Chapitre iv
La vice-royauté de Marguerite de Mantoue
La crise politique du Portugal des Habsbourg
p. 175-200
Texte intégral
1La vice-royauté de la princesse Marguerite est secouée par deux cataclysmes : les révoltes d’Alentejo et d’Algarve, en 1637-1638, et la Restauração. Cette période est aussi celle du triomphe des deux secrétaires d’État, Miguel de Vasconcelos e Brito à Lisbonne et Diogo Soares à Madrid. L’historiographie classique a beaucoup insisté sur le fait que cette « vice-royauté de sang » était caractérisée essentiellement par la mise en œuvre d’une politique fiscale extraordinaire, jusqu’alors freinée par les vice-rois et gouverneurs portugais1. Dans sa thèse, Fernando Bouza proposait de dater de l’époque de Marguerite de Mantoue la sortie du système institué à Tomar2. Sur ce point, la consultation des archives particulières des comtes de Bornos permet d’ouvrir de nouvelles perspectives. Ce fonds est essentiellement constitué par la bibliothèque du magistrat castillan Diego de Riaño y Gamboa, qui exerça les fonctions les plus éminentes de la carrière judiciaire et finit par accéder en 1648 à la présidence du Consejo de Castilla3. Ce letrado fut chargé de mener l’enquête du procès politique intenté à Diogo Soares à partir de 16434. Sa bibliothèque conserve d’une part quatre forts volumes des actes de la visita, et d’autre part un grand nombre de documents annexes dispersés dans les quarante-deux volumes de la série Variorum du même fonds. On dispose ainsi de la défense élaborée par Diogo Soares lui-même face à ses adversaires, ainsi que des pièces originales, essentiellement tirées de sa correspondance particulière, qui lui permirent de mettre au point sa contre-attaque. La rhétorique du réquisitoire judiciaire et celle de la défense pro domo, exactement celle des manifestes de propagande loyalistes ou bragancistes, sont déterminées en fonction de l’effet recherché. Mais la présence, au côté des grands dispositifs judiciaires, des pièces originales justificatives permet d’éclairer le champ des oppositions politiques, qui échappe — au moins en partie —, aux distorsions qu’impriment les objectifs des acteurs et rédacteurs.
2En outre, cette documentation est précieuse parce que la mise sur la sellette de la gestion de Diogo Soares offre l’occasion de reconstruire, sur un mode contradictoire, l’ensemble de la politique d’Olivares au Portugal. Les milliers de pages du dossier — que complètent certaines liasses et livres de l’Archivo General de Simancas, de l’Archivo Histórico Nacional et de la British Library— offrent la possibilité de reconstruire le champ des oppositions politiques à Lisbonne, à la fin de l’union dynastique. Pour peu qu’on veuille bien s’attarder sur ces questions, on s’aperçoit que les clivages simplistes, essentiellement fondés sur l’opposition entre Portugais et Castillans, entre Philippe IV et Jean IV, et qui ont pesé si lourd sur les consciences, la mémoire et l’historiographie, apportent plus de confusion que de clarté.
I. — L’installation à Lisbonne
Définition de la vice-royauté de Marguerite de Mantoue
3Le choix de Marguerite de Mantoue, petite-fille de Philippe II, renoue avec la voie de la « vice-royauté de sang5. » C’est ainsi, en tout cas, que la cour de Madrid veut présenter le choix de cette cousine de Philippe IV6. Cette volonté se manifeste par la publicité donnée à la constitution de sa Maison sur le modèle de celle du Cardinal-Infant7. Au mois de novembre 16348, une junta fut constituée à Madrid pour en étudier les modalités de financement ainsi que le dessin des livrées et des voitures9. Diogo Soares et Jerónimo de Villanueva en faisaient partie, ainsi que le marquis de la Puebla, président du Conseil des finances (Consejo de Hacienda) de Castille, et Gaspar Ruiz de Escaray, secrétaire du Conseil de guerre (Consejo de Guerra)10. La composition de cette équipe dessine déjà la nature du gouvernement de la duchesse de Mantoue. En effet, contrairement à ce qui s’était produit avec l’archiduc Albert (1583-1593), la vice-reine devait être accompagnée au Portugal du marquis de la Puebla et de Gaspar Ruiz de Escaray, précédemment mentionnés11. Bien plus que le fait que la vice-royauté soit confiée à une femme, c’est la constitution à Madrid de ce trio, sous les auspices de Soares et de Villanueva, deux hommes d’Olivares, qui amorce un conflit politique d’un type nouveau. On comprend aisément que la princesse, en tant que Capitán General12, ait bénéficié du concours d’un secrétaire spécialisé dans la correspondance du Conseil de guerre13. En revanche, la présence auprès de la vice-reine d’un aristocrate castillan, cousin du favori du roi et haut magistrat de la polysynodie madrilène, échappe à tous les schémas politiques jusqu’alors appliqués au Portugal. Mais une situation inédite n’apporte pas nécessairement un nouveau souffle. En effet, le choix de ces trois personnages ne repose pas uniquement sur des critères positifs, sur leur adéquation supposée aux fonctions qui leur sont attribuées. Avant d’être sollicitée par son cousin le roi pour aller incarner Sa Majesté sur les bords du Tage, la princesse Marguerite est avant tout écartée du théâtre de l’Italie du Nord14 et accessoirement de la Cour, où ses ambitions viennent troubler les entreprises diplomatiques de Madrid15. Dès son arrivée en Espagne, Marguerite est placée sous haute surveillance. En effet, depuis son débarquement à Barcelone en octobre 163416, le comte de Santa Coloma, ministre comme l’on sait tout dévoué à Olivares dans la principauté de Catalogne, est chargé, tout en l’escortant depuis Barcelone jusqu’à la Cour, d’enquêter sur elle et de sonder ses capacités et ses opinions, afin de dresser une liste détaillée de ceux qui l’accompagneront à Lisbonne17. Quant au marquis de la Puebla, qu’Olivares considère comme un fainéant18, il arrive à Lisbonne en situation de disgrâce car au printemps précédent, depuis sa position éminente de président du Consejo de Hacienda, il aurait laissé courir la rumeur selon laquelle le roi s’apprêtait à suspendre le paiement des intérêts de la dette, provoquant ainsi l’inquiétude des banquiers de la Cour et une extrême confusion autour du Comte-Duc19. De la part d’Olivares, la désignation de ces personnes relève, au moins en partie, de la volonté de les reléguer loin de leurs occupations ordinaires. Du côté des élus, la nomination à Lisbonne s’apparente à une période de purgatoire mais aussi à une occasion, pour ainsi dire en grandeur nature, de regagner une stature politique aux yeux du roi et de son favori. L’arrivée de la princesse Marguerite ne semble pas avoir outre mesure ému la population de Lisbonne. La ville ne la fêta pas ; seul son entourage italien fit bâtir une pyramide pyrotechnique, sur laquelle des trombes d’eau s’abattirent avant la mise à feu20. Ce pétard mouillé n’était pas de bon augure.
4Il existe un assez grand nombre de copies manuscrites de l’instruction rédigée à l’intention de Marguerite avec l’approbation du Conseil de Portugal21. Il convient ici de distinguer, d’une part, l’instruction officielle destinée à être rendue publique à Lisbonne devant le Conselho de Estado de Lisbonne (article 69) — et par là même, loin des arcanes de l’État, à réactualiser au vu de tous les termes et l’esprit du compromis de Tomar — et, d’autre part, les instructions réservées à l’usage particulier de la vice-reine, que l’on peut considérer comme secrètes22. Ces dernières décrivent le fonctionnement exact des offices liés à l’exercice de la vice-royauté et proposent donc une série de portraits des principales personnalités portugaises accompagnés, à l’intention de l’ignorante duchesse Marguerite, de commentaires sur l’attitude à adopter à l’égard de chacun23. C’est dans l’écart entre les deux types de documents et dans la constante clandestinité de la seconde série que se définit le champ politique sur lequel s’exerce la royauté par procuration de Philippe IV au Portugal.
5L’instruction officielle décrit en soixante-neuf points la mission de la vice-reine dans le cadre légitime de l’union dynastique luso-castillane. Le premier article porte sur l’Église et le second sur l’administration de la justice. D’autres articles complètent le premier (art. 22 et 57) et surtout le second, tant sur le fonctionnement des tribunaux que sur le recrutement de leur personnel (art. 19, 24, 26, 27, 28, 29, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 45, 54, 61, 62, 63, 64). Plusieurs portent sur le respect des institutions traditionnelles (art. 5). Le calendrier hebdomadaire des audiences que Marguerite doit accorder est très précisément fixé, tant dans le cadre de sessions des tribunaux (art 3, 10, 11, 13) que dans les différents aspects de la vie de cour, au palais ou à la messe (art. 13, 14, 15, 16). En effet, lorsqu’elle signe avec une formule portugaise une consulta, la vice-reine devient l’alter ego du roi, d’autant mieux qu’elle est sa parente (préambule). Elle a sa Maison (art. 18) et veille à ce que celle du roi continue d’exister bien que celui-ci soit absent de Lisbonne (art. 7). Ace titre, elle administre au nom de Philippe IV les grâces (art. 20, 21, 42, 43, 44, 46, 51, 58) et doit faire rigoureusement observer l’étiquette en sa présence (art. 15, 16).
6Quant aux articles relatifs à la gestion financière de la vice-royauté, aucun ne semble ouvrir la porte à l’innovation ni à l’extraordinaire (art. 48, 51, 52). Alors qu’aucune disposition ne précise le rôle et les fonctions des assesseurs castillans, le système des secrétariats des tribunaux lisboètes et du Conseil de Portugal est décrit suivant la norme traditionnelle (art. 32, 65). L’attribution au Conselho de Estado des dossiers concernant les possessions en Inde, après la disparition du Conselho de India en 1614, explique que quatre points soient consacrés à l’empire oriental (art. 12, 42, 50, 59). En revanche, rien n’est dit sur le Brésil, dont la reconquête doit, dans l’esprit d’Olivares, être coordonnée par le Consejo de Guerra et ses juntas ad hoc (Junta de Armadas, Junta de Pernambuco).
