Chapitre vi
Les moyens de la diplomatie
p. 257-305
Texte intégral
1De nombreux commentateurs du XVIIe siècle ont souligné qu’il est indispensable que l’ambassadeur soit riche pour pouvoir occuper son poste :
Car s’il ne l’est pas, il lui sera impossible de briller et de remplir son office comme il le doit, et de traiter avec la splendeur nécessaire1.
2Pour éviter toute tentation de travailler contre la couronne qui l’envoie, mais plus encore pour respecter le cadre ostentatoire de la représentation diplomatique, le diplomate doit maintenir son rang, assurer sa maison, être digne de son souverain. Une raison supplémentaire s’ajoute à ces motifs : l’agent finance en grande partie les frais de sa mission.
3À une époque où les doublons et les pistoles sont considérés comme le moyen principal de la politique étrangère espagnole, capables d’acheter les consciences, à en croire les détracteurs de la Monarchie Catholique, l’attrait du prestige et de la splendeur de l’Espagne se trouve accru par la magnificence de ses représentants. Cette force attribuée à Madrid relève-t-elle de la seule propagande ou bien est-elle fondée ? L’étude des dépenses des diplomates espagnols à Paris peut nous fournir des éléments de réponses à cette question.
4L’estimation de ces débours s’avère complexe. Certains obstacles nuisent à la clarté de la lecture des documents financiers. D’une part, ceux-ci emploient des monnaies différentes, florins, réaux, maravédis, ducats et écus le plus souvent, et mêlent espèces d’or et d’argent, monnaies de compte et monnaies de différents royaumes. Des conversions sont possibles mais elles restent toujours sujettes à caution. D’autre part, le premier tiers du XVIIe siècle connaît une permanence de l’inflation en Castille, et cela bien plus en avant dans le siècle que pour les autres couronnes européennes2. Les calculs et les comptes s’en trouvent compliqués d’autant, ce qui rend encore plus difficile l’établissement de comparaisons entre les diverses ambassades de la période 1698-1635.
5L’ensemble de ces états de dépenses (relaciones de cuentas) fournit de nombreux renseignements chiffrés sur le prix d’un indicateur, sur les salaires de l’ambassade, sur les cadeaux distribués, sur les gratifications, etc. À partir de ces données, nous pouvons tirer certaines conclusions sur les moyens dont disposent les diplomates. De plus, des comptes semblables existent pour d’autres missions que l’ambassade de France : nous y ferons quelques incursions.
6L’emploi de l’argent comme moyen d’action implique la prise en compte d’autres phénomènes, comme la diffusion et la codification des cadeaux que reçoivent ou donnent les diplomates, les pensions distribuées à différents potentats, personnalités françaises ou étrangères au royaume du Très-Chrétien. Enfin, des offices spécialement chargés de la conduite de la diplomatie officielle et souterraine naissent et se développent au côté d’institutions de surveillance, comme l’Inquisition.
I. - La gestion financière de l’ambassade : procédure, répartition, évolution, transmission
Procédure
7Dans les instructions officielles, les ambassadeurs reçoivent l’ordre de rendre compte régulièrement de l’emploi des fonds de l’ambassade. À intervalles réguliers, en théorie tous les six mois, les représentants du Roi Catholique doivent envoyer un état des dépenses. La plupart des diplomates agissent ainsi, à ceci près que les délais ne sont généralement pas respectés. Les exceptions à cette règle concernent les ambassades de Zúñiga et de Girón, pour lesquelles nous n’avons pas trouvé de tels relevés. Les autres représentants ont tous envoyé à Madrid un ou plusieurs de ces documents.
8Il n’existe pas de règle comptable pour présenter ces états de frais diplomatiques. L’unique exigence de Madrid consiste dans l’envoi du mémoire des dépenses. Ces documents sont tout d’abord lus en séance par le Conseil d’État, qui en étudie le contenu, approuve ou désapprouve la gestion. Puis la Contaduría Mayor de Cuentas, chambre des comptes qui dépend du Conseil des Finances (Consejo de Hacienda) passe au crible les rapports financiers, donne quitus des comptes de l’ambassadeur en question, le chicane parfois sur certains points, puis renvoie le document au Conseil d’État.
9Parmi les contestations, le cas des comptes du marquis de Mirabel indique qu’ils ont été vérifiés par la Contaduría et sont retournés pour étude au Conseil d’État : on reproche en effet à l’ambassadeur d’avoir inscrit des frais d’écriture (escritorio), ce qui ne se serait plus pratiqué depuis 1572. La Contaduría rechigne aussi sur l’absence de justificatif des cadeaux faits par Mirabel à Anne d’Autriche3. Le Conseil d’État reprend certaines de ces critiques, contestant d’abord la présentation et le classement des différentes dépenses, puis affirme que « les secours aux Espagnols de passage, aux religieux, prêtres, aux soldats pauvres et malades qui se rendent pour toucher le Roi Très-Chrétien » ne relèvent pas de la dépense des fonds secrets, contrairement à ce qu’avance la relation du Marquis, et qu’ils devraient se trouver au chapitre des dépenses ordinaires. Pour Mirabel, « ceci paraît des mesquineries de la part des contrôleurs de la chambre des comptes4 ». Nous verrons que l’analyse et le contrôle des fonds secrets posent invariablement des problèmes aux agents de la Couronne et que des frictions se produisent souvent avec la Contaduría Mayor de Cuentas.
10Ces instances de contrôle et de vérification forment une lourde machine administrative (elles représentent aussi un enjeu politique entre les différents groupes participant au pouvoir) dont la coordination est difficile, à cause de sa complexité et de l’étendue de ses prérogatives dans toutes les possessions de la Monarchie. En 1620, le gouverneur de Milan proteste vivement contre le Conseil des Finances et son président. En effet, ayant gagné le colonel Alardo, proche de Lesdiguières, le duc de Feria a obtenu du roi un ordre enjoignant de payer deux mille ducats à son espion et d’offrir un bijou à Marie Vignon, la maîtresse du gouverneur du Dauphiné. Or le président du Conseil des Finances n’a donné aucun commandement pour distribuer ces « présents ». Une note du roi sur le document souligne que ce manquement à ses instructions risque de compromettre la mission du Colonel5. Les mêmes difficultés financières se reproduisent de nombreuses fois au cours de notre période6. Ce désordre dans la gestion des ressources paraît la règle dans les monarchies des XVIe et XVIIe siècles, mais pour la Monarchie Catholique cette difficulté se double d’un profond enchevêtrement institutionnel et d’une rivalité des compétences entre les instances de décision.
11Les ambassadeurs vivent loin des querelles de cour et tentent d’arracher les crédits nécessaires à l’accomplissement de leur mission – quitte, bien souvent, pendant leur ambassade, à employer leurs ressources personnelles. Ces pratiques expliquent les nombreuses réclamations qu’ils adressent à Madrid.
Répartition
12Dans l’administration financière de l’ambassade, la plupart des postes de dépenses sont permanents. Nous avons tenté de démontrer leur permanence dans le « budget7 » à partir de deux exemples fondés sur les rapports envoyés par deux diplomates à Madrid : Cárdenas (graphique 1)8 à partir du début 1611 jusqu’en 1615, et Mirabel, de 1624 à 1626 (graphique 2)9. Le regroupement des fiais dans certaines catégories permet de faire apparaître des constantes que les deux graphiques suivants soulignent. Les deux postes les plus importants portent sur les coûts des rémunérations des diplomates et des différents secrétaires et sur les débours effectués pour obtenir des informations auprès d’agents plus ou moins fiables et dont le prix varie. Nous avons intitulé ce dernier poste « dépenses secrètes » (gastos secretos).
13Pendant l’ambassade de Cárdenas (et aussi celle d’Irarraga10), les émoluments du personnel représentent 42 % des dépenses totales et atteignent 68 % avec Mirabel, soit plus des deux tiers de l’enveloppe financière de l’ambassade11.
14Les mémoires envoyés à Madrid soulignent donc l’importance de la place accordée aux rétributions du diplomate en comparaison du petit personnel. Jacques de Paris, qualifié par Cárdenas de « secrétaire principal » de l’ambassade, touche trois cent soixante écus par an et le secrétaire de langues, Antonio de Peralta, cent quatre-vingts12. Pour sa part, Cárdenas prçoit normalement six mille ducats (à peine moins en écus). La situation est identique pour ses collègues ; Mirabel réussit même à obtenir une augmentation de ses rémunérations de 30 %, atteignant huit mille ducats, et, si on ajoute l’encomienda – soit neuf mille ducats –, il a un revenu supérieur à celui de l’ambassadeur espagnol auprès de l’Empereur. Ces distorsions sont inhérentes à la structure de la diplomatie d’Ancien Régime. Une ambassade doit comporter une domesticité nombreuse, à l’image d’une maison noble.
15D’un relevé de comptes à l’autre, les frais signalent aussi des différences dans la nature du personnel. Ainsi, Monteleón emploie un secrétaire spécialisé dans le chiffre, que les autres ambassadeurs ne possèdent généralement pas. De la même manière, ce diplomate indique qu’un courrier ordinaire est à son service permanent pour dix écus par mois, poste assez rare d’après ces relaciones de cuentas13.
16Parmi le personnel employé, à plusieurs reprises les relevés incluent des gens de l’ambassade des Pays-Bas espagnols à Paris, ce qui souligne la dépendance financière des Archiducs envers Madrid en ce qui regarde leur réseau diplomatique14. À partir d’avril 1618, un représentant de l’Empereur à Paris, Laurent Malcot, perçoit aussi une rémunération de l’ambassade espagnole15. S’agit-il d’une simple dépendance financière ou d’un lien plus étroit et d’un engagement aux côtés du Roi Catholique ?
17Le second poste de dépenses intéresse les paiements des intelligences, les « gastos secretos ». Les états de dépenses indiquent les différentes sommes et leur destination, mais ne fournissent que rarement les noms des personnes à qui l’argent est versé, et seuls certains recoupements permettent de deviner l’identité de ces destinataires :
À une personne proche du Roi de France, on donna comme étrennes, en deux jours du nouvel an et en d’autres occasions, cinq cent soixante écus, deux cent soixante sous la forme d’une image de Notre-Dame avec des diamants et les trois cents autres sous celle d’un collier de diamants, et il [l’ambassadeur] fit cela en vertu de divers ordres de S. M. de se gagner quelques gens de l’entourage du Roi de France, comme il a été demandé par lettres de S. M. des 28 juillet 1614 et 1er janvier 1615. À une autre personne importante, en vertu du même ordre, on a donné six cents écus16.
18Si nous n’avons pu trouver la trace de ces espions potentiels, il est plus facile de connaître le coût des libéralités espagnoles à l’égard de Léonora Galigaï :
Le Roi notre seigneur a ordonné qu’on s’efforce de gagner une personne de beaucoup de considération et parmi les plus puissantes de France. Cárdenas fit savoir à S. M. que cette entreprise nécessiterait des sommes énormes, et qu’il serait mieux de trouver quelques cadeaux publics de choses originales, dépensant ainsi quatre à cinq mille ducats par an. Dans sa lettre royale du 7 juillet 1614, le Roi approuva17.
19La liste des cadeaux, gants, cuirs, pastilles, etc., la date de la missive et l’attitude de Cárdenas envers cette personne ne laissent pas de doute sur l’identité de la destinataire de ces présents.
20Parfois, la liste de ces pensionnés et stipendiés de l’ambassade mentionne des noms. Thomas Morgan, comploteur depuis les années 1570, est signalé de nombreuses fois18, à tel point que dans la correspondance de Cárdenas, ses appointements sont placés entre la solde du secrétaire de l’ambassade de Flandres et le coût des passeports19...
21Cependant, la pratique la plus couramment adoptée, dans ces relevés de dépenses, est la désignation globale des indicateurs et des sommes consacrées à l’achat d’informations :
Des dépenses secrètes, qu’on a faites, ont été données à différentes personnes qui ont fourni des avis et rendu des services et à d’autres confidents que l’on rémunère et à ceux qui sont allés à plusieurs reprises reconnaître l’Océan et la Méditerranée pour découvrir les armements qu’on faisait dans ces ports : pour ceux-là, trois cent soixante-quatre mille quatre cent trente et un réaux [soit plus de trente mille écus]20,
22résume Benavente dans le mémoire de dépenses qu’il adresse à l’inspection des finances. En 1630, Mirabel emploie la même méthode pour justifier les trente mille trois cent quatre-vingt-treize réaux de gastos secretos21.
23Le coût de la recherche d’informateurs apparaît donc comme l’un des principaux postes de dépenses de l’ambassade. De sa réussite dépendent les analyses et prévisions des diplomates et du Conseil d’État. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les dépenses secrètes représentent entre 22 % et 47 % des dépenses totales de l’ambassade22.
24Le troisième poste de dépenses comporte surtout les frais de courrier. La transmission des informations entre Paris à Madrid, mais aussi entre les différentes ambassades, entre les vice-rois et les Conseils du Roi Catholique, constitue un des piliers d’une bonne gestion politique. Cette catégorie représente de 9 % (Mirabel) à 25 % (Irarraga) des dépenses totales. Malgré l’accord de 1603 conclu avec La Varenne, le contrôleur général des postes du royaume de France, les diplomates conservent leur propre réseau de messagers. Plus sûr et certainement plus rapide, il présente de nombreux avantages, surtout après 1630, date à partir de laquelle la France multiplie les restrictions dans ce domaine. L’importance de ce poste de dépenses n’est pas surprenante lorsque l’on sait que deux semaines sont nécessaires à un courrier pour parcourir le chemin de Madrid à Paris.
25Nous avons inclus certaines dépenses dans cette catégorie qui relèvent de l’entretien de l’ambassade, de son bon fonctionnement. Parmi les différents frais réguliers, on trouve annuellement la question des étrennes, auxquelles tous les diplomates à Paris consacrent une somme destinée à des gratifications aux serviteurs et personnels subalternes du roi de France, à des grands officiers et à des princes. Durant les onze années de service de Mirabel, ces présents ont coûté au diplomate trente-cinq mille huit cent trois réaux23 (environ neuf mille écus), soit environ trois mille réaux par an, comme il est signalé pour les années 1625 et 162624. Dans son état de dépenses, Cárdenas explique au Conseil d’État :
Il est de coutume en France, le jour du nouvel an, de gratifier les gardes du Roi de France et d’autres gens des maisons du Roi et de la Reine, notre maîtresse, ainsi que certains serviteurs d’autres princes et ambassadeurs. Ils viennent à l’ambassade d’Espagne demander des étrennes, comme on appelle cela en France25. Comme on l’a toujours fait, on a accordé, le jour du nouvel an de 1612, les sommes suivantes aux personnes dont le nom suit26.
26On trouve dans ce document trois pages de relevés sur les bénéficiaires, parmi lesquels, les logeurs (aposentadores) du roi, les officiers du premier commis de Villeroy, de Puisieux (douze écus) et du contrôleur général des postes. Les laquais et le cocher de l’introducteur des ambassadeurs ne sont pas oubliés et la plus petite gratification de notre document est attribuée au cocher du duc de Nevers (un écu), alors que le portier de Villeroy en touche deux... Au total, selon Cárdenas, les étrennes représentent deux cent quatre-vingt-dix écus (somme près de deux fois inférieure à celle que Mirabel distribuera dix ans plus tard).
27Ces gestes dictés par le savoir-vivre et les convenances sont-ils connus et pratiqués par les agents de la monarchie espagnole hors de France ? La citation de Cárdenas à ce sujet laisserait penser à une réponse négative. Petites dépenses indispensables, les étrennes constituent un des éléments du don et de l’ostentation qui favorise une bonne gestion diplomatique.
28D’autres petits frais sont notés. Cárdenas doit particulièrement veiller à remercier chacun au moment des mariages franco-espagnols de 1615. C’est ainsi qu’après la rédaction des contrats de mariage il distribue au premier clerc de Villeroy une chaîne d’une valeur de trois cents écus. À Bordeaux, il offre à l’auditeur du nonce et au secrétaire du cardinal de Sourdis (archevêque de la ville) des cadeaux pour une valeur de quatre-vingts écus. La liste de ces « faux-frais » pourrait être encore allongée, depuis le secours aux pauvres espagnols malades dans la capitale parisienne jusqu’aux aides données aux soldats de passage.
29Des dépenses de faible valeur reviennent en permanence. Cárdenas souligne les frais de papeterie (papiers de diverses sortes, encre, plumes...). À la différence de la plupart de ses collègues, il en note le montant pour le Conseil d’État, soit cent quatre-vingt-seize écus27.
Évolution
30Nous avons tenté d’évaluer les dépenses des différents diplomates en poste à Paris. Les relevés de dépenses qu’on vient d’évoquer soulignent la répartition des sommes engagées par la Monarchie dans l’ambassade de Paris. Malgré des calculs parfois aléatoires de conversion de monnaies, nous avons essayé de rester le plus proche des sources indiquées.
31À partir des différents états de dépenses28, nous avons cherché à établir le montant des sommes annuellement dépensées par la Monarchie Catholique dans son ambassade de Paris (tableau 2, p. 266). Ici encore, les questions d’équivalences monétaires et le problème de l’inflation modifient les résultats et, comme précédemment, nous avons choisi de faire confiance aux documents, ne les remaniant que pour des calculs de pondération que nous indiquons en note.
32Les états de dépenses débutent avec Tassis. Dès la première nomination, la règle des six mois n’est pas respectée. Lors de sa première ambassade en France (1581-1585), le Flamand fournit un relevé pour les cinq années de sa charge et il agit de même au cours de sa seconde ambassade (1599-1604). Tous les autres diplomates procèdent de manière identique.
33Si, dans les années 1570-1580, on estime que l’entretien de la mission diplomatique espagnole en France nécessite entre deux et trois mille écus par an29, il apparaît avec le tournant du siècle que ces montants sont insuffisants, et se trouvent largement dépassés, étant alors doublés ou triplés.
34De cette évolution des dépenses des ambassadeurs, il ressort en premier lieu une augmentation nette des sommes consacrées à la diplomatie. On passe d’une moyenne de six à sept mille écus par an avec Tassis à plus de vingt mille écus sous les ambassades de Cárdenas, Monteleón et Mirabel (moyenne annuelle sur dix ans pour ce dernier). Cette augmentation peut être interprétée de diverses manières. Il est possible d’y voir un intérêt croissant de l’Espagne pour le royaume de France, depuis le gouvernement de Lerma et la question des mariages, jusqu’au soutien apporté par le ministère d’Olivares aux protestants et à ceux qui se rebellent contre l’autorité royale. Une seconde hypothèse apporte des nuances. Il est certain qu’une hausse des prix entraîne une augmentation de coûts pour l’ambassade.
