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Les « salles à auges » et les édifices dits fortifiés dans les Hautes Steppes tunisiennes

p. 69-84


Texte intégral

1Dans cet article, nous proposons un examen des salles dotées de rangées d’« auges » qui ont été observées dans les édifices dits « fortifiés » de la région des Hautes Steppes tunisiennes1. Parmi les constructions identifiées comme des édifices fortifiés dans cette région, relativement nombreux sont les exemples de bâtiments qui remploient des « auges » dans leurs maçonneries2. Beaucoup plus rares sont ceux qui comprennent de véritables rangées d’« auges », en tout cas en l’état de nos connaissances. Ils sont en effet seulement au nombre de trois dans la zone qui a retenu notre attention3 : un bâtiment construit à Henchir Lebkakich, près d’Haïdra, et les deux plus grandes maisons fortifiées de Sufetula/Sbeitla.

2Tout d’abord, un premier constat s’impose : dans les Hautes Steppes tunisiennes, les « salles à auges » ne se rencontrent pas dans les grandes fortifications officielles attribuables à l’époque byzantine. Un cas mal attesté doit tout de même être cité : il s’agit des thermes fortifiés de Mactar. G.‑Ch. Picard y a en effet mentionné la présence d’un « système d’auges aboutissant à un évier4 ». Il est aménagé sur un remblai comblant la plus septentrionale des piscines de ces anciens thermes5. L’interprétation qui suit évoque une installation en relation avec une adduction d’eau, dans laquelle se déversait l’eau venant du système de décantation associé à l’aqueduc alimentant les thermes. G.‑Ch. Picard associe ces installations à la phase fortifiée des anciens thermes6. Selon notre examen des systèmes fortifiés byzantins, cette dernière pourrait appartenir à un ensemble de fortifications aménagées par le pouvoir byzantin à une période postérieure aux constructions d’ouvrages défensifs initiées par Solomon7. Cette mention de G.‑Ch. Picard remonte à la fin des années 1940 et n’est pas accompagnée de croquis, relevés ou photographies qui permettraient de compléter les indications. Ces données sont bien trop lacunaires pour intégrer ce dispositif dans la présente réflexion.

Henchir Lebkakich

3Parmi les cas mieux attestés, on rencontre un site qui se trouve à 3 km au nord-ouest de la citadelle d’Ammaedara/Haïdra, au lieu-dit Henchir Lebkakich. Il s’agit d’un bâtiment observé par André Piganiol et Robert Laurent-Vibert, en mission sur le site d’Haïdra en 1908 et 19098. Ils décrivaient le bâtiment d’Henchir Lebkakich comme un « castellum9 ». Les prospecteurs de la Carte nationale des sites archéologiques et des monuments historiques ont également visité le site au début des années 2000 et proposaient de l’identifier comme un « fortin10 ». Dans le cadre d’un projet collectif11, nous avons pu procéder à un nouvel examen de ce dernier, ce qui a notamment permis de réaliser des relevés architecturaux12.

4La construction centrale est un bâtiment de plan presque carré d’environ 11 m de côté, encadré par une enceinte de même plan d’environ 35 m de côté, dans laquelle il est à peu près centré, ce qui suggère qu’ils ont fonctionné ensemble un temps au moins (fig. 1). Ils sont aménagés sur les vestiges d’une construction antérieure en opus africanum. Les traces d’activité oléicole qui ont été observées à proximité (un plateau de pressoir notamment) semblent liées à cette phase antérieure. De la céramique datant des veviie siècles y a été collectée à l’occasion de nos prospections13.

Fig. 1. — Plan du site et relevé de la façade sud-est du bâtiment d’Henchir Lebkakich, Tunisie

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© DAO : Z. Lecat ; relevés : E. Rocca, M. Achour et Z. Lecat.

5Les murs du bâtiment sont constitués d’un parement simple de grand appareil (fig. 2). Quelques remplois, dont des inscriptions funéraires, s’y distinguent. Un écart, paraissant volontaire, entre deux blocs du mur opposé à l’entrée pourrait constituer une meurtrière ou une fente de jour. Les particularités architecturales de cette construction sont loin d’étayer le caractère défensif qui transparaît dans les identifications comme castellum14 ou comme fortin proposées par nos prédécesseurs. On retiendra toutefois que les jambages de la porte, qui est conservée au centre du mur sud‑est, présentent une série d’encoches servant à accueillir des pennes de serrure, montrant qu’elle pouvait être solidement fermée à l’aide de verrous.

Fig. 2.  — Vue du site d’Henchir Lebkakich, Tunisie, 2008

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© Z. Lecat.

6Deux murs internes, appuyés contre la façade sud-est et constitués d’un parement simple de blocs de grand appareil, délimitent trois espaces longitudinaux. Celui du centre (4,50 m) est plus large que les deux espaces latéraux (1,80 m). Une « auge » double est appuyée contre le plus occidental de ces deux soubassements, indiquant qu’il pourrait s’agir de rangées d’« auges », plutôt que de murs de refend (fig. 3), ce qui incite à restituer, dans cette construction, la présence de deux rangées d’« auges » délimitant trois espaces.

Fig. 3. — Rangée d’auges à l’intérieur du monument d’Henchir Lebkakich, vue de l’« auge » double, Tunisie, 2008

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© Z. Lecat.