7Cette rapide analyse nous montre que l’instruction officielle de Marguerite de Mantoue est intégralement conçue selon un patron letrado et actualise pour l’essentiel les dispositions de Tomar. Mais les intentions d’Olivares paraissent bien différentes à la lecture des documents secrets (ou simplement officieux) rédigés à l’intention de la vice-reine24. Le texte de 1’« instruction secrète » fut très vraisemblablement établi par Diogo Soares après deux réunions de travail organisées par le Comte-Duc dans ses appartements, les 20 et 23 novembre 1634, et dont les participants étaient l’inquisiteur général, le comte de Castrillo, le duc de Villahermosa, le marquis de la Puebla, Manuel de Vasconcelos et Diogo Soares25. L’envoi de la duchesse Marguerite à Lisbonne y est justifié par l’état des affaires italiennes et sa mission est envisagée pour une durée de deux ans seulement. L’objectif principal qui lui est assigné est la reconquête du Brésil ainsi que l’effort financier nécessaire pour y parvenir (la renda fixa). Pour cela, elle devra convaincre les villes portugaises d’accepter le real d’agoa et une augmentation d’un quart de l’impôt sur les transactions26. En tant que capitaine général du Royaume, la vice-reine doit veiller aux opérations d’armement des flottes de secours. Une des premières lettres de la duchesse, adressée au roi, porte sur l’établissement de la renda fixa et sur la nécessité de réformer l’administration de la justice au Portugal, c’est-à-dire de mieux contrôler le recrutement des magistrats27.
La surintendance du marquis de la Puebla
8La nomination du marquis de la Puebla pour la seconder est justifiée par le fait que, n’étant pas portugais, le cousin du favori devait en principe échapper au jeu des factions portugaises. Deux annotations marginales renforcent le caractère extraordinaire de la charge confiée au marquis. Il est expressément dit que celui-ci devra avoir connaissance de la totalité des questions relatives au gouvernement (comunicación universal en la materia de negocios) et exercera la surintendance de la Maison de la vice-reine, sans pour autant recevoir le titre de mayordomo mayor qui correspond à cette fonction palatine. La vice-reine doit accorder des audiences aux sujets portugais, soit devant le Conselho de Estado de Lisbonne, soit dans ses appartements particuliers, mais dans ce cas en présence du marquis. Ces dispositions convertissent le marquis en favori institutionnel de la vice-reine. Un pamphlet, immédiatement postérieur à la chute d’Olivares, disait que le marquis servait de précepteur (ayo) à la princesse, ce que le Comte-Duc avait été pour Philippe IV avant son avènement28. En revanche, les officiers italiens de la Maison de Marguerite se voient interdire toute participation aux décisions concernant les demandes de grâce et de pardon. Voilà donc la reproduction, à l’échelle de la vice-royauté, d’un ministériat sans affinité élective.
9Miguel de Vasconcelos e Brito exerce désormais la fonction de secrétaire d’État, à la place de Felipe de Mesquita29. Toute décision de portée générale ou concernant un particulier doit être consignée sous la forme d’un résumé rédigé de sa main. Tous les arrêts du Conseil de Portugal expédiés à l’intention de la vice-reine devront être renvoyés apostillés par Marguerite de Mantoue personnellement, ou par son secrétaire d’État.
10Les différents mémoires adressés à Marguerite s’accompagnent de considérations générales rédigées par Diogo Soares30 ou par le duc de Villahermosa31 sur les humeurs des Portugais et de précisions particulières sur les caractères des principaux personnages de Lisbonne. La vice-reine dispose donc de deux modes d’emploi bien différents pour remplir sa mission de représentation du roi au Portugal. On ne saurait parler ici de duplicité ou de dissimulation32, encore moins de machiavélisme. L’exposé des règles légitimes de l’exercice de l’autorité politique s’accompagne d’un programme d’action spécifique (la reconquête du Brésil et son financement). Par rapport aux catégories que nous avons repérées dans les textes de João Salgado de Araujo, ce qui est nouveau ici, ce n’est pas tant le recours à des juridictions extraordinaires (Junta da Fazenda) voire illégales (Cortes limitées de 1632) que l’apparition d’une architecture politique fort complexe dans laquelle le ministériat joue un rôle à la fois central et perturbateur. Le texte du décret définissant la surintendance, très clair sur l’importance des pouvoirs accordés au marquis de la Puebla, se trouve en totale contradiction avec l’esprit du compromis de Tomar :
Le marquis de la Puebla se rend au Portugal avec la princesse Marguerite ma cousine et il est chargé de la surintendance générale de toutes les affaires. Pour la résolution de certaines d’entre elles, force sera de convoquer des juntas de certains magistrats du Royaume. Il convient donc qu’on leur envoie les ordres nécessaires afin qu’ils comprennent tous qu’ils doivent s’y rendre chaque fois qu’il les convoquera et qu’il aura la préséance sur eux33.
11Un pouvoir aussi exorbitant est exactement celui dont jouit un favori du roi, placé au-dessus de la magistrature ordinaire du Royaume. Le roi a son valido, Olivares lui-même a son valido portugais en la personne de Diogo Soares et la vice-reine, elle aussi, a son valido castillan attitré. Antonio de Ataide, comte de Castro Daire, ancien gouverneur du Royaume, président de la Mesa da Consciência e Ordens et membre du Conselho de Estado de Lisbonne, écrit à Diogo Soares pour lui manifester son indignation. Il lui rappelle que l’archiduc Albert reçut de Philippe II deux conseillers portugais, Pedro de Alcaçova et Miguel de Moura. Albert avait gouverné en s’aidant de leurs avis en étroite collaboration avec le Conselho de Estado sans qu’aucun « étranger » (allusion au marquis de la Puebla) ne s’en fut jamais mêlé : aucun des membres de sa Maison, de son précepteur à ses laquais, n’avait pris part à la moindre décision. Alors, demande le comte de Castro Daire, est-il possible que la duchesse de Mantoue renonce par avance aux conseils que peuvent lui dispenser les nobles vassaux portugais34 ? L’écart entre l’instruction officielle et les rapports secrets fournit tous les arguments souhaitables à des opposants politiques. Mais c’est la complexité accrue du jeu des autorités qui dynamise l’ensemble des situations politiques et favorise la déstabilisation du système entier.
12Le gouvernement de Marguerite de Mantoue s’ouvre ainsi sur un conflit qui ne sera jamais réglé. Lors des débats qui ont précédé la rédaction des instructions de la vice-reine, Diogo Soares et le duc de Villahermosa s’étaient opposés, avec succès, à l’attribution de la « superintendencia de todos los negocios » au marquis de la Puebla. L’un et l’autre mesuraient le risque de voir leurs propres canaux d’influence politique soumis au parasitisme du favori officiel de la vice-reine. Ils eurent apparemment gain de cause à la fin de la seconde réunion, celle du 23 novembre. Mais le 4 décembre, veille du départ de la vice-reine et de son équipe pour Lisbonne, cousin d’Olivares arrache in extremis — et peut-être à l’insu de Soares — le rétablissement de la clause concernant la surintendance. Lorsqu’il l’apprend, Diogo Soares mobilise aussitôt les magistrats du Conseil de Portugal : ceux-ci établissent que le marquis ne pourra réunir de juntas qu’en présence ou au nom de la vice-reine. Le 7 décembre, alors que l’équipage princier a quitté Madrid, le Conseil de Portugal se réunit à nouveau. Seul Cid de Almeida, principal adversaire et rival de Diogo Soares, est favorable aux dispositions initiales car il y voit le moyen d’entraver la bonne marche du système mis en place par Miguel de Vasconcelos et Diogo Soares.
13Cependant, Francisco de Mascarenhas, Manuel de Vasconcelos, le duc de Villahermosa et Diogo Soares multiplient alors les clauses limitant l’autorité du marquis de la Puebla. Ce dernier, conscient du débat que suscite le décret arraché le 4 décembre, écrit au Conseil de Portugal à chacune des étapes de son voyage vers Lisbonne, notamment le 19 décembre d’Évora, puis le 29 à son arrivée dans la capitale. Le 6 janvier 1635, il prend connaissance du texte du décret tel qu’il a été modifié, Le cousin du Comte-Duc passe outre et, aussitôt installé, convoque dans ses appartements particuliers le comte de Miranda, Diogo Lopes de Sousa. Ce dernier, alors président du Conselho da Fazenda, s’indigne de ce que cette convocation n’ait pas eu pour cadre un lieu institutionnel et se plaint de la grossièreté du ton du marquis, pendant l’entrevue. D’entrée de jeu, Puebla a agressé un personnage fondamental dans le paysage politique portugais35, à la fois président du tribunal de Porto — la Casa do Civel — et principal responsable du financement des flottes, irrité de voir que le nouveau venu se croit permis de commander aux officiers du port de Lisbonne36. Aussitôt, la princesse Marguerite comprend qu’en se soumettant à la volonté du marquis de la Puebla elle s’aliène le comte de Miranda, sans lequel il devient impossible d’équiper l’armada37, car sa connaissance des moindres détails38 de cette opération le rend indispensable. Le marquis lui-même admet que rien ne peut être fait en l’absence du président du Conselho da Fazenda39. Un an plus tard, dans une lettre adressée à Diogo Soares, Miguel de Vasconcelos explique que le surintendant n’a pas hésité à organiser dans ses appartements le « despacho ordinario publico », c’est-à-dire l’exercice de la juridiction ordinaire, lequel est strictement réservé aux tribunaux de la polysynodie royale40. Plus généralement, le surintendant se répand en propos insultants sur la vice-reine, qu’il décrit comme une simple figurante. Il se présente donc comme un favori de comédie, responsable cynique de la perte de prestige de son maître. Dans un premier temps, il essaie de se concilier Miguel de Vasconcelos, dont il chante les louanges dans les premières lettres qu’il adresse à Diogo Soares, au cours des mois de janvier et février 163541. Il obtient alors l’envoi à Lisbonne d’un de ses officiers de finances favoris, Francisco de Valcarcel42. Mais, en dépit de son désir de passer en force, le marquis doit en rabattre sur ses prétentions. Dès le printemps, il constate son échec et s’en plaint à Olivares. Il proteste contre les restrictions ajoutées par le Conseil de Portugal aux termes de son décret de nomination :
Je ne sers à rien dans ce Royaume car tout se résout au gouvernement, et je ne sers qu’à faire rire et à me faire moquer43.
14Il observe, avec une lucidité certaine :
Moi, Son Altesse ne m’a pas choisi et personne n’aime avoir un conseiller choisi par autrui.
15Il manque à son ministériat l’amitié personnelle de Marguerite de Mantoue, à une époque où l’amitié n’est pas une inclination capricieuse du cœur mais un lien politique essentiel. Il passe alors à l’offensive et accuse Miguel de Vasconcelos et Diogo Soares d’être les « vrais rois du Portugal44 ». De son côté, Diogo Soares prépare avec Miguel de Vasconcelos l’équipe des vrais conseillers de Marguerite de Mantoue : Francisco Leitão, Francisco Pereira Pinto, le comte de Miranda et Fernando de Toledo, Maestre de Campo General45, Loin de donner l’impulsion politique aux décisions prises par la vice-reine, son surintendant en est donc le spectateur impuissant46. Dans cette situation, le marquis de la Puebla se convertit en l’un des plus féroces contempteurs de l’action du secrétaire d’État du Portugal. Il bombarde la Cour de courriers qui dénoncent toute l’activité de Vasconcelos47 et dès la fin de l’année 1635 demande à pouvoir rentrer en Castille48. Son collaborateur Francisco de Valcarcel, convaincu que les rapports qu’il envoie sont neutralisés par Diogo Soares, voudrait lui aussi gagner Madrid pour y exposer la situation portugaise49.