35D’autre part, le montant des premières dépenses des ambassades de Tassis et d’Irarraga nous oblige à nous interroger sur la structure de leurs états de dépenses. La comparaison entre les coûts annuels de l’ambassade et la rétribution normale du diplomate indique que les documents omettent certaines données. Ainsi, la seule rémunération de Nicolas L’Hoste, l’espion espagnol travaillant auprès de Villeroy de 1602 à 1604, représente cent écus par mois, soit mille deux cents écus par an. Si nous y ajoutons la solde de Tassis (six mille écus), le budget de l’ambassade serait déjà totalement absorbé par ces deux postes30. Or les secrétaires sont payés et les frais de courrier, de papeterie, les étrennes, sans parler des dépenses secrètes, sont obligatoirement acquittés. Pour que ces dépenses signalées par Tassis aient réellement pu permettre à l’ambassade de fonctionner, la seule solution résiderait dans le non-paiement de la solde du diplomate par les autorités royales, hypothèse parfaitement plausible eu égard aux innombrables réclamations et plaintes du Flamand. La gestion d’Irarraga soulève les mêmes interrogations.
TABLEAU 2. – Évolution des dépenses des ambassadeurs d’Espagne en France
Noms | Périodes | Sources | Dépense annuelle (écus)a |
Tassis | 1580-1586 | AGS, Contaduría Mayor de Cuentas, 3133-6. | 6.661b |
Tassis | 1599-1604 | AGS, Contaduría Mayor de Cuentas, 3133-6. | 6.266c |
Irarragad | Juin 1608 - mars 1609 | AGS, K, 1426. | 1.482e |
Cárdenas | Septembre 1610 - mars 1612 | AGS, K, 1609. | 10.696f |
Cárdenas | Mars 1612 - fin 1615 | AGS, K, 1454. | 31.477g |
Monteleón | Septembre 1615-décembre 1618 | AGS, K, 1481. | 30.984h |
Mirabel | Novembre 1624 - mars 1626 | AGS, K, 1480 | 13.700i |
Mirabel | 1620-1631 | AGS, E, 2044. | 20.546j |
36En dépit de ces incertitudes, le graphique d’évolution des dépenses de l’ambassade de Paris (voir ci-dessus) souligne les moments forts des relations entre les deux couronnes. La période de dépense maximale s’étend de 1612 à 1618, soit de la conclusion des mariages franco-espagnols à la chute de la reine mère. Avec un « budget » six fois supérieur à celui de Tassis, les ambassades de Cárdenas et de Monteleón sont les plus coûteuses. Y a-t-il un lien entre l’aisance financière de l’ambassade et cette période d’entente cordiale entre les deux couronnes ? L’argent espagnol favoriserait-il celle-ci ? Ou bien, à l’inverse, faut-il supposer que la politique de rapprochement, de plus en plus difficile, exige des moyens sans cesse accrus ?
37Il est clair que les finances de l’ambassade pour ces années 1612-1618 ont dû prendre en compte les frais liés aux mariages, somptuosités obligées, cadeaux multiples pour ces événements, comme les frais liés au carrousel de 1612 ou les dépenses afférentes à l’échange des fiancées en 1615. À partir de cette date, les diplomates interviennent auprès d’Anne d’Autriche, lui fournissant fréquemment des subsides pour sa Maison. Dans le même temps, la politique de ménagement des grands d’une part31, et du gouvernement et des favoris d’autre part, a abouti à un renchérissement des « amitiés » françaises.
38Si la dépense annuelle moyenne de Mirabel diminue par rapport à celle de Cárdenas ou de Monteleón, elle ne redescend pourtant pas au niveau d’avant 1610, auquel son montant est encore au minimum deux fois supérieur. Ce fait peut être interprété comme une application de la politique d’Olivares tendant à éviter tout engagement français dans les affaires européennes, particulièrement en Italie puis en Allemagne. Les pratiques visant à soutenir en France tout mouvement intérieur affaiblissant le gouvernement ont clairement des impacts financiers32.
Transmission
39Le transfert monétaire, qui par voie terrestre reste long, coûteux et lourd, trouve sa solution grâce aux lettres de change. Constituant un moyen rapide, sûr et pratique, celles-ci nécessitent l’emploi d’individus dont les activités se situent hors de la sphère diplomatique. La plupart de ces lettres de change sont établies en liaison avec des hommes d’affaires, presque toujours des Italiens, présents en France, à Lyon ou à Paris. Alessandro Terrelli, un Lucquois vivant dans la capitale, intervient entre Madrid et l’ambassade à l’époque de Zúñiga, d’Irarraga et de Cárdenas33.Tassis est payé par le biais de Marco Antonio Judici, mais il rencontre des problèmes en 1601. En effet, la lettre de change du financier italien passe par Rouen puis Paris, alors qu’à ce moment Tassis se trouve auprès du roi à Grenoble... Pour éviter les retards, un autre Génois, Augustin Fornely, doit le secourir34.
40Un quart de siècle plus tard, les instructions officielles de Monteleón (1632) soulignent la permanence des banquiers italiens dans les circuits de financement de la diplomatie espagnole, malgré la cessation de paiement de 1627 : elles désignent Ottavio Centurion, membre d’une grande famille de négociants génois, pour subvenir aux besoins financiers de l’ambassade. Cet homme est l’un des piliers des asientos espagnols. On rencontre d’autres noms connus de ce milieu : Carlos Strata verse à diverses reprises plusieurs milliers d’écus à Monteleón et à Mirabel35.
41Afin de subvenir aux besoins de Pedro de Toledo au cours de l’ambassade extraordinaire de 1608-1609, un contrat (asiento) est conclu entre le duc de Lerma et Pedro de Salucio. Il est convenu que l’Italien fournira quarante-cinq mille ducats à l’ambassadeur sur la place de Paris en échange d’un recouvrement sur une période de deux ans sur les propres rentes de Pedro de Toledo, situées dans le royaume de Naples36. Ce document, arrêté en Espagne, est envoyé ensuite au président du Conseil d’Italie, pour exécution. Cet accord finance donc les frais de l’ambassade extraordinaire, non sur les biens de la Couronne, mais par un prélèvement sur la fortune personnelle du petit-fils du célèbre gouverneur de Naples37. Dans quelle mesure Villafranca a-t-il participé à la conclusion de cet accord, qui grève sérieusement son patrimoine ? Le fait vaut d’être noté : le service royal se paie. On retrouve cette tendance en 1626, autour du projet d’Unión de Armas, lorsque l’on prévoyait d’assigner aux grandes familles le financement des levées d’armes38.
42La place des possessions italiennes demeure essentielle au dispositif financier espagnol, ainsi qu’à l’ambassade d’Espagne en France. De nombreuses fois, l’ambassadeur d’Espagne en France reçoit des secours financiers venus d’Italie. Présentant ses comptes au Conseil d’État, Monteleón affirme avoir obtenu du marquis de Villafranca, gouverneur de Milan, la somme de trois cent vingt mille six cent quarante-huit réaux39. Quand Guise propose ses services en 1617 à l’ambassade pour lever des troupes contre le duc de Savoie, la perception des indemnités nécessaires aux frais engagés provient une nouvelle fois du Milanais40.
43On retrouve cette même source de financement en ce qui concerne les exilés français. Picoté, La Farge, Hébert sont entretenus pour la plupart depuis Milan, parfois depuis Naples. Henri de Sauveulx, ancien ligueur vivant à Madrid, jouit des revenus d’une abbaye sicilienne, les Français impliqués dans la conjuration de Venise touchent tous des fonds napolitains...
44Ces possessions italiennes composent le vivier financier de l’action diplomatique et des services de renseignements. C’est encore au Milanais que revient la charge de payer les frais extraordinaires de l’ambassade espagnole à Venise41.
II. - Les moyens de la politique étrangère espagnole hors de France
45L’un des objectifs de la politique étrangère menée par la Monarchie Catholique face à la France est de s’efforcer de maintenir la pax hispanica en Italie, d’éviter une contestation de cette hégémonie conquise de haute lutte contre la monarchie française pendant les guerres d’Italie et, ainsi, de contrôler l’axe centre-européen et le bassin occidental de la Méditerranée. Les diplomates espagnols en poste à Gênes, Venise, Rome et Turin, de même que leurs collègues vice-rois ou gouverneur à Naples, Palerme et Milan, cherchent par tous les moyens à détourner de l’Italie l’attention de la France, à éviter toute ambassade sur des questions litigieuses propres à cette péninsule (disputes romaines, querelle de l’Interdit, héritage mantouan, problème de Saluces). Avec de tels principes, il est clair que si les dirigeants trouvent une occasion de diminuer la puissance du Roi Très-Chrétien à l’intérieur même de son royaume, ils n’hésitent en aucune manière à recourir pour ce faire aux moyens souterrains. Les affaires de Biron et de Bouillon, le soutien apporté au prince de Condé et à Gaston d’Orléans, les contacts pris avec Guise, Rohan et Toiras lorsque ceux-ci résident en Italie, après les années du « grand orage », nous montrent comment les responsables espagnols tentent d’attiser les désaccords entre le roi de France et ses vassaux. Dans le cadre de l’affrontement franco-espagnol en Italie, trois missions diplomatiques du Roi Catholique jouent un rôle digne d’intérêt : celles de Turin, Gênes et Venise.
Les moyens des diplomates espagnols hors d’Espagne : les cas savoyard, génois et vénitien
46Dès les lendemains de la signature du traité de Vervins, l’ambassade de Turin apparaît comme un lieu clé. Un motif conjoncturel permet de tester les choix de Madrid : la question de Saluces, îlot revendiqué par le roi de France en terre cisalpine. Une raison de fond conduit le Roi Catholique à considérer la Savoie comme un allié majeur à ne pas abandonner : la route des tercios et le passage savoyard. Cela explique-t-il la nomination de Ledesma au poste d’ambassadeur auprès du duc de Savoie ? En 1602, Oñate lui succède à l’ambassade, quand le titulaire aurait dû obtenir comme promotion le poste de Paris.
47Les états de dépenses de ces deux diplomates contrastent avec ceux de leurs collègues à Paris par leur régularité. La périodicité semestrielle se trouve respectée au cours de la première décennie du XVIIe siècle. Les sommes attribuées à ces deux ambassades sont nettement plus modestes que celles qui sont consacrées à la mission parisienne : elles sont de deux à cinq fois inférieures au montant dont dispose Tassis. Ces fonds sont proportionnés à la place et au poids du duché savoyard. Pourtant, le tableau 2 (voir ci-contre) permet de souligner l’irrégularité des sommes allouées. En effet, le premier « budget » dont nous rendons compte montre l’importance de Turin au début de l’année 1601. Le contexte s’avère alors singulièrement difficile pour la couronne espagnole, qui hésite à intervenir aux côtés de la Savoie dans la guerre qui l’oppose à Henri IV. Les sommes atteignent un niveau plus de deux fois supérieur à la gestion « routinière » des années suivantes. Doit-on pour autant attribuer ce doublement des fonds à la seule recherche d’informations et de moyens de pression contre le Roi Très-Chrétien ? Organisée par Ledesma à Turin, de concert avec Fuentes à Milan, Casati en Suisse42 et le duc Charles-Emmanuel de Savoie, la conspiration de Biron est déjà en marche. Ledesma garantit aux conjurés un soutien entier, se prononce pour une intervention militaire de l’Espagne et transmet de nombreux avis concernant l’affaire, lesquels ne sont certainement pas offerts gratuitement par les dissidents français43.
Tableau 3. – Dépenses de l’ambassade espagnole à Turin (1601-1605)
Diplomates | Périodes | Dépenses annuelles (en écus) | Pourcentage des dépenses secrètes par rapport aux dépenses totales |
Ledesma | 15 janvier 1601 - 15 juillet 1601 | 3.948a | 32,0 % |
Ledesma | 23 juillet 1601 - 15 janvier 1602 | 1.720b | 25,3 % |
Ledesma | 15 janvier 1603 - 15 juillet 1603 | 1.514c | 33,5 % |
Oñate | Fin 1603 - 31 juin 1604 | 1.520d | 23,0 % |
Oñate | 1er juillet 1604 - 31 décembre 1604 | 1.466e | 16,7 % |
Oñate | 1er janvier 1605 – 1er juillet 1605 | 3.526f | 7,7 % |
48L’échec de la conspiration n’implique pas la fin des interventions secrètes et des financements occultes accordés aux Français exilés. Ledesma se propose de donner une pension au compagnon du maréchal de Biron, le baron de Lux44, il accueille Charles Hébert après le bannissement de celui-ci hors de France et lui fournit des subsides espagnols45, ou bien encore il intercepte des lettres de l’ambassadeur de France à Venise, par un moyen que nous ignorons. Ledesma débourse beaucoup en fonds secrets pour obtenir ces nombreux avis sur la situation française. En 1601, il affirme au Conseil d’État :
J’ai gagné un officier de Villeroy, qui jusqu’à présent a donné beaucoup de preuves de ce qu’il promet, et, s’il le veut, il peut réaliser tout ce qu’il propose car les chiffres et les dépêches passent par ses mains. Il m’a offert de me donner des copies de celles que le Roi envoie à ses ambassadeurs à Rome, en Espagne, en Angleterre, à Venise et auprès du Grand-Duc et de m’aviser des pièges qui s’y traitent [...]. Je lui ai offert cinquante écus par mois et [promis] qu’on lui ferait une honorable gratification46.
49L’étiage du budget de l’ambassade en Savoie est atteint après la fin de la conspiration et ses derniers soubresauts. Le successeur de Ledesma, Oñate, ne se désintéresse pas pour autant des questions relatives à l’influence française en Italie. La pratique de la diplomatie souterraine et la permanence de fonds secrets, représentant au minimum 15 % des dépenses, démontrent l’activité espagnole à partir de Turin. Ainsi, l’ambassadeur avertit Madrid de la présence d’espions français à Naples47, de projets d’attaques de Fontarabie depuis Saint-Jean-de-Luz48... Enfin, il faut remarquer la place prise dans les dépenses en 1605 par les funérailles du prince de Piémont : en six mois, le budget est multiplié par deux, ce qui explique la réduction en pourcentage, mais non en valeur absolue, des fonds secrets.
50Le changement d’orientation de la politique étrangère de Charles-Emmanuel en faveur d’une alliance française (1610 : traité de Brussol) renforce les contacts entre l’ambassade espagnole de Turin et le gouvernement du Milanais, où les responsables disposent de moyens bien plus importants pour les affaires secrètes. Quelques années plus tard, l’exemple du recrutement du colonel Alardo illustre cette primauté de la cité lombarde. On évite de se rendre à Turin pour négocier avec le représentant espagnol, souvent peu apprécié, et on préfère rencontrer le gouverneur, personnage d’une autre stature et capable de protéger comme de financer des activités à une échelle plus vaste.
51L’ambassade de Gênes, dont nous avons déjà montré l’importance pour la couronne espagnole en matière financière, procède de la même manière que les autres missions. À l’époque du comte de Venasco puis de Juan de Vivas, des sommes non négligeables sont consacrées au renseignement. Confus quant au total dépensé, un relevé détaille les agents payés par l’ambassadeur de 1601 à 161149. Nous y trouvons les paiements de différents agents, parmi lesquels Miguel Cervellón pour un montant de soixante écus, afin qu’il se rende au Levant, Ambroise Axar, qui effectue trois voyages à Marseille...
52Deux décennies plus tard, la place de Gênes semble menacée par l’influence française et particulièrement par les tentatives du Roi Très-Chrétien d’y implanter un consul50, M. de Zabran. Les activités souterraines y demeurent très vives. Dans son état de dépenses pour la période 1623-1629, le marquis de Castañeda montre les directions vers lesquelles s’oriente la diplomatie souterraine espagnole à Gênes :
À un officier du secrétariat du connétable de France, M. de Lesdiguières [...], deux rémunérations (partidas) de sept mille R [réaux ?], trois mille à sa femme en les lui remettant et les quatre mille restants, à lui-même dans les quatre premiers mois de l’année 1625 à raison de mille à chaque fois ; et comme il mourut à cause de quelques soupçons, quand on prit le château de Gavi51, on arrêta le paiement de cette solde52.
53La surveillance des armées françaises se trouve donc en partie financée depuis la place de Gênes. L’observation des factions génoises favorables au Roi Très-Chrétien est une des tâches de l’ambassadeur. Ainsi, Castañeda, justifiant l’emploi des fonds secrets, note :
À un valet de chambre [camarero] de Claudio Marin, ambassadeur de France à Turin, et très proche de lui [valido suyo], qui informa qu’on ouvrait les dépêches de Sa Majesté à Gênes, dans la maison du correo mayor de cette république, et donna d’autres avis très sûrs et de considération : cinquante écus chaque mois depuis le mois d’août 1624 jusqu’à avril 16254 et, en plus, on lui donna une chaîne d’or de cent doblas de peso53.
54Espionnage de Claudio Marin, Génois au service de la monarchie française, lutte contre l’influence française à l’intérieur de la République, contre-espionnage : ces trois activités sont financées par l’ambassade de Gênes pour conserver l’emprise des Habsbourg sur cette région. Un dernier exemple de l’emploi des fonds de cette mission montre la complexité des liens espagnols avec la République ligure. Francisco de Melo, ambassadeur en 1634, finance l’entretien d’Agostino Fiesco54, celui-là même qui alla se réfugier dans l’ambassade de France en Espagne après avoir escroqué le Roi Catholique lors d’un détournement d’asientos sur l’impôt de la cruzada... Délicate affaire de double jeu : Fiesco a servi le roi de France, puis on le retrouve servant le roi d’Espagne...
55Les affaires souterraines ne sont pas moins embrouillées à Venise. Les fonds secrets y arrivent en quantités non négligeables55 et servent à rétribuer les agents espagnols du Levant pendant une partie de notre période, et donc à surveiller les agissements français à l’égard du Sultan. Ce travail rapporte plus de quatre cents écus à Nicolas Renault en 160456. Le recours à des Français, ou à des agents ayant travaillé pour le roi de France, demeure très fréquent. La liste des personnages troubles percevant de l’argent de l’Espagne et dont on sait par ailleurs qu’ils possèdent plusieurs commanditaires est impressionnante : Fiesco, Alardo, Carlos de Roo, Renault, Jacques Pierre, les frères Boleaux, César Rossi, Pompeo Tarragona, M. de Saint-Vincent, Antoine d’Ouville, Melchior Mangalet, etc.57.
