Conclusion
p. 227-228
Texte intégral
1Confirmé par de très nombreuses sources, l’attrait que conservaient les ordres militaires, passé le milieu du XIIIe siècle, dans de larges secteurs de l’opinion castillane est un fait trop manifeste pour prêter à discussion. Cette constatation ne doit pas occulter les ignorances et les doutes qui demeurent au terme de l’analyse. Il est en effet difficile, lorsque l’on raisonne en termes de représentations, d’abolir toute marge d’incertitude. Si les supports qui s’offrent à l’étude sont moins pauvres que l’historiographie ne le laisse généralement entendre, leur hétérogénéité est directement responsable d’une information située sur des plans différents qu’il n’est pas toujours possible de connecter entre eux afin de donner sens à l’enquête. Pour important qu’il soit, le faisceau d’éléments éclairant la perception des ordres militaires dans la société castillane ne peut entièrement suppléer au défaut d’un discours construit où ces institutions se donneraient à voir. Il offre cependant une base solide pour réviser certains partis pris tenaces de leur historiographie.
2Il n’est pas possible de souscrire à l’idée d’une disparition de la raison d’être des ordres militaires après la conquête de l’Andalousie bétique au prétexte que la rupture du processus d’expansion du royaume castillan aux dépens de l’Islam leur aurait ôté l’objet essentiel de leur mission. Si séduisante que puisse paraître une telle thèse, elle ne présente de rigueur qu’en apparence. Il n’existe aucun élément dans la documentation des XIIIe et XIVe siècles qui vérifie l’existence d’une remise en cause des ordres militaires castillans par leurs contemporains. Des critiques circulaient évidemment à leur encontre, alimentées en partie par l’échec du projet latin en Terre sainte, mais elles ne présentaient pas de réelle spécificité par rapport aux attaques qui leur étaient adressées dans le reste de l’Occident ou à celles qui frappaient en Castille les autres corporations religieuses. D’ampleur réduite, elles étaient impuissantes à contrebalancer le courant continu d’exaltation répandu en faveur des ordres militaires dans une opinion qui, massivement, continuait à les percevoir comme un instrument indispensable de la défense du royaume.
3Si elle conservait un attrait important au regard du public castillan, l’image des ordres militaires n’en était pas pour autant restée immuable. Ainsi, au cours du siècle qui suivit la prise de Séville, se produisit dans l’opinion une dégradation de leur profil religieux qui, du fait d’un décalage croissant avec les attentes spirituelles d’une majorité de fidèles, les plaça en marge de l’économie de la grâce. Cette évolution fut toutefois largement compensée par une valorisation du caractère séculier de ces institutions qui leur permit, en abolissant les réticences qui en bridaient jusqu’alors le développement, de renforcer leur image dans la noblesse dont elles épousèrent dès lors à la fois le système de représentation et l’imaginaire social. Ainsi s’imposa dans l’opinion, à partir de la première moitié du XIVe siècle, une vision des ordres militaires en tant que modèle privilégié de l’idéal chevaleresque, appelée à connaître dans l’historiographie une fortune considérable qui se prolongea bien au-delà des deux derniers siècles du Moyen Âge.
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Église et pouvoir dans la péninsule Ibérique
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