La fonction des « monuments à auges »
p. 59-67
Texte intégral
1Exposée dès 1972 par N. Duval1, la réflexion relative à la fonction des monuments dits « à auges » d’Afrique du Nord reste pour les chercheurs un sujet de discussion. En l’absence de documents épigraphiques explicites et de fouilles archéologiques suffisamment poussées sur la plupart d’entre eux, la seule voie qui nous semble permettre d’avancer dans ce domaine est l’analyse très précise des caractéristiques architecturales des deux « monuments à auges » d’Haïdra que nous avons étudiés et l’étude comparative de ceux qui peuvent à coup sûr en être rapprochés. Si nous ne détenons toujours pas de preuve absolue permettant de confirmer définitivement l’hypothèse que nous allons privilégier, les recherches menées sur le premier « monument à auges » identifié à Haïdra (publiées en 1972), dit Haïdra 1, et sur le second (publiées en 20092), dit Haïdra 2, nous semblent permettre de cerner aujourd’hui cette question de près. Il faut cependant rester ouvert à toute proposition que d’autres chercheurs pourraient formuler dans la mesure où elle serait conforme à tous les indices connus. Émettre une hypothèse est toujours préférable au fait de se contenter d’écarter celles qui sont avancées sans rien proposer.
2La fonction, la position relative et les relations fonctionnelles des composantes de cet édifice en déterminent parfaitement le type (fig. 1). La « salle à auges », placée en position centrale (A) est toujours flanquée de deux salles allongées, disposées symétriquement (B). Les exemples connus comportent le plus souvent une abside axiale (D) et, dans tous les cas, un espace transversal (C) qui distribue les salles latérales (A et B) ainsi que de petits escaliers menant à l’étage. Ces derniers ouvrent sur des salles allongées qui se superposent aux précédentes. La porte d’accès, unique, est toujours très petite et non axée, ce qui lui enlève tout effet monumental alors que l’édifice a, d’une manière générale, ce caractère. Cette porte, petite et décalée, a donc été conçue ainsi volontairement. Il est possible de classer dans une même catégorie les deux monuments d’Haïdra que nous avons étudiés et les exemples qui ont été découverts à Madaure, Henchir Goubeul, Henchir Faraoun, Tébessa Khalia, Oued Louz, mais bien d’autres ont dû exister3. On peut noter la présence d’un certain nombre de petites pièces (E), mais de façon variable d’un exemple à l’autre, et constater que certains monuments n’en comportent pas. Elles sont distribuées par l’espace C et se trouvent à l’opposé de la « salle à auges » (A) à Haïdra 1, Madaure et Tébessa. Certaines pièces peuvent se trouver de part et d’autre de l’abside comme à Oued Louz, Haïdra 1, Henchir Faraoun, Madaure, Tébessa.
3D’après N. Duval, la construction de ces édifices se serait située entre le ive et le vie siècle après J.‑C.4. Leurs dimensions sont assez petites (leur longueur est d’une vingtaine de mètres pour une largeur d’une quinzaine de mètre en moyenne). Leur plan est régulier et symétrique pour l’essentiel. Bien que le contexte dans lequel ils s’insèrent ait rarement été fouillé, il semble qu’ils aient été liés à un complexe monumental plus vaste. La chose est certaine pour Haïdra 1 et 2, Oued Louz et Tébessa. Il faut ajouter à cette série le plus petit des « monuments à auges » d’Haïdra, dit « Haïdra 2 » (fig. 2), qui est particulièrement intéressant car il est bien conservé et restituable avec grande précision (fig. 3a-b). Il offre la version « minimale » de ce type de monument puisqu’il ne comporte ni abside ni pièces de service. Il ne possède donc que les organes indispensables au fonctionnement de ce type d’édifice. Nous en donnons ici le plan et la restitution sûre qui en a été publiée afin de nous référer facilement à certaines caractéristiques techniques utiles à notre démonstration (fig. 3c-d).
Déduction du mode de fonctionnement de l’édifice
4Nous allons montrer que les caractéristiques architecturales de ce type d’édifice imposent des contraintes tellement fortes qu’il est possible de déduire en grande partie son principe de fonctionnement. Nous procèderons par étapes en commençant par les parties pour lesquelles il est possible de le déduire avec le plus de précision.