Pensions et finances : les cas anglais et flamand
56On retrouve la même ambiguïté à propos des pensions versées et des consciences achetées dans les sphères dirigeantes des monarchies occidentales. La couronne espagnole n’est pas la seule à recourir à la corruption, mais elle semble être seule à la pratiquer à une telle échelle. Considérée comme la plus riche et la plus somptueuse de l’époque, la cour de Madrid entretient une foule de personnages de nationalités différentes dans un grand nombre de cours étrangères. Les cas flamands et anglais nous paraissent illustrer, à des échelles distinctes et pour des motifs différents, la pratique espagnole consistant à acheter des consciences et à pensionner des « amis » de la Couronne.
a) Pensions espagnoles versées en Flandres
57Depuis l’interdiction du catholicisme en Angleterre et l’échec de la Ligue catholique en France, les Pays-Bas espagnols constituent une base d’accueil des persécutés français et anglais. La souveraineté des Archiducs ne s’étend pas au domaine des pensions. Celles-ci sont versées depuis Bruxelles, mais Madrid et ses fonctionnaires en Flandres continuent à décider de leur attribution ou de leur suppression. Plusieurs listes de bénéficiaires originaires de France ou d’Angleterre sont conservées aux Archives de Simancas et aux Archives générales du Royaume à Bruxelles58. La plupart de ces documents indiquent de manière nominative les pensions allouées, et Philippe III. Les premières listes de Français pensionnés par l’Espagne apparaissent en 1595, un an après le bannissement des rebelles ligueurs par Henri IV. Au lendemain de son entrée dans la capitale, soit le 30 mars 1594, celui-ci envoie
aux quarteniers un état ou liste de cent à cent vingt personnes suspectes afin qu’elles soient chassées de Paris, comme étant des plus avancées dans la faction des Seize59.
58La liste des pensions versées à des Français résidant en Flandres en 1595 souligne le parti auquel ils appartiennent : on retrouve les principaux animateurs de la Ligue parisienne : Jean Boucher, Oudin Crucé, Louis Dorléans, Claude Durand, Jehan Escoffier, Bussy-Leclerc, Jean Le Peletier, La Chapelle-Marteau, Édouard Rynsant (ou Raynssant), Martin Rolland, etc.60. La majorité d’entre eux n’interviennent plus dans la politique française après le traité de Vervins.
59Être pensionné de Madrid ne signifie donc pas être traître au roi de France ou espion du Roi Catholique. Pendant la guerre franco-espagnole (1595-1598), le duc de Mercœur demeure partisan de Philippe II, se refusant à reconnaître Henri IV, et attend l’extrême fin de l’année 1598 pour demander son pardon au souverain français. Il continue ensuite son action en faveur de la foi catholique, obtenant du roi de France l’autorisation d’aller combattre les forces turques qui menacent la Hongrie61. Aumale préfère se réfugier en Flandres, où il sert les Archiducs pendant les vingt premières années du siècle, percevant une pension de mille cinq cents écus62. Les indicateurs, traîtres et espions demeurent peu nombreux dans les listes de bénéficiaires et appartiennent rarement à l’aristocratie. Parmi la masse des pensionnés français en Flandres, la collaboration et le passage dans le Milanais paraissent une exception. Les cas de Denis Rossieu, ancien ligueur63, ou de Pierre Senaut, qui, selon la pièce comptable qui en justifie le versement, touche une pension « pour affaires secrètes64 », constituent des situations assez rares.
60Pourquoi l’Espagne entretient-elle sur ses finances ces « soldats perdus », alors que le Conseil d’État tente à plusieurs reprises de « réformer » les pensions65 afin de réduire les dépenses de la Couronne ? Il semble que les « vertus » royales imposent d’accueillir et de protéger ces exilés. Un document comportant la liste des réfugiés français soutenus financièrement est intitulé Cathalogae des pauvres françois réfugiés en ces pays a qui ce seroit œuvre de charité de donner entretenement66. Si l’œuvre de charité est bien éloignée des matières d’État, elle rejoint pourtant la notion de réputation à laquelle la société aristocratique est attachée. « Investissements » peu productifs, ces soutiens financiers sont un composant parmi d’autres de la largesse royale.
b) Pensions espagnoles versées en Angleterre
61Pour mieux comprendre ces dépenses, il faut souligner l’exacerbation de la notion de reputación. Défenseur de la foi catholique, le roi d’Espagne pensionne depuis plus d’un demi-siècle les partisans de l’Église romaine en Angleterre. Convaincu d’un retour inévitable de la vraie foi dans l’île67, il multiplie les tentatives de corruption auprès des dirigeants anglais. Tentatives couronnées de succès : selon Charles Edward Carter, « une grande partie des ministres et autres figures clés de la cour d’Angleterre était pensionnée du roi d’Espagne68. » Des listes codées69 de ces stipendiés de Madrid ont été étudiées, parmi lesquelles figurent les comtes de Dorset70 de Nottingham71, le secrétaire Robert Cecil72 ou le clan des Howard73. Buckingham est appointé en 1616-1617, Gondomar lui ayant promis six mille ducats74.
62Cette vénalité générale de la cour de Jacques Ier conduit à une surenchère de la part des différentes puissances et à une inflation du montant des pensions distribuées. Au moment des discussions à propos de la Trêve, les Provinces-Unies augmentent le montant de leurs largesses à la noblesse anglaise, obligeant ainsi les Espagnols à renchérir : les sommes que ceux-ci dépensent dans l’île ne cessent de croître75. Face à cette explosion des coûts, Gondomar écrit au Conseil d’État :
On m’affirme que la France débourse ici, entre les Écossais et les Anglais, plus de quatre-vingt mille ducats par an, et les Hollandais, plus de cent cinquante mille, sans [compter] les nombreux cadeaux extraordinaires qu’ils font quand l’occasion s’en présente76.
63En Angleterre, la Monarchie Catholique doit donc faire face à une impitoyable concurrence étrangère sur le marché des trafics d’influence. Des facteurs spécifiques à la cour des Stuarts permettent de comprendre cette singularité. La monarchie anglaise est pauvre, bien plus démunie que les autres couronnes. La faiblesse des prélèvements royaux et la quasi-impossibilité d’en imposer de nouveaux, liée à la structure politique et législative de la couronne britannique, contraignent les dirigeants et la noblesse à recourir à la prévarication. L’arrivée, avec Jacques Ier, d’une cohorte d’Écossais de noblesse moyenne sinon modeste (par exemple Buckingham), pour lesquels Londres représente un nouvel Eldorado, accentue ces traits et explique en grande partie l’explosion de la corruption et des montants des pensions versées par les nations étrangères77.
64L’Espagne, comme toutes les autres puissances continentales, subit ce contrecoup. Doit-on alors attribuer aux distributions de pensions la réussite des diplomates espagnols à Londres ? La non-intervention anglaise dans la guerre de Trente Ans contre les Habsbourg78 et la préséance acquise par Gondomar sur l’ambassadeur français à la cour d’Angleterre pendant les années 1610-162079 seraient-elles le fruit de l’argent semé parmi les dirigeants anglais ?
65L’ambassadeur Gondomar donne une réponse dans plusieurs de ses lettres à Lerma. Il y affirme que la Couronne ferait mieux de consacrer les sommes distribuées à la construction d’une nouvelle armada ou à l’édification de séminaires80... Le diplomate lui-même ne croit pas en l’efficacité des moyens qu’il emploie. La plupart des historiens soulignent que ses succès diplomatiques proviennent de sa personnalité, de sa capacité à capter la sympathie de Jacques 1er et non des largesses de Madrid81. Il est édifiant, de ce point de vue, de constater que dix ans plus tard, après tant de présents distribués, un ordre royal charge Gondomar de créer « un grand service d’espionnage en Angleterre82 ».
66Les exemples flamand et anglais montrent l’inefficacité de la prévarication pratiquée à large échelle, comme le fait la monarchie hispanique. On pourrait également évoquer le cas de la Lorraine, où le Duc perçoit régulièrement une pension, ou celui de Rome, où les cardinaux sont nombreux à profiter des « bontés » de l’Espagne (et tout aussi bien de la France). Il est inutile d’alourdir notre exposé en multipliant les exemples. En effet, il apparaît que ces pratiques relèvent moins de la diplomatie, de la recherche de l’efficience, que des mentalités, de la permanence d’attitudes.
67Ambassadeur de France en Espagne, le baron de Vaucelas souligne indirectement ce phénomène quand il écrit :
Tout bien considéré, ce n’est pas une petite gloire à eulx [les Espagnols] de se retrancher eulx-mesmes pour avoir une grande partie des princes estrangers leurs pensionnaires, et par là un tel crédit qu’ilz peuvent se dire à bon droict les principaux gouverneurs de la chrestienté, pour l’entremise et pouvoir qu’ilz ont dans les principales affaires, qui semblent comme despendre d’eulx83.
68Payer pour pouvoir « se dire », dominer pour avoir du « crédit » constituent la preuve de la réussite d’une politique. Bien plus que des résultats ou de l’efficacité des dépenses, notions étrangères à l’époque moderne84, il s’agit de la démonstration d’un « capital symbolique » comme valeur politique, preuve de la réussite et manifestation de la puissance du pouvoir.
III. - Affaires secrètes. La question des fonds secrets : du cadeau à la fraude
69La pratique des cadeaux et gratifications marque la reconnaissance envers le bénéficiaire. L’identité et la position sociale de celui-ci sont enregistrées et affirmées par ce geste. Dans le contexte de la prévarication, les présents restent souvent secrets, cachés, mais il est difficile de tracer une frontière distincte entre le remerciement - témoignage de reconnaissance que constitue le don, et la corruption. A. Jouanna a souligné la place de ces pratiques à l’intérieur des rapports entre aristocratie et pouvoir royal85. De fait, la diplomatie attribue une place essentielle à la distribution de gratifications. Celle-ci est partie prenante de la codification des gestes, des positions, de la manière dont l’étiquette reflète la répartition du pouvoir.
70Dans nos sources, nous pouvons différencier de façon assez simple le cadeau de la corruption. Lorsqu’un ambassadeur rend compte de ses dépenses, il cite les présents distribués, leur valeur et leur destinataire ; en revanche, dans le cas de l’emploi de fonds secrets, il tait le plus souvent les noms des bénéficiaires.
Cadeaux et gratifications
M. de La Rochepot, arrivé en Espagne, et ayant juré et rattifié le traicté de paix pour Sa Majesté [qui estoit ce où il avoit commencé], le roy d’Espagne à l’accoustumée luy fit présent d’une chaisne de pierreries, et de six autres chaisnes d’or de cent cinquante escus chacune, pour distribuer à autant des siens. Il le fait et en gratifie d’une l’un de ses secrétaires, et obmet Loste [L’Hoste], qui attribua cet obmission à un mespris, dont il conceut une telle jalousie en son âme qu’il prit la résolution d’exécuter ce que vous verrez à la suitte de ce discours. Ainsi Loste commença du tout à se façonner à l’espagnole86...
71Ce récit de l’événement permet de suivre les mécanismes qui régissent la gratification royale. Au premier abord, destinée à l’ambassadeur et à sa suite, elle pourrait paraître spontanée, mais en réalité l’indication précise concernant la valeur des présents fait apparaître une organisation de la distribution. C’est l’ensemble du système de clientèle qui se trouve ici remercié, grâce non pas à des cadeaux quelconques, mais à des objets d’un prix déterminé. Le maître, c’est-à-dire La Rochepot dans le cas qui nous occupe, a pour rôle de faire descendre la grâce royale jusqu’au cercle de ses clients, auquel appartiennent notamment ses secrétaires. La dimension hiérarchique qui intervient dans l’offre de ces présents est clairement signifiée par la distinction pratiquée entre le bijou donné au diplomate et les autres présents, qui sont de valeur nettement inférieure. L’importance qui s’attache à cette redistribution « vers le bas » apparaît lorsque le récit signale que l’ambassadeur a oublié le commis de Villeroy. Celui-ci ne saurait interpréter cet acte autrement que comme un désaveu public de la part de son « employeur ». Dans cette anecdote, le paradoxe réside dans le retournement de sens subi par le don royal. Alors qu’à la fin d’une mission le présent offert vise seulement à manifester la satisfaction de la Monarchie Catholique, la mauvaise répartition de la grâce par l’ambassadeur se retourne contre celui-ci et pousse le commis à se vendre à l’ennemi espagnol.
72L’ingratitude de leur maître précédent constitue un des mobiles les plus fréquemment évoqués par les agents de l’Espagne opérant en France. Plus généralement, les princes en révolte et les clients de grands aristocrates soulignent qu’un souverain oublieux de ses devoirs les pousse à se rebeller contre un ordre injuste, qui ne leur convient pas car il nie leurs mérites. Au niveau qui est le sien, Nicolas L’Hoste a agi selon ce schéma.
73Dans ce contexte mental, partagé par les sociétés aristocratiques, il ne faut pas s’étonner de rencontrer, que ce soit dans les consultas du Conseil d’État ou dans la correspondance des diplomates espagnols, un nombre important de mentions concernant ces questions de présents. A l’instar du cérémonial, le don est l’objet de toutes les attentions, et cela quel que soit son but, car il est d’abord geste de considération. Dans le domaine diplomatique, la hiérarchisation du don reflète les différentes qualités – au sens social du terme – des destinataires. Il est possible de distinguer dans les documents des gratifications de différents niveaux, qui correspondent aux quatre grandes catégories suivantes : secrétaires, émissaires et envoyés, ambassadeurs et, enfin, ambassadeurs extraordinaires.
74Lorsque Claude Grenelle, secrétaire de l’ambassade de France à Madrid en 1620, prend congé de la cour espagnole, le secrétaire d’État Ciriza envoie une note pour qu’on le gratifie d’un bijou d’une valeur de cinq cents ducats. La valeur de cette chaîne d’or est bien plus élevée que celle des chaînes destinées aux secrétaires de La Rochepot. De plus, pour le contenter, on lui accorde le même passe-droit qu’aux diplomates, c’est-à-dire la franchise douanière87. Cette décision ne relève pas seulement de Ciriza, car le Conseil d’État discute de cette question au cours d’une de ses séances, et quand Grenelle demande une autre faveur, celle de pouvoir exporter deux chevaux en France, les conseillers débattent encore et lui accordent finalement le droit d’emmener un seul cheval avec lui. Les raisons qui ont déterminé la valeur des présents offerts sont clairement énoncées dans les registres des délibérations :
Il paraît au Conseil qu’il conviendrait de lui donner une chaîne d’or d’une valeur de cinq cents ducats car en France ils donnèrent encore plus à un secrétaire de don Baltasar de Zúñiga qui était resté là-bas pour les affaires de l’ambassade quand l’ambassadeur était parti88.
75Cette tarification des cadeaux correspond aux deux soucis des monarchies : le statut social et la réciprocité diplomatique.
76Personnes envoyées en Espagne ou en France sans le titre d’ambassadeur extraordinaire, mais dont la qualité impose une réception correcte du fait du mandataire, les émissaires sont l’objet des mêmes attentions. En mars 1630, le comte d’Orval prend congé de la cour de Madrid après avoir eu pour mission de féliciter les souverains de la naissance d’un héritier, Baltasar Carlos, né le 17 octobre 1629. Comme à chaque fois qu’une mission diplomatique prend fin, le Conseil délibère sur la question des présents à lui donner pour le remercier. Dans un premier temps, le 20 mars 1630, on ne lui accorde que la chaîne d’or de cinq cents ducats, valeur normale d’un cadeau à un secrétaire d’ambassade, comme l’indiquent les conseillers89. Cependant, le lendemain, les dirigeants espagnols reviennent sur cette décision, notant que bien que le Comte ne soit pas venu comme ambassadeur ni même comme secrétaire, son titre de grand écuyer de la reine de France, le fait qu’il soit fils cadet de Sully et gendre du maréchal de La Force obligent à revoir à la hausse la gratification envisagée. À plusieurs reprises, le Conseil relève un dernier atout en la faveur de ce fils et gendre d’hérétiques : sa conversion au catholicisme en 162590. Cela ne semble pas néanmoins influencer le Conseil, lorsque le 21 mars 1630 celui-ci accorde à Orval « un bijou de trois mille ducats, ce qui est un peu moins que ce que l’on a l’habitude de donner aux ambassadeurs ordinaires91 ».
77Ces pratiques sont identiques dans toutes les cours princières, même si les diplomates espagnols notent très rarement dans leur correspondance les présents qu’ils reçoivent du roi de France92. Malgré l’affirmation de Cristóbal de Benavente, qui déclare :
Il n’y a aucune chose dont doivent se méfier les ministres des grands rois autant que de la réception de dons et de présents qu’on tente de leur faire [accepter], car les richesses et l’intérêt particulier emportent et renversent le cœur et obligent à perdre la fidélité93,
78tous les diplomates acceptent les présents. D’ailleurs, Benavente lui-même, après cette assertion, précise peu après qu’il est impossible de refuser un cadeau quand il est offert par un souverain...
79Dans certaines occasions exceptionnelles, les autorités dispensent leurs largesses : afin de remercier Cárdenas pour le rôle qu’il a joué dans la conclusion des mariages franco-espagnols, Marie de Médicis lui envoie deux coffrets (boulas) d’argent d’une valeur de quatre mille ducats94 : il est clair que le diplomate ne peut refuser...
80À l’image de leurs contemporains, les ambassadeurs espagnols à Paris sont très attentifs aux présents distribués par les diplomates des autres pays. Cárdenas note en décembre 1610 que l’agent du duc de Savoie offre des bijoux aux ministres français, dans le but de prolonger l’alliance conclue avec Henri IV95. Au même moment, alors que les largesses savoyardes sont considérées par l’ambassadeur espagnol comme des tentatives de corruption, celui-ci note que les envoyés de Venise se conduisent en pingres96...
81Ces variations dans le jugement porté sur les cadeaux montrent l’ambivalence des attitudes concernant l’argent et les présents. Corrupteur, mais également signe d’aisance, de vertu et de générosité, le don organise et cristallise les rapports formels entre les deux couronnes par l’intermédiaire de leurs agents. Lors de la venue d’ambassadeurs extraordinaires, la valeur des gratifications accordées s’accroît jusqu’à représenter le double de celles qui sont attribuées aux ambassadeurs ordinaires. Le Conseil d’État rappelle chaque fois le traitement réservé au précédent émissaire de même qualité et demande de rechercher les exemples précédents97. La force de ces codes de comportement est telle que, même dans les périodes de grande tension, l’échange de présents constitue une nécessité absolue.