Conflits de compétence pour les affaires militaires
16Dès le début de la vice-royauté de Marguerite de Mantoue, un conflit du même type éclate entre le Maestre de Campo General Fernando de Toledo et l’ancien secrétaire de Consejo de Guerra Gaspar Ruiz de Escaray. Fernando de Toledo Henríquez, nous le verrons par la suite, sait se comporter en véritable soudard, mais il s’agit d’une des têtes politiques de l’époque, trop souvent ignorée par l’historiographie. Le Maestre de Campo General est la plus haute autorité militaire castillane au Portugal après Marguerite de Mantoue, la capitaine générale. Il est investi de la juridiction sur les soldats des présides et sur les éléments castillans des flottes conjointes. Depuis le début du règne de Philippe IV, Fernando de Toledo exerce cette charge, qui a pour caractéristique de convertir son titulaire en suppléant du capitaine général pendant les périodes d’intérim. L’arrivée de Gaspar Ruiz de Escaray, authentique conseiller militaire de la vice-reine, vient tout brouiller. Fernando de Toledo fait savoir à Marguerite de Mantoue et au Consejo de Guerra qu’il refuse que les ordres de la capitaine générale lui soient transmis par l’intermédiaire de Gaspar Ruiz de Escaray50. Il prétend que, sans le contreseing de la capitaine générale, les documents signés par celui-ci n’ont aucune valeur juridictionnelle. Il soupçonne Escaray de vouloir « gouverner le Maestre de Campo General en suivant les avis des personnes dont il lui plaît d’écouter les avis ». L’argument tient à la fois du mépris de l’officier militaire pour le péquin, celui-ci eût-il mis sa plume au service de l’épée durant de longues années, et du refus de l’arbitraire qu’incarne cet intermédiaire non prévu par le schéma hiérarchique ordinaire. C’est ainsi qu’Adrián de Sarrassa, officier appartenant à l’équipe de Gaspar Ruiz de Escaray et qui remplace parfois celui-ci51, a promu un quidam de sa clientèle au grade de sergent sans demander l’aval du Maestre de Campo General Cet affrontement se double d’une compétition pour le contrôle du montant des ventes des passeports délivrés par la capitainerie générale, contrôle que Fernando de Toledo refuse évidemment de lâcher52. Dans une lettre adressée au Conseil de guerre de Madrid, Escaray ironise sur le fait qu’un problème aussi mesquin et que la fâcherie de Fernando de Toledo à son égard aient pu émouvoir les conseillers au point qu’ils aient jugé bon de créer une junta à Madrid pour traiter du différend53. Pourtant, les membres du Conseil de Portugal s’interrogent, eux aussi, sur le statut du secrétariat dirigé par Ruiz de Escaray et refusent en tout cas que ses officiers reçoivent des gratifications prélevées sur les biens de la couronne portugaise54.
17Tandis que Fernando de Toledo fait la grève de ses fonctions et refuse donc de signer quelque document que ce soit, Marguerite de Mantoue tente de tempérer sa fureur. Elle reconnaît à la fois le caractère ombrageux du grand capitaine et ses compétences irremplaçables55. Mais les qualités du Maestre de Campo General ne suffisent pas pour que le roi désapprouve le conseiller militaire dont il a flanqué sa cousine Marguerite. Dans une lettre adressée à Fernando de Toledo, le roi refuse d’entendre les jérémiades de son officier et lui affirme qu’Escaray n’a en rien manqué au respect qu’il lui doit56. Mais Fernando de Toledo ne lâche pas prise. Après avoir poursuivi la grève du service qu’il observe depuis l’hiver57, le Maestre de Campo General finit par obtenir l’autorisation de se rendre à la Cour, Une fois à Madrid, il lui est plus aisé de défendre son point de vue, d’autant plus qu’il entretient d’excellentes relations avec les compères Miguel de Vasconcelos et Diogo Soares. Au cours du premier semestre 1636, il est même invité à participer aux débats du Conseil de Portugal lorsqu’on y discute des dispositifs de mise en défense du Portugal face à la menace des flottes françaises58. Le Consejo de Estado considère que Fernando de Toledo est indispensable à la défense de Lisbonne : on lui promet donc une gratification de quatre mille ducats et un titre castillan s’il accepte d’y retourner, ou bien la prison — comme Fadrique de Toledo deux ans plus tôt59 — s’il refuse60. Au moment de son retour, la situation s’est renversée : le roi écrit à Marguerite de Mantoue pour lui dire que Fernando de Toledo rentre à Lisbonne et qu’à l’avenir elle devra prendre toutes les décisions de nature militaire en étroite coordination avec lui. Il est précisé dans cette missive que le marquis de la Puebla et Gaspar Ruiz de Escaray ne seront informés de la tenue de cette délibération secrète (despacho secreto) qu’après l’enregistrement de la nouvelle instruction de Fernando de Toledo par le secrétariat de la vice-reine. Plus tard, Escaray se plaindra de ce que le Maestre de Campo General fasse parvenir ses « votos » particuliers directement à Madrid, sans passer par son secrétariat61. On dispose d’un brouillon de cette instruction de 163662. Tous les grands choix doivent résulter d’une consultation en tête-à-tête entre Marguerite et Fernando. La sécurité de Lisbonne relève désormais exclusivement de la compétence du Maestre de Campo General, et celui-ci organise les rondes sans même avoir à en rendre compte à la capitainerie générale. À la demande du Conseil de Portugal, la surintendance des troupes stationnées à Lisbonne, confiée à Jorge de Mascarenhas pendant l’absence de Fernando de Toledo63, est dissoute de façon que celui-ci puisse réintégrer sa charge de Maestre de Campo General64.
18Le retour de Fernando de Toledo à Lisbonne, en juillet 1636, apparaît donc comme un triomphe. Dès son arrivée à Lisbonne, il est logé au palais dans les appartements des capitaines généraux, qu’occupait jusqu’alors Gaspar Ruiz de Escaray65. Pourtant, le Conseil de Portugal a émis de sérieuse réserves sur la possibilité de lui verser trois ans d’arriérés de salaires sur la comptabilité de la douane de Lisbonne, ce qui reviendrait à le faire émarger sur les finances de la Couronne portugaise. Ce dernier obstacle provoque une colère monumentale d’Olivares :
Qu’on fasse en ces matières ce que j’ai précisément ordonné, car lambiner et laisser le Royaume sans défense c’est tout un, et il convient que vous remarquiez que cette Couronne [la Castille] y a consacré des millions ainsi que le sang de ses fils, et continuera de le faire pour la défense des conquêtes de ce Royaume [le Portugal] ; il convient donc de ne pas s’arrêter à de telles futilités66.
19Le soutien dont bénéficie Fernando de Toledo de la part du Comte-Duc est aussi total qu’il est mitigé du côté des magistrats portugais. Dans cette nouvelle situation, le marquis de la Puebla prend position en faveur de son camarade de promotion Gaspar Ruiz de Escaray, grand perdant de l’opération. Il se répand en imprécations contre Fernando de Toledo, présenté comme « ennemi du peuple », autrement dit comme allié et partisan du secrétaire d’État Miguel de Vasconcelos, ce qui s’avérait parfaitement exact67. Le marquis va donc s’employer à dresser l’un contre l’autre la capitaine générale et le Maestre de Campo General, sans grand succès68. Et de fait, le marquis fait très vite la preuve de son extrême capacité de nuisance.
II. — La dissidence du marquis de la Puebla
Le cénacle du marquis de la Puebla
20Dès l’été 1635, le comte-duc d’Olivares comprend que l’opération de Marguerite de Mantoue a échoué69. La désignation de deux conseillers auprès de la vice-reine entraîne une série de conflits de compétences ou de répartitions d’aires d’influence. Les uns et les autres ont leurs clients et leurs partisans à Madrid, au Conseil de Portugal, et au Consejo de Guerra, à Lisbonne au Conselho de Estado et à la municipalité (câmara). C’est ainsi que la frustration et l’aigreur du marquis de la Puebla favorisent la constitution autour de sa personne d’un pôle d’opposition à Miguel de Vasconcelos. Selon les moments et les documents, le cousin du Comte-Duc peut apparaître comme le symbole vivant de l’inconstitutionnalité du gouvernement de Marguerite de Mantoue ou bien comme l’une des têtes visibles de la faction popular, c’est-à-dire hostile à la politique d’extraordinaire fiscal et de noyautage des institutions incarnée par Miguel de Vasconcelos et Diogo Soares. Après que l’échec de Marguerite et d’Olivares eut été sanctionné par le mouvement de la Restauração, la plupart des acteurs tentèrent de se dédouaner de leurs responsabilités en chargeant Miguel de Vasconcelos et Diogo Soares de tous les maux. Les révoltés ne confirmaient-ils pas, en effet, cette lecture des événements, eux qui s’en étaient uniquement pris à la personne du secrétaire d’État ? Or, dans la défense qu’il a mise au point pour répondre aux accusations qui lui sont adressées, Diogo Soares reconstitue à l’intention de ses juges la situation politique des années 1635-1640. Selon lui, cette période serait caractérisée par l’organisation, autour du marquis de la Puebla, d’un noyau de résistance aux ordres venus de Madrid70. Après la journée du 1er décembre, Diogo Soares considère donc que la principale cause de la Restauração réside dans l’attitude du marquis. Que reproche-t-il précisément à celui-ci ?
21Le débat sur la surintendance et sur la définition de ses attributions ont fait de Puebla un ennemi acharné du secrétaire d’État de Madrid, et sa capacité de nuisance est considérable. Il désigne Soares et Vasconcelos comme les seuls responsables de l’adoption d’innovations fiscales71. Comme en témoigne une lettre de Francisco Leitão datée de février 163672, le cousin du Comte-Duc accuse publiquement Diogo Soares de filtrer l’information qui parvient à Olivares, et par conséquent au roi. Il s’agit d’une accusation de la plus haute gravité, car le crime dénoncé relève de la lèse-majesté et a conduit plus d’un favori à l’échafaud, à la fin du Moyen Age et à l’époque moderne. De plus, dans le cadre portugais, cette assertion signifie que Philippe IV de Castille ne peut exercer correctement son office de roi du Portugal. Dans l’épreuve de force engagée, Diogo Soares doit mettre dans la balance la menace de sa propre démission. Les prétentions du marquis de la Puebla paralysent en effet le gouvernement de Lisbonne. Dans une autre lettre adressée à Diogo Soares, Francisco Leitão présente la situation en termes peu équivoques :
Le marquis de la Puebla, en raison de sa condition naturelle, n’est jamais content s’il n’est pas la cause première de tout ; et comme il est évident qu’il n’est pas l’auteur des décisions, il refuse d’approuver certaines résolutions présentées au Conseil pour les faire entrer en application73.
