Chapitre iii
Le théâtre d’honneur et de chevalerie
La valorisation de l’image séculière des ordres militaires
p. 165-226
Texte intégral
1Bien qu’il s’accélère dans les décennies finales du XIIIe siècle, l’affaiblissement de l’aura spirituelle des ordres militaires n’entraîna pas de rupture dans la considération dont ceux-ci jouissaient dans l’opinion castillane. Le public, nous l’avons vu, continua au-delà de cette date à justifier la raison d’être des milices, soutenant la mission qu’elles remplissaient dans la défense du royaume castillan contre l’Islam. Ce fait, qui n’est paradoxal qu’en apparence, s’explique par l’insistance sur l’image profane des ordres militaires, qui tendit à valoriser leur profil chevaleresque de manière croissante à mesure qu’avançait le Moyen Âge. Un tel regard valut à ces institutions un accueil favorable dans de larges secteurs de la société castillane, en particulier dans la noblesse, car leur représentation cadrait pleinement avec les idéaux du groupe aristocratique dont les membres accordèrent, à partir du milieu du XIIIe siècle, une place centrale au concept d’honra, qui désigne le rang social hérité des ancêtres ou acquis par l’individu au prix d’une action d’éclat, le plus souvent militaire, propre à lui assurer la gloire1. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de la faveur dont bénéficiaient les ordres militaires, perçus désormais en fonction d’une image laïcisée qui, en accord avec l’éthique du groupe dominant, les présentait comme des parangons de noblesse situés, pour reprendre l’expression d’André Favyn, l’un des premiers historiens français à s’être intéressés à leur passé médiéval, au faîte du théâtre d’honneur et de chevalerie2.
I. – Au cœur des préoccupations nobiliaires
2Il est bien connu que les chroniques sont au Moyen Âge des témoins privilégiés du regard porté par le groupe dominant sur la société de son temps3. Bien qu’elles constituent un support essentiel de l’histoire des ordres militaires, jamais elles n’ont été étudiées dans le but de mettre en évidence la perception dont ces institutions faisaient l’objet4. Cette lacune tient en partie à la difficulté de s’appuyer, pour la Castille médiévale, sur des analyses ayant trait aux mentalités de l’époque5. Néanmoins, il n’est pas possible d’accepter cette situation comme définitive, car celle-ci interdit de comprendre la faveur dont les ordres militaires jouirent auprès de la noblesse à partir du XIVe siècle.
Une montée en puissance dans la chronique
3Dans l’historiographie des ordres militaires, il est de règle depuis les origines de recourir aux chroniques. Celles-ci furent utilisées par les érudits curieux du passé des milices bien avant que ceux-ci ne mettent à profit de façon systématique la documentation archivistique6. Sur plusieurs points, en particulier pour la participation de ces institutions aux luttes de la Reconquête, elles restent à l’heure actuelle une source indispensable7. Leur emploi pose cependant un problème de méthode généralement passé sous silence par les historiens, qui tendent trop souvent à les aborder comme de simples réservoirs d’informations événementielles. Il est impératif de s’arrêter sur ce point car, quelle que soit leur richesse documentaire, il faut considérer les chroniques comme un genre littéraire. C’est même là, comme l’a très justement rappelé Inès Fernández-Ordóñez, la clé de leur succès8. En la matière, l’historien se doit donc de prendre en compte dans son analyse l’apport des philologues, indispensable quand il s’agit d’envisager la création écrite dans son contexte de production et de diffusion, c’est-à-dire dans son rapport avec un public dont elle reflète les attentes en même temps qu’elle contribue à les modeler.
4De ce point de vue, l’histoire des ordres militaires ne fait nullement exception. Elle requiert de tenir compte de la modification des destinataires de la chronique entre les XIIIe et XIVe siècles. Sous le règne de Ferdinand III, durant lequel le projet historiographique royal prend naissance avec la composition, en peu de temps et à des fins ouvertement politiques, du Chronicon Mundi et du De Rebus Hispame9, le public restait limité aux clercs et aux lettrés de la cour à cause de l’emploi du latin et de l’optique monarchique adoptée par les textes10. L’usage du castillan, imposé par Alphonse X, ouvrit à l’évidence la voie à la diffusion de la chronique auprès des élites peu instruites11. Il faut cependant se garder ici d’établir ici un lien trop direct de cause à effet car, bien qu’adoptant la langue vernaculaire, l’œuvre du roi n’était guère susceptible d’intéresser la noblesse à une historiographie dont elle accentuait encore le caractère officiel12. Autorité d’écriture et autorité politique étaient en effet presque confondues dans ce projet d’offrir au royaume un cadre historique capable de garantir son unité politique sous l’égide sans partage de la Couronne13.
5Contrairement au voeu de son promoteur, l’Estoria de España, on le sait, ne put être achevée14. Le texte publié en 1905 par Ramón Menéndez Pidal sous le nom de Primera Crónica General est très éloigné du modèle originel, en particulier dans sa partie finale, consacrée au règne de Ferdinand III, où, plutôt que d’utiliser les brouillons des scribes de l’atelier royal, il recourt à une tradition tardive, appelée « continuation du Tolédan », qui marque une rupture formelle et conceptuelle qualifiée par Diego Catalán de « révolution historiographique post-alphonsine »15. Achevée dans la décennie 1340, cette version obéit à des canons qui s’écartent du projet initial16 : au parti pris monarchique et à la sécheresse de l’écriture du modèle, les chroniques opposent dans la première moitié du XIVe siècle une vision davantage aristocratique, donnant en exemple la conduite des puissants, dont elles relatent les faits d’armes sur un mode épique qui fait la part belle à la légende17. En leur sein foisonnent les mots d’aventura et de caballería18, qui rencontraient un écho particulier auprès d’un public noble, à la formation duquel ces récits contribuaient de façon déterminante19, occupant le rôle dévolu dans l’espace français à l’épopée20.
6Il me semble particulièrement instructif de considérer l’évolution du traitement des ordres militaires dans les chroniques à la lumière des mutations de leur lectorat. Un grand nombre de textes du XIIIe siècle n’évoquent pas une seule fois ces institutions. Parmi eux, il n’est guère étonnant de compter des récits qui, par leur structure à la fois ramassée et fragmentaire, s’inscrivent dans la tradition annalistique, tels le Liber regum, composé entre 1194 et 1211, ou le Libro de las Generaciones, qui un demi-siècle plus tard devait utiliser le texte précédent comme source21. On ne saurait cependant imputer ce silence à la seule brièveté des notices car ces dernières, bien qu’évidemment fort concises, ne le sont pourtant pas davantage que celles des Anales toledanos, qui pour leur part mentionnent les Ordres à plusieurs reprises22 et ne semblent pas, bien au contraire, répugner à signaler les actions d’éclat de leurs membres23. Aussi serait-il plus juste d’expliquer l’absence des frères dans la narration par le caractère monarchique de chroniques qui, lorsqu’elles rapportent les succès militaires castillans de la Reconquête, tendent à en attribuer le mérite au seul roi, comme le feront encore, au tournant des XIIIe et XIVe siècles, des ouvrages plus élaborés comme le De Preconiis Hippanie24, composé par Juan Gil de Zamora pour servir à la formation du futur Sanche IV25, ou la Crónica de los estados peninsulares, compilée deux décennies plus tard26.
7Centrées sur la figure du prince, les chroniques castillanes constituent jusqu’à la fin du XIIIe siècle des gestes royales. Il suffit donc, pour expliquer l’intérêt réduit qu’elles portent aux ordres militaires, de remarquer que la mention fréquente de ces derniers aurait éloigné le chroniqueur de son sujet et que de plus le pouvoir royal se serait vu menacé par l’entrée en scène d’un concurrent susceptible de lui disputer dans le récit le contrôle de la Reconquête27. Il n’est pas étonnant que Lucas de Túy, souvent représenté comme nourri de l’idéologie impériale léonaise28, ne cite les frères de Calatrava qu’en un seul passage de son récit, à l’occasion de l’effort dirigé en 1211 par le sultan almohade contre Salvatierra29, attribuant pour le reste au seul roi l’initiative de la lutte face à l’Islam30. Il est cependant plus singulier que Rodrigo Jiménez de Rada, généralement tenu pour acquis aux idéaux de la féodalité31, adopte une attitude similaire32. Certes, les mentions des ordres militaires lors de la prise d’un château sont chez lui plus nombreuses que chez Lucas de Túy33, mais, chaque fois, il use d’un schéma littéraire qui place sans conteste les milices en position subordonnée dans le récit : c’est le roi qui emporte la forteresse ennemie puis la cède, dans un second temps, à l’institution de son choix, à laquelle il signifie ainsi sa sujétion34.
8Dans cette perspective, il me semble que le panégyrique consacré par Rodrigo Jiménez de Rada aux frères de Santiago doit lui aussi être rapproché de la louange générale que cet auteur adresse à Alphonse VIII35. L’éloge est célèbre : « Persecutor Arabum moratur ibi et incola eius defensor fidei. Vox laudancium auditur ibi et iubilus desiderii ilarescit ibi. Rubet ensis sanguine Arabum et ardetfides caritate mentium. Execratio est cultori demonum et uita honoris credenti in Deum. »36 En s’appuyant sur ce passage, Derek Lomax et Robert Burns notamment ont pu souligner la faveur dont l’Ordre bénéficiait à l’origine37. Le texte autorise sans aucun doute cette interprétation, mais il convient d’observer que l’éloge de la milice concourait directement à la gloire du roi, ainsi que le souligne le titre du chapitre qui, comme le précédent, exalte les hauts faits d’Alphonse VIII, récent vainqueur de Cuenca38. Le fait est encore plus évident lorsque, peu après, Rodrigo Jiménez de Rada étend la louange aux frères de Calatrava : « Multiplicatio eorum gloria regia et disciplina eorum corona principis »39, affirme-t-il, soulignant par la que ces derniers étaient des outils au service du pouvoir dans sa mission de Reconquête, essentielle à sa légitimité40.
9Un siècle plus tard, le panorama chronistique avait profondément évolué41. Dans l’historiographie post-alphonsine, largement ouverte aux vues de la noblesse, les ordres militaires occupent une place considérable, comme il ressort d’un décompte des mentions de l’Hôpital dans les sources narratives42. Pour cet ordre, les citations antérieures à la fin du XIIIe siècle sont rares. L’allusion la plus ancienne concerne la participation des frères, en 1187, à la défaite franque d’Haṭṭin contre l’armée de Saladin43. La première référence ibérique, extraite du récit de la victoire chrétienne de Las Navas de Tolosa, date de 1212 seulement44. À la pauvreté des narrations anciennes s’oppose la profusion des sources de la première moitié du XIVe siècle. En atteste par exemple la dernière partie de la Primera Crónica General tirée, nous l’avons vu, de la continuation de Rodrigo Jiménez de Rada. À l’instar de celui des autres ordres militaires, le rôle de l’Hôpital dans la conquête y est amplement valorisé au lieu d’être, comme c’était auparavant le cas, occulté systématiquement derrière le caractère monarchique de l’entreprise45.
10Plus nombreuses, les références chronistiques aux ordres militaires touchent à partir de la première moitié du XIVe siècle des champs plus variés qu’auparavant. Bien qu’elles continuent à enregistrer la participation des frères à la lutte contre l’Islam, elles n’en font plus l’unique sujet de leurs commentaires. Ainsi, une attention plus grande est accordée aux prises de position politiques des Ordres, sur lesquelles Fernán Sánchez de Valladolid, chargé par Alphonse XI d’écrire l’histoire de ses trois prédécesseurs, jette un éclairage d’une précision jusqu’alors inconnue46. En témoigne la chronique d’Alphonse X qui relate avec soin l’attitude des maîtres dans le conflit opposant le roi à la noblesse47, qu’ils épousent la cause du souverain en l’appuyant contre les aristocrates révoltés, comme ils le firent en 1273 à Almagro48, ou qu’ils prennent parti en majorité, à la fin du règne, pour l’infant Sanche entré en rébellion ouverte contre son père avec le soutien des principaux éléments de la société politique49. Un tel point de vue historiographique est tout à fait caractéristique de l’attitude nouvelle propre aux chroniqueurs du XIVe siècle, soucieux de mieux rendre compte des faits des ordres militaires en leur restituant leur dimension pleine et entière.
11Grâce à cette évolution, ces institutions ont acquis une autonomie qu’elles n’avaient pas jusqu’alors dans la chronistique. Si, tout au long du XIVe siècle, l’historiographie reste marquée par l’influence directe du pouvoir monarchique, qui contrôle en détail la présentation des événements50, les ordres militaires ne sont plus réduits à figurer dans le récit à travers le seul prisme du souverain : intégrés à la narration, justifiés le cas échéant par l’intervention royale, les passages les concernant ne sont plus aussi étroitement tributaires de cette dernière que par le passé. En atteste l’agencement même de la chronique, qui à plusieurs reprises consacre aux ordres militaires un chapitre propre51 ou du moins, en l’absence d’autonomie dans la rubrication, des développements dotés d’une cohérence interne52. De tels éléments ne sont pas à mon sens anodins. Ils témoignent, pour reprendre l’expression de Fernán Sánchez de Valladolid, d’un vif intérêt pour « la estoria destos freyles », désormais tenue pour digne d’être rapportée dans la mesure où elle s’accorde aux préoccupations d’un public noble toujours plus friand d’œuvres historiographiques.
L’exaltation des prouesses chevaleresques
12Acteurs majeurs de la chronique à partir de la première moitié du XIVe siècle, les ordres militaires y apparaissent avec un aspect séculier accusé, partageant les attributs et les modèles de comportement de l’élite à laquelle ces récits étaient destinés. Dans le domaine militaire, les frères sont ainsi présentés comme doués d’un goût de la prouesse identique à celui du groupe nobiliaire. De nombreux récits les montrent, à l’instar des chevaliers, soucieux de fazer fazaña, c’est-à-dire de réaliser le fait d’armes qui fonde durablement la renommée d’un combattant parmi ses pairs53. Deux exemples suffisent à montrer que cette préoccupation était capable de l’emporter, lors des combats, sur la conscience du péril et sur le sens tactique le plus élémentaire. Ainsi, par goût de l’exploit, un groupe de chevaliers chrétiens, parmi lesquels plusieurs frères des ordres militaires, choisissent de mourir en combattant une troupe musulmane supérieure en nombre plutôt que d’abandonner l’île sur laquelle Alphonse XI les avait envoyés afin de parachever le blocus de Gibraltar54. C’est cette même volonté d’honneur poussée à l’extrême qui, peu avant la bataille du Salado, fait renoncer l’avant-garde chrétienne, formée en partie de frères, à surprendre nuitamment un détachement mérinide dans son campement, retardant l’attaque jusqu’au lever du jour por que se pudiesen conosçer los que hazian bien55.
13Pleinement intégrés aux conceptions chevaleresques à partir du deuxième quart du XIVe siècle, les membres des ordres militaires sont présentés à plusieurs reprises dans les chroniques de l’époque comme les auteurs de prouesses dignes d’être consignées. Le récit de la prise de Séville par Ferdinand III, tel que le relate la Primera Crónica General sur la base de la continuation de Rodrigo Jiménez de Rada, en est sans doute le meilleur exemple. Pendant le siège de la cité, les frères sont en effet réputés, à l’image des Santiaguistes conduits par Pelayo Pérez Correa, avoir pris une part tout à fait décisive aux affrontements ainsi qu’aux razzias lancées contre les faubourgs56. À plusieurs reprises, la narration a recours aux topoi de la supériorité numérique de l’ennemi57, voire du danger auquel les frères des milices se trouvent à l’occasion exposés avant de le surmonter finalement58. Par de tels procédés, la chronique cherche à magnifier des comportements épiques proposés à l’admiration du public et susceptibles à ce titre d’être répandus voire, dans le cas de la Primera Crónica General, enrichis par des interpolations qui en accentuent encore le caractère éminemment chevaleresque59.
14Le rôle des ordres militaires dans cette stratégie n’est pas négligeable. Si les frères ne sont pas les seuls combattants à faire l’objet dans la chronique de louanges pour leur vaillance, il convient à mon sens de ne pas en déduire trop hâtivement que l’éloge qui leur est adressé est sans originalité. Ils sont en effet les principaux protagonistes d’un mode d’affrontement spécifique, le combat singulier, qui, bien que faisant dans la chronique l’objet d’une demi-douzaine de mentions seulement avant la fin du XIVe siècle, n’en possède pas moins un fort contenu symbolique puisqu’il met aux prises durant la bataille deux champions de religion opposée. À trois reprises, des membres des ordres militaires assument le défi lancé à l’Islam60. Telles que sont présentées leurs motivations, le souci de la gloire l’emporte de beaucoup sur la quête du martyre. Dans deux cas au moins, ils ont en effet l’honneur d’affronter un adversaire de rang princier61. Bien qu’ils n’aient pas attiré l’intérêt des historiens, il me semble difficile de considérer ces exemples comme purement fortuits : c’est à dessein qu’ils peignent, malgré les réticences du roi, les frères des ordres militaires sous un jour chevaleresque que les chroniqueurs savent étranger à l’esprit originel de la règle, davantage enclin à prôner l’effort collectif62.
15L’assimilation des ordres militaires à l’aristocratie, postulée parla chronique, ne se limite pas à leur goût commun pour les faits d’armes. Elle intéresse l’ensemble du comportement des frères, dont les récits offrent à partir du deuxième quart du XIVe siècle une vision conçue en termes chevaleresques63. En ce sens, le lignage constitue un élément fondamental pour expliquer leurs actes. Il joue dans la décision d’un groupe de chrétiens, composé en partie de chevaliers de Calatrava, de faire le sacrifice de leur vie pour défendre, nous l’avons vu, une position avancée de l’armée castillane face à Gibraltar dans la mesure où, en combattant jusqu’à la mort, ils manifestent que eran omes de buen lugar64. Une préoccupation similaire anime le maître Alonso Méndez de Guzmán à la veille de livrer bataille à une armée musulmane venue, lors d’une incursion, mettre le siège devant le château santiaguiste de Siles. Dans la harangue qu’il est censé avoir adressée à ses troupes pour imposer silence à ceux qui lui reprochaient de chercher à attaquer des forces supérieures en nombre, il n’y a place que pour l’honneur du lignage, auquel le maître, en parfait chevalier, dit ne vouloir manquer à aucun prix65.
16La chevalerie comportait des devoirs auxquels les frères des ordres militaires étaient contraints de se conformer dans la mesure où ils partageaient son éthique. En atteste un récit extrait de la chronique du règne de Pierre Ier, écrite par Pedro López de Ayala dans le dernier quart du XIVe siècle, qui repose de l’aveu même de l’auteur sur un témoignage recueilli à l’époque des faits66. Il rapporte un conflit de fidélité dont, en 1354, fut victime Pedro Ruiz de Sandoval, commandeur de Montiel, lors de l’affrontement ouvert entre le roi et son demi-frère Fadrique, maître de Santiago. Le frère refusa de livrer la forteresse à son supérieur, s’étant engagé auprès de Pierre Ier à ne la remettre qu’à son injonction67. Il en confia donc la surveillance à un écuyer avant de se rendre au maître, auquel il avait engagé sa personne lors du serment fait au jour de sa profession68. Le geste vaut autant par son exemplarité que par les réactions qu’il suscita, à en croire Pedro Lépez de Ayala. Chacun s’accorda à en reconnaître la grandeur, tant parmi les contemporains, au premier rang desquels Fadrique, qui prit le commandeur en grâce et l’attacha à son service69, qu’au sein d’une postérité soucieuse non seulement de garder la mémoire de l’événement, mais encore d’en faire un parangon des conduites chevaleresques70.
17Dans la chronique, les valeurs du groupe nobiliaire servent donc d’aune pour juger des actes des frères des ordres militaires. Utilisées pour les louer, voire pour les ériger en modèles, elles permettent aussi d’incriminer leur conduite. Ainsi, lorsque Alonso Méndez de Guzmán s’apprête à attaquer devant Siles une armée nasride supérieure en nombre, les arguments qui lui sont opposés appartiennent au langage de la chevalerie : les objections portent moins sur des considérations tactiques que sur le fait qu’il n’y a aucune honte, pour un maître de Santiago, à refuser le combat devant des troupes plus nombreuses71. De façon significative, la chronique ne concède pas à un frère, lorsqu’il a transgressé l’éthique chevaleresque, d’autre possibilité que de déguiser son forfait en tâchant de préserver un semblant d’honneur. Pour avoir ouvert le château de Segura à Fadrique, en violation de la foi qu’il avait jurée à Pierre Ier, Lope Sánchez de Bendana est obligé, lorsque le roi se présente devant la forteresse, d’apparaître sur le rempart avec une chaîne autour du cou, afin de simuler une contrainte qui puisse lui éviter de perdre la face aux yeux de ses pairs en chevalerie72.
18Ainsi s’amorce, à partir du second quart du XIVe siècle, un mouvement qui tend à assimiler les ordres militaires au groupe nobiliaire, dont les chroniqueurs signalent qu’ils partageaient de plus en plus le système de valeurs. Le fait n’a pas jusqu’ici retenu l’attention, faute d’analyses conçues en termes de représentation. Si chacun s’accorde sur l’évolution générale, l’origine de la mutation reste occultée derrière les témoignages plus nombreux de la fin du XVe siècle et de la période moderne. Le goût de l’exploit chevaleresque prend alors dans la chronique une place prépondérante. En témoigne, à titre d’exemple, la tentative d’Alonso Núñez de Castro, au milieu du XVIIe siècle, pour élaborer un récit de Las Navas de Tolosa susceptible de combler les lacunes du texte de Rodrigo Jiménez de Rada lequel, faute de recenser les hauts faits de chacun des participants, ne répondait plus aux attentes du public73. Le résultat de cet effort est une liste des combattants censés avoir fait montre de bravoure, où figurent nombre de frères des ordres militaires, que seul son format de dix pages différencie des chroniques du XIVe siècle.
19Il est à cet égard remarquable les éloges que l’on trouve dans les récits de la fin du XVe s. et du XVIe siècle proviennent directement des narrations antérieures. Ainsi, dans le panégyrique qu’ils offrent d’Alonso Méndez de Guzmán, les premiers historiens de Santiago reprennent en tout point les informations de la chronique royale. En 1481, Diego Rodríguez de Almela, le plus ancien d’entre eux, se limite même, dans la brève note consacrée aux maîtres au terme d’une œuvre qui n’est pas entièrement centrée sur l’Ordre, à en évoquer la figure à travers la seule victoire de Siles74. Écrivant quelques années plus tard, Pedro de Orozco et Juan de la Parra n’accordent qu’une notice succincte à Alonso Méndez de Guzmán, renvoyant à la chronique du royaume pour plus de détails sur ses actes75. Pour sa part, Francisco de Rades y Andrada propose du maître un portrait plus équilibré, mais entièrement démarqué de la chronique royale, qu’il se limite à gloser en en accentuant le caractère épique76. Ces exemples font bien voir que le profil chevaleresque des membres des ordres militaires, qui apparaît aujourd’hui à l’historien comme un trait spécifique de la fin du Moyen Âge, constitue en fait une réalité antérieure qui trouva alors simplement son plein aboutissement.
20Les contemporains ont admirablement compris la continuité d’un processus étendu sur plus de deux siècles, comme le montre, à la fin du Moyen Âge voire au début de l’époque moderne, la décision de plusieurs familles nobles de renforcer l’honneur de leur lignage en lui choisissant un ancêtre éponyme, réel ou supposé, parmi les chevaliers des ordres militaires connus pour leurs prouesses, À la fin du XVe siècle, les Sandoval ajoutèrent ainsi à leurs armes deux têtes de porc pour rappeler la mémoire de Pedro Ruiz de Sandoval, surnommé Rostro de puerco en raison de sa laideur77. Ils cherchaient ainsi à participer plus directement à la gloire d’un frère dont l’attitude, nous l’avons vu, avait puissamment impressionné ses pairs. Un tel exemple n’est pas isolé et de nombreux lignages travaillèrent pour capter, par le biais de l’héraldique, le souvenir d’un ancêtre ayant appartenu à une milice et dont les qualités furent alors mises à contribution pour fonder l’honneur de ses descendants78. Le profil chevaleresque de ces institutions était admiré et reconnu par la majorité des nobles qui n’hésitèrent pas, à partir du XIVe siècle, à tirer profit de leur prestige pour asseoir leur propre réputation.
L’héroïsation de la figure du maître
21L’assimilation des ordres militaires au système de valeurs nobiliaire bénéficia en premier lieu au maître, dont le statut dans la chronique changea en même temps que celui de l’institution qui lui était soumise. Le dignitaire acquiert à partir du XIVe siècle une identité que ne lui reconnaissaient pas les textes plus anciens. Jamais en effet il n’est nommé dans les récits de Lucas de Túy et de Rodrigo Jiménez de Rada, qui l’occultent toujours derrière le groupe des membres de l’institution désignés sous l’appellation collective de fratres ou sous le nom générique de militia79. L’unique source narrative antérieure au milieu du XIIIe siècle qui individualise les maîtres est la Crónica latina de los reyes de Castilla80. Encore mentionne-t-elle leur fonction et en aucun cas leur nom, à la différence des chroniques du siècle suivant, dans lesquelles les éléments anthroponymiques remplissent un rôle majeur pour désigner les dignitaires. Sans être exclusive puisque, à la marge, demeurent attestées des références à leur seule charge81, l’appellation lignagère est à partir du second quart du XIVe siècle le mode normal de dénomination des maîtres.
22L’attitude des supérieurs des ordres militaires, pleinement individualisés, fait désormais l’objet de développements spécifiques. Il est significatif qu’à plusieurs reprises leur comportement soit l’enjeu d’une controverse historiographique. Le meilleur exemple en est la révolte du prieur de l’Hôpital, Fernán Rodríguez de Valbuena, qui en 1328 fut à l’origine de la chute du favori d’Alphonse XI, Alvar Núñez Osorio82. L’affaire constitue, ainsi que l’a signalé Diego Catalán, la différence essentielle dans l’ordonnancement du récit entre la Crónica de Alfonso XI, composée par Fernán Sánchez de Valladolid, et la Gran Crónica, qui s’en inspire un quart de siècle plus tard83. Alors que la première, écrite par un officier curial dévoué à la cause monarchique, lie l’événement à la guerre ouverte menée contre le roi par Juan Manuel, dont elle juge qu’il a poussé le prieur à la rébellion84, la seconde replace l’attitude de Fernán Rodríguez de Valbuena dans un faisceau de causes plus complexe, corroboré par la documentation d’archives85, au sein duquel la volonté du favori de taxer les ordres militaires a joué un rôle déterminant86.
23Affinée dans son profil, la figure du maître tend à partir du deuxième quart du XIVe siècle à s’identifier dans la chronique à l’institution qu’il dirige. Plusieurs exemples attestent de cette pratique. Ainsi, lors qu’Alphonse XI rassemble au printemps 1333 une armée pour libérer Gibraltar assiégé par les Mérinides, l’ordre qu’il adresse à Santiago, Calatrava et Alcántara est rapporté dans le récit comme s’il intéressait les seuls maîtres87. Quant à l’Hôpital, il semble avoir été exclu de la convocation dans la mesure où Fernán Rodríguez de Valbuena, gravement malade, était hors d’état de participer à l’expédition88. Cependant — et le fait n’est pas anodin —, les frères de l’Ordre durent en réalité être informés du projet du roi puisque quelques jours après la mort du prieur plusieurs d’entre eux rejoignirent les troupes castillanes à Séville sous la conduite de Ruy Pérez de Bolaños, commandeur de Lora et de Setefilla, nommé lieutenant pour la province89. Dans le récit, cependant, tout se passe comme si, du seul fait de l’indisposition de leur supérieur, les frères de l’Hôpital avaient été tenus à l’écart de la convocation. Selon un procédé de synecdoque désormais habituel dans les chroniques, le maître incarne l’Ordre dans sa totalité, le chef se substitue à la collectivité des membres au regard du public.
24Il est indubitable que le processus d’affirmation de la figure du maître à l’intérieur des ordres militaires a bénéficié d’une plus grande attention pour l’individu, que souligne le traitement privilégié dont les principaux dignitaires de ces institutions font l’objet à partir du milieu du XIIIe siècle. C’est en effet pendant la décennie 1240 qu’apparaissent dans les diplômes royaux des donations consenties aux ordres militaires à travers l’un de leurs frères distingué pour la qualité de ses services. En 1244, le futur Alphonse X concède ainsi, au nom de l’Hôpital, le château d’Archena à Guillén de Mondragón, commandeur de Consuegra90. Deux ans plus tard, à la suite de la prise de Jaén, son père Ferdinand III fait don à Calatrava de plusieurs maisons qu’il remet au commandeur de Martos, Juan Pérez, pour le récompenser de son aide lors de la conquête de la place91. À partir du règne d’Alphonse X, ce type de cessions se multiplie dans les sources, attestant la valeur croissante accordée à l’individu au sein des ordres militaires92.
