Mise à disposition et diffusion des archives familiales sur le Web
Réflexions sur le cas portugais
p. 203-213
Texte intégral
Les archives familiales : un intérêt croissant
1Dans plusieurs pays européens, les archives familiales sont devenues un objet d’étude très prisé, surtout depuis les années 19901. De nombreuses rencontres autour de ce type d’archives ont eu lieu en Italie, en France et en Espagne, et les chercheurs de ces pays ont établi des registres divers (guides, catalogues, bases de données, entre autres). Ils ont aussi élaboré des travaux théoriques et pratiques qui visaient surtout à mettre en valeur et sauvegarder ces archives, à éclairer les formes d’organisation de ces collections, tout en apportant une contribution à la recherche historique2. Le Portugal n’a pas fait exception. En témoignent, le travail et les publications pionniers sur ce sujet de Pedro Abreu Peixoto3 et, plus tard, d’Armando Malheiro da Silva4 et de ses disciples, ainsi que les stages de formation et de sensibilisation à la conservation de ce type d’archives, réalisés par l’entité responsable de la politique nationale des archives, par les archives régionales et par certaines archives municipales ou par d’autres entités de protection du patrimoine (comme l’Associação Portuguesa dos Arquivos Históricos Privados, créée en 20105). Par ailleurs, à partir de 2008, un groupe de chercheurs, associés à deux centres de recherche de la Faculdade de Ciências Sociais e Humanas da Universidade Nova de Lisboa (FCSH/NOVA) – l’Instituto de Estudos Medievais (IEM) et le Centro de Humanidades (CHAM) , s’est consacré à ce thème, non seulement en s’adonnant à la recherche historique, en croisant les perspectives de l’histoire et de l’archivistique6, mais aussi en coopérant avec les propriétaires privés et en réfléchissant à ces questions d’ordre patrimonial7.
2Cet intérêt pour les archives familiales est né de divers développements scientifiques postmodernes, que Maria de Lurdes Rosa a déjà synthétisés8. Tout d’abord, ce phénomène doit être replacé à la confluence des savoirs historiographique et archivistique, ce dernier inscrit dans un développement théorique comme Archival Science (« archivistique »)9 ou comme une branche appliquée de la Science de l’Information10, et dans la transition vers un paradigme scientifique et « post-custodial »11. La méfiance envers l’omniprésence de l’État a conduit l’Archival Science — et, en partie, la Science de l’Information — à repenser le concept d’archive et à s’intéresser aux archives non étatiques — appartenant à des institutions locales ou associations, à des familles, à des personnes, ou même à des minorités ethniques et à des groupes marginalisés12. Ce fut décisif pour que les archives de communautés13, ainsi mises en valeur, deviennent un patrimoine commun, apte à fournir des discours alternatifs et des histoires propres dans les grands récits officiels, et à contribuer à la recherche d’identités dans un monde de plus en plus globalisé et, parfois, peu inclusif et respectueux des différences.
3Toujours sous l’influence des changements épistémologiques postmodernes, la réflexion croissante des historiens sur leur relation à leurs matériaux14 et le développement d’une histoire sociale et culturelle de l’écrit15 ont été fondamentaux, ramenant les historiens aux sources pour remettre en question leur processus de production, de sélection et de (ré)organisation au cours des siècles16 ; l’archive elle-même et les instruments d’archives (comme les cartulaires ou les inventaires) sont devenus objets d’étude17. Enfin, au-delà de cet intérêt croissant pour les archives familiales, surtout celles de l’Ancien Régime, a été aussi très important le grand développement qu’a connu l’histoire sociale pour cette période historique, notamment en ce qui concerne l’histoire de la famille et des formes d’organisation de la société18.
4Après avoir planté brièvement le décor, nous allons réfléchir à deux questions. Quel rôle peut avoir le Web dans la mise à disposition et la diffusion de ces archives ? Quelle est la position des entités publiques et privées au Portugal pour rendre accessibles et diffuser les archives familiales à travers Internet ?
Le Web et les nouvelles possibilités de diffusion des archives familiales
5L’avènement d’Internet a offert un accès à l’information beaucoup plus rapide, démocratique et délocalisé. La plupart des recherches actuelles ont comme point de départ Internet, et n’importe quel département d’archive, qui veut être connu du grand public et remplir sa fonction de diffusion, doit l’utiliser19. Pour certaines archives de communautés, de familles ou de personnes, le recours au Web peut même permettre leur survie, surtout à une époque où la production informative elle-même est faite dans le monde virtuel.
