824 étudié par Rosario Márquez Macías, elles représentaient ainsi moins de 16 % de tous les voyageurs53. Or, le fait que les femmes n’aient pas disposé de la même capacité de mouvement que les hommes a entraîné l’apparition d’un modèle spécifique de mobilité dont nous avons établi les caractéristiques pour le Chili du xviie siècle54. Celui-ci se singularisait par un marché matrimonial continental et intercontinental dans lequel des Européens mobiles et à marier étaient attirés par les dots des femmes, créoles et sédentaires, qu’ils épousaient. Cet échange de dots contre des migrants était cependant loin de se cantonner uniquement à cette région australe et au seul xviie siècle. Il caractérisait au contraire, et de manière durable, peu ou prou toutes les régions de l’Amérique hispanique, comme le montrent de nombreux travaux sur les élites commerciales et administratives de la Nouvelle-Espagne, du Guatemala, de Cuba ou du Pérou au xviiie siècle55.
34L’importance de ce modèle explique l’évolution d’une migration espagnole « de masse » aux xvie et xviie siècles, à une migration majoritairement composée de marchands et d’administrateurs au siècle suivant. Car l’une des retombées au xviiie siècle de l’évolution du système des flottes unissant l’Espagne aux Indes ne fut pas seulement la redistribution stratégique des ports, mais également l’arrivée plus fréquente de bateaux seuls — les registros sueltos — dans les ports américains. Xabier Lamikiz a étudié les conséquences de cette liaison plus fréquente sur la question du crédit marchand dans le Pérou de la seconde moitié du xviiie siècle56. Or, cette présence accrue de marchands a également eu une incidence directe sur le marché matrimonial créole. La présence d’une « vague » — toutes proportions gardées — de migrants basques en Nouvelle-Espagne, à Cuba, au Pérou, au Río de la Plata ou au Chili au xviiie siècle, n’est ainsi que le reflet outre-Atlantique de l’ascendant pris au sein du consulat de Cadix par les marchands basques et navarrais à la même époque57. Cette évolution des caractéristiques des effectifs migratoires a par ailleurs eu tendance à concentrer de manière encore plus claire le marché matrimonial colonial : se marier avec un(e) conjoint(e) originaire d’une autre ville ou d’une autre juridiction de l’Empire est progressivement devenu un marqueur de statut social et concernait un nombre de personnes de plus en plus restreint. À l’image des familles Balbastro et Basabilbaso de Buenos Aires dans la seconde moitié du xviiie siècle, des familles des élites économiques péruviennes (Lavalle, Ostolaza) ou de la saccarocratie havanaise (Manuel José Torrontegui, Las Casas Aragorri), l’arrivée de marchands et de fonctionnaires péninsulaires a concouru à donner une physionomie particulière aux oligarchies américaines des régions les plus « connectées ». Les généalogies 1 à 4 donnent ainsi à voir une particulière articulation entre commerce, service du roi et implantation locale. Celle-ci, malgré la diversité des contextes, dessine bien un modèle commun.
35Dans chacune de ces généalogies, en effet, l’impact de la mobilité masculine est patent, alimentant à chaque génération des groupes démographiquement très faibles. La commune convergence entre négoce, carrière militaire et pouvoir local, et ce dans des contextes américains très différents, montre la mise en place d’un modèle efficace au service d’intérêts individuels et de ceux de la monarchie en même temps.
36Paradoxalement, c’est le petit nombre des acteurs « mobiles » (et l’étroitesse des sociétés créoles avec lesquelles ils interagissaient) qui explique l’importance et les conséquences de cette circulation restreinte et fortement orientée (géographiquement et socialement). En effet, dans ce contexte, la ville est fondamentale comme pivot de la « territorialisation imparfaite » qui caractérise l’Empire espagnol : c’est la propre structure atomisée de ce dernier qui permettait à un nombre somme toute restreint d’hommes de constituer les cadres d’une domination théoriquement continentale et intercontinentale58. Or, au gré des affectations, ces cadres administratifs et ecclésiastiques avaient une mobilité assez importante. La conjonction entre une grande dispersion spatiale et une circulation relativement forte des hommes est la singulière clé de ce système. Le paradoxe tient essentiellement dans le fait que les distances et les déserts humains qui caractérisaient des vastes zones de l’Amérique espagnole, et qui déterminaient, comme on l’a vu, autant de complexes spécifiques à l’intérieur de la constellation impériale, poussaient rapidement à l’émergence de formes locales singulières. Antonio de Ulloa remarquait ainsi, lors de son passage à Lima (au début du xviiie siècle) :
Il pourrait sembler qu’ayant déjà abordé [ce point] lors des descriptions des habitants des villes par lesquelles je suis passé avant d’arriver à Lima, il serait oisif de le répéter ; cependant, tout comme il existe toujours une grande diversité d’us et coutumes entre les pays, et que même lorsqu’on y trouve quelque ressemblance, les différences l’emportent toujours, cette diversité est encore plus grande dans ce continent [l’Amérique] où la distance d’une ville à une autre est si grande que les coutumes connaissent des divergences considérables et que les caractéristiques des gens en un lieu ne correspondent en rien à celles des gens d’un autre lieu59.
37Or, si l’atomisation entraînait effectivement des formes de segmentation, notamment par le développement rapide de particularismes, comme le soulignait avec pertinence Ulloa, la circulation des cadres avait, en revanche, des conséquences homogénéisatrices. Nombre de ces cadres étaient formés en Espagne — notamment les péninsulaires —, les créoles et les Espagnols arrivés en bas âge aux Indes faisant quant à eux, pour la plupart, leurs études en Amérique, où jésuites et dominicains avaient le monopole de la formation supérieure. Ce monopole entraînait vraisemblablement une certaine unité des référents. Une minorité faisait enfin le voyage d’Espagne, pour rejoindre des universités traditionnelles ou bien, au xviiie siècle, des centres d’élite tels que le Séminaire de nobles de Madrid ou le Séminaire de Vergara, où les créoles étaient nombreux, à l’image des Balbastro de Buenos Aires60.
38Cette cohérence des référents culturels s’exprimait tout particulièrement lors des grandes solennités célébrées à l’échelle de tout l’Empire. Du xviie au xviiie siècle, en effet, les programmes iconographiques des fêtes organisées à l’occasion des mariages et des naissances royales, les tumulus et autres architectures éphémères élevées pour les fêtes civiques ou liturgiques qui scandaient la vie urbaine des Indes, manifestaient ainsi une grande unité, pas tant en ce qui concerne leur contenu, mais plutôt pour ce qui est du langage allégorique et emblématique qu’ils mobilisaient. L’arc de triomphe élevé à Mexico en 1680 à l’occasion de l’arrivée du nouveau vice-roi, comte de Paredes — dont le programme iconographique avait été commandé par la municipalité à l’érudit Carlos de Sigüenza y Góngora — tranche ainsi par un choix très local, celui de remplacer les traditionnelles allusions allégoriques à l’Antiquité classique par des références aux anciens monarques mexicas, mais le procédé reste fidèle aux codifications savantes habituelles61. En effet, les récits de célébrations et la description de ces machines éphémères circulaient très largement62 ; elles pouvaient même être reproduites ailleurs le cas échéant, car le contenu symbolique restait intelligible : le langage emblématique et allégorique faisait partie de l’enseignement dispensé par les dominicains et les jésuites qui formaient les élites dans leurs universités63.
39Cette homogénéité relative (avec des temps forts et des latences) ne doit cependant pas être confondue avec une vision centralisée de l’Empire64. Le nombre restreint des hommes qui circulaient constituait sans doute la garantie d’une relative homogénéité dans les pratiques administratives, les formes de la culture politique et juridique, et les représentations. Mais il était en même temps le vecteur de la diffusion, à l’échelle continentale ou impériale, des particularismes nés des déclinaisons vernaculaires des pratiques générales65. En effet, la forte imprégnation locale des cadres au cours de chacune de leurs expériences de terrain — et notamment des pratiques d’un droit coutumier adapté à chaque situation dans le cas des juristes — suggère que les normes dictées hic et nunc par les spécificités des lieux où ils exerçaient leur ministère pouvaient ensuite être l’objet d’une diffusion au gré des affectations successives66.
40Pourtant, à l’analyse, on peut constater que ces « circulations impériales » n’étaient pas aléatoires et dessinaient, elles aussi, des parcours dont les contours mettent en évidence des constructions territoriales spécifiques.
II. — Le cursus honorum comme vecteur de territorialisation
41Le cas des juristes peuplant les tribunaux américains est en ce sens un bon exemple de ces circulations normées et bornées, car leurs déplacements étaient fortement déterminés par des logiques géographiques, de carrière et de prestige. De telle sorte qu’en dépit de leur participation à l’application d’un corpus de lois commun à l’ensemble des domaines américains et, pour l’essentiel, commun à la Castille et à ses Indes, le travail des juges fabriquait en permanence du spécifique.