25Bénéficiant certes à certains des dignitaires les plus élevés dans la hiérarchie des ordres militaires, cette évolution favorise cependant en premier lieu le maître. À l’intérieur de l’institution qu’il dirige, celui-ci s’impose désormais comme le point de référence fondamental. Il n’est aucunement anodin que les Ordres, lorsqu’ils entreprirent, comme nous l’avons vu, de se représenter leur histoire, aient élu la succession des maîtres comme cadre chronologique pour ordonner les événements intéressant le passé de l’institution tout entière. De façon significative, les premiers témoignages d’une telle pratique se réduisent à de simples listes où n’apparaissent guère que les noms successifs des supérieurs, assortis le cas échéant de la durée de leur magistère93. À partir de la seconde moitié du XIVe siècle, ces documents gagnent en complexité, faisant place au récit, l’espace d’une notice, jusqu’à donner naissance, à la fin du Moyen Âge, aux premières chroniques consacrées aux milices94. La nouveauté historiographique est de taille. Pourtant, la grille de lecture du passé de ces institutions ne s’était pas modifiée en substance. Plus nombreux, mieux reliés entre eux, les événements restaient disposés selon la succession des maîtres, conformément à une pratique perpétuée tout au long de la période moderne et même bien au-delà95.
26Dans les sources extérieures aux ordres militaires, la focalisation sur la figure du maître est comparable. Au XIVe siècle, l’éloge s’est transporté de l’institution vers son chef sans laisser subsister de références au groupe. Le supérieur fait l’objet de louanges en tout point semblables à celles qui sont adressées aux membres de la noblesse dans les portraits qui se développent à partir des décennies centrales du XIVe siècle, notamment dans des poèmes. Quoique dépourvus de l’autonomie générique que leur donne Fernán Pérez de Guzmán96, ils offrent néanmoins de nombreux traits qui préfigurent les semblanzas de la fin du Moyen Âge. Ainsi s’amorce un processus d’héroïsation particulièrement sensible dans le cas d’Alonso Méndez de Guzmán, qui est l’une des figures les mieux traitées du Poema de Alfonso Onceno, tant par le nombre de strophes qui lui sont consacrées que par le caractère systématiquement laudatif de celles-ci97. Le maître y est présenté comme l’archétype du chef parfait, ayant conquis par ses prouesses militaires une réputation éternelle98. À ce portrait il ne manque plus qu’une référence antique établissant une comparaison avec la bravoure des capitaines de la Rome républicaine, pour qu’on puisse l’assimiler à celui que Hernando del Pulgar, à la toute fin du XIVe siècle, brosse de Juan Ramírez de Guzmán, aspirant malheureux à la maîtrise de Calatrava99.
27Au cours des deux derniers siècles du Moyen Âge se répand ainsi une vision héroïque des maîtres des ordres militaires. L’un des vecteurs essentiels en est le romance, qui lui assure une ample diffusion dans l’opinion castillane. Il est remarquable de ce point de vue que parmi les pièces ayant pour thème un événement historique — parmi les romances noticteros, pour reprendre l’expression de Diego Catalán100 —, plusieurs mettent en scène un maître d’ordre militaire. On en compte trois parmi la petite dizaine de poèmes relatant une anecdote antérieure à l’avènement des Trastamares. La première évoque, en la justifiant, la révolte du prieur de l’Hôpital contre Alvar Núñez Osorio101. Les deux autres illustrent le destin tragique de Fadrique, le demi-frère de Pierre Ier, converti en une figure majeure du romancero et dont sont chantées la liaison supposée avec la jeune reine Blanche de Bourbon, puis la mort à Séville dans un guet-apens tendu par le roi102. Toutefois, ces poèmes n’offrent pas une lecture fidèle de l’événement historique dont ils traitent103. Sans doute peuvent-ils en revanche témoigner de l’intérêt suscité par les maîtres auprès de leurs contemporains, dont on peut penser qu’ils ont été favorablement impressionnés par leur conduite pour l’avoir ensuite illustrée de la sorte.
28Il se pose cependant un difficile problème touchant à la genèse de poèmes qui, pour la plupart, apparaissent tardivement par écrit dans des recueils de la première moitié du XIVe siècle, appelés silvas ou cancioneros104. Un fossé de près de deux siècles sépare donc l’époque à laquelle les romancer se présentent sous une forme fixée et celle où se situent les plus anciens événements évoqués au cours de la narration. À la suite de Ramón Menéndez Pidal s’est imposée, sur la foi des indices d’une transmission orale contenus dans les textes, l’idée d’une continuité chronologique qui tend à faire remonter le récit à l’époque même de l’anecdote qu’il rapporte105. Encore amplement répandu, ce postulat fait toutefois aujourd’hui l’objet d’une critique radicale qui considère le romance comme une recréation savante, opérée à partir de la chronique et datant dans la plupart des cas du règne des Rois Catholiques ou de Charles Quint106. Cette hypothèse, si elle était corroborée, infirmerait l’idée, longtemps incontestée, qui veut que ces poèmes soient nés d’une réaction de l’opinion castillane à une anecdote contemporaine qui l’aurait profondément impressionnée.
29Pourtant, comme le soulignent ses défenseurs, il convient de prendre garde à ne pas étendre indistinctement cette relecture à chaque composition107. Fernando Gómez Redondo a par exemple fait remarquer que les romances noticieros sont les pièces pour lesquelles il est le moins facile de postuler l’existence d’une discontinuité chronologique108. Plusieurs spécialistes ont repris cet avis dans le cas des poèmes intéressant les maîtres des ordres militaires109. Ces textes semblent en effet avoir été élaborés « à chaud », sous le coup l’anecdote qu’ils mettent en scène, bien qu’ils aient fait l’objet d’altérations ultérieures avant d’être fixés par écrit. En témoigne le romance du prieur Fernán Rodríguez, qui s’ouvre sur la figure du favori honni qu’il appelle, selon les traditions manuscrites, Rodrigo ou García de Padilla — contre toute historicité, mais en plein accord avec une interpolation qui fut ajoutée à la narration, dans le contexte des affrontements du règne de Pierre Ier, afin d’accroître le poids des accusations contre le parti de l’amante du roi, María de Padilla110. Pour pouvoir servir ce but, le récit devait à l’évidence jouir d’une tradition bien établie dans l’opinion castillane, ce qui me paraît accréditer l’idée de la simultanéité entre ce romance et l’événement qu’il rapporte. Il ne saurait être question de trancher la controverse à partir d’un seul exemple. Celui-ci peut cependant fournir un indice supplémentaire témoignant qu’au milieu du XIVe siècle circulaient, à propos de certains maîtres, des récits qui en vantaient le profil héroïque111.
30Passé le premier tiers du XIVe siècle, les ordres militaires font très largement partie de l’univers mental de la noblesse. À lire chroniques, poésies de cour ou romances, ces derniers d’inspiration moins élitiste, ils apparaissent sous le jour de corporations porteuses d’une éthique proche de celle de l’aristocratie. De nombreux textes relatent en effet les défis et les prouesses par lesquels les maîtres gagnent honneur et renommée. Contre le caractère religieux de ces milices, c’est désormais leur dimension profane, liée à une assimilation étroite aux valeurs du groupe dominant, qui prévaut dans l’imaginaire de la société castillane. Ainsi représentés, les ordres militaires suscitent la faveur accrue d’un public noble en quête de modèles, qui projette sur eux une partie essentielle de son idéal chevaleresque.
II. – Au diapason des usages aristocratiques
31À partir du Moyen Âge tardif, les ordres militaires travaillent à se doter d’une image qui corresponde avec les préoccupations de la noblesse. Leur démarche n’a guère suscité l’intérêt de l’historiographie. Si l’on excepte quelques études consacrées à l’évolution du vêtement des frères112, les contributions qui se sont hasardées à l’illustrer sont très rares. Aucune n’a véritablement tenté d’en prendre la mesure de façon globale. Pourtant, les supports utilisés par les ordres militaires offrent, en raison même de leur variété, un terrain privilégié à l’analyse. Depuis les pratiques de sociabilité jusqu’aux attitudes les plus intimes, ils témoignent de l’effort réalisé par ces institutions pour manifester, à différentes échelles, leur maîtrise des codes de représentation nobiliaires113.
Les plaisirs et les jeux
32En Castille comme dans le reste de l’Occident, les comportements du groupe dominant sont régis à la fin du Moyen Âge par un système de codes considéré comme la marque d’une éthique spécifique. Ce sont ces manières de chevalerie, qu’un noble doit apprendre dès son plus jeune âge, qui constituent le signe distinctif de son état114. Au premier rang de ces activités figure la chasse, en particulier la fauconnerie, largement pratiquée par les différents membres du lignage royal115 et conçue par la haute noblesse comme une caractéristique essentielle de son identité116. La chasse au vol remplit une fonction majeure dans la sociabilité du groupe dominant, qu’elle alimente à travers les échanges d’oiseaux de proie117. Bien que de telles activités soient à l’origine interdites aux frères des ordres militaires118, ceux-ci semblent s’y être largement adonnés au XIVe siècle, comme en témoigne l’envoi à Juan Manuel, par Fernán Rodríguez de Valbuena, d’un faucon119 appartenant à une espèce appelée nebli, réputée pour l’excellence de ses qualités de chasseur120. Ainsi, malgré les décrets du concile de Latran IV, qui proscrivaient la pratique de la volerie parles religieux121 et furent par la suite repris par plusieurs textes normatifs, en particulier dans le cas des institutions de filiation cistercienne122, les frères des ordres militaires firent très rapidement de la chasse au faucon l’une de leurs principales distractions123.
33Il me paraît difficile dans le cas des ordres militaires de dénier à la volerie son caractère de divertissement aristocratique pour la réduire, comme on l’a fait parfois, à une activité avant tout destinée à satisfaire des nécessités alimentaires124. Les frères la pratiquaient en effet à des fins de loisir évidentes125, comme l’atteste la chronique royale portugaise, compilée au début du XIVe siècle à partir de textes plus anciens ; lorsqu’elle relate la prise de Tavira au début du règne d’Alphonse III. À peine le maître de Santiago a-t-il accordé une trêve à la ville, pour préparer la phase finale de sa conquête, que plusieurs membres de l’Ordre, croyant le danger disparu, décident pour se distraire d’organiser une chasse au faucon qui se révèle fatale en raison d’une embuscade que leur ont tendue les Maures126. Un tel récit me semble exemplaire. Il reflète un goût très largement répandu dans les ordres militaires, dont les traités cynégétiques de l’époque vantent les domaines pour leur richesse en gibier. En règle générale, ceux-ci abondent en garennes, propices notamment à la capture d’ours et de sangliers127. Fréquentés par les chasses royales, telles par exemple les terres d’Alcántara à Cabeza del Buey128, ils se distinguent, pour certains d’entre eux, par une aptitude particulière pour l’élevage d’oiseaux de proie129.
34À différentes reprises, certains frères font figure de spécialistes de la chasse. Plusieurs sont cités tant par Juan Manuel que par Pedro López de Ayala dans la préface de leurs traités pour leur excellence dans l’art cynégétique et pour l’expérience qu’ils leur ont fait partager, notamment en matière de fauconnerie130. Parmi eux figurent Fernán Gómez de Albornoz, commandeur santiaguiste de Montalbán au milieu du XIVe siècle131, ou Ramir Lorenzo, clavaire de Calatrava, que chacun de ces écrivains s’accorde à compter parmi les meilleurs chasseurs de son temps132. Pour le second, l’information a un prix d’autant plus important qu’un lien intime l’a uni aux deux auteurs, puisqu’il a été le criado de Juan Manuel, comme le rappelle son épitaphe133, et le partenaire de chasse de Pedro López de Ayala, qui put ainsi à loisir observer ses talents134. Le goût des frères pour la chasse est tel que l’un d’eux, Ruy González de Illescas, commandeur de Santiago, fut nommé fauconnier de Pierre Ier en raison de ses aptitudes particulières dans ce domaine135. Si extrême soit-il, cet exemple est à mon sens un indice très probant de l’inclination que les membres des ordres militaires partagent avec la noblesse pour la chasse.
35De même que la fauconnerie, le jeu est au Moyen Âge tardif un élément essentiel des sociabilités nobiliaires. Quand il requiert des capacités physiques, il est, on l’a vu, un entraînement au combat. De même, quand il fait appel à des aptitudes stratégiques comme dans le cas des échecs, il prépare à l’exercice de responsabilités politiques136. Pas plus qu’à celui de la chasse les ordres militaires ne sont demeurés étrangers au goût pour les jeux de table dans la Castille des XIIIe et XIVe siècles. Il n’est pas anodin que le seul divertissement prohibé par les statuts soit les dés, jugés malhonnêtes car ils reposent sur un pari où, bien souvent, on risque de l’argent137.
36Aucune interdiction similaire ne pèse sur les échecs, auxquels les frères des ordres militaires semblent s’être adonnés à loisir si l’on en croit l’iconographie du Livro de los juegos de ajedrez, dados y tablas, composé à l’initiative d’Alphonse X à l’extrême fin de son règne138. Parmi les miniatures représentant le roi et les joueurs de son entourage, cinq intéressent des frères d’ordres militaires, dont une, de plus grand format, représente deux Templiers, le manteau frappé de la croix rouge (fig. 4, p. 188), s’affrontant de part et d’autre de l’échiquier139.
37De la même manière, les exercices militaires habituels à la noblesse ont en grande partie retenu la faveur des membres des ordres militaires. Il en est ainsi d’une pratique appelée dans les textes bofordar, à laquelle Juan Manuel attribue un rôle décisif dans la formation des jeunes chevaliers140. Développant l’adresse et la force du cavalier, ce jeu, alors désigné dans les régions d’oïl sous le nom de bohort, consiste à projeter à la volée une lance courte contre un panneau de bois de sorte que celui-ci ne tourne pas sur son axe mais s’abatte sous la violence du coup141. Un cas intéressant montre dans l’iconographie plusieurs frères d’ordres militaires partageant avec des chevaliers laïques ce divertissement nobiliaire. Il s’agit d’un caisson du plafond peint de la cathédrale de Teruel (fig. 5, p. 188), daté de la fin du XIIIe siècle et pour partie conservé dans la collection Plandiura du Museu Nacional de Catalunya, qui représente deux chevaliers de Santiago, reconnaissables à la croix fleurdelisée de couleur rouge du caparaçon de leur cheval, participant à ce jeu avec d’autres aristocrates distingués chacun par les armes de sa maison142.
38Évoquons enfin un dernier exemple de la participation croissante des membres des ordres militaires aux pratiques de sociabilité développées autour des armes par la noblesse. Il s’agit de leur engagement dans les tournois, pourtant interdit avec une extrême rigueur aux religieux : il s’agit là d’un phénomène tardif dont on ne connaît, pour l’époque antérieure à l’avènement des Trastamares, qu’un unique exemple, en liaison là encore avec Santiago. Il semble en effet que Pierre Ier, qui désirait éliminer son demi-frère l’infant Fadrique, maître de l’Ordre, ait songé à exécuter son projet au cours d’un tournoi organisé afin de dissimuler le crime. La chronique royale et le romance de la mort du maître s’accordent sur ce point, bien qu’ils diffèrent entre eux sur le lieu et la date de l’événement : la première le situe à Tordesillas en 1356, peu après que le roi eut repris Palenzuela143, le second, en vertu de ce qu’Aurelio González estime un effet d’indépendance de la tradition populaire144, le place à Séville, deux ans plus tard, à la veille de la mort de Fadrique145. On sait que le crime fut finalement exécuté en employant d’autres instruments, mais le fait que le roi ait pensé utiliser un tournoi pour déguiser son forfait me semble un élément permettant de corroborer l’ouverture des ordres militaires, et en premier lieu de Santiago, aux usages aristocratiques146.
39Au cours du Moyen Âge tardif, les ordres militaires participent largement à la sociabilité nobiliaire. Les contacts avec le siècle sont de règle, quoique les prescriptions normatives édictées jusque dans la première moitié du XIVe siècle cherchent, notamment pour les institutions de filiation cistercienne, à les soumettre à l’autorisation du maître147. Plusieurs documents attestent alors de la multiplication des échanges avec l’aristocratie, dont la fréquentation était devenue, notamment pour l’Hôpital et Santiago, une pratique quotidienne. De façon très significative, les restrictions alimentaires édictées en 1337 par le chapitre général de Rhodes prévoyaient pour chaque officier la faculté d’y déroger lorsqu’était présent à sa table quelque ecclésiastique ou laïc de renom148. Le cas n’était pas de pure spéculation. Qu’il suffise, pour l’Hôpital, de rappeler l’accueil que Fernán Rodríguez de Valbuena fit en 1320 à l’archevêque de Compostelle Bérenger de Landorre dans sa résidence de Castronuño149, ou, trente ans plus tard, l’aide qu’Alvar Pérez de Castro vint, dans ce même lieu, demander au prieur Fernán Pérez de Deza, afin de pouvoir échapper à la vindicte du roi Pierre Ier150.
40Au contact de l’aristocratie, les ordres militaires s’imprégnèrent d’une culture courtoise. Si dans la Péninsule ils n’adoptèrent pas, comme ce fut le cas en d’autres régions d’Occident, le profil littéraire de protecteurs bienveillants des amants151, ils s’ouvrirent, conformément à une tradition enracinée dans l’espace méditerranéen, à la poésie des troubadours, comme l’avaient fait les Templiers et les Hospitaliers de Provence152. Il se peut que certains frères aient composé eux-mêmes des chansons, tel ce Ruy Gómez auteur de deux pièces lyriques dédiées à sa dame, identifié récemment à un frère d’Avis du même nom, connu pour avoir reçu une donation en 1215 de la reine Mafalda153. Le cas dut cependant rester exceptionnel. Pour l’essentiel, les liens entre les milices et les troubadours relevaient du patronage artistique. Il en fut ainsi notamment pour Santiago154, auquel furent attachés des poètes de renom tels Fernão Rodrigues Calheiros dans les premières décennies du XIIIe siècle, connu pour avoir laissé une trentaine de pièces155, ou Gonçalo Eanes do Vinhal, chassé du Portugal après la destitution de Sanche II, proche parent ou même, selon toute vraisemblance, frère de Pelayo Pérez Correa156, qui jouit au cours du magistère de ce dernier d’une faveur considérable157.
41Ainsi se développe dans la seconde moitié du XIIIe siècle, en particulier pour Santiago, un rapport à la culture assez proche du mécénat. Comme dans le cas des grands lignages nobiliaires, il est toutefois difficile de démontrer avant les ultimes décennies du XIVe siècle l’existence d’une telle pratique158. Celle-ci, pour Santiago du moins, apparaît alors clairement documentée. À l’initiative du maître Lorenzo Suárez de Figueroa se constitua une véritable cour, séjournant le plus souvent à Llerena, qui ne le cédait en rien aux autres foyers pré-humanistes de la Péninsule159. Comme la plupart de ces derniers, elle réunissait des intellectuels de haut rang, souvent d’origine juive, tels le médecin Zadique de Uclés, qui à la demande du maître traduisit en 1402 les Dichos de sabios du catalan au castillan160, et des personnages plus troubles, en particulier des astrologues, auxquels il est relaté que le maître, de même que plusieurs de ses pairs, accordait une confiance excessive161. Bien que tardive, cette manifestation n’en reflète pas moins combien les ordres militaires participent, à la fin du Moyen Âge, des sociabilités nobiliaires jusqu’à en adopter tous les rites — du moins pour certains d’entre eux, tel Santiago.
Le vêtement et le paraître
42Plus encore que les pratiques de sociabilité, le vêtement, comme l’a souligné Michel Pastoureau, avait pour « rôle principal d’indiquer la place d’un individu au sein d’un groupe et la place de ce groupe au sein de la société »162. Il constituait donc un système de signes rigoureux et contraignant que surent très bien utiliser les règles primitives des ordres militaires, qui imposaient aux nobles convertis à cette forme nouvelle du service divin d’abandonner leurs usages vestimentaires pour se tenir désormais, à l’instar des Santiaguistes, a fastu secularis pompe163. Il n’est pas facile de déterminer précisément quel était l’habit originel des frères164. En effet, les textes normatifs évoquent rarement ce sujet. Ils laissent cependant apparaître clairement la volonté de privilégier un modèle opposé à celui qui avait la faveur de l’aristocratie165. Afin de distinguer leur habit du vêtement noble et de le rattacher à la tradition monastique, les ordres militaires jouèrent donc sur la couleur et la coupe des étoffes, prescrivant l’utilisation de tailles amples166 et, plus encore, de tonalités neutres comme le blanc, le noir ou le brun, qui ne supposaient pas de recourir à des teintures ou à des apprêts167.
43Bien que présentant des traits communs, les vêtements portés par les frères d’un même ordre militaire n’étaient pas tous identiques. Comme dans d’autres groupes, l’habit traduisait au sein de ces institutions les différences statutaires entre les membres, renforçant celles qui relevaient de l’apparence physique. Ainsi, les plus anciens statuts conservés pour Calatrava, qui remontent au début du XIIIe siècle, intiment aux frères d’utiliser une seule coupe de manteau168, distincte de la tunique grossière des convers169, auxquels il était défendu de se tailler la barbe au rasoir et de se couper les cheveux à la moitié de l’oreille comme le faisaient les chevaliers170. L’usage différencié du vêtement selon la catégorie de leurs membres est un élément essentiel de la pratique des ordres militaires. En atteste, à la fin du XIVe siècle, l’illustration d’une cantiga extraite du recueil mariai d’Alphonse X, figurant plusieurs membres de l’ordre de Santa María de España, récemment créé171 : dans chacune des miniatures, les frères, vêtus d’une même cape rouge frappée de l’étoile, symbole de l’institution (fig. 6, p. 194), se distinguent par la taille haute ou basse de leur couvre-chef172, selon qu’il s’agit de chevaliers ou de clercs173.
44Telles qu’elles se présentent à l’origine dans les textes statutaires, les normes vestimentaires visent avant tout à distinguer les frères, en particulier les chevaliers, des membres de la noblesse. À cet égard, les premiers statuts de Calatrava sont révélateurs, car l’une de leurs préoccupations essentielles est d’affirmer l’identité des membres de l’Ordre par rapport aux laïcs : les frères se voyaient interdire les bottes à bout pointu et les capes à manches des aristocrates, sauf lors des expéditions guerrières, où l’usage des secondes était toléré du moment qu’elles adoptaient une forme différente de celles des nobles174. De même, il leur était défendu d’utiliser un chapeau sauf quand ils étaient malades et à condition qu’il fût fait du même tissu que le reste de leur habit175. Le souci de se distinguer des séculiers traduit bien le désir des frères des ordres militaires de manifester immédiatement au regard du public castillan la spécificité de leur état. L’iconographie (fig. 7, p. 194) en offre la preuve ultime dans la mesure où, quel qu’en soit le support, la forme et la couleur du vêtement constituent, jusqu’à la seconde moitié du XIIIe siècle, une marque d’appartenance à chacune de ces milices tout aussi sûre que la croix stylisée que leurs membres portent au côté176.
45Passé le milieu du XIIIe siècle, cependant, une évolution semble se dessiner : loin de symboliser le renoncement au monde, le vêtement des frères des ordres militaires tend dès lors à suivre les modes circulant dans le siècle177. Bien que générale, cette rupture s’effectue cependant selon un rythme distinct pour chacune des milices. Ainsi Santiago et, à un moindre degré, l’Hôpital connurent une mutation plus rapide que les ordres de filiation cistercienne, demeurés plus proches du modèle monastique. Dans le premier cas, les statuts édictés par Pelayo Pérez Correa soulignent un infléchissement des usages vestimentaires dès le troisième quart du XIIIe siècle. Parmi les sept séries de définitions conservées pour son gouvernement, trois s’attachent à limiter les dépenses des membres en matière d’habillement178. Elles déterminent le prix maximal de certaines pièces comme la cape, dont le coût ne devait pas dépasser huit maravédis, et prescrivent l’usage de tissus bon marché, comme les draps d’Arras ou de Valenciennes, alors largement exportés dans la Péninsule179. Il y a lieu cependant de s’interroger sur leur efficacité dans la mesure où, en mars 1310, les statuts promulgués par Juan Osórez font pour la première fois explicitement état de l’existence d’entorses à la règle, donnant six mois aux frères pour mettre leur vêtement en conformité avec la norme admise180.
46Il y a près d’un siècle Joaquim Miret i Sans soulignait à propos de l’Hôpital que la répétition des mêmes normes vestimentaires, prohibant le luxe et l’ornement dans l’habillement des frères, traduit au seuil du XIVe siècle une préoccupation accrue pour le paraître181. Si l’on ne peut plus aujourd’hui lire cette évolution dans les termes moraux qu’utilisait l’historien catalan pour flétrir des vanités mondaines, décrites comme l’indice certain de la décadence de l’Ordre, il faut pourtant noter que cet infléchissement souligne une similitude croissante entre les vêtements des Hospitaliers et ceux de la noblesse de leur temps. À ce titre, les statuts promulgués par Hélion de Villeneuve dans le second quart du XIVe siècle sont révélateurs. Les interdictions qu’on y trouve témoignent du fossé qui séparait désormais la pratique des frères des usages originels. Ainsi, il leur est par deux fois défendu, en 1332 puis en 1337, de porter de l’or et de l’argent sur leurs habits182. Dans un tel contexte, on ne saurait soutenir que les références à la « taillie vieille et ancienne de la maison » présentent un sens littéral. Trop d’exceptions les accompagnent, qui prennent acte de la sécularisation croissante du vêtement des Hospitaliers183.
47Pour Santiago comme pour l’Hôpital, la rupture avec la norme vestimentaire prescrite par la règle est acquise durant la première moitié du XIVe siècle. Il ne fait aucun doute qu’elle s’est approfondie par la suite, comme l’a montré María Echániz Sans pour le premier de ces deux ordres184. Plusieurs représentations montrent qu’au XIVe siècle disparaît l’identité visuelle des frères, que rien ne distingue plus des membres de la noblesse, si ce n’est la croix de leur ordre. En atteste le livre de la confrérie de Santiago fondée en 1338 à Burgos, dans lequel furent ajoutés durant les XIVe et XIVe siècles les portraits équestres des fils de l’oligarchie urbaine nouvellement admis en son sein185. Parmi eux figure un commandeur santiaguiste, Juan Martínez de Burgos, mort en 1438, dont l’apparence est tout à fait comparable à celle des chevaliers laïques avec lesquels il partage visiblement un goût accusé pour l’exubérance et la nouveauté186. La rupture avec la norme vestimentaire originelle paraît alors consommée. Elle n’en est pas moins un fait ancien, ainsi que le soulignaient dès les années 1480 Pedro de Orozco et Juan de la Parra en vue de dénoncer le relâchement de leurs coreligionnaires187.
48Bien qu’elle obéisse à une logique comparable, l’évolution vestimentaire des ordres de filiation cistercienne présente toutefois un rythme plus lent. Le retard observé par rapport à Santiago ou à l’Hôpital s’explique par les résistances opposées au changement par les autorités dont dépendaient ces institutions, au premier rang desquelles figure l’abbaye de Morimond188. En 1275, son supérieur obtient de Grégoire X qu’il contraigne les membres de Calatrava à abandonner, sous peine d’excommunication, les nouveautés qu’ils prétendaient introduire dans les pratiques vestimentaires de la milice189. Il se peut que l’intervention pontificale ne se soit pas limitée à Calatrava car, en 1306, les membres d’Alcántara reçurent l’ordre de se conformer aux injonctions du pape et se virent interdire le port de vêtements desordenados, jugés contraires à leur état190. Défendre la modestie de l’habit des frères constituait le principal souci des autorités cisterciennes en matière de règlements vestimentaires. En attestent les statuts successifs de Calatrava qui, jusqu’à la fin du XIVe siècle, imposent aux membres de l’institution une tenue honnête, considérée d’après l’usage monastique comme la preuve de la sincérité de leur engagement191.
