Épilogue
Un héritage dignement assumé
p. 195-202
Texte intégral
I. — la continuité assurée par les fils de Pere Tequi : Tomàs, Joan et Llorenç
1À la date du 1er février 1401, une lettre de Tommaso di Niccolo dell’Ammannato Tecchini signalait que Pere Tequi avait alors deux filles et quatre fils1. La remarquable trajectoire de trois d’entre eux, Tomàs, Joan et Llorenç, peut être reconstituée avec quelque précision.
2À la mort de Pere Tequi en octobre 1409, son fils aîné Tomàs, fort de son expérience de plusieurs années à Barcelone, fut désigné héritier universel par le testament de son père. Ses nombreuses lettres, également envoyées dans le cadre du réseau Datini et conservées jusqu’en juillet 1411 — alors que Francesco di Marco était décédé l’année précédente —, montrent qu’il regagna Perpignan dès novembre 1409 et qu’il continua ensuite d’y résider et d’y diriger ses affaires2. Cette succession occasionna toutefois des conflits avec des tiers, probablement avivés par l’importance des intérêts en jeu, témoignant ainsi indirectement de l’ampleur des sommes brassées par Pere Tequi et peut-être de méthodes sujettes à discussion3. L’un de ces différends, qui portait sur un montant de 818 livres, ne fut par exemple résolu que le 15 avril 1422 ! Il reposait pourtant sur une reconnaissance de dette dûment signée par Pere Tequi le 6 avril 1405, mais sur un simple feuillet sans seing notarial4.
3Toutefois, la principale difficulté à laquelle Tomàs dut faire face après le décès de son père concerne ses démêlés avec la justice royale qui l’accusa le 27 janvier 1416 d’avoir introduit, par ses activités de changeur, de la mauvaise monnaie provenant de France — notamment des écus de mauvais aloi —, dans la couronne d’Aragon. Cette affaire, qui était en fait due à la dégradation monétaire en France dans le contexte de la reprise de la guerre de Cent Ans, illustrant bien la loi dite de Gresham selon laquelle une mauvaise monnaie chasse mécaniquement la bonne, dépassait bien sûr le strict cas de la table de change de Tomàs Tequi, qui fut disculpé dès le 6 février5. Il put ainsi être promu à partir de 1424, avec ses frères Joan et Llorenç, parmi les nouveaux officiers de l’Hôtel de la Monnaie de Perpignan6.
4Il reprit en outre ses activités de changeur, principalement financières donc, comme en témoignent bon nombre de contrats instrumentés à Perpignan7, sans toutefois délaisser le commerce, puisqu’il possédait un navire, patronné en 1429 par un certain Joan Montoliu8 — que l’on ne trouve cependant jamais dans les eaux de Méditerranée orientale, auxquelles les marchands perpignanais s’intéressaient désormais moins.
5Les documents concernant Joan Tequi, le second fils de Pere, sont plus rares, mais ils permettent clairement de dessiner un profil très parallèle de changeur, peut-être moins opulent, mais lui aussi toujours établi à Perpignan9. Exceptionnellement, ses dates de naissance et de mort nous sont approximativement données par deux contrats notariés. Dans une commende qu’il emporte pour le Levant en janvier 1406, il précise avoir environ 20 ans10, tandis qu’il avait déjà rédigé son testament en 1427 et était effectivement décédé en novembre 1432, laissant un fils mineur du nom de Tomàs, comme son frère11.
6Llorenç, le dernier des trois frères12, se distingua par la puissante compagnie marchande qu’il dirigea, en fait depuis Avignon et secondairement Montpellier, avec le Florentin Raimondo Mannelli, à partir de 1428. Ses activités, qui se déployaient en particulier de Perpignan à Valence, en passant par Barcelone, mais aussi à Milan, Venise, Palerme, Genève, Paris et Bruges, peuvent être suivies jusqu’à la fin des années 144013. En outre, Llorenç se vit momentanément confier par la Generalitat une galère marchande pour se livrer au grand commerce depuis Collioure en 143514, tandis que ses activités financières lui avaient également permis de prêter d’importantes sommes d’argent à différents nobles, et même au roi Alphonse le Magnanime, qui lui valurent en retour la concession de fructueuses rentes15.