42En effet, la gestion des carrières par la Couronne et par les individus établissait une première barrière, mais de taille, entre la circulation en Castille et outre-mer. Car pour les letrados qui atteignaient, en Castille, l’échelon d’un corregidor ou d’un alcalde mayor67, les tribunaux américains n’étaient pas forcément un débouché souhaitable. Une fracture relative s’établit ainsi entre la formation des letrados qui occupaient des charges dans la judicature aux Indes et celle des letrados castillans de l’époque, majoritairement issus des Colegios Mayores68. D’après les études de Javier Barrientos Grandon, seuls 9,88 % de tous les ministres (fiscales, oidores, alcaldes del crimen, regentes) postés aux Indes pendant toute la période coloniale en étaient issus, tout simplement parce que les juristes sortant de leurs études pouvaient aspirer à des carrières péninsulaires mieux considérées que les carrières américaines69. Seuls les postes d’oidor à Mexico ou à Lima pouvaient éventuellement être convoités par les juristes des Colegios Mayores, mais ces places étaient habituellement l’aboutissement des carrières américaines et, par conséquent, briguées par tous ceux qui avaient suivi le cursus honorum traditionnel sur place.
43D’autre part, le cursus honorum américain était lui-même un autre facteur fomentant les particularismes. Ceci était dû, notamment, au poids qui était accordé à l’expérience comme prérequis fondamental pour toute personne assumant des fonctions de justice. L’experientiam iudicandi, dans des postes subalternes tels que lieutenant de corregidor, juge des registres (livres listant les marchandises embarquées) de la Casa de la Contratación, ou comme visitador, constituait le bagage le plus courant des magistrats n’étant pas issus des universités ou du cursus honorum de la judicature70. Or, tout le personnel juridique peuplant les administrations de tous les territoires relevant du roi de Castille, depuis les juristes assesseurs (asesores letrados) des municipalités jusqu’aux procureurs, aux alcaldes des affaires criminelles et aux magistrats des tribunaux royaux (audiencias), était formé au droit romain et/ou au droit canon, enseignés dans les universités, et non au droit royal, droit positif émanant des différentes lois, décrets et pragmatiques promulgués par les monarques successifs. Le travail de tout magistrat consistait donc à interpréter, grâce à sa connaissance théorique du droit romain et canonique, le droit royal qu’il n’avait pas étudié et qu’il devait adapter à chaque réalité locale. L’expérience (et les éditions du droit royal régulièrement compilé et glosé) était ainsi fondamentale dans toute carrière juridique71. Ce système mettait par conséquent la réalité locale au centre du travail d’interprétation du juriste, la loi n’étant alors qu’un précepte général. Puisque c’étaient ses compétences en tant qu’expert que l’on sollicitait, l’enracinement local d’un individu était un atout de taille dont l’administration ne pouvait se passer. Le fait que la stabilité d’un juriste dans un milieu donné ait constitué un important atout, une sorte de garantie de son caractère idoine pour le territoire qu’il devait administrer, a eu pour conséquence paradoxale la rareté des hommes avec une expérience américaine au sein du Conseil des Indes à Madrid, instance pourtant chargée de définir les grandes lignes de la gestion de l’ensemble des domaines américains. Comme on peut l’observer sur un échantillon de trois cents dix individus ayant assumé les charges d’oidor de l’Audiencia de Mexico ou de Lima entre 1557 et 1819, seuls trente-sept anciens oidores ont connu une destinée péninsulaire au bout de leur cursus honorum américain — et pas nécessairement au Conseil des Indes (tableau 8) !
Tableau 8. — Destin final des oidores des audiencias de Mexico et de Lima, xvie-xviiie siècles
Oidores | xvie siècle | xviie siècle | xviiie siècle | Totaux | |||
Mexico | 23 | 70 | 76 | 169 | |||
Dont fin de carrière en Espagne | 2 | 12 | 7 | 21 | |||
Lima | 16 | 75 | 50 | 141 | |||
Dont fin de carrière en Espagne | 3 | 6 | 7 | 16 | |||
Totaux | 39 | 145 | 126 | 310 | |||
5 | 18 | 14 | 37 |
Source : élaboration propre à partir de Barrientos Grandon, 2000a ; Burkholder, Chandler, 1982 ; Real Academia de la Historia, Diccionario biográfico.
44Certes, la circulation des cadres demeurait tout de même fondamentale dans toute carrière juridique, mais dès la fin du xvie siècle, des échelons assez précis se mettent en place et enferment les parcours professionnels à l’intérieur de cadres administratifs et géographiques précis. Du point de vue de la hiérarchisation institutionnelle, dans les audiencias américaines le premier échelon était constitué par la charge de fiscal, menant à celle d’oidor du même tribunal ou à celle d’alcalde del crimen dans les tribunaux supérieurs, où cette charge existait (Mexico et Lima, tribunaux vice-royaux). Les échelons supérieurs étaient occupés par les charges d’oidor à Mexico ou à Lima, puis par celle de président letrado de l’une des audiencias subalternes72. Une carrière américaine pouvait également être couronnée, le cas échéant, par une judicature dans l’une des deux chancelleries castillanes (à Valladolid ou à Grenade), voire par une place de conseiller au sein du Conseil des Indes à Madrid.
45À l’échelle des juridictions, cependant, deux pyramides hiérarchiques séparaient les Indes en deux domaines distincts. Au sommet de chacune de ces deux pyramides se trouvaient les tribunaux de Mexico et de Lima, considérés comme la consécration d’une carrière par bien des magistrats. À l’intérieur de ces deux grands ensembles, la hiérarchisation administrative était doublée par une autre, territoriale, liant la dignité de chaque charge à sa localisation géographique. Ceci veut dire que du point de vue de la dignité et l’honneur qui leur étaient attachés, certaines charges étaient plus convoitées que d’autres. C’est ainsi que le poste de procureur à Santo Domingo jouissait d’une réputation moindre par rapport à la même charge à Guatemala ou à Guadalajara. Pour un oidor de Santo Domingo, le fait de conserver son rang d’oidor tout en étant nommé à Guatemala constituait une promotion évidente, tandis que les oidores de Guatemala visaient quant à eux l’obtention d’une charge d’alcalde del crimen à Mexico, menant à l’honorable charge d’oidor du même tribunal. Il en allait de même à l’Audiencia de Lima. Le degré de mobilité des juges était par conséquent proportionnel à leur réussite professionnelle. Or, en dépit de la création de deux nouvelles vice-royautés au xviiie siècle (Nouvelle-Grenade en 1717 puis définitivement en 1739, et Río de la Plata en 1776), Mexico et Lima sont demeurées les deux sommets des carrières juridiques, limitant ainsi le nombre de promotions prestigieuses.
46Si l’on considère que la plupart des postes de procureur avaient habituellement comme débouché une charge de juge dans le même tribunal — seule une minorité parvenait à obtenir les places centrales les plus convoitées —, il en résulte que l’horizon le plus probable pour une majorité de magistrats était largement régional. C’est peu dire que ce fonctionnement ne favorisait guère la circulation des cadres entre les deux vice-royautés principales, le poids du localisme s’imposant ainsi peu à peu.
47C’est notamment le cas de Domingo de Arangoiti, oidor de Mexico de 1777 à 1781. Né à Lezama, Calahorra, Domingo fait ses études à Alcalá, où il obtient une licence en droit canon en 1753. Sans doute n’a-t-il rien trouvé en Castille et a-t-il décidé d’améliorer son sort aux Indes ; le fait est que dix ans plus tard, et après de nombreuses tentatives pour obtenir une place dans un tribunal américain, il est nommé procureur du tribunal (subalterne) de Guadalajara, en Nouvelle-Espagne73. Dix ans de service sont nécessaires à Domingo pour obtenir la charge d’alcalde du crime à Mexico. Désormais, son ascension est plus rapide : en 1776, il est nommé procureur civil, et en 1777, il est enfin promu oidor de Mexico, charge qu’il conserve jusqu’à sa mort, en 178074. Domingo a donc vécu dix-huit ans aux Indes, dont dix à Guadalajara. À la fin de sa vie, plus qu’un indiano, il était devenu un véritable novohispano, attaché à la ville de Querétaro où il résidait malgré sa charge d’oidor de Mexico, et où il s’est éteint, début 178075.