49Quelle que soit l’énergie avec laquelle les autorités de Cîteaux rappelèrent aux frères d’Alcàntara et de Calatrava l’obligation qui était la leur de respecter dans leur habit les mandements originels de la règle, il ne fait aucun doute que le XIVe siècle ouvrit la voie à plus d’une nouveauté vestimentaire. Certes, à la différence de Santiago et de l’Hôpital, il n’est fait aucune allusion explicite à des violations de la norme. Des évolutions se dessinent pourtant, dont témoignent a contrario les ensembles statutaires qui prétendent les corriger. On peut ainsi percevoir, à partir du second quart du XIVe siècle, comme María del Carmen Yáguez Boza l’a bien noté, un relâchement des usages originels192. À plusieurs reprises l’emploi des matières nobles fait l’objet de limitations sévères193, tout comme celui des couleurs jugées répréhensibles, dont le spectre tend à s’élargir : au blanc et au rouge, proscrits en 1336 dans les statuts édictés à Alcañiz194, s’ajoutent en 1397 le vert et le jaune195, largement prisés par l’aristocratie et dont l’association était parfois considérée comme le symbole même du désordre196.
50À la fin du XIVe siècle, l’évolution semble avoir pris un caractère inéluctable. Le rapprochement du vêtement des frères des Ordres de filiation cistercienne avec celui de la noblesse constitue désormais un fait acquis. Bien qu’il soit apparu plus tard que chez ceux de Santiago et de l’Hôpital, le phénomène n’en était pas moins arrivé alors à un stade de développement comparable chez les frères d’Alcántara et de Calatrava. À mon sens, il n’est pas anodin qu’au cours des années 1390 les papes aient entériné un processus de sécularisation qu’ils avaient jusqu’alors résolument condamné197. C’est ainsi qu’en 1392, Clément VII autorisa les frères de Calatrava, lorsqu’ils agissaient en dehors du couvent, à utiliser des vêtements de lin198. Cinq ans plus tard, Benoît XIII permettait aux chevaliers de l’Ordre d’abandonner la capuche de leur habit, héritée des pratiques monastiques, pour porter au côté gauche une croix plus conforme aux goûts nobiliaires du temps199. Sanctionnée au plus haut niveau de la hiérarchie, la rupture avec les usages vestimentaires des origines fut telle que, comme dans le cas de Santiago, aucun projet de réforme des Ordres de filiation cistercienne ne devait plus tenter au XIVe siècle de remettre en cause le caractère aristocratique de leur habit200.
La mémoire et la mort
51De même que le vetement, les usages funéraires constituent au Moyen Âge un domaine propice à l’affirmation du statut social de l’individu. Comme dans nombre d’autres pays, la mort a fait l’objet en Espagne d’une attention accrue au cours des vingt dernières années201. Les ordres militaires sont toutefois restés en dehors des avancées majeures de la recherche sur le sujet202, II est probable que cette situation est due à la difficulté de réunir l’information203. Isolés et fragmentaires, les éléments iconographiques et épigraphiques ne peuvent, en l’état actuel de la recherche, pallier la rareté des sources écrites. Le défaut de traces intéressant les pratiques funéraires des ordres militaires est tel qu’il est tentant de le lire comme l’indice de l’existence de normes imposant à chaque frère d’être inhumé dans son institution sans relief notable204. Les rares mentions relevées dans la documentation normative me semblent vérifier l’hypothèse, tant à l’échelle internationale, où les frères de l’Hôpital sont obligés en 1278 à être enterrés dans l’habit de l’Ordre205, que sur le plan ibérique, où les statuts de Juan Osórez rappellent en 1310 aux Santiaguistes l’interdiction de choisir leur sépulture hors des lieux consacrés par la tradition206.
52Il est possible que l’absence d’autres références statutaires à la coutume des frères d’être inhumés dans le cimetière de leur ordre procède du fait que celle-ci n’ait pas été enfreinte avant une date tardive207. Jusque dans la seconde moitié du XIIIe siècle, divers documents l’évoquent comme une évidence208. Elle ressort du désir exprimé par certains confrères d’être enterrés dans une institution comme s’ils en étaient membres. En attestent pour Calatrava deux mozarabes tolédans, Fernán Ibáñez et Pedro Sancho, qui demandèrent à être associés aux prières de la milice et inhumés parmi les frères comme l’un d’entre eux209, dans le cimetière du couvent central pour le premier et, pour le second, dans le prieuré de Santa Fe, où il demanda que son corps fut placé dans le mur de la chapelle à l’intérieur de laquelle reposaient les membres de l’Ordre210. L’usage est confirmé dans les accords de partage des droits ecclésiastiques, dont on sait qu’ils constituent jusqu’au troisième quart du XIIIe siècle un enjeu entre milices et sièges cathédraux. L’enterrement des frères dans une église de leur institution y est tenu pour une pratique ordinaire211. En un cas, il est même évoqué comme un devoir absolu212.
53À l’instar des frères, les maîtres semblent avoir eu coutume d’élire leur sépulture au sein de la milice qu’ils gouvernaient, comme le montrent les mentions rassemblées dans la narration de Rades pour la période antérieure à l’avènement des Trastamares : à une exception près, tous les maîtres dont le texte indique le lieu d’inhumation sont enterrés dans une église de leur ordre213. Le fait est largement corroboré par la documentation. Dans le cas d’Alcántara, l’acte de déposition du maître Ruy Vázquez atteste, en 1318, la coutume d’ensevelir ses prédécesseurs, de même que les frères morts dans la ville, dans le sanctuaire conventuel de Santa María de Almocobar214. Seuls les membres de l’institution morts dans d’autres lieux soumis à sa juridiction étaient admis à ne pas élire sépulture à Alcántara, sans pouvoir pour autant être enterrés en dehors de l’Ordre215. Aucune dérogation n’était consentie, sauf dans le cas où l’éloignement du lieu du décès interdisait de conserver en état le corps du défunt jusqu’à son transport au couvent216. En atteste l’exception mentionnée par Rades, à laquelle j’ai fait allusion plus haut. Il s’agit du maître Suero Martínez, mort en 1361 à Soria, au service de Pierre Ier contre l’Aragon, et dont le corps dut, en raison de la distance, être inhumé dans une église du faubourg de la ville appartenant aux frères de Calatrava, avant d’être par la suite transféré au couvent d’Alcántara217.
54Malgré une norme égalitaire contrastant nettement avec les rituels de distinction qui s’affirmaient au sein du groupe dominant, il semble que la seconde moitié du XIIIe siècle ait vu apparaître dans les ordres militaires un certain nombre de pratiques tendant à une différenciation croissante des usages funéraires. Si la règle de l’enterrement au sein de l’institution n’était pas majoritairement remise en cause, plusieurs solutions permettaient aux dignitaires de manifester leur position privilégiée dans la milice. Il n’est pas exclu que les obsèques des maîtres aient revêtu une solennité particulière, comme le suggère l’emprunt de mille cinq cents sous de Jaca contracté par le commandeur de Montalbán en 1275-auprès des officiers de la municipalité afin de lui permettre de couvrir les frais des funérailles de Pelayo Pérez Correa218. S’il est difficile, faute de données suffisantes, d’alléguer pour les obsèques un rapprochement avec les usages de la noblesse, d’autres pratiques funéraires comme les chapellenies traduisent clairement une telle volonté219. Se multipliant à partir de la fin du XIIIe siècle, elles traduisent le souci des maîtres, voire de certains dignitaires de moindre rang, de rappeler leur mémoire sur un mode lignager. La plus anciennement attestée fut instituée à Uclés en 1290 par Lorenzo Pérez Martel, commandeur de l’hôpital de Cuenca, pour le repos de son âme et de celle de son frère, le maître Gonzalo Pérez220. Bien d’autres devaient la suivre, fondées dans des sanctuaires relevant des milices, comme celle que Fernán Rodríguez de Valbuena établit à Castronuño221, mais également en dehors, à l’image de celle que Pedro Sánchez, commandeur santiaguiste de Baltanás, institua dans les années centrales du XIVe siècle dans l’église San Lorenzo de Burgos222.
55À des fins de distinction similaire se développa à la même époque, parmi les dignitaires, la coutume d’individualiser l’espace de leur sépulture par une épitaphe rappelant les qualités essentielles du défunt. Quelle que soit la longueur de l’inscription, le principe en est toujours semblable. Il vise à faire valoir la personne décédée à l’intention de ses frères et de la postérité. Dans ce but, les épitaphes relatent, à peu d’exceptions près, la position du défunt dans l’Ordre. Tel est par exemple le cas de celle de la commandeur de l’Hôpital Urraca Ruiz Cuesta, morte en 1323, dont la plaque sépulcrale, visible dans l’église de San Pedro et San Felices de Burgos, rappelle l’activité à la tête des baylies de cette ville ou encore de Logroño223. À l’approche du milieu du XIVe siècle, on voit se multiplier les références à des données étrangères à l’institution, destinées à rehausser la figure du défunt224. À force d’insister sur le lignage et les liens de clientèle, l’appartenance à la milice devient seconde, comme il arrive pour Ramir Lorenzo, clavaire de Calatrava, dont l’épitaphe, dans l’église tolédane de Santa Fe, occulte le profil religieux au profit d’une filiation prestigieuse qui le rattache aux Gallinato, distingués lors de la prise de Séville225, et d’une éducation noble reçue dans la maison de Juan Manuel226.
56Une étape supplémentaire du processus de différenciation des dignitaires fut franchie dans la première moitié du XIVe siècle, lorsque se répandit l’usage d’édifier un tombeau monumental pour marquer le lieu de leur sépulture. Le plus anciennement attesté, conservé au XIIIe siècle dans l’église de Consuegra, est celui de Fernán Pérez Mosejo, prieur de Castille et grand commandeur d’Espagne dans l’ordre de l’Hôpital, mort à la fin du XIIIe siècle227. Dans les décennies suivantes, le modèle fut largement repris, au point de faire figure de règle228. Le plus souvent, le monument est placé dans une chapelle du couvent central, voire dans une église de l’Ordre à l’œuvre de laquelle le défunt a été étroitement associé pendant sa vie229. Qu’il suffise de citer, au début des années 1320, le tombeau de Ruy Vázquez, ancien maître d’Alcántara, dans l’église de Santa Ana de Magacela, qu’il avait fait construire après avoir été privé de la dignité suprême et contraint de se retirer dans cette commanderie230. Il est un exemple parmi d’autres d’une pratique calquée sur les usages nobiliaires et dont la diffusion au sein des ordres militaires tend, à partir de la fin du XIVe siècle, à s’étendre du sommet vers la base231.
57Les pratiques de distinction des frères en matière funéraire ne demeurèrent cependant pas toujours confinées au sein de leurs ordres. Plusieurs membres purent en effet solliciter, à titre individuel, d’être enterrés dans les églises d’une autre institution. Bien que le texte des Partidas ait autorisé les maîtres et les commandeurs à choisir tout sanctuaire du royaume pour lieu de leur sépulture232, les bénéficiaires d’un tel privilège n’en firent pas usage avant une date tardive. Néanmoins, il se peut que certains frères aient invoqué, à titre ponctuel, les suffrages d’autres institutions, à l’image de l’Hospitalier Pedro Miguélez, qui laisse en 1245 une terre à sa belle-soeur et aux enfants de celle-ci, à condition qu’ils la cèdent à leur mort au monastère cistercien d’Osera pour le salut de son âme233. Il ne semble pas que ce geste de dévotion ait impliqué que le défunt fut inhumé en dehors de son ordre. L’usage d’agir de la sorte est postérieur234. Sans doute peuton en situer les débuts dès la première moitié du XIVe siècle, si l’on se fonde sur la disposition d’un confrère de Calatrava, Gonzalo Alfonso de Cervatos, qui, choisissant de se faire enterrer dans le monastère tolédan de San Clemente, prie les moniales d’agir à son égard comme pour un chevalier de l’Ordre235.
58Bien qu’attestée à partir des années 1320, l’inhumation en dehors de la milice concerne un nombre très restreint de membres des ordres militaires. Si elle constituait, sur le modèle nobiliaire, une marque d’affirmation de l’individu, elle restait cependant encore étroitement contrôlée parles autorités de l’institution, comme le montre l’exemple de l’infante Violante, fille naturelle de Sanche IV, qui décida en 1330 d’être enterrée dans le couvent franciscain de Toro236 alors qu’elle était depuis peu commandeur du monastère santiaguiste de Sancti Spiritus de Salamanque237. Son choix procédait clairement du souci de manifester sa condition noble, comme il ressort de l’épitaphe rappelant sa naissance qu’elle pria ses exécuteurs testamentaires de placer sur sa sépulture238 ; il n’en était pas moins soumis à l’autorisation du maître239. Le fait reflète à mon sens le caractère marginal qui s’attachait encore à cette pratique dans la plupart des milices. Les exemples intéressent surtout des personnes tardivement liées avec ces dernières, comme l’infante Violante ou Gonzalo Martínez de Oviedo, favori d’Alphonse XI, élevé sur l’ordre du roi à la maîtrise d’Alcántara et dont la décision d’être enterré dans le couvent franciscain d’Oviedo atteste que ses dévotions étaient en grande partie restées enracinées dans sa ville natale240.
59C’est seulement dans le cas de Santiago que l’on peut observer, dans la première moitié du XIVe siècle, un développement important de l’usage d’élire sépulture en dehors de l’Ordre. La pratique est attestée pour la première fois en 1302 dans le testament d’Alonso Martinez de Olivera, grand commandeur de León241. Sa signification lignagère est tout à fait claire car le dignitaire décida de se faire inhumer dans une chapelle du cloître de la cathédrale de Palencia, qu’il avait fondée et dans laquelle il ordonna de réunir les siens autour de son tombeau et de celui de sa femme242. Il est difficile d’évaluer l’ampleur de la diffusion de cet usage au sein de Santiago243. Les statuts promulgués en 1310 par Juan Osórez, qui, on l’a vu, rappelaient aux frères leur devoir de se faire inhumer dans l’Ordre, peuvent être interprétés comme l’indice d’une fréquence croissante des enterrements réalisés hors de celui-ci. Plusieurs exemples sont en tout cas attestés dans les deux premiers tiers du XIVe siècle tant pour des maîtres, comme Alonso Méndez de Guzmán, enseveli aux côtés de ses parents dans l’église du convent franciscain de San Clemente de Séville244, que pour des commandeurs, tel Fernán Ruiz de Tahuste, inhumé dans le sanctuaire paroissial de San Juan de Baeza245. Devenu plus courant à partir de la fin du XIVe siècle246, l’usage de se faire enterrer en dehors de l’institution est un indice significatif de l’adoption par les ordres militaires, au premier rang desquels Santiago, des pratiques nobiliaires de distinction, qui contrastent avec leur tradition funéraire originelle247.
60Ainsi, quelle que soit l’échelle retenue, les ordres militaires offrent une image qui s’accorde avec les représentations de la noblesse. Des différences existent, bien sûr, dans le détail. Elles se traduisent à deux niveaux distincts selon le support et l’institution considérés. L’adéquation aux modèles aristocratiques est assurément plus complète pour ce qui intéresse les usages de sociabilité, tournés vers l’extérieur, que pour des pratiques plus intimes, comme le choix de l’habit et surtout de la sépulture, qui touchent à l’essence de l’individu. De même, l’exacerbation du profil séculier des ordres militaires concerne plus directement Santiago que toute autre milice. Elle n’en laisse pas moins de les affecter dans leur ensemble, tendant, à partir du tournant des XIIIe et XIVe siècles, à faire prévaloir en leur sein les codes de représentations de la noblesse.
III. – À la rencontre des idéaux de la chevalerie
61Loin de rester au niveau des représentations, le rapprochement entre l’image des ordres militaires et celle de la noblesse traduit une communauté d’idéal animée par les mêmes références à la chevalerie. Essentiel pour comprendre la faveur dont ces institutions jouissaient auprès du groupe dominant, un tel sujet est cependant difficile à traiter car il exige une connaissance très approfondie des mentalités nobiliaires, qu’il est impossible de mobiliser en l’état actuel de la recherche248. Ainsi, les développements qui suivent posent plus de questions qu’ils n’apportent de véritables réponses. Conscient du fait, je les ai néanmoins crus nécessaires pour évaluer l’adhésion des ordres militaires, au cours du Moyen Âge tardif, aux idéaux de la chevalerie dont ils ont pu offrir des modèles proposés à la noblesse249.
Un parangon de l’esprit chevaleresque
62En règle générale, l’historiographie a occulté la dimension chevaleresque des ordres militaires derrière le caractère religieux auquel elle a coutume de ramener leur dénomination d’orden. Sans être complètement erroné, un tel schéma est néanmoins réducteur, enfermant ces institutions dans une définition qui ne présentait pas pour leurs contemporains un sens aussi univoque. Il convient, pour le réviser, d’être attentif au nom que se donnent les ordres militaires dans les documents émanant de leur chancellerie, et aussi à celui que leur attribuent les actes produits par d’autres institutions250. Le caractère des milices a en effet constitué dès l’origine un enjeu essentiel sur lequel se sont affrontés pouvoirs séculiers et ecclésiastiques, au risque parfois d’une rupture — comme dans le cas de Calatrava — entre éléments monastiques et militaires251. Après une période d’hésitations initiales, au cours de laquelle se succédèrent les noms de fratres de caballeros, il semble qu’au début de la dernière décennie du XIIe siècle se soit imposée dans la documentation extérieure aux Ordres l’appellation d’orden de caballería, qui plaçait l’accent, dans le cas de Santiago et de Calatrava, sur l’aspect militaire de l’institution252.
63Les ordres militaires n’utilisèrent pas immédiatement, loin de là, cette nouvelle dénomination dans les documents qu’ils produisaient. Ainsi, pour Calatrava, le premier acte dans lequel un supérieur s’intitule maestre de la caballería de la orden de Calatrava n’est pas antérieur au mois de mars 1252253. Il n’est pas facile de rendre compte du refus de l’institution de se définir en tant qu’orden lorsque l’on sait que depuis le premier quart du XIIIe siècle elle avait recours à l’appellation de caballería254 Blas Casado Quintanilla et Luis Rafael Villegas Díaz ont expliqué ce point en invoquant la réticence des autorités de l’Ordre à adopter un terme qu’elles jugeaient teinté d’une connotation religieuse excessive255, quoiqu’il ne fut pas utilisé dans ce sens par le pouvoir monarchique quand celui-ci désignait l’institution256. L’argument offre d’autant plus de poids que la querelle qui s’éleva entre éléments militaires et monastiques de l’Ordre au lendemain du décès du fondateur entretint, longtemps après avoir pris fin, la crainte des chevaliers de se voir soumis à l’autorité d’un abbé257. Il me paraît ainsi parfaitement apte à justifier le refus des frères, jusqu’à la moitié du XIIIe siècle, d’employer le mot orden, qui leur semblait par trop nier le profil chevaleresque qu’ils revendiquaient.
64Fait sans doute très significatif, c’est seulement au début des années 1250, lorsque la prééminence de l’élément militaire sur le religieux est un fait acquis, que les Ordres commencent à utiliser pour se désigner dans leur propre documentation le mot d’orden, désormais débarrassé du caractère polémique dont il était porteur au cours de la période précédente. Dès lors, les milices emploient indifféremment les expressions d’orden de caballería et de caballería de la orden, sans que l’une prévale véritablement sur l’autre, car il était désormais hors de question de discuter une prééminence acquise sans contestation possible à l’élément chevaleresque258. Dès lors, les différences de titulature entre les ordres militaires ne sont plus guère marquées que dans les documents émanant d’autres institutions, au premier rang desquelles la monarchie. L’enjeu ne se situe plus sur le plan de leur définition générique des ordres, mais sur celui de leur position les uns par rapport aux autres. Un sondage réalisé à partir des frivilegios rodados émis par la chancellerie en faveur du clergé durant le règne d’Alphonse XI259 permet d’observer que lorsqu’il s’agit de présenter les ordres militaires, on observe, chez le pouvoir souverain de même que dans la société castillane, certaines disparités que l’on ne s’étonnera pas de voir bénéficier à Santiago et, dans une moindre mesure, à Calatrava, qui bénéficiaient tous deux de l’identification la plus complète à la chevalerie (voir ci-dessous le tableau 5).
65À partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, les ordres militaires témoignent d’une vive conscience de leur statut chevaleresque. Ce fait a été souligné à diverses reprises260. Il n’en a pas été pour autant approfondi dans la mesure où la documentation offre peu d’éléments permettant d’analyser l’univers mental de ces institutions. Il existe toutefois, comme l’a souligné Luis Rafael Villegas Díaz, une source qui permet de saisir certains de ces traits et de connaître leur évolution : c’est ce qu’il appelle le système correctionnel, c’est-à-dire le régime des pénitences en vigueur au sein d’un Ordre tel qu’il ressort de ses statuts successifs261. Il est souvent fait allusion à un violent relâchement de la discipline dans la première moitié du XIVe siècle262. Quelques éléments semblent vérifier cette impression, telle la sanction de trois jours pour faute légère infligée en 1338 par l’abbé cistercien de Rueda, à titre de peine supplémentaire, aux frères d’Alcañiz qui ne se seraient pas conformés aux définitions édictées, deux ans plus tôt, par le supérieur du monastère de Morimond263. Sans aucun doute, la sanction paraît excessivement bénigne, voire inadaptée au manquement disciplinaire qu’elle prétend corriger.
66Il faut cependant se garder d’invoquer trop rapidement une hypothétique tendance générale au relâchement des peines. Exagérément simpliste, un tel jugement est impropre à rendre compte de l’évolution du système correctionnel observée à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle. Il me semble que l’esprit s’en est modifié en profondeur, sous l’effet d’une définition ouvertement chevaleresque des ordres militaires. Ainsi, l’importance des châtiments physiques, dérivés de la tradition monastique, tend à décroître. En atteste l’évolution de la discipline — la peine corporelle la plus utilisée à l’origine —, qui consistait, pour le frère coupable d’une faute lourde, à être flagellé en plein chapitre264. Plusieurs indices, intéressant Calatrava et Alcántara, soulignent qu’un certain nombre de membres refusèrent ouvertement de s’y soumettre au début du XIVe siècle265. Dans les décennies suivantes, la prescription de cette peine semble devenir exceptionnelle, au point que, pour Calatrava, elle fut après 1336 uniquement réservée aux frères ayant échangé des mots d’une particulière violence266. Il n’est même pas sûr qu’elle soit restée effectivement appliquée, de sorte que l’on peut penser qu’elle disparut alors des usages des milices de filiation cistercienne, comme elle l’avait fait, un demi-siècle plus tôt, de la pratique de Santiago267.
67Bien qu’il ait abandonné peu à peu les châtiments corporels, le régime correctionnel des ordres militaires n’en perdit pas pour autant sa rigueur. Luis Rafael Villegas Díaz a souligné pour Calatrava que les peines infligées étaient dures du point de vue physique, mais également psychologique et moral268. Il semble même que l’on puisse soutenir le principe, à partir de la fin du XIIIe siècle, d’une évolution du système pénitentiel qui aurait pris en considération l’adoption par les Ordres de l’idéal chevaleresque. Dans ce contexte, les statuts tentèrent de définir des peines humiliantes qui, dans de nombreux cas, recouraient à un déclassement symbolique propre à inciter les fauteurs au repentir. C’est ainsi que la peine consistant à priver le coupable de son cheval et de ses armes — et aussi de sa commanderie, s’il en possédait une — devint un châtiment usuel à la charnière des XIIIe et XIVe siècles. Attestée dès l’origine à Calatrava, mais réservée alors à des cas graves, par exemple aux violences perpétrées contre un membre de l’institution269, elle fut ensuite étendue pour sanctionner des fautes plus bénignes, notamment la mauvaise gestion patrimoniale270. Une telle évolution est la preuve que la peine était jugée capable de faire impression sur des frères préoccupés avant tout de leur honneur et que les statuts, pour leurs manquements principaux, condamnaient à manger par terre, à la vue de tous, ou à être relégués au dernier rang de leurs semblables271.
68L’honneur est, à partir de la fin du XIIIe siècle, une composante essentielle de la mentalité des ordres militaires. En cela, les frères ne se distinguaient guère des membres de la noblesse. C’est ce que montre la réponse adressée en mai 1301 par le maître Juan Osórez au roi d’Aragon Jacques II qui lui avait reproché une incursion dans le royaume de Murcie au cours de laquelle les frères de Santiago, le mois précédent, s’étaient emparés du château de Cieza272. L’argumentation utilisée par le maître pour se disculper d’avoir cherché à nuire aux intérêts aragonais mérite d’être relevée. Juan Osórez invoque le passé santiaguiste de la forteresse et la qualité de l’Ordre qu’il dirige, et dont il souligne la noblesse, pour justifier que celui-ci ne puisse sans déshonneur laisser se perdre le patrimoine qui lui avait été donné273. L’assimilation des milices, sous la plume de leurs maîtres, à des corporations aristocratiques est désormais courante. Elle est l’un des arguments utilisés par les frères portugais de Santiago dans les plaintes qu’ils déposent en 1315 contre l’évêque de Silves274, qui avait répandu en public des calomnies à leur encontre, au mépris de leur condition de filhos d’algo e cavaleiros275.
69Le sentiment des ordres militaires d’appartenir à la noblesse ressort, à partir du premier quart du XIVe siècle, des actes rapportant l’entrée d’un nouveau membre dans l’institution. Le peu qui nous en est parvenu atteste sans aucune ambiguïté que le postulant, en faisant profession, recherchait désormais l’honneur autant que le salut. Ainsi en 1334, Diego López de Vizcaya remit à Calatrava l’ensemble des terres qu’il possédait à Jaén pour entrer dans l’institution a onrra de su cuerpo e a salvación de su anima276. À cette date, l’expression était de règle. Elle marque une rupture avec les formules antérieures qui, jusqu’à la fin du XIIIe siècle, invoquaient, lors de la réception d’un membre, les seules raisons spirituelles277, voire, pour l’accueil de confrères d’origine prestigieuse comme l’infant Manuel, associé à Santiago en 1261, l’honneur fait à l’institution qui les recevait278. Le renversement est tel que Juan Manuel, en 1312, ne craignit pas de défendre devant Jacques II, désireux de placer dans un Ordre l’un de ses fils, l’honneur qu’il y aurait pour l’infant à être membre de Santiago, où il pourrait gagner richesses et réputation au point de prendre l’avantage sur tous ses frères hormis l’héritier du trône279.
70Pour l’opinion commune, l’appartenance à un ordre militaire était une source de considération importante à l’échelle sociale. Leurs membres étaient en effet situés au plus haut de la hiérarchie ecclésiastique. En témoigne une chanson profane, écrite à l’initiative d’Alphonse X, qui rapporte, afin de vanter l’étendue des pouvoirs du monarque castillan, qu’il lui appartient de changer une vieille cape en un manteau de prix comme il était arrivé à un roi de Portugal de faire d’un simple clerc un chevalier de l’Hôpital280. Entre les deux termes de ces comparaisons, la distance est présentée comme identique ou, pour mieux dire, incommensurable. Quelle que soit l’exagération que renferme la composition lyrique, elle s’appuie sur un sentiment alors largement répandu dans la société. Les ordres militaires y faisaient figure de corporations hautement honorables et leurs supérieurs étaient perçus comme des parangons de noblesse, selon un schéma qui préfigure les ultimes développements du XIVe siècle281, époque où les maîtrises comptaient parmi les dignités principales du royaume auxquelles un aristocrate pouvait aspirer282, et où leurs titulaire, tels le maître de Santiago Álvaro de Luna283 et les frères de Calatrava Fernando de Guzmán ou Rodrigo Téllez Girón284, se voyaient régulièrement dédier des traités de chevalerie, voire, comme Pedro Girón, étaient les hôtes des cours européennes les plus fastueuses285.
Un modèle pour la noblesse castillane
71À partir du dernier tiers du XIIIe siècle, la diffusion de l’esprit chevaleresque dans les ordres militaires apparaît si large qu’elle invite à poser le problème de l’éventuelle influence des milices sur l’évolution des valeurs du groupe aristocratique. La question peut a priori surprendre. Elle se justifie à mon sens par la transformation que connaît la chevalerie en Castille au cours du siècle qui fait suite au règne d’Alphonse X. À la définition juridique et ouverte proposée dans le recueil des Siete Partidas, qui en développe le profil laïque286, succède dans le deuxième quart du XIVe siècle une conception restreinte à la seule noblesse, valorisant davantage sa dimension religieuse, dans la ligne des modèles internationaux. La rupture n’est toutefois pas complète. Bien qu’elles n’aient pas eu de traduction juridique immédiate, les idées d’AJphonse X sur la chevalerie furent amplement diffusées dans la Péninsule287, suscitant rapidement une traduction portugaise et servant même de modèle à Juan Manuel pour la rédaction de son Libro del cavallero, aujourd’hui perdu288. Elles n’en furent pas moins assez vite abandonnées par l’infant, qui dans ses traités doctrinaux ultérieurs, tels le Libro del caballero et del escudero, composé entre 1326 et 1328, ou le Libro de los estados, achevé en 1330, se fait, à la suite de Ramon Llull, le défenseur d’une conception religieuse de la chevalerie289.