7La brillante réussite économique des trois frères, de même que le renom de leur famille leur permirent d’accéder, à tour de rôle, à des charges publiques d’envergure dans la ville de Perpignan, en particulier en tant que consuls, ce que leur père Pere n’était pas parvenu à obtenir — s’il l’avait cherché. Tomàs assura le premier cette fonction, à deux reprises, en 1416-1417 — soit immédiatement après ses démêlés judiciaires —, puis en 1427-1428. Il fut en outre consul de mer en 1417-141816. Ensuite, Joan fut à son tour élu consul, lui aussi pour deux mandats, en 1420-1421 et 1425-1426 ; enfin Llorenç, en 1422-142317. Au total, entre 1416 et 1428, les trois frères Tequi assurèrent donc cinq fois tour à tour la fonction de consul de Perpignan. Ils pouvaient désormais être comptés parmi les notables de la ville, dont ils contrôlèrent en grande partie la destinée au cours de cette période.
8En outre, grâce aux réseaux de relations étendus que Llorenç, à partir d’Avignon, avait su déployer pour ses affaires, notamment avec les principaux officiers de la cour des aides pour le ressort du Languedoc, il fut remarquablement bien informé d’événements politico-militaires qui se tramaient dans le sud du royaume de France et pouvaient menacer le Roussillon, dans le cadre de la guerre de Cent Ans finissante18. Bien que la menace se révélât finalement vaine pour Perpignan, la carrière politique de Llorenç Tequi ne se borna pas à ses seuls mandats consulaires, puisqu’il fut en outre nommé bailli de Perpignan le 7 février 143219 et qu’il représenta encore la ville en tant que bourgeois aux Corts de Tortosa en 144220, associant donc des fonctions économiques et politiques influentes et prestigieuses.
II. — Le lignage des Tequi jusqu’au milieu du xve siècle
9Les activités de ce qu’il convient désormais d’appeler la puissante famille des Tequi ne se limitent bien sûr pas à cette seule seconde génération. Plusieurs autres noms se démarquent parmi les petits-enfants de Pere Tequi, à commencer par Tomàs « le jeune », fils de Joan21, qui se spécialisa également dans les affaires financières, collaborant régulièrement avec des négociants italiens, comme ses aïeux22 (voir fig. 3). Dans le même temps, il participa aussi à d’importantes entreprises d’armement naval, puisque, avec trois autres négociants de Perpignan, il s’était notamment associé au Grand Argentier de France, Jacques Cœur, pour faire construire l’une de ses nefs à Collioure, dans laquelle Tomàs possédait une part en 144723. Toutefois, il se distingua surtout en prêtant lui aussi d’impressionnantes sommes d’argent au roi Alphonse le Magnanime, ainsi qu’à certains membres de son entourage en Sicile, alors qu’il résidait lui-même à Naples, côtoyant ainsi directement ce souverain24.
10Ces fréquentations et l’intégration de la famille à l’oligarchie marchande, désormais depuis trois générations, amenèrent Tomàs Tequi à franchir un pas décisif en tentant de devenir châtelain en décembre 1456. Toutefois, il fut déchu de son titre dès 1458 par le nouveau roi Jean II (1458-1479), qui n’entretenait pas de relations aussi étroites que son magnanime prédécesseur avec les hommes d’affaires de Perpignan, au motif que l’on ne confie pas des castra « aux confins du royaume » à des marchands, mais à des « nobles chevaliers, damoiseaux ou autres personnages généreux habitués à de telles charges25 ».
11En dépit de cet échec, d’autres membres de la famille Tequi, les fils de Llorenç, prénommés Berenguer, Joan26 et Llorenç27, parvenaient cependant à acquérir un titre de chevalier, eux aussi vraisemblablement dès la fin du règne d’Alphonse le Magnanime28, et à participer à tour de rôle aux Corts de Catalogne de 1454-1458, puis à celles de 1473-1479, pour la première fois au sein du bras militaire29 ; tandis qu’un autre membre de la famille intégrait l’ordre des Hospitaliers, ouvrant ainsi une autre voie de promotion sociale30. Un tournant décisif s’opérait donc pour cette branche de la famille Tequi au cours des années 1450, à la suite duquel d’autres membres abandonnèrent les affaires pour adopter un mode de vie résolument aristocratique, disposant d’un blason — tranché de gueules et d’argent à deux roses de l’un en l’autre — et menant une habile stratégie matrimoniale31. Les bourgeois se muèrent ainsi en gentilshommes.