48Le liménien José de Alzamora Ursino présente un enracinement local similaire, sur un espace certes plus large, mais sur un axe de contact tout aussi crucial que celui reliant Guadalajara et Mexico : Lima-Panama. Avocat du tribunal de Lima, ville où il est né en 166676, Alzamora est nommé oidor de Panama en 1709, charge pour laquelle il débourse 5 000 pesos. Il s’agit d’une somme modérée pour une promotion considérable, car il accède directement à un haut poste de la judicature, qui plus est dans une ville où sa famille avait déjà des attaches77. Alzamora s’installe alors durablement à Panama, jusqu’à sa mort en 1725, et ce malgré la suppression du tribunal en 1717 — lors de la première création de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade —, car à la réinstallation du tribunal, en 1722, il retrouve sa charge d’oidor. En dépit de sa nomination comme oidor de l’Audiencia de Santa Fe l’année suivante, Alzamora reste à Panama et tente d’y obtenir sa reconduction comme oidor78. Il obtient gain de cause de manière posthume, en 1725. Cet enracinement fomentait en même temps, au-delà des logiques purement administratives, un ensemble de tactiques personnelles qui accentuaient encore davantage les effets de lieu marquant les parcours administratifs. Ces tactiques s’exprimaient notamment par le refus d’une promotion, jugée contraire aux intérêts du bénéficiaire.
49Juan de Padilla, originaire de Nazca, constitue en ce sens un cas emblématique. Après des études de droit à San Marcos de Lima et à l’université de Séville, Padilla parvient à obtenir la charge d’oidor du tribunal royal de Santa Fe en 162779. Démis de ses fonctions suite au rapport du visiteur Antonio Rodriguez de San Isidro80, oidor de l’Audiencia de Quito, Padilla voyage à Madrid pour défendre sa position. Il en repart avec le titre de fiscal du tribunal de Lima, en 163981. Dès 1640, il est promu au poste d’alcalde del crimen de Lima, alternative sans doute au poste d’oidor qu’il briguait, et pour lequel il avait proposé 14 000 pesos lorsqu’il séjournait à Madrid. Parvenu à la dignité d’alcalde del crimen, Padilla pouvait désormais espérer être nommé oidor de Lima, étape la plus logique du cursus honorum. Lorsqu’il se voit proposer la place d’oidor de Mexico, et non celle de Lima, en 1660, il refuse et demande sa retraite ; et lorsque le Conseil des Indes insiste et le nomme oidor surnuméraire du tribunal de Mexico trois ans plus tard, Padilla signifie à nouveau son refus d’accéder à une position aussi éloignée, et ce en dépit de l’injonction d’aller occuper sa place émise en 166682.
50À près d’un siècle de distance, le cas de Francisco Ignacio González Maldonado, oidor de Mexico à partir de 1786, évoque à bien des égards celui de Padilla. González Maldonado est né à Puebla en 1738 et a fait ses études au collège de San Ildefonso de l’université de Mexico, où il obtient le diplôme de docteur en droit canon en 1763. Reçu comme avocat par l’Audiencia de Mexico, il est ensuite promu à la charge d’oidor du tribunal royal de Manille, en 176883. Six ans plus tard, il est élevé au poste de fiscal du tribunal royal de Guadalajara84, ce qui lui permet, neuf ans après, d’accéder à la charge d’oidor de Mexico. Ayant « complété » sa carrière, González Maldonado refuse la prochaine promotion, qui lui est proposée presque en même temps que sa nouvelle charge d’oidor de Mexico, celle de fiscal de la Casa de la Contratación à Cadix. Préférant rester à Mexico, González Maldonado fait donc tout pour que sa nomination soit transformée en affectation au tribunal de Mexico, ce qu’il obtient en 179085.
51Ces deux cas sont loin d’être des exceptions, et l’on pourrait sans doute y ajouter bien d’autres exemples d’oidores préférant décliner une promotion plutôt que de quitter le lieu où ils ont construit leur famille, leurs alliances et leurs intérêts, à l’instar de Fernando de Velasco Gamboa86 ou Francisco de la Puente Ibáñez87 à Lima, ou encore José Joaquín Arias de Villafañe88 à Mexico. Certes, ces cas ne sont pas majoritaires, mais ils révèlent néanmoins de manière plus accusée, en raison de l’expression même du refus opposé à une décision royale, ce qui s’impose lentement comme la norme et les critères présidant à la circulation des cadres juridiques. Car ce que l’on peut clairement déceler dans cette conjonction entre la tendance à l’enracinement des acteurs et la logique géographique régissant la hiérarchie du prestige au sein du cursus honorum, c’est un net mouvement de polarisation. Celui-ci définit des zones nucléaires marquées par des circulations fréquentes et préférentielles, déterminant autant d’espaces pleins et, a contrario, d’espaces « vides ». En représentant cartographiquement les déplacements successifs de l’ensemble des trois cents dix juges contenus dans notre échantillon des individus ayant atteint la dignité de juge de Lima ou de Mexico entre 1557 et 1819, on peut en effet visualiser les contours de zones de forte intégration, déterminées par un ensemble de parcours récurrents, circulations qui suggèrent une claire hiérarchisation de l’espace.
52Sur les douze audiencias qui existaient en Amérique à la fin du xviiie siècle, la circulation des juristes semble en effet se faire de manière préférentielle entre certains lieux. En Nouvelle-Espagne, un premier axe très intégré lie, très tôt, les tribunaux de Mexico et de Guatemala, axe complété par le tribunal de Guadalajara, qui émerge peu à peu à partir de la fin du xvie siècle (cartes 23 et 24). À cet axe nord-sud vient s’ajouter, dès la fin du xvie siècle, un autre axe, est-ouest, reliant les tribunaux de Manille à Mexico, et qui se prolonge au cours des xviie et xviiie siècles par l’intégration progressive de Santo Domingo dans l’orbite des cursus honorum novohispanos. Ces deux axes constituent la zone de communication la plus dense, avec une intégration plus affirmée du premier autour du noyau dur formé par les audiencias de Guadalajara et de Mexico.
53Dans la vice-royauté du Pérou, on peut constater un phénomène de concentration comparable, dont l’emprise croît au cours de la période moderne (cartes 25 et 26). Ainsi, si au xvie siècle un fort lien semble caractériser les tribunaux de Santa Fe et de Lima, tandis que les autres tribunaux régionaux font figure de satellites, au xviie siècle, ce noyau premier se consolide avec un versant au nord, regroupant Panama, Quito et Santa Fe, et un versant au sud, caractérisé par le binôme Lima-Charcas (La Plata). Buenos Aires et Santiago constituent à l’époque une marche éloignée. Au xviiie siècle, enfin, l’émergence de l’importance relative de Santiago et, surtout, de Buenos Aires, voit également un certain recul de La Plata comme lieu de destination des juges.
54La concentration sur Mexico et sur Lima, la quasi-absence des Antilles, d’une grande partie de l’Amérique centrale et du Nord, ainsi que le caractère ouvertement périphérique de Caracas ou de Santiago du Chili sont peut-être un simple reflet de l’organisation des charges de judicature. Cependant, l’importance de ces fonctions pour l’articulation des territoires semble suggérer qu’il s’agit là d’indicateurs probants de la réelle capacité de la Couronne à gérer ses possessions américaines.
55Cette même tension est visible dans la circulation des cadres ecclésiastiques, et notamment des évêques. Les carrières des vingt-six évêques qui coiffent tour à tour la mitre de la ville de Panama entre 1576 et 179189 montrent en effet une circulation épiscopale qui ne quitte que très rarement les limites de l’ancienne vice-royauté du Pérou (de Panama à la Terre de Feu). Comme pour les magistrats des audiencias, cette géographie des circulations se maintient y compris après la fondation des vice-royautés de la Nouvelle-Grenade, en 1717 puis 1739, et du Río de la Plata, en 1776. Le tableau 9 révèle de plus que Panama semble se trouver dès la fin du xvie siècle au début d’un cursus honorum menant, dans le cas des plus belles carrières, à l’évêché de la capitale vice-royale, Lima. En effet, à l’exception de trois prélats ayant été promus pour la première fois à l’épiscopat dans une autre ville (Porto Rico en 1570 et 1593, Santa Marta en 1668), tous les autres évêques considérés semblent avoir coiffé pour la première fois la mitre lors de leur élévation à la tête du diocèse panaméen.