72Reprenant les idées exposées par l’écrivain majorquin dans le Llibre de l’orde de cavalleria, rédigé autour de 1275 — au point que son œuvre a parfois été assimilée à un simple plagiat290 —, Juan Manuel introduit en Castille une vision de la chevalerie qui tend à faire de cette dernière une éthique cléricale. Rompant avec la conception laïque d’Alphonse X, il assume la sacralisation de cet état, que Ramon Llull met en évidence lorsqu’il souligne l’affinité naturelle qui rapproche le clerc du chevalier291. Comme son modèle, l’infant castillan tire parti de l’assimilation de l’épée à la croix pour signifier au chevalier qu’il combat pour le triomphe du Christ et pour l’expansion de la foi292. De même, Juan Manuel conçoit le martyre comme une obligation pour tous les guerriers chrétiens, qui doivent, ainsi que Ramon Llull le leur avait déjà commandé293, se tenir prêts à verser leur sang pour le Christ de la même façon que Celui-ci a répandu le sien pour racheter leurs péchés294. Ainsi, une partie essentielle de l’idéologie des ordres militaires est offerte en partage aux chevaliers, dont l’investiture, sans cesser d’être un lien de nature politique, fait désormais figure de sacrement295.
73Il n’est pas facile d’évaluer l’audience de ces thèses présentant la chevalerie comme une éthique cléricale dans l’espace castillan. Malgré son succès international, le traité de Ramon Llull ne semble pas y avoir rencontré un grand écho, sauf de la part de Juan Manuel296. L’œuvre de ce dernier n’a elle-même probablement pas connu une diffusion plus massive auprès de ses contemporains. Cependant, ces arguments sont à mon sens, insuffisants pour prouver que les idées défendues par ces deux auteurs n’eurent aucun retentissement dans la société castillane. Plusieurs témoignages littéraires soulignent en effet que dans le second quart du XIVe siècle la chevalerie concevait le combat contre l’Islam dans une perspective sacrée, propre à garantir le salut à ceux de ses membres qui mourraient en martyrs. En témoigne un passage de la Primera Crónica General, adaptée à l’époque de la continuation de Rodrigo Jiménez de Rada, relatant le siège de Martos, à peine reconquise, par le souverain musulman d’Arjona. Pour aider ses coreligionnaires chrétiens à vaincre la peur que leur inspiraient les forces ennemies supérieures en nombre, l’un des capitaines de la ville leur rappelle le devoir de tout chevalier de combattre pour sa foi et l’assurance qui lui est donnée en retour de gagner le paradis s’il meurt au combat297. Une telle assertion peut difficilement se rapporter au second quart du XIIIe siècle, qui est l’époque où le récit se situe. En revanche, elle correspond à l’esprit nobiliaire qui prévalait à la fin du règne d’Alphonse XI et imprégnait, nous l’avons vu, les rédacteurs de la chronique royale.
74Dans quelle mesure les ordres militaires ont-ils pu servir de modèle à la vision progressivement cléricalisée de la chevalerie que la noblesse développa à partir du second quart du XIVe siècle ? Répondre à cette question représente assurément une gageure. Sans prétendre apporter ici de solutions définitives, il me paraît important de m’inscrire en faux contre une opinion largement répandue qui dénie aux milices toute influence sur le groupe dominant sous prétexte que ce dernier aurait une conception radicalement distincte, voire antagoniste, de la chevalerie, incarnée par les ordres laïques qui se multipliaient alors en Occident à l’initiative princière, tel celui de la Banda, fondé en 1330 par Alphonse XI. Il ne fait aucun doute que les deux institutions sont de nature très différente298. On aurait pourtant tort de les décrire comme antagonistes et d’affirmer, avec Jonathan Boulton, que les ordres de chevalerie princiers naquirent, à l’instar de la Banda, d’un échec des institutions religieuses qu’ils seraient en quelque sorte venus pallier299. Leur développement s’inscrit au contraire dans la continuité de l’imaginaire formé par les ordres militaires, au point que les contemporains, faisant fï de ce qui les séparait, les assimilaient, ainsi que l’a admirablement souligné Jean Flori, « à une sorte de religion laïque300 ».
75L’importance des ordres militaires dans les mentalités nobiliaires au cours du XIVe siècle est un fait à mon sens difficile à nier. L’exemple le plus manifeste en est sans conteste fourni par le testament donné en 1358 par le comte Lope de Luna, l’un des nobles les plus importants de l’entourage du roi d’Aragon Pierre le Cérémonieux301. Le document stipule qu’en cas d’absence de descendance légitime des héritiers du défunt, les domaines qu’il laisse seront destinés à doter un ordre militaire qui devra rassembler cent frères chevaliers et trente clercs sous le patronage de Saint-Georges du comté de Luna302. L’intervention du pape, nécessaire à la confirmation canonique de l’institution, l’exemption sollicitée, sur le modèle de l’Hôpital303, et la soumission au monastère cistercien de Santa María de Veruela, conçue à la manière du droit de visite existant pour Montesa304, témoignent sans ambiguïté de la nature religieuse de l’ordre de chevalerie mis sur pied par Lope de Luna. Les rares historiens qui ont mentionné le projet ont totalement passé cette dimension sous silence305. C’est là pourtant, bien que l’institution soit restée une chimère dans l’esprit du comte, une preuve du rôle que les ordres militaires jouaient dans l’horizon mental de la noblesse.
76S’il paraît avéré que le modèle chevaleresque incarné par les ordres militaires jouissait d’un prestige important dans l’aristocratie, il est plus difficile, faute de sources, de mesurer sa diffusion hors de ce milieu. Celle-ci n’est pourtant pas exclue : il est patent qu’au cours du XIVe siècle les élites urbaines développèrent des confréries, ouvertes aux buenos e fijos de los buenos, qui traduisaient un désir de s’approprier les usages de la chevalerie, qui jusqu’alors étaient restés le monopole des grands lignages nobiliaires306. Les riches miniatures du Libro de la cofradía de caballeros mercaderes de Santiago, fondée à Burgos en 1338, et les actes du Cabildo de Guisados de Caballo, institué à Cuenca peu après, attestent clairement ce fait. Il est difficile d’identifier, sinon ponctuellement, les sources auxquelles l’élite urbaine puisait pour se forger une image chevaleresque. Les ordres militaires en faisaient partie ; du moins peut-on formuler cette hypothèse sur la base de la fondation à Jaén, en 1436, par le maître de Calatrava Luis de Guzmán, de la confrérie de San Luis de los Caballeros307. L’exemple, on le voit, est tardif. Il permet de constater que, même s’ils ont pu à l’occasion servir de modèles, les ordres militaires n’ont pas suscité dans le patriciat urbain le même enthousiasme que parmi les grands lignages de l’aristocratie.
77Parangons des vertus chevaleresques, les ordres militaires se virent régulièrement confier, à partir du milieu du XIIIe siècle, l’éducation du fils aîné du roi. Un tel fait revêt à mon sens une importance bien supérieure à celle qui jusqu’à présent lui a été accordée. Il démontre que la conduite des ordres militaires était perçue comme un modèle de chevalerie digne d’être offert à l’imitation de l’héritier royal pendant son apprentissage. Il est possible que l’origine de cette tradition remonte aux années 1240. Hugo Bizzarri, je le disais, a récemment prétendu que le Libro de los doze sabios serait un miroir du prince, écrit dans le cadre de Santiago pour l’éducation du futur Alphonse X, que Ferdinand III aurait confiée à l’Ordre308. En l’état actuel de la recherche, l’hypothèse reste quelque peu aventurée. Pourtant, le fait que le maître Pelayo Pérez Correa ait accompagné l’infant lors de sa première campagne militaire à Murcie témoigne, comme l’a justement observé l’auteur, du rôle essentiel que le roi entendait donnera Santiago dans la formation chevaleresque de son héritier309. Sans doute est-on fondé à en lire la confirmation dans l’engagement que prit alors l’infant de confier à l’Ordre l’éducation du premier fils à naître de l’union qu’il venait de contracter avec Violante d’Aragon310.
78Rien ne permet toutefois de penser qu’Alphonse X, devenu roi, ait accompli la promesse faite à Santiago. Il faut attendre le règne de Sanche IV pourvoir réapparaître l’usage de confier l’éducation de l’héritier royal au maître d’un ordre militaire. L’usage tendit alors à se transformer en une tradition dans la mesure où, jusqu’à l’avènement de la dynastie Trastamare, il fut fidèlement suivi par chacun des souverains à l’exception de Ferdinand IV, mort en 1312 alors que son successeur était âgé de quelques mois seulement Le premier supérieur ayant reçu le titre d’amo fut le maître de Calatrava Ruy Pérez Ponce, proche collaborateur de Sanche IV, dont il fut le mayordomo mayor311. En avril 1292, il apparaît investi de l’éducation de son fils312, dont il devait conserver la responsabilité une fois ce dernier monté sur le trône à l’âge de dix ans313. De façon significative, les successeurs du maître dans cette charge appartiennent tous à Santiago. Tel est le cas de Vasco Rodríguez et de Garcí Álvarez de Toledo, respectivement désignés par Alphonse XI et par son fils Pierre Ier comme amo et mayordomo mayor de leur aîné dès le moment de sa naissance314.
79Rares sont les éléments chronistiques qui éclairent les contenus de l’éducation reçue par les héritiers royaux auprès des maîtres des ordres militaires. Il ne fait selon moi aucun doute que les acquisitions intéressent en priorité les manières de chevalerie. À ce titre, le récit des premières années de l’infant João, futur fondateur de la dynastie d’Avis, tel que le rapporte Fernão Lopes dans la chronique du roi Pierre Ier de Portugal, me paraît une source d’informations du plus haut intérêt. Après avoir confié l’enfant, à sa naissance, à un membre de l’oligarchie de Lisbonne, le roi le remit au supérieur de l’ordre du Christ, Nuno Freire de Andrade, afin que celui-ci poursuivît son éducation315. Il n’est pas précisé à quel âge le maître prit en charge l’enfant, mais, à sept ans, lorsque ce dernier reçut la maîtrise d’Avis, il était placé sous son autorité316. Son éducation fut alors confiée aux frères de l’Ordre dont le roi l’avait fait maître afin qu’ils achèvent son instruction chevaleresque317. De tels exemples, sans qu’on ne le sache toujours, durent exercer une profonde influence sur les lignages aristocratiques dont les enfants, à l’instar de Fernán Gómez de Albornoz, futur commandeur santiaguiste de Montalbán, furent en grand nombre éduqués au sein d’un ordre militaire318.
Portrait de maître en chevalier parfait
80Proposés en exemple aux nobles, les maîtres des ordres militaires constituaient dans la société castillane un réfèrent chevaleresque majeur. Aucun d’entre eux, toutefois, n’a bénéficié pour la postérité d’une réputation similaire à celle de Pelayo Pérez Correa, supérieur de Santiago de 1242 à 1275, Il semble que son image ait été prise en charge par l’Ordre, qui mit à profit la participation du maître à la reconquête de l’Andalousie et de l’Algarve pour le présenter sous les traits du chevalier parfait. Il est en effet très probable qu’il ait constitué le sujet d’une chronique. Ainsi du moins l’attestent, comme l’a observé Derek Lomax, les statuts santiaguistes arrêtés en 1440 par l’infant Enrique319. Ceux-ci relatent, « segund en la corónica del dicho maestre se cuenta », que plusieurs commandeurs de l’Ordre, au cours de son magistère, se rebellèrent contre son autorité, refusant de lui restituer les châteaux qui leur avaient été confiés320. Conservée à Uclés au milieu du XVe siècle, cette biographie est actuellement impossible à localiser. Elle n’a pu être découverte dans aucun des fonds qui ont recueilli les archives du couvent santiaguiste, dispersées au cours du XIXe siècle à la suite des lois d’abolition des biens de mainmorte.
81Bien qu’il ne subsiste aujourd’hui aucun manuscrit de la chronique, son contenu peut être apprécié à partir des ouvrages qui, à la fin du Moyen Âge, l’ont utilisée comme source. Ce fait interdit selon moi de réfuter l’existence de cette biographie, comme l’a fait récemment Daniel Rodríguez Blanco, au motif qu’elle est citée une seule fois, et dans des statuts du milieu du XVe siècle321. Il convient cependant d’observer, ainsi que l’a montré cet auteur, que la chronique ne peut pas revêtir le caractère précoce que Derek Lomax lui attribuait sur la foi des narrations auxquelles il pensait qu’elle avait puisé322. Il est en effet probable que la Primera Crónica General, même dans ses derniers chapitres, n’a jamais employé comme source la chronique qui nous occupe. La version castillane de Lucas de Túy paraît en revanche lui avoir beaucoup emprunté, mais si le corps de ce texte peut remonter à de la fin du XIIIe siècle, en accord avec la datation établie par Paul Högberg323, les neuf chapitres ajoutés à l’original latin, au sein desquels Pelayo Pérez Correa est mentionné, sont pour leur part l’œuvre d’un compilateur anonyme du XVe siècle324. De fait, la traduction portugaise de la chronique royale alphonsine, qui fut établie au cours de la décennie 1340, ne consacre guère plus au maître de Santiago que quelques lignes dont la matière provient en droite ligne de son modèle castillan325.
82Il me semble donc que l’attribution de la chronique de Pelayo Pérez Correa au règne d’Alphonse XI, proposée par Juan Bautista Avalle-Arce sous le prétexte qu’il s’agit d’une époque où se mêlent ardeur militaire et ferveur historiographique, constitue une datation haute326. Parmi les livres qui emploient ce texte comme source, les plus anciens qu’il soit possible de situer avec certitude remontent en effet au commencement du XVe siècle. Il en est ainsi de la Crónica da Conquista do Algarve, antérieure aux deux versions, datées chacune de 1419, de la chronique d’Alphonse III intégrée au cycle royal portugais, laquelle s’en est très certainement inspirée327. Il ne fait aucun doute que toutes deux ont puisé à des sources autres que la chronique générale. En effet, elles développent longuement l’action de Pelayo Pérez Correa lors de la conquête de l’AIgarve, qu’elles affirment à plusieurs reprises tirer d’un récit écrit328. Compte tenu du rôle majeur qu’elles attribuent au maître et des détails qu’elles rapportent sur ses campagnes, il est plus que probable qu’elles se réfèrent à la chronique qui lui était consacrée329. Elles attestent ainsi de la diffusion à l’échelle péninsulaire d’un texte produit, selon toute vraisemblance, au sein de l’ordre de Santiago dans les décennies qui suivent le milieu du XIIe siècle.
83La chronique de Pelayo Pérez Correa offrait sans nul doute, au vu des textes qui s’en sont inspirés, une vision du maître profondément héroïsée. Jouant d’un topique largement répandu, nous l’avons vu, elle exaltait le courage dont il fit montre dans la lutte contre l’Islam. La version castillane de la chronique de Lucas de Túy le présente dans ses derniers chapitres comme l’acteur principal de la conquête de l’Andalousie. À la tête des frères de son ordre, dont le texte souligne le désir d’affronter les musulmans afin de soulager les chrétiens des maux qu’ils ne cessent d’en recevoir, il est l’objet d’un panégyrique qui en fait l’émule de David330. À plusieurs reprises, lors du siège de Séville, son intervention dans le cours du combat est décrite comme décisive. Guidé par Dieu, il permet à l’armée castillane d’obtenir la victoire, quand bien même, lors d’une sortie des assiégés contre la porte de Jerez, elle menaçait de céder sous le nombre331. Les narrations de la conquête de l’Algarve reprennent des images similaires, louant le courage de Pelayo Pérez Correa et de ses frères, notamment lorsqu’ils sont contraints par les musulmans de Tavira à se replier sur une butte toute proche, appelée depuis Cabeça do Mestre afin de rappeler la résistance héroïque qu’ils opposèrent à des forces très supérieures en nombre332.
84Le courage est loin d’être dans la chronique le seul élément porté au crédit de Pelayo Pérez Correa. Acteur essentiel du combat, il est plusieurs fois dépeint comme celui qui le déclenche. Sur ce point, les récits extraits de la chronique perdue rompent avec la vision de la conquête de l’Andalousie offerte par la Primera Crónica General, qui, quelle que soit la valeur qu’elle attribue au conseil du maître, présenté comme sabidor de guerra, réserve le contrôle stratégique des opérations à Ferdinand III333. Ainsi, le siège de Séville est décrit comme le fruit non seulement des conseils, mais de l’initiative personnelle de Pelayo Pérez Correa. En atteste la réponse que la traduction castillane de la chronique de Lucas de Túy prête au maître, tenu pour être depuis longtemps à l’œuvre lorsque le roi le sonde sur les chances de succès du siège : « Si moi, qui suis un chevalier, je le recherche chaque jour de sorte que pas un Maure n’ose entrer ni sortir de la ville, avec combien plus d’efficacité le fera mon seigneurie roi334 ?». La relation de la conquête de l’Algarve procède selon un schéma exactement similaire et attribue l’initiative de l’offensive contre Séville à Pelayo Pérez Correa et à ses frères335.
85Le maître apparaît ainsi comme le champion de la cause chrétienne. Dans cette perspective, la version castillane de la chronique de Lucas de Túy présente la conquête du royaume de Niebla comme le fruit de la victoire de Pelayo Pérez Correa sur le souverain musulman de ce territoire, à l’issue d’une lutte dont la narration occulte les protagonistes pour figurer les chefs des deux armées s’affrontant seul à seul, selon le schéma classique du défi chevaleresque336. Il est remarquable que dans ce texte comme dans la chronique d’Alphonse III le roi perde pour ainsi dire tout protagonisme au profit du maître qui, s’il est rappelé qu’il agit sur l’ordre du souverain337, est bien le véritable acteur des conquêtes attribuées au souverain dans la Primera Crónica General. De façon significative, dans chacune des œuvres, Ferdinand III aussi bien qu’Alphonse III interviennent tardivement pour parachever les succès remportés par Pelayo Pérez Correa et marquer ainsi l’intégration dans l’espace de leur royaume des territoires conquis sur l’Islam. Quelle que soit la louange que les derniers chapitres réservent au roi338, celle-ci paraît modeste et surtout bien conventionnelle en comparaison de l’aura héroïque qui entoure la figure du maître.
86Sous la plume de l’auteur qui dresse son éloge, Pelayo Pérez Correa revêt les traits du chevalier idéal. Il constitue un modèle proposé à l’admiration et à l’imitation de la noblesse. Dans cette ligne, il est tout à fait révélateur que lui soient attribués certains faits glorieux que la tradition réservait à d’autres personnages. Ainsi, la traduction castillane de la chronique de Lucas de Túy rapporte que le sentiment de crainte qu’il éveillait parmi les musulmans était tel qu’ils avaient coutume de menacer les enfants capricieux en prononçant son nom pour leur imposer silence339. L’anecdote est rapportée sur un mode presque similaire par les auteurs de la Primera Crónica Generale l’occasion du siège de Séville, mais elle y est décrite comme le fait d’un autre chevalier, Melendo Rodríguez Gallinato, qui s’était illustré lors des expéditions lancées contre Morón340. L’attribution de l’épisode à Pelayo Pérez Correa n’est pas anodine. Elle révèle le souci de son thuriféraire de le proposer en modèle sous les traits d’un chevalier parfait rassemblant dans sa personne l’ensemble des vertus que l’opinion castillane reconnaissait à son groupe.
87Au début du XVe siècle, au moment où il devient possible de juger de son résultat, une telle démarche apparaît couronnée de succès. C’est ce que montre l’évolution du récit mettant aux prises plusieurs chevaliers qui, lors du siège de Séville, s’affrontèrent pour savoir lequel d’entre eux méritait d’être reconnu comme le meilleur de l’armée castillane. Au départ, tel qu’il est raconté dans la Primera Crónica General, l’épisode oppose deux chevaliers, Lorenzo Suárez Gallinato et García Pérez de Vargas, qui décident, afin d’éprouver leur valeur, de charger seuls contre un détachement musulman infiniment supérieur en nombre341. Le cadre de la confrontation ne subit pour ainsi dire pas de transformations au cours du Moyen Âge. En revanche, les acteurs changent dans les récits suivants. Juan Manuel, qui fait de cette histoire l’un des exempla du Conde Lucanor, ajoute un troisième chevalier dont il dit avoir oublié le nom342. Il faut attendre le début du XVe siècle pour que ce dernier intervenant soit identifié. Ainsi que l’a démontré Daniel Devoto, la plupart des auteurs arrêtent alors leur choix, à la suite de Fernán Pérez de Guzmán, sur Pelayo Pérez Correa343. Si des traditions concurrentes sont attestées344, aucune n’a toutefois bénéficié d’une faveur similaire à celle comptant le supérieur de Santiago au nombre des meilleurs chevaliers du monde, comme l’illustre l’écho qu’elle reçut, passé le milieu du XIIe siècle, dans le romancero345.
88La valeur reconnue à Pelayo Pérez Correa était telle qu’à la fin du Moyen Âge il fut élevé au rang de modèle idéal du chevalier chrétien. Le fait ressort de la biographie héroïque du marquis de Cadix, Rodrigo Ponce de León, dont les hauts faits sont retracés dans le cadre d’exaltation chevaleresque et religieuse de la guerre de Grenade346. Ses exploits lui valent d’être comparé, dès l’introduction du récit, aux preux qui se sont illustrés dans les combats de la Reconquête. Parmi ces derniers, le chroniqueur choisit les figures du comte Fernán González, du Cid et de Pelayo Pérez Correa dont il souligne le rôle, selon lui hors de pair, dans l’expansion de la foi chrétienne347. À deux reprises, il rappelle les miracles dont le maître bénéficia en particulier grâce à l’intercession mariale, comme lors de la victoire de Tudía348, pour mieux relever le prestige de la tradition dans laquelle se fond Rodrigo Ponce de León lequel bénéficie lui aussi de la protection spéciale de la Vierge349. Couramment pris comme modèle de référence, Pelayo Pérez Correa devient ainsi à la fin du Moyen Âge un parangon absolu de vertu chevaleresque, susceptible d’être imité parles aristocrates des lignages les plus élevés350.
89Il ne fait aucun doute que les ordres militaires, passé le début du XIVe siècle, se sont massivement ralliés aux idéaux de la chevalerie castillane. Modifiant leur système de valeurs, les milices s’ouvrent à une éthique proche de celle de la noblesse. Il serait toutefois erroné de réduire ce fait à un strict rapport d’imitation, car elles n’y ont pas joué le rôle d’un support passif. Elles semblent bien au contraire avoir contribué à donner à la chevalerie castillane, au seuil du Moyen Âge tardif, un profil moins étroitement laïque qu’à l’origine. Sans doute ne fautil pas exagérer leur rôle dans une mutation dont la portée ne remettait pas en cause le statut juridique du groupe. Il convient cependant de souligner, plus qu’on ne l’a fait jusqu’ici, que les ordres militaires incarnent une image du chevalier chrétien suffisamment achevée pour être offerte en modèle à la noblesse castillane au plus haut degré de la société politique.
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90Ainsi se trouve valorisée, à partir de la charnière des XIIIe et XIVe siècles, l’image séculière des ordres militaires. Cette évolution leur procura une faveur accrue auprès de la société castillane et notamment du groupe dominant. Il créait en effet une familiarité avec la noblesse attestée par les chroniques qui, progressivement dégagées des canons de l’historiographie alphonsine, tendirent à s’intéresser plus longuement à des institutions dotées de davantage d’autonomie dans le récit. Placés au centre des préoccupations de l’aristocratie, les ordres militaires se fondaient désormais dans les codes de représentation de cette dernière, adoptant ses usages jusque dans les domaines les plus intimes. Des différences existent dans le détail, soulignant en particulier une adhésion plus poussée de Santiago aux pratiques de la noblesse. Elles n’empêchent pas, néanmoins, que l’ensemble des ordres militaires aient tiré parti de l’accent placé sur leur profil séculier pour conforter l’image que se formait d’eux la société castillane, notamment dans ses cercles les plus puissants.
Notes de bas de page
1 Le fait a été souligné par M.-Cl. Gerbet, Les noblesses espagnoles au Moyen Âge, pp. 213-214, dans un développement reprenant les acquis de sa thèse de doctorat où elle montrait qu’à la fin du Moyen Âge cette notion centrale, « devenue le véritable ciment de la mentalité nobiliaire, n’est pas sans exercer quelque influence sur le reste de la société » (Id., La noblesse dans le royaume de Castille, p. 122).
2 A. Favyn, Le théâtre d’honneur et de chevalerie.
3 Ainsi l’a souligné B. Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval. Les acquis de sa démonstration ont été étendus à l’Espagne par M. Garcia, « L’historiographie et les groupes dominants en Castille » et, par la suite, quelques études ont illustré l’utilité des chroniques pour la connaissance des mentalités politiques en Castille, offrant, en raison de leur caractère novateur, un intérêt méthodologique essentiel. Parmi elles, on peut citer les travaux de L. Funes, « Las crónicas como objeto de estudio », et d’A. Rodríguez de la Peña, « Ideología política y crónicas monásticas ».
4 Le traitement idéologique des ordres militaires dans fa chronique n’a jusqu’à très récemment éveillé aucun intérêt dans l’historiographie. Au mieux, les auteurs ont observé certaines différences de considération en fonction des œuvres qu’ils prennent en compte. Ainsi l’ont fait, à une échelle générale, A. Forey, « The Military Orders and the Spanish Reconquest », pp. 222-223, reproduit dans Id., Military Orders and Crusades, III, ou encore, pour l’Hôpital, C. Barquero Goñi, « La orden de San Juan en Castilla según la cronística medieval ». S’ils soulignent chacun un plus grand nombre de références aux ordres militaires dans les ouvrages tardifs, ni l’un ni l’autre ne tente d’expliquer pareil constat. Afin de pallier une telle lacune, je me suis attaché à explorer ce sujet dans deux études récentes : Ph. Josserand, « Enjeux de pouvoir et traitement historiographique », et « Les ordres militaires dans la chronique castillane à l’époque de Rodrigo Jiménez de Rada ».
5 Selon deux points de vue différents, le retard de l’histoire des mentalités en Espagne jusqu’aux dernières années a été observé par A. Rucquoi, « Spanish Médiéval History and the Annales », et J. M. Nieto Soria, « Ideología y poder monárquico en la Península ».
6 D. Lomax, « La historiografía de las órdenes militares en la Península Ibérica », et Ph. Josserand, « Les ordres militaires dans les royaumes de Castille et de León », pp. 13-14.
7 En témoignent récemment encore les études des dernières campagnes andalouses de Ferdinand III, produites par C. de Ayala Martínez, « Participación y significación de las órdenes militares en la conquista de Carmona », et « Las órdenes militares en la conquista de Sevilla ».
8 I. Fernández-Ordóñez, « La historiografía alfonsí y post-alfonsí en sus textos », p. 101.
9 G. Martin, Les juges de Castille, pp. 201-316.
10 Id., Histoires de l’Espagne médiévale, p. 125.
11 Ibid., pp. 133-134. Cette préoccupation est exprimée par les collaborateurs du roi dans le Libro conplido en los indizios de las estrellas (p. 3), et aussi, un peu plus tard, par Juan Manuel dans son Libro de la Caza et sa Crónica abreviada (respectivement t. I, p. 519, et t. II, p. 573 de l’édition de J. M. Blecua).
12 G. Martin, Histoires de l’Espagne médiévale, p. 133.
13 Ainsi l’ont signalé C. Alvar, A. Gómez Moreno et F. Gómez Redondo, La prosa y el teatro en la Edad Media, p. 16. Le dessein monarchique de l’entreprise a bien été mis en valeur par I. Fernández-Ordóñez, Las Estorias de Alfonso el Sabio, pp. 19-45.