6Le nouveau rôle de l’archiviste, comme médiateur actif20, renforce son poids dans la communication et la promotion des archives, afin qu’elles soient de plus en plus ouvertes au public ; il sert de médiateur entre le chercheur et les documents d’archives, en tenant compte de la législation en vigueur. Dans ce contexte, le rôle de l'archiviste (ou du scientifique de l’information21) est vraiment notable dans la mesure où il cherche à découvrir et à connaître ses publics-cibles afin d’améliorer le service offert. La plupart du temps, les ressources et le financement alloués aux services d’archives sont justifiés par la présentation de tout ce qu’ils peuvent proposer aux utilisateurs. Ainsi, la mise en place d’une politique de diffusion et d’optimisation des différents moyens possibles permet de donner plus de visibilité et de notoriété aux archives22. De la même manière, pour les entités d’archives qui ne bénéficient pas de fonds publics, la diffusion peut être un moyen de capter d’autres crédits afin de continuer à protéger et à rendre plus accessibles leurs fonds23.
7Les entités détentrices d’archives — qu’elles soient dans la sphère publique, ou privée — voient dans le Web un outil pour valoriser et permettre un bon accès à leurs fonds. Elles déploient leurs activités qui vont de la création d’un site Web et d’un blog d’information générale sur leurs fonds et services, de la mise à disposition d’instruments de recherche en ligne, de bases de données contenant la description des documents archivés ou de leurs propres documents en format numérique, jusqu’à une participation sur les réseaux sociaux sur le Web.
8À l’étranger, les sites Web et les blogs diffusent de nombreuses archives familiales. Sans être exhaustif, citons quelques exemples comme celui de la Fondation des Archives de la Famille Pictet24, les Archives Datini25 ou le site Web de la famille Everingham26. Ils donnent accès à des informations sur les familles et leurs membres, les généalogies, la documentation d’archive et/ou les objets de famille, les recherches en cours mais aussi aux publications et/ou vidéos connexes, et, dans le cas des Datini, à des descriptions et à de la documentation numérisée.
9Cependant, des sites Web sont plus interactifs, comme celui de la famille Shaw27. En plus des biographies et des archives de photographies et autres productions des artistes Shaw — père et fils —, le site fournit des articles de commentaires, des informations sur les événements et les nouveautés, une zone de licence éditoriale et commerciale — utilisant des images d’archive sur des produits commerciaux comme des T-shirts — et une connexion aux réseaux sociaux, en particulier à Facebook et Instagram.
10Certaines archives familiales peuvent être disponibles avec d’autres groupes d’archives, notamment avec ceux appelés maintenant archives de communauté(s). Elles deviennent ainsi plus visibles et fournissent un espace plus large d’échange d’informations. Nous en avons quelques exemples internationaux comme les Community Archives and Heritage Group28 ou le Community Archive29. Ainsi, dans un même registre, le Centro ICARO : Centro Avanzado de Conocimiento de la Historia est un centre de diffusion interactive, qui prétend gérer, conserver et diffuser la mémoire numérique, dans laquelle les utilisateurs deviennent des générateurs de mémoire, transformant les archives en objet et sujet de la production culturelle30. De telles initiatives viennent de la « défense d’une conception non étatiste des archives et de la production des documents31 ». Elles attribuent aux communautés-mêmes un droit à la préservation de leur mémoire — l’empowerment (« responsabilisation » ou « autonomisation ») des communautés32 — et une garantie de durabilité des sociétés sous plusieurs aspects. Maria de Lurdes Rosa écrit que :
La force de l’identité communautaire renforce l’intérêt intrinsèque pour le patrimoine commun. La famille, désormais hors des cadres juridiques de l’Ancien Régime et de plus en plus diverse dans le monde d’aujourd'hui, peut trouver de nouveaux cadres dans cette idée de « communauté » — et ses archives, entrer dans la constellation des « archives de communautés »33.
11Ainsi, le Web nous permet d’étendre les moyens pour construire des identités des individus34 à partir de la saisie de l’historique de la communauté dans laquelle ils vivent et des groupes sociaux auxquels ils participent. Et ce, au moment où les possibilités de participation et de communication des utilisateurs s’élargissent avec un Internet qui devient de plus en plus social, avec en tête l’idée du Web 2.035. Il en résulte qu’une nouvelle génération d’instruments archivistiques de référence est en train de se développer, qui combine la pratique archivistique existante avec le Web 2.0 afin de permettre un accès aux informations et à leurs contextes36.