7La disposition du bâtiment d’Henchir Lebkakich n’est pas sans rappeler, mais dans certaines limites, le « petit monument à auges » d’Ammaedara15 (fig. 4). Ainsi, leurs superficies sont comparables : 130 m² pour ce dernier bâtiment, et 120 m² pour celui d’Henchir Lebkakich. Les systèmes de fermeture des portes d’entrée sont aussi assez proches, celui d’Haïdra présentant un dispositif un peu plus complexe16 que celui du site voisin (fig. 5). Il est en outre renforcé par une barre coulissante, qu’on ne rencontre pas sur le site rural. Dans ce dernier cas, cette lacune a peut-être été compensée par l’aménagement d’un mur de clôture. Les divisions internes diffèrent aussi légèrement : elles sont également un peu moins complexes dans la construction rurale. En effet, à Haïdra, un vestibule permettait l’accueil du visiteur avant l’accès aux « auges », tandis qu’à Henchir Lebkakich, on y accédait directement. En outre, le passage derrière les « auges » se faisait par l’avant à Haïdra et par l’arrière dans l’autre cas. La présence de ce vestibule a aussi permis l’aménagement d’un grand arc monumentalisant l’entrée de la « salle à auges », ce qu’on ne retrouve pas dans notre cadre rural.

Fig. 4. — Plan du « petit monument à auges » d’Haïdra, Tunisie

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© DAO : Z. Lecat ; d’après les relevés de J‑Cl. Golvin et de la Mission archéologique à Haïdra.

Fig. 5. — Comparaison des entrées du « petit monument à auges » d’Haïdra (a) et du bâtiment d’Henchir Lebkakich (b) avec le détail du système de fermeture

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© Z. Lecat, 2007 (a) et 2008 (b).

8Par ailleurs, une tour de plan rectangulaire (9,5 x 6,5 m), probablement plus tardive que « le petit monument à auges », a été aménagée à son angle nord-ouest17. Aucune communication entre ces deux édifices n’est permise : ils sont en effet séparés par un espace de 15 cm environ, mais il est difficile de dire, en l’état des recherches, si ce bâtiment était encore en activité lors de la construction de la tour. La facture de cette dernière pourrait inciter à la dater de l’époque byzantine, mais, bien évidemment, avec prudence. Quant au cas du « petit monument à auges », malgré les sondages dont il a fait l’objet, aucun élément de datation précis n’est à notre disposition, et il nous faut nous contenter de la proposition de J.‑Cl. Golvin, fondée sur des arguments architecturaux, qui l’attribue au ive ou au ve siècle18. Tout en gardant en mémoire les différences de facture et de fonctionnement entre les deux « bâtiments à auges », leurs points communs incitent à proposer l’hypothèse de la proximité de leurs fonctions. À ce sujet, J.‑Cl. Golvin voit dans le « petit monument à auges » un ouvrage hautement sécurisé19. La tour pourrait, dans cette optique, avoir été ajoutée pour renforcer la surveillance des environs.

9Il est aussi intéressant de comparer ces constructions à deux autres observées par le commandant Guénin à proximité de Tébessa : à Henchir el Adjeje et à Henchir el Abiod (fig. 6)20. Ces deux bâtiments sont construits d’après un plan massé de 15 m de côté, et présentent des pièces de petites dimensions disposées autour d’un espace central. Ils possèdent également des murs épais (1,75 m à Henchir el Abiod et autour d’1 m à Henchir el Adjeje) et disposent chacun d’une porte à disque21. Dans le premier exemple, cette porte est aménagée dans un avant-corps peu développé, tandis que, dans le second, le système d’entrée est encadré de deux saillants. Ces deux bâtiments présentent donc les caractéristiques qu’on assigne volontiers aux « fortins22 ». Quant à leurs datations, elles sont loin d’être assurées. Comme beaucoup, en raison de leur aspect fortifié, elles ont été associées à l’époque byzantine par le commandant Guénin23.

Fig. 6 — Plan des bâtiments d’Henchir el Adjeje et Henchir el Abiod, Algérie

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© DAO : Z. Lecat ; d’après le plan publié dans Guénin, 1908a, pp. 139 et 161.

10On notera d’abord que ces édifices sont tous deux aménagés sur des sites étendus qui pourraient être de véritables agglomérations. Ainsi, à Henchir el Abiod, le commandant Guénin décrit un site d’environ 300 m de côté qui comprendrait plusieurs édifices importants, dont de possibles églises24. À Henchir el Adjeje, il évoque « une ruine étendue et importante25 ».

11Cette dernière construction présente deux rangées de quatre « auges » en situation centrale dans l’édifice : elles divisent l’espace, dès l’entrée, en trois nefs. L’autre est un peu différente : dans l’état présenté par le commandant Guénin, l’espace est composé d’un couloir menant au fond de l’édifice depuis l’entrée du bâtiment, mais les cloisons centrales délimitant ce couloir sont faites de colonnes remployées. Leur présence pourrait bien résulter d’ajouts postérieurs. De part et d’autre de ce passage, deux rangées de six « auges » sont aménagées. Dans ces deux monuments, les dispositifs observés ne sont pas sans rappeler celui relevé dans la construction d’Henchir Lebkakich. À Henchir el Adjeje, on pouvait accéder à l’arrière de la rangée d’« auges » par l’avant de la construction et, à Henchir el Abiod, par les deux côtés. La fortification de ces deux bâtiments est peut-être à interpréter comme une évolution des constructions du type du « petit monument à auges » d’Haïdra ou du site rural d’Henchir Lebkakich.

12Un autre site pourrait illustrer ce type d’évolution. Il s’agit d’un bâtiment signalé en premier lieu par le capitaine Lac de Bosredon en 1878, à Henchir Faraoun, un site également mentionné sous le toponyme d’Henchir el Bégueur, au sud de Tébessa26. Le monument a été mis au jour par Guénin en 1906, ce qui lui a permis d’en fournir un premier plan27. L’examen en a été repris par Noël et Yvette Duval, au début des années 1970, qui ont proposé d’y reconnaître un « “bâtiment à auges” transformé en “fortin”28 ». Une enveloppe constituée d’un mur de 1,45 m de large a en effet été ajoutée autour du « monument à auges » à trois nefs (fig. 7). Ainsi complétée, la construction a un plan massé de 19 x 17,5 m. Une porte à disque équipait cette construction fortifiée du côté nord et en constituait la seule entrée, qui était doublée, à l’intérieur, par une porte dotée de verrous, selon Guénin29. La salle centrale est constituée de deux rangées de six « auges » surmontées de baies, formant autant de guichets. Un cliché fourni par Guénin permet de se rendre compte que les « auges » devaient encore être en service dans l’état fortifié du monument30. Il faut encore noter la présence d’une abside aménagée dans le prolongement des trois nefs délimitées par les « auges ». Ce type d’installation est totalement absent des constructions évoquées plus haut, mais on le trouve cependant dans un ensemble de bâtiments qui a été mis en évidence par N. Duval, et qui a ensuite été récemment réexaminé par Fr. Baratte, celui des « monuments à auges31 ».