14 Le fait a été relevé par D. Catalán, « El taller historiográfico alfonsí », repris dans Id., La Estoria de España de Alfonso X. Creación y evolución, p. 47. En 1275, lorsque le projet royal est définitivement abandonné, l’histoire wisigothique est terminée, alors que celle des rois de León est seulement ébauchée, interrompue pendant le règne d’Alphonse II, comme l’ont souligné C. Alvar, Á. Gómez Moreno et F. Gómez Redondo, La prosa y el teatro en la Edad Media, p. 18.
15 D. Catalán, « Don Juan Manuel ante el modelo alfonsí », pp. 47-50.
16 Id., « La versión regia de la Crónica général de España de Alfonso X », dans Id., De Alfonso X al conde de Barcelos, pp. 83-86.
17 Les aspects stylistiques de cette rupture historiographique ont été étudiés par D. Catalán, « Poesía y novela en la historiografía castellana de los siglos XIII y XIV », et par D. Pattison, From Legend to Chronicle, pp. 147-149. Ils ont été rappelés brièvement par L. Vones, « Historiographie et politique : l’historiographie castillane aux abords du XIVe siècle », p. 183.
18 Ainsi l’ont montré C. Alvar, Á. Gómez Moreno et F. Gómez Redondo, La prosa y el teatro en la Edad Media., p. 23. Relater les caballerías des temps passés devient même à partir de la seconde moitié du XIVe siècle l’objectif fondamental des chroniques, à en croire la préface de Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Pedro, p. 399 : « E por ende fué despues usado é mandado for los príncipes é reyes que fuesen fechos libros, que son llamados crónicas é estorias, dó se escribiesen las caballertas, é otras qualesquier cosas que los príncipes antiguos ficieron, porque los que despues dellos viniesen, leyéndolas tomasen mejor é mayor esfuerzo de facer bien é de seguardar de facer mal. »
19 Juan Manuel, Libro de los estados, p. 198.
20 I. Fernández-Ordóñez, « La historiografía alfonsí y post-alfonsí en sus textos », p. 101.
21 Liber regum et Libro de las Generaciones.
22 Los Anales toledanos I et II, pp. 186, 188 et 201-202.
23 lbid., p. 201 : lors de la prise de Trujillo en 1232, le mérite essentiel est attribué aux frères des ordres militaires et aux troupes de l’évêque de Plasencia : « Los freyres de las ordenes e el obispo de Placencia prisieron a Trugiello dia de conversion Sancti Pauli en janero. »
24 Juan Gil de Zamora, De Preconiis Hispanie, p. 117 : le livre rapporte la conquête de la Transierra de León, l’actuelle Estrémadure, en l’attribuant à Alphonse IX sans même mentionner l’appui que lui avaient prêté les ordres militaires : « Aldefonsus autem rex Legionis filius regis Fernandi, qui obiit Benavente, optinuit Montanges, Emeritam nobilissimam civitatem, Badallocum, Alcántaram atque Cancres. »
25 Ainsi l’a souligné, sur la base du prologue de l’œuvre, G. Martin, Histoires de l’Espagne médiévale, pp. 125-126, n. 9.
26 Crónica de los estados peninsulares.
27 Ph. Josserand, « Enjeux de pouvoir et traitement historiographique », p. 189, et « Les ordres militaires dans la chronique castillane », p. 126. Il n’est donc pas besoin de recourir à l’hypothèse d’un rôle prétendument défensif des ordres militaires, développée pour expliquer une situation identique dans les chroniques portugaises par S. Boissellier, « Réflexions sur l’idéologie portugaise de la Reconquête », p. 160. L’idée apparaît au surplus contradictoire dans la mesure où l’auteur lui-même rapporte l’efficacité offensive attribuée aux frères de Santiago, du Temple et de l’Hôpital par un poème anonyme composé par un croisé pour célébrer la conquête d’Alcácer do Sal dans le premier tiers du XIIIe siècle. D’une telle valeur se sont même fait écho des témoins extérieurs à la péninsule Ibérique, ainsi que l’a bien souligné B. Meyer, « El papel de los cruzados alemanes en la reconquista de la Península Ibérica », pp. 51, 56 et 58-60.
28 G. Martin, Le sjuges de Castille, p. 258, et « Dans l’atelier des faussaires », pp. 282-283.
29 Lucas de Túy, Chronicon munis, p. 101 : « Venit rex barbarus cum tanta Sarracenorum miltitudine et cum tanto bellico apparatu, quod non posset aliquatenus explicari, et obsedit castrum, quod dicitur Salvatierra. Cumque milites cisterciensis ordinis sarracenis in ipso castro fortiter resistissent, Mauri viriliter accedentes machinis fregerunt murum, multis ex illis occisis. Cepit rex Miramamolinus ipsum castrum et propter hyemen Hispalim reversus est. »
30 À cet égard, la conclusion de l’ouvrage de Lucas de Túy est éloquente, puisqu’elle constitue un éloge sans pareil du roi Ferdinand III, qui venait en 1236 de reprendre Cordoue : « O quam beatus iste rex qui abstulit opprobrium Hispanorum, evertens solium barbarorum et restituent ecclesiœ S. Iacobi apostoli campanas suas cum magno honore, quœ multo tempore fuerant Cordubœ, ob iniuriam et opprobrium nominis Christi. Acquisivit etiam rex Fernandus Turgellum, Sanctam Crucem, Alhange et qœdam alia castra » (ibid., p. 116).
31 H. Grassotti, Las instituciones feudo-vasalláticas en León y Castilla, t. I, pp. 181-182 et t. II, pp. 626-627, et G. Martin, Les juges de Castille, pp. 255-258.
32 Il me semble erroné d’opposer à ce sujet leurs positions, comme l’a fait A. Rodríguez de la Peña, « La cruzada como discurso político en la cronística alfonsí », p. 30.
33 Rodericus Ximenii de Rada, Historia de rebus Hispanie. Le nombre des mentions s’élève à cinq. Toutes intéressent des forteresses qui ensuite leur sont concédées : Calatrava, rendue à l’ordre homonyme (livre VIII, chap. 6, p. 265), comme Salvatierra (livre VIII, chap. 13, p. 277), Eznavexore, octroyée à Santiago (livre VIII, chap. 13, p. 277), Alcántara (livre VIII, chap. 13, p. 278) et Martos, enfin, données à Calatrava (livre IX, chap. 12, p. 293).
34 Ainsi l’a souligné Ph. Josserand, « Les ordres militaires dans la chronique castillane », p. 130. Le récit de la conquête de Salvatierra et d’Eznavexore revêt une valeur archétypale : Rodericus Ximenii de Rada, Historia de rébus Hispanie, livre VIII, chap. 13, p. 277 : « Post hec autem, licet Christianorum populi essent laboribus et infirmitatibus fatigati, rex tamen nobilis a magnalibus non poterat abstinere ; et congregato exercitu eodem anno, mense februario, castrum Dominarum impugnatum machinis occupauit et restituit, quorum fuerat, fratribus Calatraue. Et inde procedens cepit castrum quod Eznauexore dicitur, et milicie Santi Iacobi dedit illud. » Une même sujétion est marquée dans la Crónica latina de los reyes de Castilla, p. 89, lors de la prise de Baeza, pour laquelle un serment est expressément demandé au maître de Calatrava : « Tradidit statim magistro de Calatrava alcazar de Baeza, ita quod ubi promissa compleret, ipsum alcazar de Baeza magister absque omni calumpnia et contradictione rederet regi nostro. »
35 Ph. Josserand, « Enjeux de pouvoir et traitement historiographique », p. 190, et « Les ordres militaires dans la chronique castillane », p. 128.
36 Rodericus Ximenii de Rada, Historia de rebus Hispanie, livre VII, chap. 27, pp. 249-250.
37 D. Lomax, La orden de Santiago, p. 23, et R. I. Burns, The Crusader Kingdom of Valencia, t. I, p. 177.
38 Rodericus Ximenii de Rada, Historia de rebus Hispanie, livre VII, chap. 26-27, pp. 248-250. Le titre du chapitre où se trouve le passage cité est « Item de magnalibus et piis operibus nobilis Aldefonsi ». Il renvoie ainsi directement au précédent, « De insignis nobilis Aldefonsi et captione Conche ». Le fait est à mon sens d’autant plus à prendre en considération qu’ainsi que l’a fait récemment valoirI Fernandez-Ordoñez, « La técnica historiográfica del Toledano », pp. 204 et 206-207, la division en chapitres est essentielle à la structure d’une œuvre dans laquelle Alphonse VIII incarne l’idéal du souverain, comme l’ont signalé A. Rodríguez de la Peña, « El paradigma de los reyes sabios en el De rebus Hispanie », pp. 759-760, et A. Arizaleta, « Ut lector agnosceret », pp. 167-169.
39 Rodericus Ximenii de Rada, Historia de rebus Hispanie, livre VII, chap. 27, p. 250, Sur la base du même passage, le fait que derrière l’éloge des milices réside en réalité un laus régis a été récemment corroboré par A. Rodríguez de la Peña, « La cruzada como discurso político en la cronística alfonsí », p. 31.
40 Ainsi l’a bien souligné A. Rucquoi, « De los reyes que no son taumaturgos », pp. 68-69.
41 Ph. Josserand, « Enjeux de pouvoir et traitement historiographique », pp. 190-192.
42 C, Barquero Goñi, « La orden de San juan en Castilla según la cronística medieval ».
43 Crónica latina de los reyes de Castilla, p. 60.
44 Rodericus Ximenii de Rada, Historia de rebus Hispanie, livre VIII, chap. 3 et 9, pp. 262 et 270. Ces mentions sont reprises dans la Primera Crónica General, t. II, chap. 1012 et 1018, pp. 691 et 700.
45 Une analyse complète de ces mentions a été réalisée par C. de Ayala Martínez, « Participación y significación de las órdenes militares en la conquista de Carmona », et « Las órdenes militares en la conquista de Sevilla ».
46 Ainsi l’ont souligné C. Alvar, Á. Gómez Moreno et F. Gómez Redondo, La prosa y el teatro en la Edad Media, pp. 42-43.
47 C. de Ayala Martínez, « La monarquía y las órdenes militares durante el reinado de Alfonso X ».
48 Crónica del rey don Alfonso décimo, chap. 47, p. 35.
49 Ibid., chap. 76, p. 61.
50 Le fait a été souligné M. Garcia, « L’historiographie des groupes dominants en Castille », p. 66.
51 Ainsi, dans la Crónica del rey don Alfonso XI, lorsqu’est rapportée la tentative de déposition entreprise en 1328 à l’encontre du prieur de l’Hôpital Fernán Rodríguez de Valbuena, entré en révolte contre le favori d’Alphonse XI, le comte Alvar Núñez Osorio. De façon significative, te chapitre s’achève de la sorte : « Et agora dexa de contar la estoria destos freyles et contará de como el rey envió por la infanta su hermana para la enviar á Portugal et de lo que acaesció sobre esto » (ibid., chap. 67, p. 214).
52 Ainsi, pour le passage relatant la renonciation de García Fernández à la maîtrise de Santiago en 1327 (ibid., chap. 49, p. 204).
53 La volonté des chevaliers de se donner en exemple apparaît, dès l’époque d’Alphonse X, dans le Setenario, loi 108, p. 262 : « Sobressennales son aquellas armaduras que visten los caualleros ssobre todas las otras quando han de lidiar. Et esto es por que ssea cada vno por y connosçido quién es o quién ffaze de bien o de mal. »
54 Gran Crónica de Alfonso XI, t. II, chap. 138, p. 48 : « E por fazer fazaña, vendieron sus cuerpos muy marauillosamente, e nenbrando como morian por seruir a Dios e al rey, e oluidauan miedo e perdian duelo de la muerte e defendianse tan estrañamente que los moros eran espantados, e por la bondad que en ellos vieron, ovieron dellos duelo, entendiendo que eran omes de buen lugar e dixeronles que fuesen catiuos del alcayde de la villa, ca bien vian aquello en que los tenian. Y ellos dixeron que nunca Dios lo quisiese, que por miedo de la muerte ellos fuesen catiuos nin fiziesen cosa que les fuese verguença. E començaronse a defender lo mejor que pudieron, de guisa que los moros fueron marauillados, pero a la cima los moros eran tantos que los mataron a todos, faziendo bondad. »
55 Ibid, t. II, chap. 262, p, 277 : « E estos rteos bornes e maestres e caualleros christianos ovieron alli su acuerdo. E algunos dellos dezian que era bien de yr a ferir en la hueste de los moros antes que amanesçiese ; e otros caualleros algunos dixeron que no era bien, mas que dexasen venir el dia e que fuesen a ellos, por que se pudiesen conosçer los que hazian bien. E desque vino la luz del dia, quisieron los christianos llegar a la hueste sin fazer rruydo porque los moros no se aperçibiesen. »
56 Primera Crónica General, t. II, chap. 1086-1088, pp. 753-754.
57 Ibid., t. II, chap. 1098-1099, pp. 757-758.
58 Ainsi, lors du passage de Pelayo Pérez Correa et de ses frères dans le secteur d’Aznalfarache : « Et paso allende de la otra parte so Eznalfarax, a gran peligro de si et de los que con el eran, ca major era el peligro desa parte que de la otra » (Ibid., t. II, chap. 1081, p. 751). On retrouve ce même discours un peu plus tard à propos d’une embuscade tendue aux maîtres d’Alcántara et de Calatrava : « Et los freyres se vieron en grant coyta et fueron muy afrontados, pero esforçandose en Dios et en el rey don Fernando et en ventura buena que los guiaua, començaronlos a ferir tan de rezio que los mouieron et los fizieron boluer espaldas et dexar el canpo » (ibid., t. II, chap. 1085, p. 753).
59 Ainsi l’a relevé F. García Fitz, « Las huestes de Fernando III », p. 169, n. 35, sur la base du texte de l’édition de la chronique d’Ocampo, qui reprend, nous l’avons vu, une tradition manuscrite de la fin du XIVe siècle, désignée sous l’appellation de Tercera Crónica General par R. Menéndez Pidal, Crónicas generales de España, pp. 125-133.
60 Parmi eux figurent le maître de Santiago, Pelayo Pérez Correa, décrit par la Primera Crónica General, t II, chap. 1088, pp. 753-754, ainsi qu’un frère de Calatrava appelé Gonzalo de Mesa et un membre anonyme d’Alcántara, selon les témoignages concordants de la Crónica del rey don Alfonso XI, chap. 116 et 200, pp. 249 et 301, et de la Gran Crónica de Alfonso XI, t. II, chap. 137 et 263, pp. 43 et 279.
61 Ainsi, c’est à des princes apparentés à la dynastie régnante que s’opposent Pelayo Pérez Correa lors du siège de Séville et le frère d’Alcántara lors de l’invasion mérinide de 1339. Pour ce dernier, le statut de l’adversaire est précisé en ces termes : « E rrecudio ay luego vn cauallero moro, que traya consigo fasta çien caualleros moros, e dezianle Alicaçar, e venia de linage de rreyes, ca era sobrino del rrey Alboaçen e hijo de su hermano » (Gran Crónica de Alfonso XI, t. II, chap. 263, p. 279).
62 Cet esprit originel a bien été décrit par M. Bennett, « La Règle du Temple as a Military Manual », et « The Myth of the Military Supremacy of Knightly Cavalry ». Pour cette raison, la règle du Temple a été justement dépeinte comme anti-héroïque dans son principe par S. Cerrini, « I Templari : una vita di fratres, ma una regola anti-ascetica, una vita di cavalieri, ma una regola anti-eroica ».
63 Une excellente présentation de l’éthique chevaleresque à la fin du Moyen Âge se trouve dans l’ouvrage classique de M, Keen, Chivalry.
64 Gran Crónica de Alfonso XI, t II, chap. 138, p. 48.
65 Crönica del rey don Alfonso XI, chap. 198, pp. 298-299, et Gran Crónia de Alfonso XI, t. II, chap. 258, pp. 266-267 : « Dixoles que los otros maestres que fueron de Santiago touieron por derecho de pelear con el poder de los rreyes de Granada, e que su linage del no era menor que el de ninguno de los otros maestres que ay fueran antes, que el por su cuerpo no queria menguar ningima cossa de lo que fizieron los de aquel linage de Guzman donde el venia. »
66 Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Pedro, an. V, chap. 14, p. 445.
67 Ibid., an. II, chap. 2, p. 412.
68 Ibid, an. V, chap. 14, p. 445 : « E por ende, por guardar su omenage, el dicho Pero Ruiz de Sandoval dexó y quien entregase el castillo de Montiel al rey don Pedro, segund dicho avemos, e él por su cuerpo vinose al maestre don Fadrique por quanto era su freyre é caballero de la su orden. »
69 Ainsi accompagne-t-il le maître lors de sa venue à Séville auprès du roi, qui a résolu de le faire mettre à mort : « É entrara con el maestre un caballero de la su orden que decian don Pero Ruiz de Sandoval Rostro de Puerco, que era comendador de Montiel, el que diximos que diera el castillo de Montiel al rey por el omenage que le oviera fecho, é se viniera él para su señor el maestre, é era agora comendador de Mérida, é el rey quisierale matar, é non le falló, é asi escapó aquel dta quel rey le andubo buscando para le matar, é non lo pudo aver » (ibid.an. IX, chap. 3, p. 482).
70 La conduite du frère est érigée en modèle. Tenue pour une fazaña, elle peut servir de fondement à un jugement : « É tovieron todos que ficiera el caballero lo que debiera facer, é aun es fazaña de Castilla que asi se debe facer » (ibid., an. V, chap. 14, p. 445).
71 Crónica del rey don Alfonso XI, chap. 198, pp. 298-299, et Gran Crónica de Alfonso XI, t. II, chap. 258, pp. 266-267 : « E algunos de los que venian alli con el maestre, veyendo que los moros eran muchos mas que ellos, dixeron al maestre que toviese por bien de escusar aquella pelea, ca non le era mengua en dexar de pelear con poder de vn rrey que tenia muchas mas gentes que no el. »
72 Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Pedro, an. V, chap. 20, p. 448 : « É el dicho don Lope Sánchez, comendador, le mostró como tenta una cadena á la garganta, la qual le ficiera poner el maestre don Fadrique su maestre é su señor, fiandose dél é andando con él, é le tomara el castillo é se apoderára dél, por lo qual non era él en su poder libre para le acoger en el dicho castillo segund el omenage que le avia fecho, el qual non podia cumplir. E el rey fué muy sañudo veyendo que esta era infinta, é que el comendador don Lope Sanchez.fuera en aquel consejo. »
73 A. Núñez de Castro, Corónica de los señores reyes de Castilla, chap. 20, p. 250 : « Aunque gasta muchas hojas el arçobispo don Rodrigo en referi los sucessos mas principales de esta batalla, como testigo que fue de vista, dexó algunas particularidades en silencio […]. Lo que mas desean saber los siglos presentes de las guerras passadas son las personas que se señalaron en hazañas por el lustre que se sigue a sus successores y asi no perdonaré trabajo en nombrar los que en esta batalla se esmeraron. »
74 Diego Rodríguez de Almela, Compilación de los milagros de Santiago, chap. 22, pp. 53-54. La narration du siège de Siles et la victoire d’Alonso Méndez de Guzmán sur des troupes très supérieures en nombre occupent entièrement les vingt lignes consacrées au maître dans le récit.
75 Primera historia de la orden de Santiago, p. 375.
76 F. de Rades y Andrada, Chrónica de las tres órdenes y cavallerías de Sanctiago, Calatrava y Alcántara, part. I, f° 43v°-45r°.
77 B. Moreno de Vargas, Historia de la ciudad de Mérida, chap. 16, p. 389 : « Y del comendador descienden en Mérida los Sandovales, linaje muy noble, que por líneas de hembras, está incorporado en otros muchos de esta ciudad, los cuales por el alcuña de Rostro de puerco u Hocico de puerco añadieron a las armas de la banda negra en campo de oro dos cabezas de puercos asidas a la banda. » Le surnom du frère est attesté par Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Pedro, an. IX, chap. 3, p. 482.
78 Les Villegas comptent parmi les premiers à l’avoir fait, ainsi qu’il ressort d’un acte daté de septembre 1327 dans lequel Lope Ruiz de Villegas associe à ses armes la croix fleurdelisée de Santiago, comme le rapporte J. López Agurleta, Vida del venerable fundador de la orden de Santiago, p. 89, qui en offre l’explication suivante : « El motivo de usar de la cruz este Villegas parece ser en honra y memoria de su padre, Rodrigo Ruiz de Villegas, que vivía año de 1271 y comendador del mismo Castroverde en el de 1288 con su mugier doña Theresa González, segun otra escritura sin sello del mismo caxon 66. »
79 Lucas de Túy, Cronicon mundi, p. 110, et Rodericus Ximenii de Rada, Historia de rebus Hispanie, livre VIII, chap. 6, p. 265, chap. 13, pp. 277-278, et livre IX, chap, 12, p. 293.
80 Crónica latina de los reyes de Castilla, pp. 82, 89 et 108. À titre d’exemple, la dernière référence se rapporte au siège de Trujillo, entrepris dans l’hiver 1233 par les frères de Calatrava avec l’appui des milices de Plasencia : « In yeme memorata in qua dominus noster rex Ferrandus obsedit Ubedam, magister de Calatrava et populus Placenter cum episcopo suo castrum quod dicitur Trugellum obsederunt et ceperunt. »
81 Ainsi, lors d’expéditions militaires, comme dans la Gran Crónica de Alfonso XI, t. I, chap. 6, 8 et 20, pp. 287, 294 et 312. Il est à signaler que cette pratique est absente du récit de Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Pedro.
82 À cet égard peuvent être consultés les travaux de D. Catalán, « El buen priori Hernán Rodríguez », et de Ph. Josserand, « Un maître politique : Fernán Rodríguez de Valbuena ».
83 D. Catalán, « La historiografía en verso y en prosa de Alfonso XI », pp. 267-270.
84 Ainsi sont présentées les causes de l’insurrection dans la Crónica del rey don Alfonso XI, chap. 66, p. 214 : « Este don Joan fijo del infante don Manuel avia grand amistad con don Fernan Rodriguez. prior de Sanct Joan desde el tiempo que este don Joan era tutor deste rey don Alfonso. Et estando el rey en Sevilla desque veno de tomar Olvera, elprior ovo fabla con Pero Rodriguez, un caballero de Zamora, que tenia por el conde Alvar Nunez el alcazar et la villa de Zamora, et con otros algunos caballeros et cibdadanos desta ciudat, que acogiesen y al prior et que non acogiesen al rey, salvo si tirase de la su casa et de la su merced al conde Alvar Nunez. »
85 BNV, SO, vol. 20, doc 5. Le document, en mauvais état de conservation, est une lettre en date du 9 juin 1328 par laquelle le conseil de Zamora demande au maître de l’Hôpital, Hélion de Villeneuve, de ne pas tenir compte de la requête de déposition que lui a adressée Alvar Núñez à l’encontre du prieur. La lettre fait état des contributions démesurées que le favori a imposées à la cité et qu’il prétend alors étendre aux ordres militaires. Une brève analyse du document a été produite par J. Delaville le Roulx, Les archives, la bibliothèque et le trésor de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, p. 40, suivie par A Zammit Gabarretta et J. Mizzi, Catalogue of the Records of the Order of St. John of Jerusalem, t. I, p. 87. Par suite d’une confusion, due à la non-prise en compte de l’ère hispanique, chacun de ces auteurs a cependant daté le document de 1366.
86 Gran Crónica de Alfonso XI, t. I, chap. 78, pp. 422-423.
87 Crónica del rey don Alfonso XI, chap. 105, p. 239, et Gran Crónica de Alfonso XI, t. II, chap. 126, p. 17 : « El rrey enbio a mandar a Vasco Rodríguez, maestre de Santiago, que era adelantado mayor de la frontera, e a los maestres de las hordenes de Calatrava e d’Alcantara que se fuesen luego para la frontera, e que se ayuntasen con los rricos omes e conçejos que eran en la frontera e que fuesen a desçercar el castillo de Gibraltar que tenian çercado los moros. »
88 Crónica del rey don Alfonso XI, chap. 105, p. 239, et Gran Crónica de Alfonso XI, t. II, chap. 126, p. 17 : « Et al prior de Sanct Joan non le envió decir desto ninguna cosa por quanto estaba doliente de la dolencia de que finó ».
89 Crónica del rey don Alfonso XI, chap. 113, p. 247, et Gran Crónica de Alfonso XI, t. II, chap. 134, p. 37.
90 C. de Ayala Martínez et al., Libro de privilegios de la orden de San Juan de Jerusalén, pp. 500-501, doc. 294.
91 AHN, OM, carp. 421, doc. 70, publ. J. González González, Reinado y diplomas de Fernando III, t. III, pp. 309-310, doc. 744 : « Do a uos Johan Pérez, comendador de Martos, en Jahen las casas que fueron del alcayat Auen Margoan, et dolas a uos et a la orden de Calatraua, por seruicio que me fiziestes. »
92 En témoignent, en 1256, Pedro Fernández, commandeur santiaguiste de Segura, dont il est relaté qu’il s’était illustré lors de la prise d’Orihuela dix ans plus tôt (AHN, OM, carp, 317, doc. 1, publ. J. Torres Fontes, Fueros y privilegios de Alfonso X el Sabio al reino de Murcia, pp. 36-38, doc. 26), et en 1280, Ruy Sánchez, commandeur d’Osuna dans l’ordre de Calatrava (AHN, OM, carp. 425, doc. 124, publ. M. González Jiménez, Diplomatario andaluz de Alfonso X, pp. 492-493, doc 464).
93 Ainsi, pour Santiago, HSA, HC 380/434, ffos 29v°-30r°, et HC 371/190, ffos 46r°-50r°.
94 Le fait a été bien montré par D. Lomax, « The Medieval Predecessors of Rades y Andrada ».
95 Ce trait ressort des compositions historiographiques dès les premières histoires de Santiago écrites à la fin du Moyen Âge : Diego Rodríguez de Almela, Compilación de los milagros de Santiago, pp. 52-54, et Primera historia de la orden de Santiago, pp. 356-451.
96 Fernán Pérez de Guzmán, Generaciones y semblanzas. Parmi ses portraits des membres de la société politique des règnes d’Henri III et de Jean II, trois sont consacrés aux maîtres Gonzalo Núñez de Guzmán, Lorenzo Suárez de Figueroa et Enrique de Villena (ibid., pp. 47-50, 65-66 et 99-102).
97 Ainsi l’a observé Juan Victorio dans son édition du Poema de Alfonso Onceno. À titre d’exemple, près d’une centaine de vers sont consacrés à la seule victoire de Siles, remportée parle maître de Santiago sur les musulmans (ibid., str. 709-734, pp. 175-179).
98 Ibid., str. 709-710, p. 175 : « Un muy noble fijo dalgo,/ muy buen cabdiello en batalla / Don Alfonso fue llamado, / del linaje de Guzman : / deste maestre onrado / ya por stenpre fablarán. »
99 Fernando del Pulgar, Claros varones de Castilla, p.59: « ¿Cuál de los capitanes romanos pudo pujar al esfuerço de don Juan Ramíres, comendador mayor de Calatraua, de linaje noble de Guzmán ; el cual mostraua tan grand ardideza en las batallas, e tenía tanta destreza en gouernar las armas, que el braço desnudo, el espada en la mano, esforçando los suyos, firiendo los enemigos, venció muchas batallas de moros : e con tanto esfuerço acometía, e con tal perseuerencia duraua en los peligros, que como ageno de todo miedo lo imprimía en los enemigos ? »
100 D. Catalán, « El buen prior Hernán Rodríguez », p. 15.
101 Publié ibid., pp. 17-20, le romance du prieur Fernán Rodríguez a été repris par A. Rodriguez-Moñino, Silva de romances, pp. 322-323.
102 Publiés par A. Rodriguez-Moñino, Silva de romances, pp. 166-168 et 306-307, ces romances ont été repris par F. Gómez Redondo, Poesía española. t. I : Edad Media : juglaría, clerecía y romancero, pp. 654-658.
103 F. Mendoza Díaz-Maroto, « Las órdenes militares en el romancero ».
104 Ainsi l’a souligné F. Gómez Redondo, Poesía española. t. I : Edad Media : juglaría, clerecía y romancero, p. 641, dans son introduction à l’étude du romance histórico.
105 D. Catalán, « El buen prior Hernán Rodríguez », p. 15.
106 G. Martin, Histoires de l’Espagne médiévale, pp. 210-217.
107 Ibid, p. 217.
108 F. Gómez Redondo, Poesía española. t. I : Edad Media :juglaría, clerecía y romancero, p. 641.
109 Ainsi l’a fait valoir, pour le romance du bon prieur Fernán Rodríguez, A. Deyermond, La literatura perdida en la Edad Media castellana, p. 159. Un même constat a été établi pour le cycle de poèmes dédiés à la mémoire de l’infant Fadrique à l’initiative d’A. González, « La compiejidad del romance de la Muerte del maestre de Santiago ».