12Avant d’en finir avec ces considérations sur les potentialités du Web pour les archives familiales, il faut mentionner, parmi les instruments archivistiques de référence, les logiciels qui facilitent l’accessibilité aux descriptions d’archives (normalisées) en ligne. Nous souhaitons mettre en lumière le logiciel AtoM, qui présente beaucoup plus d’avantages que les autres logiciels pour la description des archives définitives37. Développé en 2006 par le Conseil International des Archives (ICA), en collaboration avec d’autres partenaires, et distribué comme un logiciel libre, il est une application entièrement conçue pour l’environnement Web et peut être utilisée avec d’autres outils de source ouverte, ce qui aide les entités possédant des archives à diffuser leurs fonds sur Internet, en offrant un accès libre et gratuit à la documentation. Il est multilingue et conforme aux normes internationales de description archivistique délivrées par l’ICA (ISAD-G, ISAAR-CPF, ISDF e ISDIAH). À partir d’un navigateur Web standard et d’une connexion à Internet, on peut utiliser toutes les fonctionnalités disponibles dans le logiciel : créer, visualiser, rechercher, modifier et supprimer des descriptions archivistiques ou des actions de configuration du logiciel. En plus, il peut servir de référentiel d’objets numériques créés à partir de la documentation originale sur les supports traditionnels. Il permet également l’importation et l’exportation de descriptions archivistiques au format XML et EAD38.
13Au cours des dernières années, AtoM a été utilisé par des institutions et des organisations du monde entier39. Nous verrons ici la façon dont le Portugal a tiré parti de cet outil pour la description et la diffusion des archives familiales.
Les archives familiales portugaises sur le Web
14Précisons cependant que, dans les lignes suivantes, nous ne présenterons pas une étude exhaustive, résultat d’une recherche approfondie, mais plutôt un ensemble de considérations tirées de données disponibles40.
15Nous savons qu’au Portugal, certaines archives familiales ont été achetées ou données et intégrées dans les archives publiques (archives nationales, régionales, de district et municipales) ou dans d’autres institutions publiques (telles que les bibliothèques, notamment la Bibliothèque Nationale41, des centres de documentation spécialisés, ou des universités). Cependant, une partie considérable est détenue par des entités privées, que celles-ci soient les propres producteurs ou successeurs, ou soient des entités extérieures à la famille — des collectionneurs ou des fondations.
16Dans l’Arquivo Nacional da Torre do Tombo (ANTT), le projet TT online a été une initiative qui, depuis 2005, a permis la mise à disposition en ligne des descriptions et images numériques de documents d’archives42. D’autres projets de collaboration inter-institutionnels ont été menés, comme le projet ID_on, qui a permis l’accès en ligne aux anciens instruments de description documentaire de l’ANTT43. Ainsi, divers fonds familiaux44 qui avaient été décrits selon la norme ISAD(G) et certains documents numérisés se retrouvent disponibles en ligne à travers DigitArq45.
17Grâce au site Web de la Direção-Geral do Livro, dos Arquivos e das Bibliotecas, nous pouvons accéder aux bases de données en ligne de la plupart des archives des districts du pays46, qui fournissent les descriptions archivistiques normalisées à travers DigitArq. En ce qui concerne les archives familiales, en 2017, on décomptait 32 instruments de description ou informations en ligne sur des archives familiales, mis à disposition par les archives de district47. Toutefois, on ignore combien sont déposées en totalité ou en partie48, mais on estime qu’un nombre considérable d’archives familiales ne sont pas encore classées et décrites49.
18Les archives municipales présentent rarement la possibilité de faire une recherche sur les bases de données en ligne avec une description à plusieurs niveaux. La plupart d’entre elles permettent l’accès à des instruments de description documentaire en format PDF (guides, inventaires et catalogues)50, et c’est de cette façon que l’on peut pénétrer dans certaines archives familiales qui y sont déposées. Toutefois, il convient de souligner le travail développé par certaines institutions auprès de propriétaires privés d’archives familiales et personnelles, travail qui a permis d’avancer dans le traitement et la divulgation de ce type de fonds en ligne. Tel est le cas, par exemple, des archives des villes de Vila Real51, Penafiel52 et Ponte de Lima53.