82On trouve une exception, pratiquement unique, à cette règle de courtoisie réciproque – l’affaire confine au scandale – avec l’ambassade extraordinaire du chef militaire espagnol don Gonzalvo de Córdoba, en mars 1632. Malgré l’acrimonie dont les deux parties font preuve pendant ce court séjour98, Louis XIII respecte les conventions et fait parvenir à Córdoba une épée et un baudrier d’une valeur de dix mille écus. Or l’ambassadeur refuse ce présent, ce qui constitue un désaveu de l’accueil français et un geste de mépris. Selon Le Mercure françois, qui s’empare de l’incident, jamais un tel affront n’avait été subi par le Royaume99. Le Conseil d’État espagnol ne comprend pas davantage cette attitude : Olivares demande des comptes à Mirabel et attend une lettre d’explications de Córdoba100.
83La Monarchie Catholique dispose d’un moyen supplémentaire pour remercier des diplomates ou des personnages importants : celui-ci consiste à leur accorder le droit d’exporter des chevaux. Les chevaux espagnols sont appréciés depuis longtemps et, à partir du XIIe siècle, font l’objet des convoitises de l’étranger101. Les textes législatifs interdisent de les vendre à l’étranger sans licence. Dans ces conditions, ces montures sont des cadeaux spéciaux. La plupart du temps, les diplomates français demandent d’eux-mêmes cette autorisation d’emmener des chevaux. Vaucelas, quittant Madrid, obtient le droit d’acheter six chevaux puis, insatiable, demande une autorisation pour deux montures supplémentaires. Le Conseil d’État accepte mais, dans le procès-verbal de ses discussions, sont précisés en annexe la robe et l’âge des chevaux qu’emmène l’ambassadeur102... Le diplomate français peut formuler cette demande au nom d’un noble de son royaume. Cet appétit de chevaux espagnols est tel que des envoyés de Montmorency, ayant obtenu l’autorisation d’exporter deux chevaux, se font arrêter avec quatre103... À Paris, Monteleón avertit Madrid des désirs français et avise
qu’une personne bien intentionnée porte une dépêche pour obtenir une licence pour les chevaux, et il est sûr que ce Roi se trouve dans une pénurie de montures104.
84Ces licences d’exportation constituent une manière de récompenser les bons services rendus à la Couronne. Cárdenas écrit qu’il faut accepter les demandes de Souvré car celui-ci, au cours des négociations des mariages, fut « très favorable à l’Espagne105 ». Cependant, les complexités administratives et les interdictions d’exporter entravent parfois ces petits gestes qui entretiennent l’amitié. Ainsi, le Conseil de la cámara a refusé les grâces accordées à Épernon et Souvré106. À plusieurs reprises, le cardinal de Richelieu sollicite l’autorisation d’acheter des chevaux espagnols107. Malgré les fortes oppositions (1629 : guerre de Mantoue ; 1634-1635 : détérioration des relations bilatérales108), à chaque fois le Conseil d’État accepte les demandes françaises.
85L’organisme dirigeant de la monarchie ibérique montre que les gratifications aux ambassadeurs et émissaires sont constitutives des relations bilatérales. Il ne comprend ni le refus de Gonzalvo de Córdoba, ni les réticences du Conseil de la cámara. Pour les autorités, ces actions sont publiques, les gestes ayant valeur de symbole et d’affirmation de la Monarchie.
86La plupart des dons et faveurs évoqués jusqu’à présent relèvent des finances royales et non de celles des diplomates. Les ambassadeurs, lorsqu’ils ont besoin de remercier des personnalités, agissent parfois publiquement, mais souvent prélèvent les sommes sur les fonds secrets. Pensions, rétributions, présents à des particuliers constituent autant d’initiatives opaques qui participent de la diplomatie souterraine.
La question des fonds secrets
87Liée à la notion de gratification, la définition des fonds secrets est impossible à cerner avec précision. Le caractère caché, l’anonymat des bénéficiaires règnent le plus souvent et brouillent les évaluations. Le graphique 13 (voir p. 284) indique les rapports entre les fonds secrets et les dépenses totales exprimés en pourcentage.
88Les fonds secrets ne dépassent jamais les dépenses ordinaires de l’ambassade. Ils atteignent leur montant maximum avec Benavente, selon un relevé de comptes portant sur quatre années (1633-1637), alors que le diplomate quitte le royaume quelques mois avant la déclaration de guerre109. Dans ce cas, presque la moitié (47,5 %) du budget de l’ambassadeur est consacrée aux fonds secrets. Si l’information transmise à la Chambre des comptes (Contaduría Mayor de Cuentas) est exacte, le résultat n’est pas surprenant. Les relations avec les autorités sont devenues quasi inexistantes et la plupart des grands et ministres se méfient de l’ambassadeur, soit à cause des menaces que de tels liens pourraient faire peser sur leur avenir, soit parce qu’ils sont engagés au côté de Richelieu. Il ne reste plus à Benavente qu’à tenter d’acheter des complicités.
89L’importance des sommes destinées aux ressources secrètes entre 1612 et 1615, pendant l’ambassade de Cárdenas, doit être nuancée. En effet, sur environ soixante mille écus dépensés en quatre ans pour les affaires clandestines, quarante-huit mille reviennent uniquement au duc de Lorraine, sous la forme de la pension (douze mille écus) que lui verse annuellement la monarchie espagnole. Si l’on exclut cette importante ponction, les fonds secrets ne représentent plus que 11,3 % du total des dépenses, soit une proportion modérée. À l’inverse, nous avons déjà indiqué que le faible poids de ces frais dans le budget de l’ambassadeur espagnol en Savoie, Oñate, s’explique par l’importance de la place prise par les dépenses causées par des funérailles princières.
90L’étude de ce graphique permet d’affirmer que les fonds secrets représentent toujours entre un septième et la moitié des dépenses totales des ambassadeurs, en France comme en Italie. Pour le Milanais à l’époque de Fuentes, M. G. Giannini estime les dépenses secrètes à 11 % du budget de l’ensemble du Duché, ce qui représente la somme énorme d’un million trois cent dix-huit mille écus pour les années 1601-1607110. Près de 80 % sont composés de pensions (huit cent quatre-vingt mille écus) destinées à la Suisse et la Savoie, alors qu’environ quatre cent mille écus restent sans justificatif précis.
91Ces estimations appellent deux remarques. D’une part, la politique étrangère de Lerma apparaît particulièrement onéreuse. Cette recherche de « quiétude », de pax hispanica en Italie, et de relations pacifiques en Angleterre favorise la sortie de l’argent de la Péninsule. Il ne semble pas, bien au contraire, qu’il y ait un changement d’orientation avec le règne de Philippe IV et l’arrivée au pouvoir d’Olivares. Ces orientations de la diplomatie souterraine perdurent, les ambassadeurs en France dissipant des sommes toujours croissantes. Versant secret de la redistribution des richesses à l’échelle européenne, la diplomatie participe aux flux financiers.
92Une seconde remarque concerne la non-justification de l’emploi de ces fonds. Nous avons déjà vu le cas de Mirabel, dont les comptes ne satisfont pas la Contaduría Mayor de Cuentas. On trouve à trois reprises de grands personnages de la politique espagnole aux prises avec des problèmes semblables. Les finances du comte de Fuentes font l’objet d’un « audit » lors de la venue du visiteur royal, Felipe de Haro, dans le Milanais de 1606 à 1610. Malgré l’ordre du Conseil d’État de ne pas inquiéter le gouverneur, des malversations sont découvertes dans la construction du fort de Fuentes. Le gouvernement de Madrid est divisé entre la volonté de mettre fin aux abus et le désir de ne pas affaiblir son « proconsul ». Après la mort du gouverneur, la question des détournements est de nouveau évoquée111. On rencontre ce même soupçon et cette même gêne de Madrid envers Spinola. Nommé par Philippe III responsable des fonds secrets pour les Pays-Bas espagnols, le Génois est suspecté de malversations. Un contrôleur (veedor), Francisco de Irarrazabal, est envoyé pour vérifier les comptes secrets, qu’il est difficile de justifier112... Enfin, Andrés Velázquez, espía mayor du roi d’Espagne, est l’objet des mêmes soupçons. Dirigeant depuis près de dix ans les agents secrets et les indicateurs de la Couronne, il est accusé de prévarication et de détournement de fonds. Circonstance aggravante, ses liens avec la faction de l’ancien valido Uceda apparaissent au moment de son procès. On l’accuse d’avoir perçu cinquante mille ducats de la part d’Osuna. Velázquez réplique en affirmant les avoir refusés et remis au confident du duc, l’écrivain Quevedo113.
93Le travail et les finances de l’ombre sont toujours difficiles à clarifier. Quel est le montant des sommes dépensées pour la défense de la Monarchie ? Celles-ci ont-elles été dilapidées ? Y a-t-il eu des détournements de fonds ? Toutes ces questions ne peuvent être résolues. Au niveau de notre étude, il est remarquable que bien peu de remarques des Conseils d’État ou des Finances reprochent aux ambassadeurs leur gestion. L’important est de noter l’importance non négligeable des activités secrètes par rapport aux dépenses courantes. La proportion que nous avons dégagée signifie que l’une des occupations majeures de l’ambassade concerne, sinon l’espionnage, du moins l’achat d’amitiés et la recherche de trafics d’influence. Certes, ces données entrent dans le cadre plus global des distributions de gratifications et le terme de corruption ne prend pas au XVIIe siècle le même sens que de nos jours. Cependant, il est net que l’argent espagnol demeure une arme essentielle aux mains des diplomates114.
94À mesure que l’on avance dans le siècle, ces fonds secrets paraissent ne plus suffire pour obtenir des informations. Une inflation des « coûts » semble toucher tous les secteurs diplomatiques. Déjà, pour le domaine levantin, on constate à la fin du XVIe siècle et au début du suivant une augmentation constante des rémunérations versées aux informateurs espagnols opérant dans l’Empire ottoman115. Ces données sont confirmées par Juan de Vera y Zúñiga, ambassadeur à Venise au début des années 1630. Celui-ci, outre la difficulté de contrer la terreur que fait régner le Conseil des Dix116, se trouve bien souvent embarrassé pour réunir les sommes nécessaires au paiement des rares agents qui lui proposent leurs services117. À Rome, le cardinal Borgia, représentant de Philippe IV, refuse d’acheter le chiffre dont se sert la diplomatie pontificale, trouvant le prix de mille écus trop élevé118.
95L’impression générale d’une dégradation des ressources financières espagnoles, concomitante à une croissance du coût général de l’information, aboutit à une situation souvent dramatique pour les diplomates. Lefèvre et Cuvelier résument ainsi une lettre du marquis de Mirabel au roi alors que le diplomate s’excuse du retard pris pour retourner à son poste de Paris :
Le roi lui a ordonné de retourner à Paris ; il s’excuse de ses embarras d’argent. Il n’y a pas un marchand à Paris ou à Bruxelles qui voulût lui avancer un réal, tant il s’est discrédité en manquant aux nombreux engagements qu’il avait contractés. Il voudrait faire revenir sa femme sans aucun désagrément pour elle, en laissant en garantie à ses créanciers les joyaux de la Marquise et les autres bijoux de sa maison et ses domestiques comme otages. Non seulement on ne lui a pas donné de quoi payer ses dettes, mais on lui doit ses gages ordinaires. Il n’a pas de quoi s’entretenir et ne peut rien entreprendre. Si les vingt mille écus que l’Infante [Isabelle, archiduchesse gouvernante des Pays-Bas] lui a fait remettre en déduction d’une ayuda de costa arriérée ne lui avaient permis de dégager une partie de son argenterie, il n’aurait pas un plat pour manger119.
96Récriminations communes, les mêmes que celles de Tassis en 1599, qui affirmait avoir dû vendre sa maison pour subvenir aux dépenses de l’ambassade, mais qui correspondent à une certaine réalité, souvent prosaïque. À l’annonce de leur nomination, la plupart des diplomates affirment ne pouvoir remplir cette charge, faute des moyens suffisants. Pour les convaincre, le Conseil accorde commanderies et aides spéciales. Malgré cela, il apparaît que les ambassadeurs dont la carrière se clôt par cette charge ont dilapidé leur fortune pour le service royal. Les exemples de Gondomar et de Guillén de San Clemente illustrent cette fragilité de la noblesse castillane lorsqu’elle remplit des charges diplomatiques120.
97Les moyens de la politique extérieure du Roi Catholique ne se réduisent pas seulement à l’image d’Épinal de la distribution des doublons espagnols. Les monarchies se dotent de nouveaux offices au cours de la Renaissance. La construction de l’« État moderne » ne suit pas un processus continu d’amélioration des fonctions, des institutions et de leur efficience. Il n’existe pas de plan préconçu, mais plutôt de lents tâtonnements incessants, constitués d’innovations, d’oublis, de réappropriations d’expériences diverses.
98Deux offices illustrent cette « genèse » chaotique des institutions à laquelle sont confrontés les diplomates et les autorités espagnoles au cours de notre période : l’introducteur des ambassadeurs et l’espía mayor. Ils apparaissent sous le règne de Philippe III, dans le cadre de cette monarchie administrative (si on la compare à la monarchie française), s’épanouissent pendant quelques décennies puis sombrent dans l’oubli, en dépit de leur efficacité. Par ailleurs, la présence de l’Inquisition n’est pas anodine : institution de contrôle et de surveillance, elle joue un rôle difficile à mesurer dans les relations internationales.
IV. – Offices
Le Saint-Office comme service secret
99À l’époque moderne, la surveillance religieuse exercée en Espagne par l’Inquisition est permanente. Le Saint-Office intervient dans toute la vie politique, économique, sociale et culturelle de la Péninsule. Il entretient des contacts réguliers avec les différentes institutions, l’espía mayor, le Conseil d’État et les diplomates.
100Depuis 1478, l’Inquisition « à la mode espagnole » s’étend dans les possessions ibériques (l’Inquisition portugaise est établie en 1547) et en Sicile, alors que le Royaume de Naples a refusé ce contrôle121. Dans l’Inquisition à « la mode espagnole », l’institution a partie liée avec la Monarchie. Ancrée dans l’opinion122, la recherche de la limpieza de sangre et de la pureté du catholicisme constitue l’un des buts du Saint-Office123.
101Dans quelle mesure l’Inquisition influence-t-elle les décisions d’État et particulièrement la diplomatie ? Comment intervient-elle dans l’espionnage ? Elle dispose de moyens différents de ceux des pouvoirs séculiers et ecclésiastiques. En cas de conflit de juridiction, la solution tourne apparemment toujours à son avantage. Dans les ports, le Saint-Office dispose de commissaires qui visitent les navires, afin d’y chercher de possibles traces d’hétérodoxies (par exemple, des livres interdits), mais s’il trouve des marchandises de contrebande ou constate d’autres faits délictueux, l’affaire est renvoyée devant les tribunaux compétents. Pour opérer, il fait appel au bras séculier ou bien recourt aux « familiers » (correspondants…), afin de s’en servir comme hommes de main. Dans les douanes et les « ports secs » (frontières terrestres entre les royaumes), il ne s’agit pas de commissaires mais de contrôle ad hoc, temporaires, des passages124.
102Les nombreuses interdictions font du Saint-Office un rouage essentiel de la surveillance du territoire. Les lois de 1558 et 1610 renforcent l’interdiction d’importer et d’exporter des livres non visés125, celles sur le commerce (monopoles, prix, etc.) et sur l’émigration lui permettent d’intervenir dans de nombreux domaines sous prétexte de lutte religieuse.
103L’Inquisition traque d’abord les déviants, dont les clercs espagnols attirés par le protestantisme. Les premiers suspects sont les voyageurs, qui peuvent être en relations avec l’hérésie. Pour éviter cela, on insiste sur la perméabilité des frontières :
Le cardinal de Tolède dit au Conseil d’État que le Conseil de l’Inquisition a étudié les lettres des inquisiteurs d’Aragon et de Catalogne qui ont su que, par ces frontières, sont passés en France beaucoup de religieux de ces royaumes et [que], arrivés là-bas, [ils] sont devenus hérétiques et apostats et ils se marient, de quoi Notre-Seigneur est offensé et la réputation de la nation espagnole souffre préjudice126.
104Les avis des inquisiteurs locaux soutiennent ces contrôles par des dénonciations au Conseil d’État127.
105Les désordres étant considérés comme ayant généralement une cause allogène, la surveillance s’exerce donc contre les étrangers, dont les nombreux immigrés français présents dans la Péninsule. Des études sur l’Inquisition relèvent ce contrôle tatillon. En 1612, des lettres de la Suprema pratiquent une distinction entre les commerçants de passage et les résidents, attendant des seconds une conversion. En 1620, afin d’éviter « la plaie de l’hérésie », on interdit aux étrangers de posséder des demeures situées dans les cités portuaires128. Une des preuves de la réussite de l’intégration des immigrés réside dans leur collaboration avec l’Inquisition129.
106L’attitude de celle-ci face aux étrangers change en fonction des circonstances130. À partir de la fin du XVIe siècle, le Conseil de la Suprema inaugure une politique plus tolérante, d’abord envers les marchands protestants de Hambourg en 1597, donnant des ordres aux différents tribunaux d’être plus indulgents. Les clauses du traité hispano-anglais de 1604 étendent ces mesures aux Anglais (à la condition qu’ils ne se livrent à aucun prosélytisme ni à aucune provocation). Il faudrait chercher des éléments semblables envers les Hollandais, à la suite de la Trêve de Douze Ans, et envers les Français, après la paix de Vervins, pour confirmer cette tendance « libérale »131. A l’occasion des mariages franco-espagnols, le duc de Mayenne présente un mémoire aux autorités, intervenant en faveur de la libération de Français prisonniers et condamnés en Espagne et demandant le libre passage des Béarnais protestants en Espagne (point 13) ; le Conseil d’État renvoie la décision au Conseil de la Suprema, qui refuse cette demande132. De fait, les autorités françaises se plaignent fréquemment des entraves mises par l’Inquisition au commerce133. Les missions diplomatiques elles-mêmes ne sont pas exemptes de suspicion. Le duc de Mayenne demande à Cárdenas que l’Inquisition n’inspecte pas ses effets personnels134 et, le 12 avril 1612, ce diplomate assure qu’il n’y aura pas dans sa suite de personne qui « ne soit très catholique135 ».
107Contrôlant les immigrés, les commerçants et même les diplomates, l’Inquisition cherche-t-elle uniquement les hérétiques ? Est-elle chargée de traquer les espions français infiltrés en Espagne ? Aucun élément de réponse ne permet de l’affirmer. L’étude des relaciones de causas (résumés des procès) du tribunal de Logroño évalue que 70 % des Français condamnés entre 1582 et 1635 le sont pour protestantisme, 10 % pour blasphème, 7 % pour sorcellerie136. Cela signifie-t-il qu’il n’y a aucun espion français ? Ne peut-on condamner pour un motif cachant le mobile réel du délit ? Depuis l’affaire Antonio Pérez, l’emploi de l’Inquisition dans des affaires gouvernementales est connu137.