Fig. 7. — Plan du bâtiment d’Henchir Faraoun, Algérie

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© DAO : Z. Lecat ; d’après le plan publié dans Duval, 1972, p. 679.

Les maisons fortifiées de Sbeitla

13Deux autres constructions des Hautes Steppes comportent des rangées d’« auges » : il s’agit de deux des maisons fortifiées de Sufetula/Sbeitla. Elles sont localisées à 20 m l’une de l’autre, de part et d’autre de la voie pénétrant dans la ville par le sud, à 350 m du forum. Elles ont fait l’objet de dégagements effectués par A. Noval32 sous le contrôle de J. Desparmet33, dans le cadre de chantiers d’assistance, parfois suivis par G.‑Ch. Picard. Les fouilles ont été complétées dans les années 1950. Un peu plus tard, une partie de ces « maisons » a été restaurée34.

14Ces deux bâtiments de plan massé sont limités par des murs épais, à double parement. La maison fortifiée nord a en effet un plan carré de 21,75 m de côté et des murs de 1,85 m d’épaisseur (fig. 8). Celle du sud présente un plan rectangulaire peu allongé de 24,25 x 20,50 m et une enveloppe de 1,90 m d’épaisseur (fig. 9). Ces murs périmétraux sont constitués de blocs de grand appareil, parmi lesquels de nombreux remplois (blocs ornés, inscriptions diverses, éléments de construction variés). Dans l’un comme dans l’autre de ces bâtiments, aucune porte n’est visible au rez-de-chaussée, qui correspond au niveau de la voie antique sur laquelle on circule aujourd’hui sur le site. Le système d’entrée devait donc se situer au premier étage, 3 m au-dessus. Les vestiges d’un seuil se remarquent en effet à cette hauteur dans l’arase du mur sud de la maison fortifiée nord. La voie actuellement visible n’est probablement pas celle qui était en service au moment du fonctionnement de l’état fortifié de ces constructions. Toutefois, N. Duval restituait son niveau à environ 1 m seulement au-dessus du niveau de cette dernière, d’après la hauteur des seuils observés dans la ville35, ce qui situe les entrées de ces maisons fortifiées à environ 2 m au-dessus de l’espace extérieur36. Cet état est généralement daté de la fin de la période byzantine37.

Fig. 8.  — La maison fortifiée nord, Sbeitla, Tunisie

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© DAO et clichés : Z. Lecat, 2008 ; d’après le plan publié dans Baratte, Duval, 1973, p. 97.

Fig. 9. — La maison fortifiée sud, Sbeitla, Tunisie

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© DAO et clichés : Z. Lecat, 2008 ; d’après le plan publié dans Baratte, Duval, 1973, p. 93.

15L’observation du plan de la maison fortifiée sud (fig. 9) et de la disposition de ses baies de communication, en particulier de leurs systèmes de fermeture, permet de mettre en évidence un schéma de fonctionnement. Un espace d’accueil occupe l’aile sud-est au rez-de-chaussée de la maison. Y mène un escalier venant de l’étage. Deux séries de cellules se développent le long des trois autres ailes. Elles ne communiquent pas directement entre elles, mais on pouvait y accéder depuis l’espace d’accueil du sud-est (nos 1 et 3, fig. 9). Elles encadrent un corps central doté d’un système de fermeture puissant (no 2, fig. 9). L’espace au centre devait donc avoir un fonctionnement indépendant des cellules qui l’entourent. Il possède également un petit sas d’entrée permettant d’accéder à l’étage supérieur du corps central, et de pénétrer dans l’appartement de l’étage inférieur, lui aussi fonctionnant probablement de manière indépendante. Un puits de jour (noté « NC », fig. 9) permettait vraisemblablement d’apporter lumière et aération à cet espace du rez-de-chaussée, qui était aussi doté d’un puits. Ce corps central dispose d’une salle présentant une rangée d’« auges » surmontées d’arcatures monolithes doubles. Il possède en outre quelques caractéristiques qui permettent de dire qu’il s’agit d’espaces privilégiés par rapport à ceux qui l’entourent. Tout d’abord, son accès se faisait au sud-est, par une entrée centrée ouverte sur un portique. Ce détail permet d’ailleurs de déterminer que, sans doute, le grand espace sud-est, dédié à l’accueil, n’était pas entièrement couvert. Ensuite, la gestion de l’eau était le fait des occupants de l’espace central ; le seul puits attesté dans cette construction y est en effet aménagé. Nous avons vu déjà que l’entrée « privée » de ce corps central permettait d’accéder à l’étage. Il y a tout lieu de penser que son accès est lui aussi privilégié.

16Les espaces périphériques sont composés d’une aile destinée à l’accueil et sont dotés d’une pièce à rangée d’« auges » (no 4, fig. 9), située à proximité directe de l’escalier permettant l’accès au rez-de-chaussée du bâtiment. Cette aile permet aussi l’accès à trois autres ailes qui sont constituées de deux ensembles de cellules : l’un est long de sept cellules, le second de quatre, soit onze au total. Des piliers disposés de façon relativement régulière devaient délimiter un couloir de circulation. Ainsi circonscrite, la superficie utile disponible dans chaque cellule varie entre 4,25 m² et 4,7 m². Deux interprétations sont possibles en ce qui concerne ces espaces. Il pourrait s’agir d’espaces de stockage, mais les dispositions de ces cellules peuvent aussi évoquer des casernements38.