12Considérés séparément, les carrières et les destins des membres de la famille Tequi sont clairement distincts et reflètent dans le détail des choix individuels et des opportunités diverses qui se sont présentées à chacun d’eux. Mais les parallélismes générationnels qui caractérisent également ces destins sont guidés vraisemblablement par un modèle paternel que chaque membre de la famille s’efforce de prolonger dans une claire logique lignagère — qu’atteste aussi la répétition des mêmes prénoms d’une génération à l’autre —, impliquant des mécanismes de solidarité, mais aussi de contrôle sans doute étroit. Enfin la dynamique évolutive d’ensemble, sur plusieurs générations, montre toute la force d’attraction que l’aristocratie continue d’exercer sur ces négociants enrichis, en apparence de façon irrationnelle. En travaillant pour elle et en la fréquentant, même marginalement du temps de Pere Tequi, ils ne peuvent cependant qu’aspirer y être intégrés à terme et bénéficier à leur tour de privilèges, d’une vie de rentes et surtout de son prestige32. Le lent processus qui aboutissait par des voies diverses à cette consécration passait bien sûr par un conditionnement social prégnant, restreignant inéluctablement les choix individuels de chacun de ces hommes d’affaires, pourtant influents et côtoyant divers pouvoirs, dont celui, suprême, du monarque.
Notes de bas de page
1 ASPrato, 671 / 511595 : document aimablement signalé par Jérôme Hayez que je remercie vivement. Nous avions pu voir chap. ix, « Limites révélatrices et goût du secret », n. 78 que la fille aînée de P. Tequi avait été promise en mariage à un jeune Perpignanais en 1404.
2 Lettre de Tomàs, expédiée de Castello d’Empuries à Barcelone le 16 novembre 1409 : ASPrato, 856.17 / 521848 ; et lettre de Perpignan (à Barcelone) datée du 25 novembre 1409 : ASPrato, 907.16 / 417869. Ces deux lettres sont classées par erreur parmi celles de Tommaso dell’Ammannato Tecchini sur le site de l’ASPrato, mais portent bien la marque de P. Tequi au verso, que Tomàs réutilise donc. Il adresse ensuite 79 autres lettres depuis Perpignan, principalement à Barcelone, au moins jusqu’au 14 juillet 1411 (également classées par erreur parmi celles de Tommaso dell’Ammannato Tecchini). En achevant l’une des rares lettres envoyées d’Alexandrie au sein du réseau Datini, adressée en fait à l’agence de Barcelone le 27 novembre 1410, le Perpignanais P. Salvayre demande de façon révélatrice à ce que celle-ci soit transmise à Tomàs Tequi, désormais réinstallé à Perpignan ; voir Ainaud, 1965, doc. IV pp. 334-335.
3 Un litige opposa notamment Tomàs à un marchand de Valence du nom de Pere Girau, sans que la simple désignation des arbitres chargés de trouver un accord entre les deux hommes permette d’en savoir davantage. Contrairement à ce qu’indique M. E. Soldani, ce marchand n’était pas l’ancien facteur de P. Tequi du nom de Pere Grimau : si la première occurrence de son nom dans le contrat est effectivement incertaine en raison du mauvais état de conservation du document, en revanche, une seconde occurrence en fin de contrat, ne laisse aucun doute : AHPB, 113 / 60 (Bernat Pi), fos 94vo-96vo, 19 mars 1411 et Soldani, 2011, p. 467. Sur Pere Grimau, voir ASPrato, 924.20 / 1100886, lettre de Valence à Barcelone, 7 mai 1407 (voir annexe III, no 21).
4 P. Tequi avait signé le 6 avril 1405 une reconnaissance de dette de 818 livres en faveur du changeur Jaume Puigduluch, sur un simple « albara » (« billet »). Le remboursement qui intervint dix-sept ans plus tard — et qui permet de connaître sommairement cette affaire — fut donc réalisé par les fils et héritiers des deux parties : Tomàs Tequi d’une part et Bernat Puigduluch de l’autre ; ADPO, 3E1/859 (J. Paytavi), fo 30ro. Autre exemple de conflit résolu tardivement, ce paiement d’une somme pourtant modeste de 60 livres qui a toutefois nécessité un jugement en appel ; la date de la dette n’est pas mentionnée, mais P. Tequi avait bien participé à l’opération ; ADPO, 3E1/1552 (A.Guitard), fos 9ro-13ro, 13 août 1416.