22Pour Leitão, la stratégie du marquis de la Puebla est simple : celui-ci essaie de saboter les décisions pour montrer au Comte-Duc que, s’il ne reçoit pas les pleins pouvoirs, rien ne peut réussir au Portugal. Son attitude est d’autant moins justifiable que, contrairement à ce qu’il prétend, la cousine du roi et le secrétaire d’État ne le tiennent nullement à l’écart des décisions. Francisco Leitão, toujours lui, témoigne :
Il a provoqué un grand bruit sur le fait qu’il n’est au courant de rien de ce qui se fait et se décide mais il le sait mieux que personne, parce qu’il voit tout d’ici et que tous les dossiers, rapports et ordres passent par ses mains, qu’à la junta il prend connaissance des informations concernant tous les sujets et que Vasco Fernandez César l’informe de tout ; et il n’a pas honte ensuite de prétendre n’avoir aucune connaissance valable de ce que personne ne sait mieux que lui74.
23Dans sa défense, Diogo Soares renverse l’argument classique : loin d’être tenu dans l’ignorance, le marquis de la Puebla se trouve à la tête d’un réseau d’information auquel les secrétaires et membres du Conseil de Portugal n’ont pas accès. Avec Marguerite de Mantoue, avec Gaspar Ruiz de Escaray et avec Francisco de Valcarcel, son ancien collaborateur au Conseil des Finances de Madrid, le marquis entretient une « voie secrète » (vía secreta) uniquement connue des Castillans75. Dès le début de la période, Francisco Leitão avait dénoncé l’attitude des « Castillans » du gouvernement, leurs grands airs et leur refus de travailler à ce qui importe vraiment, c’est-à-dire à l’organisation et au financement des flottes de secours76. Francisco de Valcarcel doit alors assurer le roi qu’il n’agit pas à l’encontre des ordres reçus, tout en précisant que Miguel de Vasconcelos fait sur place l’unanimité contre lui77. On voit poindre ici une opposition d’un type nouveau entre Castillans et Portugais. Le groupe des Castillans apparaît comme le fossoyeur des projets olivaristes portés par les deux secrétaires d’État portugais et par leurs principaux collaborateurs, Francisco Leitão78 et Francisco Pereira Pinto79, faits tous deux magistrats le même jour au Desembargo do Paço.
24Les accusations lancées très tôt par le groupe des partisans de Miguel de Vasconcelos contre son rival le marquis de la Puebla peuvent être classées en deux catégories : le sabotage du travail gouvernemental et la constitution d’un pôle d’opposition politique autour du surintendant. L’objectif principal que devait poursuivre le cousin d’Olivares était la mise en place de la renda fixa, dont la généralisation de l’impôt du real d’agoa et la rétention de certaines tranches de salaires et pensions constituaient les mécanismes essentiels. Or il se trouve que les informations sur les intentions de chaque municipalité, et par conséquent la capacité à négocier avec elles, demeuraient entre les mains de Francisco Leitão et de son compère Francisco Pereira Pinto. Une lettre de Leitão nous apprend en outre que le Desembargo do Paço renâcle lorsqu’on lui demande d’établir le regimento (« règlement ») du real d’agoa, ce qui s’explique en partie par la présence parmi les desembargadores de João Sanches de Baena80, rival et ennemi juré de Francisco Leitão81. Du coup, Francisco Leitão décide de se passer du concours du Desembargo et entreprend de s’informer par ses propres moyens sur l’état du real d’agoa dans chacune des grandes municipalités du Royaume. La compétence dont il fait preuve sur ce dossier épineux n’en est que renforcée82. La câmara de Lisbonne accepte le principe de la perception de l’impôt à condition qu’une junta vérifie la conformité des opérations fiscales aux lois du royaume de Portugal. Loin de refuser cette manœuvre, le marquis de la Puebla organise, de son propre chef, une junta ad hoc. Alors qu’il aurait pu constituer à son gré une commission facile à manœuvrer, le surintendant convoque d’une part les deux spécialistes, Leitão et Pereira Pinto, mais aussi Francisco de Andrade Leitão et João Sanches de Baena, deux grands magistrats dont l’hostilité à l’égard de Vasconcelos et de Leitão est de notoriété publique83. Comme c’était à prévoir, les deux magistrats font connaître publiquement leur désaccord, afin de gagner une aura populaire. Les partisans de l’extension du real d’agoa à l’ensemble des municipalités du Royaume finissent par l’emporter, mais au prix d’un gâchis politique lourd de menaces84. Non content d’avoir ainsi partiellement torpillé le projet fiscal, Puebla persiste à vouloir se mêler de l’affaire. Au moment où il est nécessaire de convaincre la municipalité de Santarem d’accepter le principe de l’imposition automatique du real d’agoa, Miguel de Vasconcelos propose au surintendant de faire nommer échevin de la ville un de ses cousins, Duarte Sodré da Gama, citoyen de Santarem. Or le marquis décide de désigner un autre cousin du secrétaire d’État, un certain Antonio Leite Pacheco. Mais ce dernier réside à Lisbonne et sa nomination à une charge édilitaire fait l’effet d’un parachutage qui indigne les magistrats de Santarem85. Maladresse insigne ou volonté délibérée d’embarrasser Vasconcelos et les siens ? À propos du même dossier, le marquis oppose son veto au candidat désigné par Miguel de Vasconcelos (Francisco de Sa Miranda) pour convaincre la municipalité de Coimbra86.
25La nocivité de l’action du surintendant est également manifeste dans un autre domaine, d’une importance capitale : la préparation des flottes de secours du Brésil. D’une part, il bloque les travaux de la commission d’armement des flottes en provoquant un conflit entre Fernando de Toledo et le comte de Santa Crus, Martinho de Mascarenhas. Pour essayer de débloquer la situation, le Maestre de Campo General, qui est pourtant l’homme clef dans cette affaire, accepte de figurer au dernier rang protocolaire pourvu que les délibérations de la commission avancent87. Jamais le surintendant de la Maison de la princesse Marguerite ne prétend organiser lui-même l’équipement des flottes, travail qui revient à des officiers et magistrats de rang inférieur, les inspecteurs des flottes (Tomás de Ibio Calderon) ou des commissaires ad hoc (Francisco Leitão). En revanche, lui qui eut, en tant que président du Consejo de Hacienda à Madrid, la responsabilité de la juridiction sur les contrats de fourniture à la couronne de Castille, veut retrouver à Lisbonne la haute main sur les négociations engagées avec les hommes d’affaires portugais. Dès son arrivée sur les bords du Tage, il s’est aliéné, nous l’avons vu, son homologue le comte de Miranda, président du Conselho da Fazenda, qui se trouve au cœur du dispositif portugais de financement des flottes88. Le Conselho da Fazenda souffrait déjà d’une crise de légitimité, d’une part parce qu’il était flanqué de la Junta du même nom, mais aussi parce qu’un Castillan, Tomás de Ibio Calderon, y siégeait. Encore la présence de ce dernier dans un tribunal portugais se justifiait-elle par le fait qu’il n’opinait qu’à propos du financement des bâtiments de guerre et qu’il fallait chaque été préparer une flotte mixte luso-castillane. L’attitude et les exigences du marquis de la Puebla détériorent la situation. Comme on l’a vu89, le surintendant obtient d’Olivares qu’un second Castillan, son fidèle Francisco de Valcárcel, siège au Conselho da Fazenda, En tout état de cause, à l’époque de la formation du gouvernement de Marguerite de Mantoue, le Comte-Duc avait pensé nommer à ce Conseil le grand juriste castillan Juan Bautista Larrea90. Cette candidature fut rejetée parce qu’on redoutait que l’extraction modeste de Larrea, né dans une famille de négociants grenadins, n’humiliât les magistrats portugais. Valcárcel fut retenu d’emblée comme une solution de rechange possible.
26Le cousin d’Olivares pousse ainsi le comte de Miranda à une sorte de grève du ministère. Francisco Leitão, qui sait bien que le comte adhère à la faction olivariste portugaise91, se désole de voir ainsi ruiner les efforts menés par le clan Vasconcelos pour consolider leurs alliances dans l’élite portugaise :
Le comte de Miranda répondit naguère qu’il servirait Sa Majesté, comme vous le savez, et qu’il ferait ce qu’on lui demanderait mais, comme vous l’avez vu, Sa Majesté ne s’en est pas contentée et lui a demandé de répondre clairement, sans amphibologie, et de servir même en étant malade et alité, et de se lever pour servir dans un fauteuil [...]. Il ne convoque chez lui ni les hommes d’affaires d’ici, ni les étrangers, ni les officiers des magasins et il ne s’y rend pas, soit parce que Fernando de Toledo le fait à sa place, soit pour d’autres raisons [...]. Il reste chez lui, dort, engraisse et manifeste sa mauvaise humeur et sa méfiance92.
27Et Francisco Leitão d’insister sur le fait que le comte, qui est également président de la Casa do Civel, est pourtant un ami et un allié politique solide93. De plus, Miranda sait mettre sur pied une flotte94. Au total, le Conseil des Finances de Lisbonne devient une institution incapable de répondre aux attentes du roi et de ses officiers chargés d’équiper les flottes de secours95. La situation est d’autant plus désolante que le comte de Miranda a été déchargé de toutes ses responsabilités afin de pouvoir se consacrer exclusivement à la question du financement de l’armada96. Excédé, Francisco Leitão qualifie de « chose ridicule » cette institution déclarant n’avoir pas la moindre idée du volume approximatif des finances royales portugaises et invoquant pour prétexte de son ignorance le fait que la plupart des rentes de la Couronne sont aliénées. Au mois d’août, le roi dut faire part de son irritation au comte-président, tant il craignait que la campagne de navigation d’automne ne tournât au désastre97.
28Ce refus du Conseil des Finances de Lisbonne à exister politiquement tient aussi sans doute aux fonctions financières qu’Olivares octroie depuis 1631 à l’équipe de Vasconcelos et aussi, désormais, à celles que s’arrogent le surintendant et son lieutenant Francisco Valcárcel. La concurrence politique entre Vasconcelos et le surintendant trouve sa traduction dans la recherche de montages financiers concurrents. L’armement des flottes de secours du Brésil dépend d’abord de la capacité des officiers du roi à conclure des contrats avec les hommes d’affaires actifs sur la place de Lisbonne.