17En ce qui concerne notre présent sujet de réflexion, on notera surtout la différence de traitement des installations à « auges » : celles qui ont été aménagées à l’intérieur ont un aspect plus décoratif que celles de l’espace d’accueil, grâce aux arcs monolithes qui les surplombent. Elles forment deux séries de quatre guichets. Dans les deux cas, on pouvait accéder à la pièce située à l’arrière de ces derniers par une ouverture interrompant la rangée. Les différences de dimensions des « auges » montrent qu’elles sont probablement issues de remplois, mais elles sont dans une position dans laquelle elles ne pouvaient qu’être fonctionnelles.

18Du fait de la succession de plusieurs états, la maison fortifiée nord de Sbeitla pose plus de problème en ce qui concerne la lecture de sa distribution. L’enveloppe fortifiée enserre une construction plus ancienne en opus africanum et, en l’état des travaux, il est difficile de faire la part entre les différents états et, surtout, de les dater. Deux rangées d’« auges » sont visibles dans le corps central du bâtiment. Elles étaient également surmontées d’arcs formant des guichets. Un examen des vestiges montre qu’elles appartiennent probablement à un des états les plus anciens de la construction. À une date indéterminée, des piliers ont été ajoutés dans le corps central. La présence de certains d’entre eux au moins rend peu probable la poursuite de l’utilisation des « auges » dans leur usage premier. Il faut donc envisager à ce moment leur abandon ou, pour le moins, un changement de fonction. À une autre étape de l’évolution du bâtiment, un mur a été installé sur les « auges », perpendiculairement à leur axe, condamnant définitivement certains espaces. Le problème consiste à déterminer à quel moment la construction a été fortifiée. En l’état des recherches, il paraît peu probable que le bâtiment fortifié et les rangées d’« auges » aient été utilisées en même temps. Certains espaces appartenant au corps central étaient remblayés au moment de la construction et de l’utilisation de la fortification. D’autres espaces, privés d’accès, étaient enduits de mortier de tuileau, ce qui laisse supposer qu’ils servaient de citernes. Ainsi dotée de trois citernes et un puits, la maison fortifiée nord avait d’importantes réserves d’eau. Un espace demeuré accessible dans le corps central forme plusieurs petites pièces qui pourraient avoir servi à stocker des denrées. En outre, un bac circulaire en pierre présente les caractéristiques d’un pétrin39. Deux des « auges » disposées aux extrémités des anciennes rangées étaient probablement encore accessibles dans ce dernier état. Leur fonction, à ce moment, demeure difficilement identifiable.

19Les espaces périphériques, en service dans l’état fortifié, présentent de nombreux points communs avec ceux du bâtiment sud. Ils sont également formés d’un espace d’accueil, se développant autour de l’escalier venant de l’étage et, probablement, de l’entrée principale. S’y retrouve un ensemble de quatre et sept cellules, soit onze au total, comme dans la maison fortifiée sud. La superficie utile de ces dernières est légèrement inférieure à 5 m² quand on déduit l’espace dédié à la circulation (dans l’enfilade des baies). Elle est donc comparable à celle des cellules de l’autre maison fortifiée. La similarité de ces dispositifs laisse supposer qu’ils devaient avoir la même fonction.

20Une hiérarchie est sans doute à établir entre les deux maisons fortifiées de Sbeitla : celle du sud paraît disposer de véritables quartiers privés, centraux, dont l’entrée est mise en scène par un portique, tandis que dans celle du nord, l’espace central paraît plus probablement dédié au stockage (eau et vivres ?). Ce dernier bâtiment possède huit embrasures qui semblent bien être des archères. Il est également doté de latrines à six conduits biais, étayant l’hypothèse de la présence d’un nombre d’occupants relativement important. Dans ce contexte, la lecture des cellules périphériques comme des casernements pourrait se trouver confortée. Un autre argument peut aussi aller dans ce sens. Il s’agit de certains dispositifs de fermeture de ces pièces qui paraissent ne pouvoir être actionnés que depuis l’intérieur, ce qui suggérerait qu’il était possible de s’y enfermer, et donc qu’on pouvait y résider.

21En fonction de l’analyse de la distribution de ces maisons, de la présence d’éléments pouvant appartenir à un système défensif, et de l’analyse globale de la situation des Hautes Steppes à la fin de l’époque byzantine40, nous proposons de mettre en relation ces maisons fortifiées avec la présence militaire attestée à Sbeitla durant la période byzantine. Cette agglomération est en effet celle des Hautes Steppes où le plus grand nombre d’épitaphes qui sont probablement à interpréter comme celles de militaires a été mis au jour. Elles sont au nombre de cinq :

  • La première, celle de Crescens, qualifié de magister militum, a été découverte dans la basilique VI. Elle est datée de la seconde moitié du vie siècle41.
  • La seconde, celle de Traianus, qualifié de tribunus, provenant de la basilique VI, est datée de la seconde moitié du vie siècle42.
  • La troisième, celle du magister militum Pompeianus, trouvée dans la basilique des Pompeani, était installée à grande proximité du forum. Elle est datée de l’époque byzantine, sans plus de précision43.
  • La quatrième est celle de l’eminentissimus Petrus. Elle a été trouvée dans la basilique VI, et est datée du viie siècle, peut-être de 63744.
  • Enfin la dernière épitaphe est celle de Cosmas, qualifié de primicerius. Elle a été découverte dans la basilique III. Elle est datée de l’époque byzantine, sans plus de précision45.