5 Del Treppo, 1972, pp. 303-304 et Soldani, 2011, pp. 231-232.
6 Voir première partie, chap. ii, « Difficultés et nouvelle organisation ».
7 Voir par exemple ADPO, 3E1/1553 (A. Guitard), fos 7ro-8vo, 28 janvier 1416 (rente sur les leudes de Collioure) ; 1B 270, fo 3vo, 28 mars 1420 (censal) ; 3E1/859 (J. Paytavi), fo 22ro, 3 avril 1422 (change de 160 francs d’or) ; 3E1/834 (S. Descamps), fo 10ro, 12 octobre 1423 (créance de 880 florins de Florence) ; 3E1/860 (J. Paytavi), fos 56vo-60vo, 1431-1432 (censal). Voir également, Del Treppo, 1972, pp. 301-302 (1429).
8 ADPO, 3E1/831, 14 juin 1429.
9 ADPO, 13Bp 24, fos 5ro1, 2 et 5, 1417 ; 3E1/859 (J. Paytavi), fo 47ro1, 12 mai 1422 ; 3E1/859 (J. Paytavi), fo 52ro1, 23 mai 1422 (Joan Tequi joue le rôle d’arbitre avec Bernat Serra dans un conflit entre marchands de Perpignan et de Toulouse) ; 1B 234, fo 53ro1 et 2, 12 août 1426 ; 13Bp 307, folio isolé non daté commençant par ces mots : « Com en B[er]n[at] Jou dega e sia tengut an Joan Tequi per una letra de ca[m]bi dccc viii ll. » (« Comment en Bernat Jou devra et sera tenu [pour débiteur] de Joan Tequi par une lettre de change de 808 livres »).
10 ADPO, 3E1/735 (F. Bosqueros), fo 5ro3.
11 ADPO, 3E1/860 (J. Paytavi), fos 29vo-30vo et 31vo-32ro, 3-4 novembre 1432 (série d’importants censales en faveur du jeune Tomàs Tequi, fils du défunt Joan Tequi, avec participation de son oncle Tomàs Tequi, coexécuteur testamentaire de Joan. On notera la présence du marchand florentin Tommaso di Giovanni parmi les témoins). Pour mieux les distinguer, on appellera désormais Tomàs Tequi fils de Pere, Tomàs « l’ancien » et son neveu, fils de Joan, Tomàs « le jeune ».
12 Une lettre de P. Tequi du 26 mars 1406 signale qu’il avait un fils du nom de Llorenç/Lorenso en âge de rédiger lui-même des missives dès cette date : lettre de Perpignan à Florence, ASPrato, 1112.165 / 133018 (voir annexe III, no 19).
13 Del Treppo, 1972, pp. 292-295, 299, 308 et 324 ; et Soldani, 2011, pp. 468-471.
14 García i Sanz, Coll i Julià, 1994, pp. 264 et 348 ; dans les documents cités en référence, Llorenç Tequi porte déjà le titre de bourgeois de Perpignan. Toutefois, le navire qui lui avait été confié fut finalement prêté à un autre homme d’affaires en mesure d’offrir de meilleures conditions aux députés de la Generalitat.
15 Llorenç avait ainsi notamment prêté 15 000 florins d’or au roi pour l’achat d’un bracelet et d’un collier d’or et de perles, pour lesquels il se vit gratifier, lui et son héritier, d’une rente annuelle de 100 florins ; voir Capeille, 1914, pp. 603-604 et Soldani, 2011, pp. 270 et 272.
16 Son livre de comptes en tant que consul de mer a notamment été conservé pour les années 1417-1418, voir ADPO, 13Bp 24.
17 Voir la liste des consuls de Perpignan, en préparation par A. Catafau, D. Coulon et R. Tréton. Concernant le second mandat consulaire de Joan, voir ADPO, 1B 234, fo 2ro-vo, 14 juillet 1425.
18 Au début du mois de juin 1438, Llorenç Tequi informa en effet les consuls de Perpignan que des troupes démobilisées des armées de Charles VII, des « écorcheurs », menaçaient le Languedoc et le Roussillon, détaillant ses sources et circuits d’information dans cette affaire ; Péquignot, 2016. En 1445, Llorenç Tequi fut peut-être de nouveau impliqué dans la circulation de lettres informant diverses autorités politiques dont les consuls de Perpignan, de nouveaux rebondissements politiques et militaires déterminants dans le contexte de la guerre de Cent Ans finissante ; Péquignot, 2015, pp. 797-798. Toutefois, celui-ci ayant rédigé son testament en janvier 1444, c’est sans doute à son neveu Tomàs, fils de Joan — voir ci-après — et non fils de Tomàs, dont on ignore la postérité, que l’une des lettres exploitées dans cette étude a pu être adressée.