29Eu égard aux fonctions qu’il avait exercées en Castille, notamment en matière de financement des flottes98, le marquis de la Puebla se fait un point d’honneur de négocier les contrats les plus avantageux pour les finances royales. Or il apprend, à son grand dam, que le réseau de Miguel de Vasconcelos a plus de crédit et est mieux introduit que le sien dans le monde de la finance lisboète. Ainsi, en 1637, alors que l’on débat sur la nécessité de lancer un emprunt de deux cent mille cruçados auprès des financiers, le marquis propose d’en convertir quatre-vingt mille en emprunt forcé et de demander au seul Simão de Sousa d’avancer les cent vingt mille cruçados restants. Il justifie sa proposition en attribuant à Simão de Sousa la responsabilité de la spéculation financière qui avait contraint à dévaluer le vellón en Castille — en fait, il lui reprochait surtout d’appartenir à la coterie de Miguel de Vasconcelos99. Autre exemple, toujours en 1637, des agissements du cousin du Comte-Duc : cette année-là, deux options financières se présentent aux responsables de l’armement des flottes. Le vieux Tomás de Ibio Calderón, chargé de constituer une partie de la flotte100, signe un contrat avec le marchand Luís Vas de Resende, tandis que Francisco Leitão et Fernando de Toledo optent pour les conditions offertes par le célèbre banquier Pedro de Baeça. Convaincu que ce dernier appartient au réseau de Vasconcelos, le marquis de la Puebla apporte tout son appui à Tomás de Ibio Calderón et Luís Vas de Resende. En outre, Francisco Leitão peut se vanter de pouvoir négocier avec des banquiers de l’importance de Jorge Fernandes, Pedro de Baeça ou encore João Hals, lequel n’accepte d’engager ses facteurs et correspondants flamands qu’après que Francisco Leitão s’est personnellement engagé à garantir que ceux-ci pourront venir vendre leur poudre à canon et leur goudron à Lisbonne sans être inquiétés. Dans cette situation, le marquis ne peut donc jouer que la carte Vas de Resende, commerçant spécialisé dans l’importation du bois de brésil, activité hautement fragilisée par l’invasion hollandaise et l’insécurité maritime101 (Francisco Leitão et Cid de Almeida durent d’ailleurs inspecter ses comptes en raison de ses difficultés commerciales102). Dans ces conditions, il est logique que la duchesse de Mantoue ait tranché en faveur du contrat que Miguel de Vasconcelos et Francisco Leitão avaient négocié avec Pedro de Baeça103. Désavoué publiquement en plein Conselho de Estado, le surintendant laisse éclater son amertume avec une grossièreté qui fait fuir la vice-reine vers ses appartements :
Elle se retira et demeura dans la galerie où la réunion se tenait, tandis que mille couleuvres sortaient de [la] bouche [du marquis], déclarant sans frein et à grands cris qu’on ne pouvait souffrir pareille chose, et que l’on continuait à tramer ces cochonneries dans les coins [en parlant du contrat amélioré] alors qu’il lui revenait de négocier les contrats, et qu’il n’était pas savetier104...
30De son côté, Miguel de Vasconcelos se répand en éloges sur le Maestro de Campo General Fernando de Toledo et Francisco Leitão, qui ont réussi à faire signer le meilleur contrat qui soit105. Quant à la vice-reine, elle paraît, d’après le secrétaire d’État, « folle de joie » en prenant connaissance des conditions avantageuses arrachées au financier Baeça.
31Francisco Pereira Pinto témoigne lui aussi du ton ordurier du marquis de la Puebla à propos de Francisco Leitão, pourtant fêté par la princesse Marguerite. Pourquoi la préférence accordée au contrat de Leitão provoque-t-elle un tel déchaînement de colère ? Trois raisons méritent d’être soulignées. Le choix de la junta présidée par la vice-reine sanctionne d’abord deux compétences : à l’évidence, Francisco Leitão connaît mieux que le marquis le marché et les réseaux financiers de la place de Lisbonne. De plus, les retombées politiques et économiques de la signature du contrat de fourniture aux flottes ne profitent qu’à l’équipe qui a emporté le morceau : Francisco Leitão et Miguel de Vasconcelos peuvent dès lors faire profiter leurs alliés et clients de la gestion des sommes empruntées. Enfin, la capacité de Leitão à convaincre les financiers de lui accorder des prêts plus avantageux démontre son crédit — sa crédibilité — auprès des détenteurs de capitaux. Ce dernier point est essentiel : la confiance qu’inspire Leitão ne s’explique pas seulement par sa rigueur et son zèle, qualités qui ne manquent pas nécessairement à l’équipe Puebla-Valcárcel. Si les hommes de finances croient pouvoir s’entendre avec Leitão, c’est parce qu’il est nettement engagé dans la politique de perception de l’extraordinaire fiscal. Mieux que le marquis de la Puebla, il incarne la volonté — sans doute périlleuse — de créer de nouvelles sources de revenus, c’est-à-dire de nouvelles possibilités de rembourser les emprunts du roi avec de l’argent frais. Les différents documents qui attestent de la capacité de Francisco Leitão à mobiliser des liquidités en faveur des finances royales montrent qu’il savait emprunter très vite beaucoup d’argent sur son nom. Nous verrons ultérieurement comment il renforça son autorité en gérant des caisses fiscales solides106. Mais ce qui importe ici, c’est précisément la question inverse : pourquoi le surintendant échoue-t-il dans sa tentative de constituer un réseau financier autour de sa personne, alors qu’il était arrivé à Lisbonne auréolé de son expérience de président du Conseil des Finances de Castille ? La réponse est donnée, en partie tout au moins, par ce qui précède. En effet, à aucun moment le cousin d’Olivares ne s’est lui-même identifié à la politique de croissance de l’extraordinaire fiscal. Face à une équipe comme celle de Miguel de Vasconcelos, soudée et efficace, le marquis joue la carte de l’opposition à la tyrannie financière des deux secrétaires d’État, occupant ainsi l’espace politique abandonné par le comte de Basto après sa retraite à Évora. De toute façon, l’équipe de Diogo Soares ne l’emporta pas au paradis. En effet, dès le mois d’août 1638, le comte de la Torre, Fernando de Mascarenhas, capitaine des vaisseaux portugais de la flotte, se plaignait des dotations insuffisantes de ses navires107. C’est pourquoi, lorsqu’il essuya une défaite navale fatale au large du Brésil, la faute en fut attribuée à Diogo Soares, soupçonné d’avoir saboté l’opération par haine du clan Mascarenhas.
Le sabotage de l’action gouvernementale
32Diogo Soares, après la Restauração, analysa les mécanismes par lesquels le marquis de la Puebla, cet aristocrate castillan de premier plan et ce haut magistrat olivariste, avait fini par devenir un des chefs de la faction « populaire » ou, pour reprendre ses propres termes, de la parcialidad infecta. Si l’on en croit le secrétaire d’État, peu après son arrivée à Lisbonne, le surintendant, frustré de ses ambitions et ne tenant aucun compte des instructions reçues à Madrid, fréquente les membres de la parcialidad. On dit même qu’il réunit chez lui un cénacle (conventículo) composé d’ennemis jurés de Vasconcelos108. Il pousse même la trahison jusqu’à communiquer à tout ce qui compte à Lisbonne la série de portraits de personnalités portugaises secrètement rédigés par Diogo Soares à l’intention de la princesse Marguerite, et où les aristocrates, prélats et légistes portugais sont classés en catégories telles que « traîtres », « crétins », « séniles », etc.109 Dans une lettre datée de 1635, Francisco Leitão expliquait déjà comment le marquis de la Puebla se rendait populaire à force de se prétendre impuissant à peser sur les décisions gouvernementales110. La description du cénacle par Francisco Leitão mérite d’être citée :
Il [le marquis de la Puebla] a perdu le sens et a décidé qu’il valait mieux gagner la compagnie et la complaisance des gentilshommes et vivre en bonne intelligence avec eux, plutôt que persister avec constance dans l’œuvre d’exécution des ordres du roi [...]. Je vois, par ailleurs, le monde plein de personnes méfiantes et repliées sur leurs propres intérêts et objectifs, méprisant les meilleurs, et qui trouvent un havre et un bon accueil chez le marquis de la Puebla. Il s’y monte une officine de mauvaise volonté et de calomnies contre les ordres du roi et contre ceux qui le servent dans les circonstances présentes [...]. Le marquis, par ses manières, ne fait que cajoler les malcontents car ils s’opposent à ceux qui servent Votre Majesté suivant les principes de Son gouvernement et qui, pour cette raison, aident Madame la Princesse et lui obéissent. Tout revient à inventer et chercher comment calomnier, discréditer et ridiculiser, tout consiste à se rendre populaire en gémissant contre les impôts et les persécutions111.
33Le cousin du Comte-Duc laissait entendre, en cet été 1637, que la duchesse de Mantoue serait bientôt relevée de ses fonctions et que le clan Vasconcelos-Soares serait emporté avec elle. Informé de cette rumeur désastreuse en pleine campagne de financement de la flotte, Miguel de Vasconcelos raconte que les financiers de Lisbonne sont sur le point de se retirer des négociations des contrats en raison du sentiment d’incertitude politique ainsi propagé112. De son côté, Francisco Leitão apprend grâce à ses informateurs que dans le cénacle on désigne l’équipe Vasconcelos sous le nom de protestants, « comme si nous étions des sectateurs de Luther ».
34Le surintendant pousse l’adresse politique jusqu’à exiger qu’aucun officier castillan ne participe aux réunions des juntas financières qui porteraient sur l’organisation d’une nouvelle ponction fiscale. De cette façon, il apparaît comme un magistrat respectueux de l’esprit du compromis de Tomar et évite du même coup que son homme-lige, Francisco de Valcárcel, membre castillan du Conselho da Fazenda, soit mêlé à des arbitrages impopulaires113. Son travail de sape désorganise complètement le travail de la commission de rachat des revenus de la Couronne aliénés, la Junta do Desempenho : en effet, les comtes de Miranda et Castro Daire ainsi que Jorge de Mascarenhas, comte de Castelo Novo, refusent d’y siéger. Restent donc le marquis de la Puebla et le comte de Prado, Luís de Sousa, tous deux hostiles à toute innovation fiscale114, face aux membres de l’équipe de Vasconcelos (Francisco Leitão et Francisco Pereira Pinto). Dans une lettre qu’il adresse à Diogo Soares, Leitão explique au secrétaire du Conseil de Portugal comment l’équipe de Vasconcelos s’est laissée prendre au piège. Miranda, président du Conselho da Fazenda, Castro Daire, gouverneur du Portugal pendant les années 1631-1633, et Castelo Novo, ancien président de la câmara de Lisbonne, refusant d’assister à la Junta do Desempenho afin de témoigner leur mécontentement à l’égard du marquis de la Puebla, le groupe des amis de Vasconcelos demeure seul à défendre la politique de renforcement de l’extraordinaire fiscal. Haï du temps de sa présidence à la câmara de Lisbonne pour avoir trop cédé aux exigences d’Olivares (notamment au moment de la réunion des Cortes-croupion de 1632) et pour avoir complaisamment présidé la Junta da Fazenda de 1631, Jorge de Mascarenhas est désormais adulé. Pour sa part, le marquis de la Puebla, à défaut d’avoir pu contrôler les finances du Royaume, s’est forgé une image de « père de la patrie » portugaise !