22Les deux premiers, Crescens et Traianus, sont aussi qualifiés de peregrini, ce qui, pour N. Duval, indique leur origine étrangère46. Trois fonctions militaires sont ainsi représentées : primicerius47, magister militum48 et tribunus, attestant la présence d’un état-major à Sbeitla pendant une grande partie de l’époque byzantine49. Il y a tout lieu de penser qu’il était accompagné de soldats. Une présence militaire est donc attestée au vie siècle, comme au viie siècle, au moins jusqu’à la défaite de Grégoire face aux Arabes en 647. Par ailleurs, l’« eminentissimus » Pierre pourrait être un prédécesseur de Grégoire au grade d’exarque, selon N. Duval50. Il s’agit de la plus haute titulature militaire d’Afrique. La présence de constructions fortes à Sbeitla n’est, dans ce cadre, que peu étonnante. Toutefois, ces dernières ne sont probablement pas à considérer comme les vestiges principaux ou complets d’un système de contrôle du territoire, mais comme des éléments permettant peut-être uniquement de surveiller les abords méridionaux de la ville, et plus particulièrement son accès. Plusieurs autres constructions fortifiées ont d’ailleurs été mentionnées à Sbeitla, par exemple le forum et un temple situé à l’entrée septentrionale de la ville. En ce qui concerne la période justinienne, Procope mentionne l’existence de tours abritant des garnisons ailleurs dans le monde byzantin. L’une d’elle est située en Haute Mésopotamie51. L’autre serait une tour aménagée par Bélisaire à l’entrée d’un pont permettant la traversée du Tibre afin de surveiller les abords de Rome, face aux Goths52. Dans les deux cas, le terme πύργον est employé par Procope53. Deux autres sites localisés à proximité des Hautes Steppes sont dotés d’un ouvrage fort qui paraît avoir entretenu un rapport étroit avec une voie. Il s’agit de l’arc de Septime Sévère d’Ammaedara qui a été enveloppé d’une muraille, peut-être dès le moment de la construction de la citadelle, au début de la domination byzantine (539-544) et de l’arc fortifié de Mactar54. On peut penser qu’à Sbeitla, les maisons fortifiées complétaient un dispositif plus développé dont on n’aurait pas retrouvé les traces. L’hypothèse de l’existence d’une grande forteresse telle que celles construites par Justinien à Ammaedara, Mactaris ou Thelepte, pour ne citer que trois exemples, paraît peu probable, malgré les importantes destructions qu’a subi le site au tournant des xixe et xxe siècles. On pourrait encore avoir affaire à un projet de construction avorté ou à des ouvrages défensifs moins spectaculaires que ceux datés de la première partie de l’époque byzantine (forum55 ou autre construction publique renforcée ?). Plus qu’une réelle fonction défensive militaire, ces édifices pourraient avoir eu un rôle dans la surveillance et la police du territoire.

23En ce qui concerne les « salles à auges », il est notable que dans la maison fortifiée sud, elles sont en lien direct avec les espaces d’accueil, l’une avec l’accès général du bâtiment, et l’autre avec l’accès au corps central. Par ailleurs, ce dernier paraît renfermer de véritables appartements. Qu’on accepte ou non une lecture militaire de l’édifice, ces derniers pourraient être dévolus au logement de personnes de rang élevé. C’est peut-être dans ce contexte qu’il faut lire ces « salles à auges » : elles pourraient avoir eu des fonctions — ou des moments de fonctionnement — distinctes, ou encore avoir accueilli des personnes de condition différente. Le traitement architectural spécifique de chacune des rangées d’« auges » pourrait en témoigner.

24Le cas de la « salle à auges » de la maison fortifiée nord paraît très différent. Les deux rangées d’« auges » et les trois espaces qu’elles délimitent occupent entre un tiers et la moitié de la superficie totale de la construction, reflétant peut-être l’importance de leur fonction. Nous sommes peut-être en présence d’une variante locale du « monument à auges » (fig. 10). Il est à noter qu’aucun exemplaire de cette série d’édifices n’a encore été identifié à Sbeitla. Quant à dater cet état du bâtiment, il est à ce jour impossible de le faire.

Fig. 10. — Proposition de restitution des deux premiers états de la maison fortifiée nord, Sbeitla, Tunisie

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© DAO : Z. Lecat ; d’après le plan publié dans Baratte, Duval, 1973, p. 97.

25La probable interprétation militaire des ouvrages de Sufetula nous amène à rappeler qu’il n’est pas encore possible de citer un cas probant de grande fortification renfermant une « salle à auges » dans les Hautes Steppes tunisiennes. Ce constat n’est peut-être qu’à mettre au compte de l’état de conservation de ces constructions ou du faible nombre de fouilles dont elles ont fait l’objet56. En effet, on peut citer un cas d’ouvrage défensif africain, mais situé en dehors du cadre géographique de notre étude, qui dispose de salles à rangées d’« auges ». Il s’agit de la forteresse de Timgad, qui est datée de l’époque justinienne et dont les aménagements internes comptent parmi les mieux connus57. Le fort est daté, grâce à la découverte de ses dédicaces, de la période justinienne58. Deux salles munies de rangées d’« auges » y ont été aménagées (fig. 11).

Fig. 11. — Plan du fort et des « salles à auges », Timgad, Algérie

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© DAO : Z. Lecat ; d’après le plan de C. Diehl, revu par Pringle, 1981, vol. 2, p. 547, et le plan publié dans Lassus, 1981, hors texte.

26L’une d’elles se trouve à proximité de l’entrée du fort, dans un bâtiment interprété comme un corps de garde par J. Lassus59 (fig. 11, no 2). La rangée d’« auges », formant une série de guichets, sépare un espace rectangulaire en deux. Une autre ligne d’« auges » est aménagée dans le mur sud. Du côté nord, la salle ouvre sur deux pièces de petites dimensions (1 m² environ chacune) qu’il est difficile d’interpréter autrement que comme des espaces de stockage.

27L’étude de la circulation de cet ensemble muni de deux accès est intéressante : soit on pouvait pénétrer d’un côté de la construction, la traverser en longeant les « auges », puis sortir par le côté opposé ; soit un groupe de personnes avait accès à un côté et un deuxième se présentait de l’autre côté des « auges ». Cette installation est aménagée dans la partie du fort dédié aux casernements60, composés de quatre fois onze compartiments au centre. Soulignons que, dans un cadre militaire, ce nombre peut évoquer la composition d’une escouade de dix soldats dirigés par un décarque, soit onze hommes. Cette formation est attestée à la fin du vie siècle61.