Tableau 9. — Cursus honorum des évêques promus au diocèse de Panama, 1566-1777
Évêques | Naissance-décès | Mitre 1 | Date | Mitre 2 | Date | Mitre 3 | Date | Mitre 4 | Date |
Francisco de Abrego, O.S. | ?-1574 | Panama | 1566 | — | — | — | — | — | — |
Manuel de Mercado Aldrete, O.S.H. | ?-1580 | Porto Rico | 1570 | Panama | 1576 | — | — | — | — |
Bartolomé Martínez Menacho y Mesa (Mechado) | 1517-1594 | Panama | 1587 | Santa Fe | 1593 | — | — | — | — |
Antonio Calderón de León | 1540-1621 | Porto Rico | 1593 | Panama | 1598 | Santa Cruz de la Sierra | 1605 | — | — |
Agustín de Carvajal, O.S.A. | 1558-1618 | Panama | 1605 | Huamanga | 1612 | — | — | — | — |
Francisco de la Cámara y Raya, O.P. | 1559-1624 | Panama | 1612 | — | — | — | — | — | — |
Cristóbal Martínez de Salas, O. Praem. | 1572-1640 | Panama | 1625 | — | — | — | — | — | — |
Hernando de Ramírez y Sánchez, O.SS.T. | 1580-1652 | Panama | 1641 | — | — | — | — | — | — |
Bernardo de Izaguirre de los Reyes | 1603-1670 | Panama | 1654 | Cuzco | 1662 | La Plata | 1669 | — | — |
Sancho Pardo Cárdenas y Figueroa | 1604-1671 | Panama | 1664 | — | — | — | — | — | — |
Lucas Fernández de Piedrahíta | 1624-1688 | Santa Marta | 1668 | Panama | 1676 | — | — | — | — |
Antonio de León y Becerra | 1631-1708 | Panama | 1672 | Trujillo | 1676 | Arequipa | 1677 | — | — |
Diego Ladrón de Guevara | 1640-1718 | Panama | 1689 | Huamanga | 1699 | Quito | 1717 | — | — |
Juan de Argüelles, O.S.A. | 1659-1719 | Panama | 1699 | Arequipa | 1711 | — | — | — | — |
Juan José de Llamas y Rivas, O. Carm. | 1659-1719 | Panama | 1714 | — | — | — | — | — | — |
Bernardo de Serreda y Villate, O. Carm. | 1672-1733 | Panama | 1721 | Cuzco | 1725 | — | — | — | — |
Agustín Rodríguez Delgado | 1674-1746 | Panama | 1725 | La Paz | 1731 | La Plata | 1741 | Lima | 1746 |
Pedro Morcillo Rubio de Auñón | 1684-1747 | Panama | 1731 | Cuzco | 1742 | — | — | — | — |
Juan de Castañeda Velásquez y Salazar | 1683-1762 | Panama | 1742 | Cuzco | 1748 | — | — | — | — |
Felipe Manrique de Lara | 1683-1763 | Panama | 1749 | Huamanga | 1750 | — | — | — | — |
Valentín Moran Menéndez, O. de M. | 1694-1766 | Panama | 1750 | Canarias | 1751 | — | — | — | — |
Francisco Javier de Luna Victoria y Castro | 1695-1777 | Panama | 1751 | Trujillo | 1758 | — | — | — | — |
Juan Manuel Jerónimo de Romaní y Carrillo | 1675-1768 | Panama | 1758 | Cuzco | 1763 | — | — | — | — |
Miguel Moreno y Ollo | 1714-1780 | Panama | 1763 | Huamanga | 1770 | — | — | — | — |
Francisco de los Ríos y Armengol, O.P. | 1720-1776 | Panama | 1770 | — | — | — | — | — | — |
José Antonio Humeres y Miranda | 1715-1791 | Panama | 1777 | — | — | — | — | — | — |
56Les cursus honorum de ces évêques ayant eu Panama comme premier lieu d’exercice de leur charge pastorale (carte 27) montrent ainsi une claire intégration du diocèse dans l’orbite des Andes centrales, à l’exclusion des autres régions du sous-continent. Ces liens sont manifestes avec les évêchés de Cuzco, destinée ultérieure de pas moins de cinq anciens évêques de Panama, et de Huamanga (actuelle ville d’Ayacucho), diocèse où continuent leur carrière quatre autres prélats.
57Seuls deux prélats pendant ces deux cents vingt-deux années sont promus ailleurs, l’un à Trujillo et l’autre à Carthagène. Le circuit Haut-Pérou, Callao, Panama, par où transitaient les richesses péruviennes vers l’Espagne, semble ici marquer de son empreinte la circulation des hommes d’Église. En ce sens, lorsqu’à deux reprises, en 1741 et en 1750, deux prélats promus à Panama refusent d’occuper leur charge, on peut considérer que ces refus constituent un témoignage supplémentaire de la décadence du circuit commercial dont Panama était le cœur au siècle précédent90.
58Les parcours successifs des prélats étant parvenus à la dignité archiépiscopale de Lima corroborent par ailleurs cette forte intégration andine (avec un clair axe Santa Fe, Quito, Pérou [Lima-Cuzco-Arequipa] et Haut-Pérou [La Paz-La Plata-Santa Cruz]) [carte 28]. Le rôle de capitale vice-royale de Lima ouvre cependant davantage le spectre et inclut les terres australes (Córdoba du Tucumán, Concepción au Chili) tout en intégrant la prélature liménienne dans un cursus honorum comprenant exceptionnellement des sièges en métropole (Badajoz pour Diego Gómez de Lamadrid en 1578, ou Grenade pour Pedro Antonio de Barroeta en 1757).
59Par ailleurs, si seuls dix évêques meurent pendant l’exercice de leur charge pastorale après de longues années (plus de onze ans en moyenne), le temps moyen passé à la tête de l’évêché pour l’ensemble des prélats reste élevé, et se situe autour de huit ans (graphiques 1 et 2). La continuité de l’encadrement semble donc être ouvertement recherchée. Or, ces longs séjours pouvaient également susciter l’établissement de forts liens sur place, intégrant de la sorte les prélats dans les dynamiques locales. Ces liens étaient d’autant plus forts que les évêques, voyageant rarement seuls, récompensaient bien souvent dans leur lieu d’affectation la fidélité des membres de leur suite91, et constituaient de la sorte une clientèle qui les immergeait d’emblée dans des relations de services rendus et d’obligations. Ainsi, lorsque Toribio Mogrovejo voyage en 1580 au Pérou pour assumer sa charge d’évêque de Lima, il obtient l’autorisation (licencia) d’être accompagné de vingt-deux « criados » et demande dans une pétition ultérieure à ce que les membres de sa suite reçoivent des solares et des terres leur permettant de s’établir au Pérou92. Parmi eux se trouvaient sa sœur, Grimanesa, le cousin et mari de cette dernière, Francisco de Quiñones, ses neveux Antonio, Beatriz et Mariana, son valet Sancho Dávila (« Sanchico »), et son secrétaire, don Antonio de Balcázar. La dignité de son beau-frère évêque, autant que sa feuille de services, ont ainsi joué un rôle important dans la carrière de Francisco de Quiñones93, nommé corregidor de Lima dès 1583, et maestre de campo del reino en 158894. Si la suite de Mogrovejo est peut-être au-dessus de la moyenne, le nombre d’accompagnateurs des évêques semble se trouver habituellement autour de sept à huit personnes, parmi lesquelles figuraient bien souvent des membres de la parentèle95.
60À Quito, le cas spectaculaire des García de León y Pizarro montre à quel point les différentes hiérarchies administrative et ecclésiastique conjuguées pouvaient constituer un puissant outil d’enracinement, de contrôle (et d’autonomie !) locale. Il s’agit en même temps d’un exemple qui témoigne de la complexité née de l’éloignement des centres de pouvoir entre eux.
61La nomination en 1776 de José de Gálvez, ancien visitador de la Nouvelle-Espagne, comme secrétaire d’État du Despacho universal de Indias (Bureau des affaires des Indes), résultait de la volonté de la Couronne, après la guerre de Sept Ans, de répondre à l’urgence manifeste d’une meilleure gestion et d’une défense plus efficace des territoires américains. José de Gálvez choisit alors parmi son entourage des hommes qui lui étaient personnellement attachés afin de les envoyer dans les différents territoires américains comme visitadores96. Or, José García de León y Pizarro, fiscal du tribunal de Séville à l’époque, faisait partie de sa clientèle97. Dès 1776, García de León est envoyé à Quito avec des pouvoirs très étendus, puisqu’il s’y rend comme président-régent de l’audiencia, visiteur général, surintendant de Real Hacienda et capitaine général, charges qu’il occupe jusqu’en 1784. Sa position lui permet alors d’« aider » la carrière de son frère Ramón García de León y Pizarro, ingénieur militaire né et formé au préside d’Oran, en Afrique du Nord, qui était depuis 1773 sergent-major des milices disciplinées de Carthagène des Indes. Dès 1777, en effet, celui-ci est promu gouverneur intérimaire de Riohacha, puis gouverneur et commandant général de Maynas, sur le versant amazonien de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade98, avant de prendre durant près de dix ans le gouvernement de Guayaquil, entre 1779 et 1790. De surcroît, lorsqu’en 1784 José García de León quitte sa charge, c’est son gendre, Juan José Villalengua y Marfil, qui prend sa suite à la tête de l’audiencia, et ce jusqu’en 1789, tandis que le cousin germain de ce dernier, José Carrión y Marfil, était élevé au diocèse de Cuenca (1787-1799). À la fin des années 1780, par conséquent, les membres de cette famille accaparaient les charges les plus élevées de la région… et en tiraient de grands bénéfices99.