35Francisco Leitão explique que les partisans et alliés du secrétaire d’État se retrouvent désormais seuls à défendre l’extension des impôts de la sisa et du real (d’agoa : ils ont ainsi acquis « une réputation de ministres de la persécution » et font figure, en raison de leur isolement, de faction scélérate. Ainsi, deux ans après le changement de gouvernement vice-royal, les hommes d’Olivares se retrouvent pris dans un nœud de tensions comparables à celles qu’avait engendrées la création de la Junta da Fazenda entre 1631 et 1634115 et qui avaient abouti à l’attentat manqué contre Miguel de Vasconcelos116. Le surintendant, se faisant le porte-parole de ses amis de l’aristocratie portugaise, exhorte la noblesse du Royaume à ne pas participer au don gratuit (donativo) demandé par Madrid. L’opposition du cousin d’Olivares est si ferme que les rôles semblent s’être inversés. Francisco Leitão dénonce cette situation inédite au Portugal :
Rares sont ceux qui promettent de verser quelque chose, et nombreux ceux qui ne donnent rien, et parmi ceux-là on compte dom Pedro de Alcaçova et dom Pedro Coutinho, et l’Alcaçova raconte que nous autres, les Portugais, sommes coupables de la levée de ces dons, impositions et tributs, alors que le marquis de la Puebla est un saint qui mérite d’être élevé sur les autels117.
36Le clivage entre Castillans et Portugais est désormais brouillé, en tout cas à Lisbonne : le marquis a bien réussi à se faire « popular ». Toujours d’après Francisco Leitão, le projet d’implantation au Portugal du papier timbré est torpillé au cours d’une réunion orageuse, tenue dans les appartements du marquis de la Puebla118.
37À la veille du grand cycle des émeutes d’Alentejo et d’Algarve, une nouvelle donne politique s’est donc mise en place à Lisbonne. Alors que l’exposé classique des événements décrit successivement la révolte antifiscale populaire de 1637 puis la conjuration nobiliaire de 1640, les responsables de la politique de renda fixa proposent une tout autre analyse. L’adhésion du marquis de la Puebla au parti des malcontents donne une idée de la résistance considérable que, bien avant 1640, les projets d’Olivares rencontraient dans l’aristocratie portugaise. Dès 1636, Francisco Pereira Pinto décrit une situation fortement dégradée dans la haute magistrature et dans la noblesse. Il assiste, impuissant, aux querelles de préséance auxquelles donne lieu le projet de fusion des deux organes chargés de mettre en œuvre la politique confiée à la duchesse de Mantoue, la Junta do Desempenho, dont il vient d’être question, et la Junta de Aprestos das Armadas, chargée de l’armement des flottes. À l’en croire, certains grands aristocrates portugais et le marquis de la Puebla lui-même y trouvent un excellent prétexte pour geler les innovations introduites par l’équipe de Miguel de Vasconcelos. Puisque, comme nous l’avons souligné, les comtes de Miranda, de Castelo Novo et de Castro Daire abandonnent la Junta do Desempenho, plus aucune décision concernant la renda fixa n’est désormais prise avec leur accord.
De tout cela, les plus coupables sont les plus grands et ceux qui occupent les postes les plus élevés et ceux qui ont reçu le plus de grâces de la grandeur du roi, et on en vient non sans raison à dire que jamais l’autorité royale ne fut plus méprisée qu’à présent, alors que ce devrait être le contraire puisque c’est une vice-reine qui nous gouverne [...]. Ceux qui nous gouvernent ne font rien d’autre que d’aider à dégouverner [desgovernar]119.
38Le cousin du Comte-Duc et son assistant Francisco de Valcárcel sont expressément désignés comme les responsables de cette situation alarmante.
39En 1637, alors que les émeutes d’Évora ont déjà commencé, Francisco Leitão refuse de considérer que la dissidence se limite à la paysannerie. « Le clou est planté plus haut », avertit le commissaire. Il dénonce le cynisme des aristocrates portugais, qui soutiennent la politique d’extraordinaire tant qu’ils sont persuadés qu’il est impossible de la faire appliquer :
Lorsque certains grands, dont le roi attend beaucoup, estiment que tout ce qu’on entreprend demeure à l’état de préparatifs et de préambules et que l’exécution de ce qui les concerne n’aura pas lieu, alors ils font des courbettes, démontrent leur amour, leur zèle, leur empressement et votent en faveur de tout ce que le roi désire ; mais lorsqu’ils voient que l’affaire avance pour de bon et que sa mise en pratique approche, tout n’est plus que prétextes et artifices pour en empêcher l’exécution120.
40Ces remarques de Leitão doivent nous mettre en garde contre le risque qu’il y aurait à considérer les comptes-rendus des séances des Conseils comme des sources fiables sur l’adhésion ou l’opposition des uns ou des autres aux programmes d’Olivares. Comme nous le verrons avec l’exemple du comte de Miranda, une même personne peut bien accepter le principe du prélèvement fiscal à l’échelle très générale de la décision gouvernementale et en récuser l’application sur ses terres, par exemple dans le ressort des juridictions elle contrôle. Cette dénonciation de la duplicité des aristocrates portugais coïncide avec le retournement du marquis de la Puebla. Celui-ci, après avoir exigé d’exercer une surintendance castillane sur les affaires portugaises, après avoir même suggéré l’alignement du Portugal sur les royaumes italiens et la création à son profit d’une vice-royauté purement castillane, choisit le camp du refus de toutes les initiatives olivaristes.
41Francisco Leitão démonte le mécanisme suivi par une partie de la noblesse et par Puebla pour faire échouer le programme de rétention forcée du quart du montant des salaires et revenus des biens de la couronne de Portugal121. Au mois de mai déjà, au lieu d’appliquer à ses magistrats l’ordre venu de Madrid, Baltasar Fialho, le chancelier de la Casa da Supplicação, l’avait fait mettre aux voix. Marguerite de Mantoue avait alors dû l’exiler de Lisbonne122, et Miguel de Vasconcelos s’était ensuite chargé de lancer contre lui une accusation de malversation sur les rentes de la douane de Porto123. Les comtes de Prado et de Castro Daire, appuyés par Francisco de Valcàrcel, ramenèrent ensuite la procédure d’examen du programme à son point de départ en demandant au roi de vérifier la conformité du projet aux lois et au droit portugais, c’est-à-dire de faire procéder à une expertise juridique menée par le Conseil de Portugal, le Desembargo do Paço et le Procurador da Corôa124. En outre, le 29 mai de l’année suivante, Jorge de Mascarenhas envoie chercher à son domicile Domingo Alvares Blandão, le trésorier de la douane de Lisbonne, chargé de la rétention du quart des salaires et pensions assignés sur ses caisses, et le menace d’une inspection qui en finirait avec sa carrière125. Le lendemain matin, alors qu’il traverse l’esplanade du palais avec son caissier, le trésorier est conduit de force dans la voiture de Francisco de Valcárcel, qui lui arrache ses livres de compte. Il ne faut pas s’étonner des positions prises par les aristocrates qui assistaient aux réunions factieuses organisées chez le comte d’Atouguia, Luís de Ataide, éternel malcontent. En revanche, l’attitude de l’officier de finances castillan Francisco de Valcárcel demande quelques explications. L’énigme est facilement résolue lorsqu’on sait que son plan d’action a été dessiné lors des réunions du cénacle du marquis de la Puebla, auxquelles participent également Atouguia et ses comparses. Or cette rétention du quart des salaires et rentes valait moins pour les revenus qu’on en espérait que pour la publicité que Miguel de Vasconcelos voulait lui donner : en faisant peser une partie de l’effort fiscal sur les principaux membres de l’aristocratie, les hommes de l’équipe de Vasconcelos se trouvaient en bonne position pour négocier avec les municipalités l’extension du real d’agoa. Peu de temps avant les émeutes d’Évora, le cousin d’Olivares et les aristocrates dont il a épousé la cause ont donc coalisé les titulaires des biens de la Couronne et les contribuables urbains du real d’agoa126. Miguel de Vasconcelos signale que le marquis informe systématiquement les nobles qui fréquentent son cénacle des projets financiers conçus à Madrid. C’est ainsi qu’au début de l’année 1637, Jorge de Mascarenhas et le comte d’Atouguia prennent publiquement la parole contre les nouvelles impositions. Si l’on en croit le témoignage de l’évêque de Porto, le surintendant aurait à la même époque coupé tous les ponts avec Marguerite de Mantoue pour ne plus se consacrer qu’aux réunions dissidentes animées, avec le concours de Jorge de Mascarenhas et du comte d’Atouguia, par Francisco de Lucena, rival malheureux de Miguel de Vasconcelos à la fonction de représentant d’Olivares au Portugal127.
42Le marquis est accusé par Diogo Soares d’attiser l’esprit de révolte. C’est notamment le cas à propos des campagnes lancées contre Francisco Pereira Pinto. Les informateurs particuliers de Francisco Leitão, des ecclésiastiques, dressent le palmarès de l’impopularité en 1637 : Francisco Pereira Pinto, Francisco Leitão et Miguel de Vasconcelos viennent en tête128. La crise s’accentue à Lisbonne lorsque parviennent les premières informations sur les émeutes d’Évora. Fernando de Toledo les interprète comme le résultat d’une campagne de bobards à propos de nouveaux impôts aberrants, notamment sur les dots et les nouveaux-nés129. Alors que Miguel de Vasconcelos voit dans les soulèvements de l’Alentejo la poursuite par d’autres moyens de l’obstruction au desempenho et aux aprestos de armadas, les aristocrates du groupe animé par le comte d’Atouguia y voient la preuve de l’échec du secrétaire d’État. Francisco de Lucena, désormais passé dans l’orbite du marquis de la Puebla, fait courir le bruit que Miguel de Vasconcelos, Fernando de Toledo et Francisco Leitão s’apprêtent à faire désarmer les citoyens de Lisbonne afin de pouvoir leur appliquer en toute quiétude de nouveaux impôts. Dès l’annonce des soulèvements, le comte de Prado exige la suspension des travaux de la Junta do Desempenho, à laquelle de toute façon il n’assistait plus. Jorge de Mascarenhas exprime publiquement sa joie et avertit la princesse Marguerite que le peuple de Lisbonne s’arme depuis des mois. Une émotion se produit sous les fenêtres de la résidence de Francisco Pereira Pinto. Parmi les meneurs se trouve Lourenço de Almada, fils du restaurador Antão de Almada. Ce dernier se trouve lui aussi engagé dans une attitude d’opposition totale au gouvernement de Marguerite de Mantoue et, d’après Miguel de Vasconcelos, appartient à la clientèle du surintendant130. Depuis des mois, l’évêque de Porto a eu vent, en confession, des menaces qui pèsent sur Francisco Pereira Pinto. Le comte de Prado, président de la câmara de Lisbonne, le comte d’Atouguia et le marquis de la Puebla mènent depuis des mois une campagne de rumeurs prêtant à Pereira Pinto la volonté de ruiner la noblesse portugaise en l’écrasant sous de nouvelles exactions131. Sous la menace, celui-ci finit par se rendre à la Cour pour préparer les convocations de 1638, mais avec la ferme intention de revenir132. La Restauração l’en empêchera. Francisco Leitão, lui aussi, apprend par des amis ecclésiastiques que ses propres jours sont en danger133.