19 Lazerme de Règne, 1977, t. III, p. 296. Pour cette charge de bailli, il reçut un salaire de 200 livres; voir ACA, Generalitat, Serie V, 233, 226-C, 7 décembre 1434.
20 Voir Morales Roca, 1995, p. 296. Cet auteur indique également (ibid.) que Llorenç Tequi fut élevé à la dignité de chevalier de l’Éperon d’or par le roi Jean II (1458-1479) et qu’il participa encore à ce titre aux Corts de 1460 ; il s’agit toutefois vraisemblablement de son fils homonyme, qui avec ses frères, parvint effectivement à obtenir ce titre de chevalerie au cours des mêmes années (ibid. et voir ci-après) ; rappelons en effet que Llorenç Tequi (père), fils de Pere, commença sa carrière à partir des années 1420 ; qu’il fit rédiger son testament en janvier 1444 et qu’il était assurément décédé en janvier 1447 ; voir Péquignot, 2015, p. 798. Enfin Llorenç (père) fut bien bailli de Perpignan et représentant de la ville aux Corts de 1442 et non son fils homonyme, contrairement à ce qu’indique Soldani, 2011, p. 472 (qui regroupe en une seule personne le père et son fils).
21 M. E. Soldani présente Tomàs « le jeune », comme étant fils de Tomàs « l’ancien », l’appelant en particulier « Tommaso di Tommaso » : Soldani, 2011, p. 467. Je n’ai pour ma part trouvé aucun document indiquant une telle filiation, alors que nous avons bien vu en revanche que Joan avait effectivement un fils du nom de Tomàs (ci-dessus). Sans doute est-ce donc lui que nous voyons agir entre la fin des années 1440 et le début des années 1460.
22 En 1446 et 1447, Tomàs avait financé au moins trois changes maritimes à destination de Bruges, d’une valeur totale de 2 500 écus de Flandre : le premier — d’un montant de 1 000 écus — devait être remis à destination par le patron de galère Joan Riba à Jacopo degli Strozzi et le dernier — atteignant la même somme — à Obertino de Bardi ; voir García i Sanz, Coll i Julià, 1994, docs. 16-18, pp. 488-491 (documents également signalés avec quelques erreurs par Del Treppo, 1972, p. 312). Voir également Romestan, 1967b, p. 26. Sur les étonnants démêlés judiciaires en 1446 de Tomàs Tequi et de Joan Cases, d’une part, et de leur esclave Joan, enfui et réfugié à Toulouse, d’autre part, voir Wolff, 1985, p. 61.
23 Romestan, 1967b, pp. 22-23, n. 14 bis. Ces parts de propriété dans le navire dont Tomàs disposait, de même que Berto Agosti, Jaume Bou et Joan Giginta, eux aussi de Perpignan, avaient motivé leurs plaintes, quand le pavillon du roi de France avait été hissé sur le bateau lors de son escale à Collioure, au cours d’un voyage d’Aigues-Mortes en Flandre. Voir en outre Mollat du Jourdin, 1988, p. 158.
24 Le 13 novembre 1450, Alphonse le Magnanime reconnaissait par exemple devoir 18 000 ducats à Tomàs, dont la moitié pour l’achat de 500 draps de Perpignan et l’autre moitié pour un prêt de six mois ; le 30 septembre de l’année suivante, Tomàs prêtait 3 000 ducats au comte de Modica en Sicile, contre lesquels celui-ci mit en gage un peu plus tard son propre comté et des châteaux dans cette île ; voir Romestan, 1982, pp. 97-99. En 1455, Tomàs avait acquis la localité de Bompas, mise en gage par la commanderie hospitalière de Bajoles, dans les environs immédiats de Perpignan ; voir Bonneaud, 2008, p. 378 (National Library of Malta, Reg. 365, fo 98ro-vo) ; document aimablement communiqué par P. Bonneaud, que je remercie vivement, et signalé par M. E. Soldani, sans date, qui indique ainsi qu’il concerne Tomàs « l’ancien », fils de Pere, pourtant sans doute décédé dans le courant des années 1430 ; voir Soldani, 2009, p. 598. Enfin en 1461, Tomàs négociait, en compagnie d’autres émissaires catalans, avec la reine Jeanne dans le contexte délicat de l’arrestation de l’infant Charles de Viana ; voir Del Treppo, 1972, p. 817.