108L’Inquisition espagnole n’agit pas uniquement sur le territoire ibérique. À la suite d’informations sur l’apostasie de religieux espagnols dans le Sud de la France, Tassis reçoit les ordres suivant du Conseil d’État :
Je vous charge de vous informer s’il y a d’autres Espagnols dans cette cité et cette région, que vous les soumettiez, ou que vous en rendiez compte, à l’Inquisition d’Espagne avec le plus grand soin pour ne pas éveiller les soupçons de cette nation sur les intelligences là-bas. Pour la réduction, on emploiera et chargera de l’affaire, par Avignon, proche d’ici, Juan Granollach, naturel de Barcelone, marié et résident en Avignon, lequel par les lettres des 21 et 30 novembre138...
109Ce document souligne la présence hors du territoire espagnol d’un agent de cette institution ; Juan Granollach, commerçant catalan, est un familier de l’Inquisition. Service secret de la monarchie, le Saint-Office exerce son activité à l’étranger139. Un autre exemple d’activité de surveillance nous est fourni par la correspondance de l’ambassadeur espagnol auprès de la république de Gênes :
L’inquisiteur de cette ville [de Gênes] m’a averti que d’Arles, Narbonne et autres lieux de France beaucoup de Français huguenots s’embarquent avec leur femme et leurs enfants et qu’ils vont vivre en Catalogne, Sardaigne, et Corse ; et cela il l’a su par la confession d’autres qu’il tient prisonniers ; de cela il a prévenu le duc de Feria, le comte d’Elde et il m’a paru devoir en avertir V. M.140.
110Enfin, de janvier 1616 au mois de février 1618, une affaire d’importation de livres hérétiques agite les milieux dirigeants espagnols et implique l’Inquisition, l’ambassadeur Monteleón, l’espía mayor Andrés Velázquez, le duc de Lerma et le père Cotton. Or, l’instigateur de cette affaire n’est autre que Gérard de Raffis. Connaissant la suspicion espagnole à l’égard de tout signe hétérodoxe, ce dernier dénonce de prétendus commerces illicites d’œuvres réformées. Il profite ainsi des largesses de l’ambassadeur espagnol en France, prix de ses informations.
111La mobilisation de l’espía mayor, du valido, de l’ambassadeur à Paris et les appels aux enquêtes de l’Inquisition dessinent des contours institutionnels orientés vers un contrôle policier de la pensée. La dimension même des possessions de la Monarchie Catholique et les caractères propres à cette dernière empêchent la constitution d’un appareil semblable à l’Inquisition vénitienne, véritable police politique d’État141. De plus, il faut se garder de commettre un contresens à propos de la signification de ce containment religieux : les réalités du XVIIe siècle, l’extension géographique de la Monarchie Catholique et son ouverture européenne et américaine – même si le pouvoir la refuse – l’obligent à vivre avec ces incertitudes, mais il apparaît que l’Espagne tend à perfectionner ses instruments de contrôle au cours de ce premier tiers du XVIIe siècle.
La libre circulation des personnes et l’accès aux ambassadeurs
112À partir de la deuxième moitié du XVIe siècle, aux prises avec la fracture religieuse, la plupart des monarchies européennes élaborent des mesures qui individualisent et autonomisent les régnicoles de chaque royaume ou possession, signes de prises de conscience de certaines identités particulières. Nous avons déjà fait allusion142 à la fermeture « nationale » en matière universitaire, au rôle tenu par la montée des xénophobies de différents ordres, francophobie et hispanophobie pour notre champ d’études.
113Ce resserrement de l’espace identitaire pose des problèmes d’adéquation dans le cas de la monarchie ibérique, dont nous avons vu la nature plurinationale et profondément hétérogène. Les autorités recherchent une surveillance plus sûre de leurs territoires et de leurs populations. Ainsi, les autorités espagnoles renouvellent l’interdiction d’émigrer en 1625, la percevant comme une source d’appauvrissement143. On tente de prohiber les passages de frontières, d’empêcher les mariages entre personnes de nationalités différentes...
114Les relations internationales et le droit des gens sont évidemment affectés par ces orientations. La question de l’accès aux ambassadeurs étrangers se pose dans les diverses principautés : doit-on laisser les régnicoles entrer en contact avec les représentants d’une puissance réputée étrangère ? Une telle interdiction modifie les pratiques du corps diplomatique, ses fonctions et ses relations. Dans les relations bilatérales franco-espagnoles, la liberté de mouvement accordée ou refusée aux diplomates est à envisager depuis un double point de vue : celui de Madrid et celui de Paris.
115Dans le royaume français, on assiste pendant le premier tiers du XVIIe siècle à de fortes pressions pour faire adopter cette mesure « isolationniste ». À trois reprises – en 1617144 lors de l’assemblée des notables de Rouen, en 1626-1627 pendant celle des Tuileries et en 1639 –, il est proposé d’interdire aux représentants étrangers d’entrer en relations avec des régnicoles. On justifie de cette mesure en argumentant à partir de l’exemple de la Ligue. En cas de transgression, on prévoit comme sanction une inculpation sous l’accusation de crime de lèse-majesté, assimilant donc les rapports avec les représentants étrangers à une forme de trahison du souverain. De fait, il transparaît de ces discussions que c’est le nonce qui est le principal agent visé par cette interdiction. On discute alors pour savoir si on peut le qualifier d’ambassadeur ou bien s’il est un représentant de nature différente. Le nonce Bentivoglio, agissant au nom du Saint-Père, réagit vivement auprès de Louis XIII145, qui choisit de repousser l’entrée en vigueur de la mesure.
116L’ensemble du corps diplomatique s’avère particulièrement attentif à ces débats. Les agents espagnols accueillent souvent des sujets du roi de France dans leur hôtel, depuis les ducs de Guise et de Nemours jusqu’à des espions comme Mérargues ou Clausels. Monteleón informe Madrid des intentions françaises, prévenant que la majorité de l’assemblée de Rouen est favorable à l’interdiction d’accès et que les agents anglais, hollandais et le nonce sont intervenus pour protester contre cette mesure. Prudent, il note :
Cette discussion m’a paru indécente et imprudente car pour l’essentiel cela ne remédie en rien aux maux dont ils ont peur et dénote une grande méfiance envers leurs sujets.
117Monteleón précise :
La noblesse et les princes attachent trop d’importance à mon amitié et à ma correspondance, ayant jugé spécialement extraordinaire le concours [affluence] qu’il y eut dans ma maison à l’époque où ma sœur mourut ; mais je ne peux l’éviter, encore que, dans mon intérêt, je le souhaite. Je n’ai pas eu d’indication que cela ait pu leur causer de la crainte [...] et ce qui les a poussés ainsi, selon ce qu’on entend et dit, tient aux huguenots et à la façon excessive dont l’ambassadeur d’Angleterre s’entremit dans les rumeurs passées et les concours [assistances nombreuses] qu’il y a au moment des prêches dans sa maison146.
118La prudence dicte donc au diplomate espagnol de ne pas s’immiscer dans des débats dont il attribue l’origine non pas au nonce, mais à la conduite de l’ambassadeur d’Angleterre.
119Dix années plus tard, ce thème de l’accès aux ambassadeurs réapparaît lors d’une nouvelle assemblée des notables, tenue à partir de décembre 1626 aux Tuileries, lorsque le premier président et la majorité de l’assemblée adoptent le 20 janvier 1627 un article interdisant tout contact avec les représentants étrangers, y compris le nonce147. Comme en 1617, le nonce (Spada), appuyé par l’épiscopat du royaume, proteste auprès du roi et obtient la promesse de Louis XIII de ne pas ratifier cette décision, soulignant que le représentant du pape ne pourra pas être assimilé à un étranger. Comme Benavente, Mirabel annonce à Madrid les dispositions prises. Cependant, deux éléments montrent un changement d’attitude de l’ambassadeur et de ses rapports avec les Français. D’une part, il souligne que « jamais aucune visite n’entre pas par ses portes qui ne se soit d’affaires et avec l’ordre exprès du roi ». D’autre part, Mirabel demande à Madrid de lui donner des directives afin qu’il adopte une attitude claire sur cette question148.
120Cette tentation xénophobe de la fermeture des contacts avec des étrangers ressortit au même élan de police auquel on assiste sous Richelieu à propos de la censure. Si en 1617 et en 1627 les deux tentatives de contrôle ont échoué, en 1639, les autorités françaises imposent, par le moyen d’une lettre de cachet, l’interdiction à l’épiscopat de communiquer avec le nonce. À cette date, les deux monarchies sont en guerre et les relations bilatérales sont rompues ; peu importe à Madrid une telle décision.
121Auprès du Roi Catholique, la situation des diplomates ne nous est connue que par deux allusions. En 1600, quand Philippe III s’apprête à jurer la paix de Vervins, le Conseil d’État espagnol déplore que le nonce soit parti en voyage à Ávila sans demander l’autorisation ni prévenir les autorités. Dans ce document, le Conseil demande au souverain de rappeler aux ambassadeurs (assimilant par la même occasion le nonce à un ambassadeur) qu’ils doivent prévenir les autorités avant tout déplacement dans la Péninsule149.
122Une seconde anecdote montre que la Couronne regarde les diplomates comme des agents devant entourer le souverain, lequel peut demander à les rencontrer à tout moment. Lors de la querelle de 1634, lorsque Barrault refuse de se rendre à la chapelle, le Conseil d’État le fait appeler, mais pendant plusieurs jours l’ambassadeur demeure introuvable. Cette absence conduit Olivares à parler d’espionnage à son propos, sous-entendant qu’un diplomate doit pouvoir être contacté à tout moment150.
123Dans les deux cours, la tentation reste grande de limiter la mobilité et les communications des ambassadeurs afin d’exercer une emprise plus ferme des autorités sur le corps diplomatique et les populations. Au début du XVIIe siècle, cette séduction pour la surveillance des régnicoles et des diplomates a déjà trouvé son débouché dans les républiques de Gênes et de Venise, où les inquisiteurs d’État exercent les fonctions d’une police politique, interdisant effectivement les contacts avec les étrangers. L’ambassadeur espagnol auprès de la Sérénissime se plaint amèrement de ce contrôle policier et décrit la crainte de ses rares informateurs envers les « mouchards » de la République151.
L’introducteur des ambassadeurs
124Apparu à la fin du XVIe siècle à la cour d’Henri III, l’office d’introducteur (ou conducteur) des ambassadeurs répond à un besoin nouveau de la monarchie française parvenue à un stade particulier de son développement. La création de cette fonction s’explique tout autant par les exigences des cérémonials et par la codification progressive des règles de conduite dans les cours que par la volonté, chez la puissance qui reçoit les diplomates, de contrôler ces derniers. Le terme de police, pris au sens large, résume assez bien les finalités de l’office d’introducteur des ambassadeurs : on recherche une organisation de la Maison du roi qui corresponde à l’image que la monarchie veut communiquer d’elle-même et, simultanément, cette organisation favorise une extension du pouvoir royal sur les agents diplomatiques.
125La charge d’introducteur des ambassadeurs est officiellement créée en 1585, pour un proche du souverain, Jérôme de Gondi. Baguenault de Puchesse affirme que le titre original est celui de « grand maître des cérémonies et introducteur des ambassadeurs et princes étrangers152 », associant les deux fonctions : cérémonial et relations avec les agents étrangers. En fait, Marcel Marion relève que la charge de grand maître des cérémonies est accordée à Guillaume Pot, seigneur de Rhodes153. Enfin, on remarque que dès 1578 Jérôme de Gondi est affecté au rôle de « celuy qui a charge de se tenir ordinairement auprès des ambassadeurs154 ». Quelle que soit la date d’apparition de cet office —1578 ou 1585—, cette création correspond au développement politique de la Cour et traduit la volonté d’en contrôler l’accès.
126Les sources étudiées ne mentionnent pas l’office de maître des cérémonies ; en revanche, les ambassadeurs espagnols en France sont en rapport constant avec l’introducteur des ambassadeurs. Une des principales caractéristiques de cette charge est d’avoir le monopole de l’organisation des audiences royales. À plusieurs reprises, les représentants du roi d’Espagne se heurtent à ce dispositif. En mai 1611, Cárdenas signale que l’agent des Provinces-Unies vient de subir la colère de Marie de Médicis pour avoir voulu forcer l’entrée des appartements de la souveraine et ne pas avoir prévenu l’introducteur des ambassadeurs de sa visite155.
127Les différents introducteurs des ambassadeurs restent en permanence auprès du souverain. Jérôme de Gondi, puis son fils à partir de 1605, Bonneuil à partir de 1608156, Guron et Bautru à partir de 1632, sont les intermédiaires des diplomates. À ce titre, Gondi avertit Tassis qu’une audience prévue avec Henri IV est reportée, le souverain étant malade157. Nous avons vu Zúñiga particulièrement alerte pour prendre la préséance sur l’ambassadeur d’Angleterre alors que l’introducteur, occupé avec le roi de France par une audience, lui avait demandé de patienter dans une antichambre réservée aux diplomates158. À partir de 1620, la Cour est munie de deux introducteurs, auxquels on adjoint un lieutenant.
128La charge n’a pas pour seule fonction de régler les audiences. L’introducteur constitue aussi le représentant du souverain auprès des agents étrangers et des princes. Lors de l’arrivée d’un ambassadeur ordinaire, l’introducteur le rejoint à Saint-Denis159. Il avertit le corps diplomatique de l’organisation du cérémonial à l’occasion des grands événements, par exemple au moment du couronnement de Marie de Médicis ou des funérailles d’Henri IV. Lorsque la maison du diplomate est menacée par la foule à la suite de l’assassinat du roi, la reine envoie l’introducteur des ambassadeurs protéger la mission espagnole160. Ordonnateur des audiences et représentant du souverain, il se présente aussi comme le porte-parole du roi. En 1611, alors que les conversations sur les mariages franco-espagnols sont entamées, Bonneuil se rend chez l’ambassadeur pour lui rappeler que la reine souhaite le pardon des fautes de Frontín et don Lope161. Lorsque Louis XIII refuse l’accès des appartements de la reine à Girón, il lui dépêche son introducteur pour l’en avertir162. Si le souverain est mécontent, l’attitude de l’introducteur des ambassadeurs se modifie à l’égard de l’agent espagnol. Il est possible que la nomination de Bautru, dont les mots ravageurs étaient célèbres, ait accentué la virulence de ce porte-parole ; du moins Benavente se plaint-il à Richelieu du manque de courtoisie de ce personnage163.
129La fonction se démultiplie durant notre période, montrant l’intérêt croissant pour les questions de cérémonial et de protocole, refusant de laisser libre l’accès au souverain. L’importance de ces fonctions transparaît au moment des « petits cadeaux ». Le diplomate espagnol ne manque pas de distribuer des étrennes à l’introducteur, à son lieutenant et à leurs laquais. En 1620, Mirabel offre à M. de Bonneuil un bijou et une chaîne d’une valeur de quatre mille deux cents réaux164. Cárdenas, pour les étrennes, donne quatre-vingt-quatre réaux aux laquais de l’introducteur des ambassadeurs, mais seulement vingt-neuf à ceux du lieutenant de cet introducteur (Girault)165. La hiérarchie des charges est ainsi respectée, même si on a soin de se ménager tous les personnels dont les attitudes peuvent modifier les rapports franco-espagnols. Dans quelle mesure cette charge inclut-elle la surveillance des ambassades ? Les documents espagnols ne laissent rien supposer de tel. Pourtant, une lettre de Bérulle à Richelieu montre Bonneuil fournissant des avis secrets sur la politique étrangère166.
130L’utilité de ce poste conduit les cours anglaise et espagnole à l’adopter. Deux documents émanant de Philippe IV et du secrétaire d’État Ciriza demandent à l’ambassadeur espagnol en France des informations sur l’utilité et l’organisation de cette charge167. La décision de créer ce poste est prise au printemps 1626168. J. H. Elliott établit une relation entre le voyage de Philippe IV à Monzón et l’apparition de cette charge169. Elle permettrait d’éviter l’afflux des agents étrangers lorsque la Cour se déplace et d’organiser un nouvel espace entre le souverain et les diplomates. Les consultas de mars et juin 1626 reprennent certaines caractéristiques de l’introducteur telles qu’elles sont en vigueur en France. L’introducteur doit faire l’intermédiaire entre le corps diplomatique et le souverain et jouer le rôle de porte-parole du monarque.
131Nous n’avons pas trouvé de document mentionnant Francisco Zapata, premier introducteur des ambassadeurs à la cour espagnole. Son rôle nous semble donc discret, bien que les lettres adressées à Mirabel et les consultas de mars 1626 le présentent à l’image de son collègue français. Quant à ses relations avec les affaires secrètes, il est précisé qu’il ne doit pas s’en occuper170 car c’est le domaine de l’espía mayor. En revanche, sous le titre de « lieutenant », la correspondance du Conseil d’État mentionne fréquemment Carlos Baudequin, adjoint de Francisco Zapata et premier titulaire de cette charge171. Dès 1605, ce personnage fait son entrée dans les relations franco-espagnoles à l’occasion du différend opposant le prince d’Orange, pour le compte duquel il travaillait, et le roi de France172. Baudequin entre en contact avec Zúñiga à cette occasion173. En avril 1609, on le retrouve dans la capitale, toujours comme envoyé du prince d’Orange, pour faire des ouvertures à l’Espagne174. Était-il déjà au service du Roi Catholique ? En tout cas, le Conseil et Junte des Finances demande le 26 mai 1610 qu’on lui paie une pension concédée en Flandres175, et cela bien qu’il continue officiellement à servir le prince d’Orange et, parallèlement, informe Cárdenas à Paris176.
132Dix ans plus tard, en 1621, Madrid charge Baudequin de raccompagner en France l’entourage de la reine d’Espagne, ce qui permet d’affirmer que ce personnage est venu s’installer en Espagne177. L’octroi de l’office de lieutenant de l’introducteur des ambassadeurs est certainement une gratification pour cet agent qui sert fidèlement depuis plus de vingt ans le roi. Cependant, même après cette nomination, l’activité de Baudequin concorde peu avec le contenu de sa charge. On le retrouve à plusieurs reprises en rapport avec des mécontents français. En 1625, il est chargé par le roi d’Espagne de transmettre un projet de traité au duc de Rohan178. En 1629, on lui demande de se mettre en contact avec le duc de Bouillon pour fomenter des troubles en France179. Cette mission ne se traduit pas dans les faits, et les sources diplomatiques restent muettes sur cette opération. Au cours de la peste de 1629-1630, Baudequin remplit une fonction plus proche de celle qui lui est reconnue officiellement. Lorsque Madrid, par un édit en date du 28 septembre 1630, impose à tous les Français de se faire enregistrer auprès des autorités, on charge Carlos Baudequin et Henri Sauveulx d’accorder les autorisations de résider dans la capitale180. Enfin, sur ordre royal, Francisco de Irarrazabal et Carlos Baudequin sont chargés en 1632 d’entretenir des liaisons secrètes avec la révolte de Gaston d’Orléans et de Montmorency181.