43Or, s’il est vrai que le rôle de Miguel de Vasconcelos dans la tentative d’extension de l’extraordinaire fiscal est bien connu, surtout après l’attentat dont il fut victime en 1634, en revanche Francisco Leitão et Francisco Pereira Pinto ne font guère de publicité sur leur participation aux mêmes opérations. C’est pourquoi tous les membres de l’équipe de Vasconcelos accusent le marquis de la Puebla et Francisco de Lucena d’avoir joué le rôle de dénonciateurs et de caisses de résonance. Ce sont eux qui désignent à la vindicte publique les responsables de l’adoption des nouvelles exactions financières : l’attitude relève de la trahison. Miguel de Vasconcelos prétend même que le marquis subtilise une partie du courrier concernant les émeutes d’Évora134. Lors du soulèvement d’Alcacer do Sal, pendant l’hiver 1637-1638, le meneur João Infante fut assassiné par ses concitoyens aux cris de « Vive le roi ! ». Lorsque sa veuve se rend à Lisbonne pour demander justice, le surintendant, en dépit des ordres donnés par la vice-reine, s’oppose à ce qu’on l’arrête et raconte à qui veut bien l’entendre que le pauvre João Infante a été assassiné par un client de Miguel de Vasconcelos135. C’était une fois encore se placer du côté des opprimés et des insurgés face aux hommes de confiance de son cousin Olivares. Tandis qu’à Lisbonne le jeu politique semble se retourner, au moins en partie, contre ses promoteurs en raison de l’opposition imprévue du marquis, une grande offensive politique se prépare à Madrid pour essayer d’abattre le trop puissant secrétaire d’État au Portugal, Diogo Soares.
Notes de bas de page
1 António Manuel Hespanha, « Afazenda », dans António Manuel Hespanha (coord.), O Antigo Regime (1620-1807), t. IV de J. Mattoso (dir.), História de Portugal, Lisbonne, Estampa, 1993, pp. 203-239.
2 Fernando Bouza Álvarez, Portugal en la monarquía hispánica (1580-1640). Felipe II, las Cortes de Tomar y la génesis del Portugal católico, Madrid, Universidad Complutense, 1987, pp. 776 sq.
3 Janine Fayard, Les membres du Conseil de Castille à l’époque moderne (1621-1746), Genève, Droz, 1979.
4 Jean-Frédéric Schaub, « La visita de Diogo Soares : un procès politique en Castille au xviie siècle », dans Johannes-Michael Scholz (éd.), Fallstudien zur spanischen und portugiesischhen Justiz (15. bis 20. Jahrundert), Francfort, Vittorio Klostermann, 1994, pp. 3-31.
5 Fernando Bouza Álvarez, « La “soledad” de los reinos y la “semejanza del rey”. Los virreinatos de Príncipes en el Portugal de los Felipes », dans M. Ganci et R. Romano (éd.), Governare il mondo. L’imperο spagnolo dal xv al xix secolo, Palerme, Società Siciliana per la Storia Patria, 1991, pp. 125-139.
6 BNM, ms. 2365, f° 79, Lettre du roi à la câmara de Lisbonne (12 novembre 1634).
7 AGS, Estado, 2655, Carta del marqués de la Puebla (6 janvier 1635) ; AGS, Estado, 2657, s. d., Cartas de Mansueto Meroti (24 novembre 1636 et 9 janvier 1637).
8 AGS, Estado, 4045-15, Consulta del Consejo de Estado (6 novembre 1634).
9 AGS, CJH, 717, Cédula Real (y novembre 1634) ; AGS, CJH, 717, Factures du tailleur Mateo Aguado et du marchand d’habits Antonio de Velasco ; AGS, CJH, 718, Ayuda de Cosat de 500 ducados a don Juan de Ribera mayordomo (28 novembre 1634).
10 John H. Elliott et José Francisco Ruiz de la Peña, Memoriales y cartas del conde-duque de Olivares, t. II, Madrid, Alfaguara, 1978-1980, p. 130.
11 AGS, CJH, 717, Cédula Real (9 novembre 1634).
12 ANTT, Corpo Cronológico, II/366, doc. 155, Título de Capitán General de la Gente de Guerra de a pie y a cavallo del Reyno de Portugal y sus Islas (25 novembre 1634).
13 AHN, Estado, 2403, fos 3-4.
14 AGS, Estado, 3647-18, Copia de Consulta que la Junta de Estado hizo a Su Alteza [El Cardenal-Infante], (18 janvier 1634).
15 Romolo Quazza, Margherita di Savoia, Turin, 1930.
16 AGS, CJH, 717, Relación de gastos (11 novembre 1634).
17 AHN, Estado, lib. 699, article Princesa Margarita.
18 AHN, Estado, lib. 871, fos 90-97.
19 AHN, Estado, lib. 862, Memorial del conde-duque (23 mai 1634) ; AGS, CJH, 716, Consulta del Consejo de Hacienda (12 mars 1634).
20 BL Add., 20958, fos 93-97, lettre anonyme du 17 janvier 1635.
21 AGS, Estado, 2656 ; AGS, Estado, 4045-1 ; ACB, Variorum, vol. XXX ; ΒA, 50 V 28, fos 66-74.
22 José Machado, « Ο memorial de Diogo Soares », Boletim da Biblioteca Pública e do Arquivo distrital de Braga, II (1), 1921, pp. 20-40.
23 BA, 51 VII 39, fos 163-204, Parecer que diogo Soares fez por ordem do Conde Duque a ElRey de Castella quando a Princeza de Mantua veyo a governar este Reyno sobre os talentos dos ministros e fidalgos delle... ; AGS, Estado, 4045-3, Consulta de la Junta del Aposento (19 avril 1635) ; BA, 51 VI fos 352-358, VExca me manda que le haga relcion de los sujetos que hay en Portugal... ; BNL, FG, 2864, fos 213-218, Em hu papel que Diogo Soares mandou ao Conde Duque apontadolhe hua relaação das pessoas da Corte e Tribunals.
24 AGS, Estado, 2656 (novembre 1634).
25 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 1, Relación de los procedimientos que et marques de la Puebla ha tenido en Portugal contra el secretario de su Magestad en la superintendencia de los negocios de aquel reyno de que se ha originado la inquietud publica y ocasiono los tumultes y rebelion (cité Relación de los procedimientos).
26 ACB, Variorum, vol. XXV, s. d., Relacion de la imposiciones que se han puesto en Portugal..., Consulta del Consejo de Portugal (27 novembre 1634).
27 AGS, Estado, 2658, Carta de la señora Princesa Margarita (4 février 1635).
28 AHN, Estado, lib. 739, fos 343-372, Cayda del conde-duque de Olivares a 17 de enero de 1643.
29 ANTΤ, Chancelaria de Filipe III, 40/32, Título de secretario de ElRey (29 septembre 1634)
30 ΒΑ, 51 VII 39, fos 163-204.
31 AGS, Estado, 4045-3, Junta du 19 avril 1635.
32 Rosario Villari, Elogio della dissimulazione. La lotta politico del Seicento, Rome-Bari, Laterza, 1987 ; José Antonio Fernández-Santamaría, Reason of State and Statecraft in Spanish Political Thought (1595-1640), Boston, University Press of America, 1983, pp. 121-127.
33 BNM, ms. 2365, f° 71 (15 décembre 1634).
34 ACB, vol. CXXIII, f° 4, Relación de los procedimientos, point 7 ; Carta del conde de Castro e Castanheira a Diogo Soares (12 janvier 1636).
35 Manuel de Sousa Moreyra, Theatro historico Genealogico y panegyrico erigido a la immortalidad de la Excellentissima casa de Sousa, Paris, Jean Anisson, 1694, pp. 805-877.
36 ANTT, Corpo Cronológico, I/119, doc. 78, Carta do conde de Miranda governador (26 février 1635).
37 AGS, Estado, 2655, Carta de Margarita de Mantua (18 juillet 1635).
38 ANTT, Corpo Cronológico, II/368, doc. 186, Carta do conde de Miranda sobre compra de lienços (30 janvier 1636).
39 AGS, Estado, 2656, Carta del marqués de la Puebla (21 juillet 1635).
40 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 23-26, Carta de Miguel de Vasconcelos a Diogo Soares (26 décembre 1636).
41 ACB, Variorum, vol. XLII, s. d., Carta del marqués de la Puebla a Diogo Soares (6 février 1635).
42 ACB, Variorum, vol. XLII, s. d., Carta del marqués de la Puebla a Diogo Soares (29 février 1635) ; AGS, SP, lib. 1478, fos 117-118, Consulta del Consejo de Portugal (29 août 1635).
43 AGS, Estado, 2656, Carta del marqués de la Puebla (26 mai 1635).
44 AGS, Estado, 2656, Carta del marqués de la Puebla (26 mai 1635).
45 ΒΡΕ, cód. CV/2-19, s. d., Carta de Diogo Soares a Miguel de Vasconcelos (29 juin 1635).
46 AGS, Estado, 2656, Cartas del marqués de la Puebla (21 juillet 1635 et 23 juillet 1635).
47 AGS, Estado, 4045-16, Carta de Margarita de Mantua (24 mars 1638).
48 AGS, GA, 1149, Carta del marqués de la Puebla (25décembre 1635).
49 AGS, GA, 1149, Carta de Francisco de Valcarcel (7 novembre 1635).
50 AGS, Estado, 2614, Junta du 2 mars 1635.
51 AGS, CJH, 757, Carta de Adrián de Sarrassa ([3 juillet 1636).
52 ANTT, Corpo Cronológico, II/368, doc. 198, Mandato para que os direitos dos passaportes se entregue a Gaspar Ruy de Escaray (13 février 1636).