Les pièces latérales (B)
5Il est certain, dans le cas d’Haïdra 1, que les pièces latérales étaient basses car l’amorce de leurs voûtes en berceau permet de restituer leur couverture avec certitude (fig. 4). Nous constatons qu’elles ne comportaient aucune fenêtre en façade et par conséquent que la lumière n’y parvenait qu’indirectement, à travers les ouvertures des « auges ». Elles étaient donc relativement obscures. Ce devait être des pièces de service uniquement accessibles à un personnel lié au fonctionnement de l’édifice. La coupe prouve que ce personnel ne pouvait se tenir debout que du côté des « auges » et donc qu’il devait avoir un rapport fonctionnel avec elles. Le reste de la pièce ne pouvait pas servir à circuler en raison de sa faible hauteur mais au mieux à déposer des objets en quantité limitée puisque la surface totale utilisable pour ce dépôt était assez faible (fig. 4). Le personnel qui se tenait debout dans les pièces de service faisait de toute évidence face aux « auges » car leur tourner le dos n’aurait eu aucun sens. L’étroitesse des « auges » suggère en outre qu’une seule personne devait se trouver devant leur ouverture. Chaque opérateur voyait ce qui se trouvait en face de lui dans la salle centrale bien éclairée qui, nous le verrons, était destinée au public. Les personnes placées en vis-à-vis pouvaient se parler discrètement à travers les ouvertures qui séparaient les « auges » sans être entendues par les personnes voisines. Le public et le personnel de service ne pouvaient échanger que par les « auges » dans lesquelles les uns et les autres avaient la possibilité de plonger les mains sans que le contenu échangé ne soit visible par une tierce personne. Si ces personnes échangeaient quelque chose qui aurait été momentanément déposé au fond des « auges », cet échange était voulu pour être discret car seulement visible par elles.
6Dans le monument dit « Haïdra 1 » (fig. 5), les deux pièces non voûtées situées de part et d’autre de l’abside (V et X) n’étaient accessibles que par les pièces latérales (T et U) ce qui montre que ces dernières en constituaient des annexes. Ces pièces auraient pu être éclairées par des fenêtres. Mais comme ni abside, ni pièces comparables n’existent à Haïdra 2, il en résulte que ces éléments n’étaient pas indispensables au fonctionnement des édifices de ce type.
7Le dessus de ces « auges » qui sont toujours petites, étroites et profondes, se trouvait à un peu plus d’un mètre de hauteur ce qui permettait aux personnes placées en face et de part et d’autre d’y plonger les mains facilement. Les « auges » ne comportent ni revêtement étanche, ni couvercle, ni trou inférieur d’évacuation. On en déduit que le produit échangé ne pouvait être ni liquide ni pulvérulent. Les « produits » échangés à travers les « auges » ne pouvaient pas non plus être très lourds puisqu’il fallait les lever à la main à plus d’un mètre de hauteur. Ils ne pouvaient pas être trop volumineux pour passer par les ouvertures des « auges ». De même, les portes de service étaient étroites et peu propices au passage de gros éléments. Si ces « produits » étaient donc petits, ils n’étaient pas visibles non plus par un voisin une fois qu’ils avaient été déposés dans l’auge. Seul le préposé situé en face les voyait. Il avait des raisons de les voir car ce dernier avait probablement un rôle de contrôle consistant à compter, vérifier, enregistrer, consulter ou remettre un document. Les « produits » échangés, une fois déposés au sol dans des pièces de service obscures, n’étaient pas visibles depuis la « salle à auges », comme s’il s’agissait de les dérober aux regards et sans doute par volonté de discrétion et par sécurité. Que pouvaient être ces petits objets ? Serait-ce des petits pots ou des petits sacs contenant quelque chose ou directement des pièces, des documents ou des bijoux ? Nous verrons plus loin pourquoi il faut penser que ce contenu devait être précieux.
8Il est à remarquer que l’échange entre la pièce centrale « à auges » (A) et les pièces de service (B) ne pouvait se faire que par l’intermédiaire des « auges » et qu’il était possible dans un sens comme dans l’autre. De A vers B, il s’agissait de recevoir et de B vers A de distribuer ou de remettre quelque chose (fig. 6a-c).