133Ces quelques traces de l’activité confidentielle de Baudequin surprennent. La charge d’introducteur des ambassadeurs – et donc aussi celle de son lieutenant – possède un caractère officiel. Or le choix d’un tel personnage indique une option opposée. De fait, la plupart du temps, nos sources ne mentionnent pas Baudequin en relation avec sa fonction dans la Monarchie mais avec son activité clandestine. Est-ce la conception espagnole de l’introducteur des ambassadeurs qui impose d’attribuer cette charge à un individu comme Baudequin ? L’absence totale de Francisco Zapata dans la correspondance diplomatique indiquerait plutôt que la nomination de Baudequin à ce poste de « lieutenant » est une façon de le remercier de ses services. Bien que le décret lui attribuant cette charge insiste sur ses qualités et ses connaissances des affaires étrangères182, jamais celles-ci ne sont employées dans les relations avec les diplomates. Y a-t-il un décalage entre la réalité et les résultats escomptés lors de la création de l’office ? De plus, la présence de l’espía mayor auprès de la Cour et la précision que l’introducteur des ambassadeurs ne doit pas se mêler des affaires secrètes laissent supposer que la nomination de Baudequin ne correspond pas à son activité réelle.
L’espía mayor
134Voilà un demi-siècle, un article de Gómez del Campillo, fondé sur une liasse de l’Archivo Histórico Nacional, dévoilait l’existence d’une fonction originale à la cour d’Espagne, celle d’espía mayor183. Sans établir de relation entre les offices d’introducteur des ambassadeurs et celui d’espía mayor, l’auteur notait leur concomitance184. En 1613, Andrés Velázquez est qualifié de « surintendant des correspondances secrètes », titre généralement résumé par l’expression espía mayor. Gómez del Campillo estime cette fonction peu productive et souligne que, jusqu’en 1665, plusieurs titulaires se succèdent à ce poste. La lecture de la correspondance diplomatique montre pourtant l’intérêt de cette charge et le travail effectivement réalisé par l’espía mayor, au moins jusqu’au milieu des années 1620.
135Si Andrés Velázquez est le premier à recevoir le titre d’espía mayor, la fonction apparaît avant lui : auparavant, en effet, la Couronne avait déjà employé son père Juan Velázquez pour des tâches très similaires. Capitaine général de la province de Guipúzcoa et ayant été à ce titre en contact direct avec les hérétiques français pendant les guerres de Religion, Juan Velázquez a été chargé par Philippe II de la surveillance de la frontière pyrénéenne185. Pendant les années 1598-1600, étant situé au cœur du fourmillement des services secrets de la monarchie espagnole, il transmet au Conseil d’État de multiples avis que lui fournissent ses indicateurs sur le royaume de France, son domaine de prédilection. Ainsi, en décembre 1598, il signale le départ de l’évêque de Bayonne pour Rome et prévient Madrid de la situation du comte Antoine de Gramont, le gouverneur de cette ville, ou des projets concernant le mariage de la sœur du roi186. À partir d’informations provenant de deux confidents en France, il analyse l’état des relations franco-savoyardes en février 1599, prévoyant qu’Henri IV rompra la paix pour obtenir la restitution du marquisat de Saluces et ajoutant que cela risque d’entraîner la monarchie espagnole dans la guerre. Un mois plus tard, il annonce que le roi de France a l’intention de faire un grand voyage dans son royaume depuis Lyon, en passant par Marseille, le Languedoc et la frontière pyrénéenne, entouré de plus de dix mille gens d’armes187. De ces différentes menaces, Juan Velázquez informe régulièrement Madrid.
136Par ailleurs, il assure aux autorités qu’il est sans cesse en quête de nouveaux indicateurs en France :
Je suis en train de me procurer de nouveaux correspondants dans tous les endroits, et rapidement nous aurons beaucoup d’avis que j’enverrai ensuite à V.M.188.
137Depuis La Rochelle, Juan Velázquez obtient des informations sur les intentions d’Élisabeth Ire189, car il ne se cantonne pas au domaine français mais étend ses réseaux de renseignements au duché de Savoie, aux îles Britanniques et aux Flandres. Ainsi, il écrit à Philippe III que de sa propre initiative il a envoyé un navire en Angleterre avec à son bord un confident, et que ce navire est de retour après avoir rapidement appareillé de Plymouth190.
138Discret, ce responsable des affaires secrètes ne mentionne que très rarement les noms de ses agents. Parfois, il précise leurs origines, comme lorsqu’il annonce les menaces sur la frontière :
Un autre confident, évêque et grand catholique, très zélé dans les affaires espagnoles, avertit qu’il perçoit la situation française de telle manière qu’il est nécessaire de s’occuper des frontières et qu’il ne faut pas perdre de temps à les pourvoir191.
139Juan Velázquez ne s’aventure qu’une seule fois à citer un responsable, M. de Lussan, affirmant l’avoir soutenu pendant les guerres et être resté en contact avec lui par le biais d’un homme de sa suite192.
140Outre la recherche d’informateurs, Velázquez joue le rôle de chef du contre-espionnage. Il surveille les étrangers dans la Péninsule, signale les cas lui paraissant dangereux pour la sécurité de la Monarchie ou la conservation des secrets d’État et propose des mesures préventives. Ainsi en mars 1599, il observe :
On m’avise que quelques étrangers servent dans des maisons de certains seigneurs et ministres de V.M. avec qui [les agents anglais] correspondent. Il ne convient en aucune manière qu’il y ait des Anglais dans les maisons particulières193.
141Cette place dans l’espionnage et le contre-espionnage est confirmée par son intervention dans le recrutement de Nicolas L’Hoste. Velázquez est en effet en relations avec Juan Blas, banni de France, qui lui-même est en contact avec le commis de Villeroy et, par ce biais, l’espía mayor prend les dispositions nécessaires pour engager le nouvel informateur194. Ainsi, sans en avoir peut-être le titre Juan Velázquez remplit de fait la fonction de « surintendant aux affaires secrètes ». Il a servi à partir de 1591 sur la frontière, à Fontarabie et en Guipúzcoa195, après avoir été militaire196. Un dernier indice souligne l’intérêt qu’on lui accorde à la Cour : sa connaissance des affaires françaises, ses liens avec de nombreux indicateurs expliquent qu’on le pressente un moment pour remplacer Tassis à l’ambassade de Paris en 1601197. S’il n’obtient pas ce poste, ainsi que le note le Conseil d’État, c’est à cause de son état de santé et de son grand âge.
142Juan Velázquez obtient diverses gratifications royales : la possession d’un habit de l’ordre de Santiago, une rente de mille deux cents écus par an198, des rentes perpétuelles, attribuées en 1603 et transférées en 1606 à sa fille, María de Velasco, pour une valeur de plus de cinq cents ducats par an199. Juan Velázquez meurt en septembre 1605. Il semble que sa fonction soit alors occupée par son fils, Andrés Velázquez.
143Un document de 1607 d’un vieil agent de l’espía mayor, Martín de Bustamente, rappelle qu’il a servi sous le père et continue à servir deux ans après sa disparition. On retrouve cet espion quelques années plus tard en étroites relations avec Andrés Velázquez. Les informations fournies par le fils font leur apparition en 1610 et se prolongent jusqu’en 1624. Nous avons sélectionné vingt et une informations de sa part (contre onze provenant de son père), dont quatorze mentionnent les noms de ses indicateurs. Andrés Velázquez entre en relations avec M. de Freixas, agent savoyard, La Forcade, délégué français pour les affaires des confins, Carlos de Roo, Mateo Sandero, Pedro Chávarri, Sancho de Ursda, Martín de Bustamente, etc.200.
144À la différence de son père, Andrés Velázquez est officiellement revêtu du titre d’espía mayor201. D’autre part, il possède des agents espagnols – nous dirions aujourd’hui des « officiers traitants » – qui s’occupent à un second degré du recrutement d’espions. Une délibération du Conseil d’État accuse réception d’une demande d’Andrés Velázquez :
On lui donne trois pensionnés pour qu’ils l’aident et l’assistent ici. Il propose les personnes suivantes : Sancho de Ursúa, un Navarrais informé et habile en ces matières et qui possède une pension de 25 écus en Guipúzcoa, Mateo Sandero qui a une pension à Milan et Pedro de Echavarría, secrétaire du duc d’Aumale, qui servit dans ces affaires son père Juan Velázquez202.
145En tant qu’espía mayor ; il surveille les agissements des étrangers dans la Péninsule. Une junte étudie les propositions de Carlos de Roca (c’est-à-dire Carlos de Roo),
français, de découvrir l’agent infiltré dans cette cour qui correspond avec les ministres français et découvre les matières secrètes traitées en Conseil d’État de V. M. Il semble à la junte que, encore que l’on ne doive se fier que très peu aux Français [...], V.M. sera servie en laissant les vérifications entre les mains de don Andrés Velázquez, lui ordonnant qu’avec beaucoup de délicatesse et ruse il s’efforce grâce à ce Roca [Roo] de connaître les confidents par lesquels la France obtient les informations qui passent par le Conseil d’État203.
146Placé par cette junte à la tête des recherches des espions français à Madrid, Velázquez fait surveiller les maisons des diplomates, rendant compte au valido de ses observations :
Hier 27 juillet, dans la maison de l’ambassadeur de Savoie, se réunirent le comte de Bristol et l’ambassadeur de Venise. L’agent de Mantoue est entré déguisé204.
147En 1610, il part avec le connétable de Castille pour le Milanais avec le titre de conseiller secret du nouveau gouverneur205. Envoyé en Savoie avec pour mission officielle d’obtenir la libération de l’hispanophile Dullani, il rencontre le Duc mais ne semble pas être parvenu à obtenir l’élargissement du prisonnier206. Cependant, dans le contexte de la confrontation entre Madrid et Turin, il découvre une entreprise contre la ville d’Alessandria organisée en 1610 depuis la France et la Savoie par trois personnages qui sont en contact avec Guise, Lesdiguières et Charles-Emmanuel207.
148À son retour à Madrid, en 1613, il est nommé officiellement espía mayor208. Il maintient ses contacts avec les différents responsables italiens et travaille avec Quevedo, l’homme de confiance du duc d’Osuna, pour que ce dernier soit renouvelé dans sa vice-royauté de Naples209. Il soutient le mariage entre les familles Téllez y Girón (à laquelle appartient Osuna) et Uceda. Lors de sa mise en accusation en 1621, Andrés Velázquez résume ainsi son activité d’espía mayor pendant les années 1613-1620 :
Entre autres [services], la découverte du double jeu du comte Julio César Santa Maura, espion double, fut de grande conséquence. Il fut pendu sur la place publique de cette cour, affaire d’importance, et grâce à cela on a découvert la grande tromperie par laquelle on dilapidait les finances de S. M. avec de tels hommes à Naples, en Sicile et à Venise. En plus d’avoir châtié beaucoup des coupables, on a ainsi permis aux finances royales de réaliser de grandes économies, et introduit de meilleures intelligences. Par ma voie, on découvrit aussi l’état d’embarras dans lequel se trouvait le secret des affaires d’État en cours, avec grands dommages pour les affaires de la Monarchie, ainsi que le savent les conseillers et bureaucrates de ce Conseil. On châtia les coupables et, entre eux, Juseppe de Santander, Officier d’État210. [...] Dans tout cela, j’ai montré un grand zèle au service de S. M. car, sans autre considération, je pus surmonter beaucoup d’inconvénients et de dangers pour ma personne, sans égard pour mon élévation et mes prétentions, et parce que ces services contribuent tant au service et à la réputation de la Monarchie, j’en rendis d’autres plus importants dans des cas très particuliers pour la personne de S.M., qu’Elle soit en gloire, m’opposant à des hommes de grande puissance sans espérer d’autre augmentation ni sécurité pour ma propre vie que l’utilité au service royal, comme on le voit dans les papiers écrits à S. M. ; et par d’autres moyens, on verra qu’il est notoire que toujours j’ai négligé mes propres intérêts, dédaignant les augmentations pour mettre en avant en toute occasion le service royal211.
149Ce plaidoyer pro domo du chef des services secrets permet d’entrevoir un des risques inhérents à ce « métier de seigneur212 ». L’action souterraine autorise tous les coups bas, favorise les contacts informels, aucun fondement écrit, ni ordre précis ne permettant de connaître les buts de l’espía mayor. Comme pour les fonds secrets, le contrôle de l’espionnage et du contre-espionnage se révèle quasiment impossible. De fait, on soupçonne fréquemment leurs dirigeants de poursuivre des desseins occultes à des fins personnelles, ce que leur fonction favorise. Cette tendance à l’indépendance et à l’autoritarisme d’une direction policière, ou politique, parallèle se heurte aux autorités officielles, aux personnages de moindre pouvoir, à des intérêts divergents.
150Or, entre 1613 et 1621, la cour de Philippe III est ébranlée par les querelles de factions. La chute du duc de Lerma et la fragilité du pouvoir de son successeur Uceda entraînent Andrés Velázquez dans la bourrasque des luttes entre partis. Déjà, en 1619, des conflits de compétence l’avaient conduit à s’opposer à l’ambassadeur à Paris à propos de l’emploi de Martín de Bustamente213. Lors du rappel du duc d’Osuna et de l’incarcération consécutive de celui-ci, et en raison de sa proximité – de son amitié, affirme-t-il214 – avec le vice-roi destitué, il doit faire face à une accusation de prévarication, difficilement démontrable étant donné la nature des services de l’espía mayor, mais sur laquelle il est facile à ses adversaires de laisser planer le doute, vu le domaine dont il s’agit ; il se voit en effet imputer le détournement de cinquante mille ducats, qu’il affirme avoir transmis à Quevedo. En outre, on le dénonce pour avoir communiqué en chiffre avec le duc d’Osuna et avoir entretenu, ce faisant, des liaisons supposées dangereuses pour le pouvoir de Madrid.
151Velázquez a-t-il été démis de son poste d’espía mayor en 1621, parce qu’il était soupçonné de collusion avec le vice-roi de Naples ? Ce mauvais moment passé, Velázquez a-t-il conservé son office ? On peut le penser car dès décembre 1621 Mirabel, qui est en contact avec un espion rochelais protestant, écrit au roi que l’agent en question veut par-dessus tout éviter de tomber une nouvelle fois entre les mains de Velázquez215. D’autres documents indiquent qu’après cette mise en cause Velázquez poursuit son travail dans les services secrets jusqu’en 1624, adressant fréquemment des avis à Olivares pour l’informer des renseignements qu’il a collectés. La dernière lettre de Velázquez que nous ayons trouvée date de fin octobre 1624 ; elle traite de l’emploi d’un catholique hollandais de passage à Paris, François De Witte, comme indicateur216. On ne sait rien de la carrière d’Andrés Velázquez après cette date.
152Selon l’étude de Gómez del Campillo, le poste d’espía mayor fut alors attribué, à des dates que l’on ignore, au marquis de Chavela217, puis à Gaspar de Bonifaz218 et enfin à Juan de Valencia219. Aucune mention n’est faite des deux premiers personnages dans la correspondance que nous avons dépouillée220. Quant au troisième, il est originaire de Lima et occupe le poste tardivement. Quelle est la nature réelle de la charge exercée par ces trois hommes ? Comment remplissent-ils leur mission ? Aucun document consulté n’y fait allusion.
153De plus, alors que la monarchie ibérique entre en guerre sur tous les fronts à partir de 1635 et plus encore de 1640, apparaît un nouveau responsable des services secrets : Marcelino de Faria221. J. H. Elliott le qualifie de « chef des services de renseignements du roi » en 1640222 : Faria aurait donc succédé à Bonifaz, mort entre-temps, comme espía mayor. Son activité n’apparaît pas négligeable. À cette date, il envoie une relation sur les services secrets et assure qu’il doit être l’ami des ambassadeurs. Quel lien a-t-il avec l’introducteur à la Cour ? Dans son mémoire, il écrit que son gendre Juan de Meneses, travaille avec lui223. S’agit-il du secrétaire de l’ambassade de France emprisonné au moment de la déclaration de guerre ?
154Cette succession des espías mayores se perd peu à peu, à mesure que la Monarchie Catholique se noie dans d’insurmontables problèmes militaires, financiers et politiques. Comme elle excède la période étudiée, nous n’en dresserons pas la chronologie. Gómez del Campillo en a esquissé la trame jusqu’en 1665.
155Les moyens de la diplomatie et de la politique extérieure espagnole semblent sans cesse s’accroître, tant du point de vue financier qu’institutionnel. Les ressources consacrées à l’ambassade ne cessent d’augmenter. Les six mille écus annuels pour l’entretien de la mission en France octroyés à Tassis constituent un montant trop faible pour la fin de notre période, où les dépenses dépassent fréquemment les vingt mille ducats. De plus, les diplomates multiplient demandes de crédits supplémentaires et de gratifications avant même d’entrer en charge.
156Les fonds secrets suivent cette courbe ascendante, quoique la proportion paraisse rester la même au cours de ces trente années. Les cadeaux, étrennes, pensions, toutes récompenses invisibles de services, et les obligations de représentation demeurent une charge difficilement compressible dans le budget de l’ambassade, même si leur utilité paraît faible quant aux résultats pratiques, comme le démontre l’exemple anglais. L’homme politique espagnol du XVIIe siècle ne raisonne pas en termes d’utilitarisme ou de productivisme. S’il accorde de l’importance à ces distributions, c’est plus pour la réputation de la Monarchie que dans des vues trop éloignées de la pensée de son siècle.
157Quant aux moyens institutionnels, exemple unique, la couronne ibérique s’est dotée d’un responsable des services secrets en la personne de l’espía mayor. La fonction est activement exercée par les Velázquez père et fils, mais cette innovation ne semble pas perdurer, bien que la charge subsiste jusqu’en 1665. Tombées dans l’oubli, cette organisation et cette institutionnalisation du secret sont-elles anachroniques ? En tout cas, la disparition de cette charge efficace montre bien que la construction de l’État moderne ne se déroule pas de façon linéaire224. Faite d’expériences, d’apprentissages, de lacunes, d’absences, l’élaboration de l’« absolutisme » ne suit bien évidemment aucun plan préconçu. La création de l’office d’introducteur des ambassadeurs souligne la capacité d’emprunt d’une monarchie qualifiée de « paperassière » et singulièrement méticuleuse sur l’étiquette.