62Les accusations de corruption et d’abus n’ont pas tardé, et en 1788 débute un procès contre les García de León et leur clientèle, accusés de monopoliser de manière illicite le commerce du cacao de la région100. L’affaire se solde dans un premier temps par la victoire légale du « réseau », mais il est révélateur que la Couronne ait eu à cœur, par la suite, de le démanteler en éloignant de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade ses principaux membres101, aveu s’il en est des dérives de l’enracinement et de l’intéressement des agents de la monarchie sur les juridictions qu’ils étaient censés administrer.
63Cette tendance à l’implantation locale de magistrats, de prélats et d’autres fonctionnaires de la Couronne (gouverneurs, visiteurs) et ses dérives étaient une préoccupation constante qui explique l’insistance avec laquelle les monarques ont interdit l’établissement de liens matrimoniaux ou de compérage avec des naturels des territoires d’affectation, car dans le contexte américain, ces liens comportaient un danger politique majeur. En effet, si la distance était la première ennemie de la Couronne par les risques d’indiscipline qu’elle comportait — les révoltes contre les Leyes Nuevas (1542) n’ont pris les proportions d’une guerre civile au Pérou que parce que Lima se trouvait très loin de Séville et des ordres du roi102 —, l’enclavement des communautés urbaines entre elles, et le petit nombre de leurs habitants, en était une autre, et de taille.
64Main-d’œuvre, eaux, terres et mines étaient l’assise fondamentale de la richesse aux Indes. L’exploitation dans l’agriculture et dans les mines du travail des Indiens tributaires, des Noirs esclaves ainsi que de la masse des sans-terres, quelles qu’aient été leurs assignations phénotypiques, constituait l’un des socles sur lesquels se bâtissaient les grandes fortunes américaines. L’approvisionnement de toutes ces activités en denrées alimentaires et en biens manufacturés locaux ou importés, en était l’autre. Or, dans chaque contexte, la terre, les moyens financiers — c’est-à-dire aussi bien l’accès au numéraire qu’au crédit —, la main-d’œuvre d’encomienda — servile ou salariée, afin d’exploiter les mines et de mettre en valeur les propriétés agricoles —, les contacts avec le commerce local et extérieur permettant d’écouler la production étaient l’objet d’âpres luttes, liées notamment aux possibilités d’accéder à des marchés locaux, régionaux, continentaux ou intercontinentaux, d’où émergeaient de petits groupes de notables et de ploutocrates103. Invariablement, ces petits groupes ou ces individus tentaient de consolider et de minimiser les risques de leur situation en essayant de contrôler l’institution gérant les terres, les eaux et le barème des prix et des salaires, la corporation municipale. L’appartenance à celle-ci n’était pas seulement synonyme de pouvoir factuel et de prestige, mais ses membres étant élus par cooptation, elle était également le signe d’une reconnaissance à l’échelle locale. Que les minorités qui y parvenaient aient fini par constituer des factions, voire aient réussi à contrôler largement le pouvoir local, est un lieu commun d’une bonne partie de la littérature sur les municipalités dans le monde ibérique. Or, l’alliance de ces groupes urbains avec d’autres sièges de pouvoir, la magistrature, l’Église ou le pouvoir politique régional, augmentait les possibles velléités d’autonomie ou de désobéissance, menant à une subordination de l’action du monarque aux équilibres socio-politiques locaux, comme l’illustre le cas des García de León y Pizarro104. L’isolement des villes américaines et les vastes étendues théoriquement sous leur contrôle ne faisaient qu’aggraver les possibles conséquences d’un tel degré de liberté.
65On comprend dès lors que la Couronne n’ait eu de cesse de légiférer contre les unions entre hauts fonctionnaires et familles locales, conçues comme autant de collusions, car elles constituaient ouvertement une question majeure de gouvernance. Le fait que pendant un siècle, entre 1575 et 1676, les lois en ce sens se soient succédé et répétées montre qu’en la matière, la pratique était bien souvent tout autre105. La demande d’autorisation pour de telles alliances — très souvent monnayées — est alors devenue l’une des manières de régulariser cette situation, à l’image de Cristóbal Pérez Arroyo, fiscal de l’Audiencia de Manille, qui obtient en 1740 l’autorisation d’épouser une femme « naturelle de la juridiction » en récompense de ses mérites… et de la somme de 750 pesos fuertes106.
66De surcroît, le recours à la vénalité de charges de judicature — notamment à partir du règne de Charles II, pendant lequel les concessions de places de juge surnuméraire contre bénéfice pécuniaire ont été très nombreuses —, semble entériner « l’impossible isolement » des juges de l’audiencia par rapport à leurs administrés, tout comme elle signe la puissance acquise par les oligarchies locales107. La plupart de ces charges étaient en effet consenties à des notables créoles, le plus souvent originaires des villes où se trouvaient les tribunaux convoités, ce qui rendait totalement caduque toute exigence d’indépendance par rapport aux intérêts locaux108.
67Licence de contracter un mariage local et vénalité des charges constituaient ainsi deux facettes d’un même phénomène d’enracinement, et cela explique que les deux démarches concernaient bien souvent une même personne. Don José de Miranda Villaizán, créole de Huejotzingo (Puebla) obtient de la sorte en 1691 le titre d’oidor surnuméraire de Guadalajara (Nouvelle-Galice) moyennant un servicio de 8 000 escudos — soit 10 000 pesos de a ocho —, et en 1709, doit à nouveau monnayer l’autorisation d’épouser une femme de la région — la fille de don Juan de Olinde, propriétaire de l’hacienda San Juan de los Cedros au real de minas de Mazapil —, qu’il obtient « en récompense d’avoir conduit à ses frais en Espagne 2 000 pesos et 50 supplémentaires correspondant au droit de media anata109 ».
68La perpétuation de la vénalité des charges sous Philippe V110 corrobore par ailleurs le dilemme face auquel se trouvait la Couronne, puisque les détenteurs des moyens financiers dont elle avait besoin dans une période de belligérance accrue — et partant d’importantes nécessités financières — étaient en même temps ceux qui contrôlaient et qui connectaient les différents pôles de cet Empire éclaté.
Notes de bas de page
1 Voir ci-dessus, chap. iv.
2 Voir Zuñiga, 2007.
3 Les relations entre les marchands du Sud de la Chine et les Philippines sont attestées depuis le xe siècle, mais ce n’est qu’en 1567, sous les Ming, que le commerce entre les provinces du Sud (Zhejiang, Guangdong et Fujian) et les Philippines est autorisé par l’empereur Longqing. Voir Ollé, 2002 ; Yap, 1998, pp. 56-59.
4 Martínez Esquivel, 2018.
5 Chassé de Canton, Alfaro est accueilli avec beaucoup de circonspection par les Portugais de Macao. Les tracasseries des autorités de la ville le poussent alors à se diriger vers Goa. Cervera Jiménez, 2014.
6 Selon Martín Ignacio, les franciscains de Macao se seraient vu signifier par les Portugais l’ordre du vice-roi de l’Inde n’autorisant qu’aux seuls jésuites l’accès à la Chine et au Japon. « Carta de agustinos y franciscanos », AGI, Filipinas, 79, N.16.
7 « Consulta y nombramiento », AGI, Filipinas, 1, N.31 ; « Real provision » sur les rentes du diocèse, AGI, Buenos Aires, 1, L.4, fo 187ro ; « Real provision » sur la possession du diocèse, AGI, Buenos Aires, 1, L.4, fos 188vo-189ro.
8 Omaecheverria, 1949 ; Mateos, 1956 ; Gómez Platero, 1880 ; Alcedo, Diccionario geográfico-histórico, t. IV, p. 74.
9 « En lo que toca a mi hermana […] que le ruego me haga merçed que dé otro salto como de Arjona a Sevilla, y se venga aca a descansar, porque aca terna [sic] mucho mas descanso que alla, e mas buena vejez. » (« Lettre de Luis de Córdoba », écrite le 15 février 1566, publiée par E. Otte dans Jahrbuch für Geschichte, p. 34.)
10 Diego González Altamirano est oidor de Lima de 1551 à 1558, puis, après un retour en Espagne pendant près de dix ans, est nommé alcalde del crimen de Lima en 1568. Son fils, Blas de Torres Altamirano, a été oidor de Lima de 1622 à 1639.
11 Il avait été désigné capitán general de la Armada de Indias par le marquis de Montealegre. « Relación de méritos », AGI, Indiferente, 117, N.19.