110 Elle correspond ainsi à l’esprit du romancero, hostile à ta maîtresse du roi, à laquelle le romance de la mort de l’infant Fadrique impute la culpabilité de l’assassinat du maître (A. Rodriguez-Moñino, Silva de romances, pp. 167-168), alors que la chronique l’en décharge pour en incriminer le seul monarque (Pedro Lôpez de Ayala, Crónica del rey don Pedro, an. IX, chap. 3, p. 482).
111 Le principe est en tout cas acquis au milieu du XIVe siècle, comme l’a justement relevé, dans le cas de l’infant Enrique, maître de Santiago sous le règne de jean II, M. Garcia, « Pedro de Escavias. Romançe que fizo al señor Ynfante Don Enrique, maestre de Santiago ».
112 M. Echániz Sans, « Austeridad versus lujo. El vestidoylos freiles de la orden de Santiago », et M. del C. Yáguez Boza, « Imagen y signos del caballero calatravo ».
113 Les ordres militaires ne sont pas les seules corporations ecclésiastiques a être influencées parle siècle et bien d’autres, notamment dans le clergé régulier, ont pu l’être également, comme l’a récemment rappelé P. Linehan, Les dames de Zamora, pp. 87-88.
114 Juan Manuel, Libro de los estados. ; pp. 78 et 199 : « Et estas maneras son así commo cavalgar et bofordar, et fazer de cavallo et con las armas todas las cosas que pertenesçen a la cavallería. Et otrosí son maneras nadar et esgremir et jugar los juegos apuestos et buenos, sin tafurería, que pertenesçen a los cavalleros et caçar et correr monte en la manera que les pertenesçe, et andar lo más apostadamente que pudieren en sus guisamientos et en sus vestiduras. »
115 Juan Manuel, Libro de la Caza (p. 560 de l’édition de J. M. Blecua), souligne combien les fils de Ferdinand III furent de remarquables chasseurs, « sennaladamente el rey don Alfonso et don Anrique et don Felipe et don Manuel ».
116 Voir I. Beceiro Pita, « La caza y la alta nobleza bajomedieval en el reino castellano », pp. 77-78.
117 Ainsi, à l’été 1537, entre Juan Manuel et le roi d’Aragon Pierre IV, d’après A. Giménez Soler, Don Juan Manuel pp. 632-633, doc, 551 et 554.
118 Sans doute est-il possible d’entrevoir une évolution pour Santiago au milieu du XIIIe siècle puisque les établissements de Montânchez se doivent en 1252 de rappeler l’interdit. BNM, ms. 8582, f° 62v : « Nyngund freyre non sea osado de aver açor primera mente de liçençia del maestre o del comendador mayor del rregno que non sea poderoso de lo dar a ningund omme seglar. »
119 Ainsi le rapporte Juan Manuel dans son Libro de la Caza (p. 556 de l’édition de J. M. Blecua) : « Et aun mataua mejor otro nebli quel dio el prior don Fernando Rodrigues ». De la même façon, le grand-maître de Prusse de l’ordre teutonique offrit un faucon noir au conseiller de Charles V, Bureau de la Rivière, selon le témoignage de Pedro López de Ayala, Libro de la Caça de los Aves, chap. IV, p. 72 : « E destos assy prietos, vi uno a Mossen Bureo, señior de la Ribera, camarero mayor del rey de Françia, e enbiaragelo en presente el Gran maestre de Pruça. »
120 Signalé par J. Cummins dans son édition du traité de Pedro López de Ayala, Libro de la Caça de los Aves, p. 209, appendice I, ce fait a été rappelé par D. C. Morales Muñiz, « Las aves cinegéticas en la Castilla medieval », pp. 137 et 148, qui assimile le rapace en question à une variété de faucon pèlerin.
121 G. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. XXII, col. 1003 : « Venationem et aucupationem universis clericis interdicimus : unde nec canes nec aves ad aucupandum habere praesumant. »
122 Ainsi, les définitions de Calatrava de 1325 limitent l’usage de faucons par les membres de l’Ordre aux seuls frères qui y sont autorisés parle maître. Voir J. O’Callaghan, « The Earliest Difiniciones of the Order of Calatrava », p, 272, repris dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, VII : « Ni se use de aves, sino aquellos a que el maestre diere licencia ».
123 Un constat similaire a été fait pour l’espace baitique par I. Sterns, « Crime and Punishment among the Teutonic Knights », p. 98.
124 En cela, je m’inscris en faux contre l’affirmation avancée par D. Rodríguez Blanco, La orden de Santiago en Extremadura en la Baja Edad Media, p. 265.
125 Dans différents lieux de leurs juridictions, la chasse faisait ainsi l’objet, pour les habitants, de restrictions qui la transformaient en un véritable privilège seigneurial ; c’était par exemple le cas pour les domaines hospitaliers de Lora del Río, sur lesquels a récemment attiré l’attention J. González Carballo, La orden de San Juan en Andalucía, p. 205.
126 Crónica de cinco reis de Portugal, pp. 207-208 : « E durando a tregoa por este tempo e saindo os Mouros e Christãos seguros disse o comendador môr aos outras caualetros vamos caçar com nossas aues as antas termo de Tauila que erão dahi très legoas e tomaremos algum prazer. » Le dernier mot est remplacé par solaz dans les Crónicas dos sete primeiros reis de Portugal, t. I, p. 263.
127 En atteste Juan Manuel dans son Libro de la Caza (p.578 de l’édition procurée par J. M. Blecua), qui se propose dans une revue des meilleurs territoires de chasse de traiter de « la tierra de la orden de Santiago que ellos llaman de Leon ». Le livre étant incomplet, la description qu’il en a faite demeure inconnue. Elle peut être remplacée par les indications contenues dans une œuvre attribuée à Alphonse XI, le Libro de la Montería. À titre d’exemple y sont recensés, pour la seule commanderie santiaguiste d’Estepa, sept montes distincts riches de sangliers (ibid., pp. 662-663).
128 Le Libro de la Momtería relate une chasse à l’ours menée par Alphonse XI en ce lieu (ibid, pp. 614-615).
129 C’était par exemple le cas des terres santiaguistes de Segura, d’après Pedro López de Ayala, Libro de la Caça de los Aves, chap. 41, p. 184 : « Otros en Castilla crian en muchas comarcas, así como en Ypuzqoa e Alava, Viscaya, Segura que es del horden de Santiago, e Algezira, e destos los mejores que yo vi son los de Algezira. »
130 Lbid., chap. i, p. 60 : « Ca todos estos sopieron e saben mucho en esta arte, e fizieron muchas curas en las aves que son muy çiertas e muy provadas. »
131 Une présentation rapide du personnage et de sa nomination conflictuelle à la tête de la commanderie de Montalban a été réalisée par R. Saínz de la Maza Lasoli, La encomienda de Montalbán bajo Vidal de Villanova, pp. 76-78.
132 Juan Manuel, Libro de la Caza (p. 527 de l’édition de J. M. Blecua), et Pedro López de Ayala, Libro de la Caça de los Aves., chap. i, p. 60.
133 R AH, Col. Salazar, D-56, f° 37r°.
134 Pedro López de Ayala, Libro de la Caça de los Aves, chap. 8, p. 101.
135 Ibid., chap. 3 et 29, pp. 72 et 156. Le second passage fait l’éloge de sa capacité à soigner un rapace dont l’aile avait été cassée : « E non dubdes que sy buena diligençia ovieres en lo curar que guaresçera. Et vi un falcon bahary sardo al rey don Pedro, que traya Rui Gomez Dillescas, comendador de Santiago, su falconero, que le quebro el ala cayendo con una grua, e fue despues fiel della, e le vi matar muchas gruas despues, e con tan gran aventaja como primero las matava. »
136 R. Eales, « The Game of Chess : an Aspect of Médiéval Knightly Culture ».
137 À ce titre, ils sont régulièrement condamnés comme, par exemple, dans les définitions de Calatrava de 1325, publiées par J. O’Callaghan, « The Earliest Difiniciones of the Order of Calatrava », p. 271, repris dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, VII : « E si, por ventura, algun freyre jugare dados, como sea cosa desonesta, si le fuere probado, sea encarcelado por un año. Por dos ultimo. » Une interdiction comparable est reproduite dans les définitions d’Avis de 1342, bien que la peine appliquée aux fauteurs soit limitée à trois mois de pénitence au couvent (A. Javierre Mur, « La orden de Calatrava en Portugal », p. 341).
138 L’unique exemplaire du manuscrit est conservé à la Biblioteca del Monasterio de El Escorial sous la coteT-I-6. Quelques illustrations en sont reproduites dans l’étude de G. Menéndez Pidal, La España del siglo XIII leída en imágenes, p. 288.
139 BME, ms.T-I-6, f° 25r°, Des illustrations plus petites représentent deux Hospitaliers, le manteau noir frappé de la croix blanche (f° 25v° ; reproduite en couverture du présent ouvrage), et deux Santiaguistes, la cape blanche ornée d’une croix rouge en forme d’épée (f° 27r° ; fig. 7 p. 194).
140 Juan Manuel, Libro de los estados, p. 199 : « Otrosí, dévenle mostrar caçar et carrer monte, et bofordar et armarse, et saber todos los juegos et las cosas que pertenesçen a la cavallería. »
141 Le mot bohordo est défini par le Diccionario de la Lengua Española, Madrid, 1984, p. 201, comme une « lanza corta arrojadiza, de que se usaba en los juegos y fiestas de caballería, y que comúnmente servía para arrojarla contra una armazón de tablas ». La notice précise qu’il vient du mot français bohort, issu du dialecte picard, que j’ai préféré à celui de bébourdis, utilisé par M.-Cl. Gerbet, Les noblesses espagnoles au Moyen Âge, p. 216.
142 Une reproduction partielle en a été proposée par G. Menéndez Pidal, La España del siglo XIII leída en Imágenes, p. 228. Une autre a récemment servi de couverture à l’ouvrage de C. de Ayala Martínez, Las órdenes militares hispánicas en la Edad Media.
143 Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Pedro, an. VII, chap. 4, p. 472 : « E, segund decían algunos de sus privados despues aquel torneo mandó el rey facer estonce porque tenía fablado que moriese ende don Fadrique, maestre de Santiago, el qual estaba ay, é entrara en aquel torneo ; pero non se pudo facer, ca non les quiso el rey descobrir este secreto á los que entraron en el torneo, que avían de facer esta obra, é por tanto cesó. »
144 A. González, « La complejidad del romance de la Muerte del maestre de Santiago », p. 50.
145 F. Gómez Redondo, Poesía española. t. I : Edad Media :juglaría, clerecía y romancero, p. 656 : « Yo me estava allá en Coimbra, que yo me la ove ganado,/ cuando me vinieron cartas del rey don Pedro, mi hermano,/ que fuesse a ver los torneos que en Sevilla se han armado. »
146 L’assimilation semble complète au début du XIVe siècle, lorsque l’infant Enrique, maître de Santiago, participe à l’un de ces pasos honrosos, en vogue dans l’aristocratie, le Paso de la Fuerte Ventura, célébré à Valladolid en 1428, ainsi que le relève P. Bonneaud, « Les ordres militaires dans la Couronne d’Aragon au XVe siècle. Mentalités et modes de vie », p. 134.
147 Ainsi en témoignent les statuts de Calatrava de 1304. J. O’Callaghan, « The Earliest Difiniciones of the Order of Calatrava », p. 264, repris dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, VII : « Et mandamos que ninguno non vaya, ni enbie carta al rey, ni reyna, ni a otra persona alguna que non sea de la orden, contra el establecimiento de la orden, a menos de licencia del maestre. E el que pasare, que sea en pena de desobediente, e que sea encarcelado, e le quite el habito. » Les mêmes prescriptions, reprises en 1336 (ibid., p. 275), ont été étendues à Alcántara en 1306 ;voir Ph. Josserand, « Pour une étude systématique », p. 335 : « Otrosi mandamos que ninguno no enbie carta ni vaya al rey ni a reyna ni a personapoderosa contra los establecimientos de la orden salvo si la persona fuere de nuestra orden a menos de licençia del maestre y el que a ello pasare caya en pena de desobediençia y faga la penitencia quel maestre mandarey los ancianos del convento touieren por bien. »
148 BN V, RBC, vol. 280, f° 40r°. Il était ainsi prévu, pour les prieurs et les baillis nommés en chapitre général, que « non uzent en lur mangier ce non de.ii. viandes sauvant ce aucun noble home ecclesiastique o seculier venissent mangier avecques eaux ». Les simples commandeurs avaient moins de latitude car il était arrêté que « non uzent que de une uiande en lur mangier ci ne nestoit par necessite daucun noble estrangier et adoncs en puissent uzer de.ii. ».
149 Hechos de don Berenguel de Landoria, arzobispo de Santiago, pp. 110 et 114. Dans le second texte, il est relevé que « rediit ad Castrum Nunes cum episcopis Samorensi, Cauriensi et domno Roderico Iohannis, tunc electo et confirmato Lucensi, et priore sepe dicto, ubi per multos dies moram traxit, a dicto priore facto et uerbo multipliciter honoratus ; ubi dictum electum Lucensem consecrauit quarta die madii anno Domini millesimo trecentesimo uigesimo ».
150 Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Pedro, an. IV, chap. 25, p. 437.
151 Ainsi l’a bien signalé, pour des espaces plus septentrionaux, H, Nicholson, « Knights and Lovers : the Military Orders in the Romantic Literature of the Thirteenth Century », et Love, War and the Grail. Templars, Hospitallers and Teutonic Knights in Medieval Epic and Romance, pp. 44-64.
152 M. Aurell, La vielle et l’épée : troubadours et politique en Provence au XIIIe siècle, pp. 120-121.
153 M, Brea, Lírica profana galego-portuguesa, t. II, p. 931.
154 Malgré cette primauté sont attestés plusieurs troubadours liés à d’autres Ordres, comme Pedro Gómez Barroso, proche de Calatrava, que le maître envoie à Grenade en 1273 négocier au nom du roi le retour à l’obéissance des nobles réfugiés en territoire musulman. Le fait, rapporté par la Crónica del rey don Alfonso décimo, chap. 51, p. 38, a été repris par M. Brea, Lírica profana galego-portuguesa, t. II, p. 848.
155 M. Brea, Lírica profana galego-portuguesa, t. I, pp. 313-328. Il était, selon toute probabilité, le père de Pedro Fernández Calleros, membre de Santiago proche de Pelayo Pérez Correa, lequel en fit son représentant au concile de Lyon en 1243 (R. Sáinz de la Maza Lasoli, La orden de Santiago en la Corona de Aragón, p. 73) puis, à son retour, lui concéda d’importantes commanderies parmi lesquelles Uclés, Segura et Montalbán.
156 M. Brea, Lírica profana galego-portuguesa, t. I, p. 360.
157 II est possible d’en suivre l’influence jusque dans la dernière année du gouvernement du maître. Il était présent à ses côtés en 1273 à Barcelone, ainsi que l’a souligné A. Ballesteros-Beretta, Alfonso X el Sabio, p. 720. Le fait qu’il soit alors appelé Gonzalo Yáñez de Aguilar semble un argument intéressant en faveur de l’hypothèse qui l’assimile à un frère de Pelayo Pérez Correa, dont la mère appartient au lignage portugais d’Aguiar.
158 Le fait a été justement signalé par H. Nader, The Mendoza Family in the Spanish Renaissance.
159 H. Ó. Bizzarri, « La idea de Reconquista en el Libro de los Doze Sabios », pp. 27-28.
160 BME, ms. B-IV-19, cité par H. Ó. Bizzarri, « La idea de Reconquista en el Libro de los Doze Sabios », p. 28.
161 Ainsi l’a relevé Fernán Pérez de Guzmán, Generaciones y semblanzas, p. 66 : « Guiauase mucho por estrologos ». Ce penchant, alors courant parmi la noblesse, est attesté pour d’autres maîtres de la toute fin du XIVe siècle tels que Martín Yáñez de Barbudo pour Alcántara (Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Enrique tercero de Castilla êde León, an. IV, chap. x, pp. 222-223) ou Enrique de Villena pour Calatrava (Fernán Pérez de Guzmán, Generaciones y semblanzas, p. 100).
162 M. Pastoureau, Couleurs, images, symboles. Études d’histoire et d’anthropologie, p. 32.
163 L’expression est empruntée à la règle originelle de Santiago publiée par J. Leclercq, « La vie et la prière des chevaliers de Santiago », p. 8.
164 II est vraisemblable qu’il ait été plus hétérogène qu’on ne le pense d’ordinaire, comme l’a justement fait valoir C.de Ayala Martínez, Las órdenes militares hispánicas en la Edad Media, p. 383.
165 M. Echániz Sans, « Austeridad versus lujo, El vestido y los freiles de la orden de Santiago », p. 365.
166 Ainsi, dans le cas de l’Hôpital, les statuts édictés par le chapitre général de Rhodes en 1337 se réfèrent encore aux formes larges comme à la « taillie vieille et ancienne de la maison ». BNV, RBC, vol. 280, f° 40r°.
167 Le fait ressort pour Santiago de la règle primitive, publiée par J. Leclercq, « La vie et la prière des chevaliers de Santiago », p. 9 : « Vestes albi, pardi et nigri coloris et pelles habeant ».
168 D. Lomax, « Algunos estatutos primitivos de Calatrava », p. 493 : « In habitu fratrum nulla diversitas habeatur set mantelli et garnachie unius materie sint. » Assez proche du manteau, la garnache, fréquemment utilisée au XIIIe siècle, est définie par G. Menéndez Pidal, La España delsiglo XIIIe leída en imágenes, p. 69, comme une « prenda de abrigo que cubría los otros vestidos ».
169 D, Lomax, « Algunos estatutos primitivos de Calatrava », p. 493 : « Fratres laici totum caputium super garnachiam ponant. Quicumque uero hoc facere contenpserit deinceps gamachiam non habeat set tunica grossa more conuersorum nostrorum utatur. »
170 Ibid, p. 494 : « Fratres milites singulis mensibus usque ad mediam aurem tandeantur set conuersi de super aurem et nunquam barbas suas cum rasoriis radant, set cum forcipibus pectine superposito aptare studeant. » Le texte a fait l’objet d’un bref commentaire de M. del C. Yáguez Boza, « Imagen y signo del caballero calatravo », pp. 602-603.
171 Conservé à la Biblioteca Nazionale de Florence, le manuscrit duquel sont extraites ces représentations a été l’objet de plusieurs études de J, Hernández Serna, « La orden de la Estrella o de Santa María de España en la Cantiga 78 del Códice de la Biblioteca Nacional de Florencia », et Cantigas de Santa María : Códice B-R-20 de Florencia.
172 Cette distinction a été soulignée à l’échelle générale par G. Menéndez Pidal, La España del siglo XIII leída en imágenes, pp. 82-86.
173 J. Hernández Serna, « La orden de la Estrella o de Santa María de España en la Cantiga 78 del Códice de la Biblioteca Nacional de Florencia », p. 167. Cet avis de l’auteur a été avalisé par A. García Cuadrado, Las Cantigas. El Códice de Florencia, p. 142.
174 D. Lomax, « Algunos estatutos primitivos de Caiatrava », p. 493 : « Nullus ocias cum rostro accuto et prominenti aut cappam cum manicis nisi atra portum de Urgaz propter arma tenenda, ita ut sit dissimilis capis secularium cum manicis latioribus et curtioribus, ullatenus habere presumat. »
175 Ibid., p. 493 : « Nulli fratres liceat uti deinceps pileis quibus seculares utuntur quia nec hoc episcopis ordinis nostri conceditur. Set siquis infirmum caput habuerit per licenciam magistri pileum de pannis quibus utimur habere potuerit. »
176 Ainsi l’attestent les miniatures soignées du Libro de los juegos de ajedrez, dados y tablas, conservées dans BME, ms.T-I-6, ffos 25v° et 27r°, figurant des frères de l’Hôpital et de Santiago (respectivement reproduites en couverture et p. 194), comme le dessin plus grossier d’un chevalierde Calatrava sur la paroi d’une grotte à Cholones, près de Priego. Décrit par M. Nieto Cumplido, Corpus Medievale Cordubense, t. II, p.43, doc.473, ce dernier a été reproduit par M. Peláez del Rosal et M. C.Quintanilla Raso, Priego de Córdoba en la Baja Edad Media, p. 63. Dans chacun de ces exemples, les frères apparaissent vêtus d’amples tuniques, revêtues dans le premier cas de capes rondes, laissant passer leurs bras.
177 Le moment a été clairement identifié par M. Echániz Sans, « Austeridad versus lujo. El vestido y los freiles de la orden de Santiago », pp. 367-369.
178 BNM, ms. 8582, ffos 60v° (1251), 65v° (1265) et 47v° (1274). Signalons que M. Echániz Sans, « Austeridad versus lujo. El vesrido y los freiles de la orden de Santiago », pp. 371-372, date la dernière série de 1249, d’après une indication du manuscrit qui résulte d’une interpolation erronée, comme l’a montré D. Lomax, La orden de Santiago, pp. 54 et 66. L’historien britannique, sur la base de la liste des frères cités dans les statuts, avait proposé une datation comprise entre 1271 et 1274. Il me semble possible de privilégier cette dernière date, à laquelle un chapitre très largement attesté fut réuni à Mérida.
179 Le fait ressort en particulier des définitions de 1265. BNM, ms. 8582, f° 65v : « Estableçido es que ningund freyrede nuestra orden que non vista sino rras o valençianas o sarga e sant clemente çinco varas a tercia […] e que fagan capas de viii. maravedis ayuso. » Le prix modique de ces tissus en Espagne et au Portugal a été mis en évidence, pour la période immédiatement postérieure à celle que nous étudions, par Ch. Verlinden, « Deux pôles de l’expansion de la draperie flamande et brabançonne aux XIVe siècle », pp. 685-687.
180 BS, p. 263 : « Otrosi establecemos que non vistamos sinon blanquetas prietas o blancas e los paños que agora traen que lo trayan hasta Todos Santos primero siguiente e de alli en adelante que los non trayan. »
181 Miret i Sans, Les cases de Templers i Hospitalers en Catalunya, 1910, p. 364 : « La repetició de les prohibicions d’ornaments y objectes luxosos denoten que existia entre’ls Hospitalers també certa inclinació a la parencería y a les vanitats mundanals. »
182 BNV, RBC, vol. 280, ffos 25r° et 40r°. En 1332, le chapitre statue ainsi que « frere non puisse porter mantel ni reondell ni argent ni chapeyron de nulle color se non noire et qui faudra soit en huitaine » Cinq ans plus tard, en raison du non-respect de cette norme, il est rappelé aux Hospitaliers qu’ils ont obligation de revêtir des formes amples, tombant jusqu’aux chevilles et aux poignets, conformément à « la taillie vieille et ancienne de la maison ».
183 Un bon exemple en est fourni par l’interdiction signifiée en 1335 aux membres de l’Hôpital de porter un tissu d’un coût supérieur à deux florins la canne, sauf s’ils l’avaient reçu en cadeau de parents ou d’amis. BNV, RBC, vol. 280, f° 36r° : « Item est establi que nul frere de nostre religion […] ne face ni porte robbe de necun drap qui coste plus de.ii. florins la canne ce elle ne li fust donnee par aucun parent ou ami et qui faudra seyt en setena et perda la robe. »
184 M. Echániz Sans, « Austeridad versus lujo. El vestido y los freiles de la orden de Santiago », pp. 373-375. Cette opinion a été récemment corroborée par C. de Ayala Martínez, Las órdenes militares hispánicas en la Edad Media, pp. 387-389.
185 Assorti d’une riche iconographie, il a été édité par F. Menéndez-Pidal de Navascués, Caballería medieval burgalesa. El libro de la cofradía de Santiago.
186 Ibid., pp. 38 et 153. Il est ainsi représenté avec un cimier coiffé de longues plumes, tandis qu’un lourd fleuron doré est placé derrière lui sur la croupe du cheval. De tels éléments décoratifs représentent alors des nouveautés à croire la Crónica del condestable don Álvaro de Luna, chap. 53, p. 166.
187 Primera historia de la orden de Santiago, p. 348 : « Los dichos cavalleros han de vestir ropas prietas i pardas i blancas […]. Pero poronrra del abito militar, de largos tiempos acá, acostunbran vestirse los dichos cavalleros de paños finos i de seda negra i pardillo i blanco i morado escuro i de las otras guarniciones i enforros i de colores proybidos por la dicha regla. »
188 J. O’Callaghan, « The Affiliation of the Order of Calatrava », p. 35, repris dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, I.
189 BC, pp. 137-138 : « Dilectorum filiorum abbatis et conventus Morimondi […] supplicationibus inclinati, umversitatem vestram rogamus et monemus et hortamur attente et per apostolica vobis scripta sub excommunicationis pœna districte mandantes, quatenus aliorum inductionibus vel suggestionibus, habitum vestrum, quem portare consuevistis ab antiquo, sive antiquas et approbatas consuetudines mutare vel dimittere nullatenus presumatis. »
190 HSA, HC 380/374, f° 44v°,publ. B.Palacios Martín (éd),Colección diplomática medieval de la orden de Alcántara, t. I, p. 288, doc. 434 : « Otrosi mandamos que ningunos freires de la orden que non trayan faldas nin paños desordenados segund lo ordeno nuestro señor el papa et si los trayeren que los sean tomados. »
191 Sur ce point s’accordent les statuts de 1325 et de 1336, publiés par J. O’Callaghan, « The Earliest Difiniciones of the Order of Calatrava », pp. 272 et 280, repris dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, Londres, 1975, VII, comme ceux de 1383, également transcrits par l’historien américain, « Las definiciones de la orden de Calatrava », p. 108 : « Item, cum habitus dispositio interioris afectus sit […] districte precipimus et mandamus huius ordinis personis universis ne secularibus rostratis notabiliter seu alios habitos et vestimentos in colore seu forma inordinatos utantur, sed antiquam et laudabilem formam teneant »
192 M. del C. Yáguez Boza, « Imagen y signo del caballero calatravo », p. 611.
193 Ainsi dans les statuts de 1325 édités par J. O’Callaghan, « The Earliest Difiniciones of the Order of Calatrava », p. 272, repris dans Id., The Spanish Milttary Order of Calatrava and its Affiliates, VII.
194 Ibid., p. 280.
195 J. O’Callaghan, « Las definiciones de la orden de Calatrava », p. 113 : « Item mandamos que los freiles no vistan ni traigan paños de colores Colorado amarillo ni verde ni de otra color reprehensible. mas usen de paños honestos e honestas colores segun los estatutos antiguos de la orden e segun las constituciones del papa Benedicto sobre aquesto hechas. »
196 Ainsi l’a souligné M. Pastoureau, « Formes et couleurs du désordre rie jaune avec le vert », reproduit dans Id., Figures et couleurs. Étude sur la symbolique et la sensibilité médiévales, pp. 23-34. Il serait souhaitable que des analyses sur le symbolisme des couleurs permettent de vérifier pour la péninsule Ibérique les conclusions de l’historien français.
197 Nombreux sont les papes qui tentèrent de contenir l’évolution, tel Benoît XII, dont la bulle Fulgens sicut Stella, datée du 12 juillet 1335, eut un retentissement rapide sur la réglementation statutaire de Calatrava. Le fait a été signalé par Ph. Josserand, « Pour une étude systématique », p. 329.
198 BC, pp. 223-224.
199 Ibid, pp. 227-228 : « Cum autem sicut eadem petitio subiungebat vos propterea desideritis caputia perpetuo deserere et eorundem capuceorum loco signum crucis […] eiusdem rubei coloris in panno laneo vestimentis vestris superioribus in sinistra parte pectoris affigedum gestere. »
200 Ainsi l’a justement signalé D. Lomax, « La reforma de la orden de Alcántara », p. 760. Il me paraît tout à fait significatif que certains frères, au début du XVe siècle, aient eu coutume de préférer aux armes de l’Ordre des écus qui leur étaient propres et rappelaient certainement leur lignage d’origine : « Deshonesto es a los religiosos dexar la sennal de su orden y traer otras según sus voluntades, Por ende mandamos que todos los nuestros caualleros y freyles trayan sobresennales de la orden sobre todas las armas que truxeren o a lo menos que las trayan en el lodinel o jaque o sobrevista que truxeren » (ibid., p. 768).