158Avec l’approche du milieu du siècle, la Couronne s’enlise dans de multiples problèmes. Certes, elle dépense plus pour sa diplomatie. Pourtant, la situation réelle se dégrade. Dans le royaume de France comme dans la République de Venise, les ambassadeurs du Roi Catholique deviennent de plus en plus isolés au sein de milieux hostiles qu’organisent les dirigeants de ces États225.
Notes de bas de page
1 C.de Benavente y Benavides, Advertencias para reyes, principes y embajadores, p. 219 ; J. A, de Vera y Figueroa, El enbaxador 122r° (cité par V. Ginarte González, El conde de la Roca, p. 85).
2 Par exemple, dans une relation de 1608, Cárdenas affirme que onze réaux valent un ducat (AGS, K, 1466, f° 5). Mirabel, près de vingt ans plus tard, note que les onze mille ducats de rémunération et d’aide que lui octroie le roi représentent cent soixante-quatre mille neuf cent soixante-huit réaux, soit près de quinze réaux le ducat ; voir aussi AGS, K, 1480, f° 89.
3 AGS, K, 1417, f° 20, consulta de la Contaduría Mayor de Cuentas le 19 mai 1634.
4 AGS, K, 1417, f° 11, point 19.
5 AGS, E, 3335, f° 77, s. d. (année 1620).
6 AGS, E, 1928, f° 267, le Conseil d’État du 26 février 1608. L’ambassadeur à Venise affirme que les correspondants de Constantinople sont « muy mal pagados especialmente los que tienen sus entretenimientos situados en napoles y sicilia y suplica S. M. que esto se remedie y que se ordene al virrey de napoles le haga acudir con brevedad con la paga de S. M. ». Les ffos 271 et 275 renouvellent cette réclamation, et le diplomate proteste aussi contre le vice-roi de Sicile, qui ne paie pas suffisamment un agent du Levant.
7 J. Cornette, « Le “point d’Archimède” », p. 619.
8 AGS, K, 1454, f° 172, comptes de Cárdenas pour les quatre dernières années de son ambassade en France.
9 AGS, K, 1480, f° 89, mémoire des dépenses de l’ambassade du 21 novembre 1624 au 31 mars 1626.
10 On trouve une répartition proche dans les comptes d’Irarraga : rémunération du personnel : 41,78 % ; dépenses secrètes : 33 % ; courriers, frais de justices, aides : 23,75 % ; papeterie : 1,44 % (AGS, K, 1426, f° 112, dépenses de l’ambassadeur du 22 juin 1608 à la fin novembre, puis de décembre 1608 à fin mars 1609).
11 AGS, K, 1480, f° 89.
12 AGS, K, 1454, f° 172.
13 AGS, K, 1481, f° 1, comptes de Monteleón.
14 AGS, K, 1427, f° 28, comptes de Cárdenas de mars 1609 à fin mai 1610, le 7 juin 1610.
15 AGS, K, 1481, f°1, comptes de Monteleón.
16 AGS, K, 1454, f° 172.
17 Ibid.
18 AGS, K, 1426, f° 112 : dépenses d’Irarraga du 22 juin 1608 à fin mars 1609 ; AGS, K, 1427, f° 28 : comptes de Cárdenas le 7 juin 1610 (de mars 1609 à fin mai 1610) ; AGS, K, 1609, le 13 mars 1612.
19 AGS, K, 1466 février 1612 : précis des comptes de Cárdenas arrêtés en janvier 1612.
20 AGS, Contaduría Mayor de Cuentas, 3133-3, comptes de Cristóbal de Benavente.
21 AGS, E, 2044, année 1630, f° 67, comptes du marquis de Mirabel, le 21 juillet 1627.
22 La proportion est de 22 % dans le cas de Mirabel, sachant que ses rémunérations sont les plus importantes de tous les ambassadeurs espagnols à Paris, ce qui réduit la proportion des dépenses secrètes.
23 AGS, K, 1417, f° 11, Conseil d’État du 27 février 1634, sur les comptes de Mirabel du 20 septembre 1620 à la fin de l’année 1631, point 14.
24 AGS, K, 1480, f° 89, mémoire des dépenses de l’ambassade du 21 novembre 1624 au 31 mars 1626.
25 Curieusement, Cárdenas emploie le gallicisme estrena, et non le terme espagnol consacré (aguinaldo). Y verrait-il une différence ?
26 AGS, K, 1454, f° 172, comptes de Cárdenas.
27 Ibid.
28 Les documents financiers de Benavente sont ambigus, car ils signalent qu’il est chargé de l’ambassade d’Espagne en France de janvier 1633 à décembre 1637. Or, à cette dernière date, Benavente a quitté l’ambassade de France depuis plus de deux ans. Nous avons donc préféré écarter le relevé de dépenses qu’il a adressé à la Contaduría Mayor de Cuentas (AGS, Contaduría Mayor de Cuentas, 3133-3, comptes de Benavente).
29 É. Frémy, Essai sur les diplomates du temps de la Ligue, p. 77 ; le montant calculé ici double l’estimation de Frémy.
30 AGS, K, 1604, Tassis au roi le 15 novembre 1601.
31 AGS, K, 1610, le Conseil d’État du 20 juillet 1614 sur les lettres de Cárdenas des 7 et 8 juillet. Le Conseil accepte de payer 4.000 ducats à un criado de Condé. On apprend dans la même lettre que, pour le voyage avec la reine, on donne 10.000 ducats à Cárdenas.
32 Par exemple, AGS, K, 1424, f° 21, le roi à Mirabel le 22 avril 1631 : « Apruebo os el socorro de los 120 escudos que al duque haveis hecho por mano de Cl[a]usels. »
33 AGS, K, 1607, Baltasar de Zúñiga, le 10 octobre 1605, recommande Alessandro et Simone Terrelli, aux ambassadeurs de Lucques, pour leur service auprès de la couronne d’Espagne ; AGS, K, 1426, f° 116, le 20 mai 1609 ; AGS, K, 1466, le 1er janvier 1612, Est-ce le même Alessandro Terrelli (ou Terregli) qui fut intendant de Zamet et qui, au nom de celui-ci, pensionna Pérez dans les dernières années de sa vie ? Voir G. Marañón, Antonio Pérez, t. II, p. 278 ; et AGS, K, 1461 les 16 et 19 janvier 1609, lettre d’Antonio Pérez et Alessandro Terrelli et lettre de Terrelli à l’ambassadeur. Il est noté, entre autres, que Pérez a reçu, depuis 1605,13.940 réaux de l’ambassade d’Espagne.
34 AGS, K, 1604, Tassis le 10 février 1602.
35 AGS, K, 1481, f°1 ; AGS, K, 1455, f° 37, le roi à Monteleón le 17 mai 1618 ; AGS, K, 1456, f° 109, novembre 1621.
36 AGS, K, 1452, le 24 mai 1607.
37 Sur le célèbre aïeul de Villafranca, voir José María del Moral y Pérez de Zayas, El virrey de Nápoles, don Pedro de Toledo, y la guerra contra el turco, Madrid, CSIC, 1966.
38 J. H. Elliott, Olivares, p. 292.
39 AGS, K, 1593, Conseil d’État du 28 février 1619.
40 AGS, K, 1481, f° 1, par le biais de Pedro de Toledo à Milan, Guise obtient 26.720 écus.
41 AGS, E, 1898, f° 242, année 1606, ordre royal à Fuentes de payer les frais extraordinaires de l’ambassade de Venise.
42 A. Dufour, « La paix de Lyon et la conjuration de Biron », p. 440 ; pour l’action diplomatique de Casati en Suisse, voir É. Rott, Henri IV, les Suisses et la Haute-Italie.
43 AGS, E, 1291, f° 162, « Relación de puntos que don Metido Rodríguez de Ledesma dio en milan sobre los amigos franceses ».
44 AGS, E, 1291, f° 196, novembre ou décembre 1602.
45 AGS, E, 1291, f° 202, Ledesma au roi le 11 décembre 1602.
46 AGS, E, 1290, f° 166, lettre de Mendo de Ledesma au roi le 1er septembre 1601.
47 AGS, E, 1297, f° 132, Oñate le 22 février 1608
48 AGS, E, 1297, f° 123, Oñate le 24 juillet 1608.
49 AGS, E, 1436, f° 28, s. d. [année 1613 ?].
50 C. Bitossi, Ilgoverno dei magnifia, p. 216 : «Nell’avversione alla Spagna sempre più manifesta negli anni‘30 confluivano fattori diversi : le antiche latenze antispagnole di una frangía del patriziato, convenientemente messe tra parentesi durante la gran bonanza degli asentistas genovesi en Spagna ; l’azione di personnaggi che legarono le loro fortune individuali alla Francia o ad altri centri politici la reazione dei patrizi danneggiati dalla bancarotta spagnola del 1627, e delusi dalla condotta della Spagna dopo la guerra del 1625.»
51 Village piémontais situé à 10 km de Novi.
52 AGS, E, 3590, f° 87, état des dépenses de l’ambassadeur espagnol à Gênes de septembre 1623 jusqu’au 16 avril 1629.
53 Ibid.
54 AGS, E, 3341, f° 265, Francisco de Melo le 16 août 1634.
55 Comptes de l’ambassadeur de Venise du 1er juillet 1609 à fin décembre 1609 (AGS, E, 1354, f° 26) : plus de la moitié des 8.821 livres vénitiennes du budget est employée pour les fonds secrets. Comptes de Benavente du 1er juillet 1631 à fin décembre 1630 (AGS, E, 3590, f° 19) : le total des dépenses se monte à 22.559 livres, dont 10.760 pour les informateurs.
56 AGS, K, 1469, le 7 juillet 1614 et ffos suivants.
57 Voir ces différents noms dans notre répertoire des espions (pp. 577-646).
58 J. J. Ruiz Ibáñez a attiré notre attention sur des listes de pensionnés, particulièrement dans les archives belges, et nous a indiqué le contenu de certains documents de Simancas antérieurs à 1600 (AGS, E, 612 [1596], 617 [1600] ; 2227 [1609], 2870 [1627-1628] ; AGR, Secrétairerie d’État et de Guerre, 17, Varios, 18, Conseil d’État et d’audience, 1868-1, le 12 décembre 1595).
59 Joël Cornette, De la Ligue à la Fronde, t. II de Id., Chronique de la France moderne, Paris, SEDES, 1995 (2 vol), p. 44.
60 Sur ces divers personnages, voir É. Barnavi, Le parti de Dieu ; et R. Descimon, Qui étaient les Seize ?
61 P. de L’Estoile, Mémoires-journaux, t. VII (1879), pp. 114 et 557, octobre 1599.
62 AGS, E, 617 : il est pensionné en 1600 dans les Pays-Bas espagnols de 2.280 écus sur ordre de l’Espagne et avant la réforme des pensions de 1600, il recevait 1.500 écus ; AGS, K, 1453, requête auprès de Philippe III.
63 AGR, Secrétairerie d’État et de Guerre, 17, p. 156, le 13 décembre 1596 ; AGS, E, 617, f°121 ; AGS, E, 1291, f° 84, Fuentes le 20 août 1602.
64 AGR, Secrétairerie d’État et de Guerre, 16, pp. 137-141 ; AGS, E, 617, le 12 avril 1600 ; AGS, Contaduría Mayor de Cuentas, 2e époque, leg. 877 : entretien de Senaut pour service secret.
65 AGS, E, 617, état de Baltasar de Zúñiga du 12 avril 1600.
66 AGS, E, 617, f° 121, le 29 octobre 1600.
67 Tous les dirigeants espagnols sont persuadés que la confession anglicane est minoritaire dans ce royaume. Un des ambassadeurs parmi les mieux informés et considéré comme l’un des plus compétents, Gondomar, affirme en 1614 : Si on concédait la liberté de conscience, dans huit jours les deux tiers du royaume se déclareraient catholiques » (cité par L. Tobío, Gondomar y los católicos ingleses, p. 9 [source : Londres BP, 2168, P 82v°, le 7 février 1614]).
68 C. H. Carter, The Secret Diplomacy of the Habsburgs, p. 125.
69 Voir la bibliographie dans C. H. Carter, The Secret Diplomacy of the Habsburgs, pp. 121-125 et pp. 290-291 ; présence d’une liste dans AGS, E, 2863, année 1613.
70 Thomas Sackville, premier comte de Dorset, grand trésorier de 1599-1608.
71 Charles Howard, amiral et ambassadeur anglais en Espagne en 1605.
72 Fils du ministre d’Élisabeth Ire, lui-même secrétaire puis principal ministre de la reine à partir de 1598, lord trésorier depuis 1608.
73 Dont le comte de Northampton, Henri Howard, grand amiral d’Angleterre.
74 AGS, E, 2863, f° 34 ; L. Tobío, Gondomary los católicos ingleses, pp. 206-209.
75 C. H. Carter, The Secret Diplomacy of the Habsburgs, pp. 125-126.
76 AGS, E, 2063, f° 34, Gondomar le 15 novembre 1617.
77 Sur ce sujet voir, L.L. Peck, Court Patronage and Corruption in Early Stuart England.
78 L’électeur palatin Frédéric V était le gendre de Jacques Ier ; le Palatinat était occupé par les troupes de Spinola.
79 G. Mattingly, Renaissance Diplomacy, pp. 262-264.
80 Ibid., p. 261 ; AGS, E, 2863, f° 34.
81 Ibid., pp. 255-268 ; C. H. Carter, The Secret Diplomacy of the Habsburgs, pp. 120-133 ; M. Sánchez, Dynasty, State and Diplomacy in the Spam of Philip III, p. 168.
82 H. Lonchay, J. Cuvelier et J. Lefèvre, Précis de la correspondance de Philippe IV, p. 246, lettre de Philippe IV à Isabelle le 4 janvier 1626 (source : AGR, Secrétairerie d’État et de Guerre, reg. 194, f° 10).
83 Cité par É. Rott, « Philippe III et le duc de Lerma », pp. 383-384 (souligné par nous).
84 À l’exception de l’Angleterre : voir L. L. Peck, Court Patronage and Corruption in Early Stuart England, pp. 161-184, sur les différences de réception des « présents » dans les sociétés protestantes et catholiques.
85 A. Jouanna, Le devoir de révolte.
86 P.-V. Cayet, Chronologie septénaire, p. 293.
87 AGS, K, 1455, ffos 172-173.
88 AGS, K, 1593, Conseil d’État du 27 juin 1620.
89 AGS, K, 1415, f° 10, Conseil d’État du 20 mars 1630.
90 AGS, K, 1446, f° 111, Conseil d’État de novembre 1619.
91 AGS, K, 1415, f° 12, Conseil d’État du 21 mars 1630.
92 Nous n’avons pas trouvé dans les sources d’exemple concernant l’Espagne, mais les sources françaises imprimées le laissent entendre. Voir par exemple, Lettres inédites de Sully à Henri IV et à Villeroy, éd. B. Barbiche et D. Buisseret, p. 112 ; Sully écrit à Henri IV le 2 novembre « Soy : « Sire, Suivant le commandement de Vostre Magesté, j’ay donné ordre que le présent nécessaire pour l’ambassadeur de Venise [Badoer] et le secrétaire de la Seigneurie seront dimanche ou lundy a Fontenebleau, ainsi que l’on a accoustumé. Si Vostre Magesté eust désiré le gratifier outre l’ordinaire, je n’eusse manqué d’y pourvoir, en estant adverti. »
93 C.de Benavente y Benavides, Advertencias para reyes, príncipes y embajadores, p. 662.
94 AGS, K, 1467, f°145, Cárdenas à Ciriza le 20 octobre 1612.
95 AGS, K, 1463, f° 132, Conseil d’État du 6 décembre 1610 sur une lettre de Cárdenas.
96 AGS, K, 1463, f° 135, Cárdenas au roi le 6 décembre 1610 ; G. Mattingly, Renaissance Diplomacy, pp. 233-234.
97 AGS, K, 1466, f° 118 ; AGS, K, 1467, ffos 8-137, AGS, K, 1435, f° 98 ; AGS, K, 1615, f° 124 ; AGS, K, 1443, f° 49, sur les ambassades extraordinaires de Feria, du duc du Maine, de Pastrana, de Rambouillet et les dons nécessaires.
98 A. Leman, Urbain VIII et la rivalité de la France et de la Maison d’Autriche, pp. 107-112.
99 Le Mercure françois, t. XVIII (1633), p. 36.
100 AGS, K, 1415, f° 76, Conseil d’État du 2 avril 1632.
101 Y. Renouard, « L’exportation de chevaux de la péninsule Ibérique en France et en Angleterre au Moyen Âge ».
102 AGS, K, 1611, le 28 juillet 1613, Vaucelas à Ciriza, et le 13 août 1615, réponse du Conseil d’État.
103 AGS, K, 1472, f° 186, le 3 décembre 1616.
104 AGS, K, 1474, f° 123, Monteleón à Ciriza le 29 juin 1618.
105 Sur les demandes de chevaux par le marquis de Rambouillet, le duc de Bellegarde, M. de Souvré en 1612 ou le duc d’Épernon : AGS, K, 1477, f° 174 ; AGS, K, 1468, f° 21 ; AGS, K, 1609 ; AGS, K, 1465, f° 45 ; AGS, K, 1434, f° 77.
106 AGS, K, 1612, le 24 mai 1612.
107 AGS, K, 1446, f° 90, Richelieu à Olivares le 27 août 1629 ; D. Avenel, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, t. III, p. 418.
108 AGS, K, 1417, f° 74, Arce à Rozas, le 18 avril 1635.
109 AGS, Contaduría Mayor de Cuentas, 3133-3, comptes de Benavente du 1er janvier 1633 au 31 décembre 1637.
110 M. G. Giannini, « Monarchia Cattolica e Stato di Milano nella visita general di don Felipe de Haro ».
111 AGS, E, 1301 et 1302 ; M. G. Giannini, « Monarchia Cattolica e Stato di Milano nella visita general di don Felipe de Haro ».
112 M. Á. Echevarría Bacigalupe, La diplomacia secreta en Flandes, pp. 77-79,
113 Sur le procès de Velázquez et son interrogatoire : voir BNM, ms. 18 729/3, lettre d’Andrés Velázquez pour sa défense.
114 Les monarchies française et espagnole achètent toutes les deux les électeurs allemands et les cardinaux romains, au plus grand bénéfice de ceux-ci.