12 Ibid. ; « Relación de méritos y servicios de D. Manuel Antonio Gutiérrez », AGI, Indiferente, 128, N.46 ; « Nombramiento de Diego Altamirano de los Ríos », AGI, Contratación, 5794, L.2, fos 125vo-128vo et « Autos sobre los bienes », AGI, Contratación, 456, N.12 ; chevalier de l’ordre de Saint-Jacques, 1666, « Expediente para la concesión », AHN, OM-Expedientillos, N.4098 et « Pruebas para la concesión », AHN, OM-Caballeros Santiago, exp. 301.
13 En réalité, Hernando était le petit-fils de Diego Agundez, marchand de Mexico, et l’arrière-petit-fils de Pedro Martín Aguado, conquistador de la Nouvelle-Galice.
14 « Memorial del alférez Hernando de Mújica », AGI, Filipinas, 37, N.15.
15 « Real provisión », AGI, Indiferente, 450, L.A4, fos 132-134vo ; « Nombramiento de Hernando de Mújica », Contratación, 5788, L.2, fos 133-135 ; « Hernando de Mújica », AGI, Contratación, 5355, N.19.
16 « Relación de méritos », AGI, Indiferente, 150, N.36.
17 Millan López Pérez, son père, était arrivé au Chili dans l’armée au tournant des xviie et xviiie siècles. Il épousa par la suite doña María Lisperguer Aguirre, créole au large réseau local. Il fut regidor de Santiago en 1704, puis alcalde en 1719. Il possédait des terres à Colchagua, région dont il fut le correigidor. Voir Colección de historiadores, vol. 44 (1697-1705), vol. 47 (1714) et vol. 50 (1715-1722).
18 Voir McFarlane, 2001, chap. ix.
19 « Residencia formada a José López Lisperguer », AHN, Consejos, 20367, exp. 3 ; « Carta de José Diguja », AGI, Quito, 239, N.16 (1772).
20 Avec une période 1506-1550 marquée par une émigration modérée (autour de 1 000 migrants par an), suivie d’un pic entre 1550 et 1625. Mörner, 1976, p. 767 ; chiffres corrigés par Antonio Domínguez Ortiz et Vicente Pérez Moreda. Voir Pérez Moreda, 1988, vol. 1, p. 379.
21 Ce chiffre est une estimation très approximative. Jadis très sous-estimée, l’émigration du xviiie siècle, en particulier après 1765 et l’ouverture d’autres ports que Cadix au commerce américain, semble avoir provoqué un important flux de migrants. Antonio Macías Hernández se limite cependant à affirmer que l’émigration du xviiie siècle « a été bien plus importante que celle du xvie siècle » (Macías Hernández, 1991, p. 38). Pour un point sur cette question au xviie siècle, voir Zuñiga, 2002, pp. 28-36.
22 Voir notamment Gil-Bermejo García, 1983 ; Mira Caballos, 2000.
23 Renaud Morieux (université de Cambridge) et moi-même avons organisé en septembre 2011, à l’EHESS, un colloque concernant ces questions, intitulé Circulation et coercition. Mobilités contraintes et captivité de guerre, xvie-xxe siècles.
24 Sur les « circulatory regimes », voir Markovits, Pouchepadass, Subrahmanyam (éd.), 2006, « Introduction », pp. 1-22. Nous ne partageons cependant pas l’idée selon laquelle la circulation ou les « régimes de circulation » modèlent la société. Il nous semble, au contraire, que ce sont les forces travaillant une société donnée qui déterminent et modèlent des types spécifiques de circulation qui, en retour, contribuent à la façonner.
25 Voir à ce sujet les remarques exprimées par la rédaction des Annales, 56 (1), 2001, pp. 3-4, dans le commentaire préliminaire introduisant le dossier « Une histoire à l’échelle globale ».
26 Voir Gruzinski, 2004 ; Mazín (éd.), 2000.
27 Voir Suárez, 2001.
28 Otte, 1977 ; Ortiz de la Tabla Ducasse, 1985.
29 Monségur, Mémoires du Mexique.
30 Romano, 2006, « Prólogo » ; Schlüpmann, 2002.
31 Torre Curiel, 2010.
32 Langue, 1999.
33 L’ethnonyme (« peuples sauvages » en náhuatl) recouvre en fait différents groupes de chasseurs-cueilleurs des régions septentrionales de la Nouvelle-Espagne.
34 L’idée d’une « conquête évangélique » surgit de la défaite des défenseurs des Indiens après la Junta de Burgos (1511), la même qui met en place le système juridique du requerimiento. L’idée consiste à établir un modèle de conquête alternatif, car celui qui avait été suivi jusqu’alors se caractérisait par un rapport de forces mettant le roi face à des encomenderos de plus en plus puissants et frondeurs : la mission pacifique apparaît dès lors comme un moyen d’annexer des sujets directement à la Couronne, sans la médiation des encomenderos. Hanke, 1949, pp. 31-38 et 72-82 ; Mires, 1987, p. 60.
35 Voir Zuñiga, 2002, pp. 71-73 ; Díaz Blanco, 2010.
36 Deux révoltes (2e et 3e guerres calchaquies), l’une entre 1624 et 1635, l’autre entre 1658 et 1667 — qui se solde par la déportation des rebelles —, marquent l’histoire de ces vallées au xviie siècle. Voir Zuñiga, inédit ; Piossek Prebisch, 1983 ; Torreblanca, Relación histórica de Calchaquí ; Palermo, Boixadós, 1991 ; Lorandi, 1997 ; Giudicelli, 2009.
37 Sur ces questions, voir notamment Domínguez Rascón, inédite, chap. ii ; Arnal, 2006.
38 Date de création dans les faits, puisque le brevet de fondation avait été approuvé dès 1769. La finalité du brevet (cédula) de nomination de Théodore de Croix comme commandant général était de lui accorder une juridiction militaire s’étendant sur « les gouvernements subalternes de Coahuila, Texas et Nouveau-Mexique avec leurs forts et tous les autres se trouvant sur la ligne qu’ils forment depuis le golfe des Californies jusqu’à la baie du Saint-Esprit » (« los Gobiernos Subalternos de Coaguila, Texas y Nuevo México con sus presidios y todos los demás que se hallan situados en el cordón o línea establecida de ellos desde el golfo de Californias [sic], hasta la Bahia del Espíiritu Santo »). Voir article 1 du « Real decreto » du 16 mai 1776 et « Real cédula » du 22 août 1776, cité par Navarro García, 1964, p. 275.
39 Dans ces deux cas, les Indiens missionnés n’étaient pas encore des tributaires.
40 En effet, les envois de religieux d’Espagne ne sont financés par la Couronne que s’ils sont expressément destinés à des activités missionnaires. Borges Morán, 1977, p. 477.
41 Id. (dir.), 1992, vol. 1, pp. 457-470.
42 La mise à mort de fray Francisco de Córdoba et du frère lai Juan Garces (O.P.) à Cumaná en 1516, ou celle de fray Juan Calero et ses compagnons (O.F.M.) à Ezatlán en 1541, tout comme celle des franciscains des missions de Tolomato, Tupiqui, Santa Catalina et Santo Domingo en Floride, en 1597, alimentent le martyrologe américain. Voir Torquemada, Los veinte i un libros rituales ; Oré, Relación de los mártires ; Larson, 1994, pp. 120-140 ; Roze, 1878, chap. iii.
43 La révolte des populations autochtones du Chili austral, débutée en 1598, rase tous les établissements espagnols au sud du fleuve Biobío. Ces régions deviennent ainsi un territoire indépendant et interdit aux Espagnols : les jésuites Vecchi, Aranda Valdivia et Montalban sont tués dans ce contexte en 1612 ; au Tucumán, la révolte calchaquie de 1630, à laquelle se joignent des peuples des plaines de La Rioja, mène pour sa part à la mort des mercédaires fray Antonio Torino et fray Pablo Valero en 1632 ; la révolte des Pueblos du Nouveau-Mexique, entre 1680 et 1692, se traduit quant à elle par la mort de près de trente franciscains des missions de Picuries, Taos, Quéres et Pecos. Voir Blanco, 1937 ; Lozano, Historia de la conquista del Paraguay, t. IV, pp. 435 et 455 ; Preucel (éd.), 2002.
44 1637 marque en effet la date de l’attaque des peuples Ashaninka ou Campa contre la mission franciscaine de Quimiri, et 1766 celle de la destruction des missions franciscaines du Haut-Ucayali (mission de Manoa) par les peuples de langue pana (Setebo, Shipibo, Conibo, Piro). Voir Izaguirre, 2001, vol. 1 ; Calero y Moreira, Mercurio Peruano, t. II, fos 137 sqq. ; Brown, Fernández, 1991, pp. 19 sqq. ; Santos Granero, 1992, pp. 227 sqq.