201 L’impulsion scientifique a été donnée par deux colloques rassemblés à Saint-Jacques de Compostelle par Manuel Núñez Rodríguez et Ermelindo Portela Silva en 198b et 1991 et publiés très vite sous un titre identique, La idea y el sentimiento de la muerte en la historia y en el arte de la Edad Media.
202 La première analyse s’efforçant de les inscrire dans ce mouvement a été l’initiative de Miguel Cortés Arrese lors d’un colloque tenu à Ciudad Real en mai 1996. Demeurée inédite puisqu’elle n’a pas été intégrée aux actes, intitulés Las órdenes militares en la Península Ibérica, la communication de l’auteur peut être remplacée par un travail ultérieur qui privilégie cependant les aspects plastiques d’un phénomène dont les implications sociales sont beaucoup plus superficiellement abordées : M. Cortés Arrese, El espacio de la muerte y el arte de las órdenes militares.
203 Une première tentative pour dépasser un pareil constat a été réalisée par C. de Ayala Martínez et Ph, Josserand, « Vida y eternidad. La actitud de los freiles de las órdenes militares en Castilla ante el problema de la muerte ».
204 L’usage en est par exemple attesté dans les chapitres cathédraux, à l’image de celui de Lugo, comme l’ont justement souligné E. Portela Silva et M.del C. Pallares Méndez, « Los espacios de la muerte », p. 31.
205 J. Delaville le Roulx, Cartulaire général de l’ordre des Hospitaliers, t. III, p. 370. Un tel fait a été bien souligné par J. Sarnowsky, « Der Tod des Groβmeisters der Johanniter », p. 206.
206 BS, p. 263 : « Otrosi que los freires que finaren non sean soterrados sinon en los lugares en que se solian enterrar ». Récemment signalé par I. C. Ferreira Fernandes, O castelo de Palmela do islâmico ao cristão, p. 287, n. 144, un accord inédit de la fin du XIIe siècle entre l’évêque de Lisbonne et les autorités de Santiago corrobore l’information qui se déprend des normes statutaires puisqu’il est offert à la milice de construire une église « in suburbio Palmellae ad sepulturam fratrum et hominum suorum ».
207 Ainsi l’ont aussi affirmé A. Luttrell, « L’œuvre religieuse des Hospitaliers à Rhodes », p. 107, et, pour la péninsule Ibérique, L. Corral Val, Los monjes soldados de la orden de Alcántara en la Edad Media, p. 301.
208 Le fait se vérifie pour chacune des milices ainsi que le reflète, pour Santiago, l’exemple de Vilar de Donas (M. Cortés Arrese, « El espacio de la muerte y la arquitectura de las órdenes militares, p. 84), pour Calatrava, celui d’Alcañiz (Id., El espacio de la muerte y el arte de las órdenes militares, p. 130), ou, pour l’Hôpital, celui de Castronuño (O. Pérez Monzón, Arte sanjuanista en Castilla y León, p. 102).
209 Á, González Palencia, Los mozárabes de Toledo en los siglos XII y XIII, t. III, pp. 404-406 et 411-414, doc. 1026 et 1029.
210 E. Rodríguez-Picavea Matilla, « Encomiendas calatravas situadas en concejos de realengo de la meseta méridional castellana », p. 160.
211 En atteste par exempte l’accord de 1270 entre le maître de Calatrava et l’archevêque de Séville, publié par A. Ballesteros-Beretta, Sevilla en el siglo XIII, pp. 170-172, doc. 163.
212 Le fait ressort d’un accord passé en 1274 entre le maître de Santiago et l’archevêque de Séville. Ibid., pp. 187-189, doc 176 : « Et que puedan recebir a sepultura todos aquellos e aquellas que se quisieren y enterrar, sacado ende de la parrochia de Santa Maria, de la qual de derecho non puede en otro logar escoger sepultura sin licencia, sacado ende ffreyle o conffreyle que se dette enterrar en su orden. »
213 F.de Rades y Andrada, Chrónica de las tres órdenes y cavallerías de Sanctiago, Calatrava y Alcántara. Il mentionne ainsi dans la première partie, dédiée à Santiago, Pelayo Pérez Correa à Tudía (f° 34r°), Gonzalo Martel à Uclés (f° 36r°) et García Fernández à Mérida (f° 40v°), dans la seconde consacrée à Calatrava, Diego García de Padilla au couvent central (58v°), et dans la troisième centrée sur Alcántara, Fernán Pérez Gallego (f° 13v°), Suero Pérez Maldonado (f° 17v°), enterrés dans l’église conventuelle, et Fernán Pérez Ponce, inhumé à Morón avant d’être lui aussi ramené à Alcántara (f° 27r°).
214 BC, p. 175 : « Venirent ad ecclesiam Beatœ Mariœ de Almocovar, quœ est in Alcántara, in cujus ecclesia est sepultura magistrorum et fratrum qui decedunt in dicta villa. »
215 Le fait est attesté pour Fernán Pérez Ponce, mort en 1355 à Morón de la Frontera et enterré dans une église de la ville jusqu’à ce que la juridiction de la place soit transférée aux Girón, dans la deuxième moitié du XVe siède, motivant ainsi le transport de son corps au couvent central (D. Ortiz de Zúñiga, Anales eclesiásticos y seculares de Sevilla, t. II, p. 140).
216 RAH, Col. Salazar, M-39, ffos 164r°-166v°. Un accord passé au tout début du XIIIe siècle entre le comte Fernán Núñez de Lara et l’Hôpital prévoit que le prieur castillan de l’Ordre devra être enterré dans l’église de l’hôpital de Puente Fitero à condition qu’il s’éteigne dans un lieu suffisamment proche pour que son corps puisse y être transporté sans dommage. Publiée par C. Barquero Goñi, « Los Hospitalarios en Castilla y León », t.III, pp. 1299-1304, doc. 272, la composition a bénéficié d’une analyse étendue de l’auteur dans un travail intitulé, « Los Hospitalarios y la nobleza castellano-leonesa », pp. 20-22.
217 La date du rapatriement du corps n’est pas établie avec certitude. Placée en 1582 par A. de Torres y Tapia, Crónica de la orden de Alcántara, t. II, pp. 89-90, elle a été située bien plus tôt par F. de Rades y Andrada, Chrónica de las tres órdenes y cavallerías de Sanctiago, Calatrava y Alcántara, part. III, f° 28v°, qui l’évoque en 1572 comme un fait acquis.
218 Ce prêt est connu grâce au reçu que délivrent les officiers de Montalban au commandeur, lors du remboursement (AHN, OM, carp. 207,doc. 48, publ. R. Sáinz de la Maza Lasoli, La orden de Santiago en la Corona de Aragón, p. 287, doc. 63 : « Atorgamos ser pagados de vos, don Alfonso Bordallo, comendador de Montálban, de mil et cincoçientos solidos de dineros jaqueses, los quales mil et cincoçientos solidos despendieron en la muert del noble senor mayestro don Pelayo ochoçientos et trenta et cinco solidos de jaqueses. ») Il est possible que cette somme ait couvert l’essentiel des frais occasionnés par la cérémonie d’inhumation si l’on accepte l’hypothèse selon laquelle le maître, mort peu avant le 22 janvier 1275, s’éteignit dans la commanderie de Montalban, comme l’ont avancé A. González Bonilla, « Pelay Pérez Correa, maestre de Santiago », p. 450, ou M. López Fernández, « Sobre la muerte y enterramientos de un maestre santiaguista », pp. 765-766. Les restes du maître durent ensuite être transportés dans l’hôpital santiaguiste de Talavera où, malgré certaines traditions différentes rapportées notamment par M. T. Lopes Pereira, Alcácer do Sal na Idade Média, p. 159, ils sont demeurés dans un monument dont la simplicité ressort clairement d’une visite de 1494, citée par M. López Fernández, « Sobre la muerte y enterramientos de un maestre santiaguista », pp. 769-770, jusqu’à leur transfert à Tudía au début du XIVe siècle.
219 Pour les lignages de la noblesse urbaine tolédane, la diffusion de cette pratique a été analysée dans un article au titre très suggestif par J.-P. Molénat, « La volonté de durer : majorais et chapellenies dans la pratique tolédane ».
220 AHN, Códice 314, f° 60v°.
221 L’existence en est connue par plusieurs actes recopiés dans le registre du prieuré castillan de l’Hôpital de 1357 (AHN, OM, Códice 602, ffos 151v°-152r°, 152v°-153r° et 160v°). Dans le premier d’entre eux, en date du 27 octobre 1377, Juan Fernández de Heredia, prieur de Castille, corrobore la nomination au titre de chapelain de Juan Fernández, réalisée à Rhodes par le maître de l’institution : « Confirmamos a uos dicho fray Johan Fernández a todo el tiempo de uestra uida la cappella del lugar nuestro de Castro Nunnyo, la qual hedifico el honrrado religioso don fray Ferrand Rodriguez de Balbona, prior que fue del dicho priorado de Castilla e Leon, con todos los derechos, fruytos, rentas e esdeuenimientos e hormanamientos a la dicha cappella pertenescientes e pertenescer deuientes por qual quier manera o razon. »
222 AHN, OM, carp. 94, vol. II, doc. 65. De façon significative, le commandeur spécifie dans l’acte que la fonction de chapelain devra rester en priorité dans son lignage : « Et el capellan que y ffuere puesto que ssea ffreyre e tenga el abito de la orden de Santiago e ssy ffallaren algun omne de mi linage que quiera sser clerigo e quisier tomar el abito de la dicha orden de Santiago quel den la dicha capellania e que cante cada dia el capellan que y estudiere una missa por las animas de los sobredichos e por la mia e que ssalga cada dia ssobre la fuessa de los sobredichos. »
223 AHN, OM, leg. 7726, n° 1, f° 115r°, publ. O. Pérez Monzón, « La iglesia sanjuanista de San Pedro y San Felices », p. 88.
224 L’un des plus beaux exemples, conservé au Portugal dans l’église hospitalière de Leça do Balio, est à mon sens l’épitaphe rimée dédiée au prieur Estêvão Vasques Pimentel, mort en 1336, par son successeur, Álvaro González Pereira, pour laquelle on dispose depuis peu d’une excellente étude de M. J. Barroca, Epigrafia medieval portuguesa, t. II, pp. 1580-1593, doc 588.
225 Primera Crónica General, t. II, chap. 1084, pp. 751-752. Le récit met en scène la conduite héroïque de Lorenzo Sudrez Gallinato, qui est selon toute vraisemblance l’aïeul du clavaire. Il est en effet probable, selon les règles de transmission du nomen paternum, que Lorenzo Suárez soit le père de Fernán Lorenzo Gallinato, mentionné dans l’épitaphe comme étant le père de Ramir Lorenzo. Il n’est pas sans intérêt de signaler qu’en l’espace de deux générations, le schéma de transmission du nom semble s’être modifié dans la famille. Le système du nomen paternum a en effet été abandonné pour une pratique qui maintenait dorénavant le nom de Lorenzo comme un éponyme rappelant l’ancêtre glorieux.
226 RAH, Col. Salazar, D-56, f° 37r° : « Aqui iace frey Ramir Lorenço fijo de Ferran Lorenço Gallinato e clavero que fue de Calatrava e criado de don Juan fijo del infante don Manuel ». L’inscription ne donne pas la date de la mort du défunt. Celle-ci dut survenir alors qu’il occupait l’office de clavaire, c’est-àdire entre septembre 1340, où il est attesté pour la dernière fois en tant que commandeur d’Almodovar (AHN, OM, libro 1346, ffos 120r°-121r°) et le 15 juin 1348, date de la mort de Juan Manuel, telle que l’a établie D. Lomax, « The Date of D. Juan Manuel’s Death », p. 174, dans ta mesure où, d’après le texte de l’épitaphe, il semble que celle-ci fut rédigée du vivant de l’infant.
227 L’existence en est attestée par D. Aguirre, El gram priorato de San Juan de Jerusalén en Consuegra, p. 187, qui en propose la description suivante : « Ay en la iglesia de Santa María de Consuegra una capilla de Nuestra Señora del Rosario que entre ella y el altar mayor al lado del Evangelio media la pared. En su espesor hay un sepulcro que se ve quitando unas tablas del retablo del altar mayor. Dentro está un pellejo de buey embuelto y con muchas ojas de olivo para conservación del cuerpo que guarda. »
228 Amené à occuper les plus hautes fonctions au sein de l’Hôpital en péninsule Ibérique quelque dix ans après la mort de Fernán Pérez Mosejo, avec lequel il avait collaboré, le Portugais Garcia Martins, grand commandeur des cinq royaumes de 1303 à 1306, a lui aussi bénéficié d’un tombeau dans l’église de Leça do Balio, dont une étude a été voici peu proposée par M. J. Barroca, Epigrafia medieval portuguesa, t. II, pp. 1288-1294, doc. 505.
229 J. Sarnowsky, « Der Tod des Groβmeisters der Johanniter », p. 207.
230 A. Detorres y Tapia, Crónica de la orden de Alcántara, t. I, pp. 518-519.
231 Ainsi, au début du XVe siècle, Alonso de Quito ga, commandeur hospitalier de Portomarin, dédie à sa propre mémoire un tombeau dans l’église de l’hôpital galicien d’Incio. Le monument a été présenté par M. Chamoso Lamas, Escultura funeraria en Galicia, pp. 294-297, comme un sépulcre en marbre de très bonne qualité. Il semble donc ne le céder en rien au tombeau édifié à l’époque pour le maître santiaguiste Lorenzo Suarez de Figueroa dans le couvent de l’Ordre que celui-ci avait a institué à Séville, tombeau dont une description a été fournie par M. Á. Ladero Quesada, Historia de Sevilla. t. II : La ciudad medieval, p. 181. Soulignée par A. Luttrell, « The Finances of the Commander in the Hospital », p, 281, la date de 1400, avant laquelle « apart from the tombs of priors, personal burial monuments or tombstones for commanders and ordinary brethren were the exception », me semble pour la Castille également tout à fait pertinente.
232 Las Siete Partidas del rey don Alfonso el Sabio, t. I, part. I, tit. 13, ley ii : « Enterrar non deben á otro ninguno dentro en la eglesia sinon á estas personas ciertas que son nombradas en esta ley, asi como los reyes y las reynas et sus fijos et los obispos et los abades et los maestres et los comendadores que son perlados de las Órdenes et de las eglesias conventuales, et los ricos hombres que fiaesen eglesias de nuevo ó monasterios et escogesen en ellas sus sepulturas […] E si algún otro soterrase dentro de la eglesia sinon los que son dichos débelos facer sacar ende el obispo. » Le texte a été étudié par I. Bango Torviso, « El espacio para enterramientos privilegiados en la arquitectura médiéval española », p. 113.
233 ACO, Monást., doc 567 et 586, publ. M. Romaní Martínez, Colección diplómatica do mosteiro cisterciense de Santa Maria de Oseira, t. I, pp. 530-531 et 533, doc. 568 et 571.
234 En dehors de Santiago, l’acte le plus ancien reflétant explicitement une telle pratique est le testament de Fernando Fernández, commandeur de l’ordre d’Alcántara à La Bañeza, qui demanda en 1311 à être enterré dans la cathédrale d’Astorga. Conservé sous forme de notice, le document, dont l’original a été perdu, a été brièvement analysé par G. Cavero Domínguez et S. Domínguez Sánchez, Colección documental de la catedral de Astorga, t. III, p. 103, doc. 1583.
235 RAH, Col. Salazar, O-6, f° 37r°-v° : « Otrosí mando que me entierren en el monasterio de San Clemente de Toledo y que me den ay una sepultura aquella qual a mi conuiene y que me metan en el auito de la horden de la caualleria de Calatraba y mando al abadesa y conbento del dicho monasterio por la sepoltura que en el dicho monasterio me dieren mill maravedis y que me sotierren asi como soterrarien a un caballero de los de Calatraba. »
236 AHN, OM, carp. 308, doc. 34. En raison du mauvais état de l’original, le document a été publié par M. Echániz Sans, El monasterio femenimo de Sancti Spiritus de Salamanca, pp. 94-99, doc 58, sur la base d’une copie de l’époque moderne.
237 AHN, Sellos, caja 51, doc. 5, publ. ibid., pp. 90-91, doc, 55.
238 Ibid., p. 97, doc. 58 : « Otrosi mando que mios terçieros que conpren un ataúd en que mando que me metan e en que me entierren e que le cubran de panno de bruneta con sus çintas e con su pregadura e con las armas de Santiago puestas sobre elpanno del ataúd. E mando que echen sobre la fuesa du me enterraren una piedra que yaga ygual con la terra e enssomo de la piedra que pongan las armas de Santiago figuradas e un petafee en que diga así : aquí yas donna Violante, fija del muy nobre rey don Sancho e de donna María Alfonso sennora que fue de Osero. »
239 Ibid., p. 96, doc 58 : « Et pido por merçet al dicho maestre que me dé liçençia que me enterren en el monesterio de Sant Françisco de Toro du yo tomo la sepultura. »
240 Le lieu de sa sépulture est indiqué par A. de Torres y Tapia, Crónica de la orden de Alcántara, t.II, p. 30. Le chroniqueur relève que le maître avait financé la construction de la capilla mayor du couvent. Un élément intéressant sur l’enracinement des dévotions de Gonzalo Martínez de Oviedo dans sa ville natale est fourni par un acte de 1342 par lequel la confrérie urbaine du Roi Chaste achète à un clerc de la cathédrale trois huitièmes d’une maison située près de l’enceinte, pour un prix de cent quinze maravédis payés sur la somme laissée par le maître à l’institution pour la messe anniversaire pour le repos de son âme (S. García Larragueta, Catálogo de los pergaminos de la catedral de Oviedo, p. 243, doc. 703).
241 L’acte a été analysé par J. Gautier-Dalché, Le testament d’Alonso Martínez de Olivera », repris dans Id., Économie et société dans les pays de la Couronne de Castille, XVI.
242 A. Benavides, Memorias de don Fernando IV, t. II, pp. 299-300, doc. 207 : « Primeramente mando, que cuando la mia ánima salga de mi cuerpo, sea enterrado y sepultado en la iglesia mayor de San Antolin de esta ciudad de Palencia, en la procesion en la mi capilla, que yo mandé hazer, de San Matia Apóstol, junto con mi muger doña Juana de Guzman […] Item mando que nos fagan dos sepolturas altas y pongan sobre ellas dos escudos y un pendon de nuestras armas. Item mando que entierren en esta mi capilla mis hijos y nietos y los que de mi vernan, si quisieren, y mis criados. »
243 La représentativité du testament d’Alonso Martínez de Olivera, auquel infiniment peu nombreux sont les documents qui peuvent être rapportés, est bien évidemment discutable, mais ainsi que l’a souligné J. Gautier-Dalché, « Le testament d’Alonso Martínez de Olivera », p. 21, repris dans Id., Économie et société dans les pays de la Couronne de Castille, XVI, mais elle ne saurait être a priori niée, comme le fait M. Cortés Arrese, El espacio de la muerte y las órdenes militares, pp. 167-169, qui ne s’interroge pas un seul instant sur l’identité santiaguiste du défunt.
244 En témoigne un acte de l’Archivo del Monasterio de San Clemente de Sevitla, regesté par M. Borrero Fernández, El archivo del real monasterio de San Clemente, pp. 75-76, doc. 385. Il s’agit d’un courrier daté du 20 mars 1420, adressé par Jean II à la municipalité de Séville pour lui signifier qu’Isabel Belmaña, veuve d’Alfón Fernández de Fuentes, veinticuatro de la ville, possédait à titre viager une série de terres et un moulin dans le lieu-dit Membrillar, grâce auxquels était payée aux Franciscains la rente affectée à l’entretien du luminaire disposé auprès des monuments de María de Portugal, la trisaïeule du roi, de Pedro Núñez de Guzmán, de sa femme Blanca, et de leur fils Alonso Méndez, supérieur de l’ordre de Santiago. Il convient de relever que la mise en place de la tombe de la reine est postérieure à la mort du maître. La femme d’Alphonse XI, morte en 1357, fut d’abord enterrée à Évora avant que ses restes soient transférés à Séville, sous le règne de Pierre Ier ou d’Henri II, ainsi que l’a signalé D. Menjot, « Un chrétien qui meurt toujours », p. 129.
245 Le fait est rapporté par G. Argote de Molina, Nobleza de Andaluzía, p. 440 : « Yace sepultado este comendador en la iglesia de San Juan de Baeza en un sepulcro relevado, donde se ven sus armas, que son tres bandas azules en campo de oro. »
246 Bien qu’elle continuât d’intéresser en priorité Santiago, cette pratique s’étendit alors aux autres Ordres, comme le montre pour Calatrava la chapelle, aujourd’hui disparue, fondée par le maître Pedro Muniz de Godoy dans la cathédrale de Cordoue pour recevoir son tombeau. Les témoignages écrits la concernant sont étudiés par M. Á Jordano Barbudo, Arquitectura medieval cristiana en Córdoba, p. 163.
247 II est à mon sens révélateur qu’au début du XVe siècle l’évêque de Burgos Juan Fernandez Cabeza de Vaca ait pu transporter le corps de son frère Pedro, maître de Santiago, mort en 1384, dans la nécropole familiale qu’il avait installée dans la chapelle San Juan Bautista du cloître de la cathédrale. Sur le monument du maître, frappé des armes de la famille, figure une épitaphe tout entière centrée sur l’exaltation du lignage. On peut y lire une inscription que j’ai transcrite comme suit : « A qui yaze el muy yllustre senor don Pedro Hernandez Cabeza de Baca, maestre que fue de Santiago del Espada, hermano del reberendisimo sennor don Juan Cabeça de Baca, obispo de Burgos, el qual paso desta vida, reinando en Castilla el muy catholico y esclarecido rey don Juan el segundo deste nombre. Yace tambien con el su hermana Berenguella Cabeça de Baca. » Sans aucune mention de l’épitaphe, le tombeau a été décrit d’une façon strictement formelle par M. J. Gómez Bárcena, Escultura gótica funeraria en Burgos, p. 81.
248 Sur ce thème, l’ouvrage de référence demeure celui d’I. Beceiro Pita et R. Córdoba de la Llave, Parentesco, poder y mentalidad La nobleza castellana (siglos XII-XV).
249 Le développement qui suit a fait l’objet d’une première approche : Ph. Josserand, « Itinéraires d’une rencontre : les ordres militaires et l’idéal chevaleresque dans la Castille du Bas Moyen Âge ».
250 Ce sont ces éléments, appelés dans le langage diplomatique intitulatio et directio, qui, pour l’exemple de Calatrava, ont fait l’objet d’une analyse tout à fait pionnière de B. Casado Quintanilla, « Intitulatio y directio en la documentación de Calatrava ».
251 C. de Ayala Martinez, « Órdenes militares hispánicas : reglas y expansión geográfica », pp. 63-66, et « Órdenes militares castellano-leonesas y benedictinismo cisterciense », pp. 536-541, a très justement insisté sur ce point.
252 Le fait a été souligné par B. Casado Quintanilla, « Intitulatio y directio en la documentación de Calatrava », pp. 37-40 et 53-54, dont la démonstration a été corroborée par l’analyse de L. R. Villegas Díaz, « Las estructuras de poder en la orden de Calatrava », p. 477, qui fait apparaître une très légère antériorité de Santiago par rapport à Calatrava.
253 AHN, OM, carp. 459, doc. 107, publ. R. Menéndez Pidal, Documentos lingüísticos de España, pp. 381-382, doc. 282.
254 B. Casado Quintanilla, « Intitulatio y directio en la documentación de Calatrava », p. 48, et L. R. Villegas Díaz, « Las estructuras de poder en la orden de Calatrava », p. 480, s’accordent ensemble sur la période où cette dernière désignation fut adoptée par Calatrava.
255 B. Casado Quintanilla, « Intitulatio y directio en la documentación de Calatrava », p. 55, et L. R. Villegas Díaz, « Las estructuras de poder en la orden de Calatrava », p. 481.
256 B. Casado Quintanilla, « Intitulatio y directio en la documentation de Calatrava », p. 39, a très justement fait valoir la polysémie du mot orden. Pour les clercs de l’entourage royal, las palabras orden y milicia tienen un sustrato conceptual que les hace en parte sinónimos ; así, en distintos documentos e idéntica localización, unas veces dicen Calatravensi ordini y otras Calatravensi milicie, como si el notario no encontrara diferencias sustenciales entre una y otra expresión. » Ainsi, les notaires curiaux n’emploient pas le mot orden dans son acception monastique mais, bien au contraire, comme un synonyme de milicia, c’est-à-dire au sens où la chevalerie forme un ordre.
257 J. O’Callaghan, « The Affiliation of the Order of Calatrava », pp. 186-190, repris dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, I.
258 L. R. Villegas Díaz, « Las estructuras de poder en la orden de Calatrava », p. 481.
259 Ces documents ont été publiés à l’iniciative d’E. González Crespo, Colección documental de Alfonso XI. Diplomas reaies conservados en el Archivo Histórico National. Sección de Clero. Leur nom de privilegios rodados est dû au fait qu’ils sont ornés dans la partie inférieure d’une roue qui forme le seing du monarque, de part et d’autre de laquelle sont cités les principaux représentants de la société politique : à gauche, sur deux colonnes, nobles et prélats castillans, avec au bas de ces derniers le maître de Calatrava et le prieur de l’Hôpital, et à droite, selon une disposition similaire, les maîtres de Santiago et d’Alcántara, à la suite des ecclésiastiques léonais.
260 II a été souligné en particulier par S. Boissellier, « La vie rurale entre Tage et Guadiana de l’Islam à la Reconquête », t. II, p. 430, comme dans la version publiée de sa thèse de doctorat, Naissance d’une identité portugaise, pp. 394-395.
261 Développé par L. R. Villegas Díaz, « La orden de Calatrava. Organización y vida interna », et « De regla a código. Sobre el sistema correccional de la orden de Calatrava », et par L. Corral Val, Los monjes soldados de la orden de Alcántara en la Edad Media, pp. 279-287, ce champ d’analyse a fait l’objet d’un première synthèse à l’initiative de C. de Ayala Martínez, Las órdenes militares hispánicas en la Edad Media, pp. 397-401.
262 D. Lomax, « La historiografia de las órdenes militares en la Península Ibérica », p. 712.
263 J. O’Callaghan, « The Earliest Difiniciones of the Order of Calatrava », p. 281, repris dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, VII : « Encara queremos et mandamos que las difiniciones e ordenanzas feytas por don abbad de Morimont en la vissitacion passada, sean de todos firmemente observadas, ajustado que los que faran contrario, sustengan la pena en otras difiniciones contenida. E tres dias fagan pena de leve culpa. »
264 L. R. Villegas Díaz, « La orden de Calatrava, Organización y vida interna », p. 40.
265 Le fait transparaît des statuts de Calatrava de 1304, publiés par J. O’Callaghan, « The Earliest Difiniciones of the Order of Calatrava », p. 263, repris dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, VII : « Et mandamos a todos los freyres que no sean rebeldes en el capitulo a recebir la disciplina de la orden, ni en otra manera ninguna. E los que lo ficieren, esten tres dias en pan y agua e ligera culpa. E si alguno quisiere ser contumaz, e non se quisiere castigar, mandamos al suscomendador del convento que no sea negligente de cumplir el mandamiento del prior, o de aquel que tuviere su lugar en el convento, en aquello que es de orden. » L’article est repris de façon pratiquement littérale, deux ans plus tard, à l’occasion des plus anciennes définitions d’Alcántara éditées par Ph. Josserand, « Pour une étude systématique », p. 334. Il est révélateur que, dans les deux cas, le refus d’accepter la discipline soit le seul point des statuts pour lequel est prise en compte une éventuelle récidive des frères.
266 J. O’Callaghan, « The Earliest Difiniciones of the Order of Calatrava », pp. 275-276, repris dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, VII.
267 Les statuts conservés pour le gouvernement de Pelayo Pérez Correa n’évoquent qu’une seule fois l’administration de la discipline à un frère. Prenant place dans la série la plus ancienne, datée de 1251, cette mention concerne le cas où l’un d’entre eux contracterait un mariage sans l’autorisation du maître (BNM, ms. 8582, f° 58r°).
268 L. R. Villegas Díaz, « La orden de Calatrava. Organización y vida interna », p. 44.
269 B C, p. 4 : « Qui fratrem suum percusserit, sex mensibus ad arma et equum non accedat, et tribus diebus in terra comedat ».