115 G. K. Hassiotis, « Venezia e i domini veneziani », p. 133,
116 AGS, E, 3592, f° 89, La Roca au roi le 7 juillet 1635.
117 AGS, E, 3540, f° 117, La Roca au roi le 29 janvier 1633 ; AGS, E, 3835, ffos 92 et 98, mars 1634.
118 AGS, E, 2998, f° 39, lettre du 18 février 1634 dans laquelle Borgia précise qu’il possède déjà le chiffre de Créquy.
119 H. Lonchay, J, Cuvelier et J. Lefèvre, Précis de la correspondance de Philippe IV, pp. 528-529 (source : AGS, E, 2044, lettre de Mirabel à Philippe IV, de Paris le 26 avril 1630).
120 Pour Guillén de San Clemente, ambassadeur auprès de l’Empire, voir C. Pérez Bustamante, La España de Felipe III, p. 99. Pour Gondomar, voir G. Mattingly, Renaissance Diplomacy, p. 235, note : « But by 1621 the Spanish treasury owed Gondomar 33,000 crowns for unpaid maintenance allowance and other authorised expenses. One by one he had mortgaged his estates in Spain until on his deathbed be could write that his embassy in England had reduced him to beggary. »
121 J.-P. Dedieu, L’Inquisition, Les Pays-Bas et une grande partie des États italiens (Gênes, Naples, Florence...) ne reconnaissent que la juridiction du Saint-Office romain, fondé en 1542 par Paul III. C’était « une inquisition médiévale, réorganisée selon les principes de centralisation qui avaient fait leur preuve en Espagne » (p. 54). L’office central, composé de six cardinaux, a pouvoir de juridiction sur toute la Chrétienté, sauf en Espagne et au Portugal. Quant à la monarchie française, elle refuse son établissement
122 Voir l’avis de l’alférez violemment antisémite Francisco Díaz de Medrano, chargé de la surveillance du port de Vera (AGS, K, 1453, le 25 juillet 1612).
123 Les travaux actuels nuancent le monolithisme attribué à l’Inquisition et montrent des attitudes diverses et contradictoires tant des populations que de l’Inquisition envers les morisques et les juifs quant à l’application des statuts de limpieza de sangre : J.-P. Dedieu, « Entre religión y política : los moriscos » ; Henry Kamen, « Una crisis de conciencia en la Edad de Oro en España. Inquisición contra “limpieza de sangre” », Bulletin hispanique, 3-4, 1986, pp. 321-356.
124 J. Contreras, « Bandolerismo y fueros ». L’auteur montre la souplesse de l’Inquisition pour s’infiltrer dans les marges frontalières et y trouver des familiers. Ses représentants y sont beaucoup mieux acceptés que les représentants de la Couronne.
125 A. González de Amezúa y Mayo, Cómo se hacia un libro en nuestro Siglo de Oro, p. 48.
126 AGS, K, 1426, f° 108, Conseil d’État du 9 décembre 1608. Parmi les discussions, une solution était proposée par le duc de Lerma : interdire les sorties du territoire pour les pèlerinages.
127 AGS, E, 2862, le 25 mai 1615.
128 Stephen Haliczer, Inquisición y sociedad en el reino de Valencia (1478-1834), Valence, Alfons el Magnànim, 1993, pp. 454-461.
129 C. Langé, « L’immigration française en Aragon », p. 39 ; AGS, K, 1453, le 27 août 1612, dans un mémoire, le Breton Launay-Longaban, vivant à Carthagène, affirme appartenir à l’Inquisition du royaume de Murcie.
130 S. Haliczer, Inquisición y sociedad en el reino de Valencia ; B. Bennassar, « Les Français devant les tribunaux de l’Inquisition espagnole » ; et Id., « Un dialogue difficile ».
131 L’étude des cartas acordadas, instructions de la Suprema aux tribunaux locaux de l’Inquisition, à l’Archivo Histórico Nacional de Madrid, permettrait de confirmer ces « impressions ».
132 AGS, K, 1453, « Mémoire du duc de Mayenne 1612 », Conseil d’État du 14 août 1612.
133 AGS, K, 1478, f° 105, mémoire de l’ambassadeur de France au roi le 20 juillet 1621 ; AGS, K, 1427, f° 83, avis du Conseil d’État le 9 août 1612 ; AGS, K, 1451, f° 59, le roi à Tassis le 14 mars 1602.
134 AGS, K, 1467, lettre de Cárdenas au roi le 3 juin 1612.
135 AGS, K, 1466, f° 102.
136 B. Bennassar, « Les Français devant les tribunaux de l’Inquisition espagnole », d’après le mémoire de maîtrise de B. Fernández, soutenu en 1981 à l’université de Toulouse - Le Mirail.
137 C. Hermann, « Multinationale Habsbourg et universalisme chrétien », p. 39 : « Au XVIIe siècle comme au XVIIIe, l’Inquisition servira fréquemment les basses œuvres de la haute politique, glissant insidieusement de la sûreté religieuse de l’État à la sûreté de l’État tout court »
138 AGS, K, 1607, avis du Conseil d’État de février 1605.
139 Il n’existe pas encore d’études sur le rayonnement et l’organisation de l’Inquisition à l’étranger, ses liens avec les diplomates, vice-rois, gouverneurs ou avec l’espía mayor.
140 AGS, E, 1430, f° 177, Venasco au roi le 5 juin 1600.
141 P. Preto, I servrzi segreti di Venezia, pp. 55-75.
142 Voir le chap. 11, pp. 55 sqq.
143 Voir le thème de la despoblación chez les arbitristes ; sur ces mesures, A. Gutiérrez, La France et les Français dans la littérature espagnole, p. 428.
144 Le Mercure françois, 1617, p. 305 : « Il a tousiours esté imputé à crime aux particuliers, de communiquer avec les Ambassadeurs Estrangers, sans expresse permission du Roy. L’Assemblée dernière des Estais, ayant recognu de quelle importance cela estoit ; & se ressouvenant des pernicieux offices pour l’Estat que telle communication a apporté par le passé, A supplié le Roy de faire défenses à toutes sortes de personnes de voir, visiter, ny hanter les Ambassadeurs sans son congé. Mais pour ce que tous ceux qui ont dessein de de servir sa Majesté & troubler l’Estat par l’entremise des Ambassadeurs, ou recevoir de la part de leurs Maistres de presens & advantages, ne peuvent estre retenus & repriméz que par seueres peines. Sa Majesté veut qu’il soit advisé par l’Assemblée, sous quelles peines les défenses doivent être faictes et publiées. L’Assemblée est d’advis, sous le bon plaisir du Roy, que pour faire garder & observer violablement l’Ordonnance qui sera faite par Sadite Majesté sur ladite proposition, qu’il soit procédé contre ceux qui y contreviendront comme criminels de leze Majesté. »
145 « Je ne pouvais pas [écrit-il], sans compromettre l’honneur du Saint-Siège, demeurer là, alors que je ne savais pas si j’étais nonce apostolique ou ambassadeur d’un prince étranger » (cité par J. Blet, « Le nonce en France au XVIIe siècle », p. 235).
146 AGS, K, 1474, P 4, Monteleón au roi le 5janvier 1617.
147 D. Avenel, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, t. II, p. 322 ; J. Blet, « Le nonce en France au XVIIe siècle », pp. 236-237.
148 AGS, K, 1434, P 53, Conseil d’État du 27 février 1627 sur une lettre de Mirabel en date du 31 janvier 1627 ; AGS, K, 1443, f° 45 (même document).
149 AGS, K, 1460, Conseil d’État du 13 juillet 1600.
150 AGS, K, 1417, ffos 27-28, notes sur deux avis du nonce et note d’Olivares.
151 La république ligure adopte le modèle vénitien des inquisiteurs d’État en 1628. Sur les difficultés espagnoles à Venise, voir AGS, E, 3540, f° 117, La Roca au roi le 29 janvier 1633.
152 Voir son résumé du livre de L. Delavaud et A Boppe, Les introducteurs des ambassadeurs, Paris, 1901 ; et G. Baguenault de Puchesse, « Les introducteurs des ambassadeurs ».
153 Marcel Marion, Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, A. et J. Picard, 1993, p. 222 (article « Étiquette »).
154 A. G. Loomie, « The Conducteur des Ambassadeurs of Seventeenth Century France and Spain », pp. 333-354.
155 AGS, K, 1464, f° 127, Cárdenas à Aróstegui le 16 mai 1611.
156 AGS, K, 1460, lettre de Irarraga le 3 décembre 1607 avertissant que Bonneuil remplace Gondi fils ; A. G. Loomie, « The Conducteur des Ambassadeurs of Seventeenth Century France and Spain » p. 342, donne la date du 19 août 1609. Bonneuil est le neveu de Jacques de Thou, et a épousé Marie Faye d’Espesses.
157 AGS, K, 1604, Tassis au roi le 4 août 1601.
158 AGS, K, 1460, Zúñiga au roi le 27 février 1606 ; voir au chap. 111, pp. 148-149.
159 C.de Benavente y Benavides, Advertencias para reyes, príncipes y embajadores, pp. 99-100.
160 AGS, K, 1462, f° 144, lettre de Cárdenas le 17 mai 1610.
161 AGS, K, 1464, f° 141, Cárdenas au roi le 8 juin 1611. Voir notre répertoire des espions à ces noms (pp. 604 et 615).
162 AGS, K, 1475, f° 105, Girón au roi le 12 novembre 1618.
163 AGS, K, 1417, f° 23, précis de la correspondance de Benavente du 3 au 22 mai 1633.
164 AGS, K, 1478, f° 42, mémoire des dépenses de l’ambassade du 21 septembre 1620 au 28 février 1621, le 1er mars 1621.
165 AGS, K, 1466, f° 5, Cárdenas le 1er janvier 1612.
166 P. Grillon, Les papiers de Richelieu, L I, p. 289, le 7 février 1626 et t. IV, p. 427, le 25 avril 1628.
167 AGS, K, 1457, f° 164, le roi à Mirabel le 13 juin 1627 ; AGS, K, 1433, f° 53, Ciriza à Andrés de Losada le 11 juin 1625.
168 AHN, E, 4826, consultas des 13 mars, 18 mars et 6 juin 1626.
169 J. H. Elliott, Olivares, p. 301.
170 AHN, E, 4826, consulta du 18 mars 1626 : l’introducteur « a solo de hazerles agasajo y facilitarles la audencias de V. M. y de sus ministros sin otro fin de azechar ni inquirir sus despachos ni sus actions secretas ».
171 AHN, E, 4826, consulta du 13 mars 1626. Le décret date du 6 juin 1625 dans AHN, E, 4828.
172 Le Mercure françois ou la suitte de l’histoire de la paix, Paris, Richer, 1612, p. 11b.
173 AGS, K, 1460, Zúñiga à Prada le 2 avril 1605.
174 AGS, E, 2227, le 6 avril 1609.
175 AGS, Consejos y Juntas de Hacienda, 499, 20, 29.
176 AGS, K, 1464, f° 6, année 1611.
177 AGS, K, 1456, f° 128, le roi à Ciriza le 26 décembre 1621.
178 Mémoires de J. de Bouffard-Madiane sur les guerres civiles du duc de Rohan, éd. Ch. Pradel, p. 111.
179 H. Lonchay, J. Cuvelier et J. Lefèvre, Précis de la correspondance de Philippe IV, p. 465, doc, 1442 (source : AGR, Secrétairerie d’État et de Guerre, 201, f° 108, lettre de Philippe IV à Isabelle du 24 juillet 1629).
180 Le Mercure françois, t. XVI (1632), pp. 477-482.
181 AGS, K, 1415, f° 95, Conseil d’État du 12 août 1632.
182 AHN, E, 4828, décret du 5 juin 1623,
183 M.gómez del Campillo, « El espía mayory el conductor de embajadores » ; AHN, E, 4828.
184 M. Gómez del Campillo, « El espía mayory el conductor de embajadores », p. 329, pense que l’espía mayor, avant 1626, remplissait aussi les charges d’introducteur.
185 BNM, ms. 18 729/3, procès d’Andrés Velázquez.
186 AGS, E, 615, f° 51, avis de Juan Velázquez, 9 décembre 1598.
187 AGS, E, 183 Juan Velázquez au roi le 15 mars 1599.
188 AGS, E, 183, f° 79 Juan Velázquez le 8 mars 1599.
189 AGS, E, 183, f° 84, Juan Velázquez le 30 mars 1599.
190 AGS, E, 183, f° 149 Juan Velázquez le 30 avril 1599.
191 AGS, E, 2023, f° 22, Conseil d’État du 1er juillet 1600.
192 AGS, E, 183, f° 82, s. d.
193 AGS, E, 183, f° 79, Juan Velázquez le 8 mars 1599.
194 AGS, K, 1426, f°18, Conseil d’État du 29 novembre 1601.
195 AGS, E, 183, f° 82, 1599.
196 AHN, E, 4828, Conseil d’État du 22 septembre 1605, note que Juan Velázquez a servi pendant 47 ans dans l’armée. Capitaine d’infanterie à Naples, il passa avec mille hommes à ses frais à La Goulette, participa à Lépante, et combattit au Portugal avant d’occuper le poste de capitaine général de Guipúzcoa.
197 AGS, K, 1426, f° 18, Conseil d’État du 29 mai 1601.
198 M. Gómez del Campillo, « El espía mayory el conductor de embajadores », p. 320.
199 AGS, Consejos y Juntas de Hacienda, 549-27-5, le 5 juin 1616.
200 Voir note répertoire des espions à ces noms.
201 AHN, E, 4828, Conseil d’État du 15 mars 1616, souligne le fait que Juan Velázquez remplissait de facto cet emploi.
202 AGS, E, 2027, le 26 juillet 1613.
203 AGS, K, 1432, f° 141, consulta d’une junte particulière le 30 juillet 1624 sur les propositions de Carlos de Roo.
204 AGS, K, 1432, f° 110, Andrés Velázquez à Olivares le 28 février 1624.
205 BNM, ms. 18 729/3, lettre d’Andrés Velázquez du 4 février 1621.
206 AGS, E, 1299, f° 196, le connétable de Castille au roi le 24 décembre 1610.
207 AGS, E, 1299, f° 199, copie d’une lettre de Velázquez au connétable depuis Turin le 21 décembre 1610 et f°205 sur les sapeurs (petarderos) espions de l’auditeur général de l’armée, le doctor Matheo Carrasco Maldonado.
208 BNM, ms. 18 729/3, lettre d’Andrés Velázquez du 4 février 1621.
209 L. Astrana Marín (éd.), La vida turbulenta de Quevedo, pp. 223-225 et 266. Voir aussi les actions de Quevedo en relation avec la conspiration de Venise et ses liens avec l’agent Jacques Pierre.
210 Est-ce Santadres de Preto, qui travaillait au Conseil d’Italie et fournissait des informations à l’ambassadeur de Venise depuis 1610 ?
211 BNM, ms. 18 729/3, lettre d’Andrés Velázquez du 4 février 1621.
212 Cette expression est le titre du chap. V de l’ouvrage d’A. Dewerpe, Espion ; voir particulièrement pp. 172-178 : « Le sens de la distinction ».
213 AGS, 1476, ffos 41-42, Andrés Velázquez au roi le 21 mars 1619.
214 BNM, ms. 18 729/3, lettre d’Andrés Velázquez du 4 février 1621.
215 AGS, K, 1478, f° 163, Mirabel au roi le 5 décembre 1621.
216 AGS, K, 1439, f° 93, Andrés Velázquez à Prada le 24 octobre 1624 ; f° 95 :1624, mémoire de Francis De Witte pour le roi d’Espagne.
217 M. Gómez del Campillo, « El espía mayory el conductor de embajadores », pp. 319-322. Y a-t-il un rapport avec André de Chauvel, Franc-Comtois pris à Calais en 1398, puis pensionné en 1604 par l’Espagne après avoir été employé dans les services secrets ? Voir Jules Finot, L’espionnage militaire dans les Pays-Bas entre la France et l’Espagne au XVIe siècle, Paris, 1902.
218 M. Gómez del Campillo, « El espía mayor y el conductor de embajadores », pp. 319-322, note qu’il fut nommé espía mayor sous Philippe IV ; L. Astrana Marín, Epistolario completo de D. Francisco de Quevedo y Villegas, p. 115, n. 2, relève que Bonifaz est bien connu à la Cour comme excellent torero, bon cavalier et médiocre poète, mais son activité nous est inconnue. Il mourut en 1639 (des lettres de Juan Torres adressées à Bonifaz [BNM, ms. 4163, ffos 11, 12, 16, 17, 18, 19 et 20] montrent une mission de renseignement mais dont l’envergure paraît limitée à Barcelone).
219 F. Pigafetta, « El limeño don Juan de Valencia, espía mayor de Castilla », Miscelánea Americanista, 3 ; María del Carmen Pescador de Hoyo, « La espada de Felipe IV en la Armería del Palacio Real de Madrid », Sitios Reales, 101, [Madrid], 1989, pp. 61-62,
220 Seul un document de 1632 mentionne la permanence du rôle de l’espía mayor dans sa fonction de contrôle de l’espionnage (AGS, E, 3833, f 143, Conseil d’État [1632] sur une lettre de l’ambassadeur La Roca).
221 Auteur de la Apología en defensa desta Monarchia y de la cassa de Ausria para el desengano de los potentados de Europa y satisfazion de los Políticos de Estos tiempos, por Don marcellino Faria de Guzman, Natural de Granada al Rey nuestro Senor don felipe quarto el grande, rey de espanay emperador de america monarca singular en dos mundos, 118 ffos (BNM, ms. 1185 [1634]). II place cette œuvre sous la protection d’Olivares. Voir aussi CODOIN, t. LXXXI, pp. 551-569, relation que fit Marcelino de Faria, oidor de Grenade, sur les intelligences secrètes qu’il avait pour but d’entretenir dans le royaume et hors de celui-ci. Quelle est la fonction de Faria face à l’espía mayor et à l’introducteur des ambassadeurs ? Faria note entre autres « qu’il se doit d’être l’ami des ambassadeurs ».
222 J. H. Elliott, Olivares, p. 719.
223 CODOIN, t. LXXXI, p. 366.
224 Que doit-on penser de l’affirmation selon laquelle « apparus à la fin du XIXe siècle, les services secrets sont une invention récente et les conditions institutionnelles de la création d’un espace politique réservé, qui accompagne la construction de la bureaucratie d’État, font problème » ? (A. Dewerpe, Espion, p. 121).
225 Tirant les conclusions de son expérience auprès de la Sérénissime, le comte de la Roca observe : « Les ambassadeurs, n’ayant personne à qui parler en dehors de leur famille, passent l’année à contempler la mer depuis la fenêtre de leur maison... » (cité par V. Ginarte González, El conde de la Roca, p. 122, d’après J. A. de Vera y Figueroa, El enbaxador, 106r°-v°).
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