45 « No remito en esta ocasion nada, respecto de solo hir [sic] en esta sazon una sola fragata francessa, y haberse suspendido la marcha de la Nav […], la q siempre q salgan esta [sic] no perdere tan buena ocasion, como pareze la q de haora desconfio en algo, no ostante de ser una enbarcazn bastante fuerte para su tamaño y belera q es en lo que fundan su maior confianza, los q se determinan a marchar en hella, pero yo q tengo poca lana, no la quiero abenturar en esta zarra [sic], y espero otra, a a lo menos parezca mas segura. » (« Francisco de Ugarte a don Gaspar de los Reyes », lettre écrite à La Havane, le 15 novembre 1746, NA, HCA 30/250.)
46 « E mercado una poca de ropa q me asia farta como Vmd no ynora q no la traxe sobrada pues me allo por la presente con ropa cara cubierto de prata para mi uso mi guego [sic] de ebillas y unos — 80 — peso [sic] pues de buena gana remitiera la mita pero le temo a estas [sic] gera [sic] sel la enbarcasion pesada en done podia remitilos que es en la princesa con nuestro amo pedro moreno pero en otra ocasion q ayga conbeniente no me escusare. » (« Lettre de Joseph Sasio à Domingo et María Sasio », NA, HCA 30/250.)
47 Ce qui représente, pour les quatre flottes parties entre 1701 et 1714, soixante-et-onze navires pour un total de 11 571 tonnes, soit une moyenne de cinq navires et demi et 979 tonnes par an. Voir García-Baquero González, 1992.
48 Id., 1976, p. 173.
49 Ibid. ; Alfonso Mola, 2002.
50 Boyd-Bowman, 1976 ; Eiras Roel (éd.), 1991 ; Martínez Shaw, 1980 ; Delgado Ribas, 1982.
51 Aramburu Zudaire, Usunáriz Garayoa, 1991 ; Gómez Prieto, 1991. Pour le lien entre « basquitude » et hispanité, voir Saez, 1989, pp. 28-29.
52 Diáz-Trechuelo, 1991.
53 Márquez Macías, 1995, p. 134.
54 Zuñiga, 2002, chap. xii.
55 Bertrand, 1999 ; Amores Carredano, 1995 ; Flores Galindo, 1984 ; Ramírez, 1986 ; Rizo-Patrón Boylan, 2001.
56 Lamikiz, 2007.
57 Caro Baroja, 1969 ; Imízcoz Beunza, 2008 ; Chaparro Sainz, 2011.
58 Sur l’importance des réseaux dans les configurations impériales, notamment du point de vue de l’analyse du « discours gouvernemental » sur l’Empire britannique au xixe siècle, voir Lester, 2001 et, plus attentive aux contextes locaux de l’Empire britannique, Glaisyer, 2004, pp. 451-476. Pour l’exemple d’une communauté chinoise transnationale, entre Hokkiens et Philippines, au tournant des xixe et xxe siècles, voir Wilson, 2004. Pour l’Empire hispanique, voir notamment Córdoba Ochoa, 2009 ; Centenero de Arce, 2012.
59 « Parece que haviendo hablado en las descripciones dadas en la primera parte del vecindario que encierran las ciudades por donde transitamos antes de llegar a Lima, bastaría lo dicho para que no fuera necesario volver a tocar este punto, pero, como sean tan varias las costumbres y usos de los países que, aunque tengan alguna semejanza entre sí, nunca dexan de diferir en muchas cosas, es más sensible esta variedad en aquel continente , donde, mediando distancias tan grandes de unas a otras [villes], hacen que los modales admitan distinguida alteración y no convengan los genios y propiedades de unas gentes con los de otros. » (Juan, Ulloa, Relación histórica del viaje, t. III, part. II, livre I, chap. v, p. 67 ; nous soulignons.)
60 Jacques Soubeyroux précise à ce sujet que « la majorité des séminaristes appartient à la petite noblesse de province [provenant] pour l’essentiel du Pays basque ou des colonies américaines » (« la mayoría de los seminaristas pertenecen [sic] a la pequeña nobleza provinciana, esencialmente del país vasco, o de las colonias americanas », Soubeyroux, 1995, p. 205).
61 Sigüenza y Góngora, Teatro de virtudes políticas.
62 Voir par exemple « Loa y explicación de las empresas » ainsi que « Nuevo Ulises delineado », pp. 178 et 180.
63 Sebastián, 1991, chap. i.
64 Sur la question de la centralité ou de la structuration polycentrique de l’Empire, voir Elliott, 1992 ; Fernández Albaladejo, 1992 ; Cardim, Herzog, Ruiz Ibáñez, Sabatini (éd.), 2012.
65 Sur l’importance de la mobilité des hommes, et des juristes notamment, voir Zuñiga, 2008.
66 Sur cette question, qui dépasse le cadre de la présente étude, voir notamment les travaux de Cutter, 1995 ; ou, pour le Brésil, França Paiva, 2003.
67 Le corregidor est un représentant du roi à l’échelon local (municipal). Il a charge militaire et de justice dans une ville et sa juridiction. En Nouvelle-Espagne il reçoit le titre d’alcalde mayor.
68 Les quatre collèges de Salamanque, celui de San Ildefonso à Alcalá et celui de Santa Cruz à Valladolid. Voir notamment Kagan, 1981.
69 Ce pourcentage s’élève à près de 25 % si l’on compte tous les juristes en poste aux Indes ayant suivi une formation dans une université castillane. Barrientos Grandón, 2000b, p. 505.
70 Ibid., p. 522.
71 Gómez González, 2003, pp. 108 sqq.
72 Les audiencias pouvaient être présidées par les vice-rois, par les gouverneurs (tribunaux prétoriaux n’étant pas subordonnés aux vice-rois) comme dans le cas des tribunaux du Chili, de Guatemala, de Manille ou de Santo Domingo, ainsi que ceux de Buenos Aires et de Santa Fe de Bogota, avant que n’aient été érigées les vice-royautés de Nouvelle-Grenade (1739) et de Buenos Aires (fondation de l’audiencia, 1785). Les autres tribunaux (Caracas, Charcas, Cuzco Guadalajara, Quito, Panama), subordonnés à l’autorité vice-royale, étaient présidés par un président letrado. Voir Ots Capdequi, 1945, pp. 356 sqq.
73 Voir Barrientos Grandón, 2000a, p. 138 et « Expediente de información », AGI, Contratación, 5507, N.1, R.3, licence pour passer aux Indes de Domingo de Arangoiti.
74 « Memorias de los bienes », AGN Mexico, Real Audiencia, Intestados 063, Contenedor 029, vol. 48, exp. 6.
75 « Fallecimiento del señor d. Domingo de Arangoiti », AGN Mexico, Instituciones coloniales, Ayuntamiento, Ayuntamientos, 010, Contenedor 78, vol. 224.
76 Date de son baptême (10/10/1666) ; « Libro de bautismos », Archivo Arzobispal de Lima (AAL), Parroquia de Santa Ana, libro no 1, p. 280.
77 Son père, José de Alzamora, d’abord capitaine de la flotte de Terre-Ferme (1660) puis général de la Armada de la mar del Sur, avait une longue expérience de Panama, raison pour laquelle il avait été nommé gouverneur président intérimaire de l’audiencia en 1681. Voir « Real cédula », AGI, Panama, 239, L.18, fos 113ro-114vo et AGI, Panama, 231, L.8, fos 281vo-282ro ; « Relación de méritos », AGI, Indiferente, 139, N.107 (généalogie) et AGI, Indiferente, 130, N.27 (méritos) ; « Residencia », AGI, Escribanía de Cámara, 462 C (residencia de sa charge d’oidor).
78 Barrientos Grandón, 2000a, pp. 116-117 ; Real Academia de la Historia, Diccionario biográfico, « Alzamora » [disponible en ligne].
79 « Nombramiento de Juan de Padilla », AGI, Contratación, 5793, L.1, fos 481-482.
80 « Carta de Antonio Rodríguez », AGI, Santa Fe, 57, N.3.
81 « Real cédula », AGI, Contratación, 5421, N.52.
82 Barrientos Grandón, 2000a, p. 1092 ; Real Academia de la Historia, Diccionario biográfico, « Padilla » [disponible en ligne].
83 « Expediente de información », AGI, Contratación, 5513, N.1.
84 « Expediente de información », AGI, Contratación, 5523, N.2, R.45.
85 « Permuta de oficio », AGI, Contratación, 5786, L.3, fos 180ro-180vo ; « Expediente de información », AGI, Arribadas, 516, N.9.