9Comme les pièces B ne disposaient que d’un fort petit espace de rangement possible, celui-ci devait être assez rapidement encombré, même si les objets déposés étaient plutôt petits. Les transactions ne pouvaient donc pas durer trop longtemps. Une fois l’espace saturé il fallait interrompre les transactions et peut-être vider les pièces B de leur contenu en fin de journée.
10Le nombre assez limité d’« auges » (8 par côté en moyenne) soit moins d’une vingtaine au total indiquerait d’après notre hypothèse (d’une personne face à chaque auge) le nombre maximum de « clients » pouvant opérer simultanément et celui des employés situés en face. Les transactions auraient pu se poursuivre toute une journée en faisant sortir les « clients » déjà traités (soit un à un, soit par fournée) pour en autoriser d’autres à entrer et maintenir à l’intérieur un nombre constant de personnes. Ceci implique la présence d’un personnel de contrôle à l’entrée pour éviter tout encombrement, bousculade ou accès non autorisé. Le plan indique un principe de fonctionnement bien ordonné, un nombre d’« auges » limité et des réserves en conséquence. D’autres caractéristiques architecturales, évoquées plus loin, montrent qu’une atmosphère de sérénité devait régner à l’intérieur de l’édifice. Cependant, en cas d’incident grave éventuel il fallait que le personnel en fonction réussisse à avoir le dessus sur le public agité et pour cela que ce personnel soit formé et équipé. Il devait pouvoir contrôler la situation, fermer le bâtiment et l’évacuer ou, à l’extrême, pouvoir s’enfermer à l’intérieur.
Les pièces de l’étage
11La petitesse et l’incommodité des escaliers (qui sont bien connus à Haïdra 1 et 2 et à Henchir Faraoun) prouvent que l’on ne montait pas à l’étage d’objets pondéreux ou encombrants. L’étude d’Haïdra 2 a révélé aussi que ces pièces étaient éclairées et aérées par de toutes petites ouvertures avec grilles. Ces pièces auraient donc permis le séjour d’un personnel même la nuit. Elles pouvaient servir de dortoir à des gardiens mais aussi de réserve pour entreposer avec sécurité le produit provenant des pièces B.
Les grandes pièces
12La « salle à auges » (A) et la pièce transversale (C), soigneusement dallées, sont en outre les seules qui étaient éclairées par de grandes fenêtres. Or la pièce C était de façon certaine accessible au public puisque la porte d’entrée ouvrait directement sur elle. Il en était de même par conséquent pour la salle A qui s’ouvrait largement sur cette dernière par un arc monumental. La pièce transversale distribuait toutes les autres et jouait le rôle d’un vestibule assez large pour que le public admis s’y répartisse avant de gagner la « salle à auges ». Elle était éclairée par de grandes fenêtres placées en hauteur et pourvues de puissantes grilles (dont tous les blocs sont connus pour Haïdra 2).
13La puissance de ces grilles et la position élevée des fenêtres sont, de toute évidence, liées à des impératifs de sécurité. On ne pouvait pas pénétrer dans l’édifice par effraction ni voir ce qui s’y passait depuis l’extérieur. Des volets puissants les refermaient permettant de masquer l’intérieur même à qui aurait voulu monter à hauteur des ouvertures. Ainsi, l’édifice pouvait être rendu obscur et fermé soit la nuit soit pendant des périodes de non réception du public.
14L’espace C est très étroit (2 m) lorsque l’édifice comporte des pièces annexes opposées à la « salle à auges » (cas de Haïdra 1, Madaure, Tébessa, Henchir Faraoun) mais il est bien plus large lorsque le monument n’en possède pas (comme à Oued Louz et Haïdra 2). Il faut penser alors que la fonction assumée par les pièces annexes pouvait être exercée dans la partie de la pièce C qui était la plus proche de l’entrée. Il s’agissait peut-être d’un contrôle de documents que les visiteurs pouvaient présenter. Les pièces annexes lorsqu’elles existent auraient pu avoir une fonction administrative.
15La salle à auge était le plus souvent couverte par une voûte d’arête. Elle devait être aussi largement éclairée en partie haute probablement par des ouvertures à claustra analogues à celles des thermes.
L’arc monumental
16Dans tous les exemples connus un arc monumental à archivolte moulurée, supporté par des colonnes corinthiennes, donnait accès à la « salle à auges ». Il conférait une solennité certaine à l’entrée de la « salle à auges » et un caractère solennel (officiel) à tout ce qui devait s’y passer.