53 AGS, Estado, 2614, Carta de Gaspar Ruiz de Escaray al Consejo de Guerra (18 mars 1635).
54 AGS, SP, lib. 1478, f° 121v°, Consulta del Consejo de Portugal (29 août 1635).
55 AGS, Estado, 2614, Carta de Margarita de Mantua al Consejo de Guerra (18 mars 1635).
56 AGS, Estado, 2614, Carta del Rey a Fernando de Toledo (7 avril 1635).
57 AGS, GA, 1325, Consulta del Consejo de Guerra (30 juin 1635).
58 AGS, GA, 1325, Consulta del Consejo de Portugal (15 juin 1636).
59 Voir chapitre vi, p. 263,
60 AGS, Estado, 2657, Consulta del Consejo de Estado (27 mai 1636).
61 ANTT, Corpo Cronológico, II/370, doc. 65, Consulta d’une junta extraordinaire tenue à Lisbonne (19 septembre 1637).
62 AGS, GA, 1325, Instrucción de don Fernando de Toledo (juillet 1636).
63 AGS, GA, 1150, Consulta de la Junta de Ejecución del Ejército (23 mai 1636).
64 AGS, SP, lib. 1469, fos 371-372, Consulta del Consejo de Portugal (15 juillet 1636).
65 AGS, CJH, 757, Carta de Francisco Leitão a la Junta de Armadas (9 août 1636).
66 AGS, SP, lib. 1469, f° 326, Consulta del Consejo de Portugal (18 juin 1636).
67 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 23v°, Relación de los procedimientos, point 30, Carta de Francisco Leitão (7 juillet 1637) ; f° 35v° point 51, Carta de Miguel de Vasconcelos (25 juin 1637).
68 ACB, f° 38v°, Relación de los procedimientos, point 59.
69 AGS, Estado, 2656, Consulta del Consejo de Estado, voto del conde-duque (24 juillet 1635).
70 Relación de los procedimimtos, ACΒ, Vanorum, vol. XLII et CXXIII.
71 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 17, Relación de los procedimientos, point 22.
72 ACB, Variorum, vol.XLII, fos 67-68, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (29 février 1636).
73 ACB, Visita de Diogo Soares, vol. II, f° 4v° ; ACB, Variorum, vol. XXXII, fos 84-86, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (7 juillet 1637).
74 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 15, Relación de los procedimientos, point 18, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (22 août 1637) copie castillane ; ACB, Variorum, vol. XLII, fos 114-115, i. e. originale portugaise.
75 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 49-50, Relación de los procedimientos, point 82.
76 ACΒ, Variorum, vol. CXXIII, f° 45, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (16 décembre 1635).
77 AGS, GA, 1149, Carta de Francisco de Valcárcel, s. d. [janvier ou février 1636].
78 ANTT, Chancelaria de Filipe III, 32/337 (13 septembre 1636) ; AGS, SP, lib. 1469, f° 545, Consulta del Consejo de Portugal (11 septembre 1636) ; ΒΑ, 51 Χ 6, f° 60, Consulta do Desembargo do Paço (13 septembre 1636).
79 ANTT, Chancelaria de Filipe III, 32/351 (11 septembre 1636) ; AGS, SP, lib. 1469, f° 543, Consulta del Consejo de Portugal (11 septembre 1636).
80 Innocêncio Francisco da Silva, João Sanches de Baena, Lisbonne, Typographia Universal, 1874.
81 ΒΡΕ, cód. CV/5-19, s. d., Carta de Miguel de Vasconcelos à Diogo Soares (22 juin 1633).
82 ACB, Variorum, vol. XLII, f° 134, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (12 mai 1636).
83 AGS, SP, lib. 1471, s. d., Consulta de la Junta del Despacho de Portugal (28 mai 1639) ; ACB, Variorum, vol. XLII, fos 23-26, Carta de Miguel de Vasconcelos a Diogo Soares (26 décembre 1636).
84 ACB, Variorum, vol. XLII, f° 45r°-v° Carta de Miguel de Vasconcelos a Diogo Soares (16 décembre 1636).
85 ACB, Variorum, vol. CXXIII, fos 8-9, Relación de lor procedimientos, point 12.
86 ACB, Variorum, vol. XXX, fos 23-26, Carta de Miguel de Vasconcelos a Diogo Soares (26 janvier 1636).
87 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 19, Relación de los procedimientos, point 25, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (7 juin 1637).
88 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 84-86, Carta de Francisco Leitão (7 juillet 1637).
89 Voir p. 183.
90 AGS, Estado, 4045-10, Consulta del Consejo de Estado (26 novembre 1634).
91 ΒΡΕ, cód. CV/5-19, s. d., Carta de Miguel de Vasconcelos à Diogo Soares (22 juin 1633).
92 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 112-113, Carta de Francisco Leitão (8 août 1637) ; fos 155-156, Carta de Francisco Leitão (16 juin 1638).
93 AGS, Estado, 2660, Consulta de la Junta de Portugal (12 juin 1638).
94 ANTT, Corpo Cronológico, I/119, doc. 20, Carta do conde de Miranda (16 mai 1633).
95 AGS, SΡ, lib. 1471, s. d., Consulta de la Junta del Despacho de Portugal (22 mai 1639).
96 AGS, SP, lib. 1469, f° 327, Consulta del Consejo de Portugal, s. d. [1636].
97 JJAS, Carta Regia (4 août 1637).
98 AGS, GA, 3157, Real Cédula (2 mars 1631).
99 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 84-86, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (7 juillet 1637).
100 ANTT, Corpo Cronológico, II/369, doc. 28, Ordem que a Princeza Margarida deu em vitude de outra que tinha recebido de S. Magde a Tomas dIbio Caldeirão (5 juin 1636).
101 AGS, SP, lib. 1478, fos 268-269v°, Consulta del Consejo de Portugal (25 février 1636) ; AGS, SP, lib. 1469, fos 78 sq.
102 BA, 51 X 2, f° 46r° (1 mars 1632) ; BA, 51 X 5, fos 7v°-8r° (21 janvier 1633).
103 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 118-120, Carta de Francisco Leitão (16 septembre 1637), fos 128-129, Carta de Francisco Leitão (17 novembre 1637).
104 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 150-151, Carta de Francisco Leitão (31 octobre 1637).
105 ACB, Variorum, vol. XLII, f° 137, Carta de Miguel de Vasconcelos (octobre 1637).
106 Sur la gestion par Leitão de la caisse qui lui est confiée, voir chapitre viii, pp. 334, 344 et 370-371.
107 AGS, GA, 3170, Carta de don Fernando de Mascarenhas a la Junta de Armadas (10 août 1638).
108 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 9, Relación de los procedimientos, point 13.
109 ΒΝL, Biblioteca Pombalina (BP), 738, Noticia dad por Diogo Soares ao Conde Duque d’Olivares das pessoas que neste Reyno avia pera o serviço d’ElRey...
110 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 14, Relación de los procedimientos, point 18, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (9 décembre 1635).
111 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 15, Relación de los procedimientos, point 18, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (8 août 1637).
112 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 23, Relacón de los procedimientos, point 29, Carta de Miguel de Vasconcelos a Diogo Soares (8 août 1637).
113 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 15v°, Relación de los procedimientos, point 19, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (2 septembre 1637).
114 AGS, SP, lib. 1478, f° 139r°-v°, Consulta del Consejo de Portugal (18 septembre 1635) ; ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 43, Relación de los procedimientos, point 69, Carta de Francisco Pereira Pinto (21 avril 1636).
115 António de Oliveira, « Ο atentado contra Miguel de Vasconcelos em 1634 », Ο Instituto, CXL-CXLI, 1980-1981, pp. 9-41.
116 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 121-124, Cam de Francisco Leitão (2 septembre 1637).
117 ACΒ, Variorum, vol. CXXIII, f°44, Relación de los procedimientos, point 72, Carta de Francisco Leitão (2 septembre 1637).
118 ACB, Variorum, vol. XLII, f° 113, Carta de Francisco Leitão (8 août 1637).
119 ACΒ, Variorum, vol. XLII, f° 41, Carta de Francisco Pereira Pinto à Diogo Scares (21 avril 1636).
120 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 108-111, Carta de Francisco Leitão à Diogo Soares (9 décembre 1637).
121 Ibidem.
122 AGS, SP, lib. 1478, fos 14-16, Consulta del Consejo de Portugal (21 mai 1635).
123 AGS, SP, lib. 1478, fos 112-113, Consulta del Consejo de Portugal (22 août 1635).
124 À propos du Procurador da Corôa, Thomé Pinheiro da Veiga, voir chapitre III, p. 148.
125 AGS, SP, lib. 1469, f° 286, Consulta del Consejo de Portugal (30 mai 1636).
126 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 118-120, Carta de Francisco Leitão à Diogo Soares (16 septembre 1637).
127 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 13, Relación de los procedimientos, point 15, Carta do bispo do Porto (6 avril 1637).
128 ACB, Variorum, vol. XLII, fos 121-124, Carta de Francisco Leitão a Diogo Soares (2 septembre 1637).
129 ANTT, Corpo Cronológico, II/370, doc. 65, Consulta d’une junta extraordinaire tenue à Lisbonne (19 septembre 1637).
130 ACB, Variorum, vol. XLII, f° 130, Carta de Miguel de Vasconcelos à Diogo Soares (26 octobre 1637).
131 ACΒ, Variorum, vol. CXXIII, f° 32, Relación de los procedimientos, point 43, Carta de Miguel de Vasconcelos (30 mars 1637).
132 AGS, CJH, 797, Despacho de Diogo Soares (8 octobre 1638). Sur les convocations de 1638-1639, voir chapitre v, pp. 230 sqq.
133 BA, 51 V 80, fos 42-44, Lettre de Miguel de Vasconcelos a Diogo Soares [sur les émeutes d’Évora ; date probable : automne 1637],
134 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 34 Relación de los procedimientos, point 47, Carta de Miguel de Vasconcelos a Diogo Soares (5 octobre 1637).
135 ACB, Variorum, vol. CXXIII, f° 34, Relación de los procedimientos, point 48, Carta de Miguel de Vasconcelos a Diogo Soares (3 février 1368).
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Pratique diplomatique et pouvoir durant le règne de Jacques II d'Aragon (1291-1327)
Stéphane Péquignot
2009
Le spectre du jacobinisme
L'expérience constitutionnelle française et le premier libéralisme espagnol
Jean-Baptiste Busaall
2012
Imperator Hispaniae
Les idéologies impériales dans le royaume de León (ixe-xiie siècles)
Hélène Sirantoine
2013
Société minière et monde métis
Le centre-nord de la Nouvelle Espagne au xviiie siècle
Soizic Croguennec
2015