86 Originaire de Santa Fe, où il est né vers 1597, Fernando de Velasco était le fils du trésorier royal de la ville, Martin de Berganzo y Gamboa. Il fait des études de droit à Salamanque et le Conseil des Indes le nomme oidor de Manille en 1637. Velasco décline cette charge, espérant sans doute des fonctions plus près de Santa Fe ; il obtient en effet la charge d’oidor de Quito quelques années après, en 1642. Par la suite, sa carrière le mène de Santa Fe à Quito, et de Quito à Lima. Barrientos Grandón, 2000a, pp. 1544-1545 ; Real Academia de la Historia, Diccionario biográfico, « Velasco Gamboa » [disponible en ligne].
87 Fils du général Lorenzo de la Puente, prior du consulat de commerce de Lima, et de María Ana Ibáñez de Segovia, fille du premier marquis de Corpa, Francisco de la Puente Ibáñez fait des études de droit à Lima entre 1737 et 1742. Après ses études, il se rend à la cour où il achète, en 1746, la charge d’alcalde del crimen surnuméraire de Lima pour la somme de 27 000 pesos. En 1776, il est nommé oidor doyen du tribunal de Santiago du Chili, nomination qu’il refuse au prétexte qu’elle l’éloignait de sa famille et de ses affaires, toutes sises dans la région de Lima, et préfère garder sa fonction d’alcalde del crimen de Lima… L’année suivante, il obtient la position tant convoitée. Voir « Manuel de Guirior », AGI, Lima, 654, N.156 ; Barrientos Grandón, 2000a, pp. 1196-1197 ; Real Academia de la Historia, Diccionario biográfico, « de la Puente » [disponible en ligne].
88 Fils d’un avocat et assesseur du corregidor de Mexico, José Joaquín Arias fait des études de droit à Mexico entre 1754 et 1761. Il est nommé asesor letrado des milices de Toluca en 1771 et paye, la même année, la somme de 12 120 pesos pour la charge de escribano mayor de cámara de la sala del crimen du tribunal de Mexico. Il se rend alors à la cour, où il pense pouvoir obtenir une position. Pendant son séjour, le Conseil lui propose tour à tour de le désigner en tant qu’assesseur près de l’intendant du Paraguay, puis comme oidor du tribunal de Quito (1798). Arias refuse toutes deux propositions. En 1800, il obtient enfin la charge d’alcalde del crimen du tribunal de Mexico, ville où il poursuit son cursus honorum jusqu’à la fin de sa carrière.
89 D’abord dans la vieille ville de Panama, puis dans la nouvelle fondation consacrée en 1673. Alcedo, Diccionario geográfico-histórico, t. IV, pp. 34-38. Voir annexes.
90 Il s’agit de fray Diego de Salinas y Cabrera, O.S.A. (1691-1764), provincial des augustins du Chili et leur procureur à Rome en 1733. Il est promu à la mitre de Panama en 1741, mais refuse et reste à Rome où il est élu assistant général de l’ordre. Felipe Manrique de Lara (1683-1765), liménien, doyen de la cathédrale de Lima et commissaire du droit de Cruzada (1746), refuse quant à lui l’évêché de Panama en 1750, lui préférant celui de Guamanga. Voir Medina, 1906, p. 798 ; Tauro, 1966-1967, vol. 2, p. 300.
91 C’est le cas de fray Juan Pérez de Espinoza, désigné évêque de Santiago du Chili en 1601, qui arrive accompagné de son neveu, Tomas Pérez de Santiago, qu’il parvient à nommer sacristain de la cathédrale, puis recteur du séminaire, puis chanoine et proviseur (juge ecclésiastique à qui l’évêque délègue son autorité et sa juridiction). Voir Medina, 1906.
92 « Expediente de información », AGI, Contratación, 5229, N.1, R.5 ; « Disposición sobre », AGI, Patronato, 248, R.2.
93 « [Carta del obispo Mogrovejo al rey] » (AGI, Patronato, 248, R.11), rappelant ses précédents courriers où il vantait les mérites de son cousin et beau-frère Francisco de Quiñones. Il le recommande pour un gouvernement au Pérou et un « habito de Santiago » (« un uniforme [c’est-à-dire l’entrée] dans l’ordre militaire de Saint-Jacques »).
94 « Relación de méritos », AGI, Lima, 208, N.26.
95 Le nombre moyen d’accompagnateurs tourne autour de sept criados et deudos. Moyenne établie à partir des suites de dix des quatorze évêques de Panama venus directement d’Espagne entre 1605 et 1777. Les onze autres évêques étaient créoles de la vice-royauté du Pérou. Les exemples de Lima semblent corroborer la norme. « Expediente de información », AGI, Contratación, 5302, N.16 (fray Agustín de Carvajal) ; AGI, Contratación, 5340, N.31 (fray Francisco de la Cámara) ; AGI, Contratación, 5397, N.17 (fray Cristóbal Martínez) ; AGI, Contratación, 5426, N.76 (fray Fernando Ramírez) ; AGI, Contratación, 5438, N.45 (Antonio de León) ; AGI, Contratación, 5451, N.18 (Diego Ladrón de Guevara) ; AGI, Contratación, 5459, N.134 (fray Juan de Arguelles) ; AGI, Contratación, 5468, N.2, R.33 (fray Juan de Llamas) ; AGI, Contratación, 5471, N.3, R.19 (fray Francisco Bernardo Serrada) ; AGI, Contratación, 5476, N.62 (Agustín Rodríguez) ; AGI, Contratación, 5517, N.2, R.26 (fray Francisco de Ríos).
96 Chauca García, 2009.
97 José García de León y Pizarro, originaire de Motril (Grenade), était le fils du gouverneur de la forteresse de Mazalquivir (Mers-el-Kébir, Oran). Il a fait ses études de droit à l’université de Grenade et avait été alcalde mayor de Jerez de la Frontera et corregidor de Baena, avant d’être nommé fiscal à Séville. Voir « Expediente de pruebas », AHN, Estado-Carlos III, exp. 137 ; Barrientos Grandón, 2000a, pp. 580-581.
98 Et à ce titre, responsable de la 4e commission (vice-royauté de Nouvelle-Grenade) chargée de l’application du traité de San Ildefonso (1777) sur les limites entres les territoires espagnols et portugais en Amérique du Sud. Le gouvernement de Maynas s’étendait sur des territoires appartenant aux actuelles républiques de Colombie, d’Équateur et du Pérou.
99 Molina Martínez, 2007.
100 Id., 2008, pp. 154-159 ; González Cuerva, 2013, vol. 2, p. 1291.
101 José García de León avait été promu au Conseil des Indes dès la fin de sa charge à Quito, Juan José Villalengua au tribunal de Guatemala en tant que son régent (1789) et Ramón García de León, nommé à la nouvelle intendance de Salta del Tucumán en 1789. Ibid. ; Barrientos Grandón, 2000a, pp. 580-581.
102 Les Leyes Nuevas de 1542 avaient certes pour but de réformer et mitiger l’exploitation dont étaient victimes les Indiens des encomiendas, mais elles avaient cependant une visée politique claire : éviter que les bénéficiaires des encomiendas ne deviennent des seigneurs héréditaires, trop puissants et donc frondeurs. La révolte des encomenderos du Pérou confirme pleinement ces craintes. Voir notamment Ramírez, 1986.
103 Sur le développement des obrajes comme antidote à l’isolement des hautes terres de Quito par la production d’un bien d’exportation tout en captant la main-d’œuvre encomendada, voir Ortiz de la Tabla Ducasse, 1982.
104 Burkholder, Chandler, 1977. Michel Bertrand (Bertrand, 1999) montre clairement cette imbrication, au xviiie siècle, entre les officiers de Finance de la Nouvelle-Espagne et les élites locales qui les happent littéralement, souvent par mariage, au sein de leurs vastes réseaux clientélaires.
105 Voir Recopilación de leyes, livre II, titre XVI, lois LXXXI à LXXXVII. Voir également, Puente Brunke, 1997.
106 « Real decreto al conde de Montijo », AGI, Filipinas, 96, N.36.
107 Sanz Tapia, 2000. Sur l’impossibilité de couper les juges de la société dans laquelle ils étaient immergés, voir Lohmann Villena, 1974, p. xxi.
108 Francisco Andújar Castillo dénombre ainsi pas moins de cent cinquante ventes de charges de magistrat entre 1704 et 1711, dont les deux tiers concernaient des charges aux Indes. Andújar Castillo, 2008, chap. ix en particulier.
109 « En atención al servicio que hizo dicho oidor a la Real Hacienda al conducir a España por su cuenta y riesgo 2 000 pesos y 50 pesos más correspondientes al derecho de media anata » (« Real cédula », AGI, Guadalajara, 232, L.9, fos 309ro-310vo) ; voir également Las visitas pastorales de Mazapil, p. 361 (concernant la fondation de messes pour l’âme de don José de Miranda Villaizán, ca 1728).
110 Andújar Castillo, 2008.
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