28Une autre pièce à « auges » est installée dans l’autre moitié du fort, dans laquelle Jean Lassus situait l’état-major62. On trouve aussi de ce côté une chapelle et des thermes. Les « auges » y sont aménagées dans une pièce, contre un mur, pour six d’entre elles. Une seconde série d’« auges » séparait l’espace en deux parties63. Elles se présentaient, ici aussi, comme des guichets. Celles disposées contre le mur devaient être couvertes, en témoignent deux piédroits visibles sur un cliché publié par J. Lassus64.

29La comparaison avec la Maison fortifiée sud de Sbeitla est intéressante. Dans les deux cas, des espaces dotés d’« auges » sont en lien avec ceux réservés à l’accueil. Ils sont aussi en relation avec les cellules constituant de probables casernements. Quant à la seconde « salle à auges » de Timgad, sa position est plus difficile à analyser : peut-être faut-il la lire dans un environnement hiérarchique, en lien avec ce que J. Lassus identifiait comme étant l’état-major. En effet, cette salle s’ouvrait directement face à une entrée monumentale : une large baie surmontée d’un arc et encadrée par deux fenêtres permettait l’accès à un grand bassin d’époque antérieure, couvert à l’époque byzantine, et qu’on pouvait longer pour atteindre une église. J. Lassus l’interprétait comme un grand réservoir d’eau65. Rappelons que dans le cas de la maison fortifiée sud de Sbeitla, la « salle à auges » du corps central est en lien avec un espace clairement individualisé, un probable appartement, et qu’elle est située dès l’entrée de cette partie privée.

Des cas variés

30Somme toute, les cas de salles dotées de rangées d’« auges » observées en relation avec les ouvrages fortifiés des Hautes Steppes sont très différents les uns des autres.

31Le premier cas (Henchir Lebkakich), situé dans la campagne d’Ammaedara, n’est probablement pas une construction défensive. Ce sont peut-être les « auges » présentes sur deux rangées qui illustrent la fonction principale de ce bâtiment66. Ce schéma présente des similitudes avec celui observé dans les « bâtiments à auges » du centre d’Ammaedara, et plus particulièrement avec le « petit monument à auges ». C’est peut-être aussi ce schéma qui est à restituer dans l’état ancien de la Maison fortifiée nord de Sbeitla.

32Dans la maison fortifiée sud, comme à Timgad, les choses apparaissent différentes. D’abord, la division de l’espace en trois nefs ne se retrouve pas. Pour tenter de comprendre le fonctionnement de ces installations, il faut probablement retenir comme significative la proximité avec les espaces d’accueil, d’une part, et avec des aménagements dévolus à des lieux de vie collectifs, d’autre part. Qu’on accepte ou non une fonction militaire pour la Maison fortifiée sud, force est de constater que ce dernier cas offre un dispositif proche de celui observé dans la fortification byzantine de Timgad67. Ces deux constructions ne sont toutefois peut-être pas strictement contemporaines. Si on retient l’interprétation militaire des édifices de Sbeitla, la « salle à auges » de la maison sud pourrait peut-être s’expliquer par la présence de supérieurs hiérarchiques, qu’indiquerait celle des appartements centraux observés dans ce bâtiment uniquement. Cette relation avec la hiérarchie se retrouve à Timgad dans la localisation de la « salle à auges » à proximité de la partie du fort interprétée comme siège de l’état-major.

33La restitution d’échanges (distributions, donations, ventes, prélèvements, etc.) de part et d’autre des rangées d’« auges » est souvent retenue pour expliquer la forme de guichets qui a été adoptée pour ces installations. Ainsi, Noël et Yvette Duval proposaient, en 1972, d’étendre l’hypothèse des distributions collectives « à la plupart des batteries d’“auges” annexées aux grandes demeures et aux églises68 ». Dans le contexte militaire, cadre collectif s’il en est, ces salles pourraient aussi avoir servi à la distribution de biens, tels que la nourriture, sans doute pas suivant le rythme quotidien des repas, mais celle qu’ils recevaient périodiquement au titre de l’annone, ou à l’occasion d’autres approvisionnements collectifs. Ainsi, Procope relate une distribution de farine avariée dans la Guerre contre les Vandales69. L’épisode se déroule au moment de la campagne de « reconquête » de l’Afrique par Bélisaire. Le pain a été pétri et cuit à Constantinople, puis envoyé en Afrique. Mal cuits, les pains ont moisi durant le voyage. « [La farine en résultant] n’en fut pas moins mesurée aux soldats par les personnages investis de cette prérogative, qui procédèrent […] à la distribution du pain par chénices et médimnes70 ». Par ailleurs, pour ce qui est de la distribution annonaire aux soldats, J.‑Cl. Cheynet a montré qu’elle était toujours d’actualité au viie siècle71. Il pourrait également s’agir d’autre chose que de denrées périssables. Dans un cadre militaire, on peut proposer la distribution et la collecte d’éléments d’équipement ou encore de la solde. Pour la fin du ive ou le début du ve siècle, Végèce explique également que les soldats pouvaient déposer une partie de cette dernière « avec les étendards72 ». Il ne semble pas illogique de restituer ce type de pratique dans un contexte plus tardif.

34C’est peut-être ce type de distributions collectives qu’il faut restituer dans les « salles à auges » des édifices byzantins au sein desquels une présence militaire est envisageable. Les « auges » pourraient ainsi avoir accueilli des biens solides (pains, céréales, argent, équipements « consommables »…) le temps de la transaction, permettant aux deux parties d’avoir en vue les éléments échangés et d’éviter qu’ils ne tombent, avant d’être stockés, ou après l’avoir été, dans les réserves attenantes dans le cas de Timgad.