L’abside
17Une abside occupe le fond de la « salle à auges » sauf à Haïdra 2, ce qui prouve qu’elle était fréquemment présente mais non indispensable. Quelle pouvait être sa fonction ? Il est possible qu’elle ait accueilli une statue officielle car à cette époque il ne pouvait s’agir d’une divinité païenne. L’abside aurait pu aussi être destinée à recevoir le siège d’un personnage qui aurait présidé une séance d’utilisation de l’édifice. La première hypothèse nous paraît être plus vraisemblable, car à Haïdra 2 où l’abside est absente la statue aurait pu être remplacée par une peinture murale ou tout élément adéquat (bas-relief, inscription). Il semble en tous cas, en raison de la présence presque systématique d’une véritable abside, que l’on ait voulu renforcer la solennité de la grande salle.
La porte d’entrée
18La porte d’entrée, unique, petite et décalée, était fermée par un battant de bois très épais doté de plusieurs serrures et d’une puissante barre de sécurité horizontale que l’on ne pouvait manipuler que de l’intérieur. Ceci prouve que l’opérateur restait enfermé dans le monument. Il faut donc penser que l’édifice était gardé en permanence, autre indication de la valeur de son contenu. Cette petite porte était facilement contrôlable par un préposé. Ce dernier pouvait vérifier qui pouvait entrer et qui devait sortir ou fermer le local efficacement en cas de danger.
Des monuments fortifiés
19N. Duval a mentionné l’existence de « monuments à auges » fortifiés, soit dès l’origine (Henchir el Abiod et Henchir el Adjeje) soit après coup (Henchir Faraoun)5. On peut se demander si l’édifice en forme de tour accolé à l’angle nord ouest d’Haïdra 2 n’avait pas pour fonction de le protéger (fig. 2 p. 000). Le fait de fortifier ces édifices est un indice de plus de l’importance qu’ils devaient avoir et donc du caractère précieux de leur contenu.
Synthèse et proposition
20Ces édifices étaient destinés à accueillir du public par une porte étroite facile à contrôler qui ne se situait jamais dans l’axe. Ce décalage semble indiquer que le public se répartissait au revers de la façade après son entrée, comme si l’on souhaitait l’introduire par petits groupes à chaque fois. Environ seize personnes étaient concernées et il est probable que l’on procédait à quelque vérification dans l’espace situé au revers de la façade ou dans les petites pièces servant de bureau dans le cas de Haïdra 1. Chaque personne pouvait se rendre ensuite en face d’une auge pour une opération faite discrètement à l’abri des regards des personnes voisines. L’échange devait concerner un « produit » petit et assez léger, ni liquide ni pulvérulent, qui pouvait être soulevé à plus d’un mètre de hauteur et placé dans l’auge. Il était stocké à l’intérieur de salles latérales basses, obscures et bien fermées de l’intérieur par une porte de service.
21On peut se demander si les trous situés en vis‑à‑vis observés au milieu des montants des « auges » et à l’intérieur de l’ouverture ne correspondraient pas à l’axe de pivotement d’une sorte de volet (ou panneau) basculant qui permettait à l’échange de s’effectuer sans montrer le préposé et l’intérieur de la pièce de service. Nous désignons par simple commodité la personne venant retirer une somme ou la déposer sous le nom de « client » et l’opérateur situé dans la pièce de service sous le nom de « préposé ». Ces termes inspirés du langage actuel seraient certainement impropres à désigner ces personnes dans l’Antiquité mais nous ne connaissons pas les mots adéquats. Seul nous intéresse le rapport qu’ils devaient avoir.
Cas du versement d’un impôt ou du dépôt d’une somme
22Dans un premier temps, le préposé tire le bas du volet vers lui et le « client » peut placer la somme dans l’auge (fig. 6a p. 000). Soit cette somme est dans une bourse ou soit il la vide pour montrer les pièces. Dans un deuxième temps, le préposé repousse le volet vers le client et prend la somme qu’il va déposer derrière lui (fig. 6b p. 64). Dans un troisième temps, le « client » prend son reçu et s’en va (fig. 6c p. 64).