270 La peine est prescrite, en vertu des statuts de Calatrava de 1304, à l’encontre des frères qui négligeaient de produire un inventaire des biens qui étaient sont confiés ou constituaient des enclos sans l’autorisation des instances de l’Ordre (J. O’Callaghan, « The Earliest Difiniciones of the Order of Calatrava », pp. 265 et 267, reproduit dans Id., The Spanish Military Order of Calatrava and its Affiliates, VII). Deux ans plus tard, pour Alcántara, elle était appliquée aux frères qui laissaient perdre des biens dont la gestion leur avait été déléguée, comme il ressort des définitions publiées par Ph. Josserand, « Pour une étude systématique », p. 337.
271 Le caractère humiliant de ces peines a été relevé par L. R. Villegas Díaz, « La orden de Calatrava. Organización y vida interna », pp. 39 et 42, et « De régla a código. Sobre el sistema correccional de la orden de Calatrava », pp. 257 et 261.
272 Sur le détail des événements, il est indispensable de se reporter à l’analyse de R. Saínz de la Maza Lasoli, « Los Santiaguistas del reino de Murcia durante la ocupación aragonesa », pp. 285-287. D’après l’auteur, qui se fonde sur une lettre des autorités de Murcie rédigée le lendemain de l’attaque de Cieza pour en informer le souverain aragonais, l’affrontement armé aurait eu lieu le 22 avril (ACA, Cart. Real-Jaime II, caja 7, doc. 1354).
273 ACA, Cart. Real. Jaime II, caja 7, doc. 1351, publ. J. Torres Fontes, Documentos del siglo XIII, pp. 151-152, doc. 147, R. Sainz de la Maza Lasoli, La orden de Santiago en la Corona de Aragón, pp. 334-335, doc. 142, et L. Rubio García, Mayoría de edad de don Juan Manuel, pp. 189-190, doc. 85 : « Et, sennor, sea la vuestra merced mandadnos dar et emparar todo lo nuestro, ca mi ll cavalleros, freyres et fijosdalgo qui son en nuestra orden para cada día fueron fechos a serviçio de Dios et de los reyes et a deffendimiento de la Christiandad, si viesen perder las alimosnas que les fisieron los reyes, onde vos venides et do ellos an a guareçer, non podía ser que non punnasen en las deffender. »
274 Un cadre détaillé de cet affrontement a été proposé par M. R. de Sousa Cunha, « A ordem militar de Santiago das origens a 1327 », pp. 158-161.
275 ANTT, Livro dos Copos, Códice B-50-272, ffos 199v°-202r°. Le dignitaire est accusé d’avoir proféré à [‘encontre des frères « maas pallavras e muitas ameeaças nom fazendo nem dizendo obras de bispo » (200r°). Le fait a été souligné par J. Silva Ferreira Mata, « Alguns aspectos da ordem de Santiago no tempo de D. Dinis », p. 213, et, dans le cadre d’une réflexion plus poussée, par S. Boissellier, Naissance d’une identité portugaise, p, 394, n. 126.
276 AHN, OM, carp, 464, doc. 230.
277 En témoigne l’entrée de Lope Rodríguez de Rojas dans l’ordre de Calatrava, en 1297, « por Dios et por mi alma et en rremission de mis pecados » (AHN, OM, carp. 461, doc, 159).
278 AHN, OM, carp, 339, doc. 13, publ. M. Rivera Garretas, La encomienda de Uclés, pp. 420-422, doc. 213. L’infant et son épouse, Constance d’Aragon, sont dits entrer dans la confraternité de l’Ordre « a servicio de Dios e de Sancta María e en remissión de nuestros pecados e por onra de la orden de la cavallería de Sant Yago e por grand devoción e grand amor que avemos en ella ».
279 Ainsi ressort-il d’une lettre du prince castillan au roi d’Aragon publiée par A. Giménez Soler, Dm Juan Manuel, p. 419, doc 257 : « Entre otras cosas que fablamos me dixiestes que era vuestra uoluntad pues el infante don Johan vuestro fijo era clerigo de meter uno de los vuestros fijos en orden. Et yo dixe uos que pues uoluntad vuestra era que tenia que ninguna orden non auie que mas le compliesse que la de Santiago […]. Et si vuestra uoluntad es que algum uuestro fijo sea en esta orden, yo uos prometo e uos aseguro que faga en guisa porque ante de muchos dias sea uno de los mas onrrados e mas ricos fijos que uos auedes, don Jayme ayuso que es vuestro fijo primero mayor heredero. »
280 Alphonse X, Cantigas profanas, pp. 71-72, c. 38 : « Don Vaasco, dizer-vos quer’eu al / daqueste preito, que eu aprendi : / oí dizer que trajeitou assi / ja ua vez. un rei de Portugal : / ouve un dia de trajeitar sabor/e, por se meter por mais sabedor, / fez Foan cavaletro do Espital »
281 Ainsi, en 1435-, Lors d’une incursion dans la Vega de Grenade, c’est au maître d’Alcántara Gutierre de Sotomayor que fut reconnue la faculté de conférer les honneurs de la chevalerie aux Castillans qui s’étaient illustrés lors du combat. Parmi ces derniers figurait Alonso Martínez de la Torre, dont ta bellefille, quelque cinquante ans plus tard, rappela les faits afin d’obtenir que ses enfants fussent reconnus comme nobles à l’instar de leur aïeul. Le texte de la procédure a été consigné dans un document judiciaire rapporté par M. A. Varona García, Cartas ejecutorias del Archivo de la Real Chancillería de Valladolid, p. 282, doc. 723. Il témoigne de l’importance des ordres militaires et de leurs maîtres dans un rituel essentiel pour la société de frontière qui, jusqu’à la fin du Moyen Âge, s’y donne avoir, comme l’a très justement relevé M. Á. Ladero Quesada, « La frontera de Granada », p. 98.
282 Le fait ressort au milieu du XVe siècle d’un passage attribué au règne de Pierre Ier de la Continuación de la crónica de España del arzobispo don Rodrigo Jiménez de Rada, p. 93 : « Por cobdicia de ser maestre de Santiago, que era e es en los reynos de Castilla la mayor dignitat e de más vasallos e renta que en ella hay, despues de ser rey ó infante heredero. »
283 À l’attention du connétable de Casrille, Diego de Valencia a ainsi traduit du français le traité d’Honoré Bouvet, l’Arbre des batailles, comme le signale). Rodríguez Velasco, El debate sobre la caballería en elsiglo XV, p. 47.
284 Ibid, pp. 52 et 410. Le premier de ces deux dignitaires est le destinataire du texte castillan du Tratado de la perfección del triunfo militar, rédigé par Alfonso de Palencia, comme du récit de Pedro Tafur intitulé Las andanças e viajes de un hidalgo español, qui est un vif éloge de la chevalerie. Quant au second, il se vit dédier en 1482 le Tratado de laguerra, écrit par Diego Rodríguez de Almela à partir du Doctrinal de los caballeros d’Alfonso de Cartagena.
285 En 1446, Pedro Girón, depuis peu maître de Calatrava, fut à Bruxelles l’hôte de la cour de Philippe le Bon, qui avait pensé un temps aller lutter contre les Maures de Grenade. Peut-être est-on fondé à considérer que ce séjour en terre bourguignonne relevé par J. Paviot, Les ducs de Bourgogne, la croisade et l’Orient, p. 115, est à l’origine de la matière du Roman du comte d’Artois, composé en 1467, dédié à Philippe le Bon et qui, comme l’a bien observé H. Nicholson, Love, War and the Grail Templars, Hospitallers and Teutonic Knights in Medieval Epic and Romance, p. 91, fait des maîtres de Santiago aussi bien que de Calatrava des parangons de chevalerie proposés à l’imitation de la noblesse occidentale pour laquelle, comme l’a fait justement valoir M. Szkilnik, « La Reconquête dans le roman médiéval tardif », p. 222, « l’Espagne est une terre héroïque par excellence ».
286 Le fait a été souligné par J. Rodríguez Velasco, « De oficio a estado. La caballería entre el Espéculo y las Siete Partidas ». Il vérifie ainsi le caractère essentiellement juridique de la noblesse dans la Castille médiévale, sur lequel a insisté A. Rucquoi, « Être noble en Espagne aux XIVe-XVe siècles », p. 275.
287 A. García y García, « Tradición manuscrita de las Siete Partidas ».
288 Le Libro del cavallero fut selon toute vraisemblance composé en 1325 dans la mesure où, d’après le prologue du Libro de los estados, il fut écrit juste avant ce dernier, dont le commencement est à l’ordinaire situé dans le cours de l’hiver 1326 (Juan Manuel, Libro de los estados, p. 36).
289 J. Rodríguez Velasco, « Los mundos modernos de la caballería antigua », p. 8.
290 M. Aurell, « Chevaliers et chevalerie chez Raymond Lulle », p. 145.
291 Ramon Llull, Libre del orde de cavayleria, f° 10r°-v° : « Molts son los officis que Deus ha donats en est mon a esser seruit per los homens : mas tots los pus nobles, los pus honrats, los pus acostats dos officis que sien en est mon, es offici de clergue et offici de cavayler : e per ayso la major amistat que sia en est mon deueria esser entre clergue e cauayler. »
292 Ibid., f° 23v°, et Juan Manuel, Libro de las armas (pp. 124-125-de l’édition de J. M. Blecua) : « La cruz, otrosi, es mas mester que ninguna cosa ; ca qui tal fecho quier acabar, conuiene que sienpre tenga en su coraçon la remembrança del nuestro sennor Ihesu Christo, que por redemir los pecadores non dubdo de tomar muerte en la cruz. Et commo quier que sea muy pequenna comparaçion commo de omne a Dios, pero en quanto el su poder es para acabar esto, deue tener que en ninguna manera por reçelo de la muerte non deue dexar de fazer quanto pudiere en ensalçamiento de la sancta fe catolica. »
293 Ramon Llull, Libre delorde de cavayleria, f° 27r° « Per la fe qui es en los cavaylers ben acostumats van los cavaylers en la Sancta Terra d’Oltramar en peregrinacio, e fan darmes contra los enemichs de la creu, e son martirs con moren per exalçar la sancta fe catholica. »
294 Juan Manuel, Libro de los estados, p. 225 : « Et para que nuestro Señor lo quiera oír et conplir, conviene que los que fueren contra los moros que vayan muy bien confessados et fecho enmienda de sus pecados la más que pudieren, et que pongan en sus coraçones que, pues nuestro señor Jhesu Christo, que fue et es verdadero Dios et verdadero omne, quiso tomar muerte en la cruz por redemir los pecadores, que así van ellos aparejados por reçebir martirio et muerte por defender et ensalçar la santa fe católica, et la reçiben los que son de buena ventura. »
295 J. Rodríguez Velasco, « Los mundos modernos de la caballería antigua », p. 8. Dans un travail ancien récemment publié, N. Porro Girardi, La investidura de armas en Castilla, pp. 264-265, insiste sur les obligations du récipiendaire de l’investiture à l’égard de Dieu, sans prendre en considération le caractère contraignant que lui reconnaissent Ramon Llull et Juan Manuel.
296 Dans la diffusion de l’œuvre, présentée par M. Aurell, « Chevaliers et chevalerie chez Raymond Lulle », p. 145, la Castille paraît occuper, en particulier par comparaison à la France, une position assez secondaire.
297 Primera Crónica General, t. II, chap. 1054, p. 738 : « Et los que non podiermos pasar et morieremos oy, saluaremos nuestras almas ety remos a la gloria de parayso, et conpliremos nuestro debdo, aquello que todo fijo dalgo deue conplir. »
298 Ainsi l’ont fait valoir A. Luttrell, « La Corona de Aragón y las órdenes militares », p. 75, repris dans Id., The Hospitallers in Cyprus, Rhodes, Greece and the West, XII, et J. Scuderi Ruggieri, Cavalleria e cortesia nella vita e nella cultura di Spagna, p. 82.
299 J. Boulton, The Knights of the Crown. The Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe, p. 51, attribue ainsi à la prétendue incurie des ordres militaires hispaniques la fondation d’un ordre laïque de chevalerie lié à la monarchie : « The unreliability of all three Orders in the first five years of his effective reign may well have been one of the principal factors in bis decision of 1330 to found an orderof a new type whose mastership could be annexed directly to the Castillan crown. »
300 J. Flori, La chevalerie en France au Moyen Âge, p. 120. À l’appui d’une telle thèse, il convient de signaler un élément de grand intérêt relevé par S. Cerrini, « La tradition manuscrite de la règle du Temple. Études pour une nouvelle édition des versions latine et française », p. 209, qui a découvert la présence des statuts de l’ordre de la Toison d’Or à la suite d’un manuscrit de la règle du Temple, assemblé selon toute vraisemblance au XVe siècle et conservé dans les fonds de la British Library.
301 L’acte a été publié en une version légèrement abrégée dans un ouvrage généalogique dont la rédaction, initiée à la fin du XIVe siècle par Pedro Garcés de Cariñena, a été continuée ensuite à la faveur des intérêts lignagers des détenteurs successifs du manuscrit. Dans l’œuvre, qui a fait l’objet d’une édition remarquable, le testament constitue une pièce de très grande importance (Pedro Garcés de Cariñena, Nobiliario de Aragón, pp. 155-169).
302 Ibid., pp. 161-163 : « Et en caso do conteciese, lo que Dios no mande, que de nos e de los sobreditos fillos nuestros e descendientes d’ellos, e los otros de los quales havemos ordenado, moriésemos sines fillos legitimos, queremos, mandamos e ordenamosa reverencia e honor de nuestro señor Dios e de todos los santos de Dios, en especial del senor san Jorge, que sea ordenada, siquiere instituido por el señor Padre Sancto, orden de cavallería, la qual en el dito casso instituimos e ordenamos e queremos que se nombre e sía aclamado e dito el orden de San Jorge del condado de Luna, en el qual baya cien freires cavalleros et treinta freires misacantanos. »
303 Ibid., p. 163 : « Los quales orden e freires de aquellos e sus vassallos e lugares finquen e sían por ordinación del Santo Padre exemptos según son del orden del Hospital de San Juan de Jerusalem. »
304 Ibid., p. 165.
305 F. de Moxó y Montoliu, La casa de Luma, p. 302, n. 318, et R. Saínz de la Maza Lasoli, La orden de San Jorge de Alfama, p. 170.
306 Ce point a été relevé par F. Menéndez-Pidal de Navascués, Caballería medieval burgalesa. El libro de la cofradía de Santiago, p. 14.
307 A. Romero Martínez, « El asociacionismo en el poder », p. 143.
308 H. Ó. Bizzarri, « La idea de Reconquista en el Libro de los doze sabios », pp. 26-27.
309 Ibid., p. 25. Plusieurs documents corroborent la présence du dignitaire auprès du jeune héritier lors de l’action entreprise contre Murcie à l’été 1243. Une grande partie d’entre eux ont été publiés par J. Torres Fontes, Documentos del siglo XIII, notamment pp. 2, 3-4 et 4-5, doc. 2, 3 et 4.
310 A. M. Burriel, Memorias para la vida del santo rey don Fernando III, p. 473 : « Otorgol é promotol a él que es maestro de la orden, é por el so amor á qualquier otro maestro que despues dél venga en esa su misma orden de Santiago é a toda la orden de so una de dar les que me crien el primero fijo varon queyo oviere en mi mogier la infanta doña Yoles, fija del rey de Aragon. »
311 M. Gaibrois de Ballesteros, Historia delreinado de Sancho IV de Castilla, t. II, p. 183, a relevé que le maître disposait de l’entière confiance du monarque qui lui a conféré un rôle curial dont aucun de ses prédécesseurs n’avait jamais disposé, ainsi que s’en est fait écho Ph. Josserand, « Les ordres militaires et le service curial dans le royaume de Castille », p. 78.
312 Le plus ancien diplôme portant la mention de Ruy Pérez comme amo del infante don Fernando est à ma connaissance daté du 19 avril 1292 (AHN, OM, libro 1344, f° 170v°).
313 Peu avant sa mort, le maître est mentionné, le 20 janvier 1296, en tant qu’« amo del muy alto senyor don Fernando e su adelantado mayor en toda la frontera » (AHN, OM, carp. 461, doc. 157).
314 Dans les deux cas, la chronique royale rapporte leur nomination. Le premier est cité dans la Crónica de lrey don Alfonso XI, chap. 137, p. 264, et dans la Gran Crónica de Alfonso XI, t. II, chap. 159, p. 93, le second, dans le texte de Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Pedro, an. X, chap. 23, p. 500.
315 Fernão Lópes, Chronique du roi Don Pedro I, chap. I, p. 22 : « E mandou-ho el-rrei criar, enquanto foi pequeno, a Lourenço Martiniz. da Praça, hum dos honrrados cidadãos d’essa cidade, que morava junto com a egreja cathedrall, hu chaman a praça dos Escanos e dépois o deu que o criasse a dom Nuno Freire d’Andrade, meestre da cavalaria da hordem de Christus. »
316 Ibid., chap. 43, p. 238 : « D’este moço deu el-rrei carrego a dom Nuno Freire meestre de Christus, que o criava e tiinha em seu poder, e que criando-o, ell assi seendo em hidade ataa sete anos, veo-sse a finar o meestre d’Avis dom Martim do Avelall. O meestre de Christus, como isto soube, foi-sse logo a el-rrei dom Pedro, que estonce pousava na Chamusca, e pedio-lhe aquell meestrado pera o dito seu filho que levava em sua companha ; e el-rrei foi mui leido do rrequerimento e muito mais ledo de lh’o outorgar. »
317 Ibid., chap. 43, p. 242 : « Foi el levado pera a hordem d’Avis donde era meestre, e alli se crio algums anos, ataa que veo a tempo que começou de florecer em manhas e bondades e autos de cavallaria. »
318 En 1320, Garcí Álvarez de Albornoz et son jeune fils Fernán, criado de Santiago, reçoivent du maître García Fernández la concession viagère du château de Huélamo en remerciement d’un prêt de quarante mille maravédis que le premier avait consenti à l’Ordre (BS, p. 285).
319 D. Lomax, « A Lost Mcdieval Biography », pp. 153-154.
320 AHN, Códice 668, s. f° : « En tiempo del maestre don Pelay Pérez Correa, que Dios aya, nuestra orden e religión padesció muchos dampnos e al dicho maestre vino grand detrimento por los cavalleros de nuestra orden en aquella sazón que eran degran linaje non le querer dar las fortalezas que tenían quando el maestre gelas demandava, e aun al rey don Alfonso, fijo del rey don Fernando, que estonce rregnava, grand deserviçio, segund en la corónica del dicho maestre se cuenta. Por ende siguiendo la vía de nuestros anteçesores, ordenamos e estableçemos e en virtud de obediencia mandamos que todos los freyles e cavalleros que castillos e fortalezas de la dicha nuestra orden tovieren, nos las den cada e quando gelas demandaremos e a los maestres que después de nos vernán. »
321 D. Rodríguez Blanco, « Pelay Pérez Correa, entre la historia y la leyenda », pp. 216-217.
322 D. Lomax, « The Médieval Predecessors of Rades y Andrada », p. 86. Suivie récemment par C. de Ayala Martínez, « Las órdenes militares en la conquista de Sevilla », p. 173, cette datation haute, qui placerait la chronique dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, est impossible pour des raisons stylistiques dans la mesure où ce que l’on en connaît révèle un état de la langue nettement plus tardif.
323 P. Högberg, « La chronique de Lucas de Tuy », p. 407.
324 Le texte castillan a été publié en 1926 sous le titre Crónica de España por Lucas, obispo de Tuy. Les chapitres qui prolongent le texte latin original de 1236 à 1253 se trouvent aux pp. 431-450.
325 Crónica Géral de Espanha de 1344, chap. 527, p. 242.
326 J. B. Avalle-Arce, « Sobre una crónica medieval perdida », p. 287.
327 Ainsi l’a démontré A. Branco, « O lugardo mestre Paio Correia na história », de façon à mon sens tout à fait concluante. À la suite de ce travail, il ne me semble pas possible d’être aussi virulent dans la réfutation de l’existence d’une chronique de Pelayo Pérez Correa que l’a été D. Rodríguez Blanco, « Pelay Pérez Correa, entre la historia y la lcyenda », qui, curieusement, ne fait pas une seule fois référence à l’étude du philologue portugais.
328 Le fait ressort de chacune des versions de la chronique : J. P. Machado, « Crónica da conquista do Algarve », p. 272, Crónica de anco reis de Portugal, t. I, p. 219, et Crónicas dos sete primeiros reis de Portugal, t. I, p. 279.
329 Ainsi l’ont fait valoir José Mattoso dans sa préface à la réédition du livre d’A. Herculano, História de Portugal, t. III, p. 587, et J. Romero Magalhães, « Uma interpretação da Crónica da conquista do Algarve ».
330 Crónica de España for Lucas, obispo de Tuy, chap. 95, p. 432.
331 Ibid., chap. 98, p. 438 : « Despues vino entre ellos aquel noble cauallero Pelayo Perez Correa con la caualleria de Santiago haziendo grandes estragos de moros y hiriendo cruelmente for mitad de las hazes de acá y de allá, asi como un fuerte leon, a unos matando, a otros derrocando, a otros enpuxando, llamando varonilmente a Dios en su ayuday a Santiago, animando a los christianos a la batalla, porque avia de derribar este dia, con la ayuda de Dios, a los moros. »
332 Crónica de cinco reis de Portugal, t. I, pp. 206-207 :« E de tal guisa cometeraõ o mestre e estes poucos que com elle vinhaõ que por força os fizeraõ recolher a hum monte alto que esta açerca de Tauila a que ora chamaõ a cabeça do mestre e dahi se defendiaõ os christõs muj rijamente e poucos delles vençiaõ mujtos dos Mouros. » Cette même citation est reprise dans la Crónicas dos sete primeiros reis de Portugal, t. I, p. 262.
333 Primera Crónica General, t. II, chap. 1071, p. 747. Le fait a été justement observé par C. de Ayala Martínez, « Participación y significado de las órdenes militares en la conquista de Carmona », p. 149.
334 Crónica de España por Lucas, obispo de Tuy, chap. 97, p. 433 : « Si yo, un cauallero, cadaldia lo sigo, asi que non ose salir un moro ni entrar otro en la çibdad, ¿quanto más mi señor el rey ? ». À l’instar de quelques autres, ce passage a été relevé par A. González Bonilla, « Pelay Pérez Correa, maestre de Santiago », pp. 420-421, qui se contente toutefois d’une simple paraphrase.
335 Le fait ressort d’un examen de la Crónica de cinco reis de Portugal, t. I, p. 203, et de la Crónicas dos sete primetros reis de Portugal, t. I, p. 254.
336 Crónica de España por Lucas de Tuy, chap. 99, p. 439.
337 Ibid, chap. 99, p. 439. Il est ainsi rapporté que lors de la conquête du royaume musulman de Niebla à son souverain, « enbió el rey Fernando a Pelayo Correa su enemigo, para que pelease atan fuertemente con él fasta que lo vençiese y destruyese su tierra y derrocasse sus castillos por todas quantas maneras pudiesse, el qual non tardó de lo fazer por mandado del rey. »
338 Ibid., chap. 101, p. 445. Ferdinand III est comparé à Josué au terme du récit, au moment de la répartition des terres enlevées aux musulmans.
339 Ibid., chap. 98, p. 438 : « Tanta era su animosidad y deseo de se encruelesçer a los moros que ninguna cosa temía, ante los moros, asi lo temían, que ninguno se osaua para antél, y tanto era con ellos el temor de Pelayo Pérez, que esos moros a sus fijos quando llorauan y a los muchachos, los amansavan diciendo “Guarte de Pelayo Correa” y como los moços estas palabras oyan no llorauan más. » L’anecdote répond à un topique alors amplement répandu parmi les auteurs chrétiens mais aussi musulmans. En atteste l’éloge d’al-Andalus, écrit au début du XIIIe siècle par al- Šaqundi, cité par P. Guichard, L’Espagne et la Sicile musulmanes, p. 222 : « Tel est aussi le général Abu ‘Abd Allah ibn Qadis, célèbre par son courage, par les combats qu’il livra aux chrétiens et les dures épreuves qu’il leur fit subir, à tel point qu’il leur inspirait le plus grand effroi et les obligeait à reconnaître son mérite. C’est ainsi que l’un d’eux disait à son cheval, lorsqu’il le menait à boire et que la bête refusait d’avancer : “Qu’as-tu donc ? Aurais-tu aperçu Ibn Qadis dans l’eau ?” Voici un rang bien illustre et une supériorité que les ennemis eux-mêmes ont attestée. »
340 Primera Crónica General, t. II, chap. 1057, p. 740 : « Et tomaron del tan grant miedo los moros que non osaua uno salir nin otro entrar ; et quando algun ninno lloraua, dezienle : “cata Melendo !”, et non osaua mas llorar. Et tanto los apremio con sus correduras, fasta que se dieron por pleytesia al rey don Fernando. »
341 Primera Crónica General, t. II, chap. 1107, p. 760.
342 Juan Manuel, El Conde Lucanor, exemple 15, p. 135 : « El sancto e bienaventurado rey don Fernando tenía cercada a Sevilla ; e entre muchos buenos que erany con él, avía y tres cavalleros que tenían for los mejores tres cavalleros d’armas que entonçe avía en el mundo : e dizíam al uno don Lorenço Suárez Gallinato, e al otro don García Périz de Vargas, del otro no me acuerdo el nombre. Eestos tres cavalleros ovieron un día porfía entre sí quál era el mejor cavallero d’armas ».
343 D. Devoto, Introducción al estudio de don Juan Manuel, p. 397.
344 Lope García de Salazar, Las Bienandanzas eFortunas, t. III, pp. 154-155, identifie le troisième chevalier à un criado du roi nommé Alfonso Tello, issu d’une famille noble de Biscaye dont il restitue la généalogie.
345 De cette résonance témoigne en particulier El Cancionero de Oñate y Castañeda. Je remercie Michel Garcia, qui a assuré l’édition de l’ouvrage, d’avoir attiré mon attention sur ce recueil constitué pour le chant.
346 Ce point a été souligné par M. Á. Ladero Quesada, « Réalité et imagination : la perception du monde islamique en Castille », pp. 187-188.
347 Historia de los hechos del Marqués de Cádiz, p. 149 : « Pues agora vengamos á los nobles y virtuosos caballeros, asi como el buen conde Fernand Gonzalez, que fué tan cristianísimo y tan esforzado caballero […] ¿Pues qué diremos del santísimo caballero Cid Ruy Diaz, que dejando otros muchos vencimientos que en los moros fizo en su vida, e tovo quince reyesmoros por vasallosl ? […] Otrosy no es de dejar en olvido el bienaventurado maestre de Santiago don Pelaez Correa, que tanto floreció favoreciendo la fé de Jesucristo. »
348 Ibid., pp. 149-150 et « 160. Le fait a été rappelé par D. Rodríguez Blanco, « Pelay Pérez Correa, entre la historia y la leyenda », p. 219.
349 Historia de los hechos del Marqués de Cádiz, p. 162 : « Y este caballero era muy devoto de Nuestra Señora la Virgen María, ante la cual imagen cada día dos veces facía muy devota oración, pidiéndole por merced le quisiese cumplir aquel deseo que tenía. E un día, estando en esta oración, le apareaó Nuestra Señora la Virgen María visiblemente, e le dijot “Oh buen caballero devoto mío, sepas por cierto que mi amado fijo Jesucristo e yo avemos rescebido tu oración, y por ser fecha tan continua y con tan limpio deseo de corazón, te otorgamos que en todas cuantas batallas de moros te fallares, serás vencedor”. »
350 Un tel fait a été récemment corroboré par M. Á. Ladero Quesada, « Portugueses en la frontera de Granada », p. 68.
Notes de fin
1 Les légendes tiennent compte du fait que le supérieur de l’Hôpital, à la différence de ses homologues, était appelé prieur et non pas maître. Les différents titres apparaissant au sommet du tableau étaient naturellement suivi s du nom de l’ordre intéressé. L’inégalité des totaux est due à la prise en compte des périodes de vacance qui suivent parfois la mort d’un maître et, en un cas, à un défaut du parchemin qui ne permet pas de lire la qualification attribuée au prieur de l’Hôpital Fernan Rodriguez de Valbuena (E. González Crespo, Colección documental de Alfonso XI. Diplomas reales conservados en el Archivo Histórico Nacional. Sección de Clero, p. 243, doc. 128).
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