Notes de bas de page

1 Cette contribution est en partie issue d’une thèse (Lecat, inédite), réalisée sous la direction de François Baratte et sous la tutelle de Fathi Bejaoui. Elle avait pour thème les fortifications des Hautes Steppes tunisiennes à l’époque byzantine. Un des objectifs principaux était d’examiner tous les bâtiments mentionnés comme étant fortifiés dans cette région, et d’effectuer un tri parmi ces édifices très hétéroclites. Nombre d’entre eux étaient datés de l’époque byzantine, souvent d’après des critères discutables, à propos desquels nous ne nous étendrons pas ici. À l’issue de ce travail, les sites se classent en diverses catégories, allant de l’enceinte urbaine, de la citadelle, et du fort, tous à caractère officiel, à de petits édifices, qui n’ont, pour certains d’entre eux, finalement pas grand-chose de fortifié, ou pour le moins pas grand-chose de défensif.

2 Vingt-quatre sur les 302 constructions dites fortifiées, défensives ou interprétées comme des refuges dans les Hautes Steppes (ibid., vol. 1, p. 235). Ces édifices ont été identifiés comme tels lors de travaux archéologiques récents, mais également à l’occasion des repérages effectués par les explorateurs scientifiques du xixe siècle. Les données de datation objectives sont le plus souvent complètement absentes.

3 La zone d’étude a été étendue à la Dorsale centrale et à la partie sud du Haut Tell, ce qui permettait notamment d’intégrer des sites tels que celui d’Haïdra à la réflexion (ibid., pp. 39-41).

4 Picard, 1946-1949a, p. 517.

5 Ibid., p. 516.

6 Ibid.

7 Lecat, inédite, vol. 1, p. 402.

8 Rocca, inédite, vol. 1, p. 61.

9 Piganiol, Laurent-Vibert, 1912, p. 167.

10 Ben Baaziz, 2005, site 67.124, p. 79.

11 L’examen de ce site proche d’Ammaedara a été effectué dans le cadre de la prospection menée par E. Rocca sur les abords de la ville antique (Rocca, inédite).

12 Lecat, inédite, vol. 2, pp. 136-139.

13 Rocca, inédite, vol. 2, p. 347.

14 À propos de ce terme, on lira avec profit les remarques de Mattingly, Sterry, Leitch, 2013, p. 177 concernant les « fortified farms » et les « defended villages » d’Afrique.

15 Cette construction (Haïdra 2) a été étudiée dans le cadre de la Mission archéologique d’Haïdra et a fait l’objet d’une publication occupant plusieurs chapitres des Recherches archéologiques à Haïdra, t. III (Golvin, Séry‑Metay, 2009).

16 Golvin, 2009c, pp. 226-228.

17 Séry-Metay, 2009, pp. 256-259.

18 Ibid., p. 254.

19 Nous ne nous étendrons pas sur ces hypothèses qui font l’objet d’un article de J.‑Cl. Golvin dans le présent volume pp. 59-67.

20 Guénin, 1908a, pp. 138-139 et 161. Ces constructions sont examinées par Ph. Leveau dans ce volume pp. 131‑146, et J.-P. Laporte pp. 85-101.

21 Les portes à disque apparaissent concentrées dans la zone se développant autour de Tébessa et d’Haïdra ; elles semblent absentes des Hautes Steppes tunisiennes (Lecat, inédite, vol. 1, p. 293 et p. 294, fig. 41).

22 Ibid., vol. 1, pp. 202-204.

23 Guénin, 1908a, pp. 138 et 161.

24 Ibid., pp. 138-139.

25 Ibid., p. 161.

26 Lac de Bosredon, 1878, p. 22. Voir aussi, dans ce volume, la contribution de J.-P. Laporte pp. 85-101.

27 Guénin, 1907, p. 340.

28 Duval, Duval, 1972.

29 Guénin, 1907, p. 343. On peut se demander si ces deux installations sont strictement contemporaines. Aucun élément ne permet de le déterminer.

30 Duval, Duval, 1972, p. 680, fig. 4.

31 Ibid. et Baratte, 2010. Pour le reste de la bibliographie concernant plus directement cet ensemble de constructions, voir ci-dessous pp. 287‑309.

32 Picard, 1946-1949a, p. 518.

33 Id., 1946-1949b, p. 379.

34 Duval, Baratte, 1973, p. 92 ; Bejaoui, 1996, p. 37.

35 Duval, 1964, pp. 90 et 102. Ces niveaux de circulation « tardifs » ont été dégagés par les ouvriers des chantiers d’assistance dans les années 1940 et 1950. Le seuil de la basilique V, dont un état est probablement contemporain de l’état fortifié des maisons nord et sud, est ainsi installé à 80 cm au-dessus de la voirie antique (Id., 1999, p. 943). Cette basilique est située à 20 m au nord-ouest de la maison fortifiée nord.

36 Aujourd’hui, des escaliers permettent l’accès à ces constructions. Ils sont à attribuer aux travaux récents, d’après Duval, 1964, p. 103. Au moins quatre autres bâtiments dits « fortifiés » étaient probablement dotés d’une entrée surélevée (Lecat, inédite, vol. 1, p. 293). Ce dispositif n’est pas propre à cette région, ni à cette période. On le retrouve dans des tours médiévales, en France : tours beffroi d’Alsace, de Provence, du Quercy, pour ne citer que ces exemples (Mesqui, 1991, vol. 1, pp. 97-101). Elles seraient dédiées au guet. Souvent, les trous d’ancrage d’un escalier ou d’un balcon de bois sont visibles, ce qui n’est pas le cas sur nos édifices tunisiens.

37 Par exemple, Duval, 1964, pp. 102-103.

38 La ressemblance de ces dispositifs avec ce type d’installations a été évoquée par Leveau, 1990, p. 347, par exemple, qui ne retenait toutefois pas cette interprétation dans le cas de cette maison fortifiée de Sbeitla.