Cas de la réception ou du retrait d’une somme
23Dans un premier temps, le préposé tire le bas du volet vers lui. Le fond de l’auge est visible et le « client » peut déposer un document visé par le bureau de contrôle indiquant ce qu’il doit recevoir (fig. 6c p. 64).
24Dans un deuxième temps, le bas du volet est poussé vers le client. Le préposé dépose au fond de l’auge la somme qui correspond à la transaction validée (fig. 6b p. 64). Si les trous observés dans les montants correspondaient bien à cette hypothèse supposant l’existence d’un volet ou panneau basculant, ceci révèlerait une sécurité de plus pour la transaction car le « client » ne verrait ni le proposé ni les sommes déposées dans la pièce de service. Nul ne pourrait non plus tenter de franchir l’ouverture pour pénétrer dans la pièce de service car la présence du volet bloquerait le passage. Cependant il est probable que le préposé pouvait voir le « client » par de petits trous ou une petite grille aménagée dans le panneau du volet.
25Dans un troisième temps, le « client » prend la somme et s’en va (fig. 6a p. 64).
26L’importance des grilles armant les grandes fenêtres et la puissance du système de fermeture de la porte d’entrée montrent que le monument était particulièrement bien protégé contre toute tentative d’intrusion ou de vol. Les portes étaient fermées de l’intérieur et toujours contrôlées par le personnel. Enfin, rappelons que certains de ces monuments étaient fortifiés ou protégés par des édifices fortifiés (fig. 2 p. 61). Pour que de telles précautions soient prises, il fallait que le « produit » échangé ait une grande valeur et comme il était peu encombrant, il est probable qu’il s’agissait de monnaie ou de valeurs fortes (or, bijoux).
27Nous avons vu que la transaction pouvait s’effectuer dans les deux sens :
- du public vers le personnel : il s’agirait d’une perception ou du dépôt volontaire de valeurs placées en ce lieu par sécurité.
- du personnel vers le public : il s’agirait d’une distribution, soit le paiement ou la restitution des valeurs déposées par sécurité.
28Mais on peut se demander si ces édifices ne pouvaient pas jouer à la fois le rôle d’une perception des impôts à certains moments de l’année et d’une sorte de banque à d’autres. En effet, le fait de fermer hermétiquement les fenêtres par des volets de bois qui rendaient l’intérieur totalement obscur ne s’explique pas si l’opération devait avoir lieu tous les jours. On ne voit pas pourquoi il aurait fallu chaque soir monter sur des échelles pour aller fermer ces volets haut placés et seulement pour la nuit alors que les grilles présentes suffisaient à clore l’édifice. Il serait absurde aussi de fermer les volets au moment de l’utilisation de l’édifice pendant la journée car les fenêtres n’auraient servi à rien et le public se serait trouvé dans le noir ou réduit à l’usage de lampes en plein jour.
29En revanche tout s’explique si l’on considère que les volets de l’édifice étaient fermés pendant les périodes où celui-ci n’était pas utilisé par le public mais seulement gardé. Il est probable qu’un tel édifice n’avait pas la nécessité d’être ouvert tous les jours de l’année mais seulement en certaines occasions : en telle circonstance il pouvait servir à la perception de l’impôt et en telle autre à déposer ou à retirer de l’argent déposé là par sécurité. Il est certain qu’autant de précautions n’auraient jamais été prises si le produit concerné avait été relativement banal (huile, aliments, vêtements) et nous avons vu que les qualités de stockage de l’édifice étaient très limitées. Il ne s’agit en aucun cas d’un horreum.
30Nous avons donc privilégié l’hypothèse qui nous paraît être la plus vraisemblable à l’issue d’un examen détaillé des caractéristiques de ce type de monument. La fouille de tous ces édifices (mis à part Haïdra 1 et 2, et Henchir Faraoun) reste à faire et l’on peut espérer trouver de nouveaux indices permettant de confirmer notre hypothèse. Cette dernière ne vaut que pour les monuments pouvant être rangés dans cette même catégorie, car il est évident que la présence d’« auges » dans un monument n’implique pas qu’il ait eu cette fonction particulière. Pour qu’il l’ait, il faut que tous les critères caractéristiques que nous avons énumérés soient réunis. Il reste encore beaucoup à découvrir pour se faire une idée plus précise de ces monuments.
Notes de bas de page
Auteur
CNRS, Ausonius, Bordeaux
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