25 Acquisition de la fonction et du titre de châtelain de Força Real : ADPO, 1B 292, fos 49ro-53vo, 26 décembre 1456-8 mars 1457 ; révocation de ce titre, ADPO, 1B 292, fos 95vo-96ro, 3 août 1458. Documents signalés sans date ni référence de folio par Alart, Inventaire sommaire, p. 202, col. 1 et Capeille, 1914, p. 603 (s. v. « Taqui (Thomas) » où les deux Tomàs, oncle et neveu, sont cependant confondus en une seule et même personne). Morales Roca, 1995, p. 296, précise que Tomàs Tequi participa effectivement en tant que bourgeois de Perpignan aux Corts de 1460 ; il n’y eut toutefois pas de Corts en Catalogne à cette date, ni de Corts Generals de la Couronne ; peut-être s’agit-il de celles qui se tinrent à Barcelone entre 1454-1458 ou celles de Monzon en 1469-1470. En outre, le même auteur précise (ibid.) que ce Tomàs est le fils de Llorenç Tequi, précédemment abordé, sans indiquer sur quelle source il se fonde ; or, il est en fait fils de Joan — le frère de Llorenç ; voir fig. 3.
26 Sans doute est-ce à Joan Tequi, fils de Llorenç, qu’Alphonse le Magnanime assigna en 1453 d’abord le tiers, puis le dixième des biens confisqués aux marchands qui tentaient d’écouler dans la Couronne des biens acquis auprès de Florentins ou fabriqués en Toscane, dans le cadre du conflit qui l’opposa à Florence à partir de décembre 1447 ; voir Soldani, 2011, pp. 306-307 (qui estime cependant que ce Joan Tequi serait le fils de Tomàs « le jeune », dont on ignore encore cependant la postérité, au motif qu’en 1447, Joan, fils de Llorenç était encore mineur).
27 C’est donc vraisemblablement à Llorenç fils de Llorenç que la dignité de chevalier de l’Éperon d’or fut accordée par le roi Jean II, et non à son père Llorenç, fils de Pere ; voir ci-dessus n. 20.
28 Joan Tequi, fils de Llorenç est en effet déjà qualifié de « cavaller » dans un acte passé à Naples le 17 octobre 1457 ; voir Lazerme de Règne, 1977, t. III, p. 297.
29 Voir Lazerme de Règne, 1977, t. III, p. 297 et Morales Roca, 1995, p. 296. C’est donc cette génération de petits-enfants de P. Tequi qui parvint la première à accéder au rang de chevaliers, et non leur père Llorenç (comme l’indiquent Morales Roca, ibid., suivi par Soldani, 2009, p. 602).
30 Il s’agissait du frère Tomàs Tequi, contemporain de Tomàs « le jeune », mais qui ne doit manifestement pas être confondu avec lui : en 1458, il était en effet à Rhodes, base de l’ordre des Hospitaliers en Méditerranée, et ne fut autorisé à en partir qu’en 1464, pour prendre possession de la commanderie de Bajoles — à proximité de Perpignan — au nom de son commandeur Jordi Saplana, absorbé par la guerre contre les Turcs : voir Bonneaud, 2009, p. 32. Comme le fait remarquer cet auteur, « les nombreuses dignités » qu’offraient l’ordre « pouvaient apporter à leur détenteur prestige, influence et pouvoir » (ibid., p. 12) ; tels avaient manifestement été les objectifs de ce Tomàs Tequi, ou de son père — non identifié, peut-être Tomàs « le jeune » —, en intégrant l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean.
31 Voir en particulier les notices dédiées à Joan et Pere, fils de Joan, lui-même fils de Llorenç, qui furent respectivement « cavaller » et « donzell », dans Lazerme de Règne, 1977, t. III, p. 297. Les destinées des autres descendants de la famille Tequi, résolument intégrés à la noblesse à partir de la seconde moitié du xve siècle, sont présentées dans le même ouvrage. À partir du début du xvie siècle au moins, les Tequi disposaient d’une chapelle dans l’église des dominicains de Perpignan (appelée « capella dels Tequins »). Des descendants nobles de la famille peuvent être identifiés jusqu’à la fin du xvie siècle ; voir Capeille, 1914, pp. 604-605. Pour la description de l’écu de la famille Tequi, voir Lazerme de Règne, 1977, t. III, p. 296.
32 Sur la force d’attraction de l’aristocratie sur les hommes d’affaires qui finissent par abandonner leurs activités économiques pour s’y intégrer, voir Coulon, 2013c, pp. 139-142.
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