39 Pour comparaison, voir Monteix et alii, 2015.

40 Lecat, inédite, vol. 1.

41 Pringle, 1981, vol. 1, gazeeter CBb, no 51 et Duval, 1987, VI, 11, tavola Vb.

42 Pringle, 1981, vol. 1, gaz. CBb, no 52 et Duval, 1987, t. VI, p. 12, tav. Vb.

43 CIL, VIII, 23230 ; Pringle, 1981, vol. 1, gaz. CBb, no 53 ; Duval, 1987, t. X, p. 3 ; Bejaoui, 2015, p. 72.

44 Pringle, 1981, vol. 1, gaz. CBb, no 54 et Duval, 1987, t. VI, p. 9, tav. VIIb.

45 Duval, 1971, inscription no III, 7 et Pringle, 1981, vol. 1, gaz. CBb, no 50.

46 Duval, 1971, p. 431 ou Duval, 1987, p. 392.

47 Le grade de primicerius peut trouver un sens dans un contexte religieux. Toutefois, N. Duval privilégie l’interprétation militaire au sujet de cette sépulture (Duval, 1971, p. 441 et 1986a, p. 392), tout comme Pringle, 1981 qui la retient dans son inventaire

48 La fonction de magister militum pourrait avoir succédé à celle de dux dans le courant du viie siècle. Cette évolution des titulatures a été mise en évidence par Morisson, Prigent, 2013, notamment d’après l’étude d’une série de sceaux datés de cette période. Un des deux porteurs de ce titre à Sbeitla (Pompeianus) pourrait donc avoir exercé un commandement d’échelle provinciale. L’imprécision de la datation de cette sépulture empêche toutefois de dépasser le stade de l’hypothèse. Celle de Crescens est probablement trop précoce pour être associée à cette évolution.

49 Duval, 1971, p. 461 et Pringle, 1981, vol. 1, p. 82.

50 Duval, 1987, p. 391.

51 Procope, Constructions, II, 6, 16, p. 163.

52 Id., Histoire des Goths, I, 17, 12, t. I, p. 81. Les vestiges de ces tours ne sont pas identifiés, et aucune comparaison archéologique n’est donc possible avec les maisons fortifiées de Sbeitla.

53 Duval, 1983, pp. 192-193 proposait de retenir ce terme pour désigner certains fortins d’Afrique.

54 Pour N. Duval, « l’utilité militaire de [ces] fortins est indéniable » (ibid., p. 193).

55 Celui de Sbeitla aurait ainsi été fortifié. Toutefois, les structures conservées attribuables à une modification de la construction après la fin de son utilisation initiale ne ressemblent pas à celles caractérisant les fortifications officielles byzantines. La présence de parements simples, notamment, apparaît peu propice à la défense. La datation de cette réfection n’a pas été déterminée (Lecat, inédite, vol. 2, pp. 312-314).

56 Pringle, 2001, vol. 1, pp. 693-707, a proposé un état des recherches sur les fouilles archéologiques menées dans les fortifications officielles africaines à la réédition de son travail de thèse. Peu est à ajouter depuis (Lecat, inédite, vol. 1, pp. 171‑173), à part la poursuite de l’étude de la citadelle d’Ammaedara par la Mission franco-tunisienne. Quelques publications intermédiaires sont disponibles : particulièrement Baratte, 1996 et 2006 ; Baratte, Bejaoui, 2010 ; Eid., 2012.

57 Jean Lassus a publié en 1981 les résultats des dégagements initiés en 1938 par Louis Leschi et réalisés par Charles Godet, puis par son fils, René. Les travaux se sont ensuite poursuivis à la fin des années 1950 sous la direction de Serge Tourrenc et Jean‑Pierre Bonnal, conservateurs du site. Des relevés de Jean‑Claude Golvin et Jean Lenne ont complété les travaux (1967 et 1975). Pour plus de détails, voir Lassus, 1981.

58 Durliat, 1981, pp. 47‑51.

59 Lassus, 1981, pp. 100‑104.

60 Ibid., pp. 174‑179.

61 Strategikon, p. 15 ; Schlosser, inédite, p. 152.

62 Lassus, 1981, pp. 117‑122.

63 Quatre sont figurées sur le plan hors texte, mais une seule est conservée sur la fig. 140 et J. Lassus ne précise pas leur nombre (ibid., p. 177).

64 Ibid., p. 177, fig. 140.

65 Ibid., pp. 107 et 115.

66 Pour ce qui est des réflexions concernant cette fonction, nous renvoyons aux autres articles du présent volume.

67 D’autres exemples de salles dotées d’auges aménagées dans les espaces d’accueil de forts byzantins se rencontrent dans la partie orientale de l’Empire. Nous renvoyons à l’article de P. Piraud‑Fournet dans la présente publication, pp. 000‑000. Nous noterons que ces espaces y ont souvent été interprétés comme des écuries ou des espaces dédiés à des animaux. Dans le cas de la Maison fortifiée sud de Sbeitla, la circulation paraît bien complexe (plusieurs volées d’escaliers) pour que les auges aient servi à alimenter des animaux.

68 Duval, Duval, 1972, p. 710.

69 Procope, Guerre contre les Vandales, I, 13, 12‑20, 77‑78.

70 Ibid., I, 13, 19. La chénice et la médimne sont des mesures de capacité. Cette distribution est effectuée en temps de campagne militaire, ce qui explique que le ravitaillement se fasse, en partie au moins, depuis Constantinople.

71 Cheynet, 2008. À cette date, l’Afrique jouait d’ailleurs probablement un rôle dans l’approvisionnement en blé de la capitale (ibid., p. 209).

72 Végèce, Rei militari, livre II, 20. Ces fonds étaient conservés pour le soldat et lui étaient restitués. Selon Végèce, cette réserve d’argent sous bonne garde aidait à éviter les désertions. Ce sont les signiferi, responsables des enseignes, qui en avaient la garde (voir aussi Cosme, 2009, pp. 115-116).

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