19Parmi les archives familiales qui ne sont pas déposées aux archives nationales ou dans les institutions publiques, nous trouvons des situations diverses. Plusieurs fonds ne sont ni traités ni étudiés car leurs propriétaires n’ont pas les moyens de les rendre accessibles et de les diffuser sur le Web. D’autres fonds sont classés et disposent d’instruments de description archivistique sur papier ou des bases de données à consulter sur place, mais leurs propriétaires ont créé une page Web ou des comptes sur les réseaux sociaux pour fournir des informations générales sur les documents, les publications, les services et les conditions d’accès54. En outre, certains propriétaires commencent à les divulguer à travers des instruments de description archivistique en ligne, comme les bases de données55. D’autre part, des archives familiales ont été classées ou sont en train d’être organisées et diffusées, sur ou hors du Web, grâce à des partenariats avec les universités/centres de recherche et/ou des institutions publiques56.
20Dans le domaine de la collaboration avec l’université, nous devons souligner le travail de l’Universidade do Porto (UP) et de la FCSH/NOVA. Dans le premier cas, en suivant les travaux d’Armando Malheiro da Silva et d’Abel Rodrigues, certains chercheurs dans le cadre des masters en Science de l'Information et en Histoire et Patrimoine de l’UP ont étudié, classé — selon le modèle organique et fonctionnel57 — et divulgué des archives familiales, surtout celles d’Ancien Régime58. Dans certains cas, ils fournissent les descriptions archivistiques en ligne (surtout à travers AtoM59) et leurs thèses figurent dans le référentiel en ligne de l’UP.
21D’autre part, à la FCSH/NOVA, le travail entrepris depuis 2008 s’est consolidé et est devenu une véritable stratégie de mise en valeur du patrimoine, de sauvegarde et de diffusion des archives familiales portugaises, en particulier celles qui sont privées, en partenariat avec leurs propriétaires et des institutions archivistiques publiques. L’information sur toutes les initiatives entreprises jusqu’à ce jour a été recueillie et peut être consultée sur le portail Web Arquivos de famílias, Arquivos de Comunidade(s). Arquivística, História, Herança Cultural (ARQFAM)60, créé en 2015 et inspiré de portails similaires et plateformes développés à l'étranger — certaines ayant déjà été mentionnés ici à propos des archives de communauté(s). L’utilisateur peut entrer en contact avec l’équipe, coordonnée par Maria de Lurdes Rosa (IEM, FCSH/NOVA), qui fait des recherches, classe des archives, conseille et lance des initiatives sur l’histoire, les archives et la mémoire des familles ; ces actions cherchent à améliorer une visibilité publique tout en étant fondées sur une crédibilité scientifique. Grâce à ce portail, nous pouvons aussi accéder à une base de données en AtoM, qui regroupe les descriptions des systèmes d’information familiaux étudiés et classés, dans le cadre du doctorat en Histoire, mention Archivistique Historique, qui existe depuis 2010 à la FCSH/NOVA61. Dans une autre installation d’AtoM se trouvent les descriptions de 36 inventaires d’archives familiales, étudiés en 2014-2015, dans le projet exploratoire international « Inventários de arquivos de família, sécs. xv-xix: de gestão e prova a memórias perdidas. Repensando o arquivo pré-moderno (Invent.Arq) » — dont le siège est à l’IEM, financé par la Fundação para a Ciência e a Tecnologia (FCT), coordonné par Maria de Lurdes Rosa et qui a une page sur le portail ARQFAM62.
22Ainsi, l’information sur des archives familiales d’Ancien Régime qui étaient jusqu’alors mal connues et qui ne pouvaient pas être consultées — parce que la documentation était en mauvais état ou n’était pas traitée archivistiquement — est ou sera présente sur le Web. Dans ce contexte, le logiciel déjà mentionné, AtoM, s’est révélé être un outil essentiel. D’un point de vue pratique, il est en accès libre ; installé sur le serveur de la FCSH/NOVA, il a le soutien du bureau informatique de la faculté. En outre, plusieurs utilisateurs peuvent travailler simultanément sur la même base de données à partir de différents endroits, à condition qu’ils disposent d’un accès Internet. Du point de vue de la présentation de l’information, AtoM permet la description à plusieurs niveaux, conformément aux normes internationales déjà mentionnées et rend possible, avec des adaptations, la représentation de la structure organique de la famille, selon le modèle systémique et interactif63. Toujours dans le domaine de la mise à disposition de l’information, pour chaque niveau de description archivistique, il est possible d’ajouter des objets numériques ou d’établir une connexion aux référentiels numériques (comme dans l’AtoM de l’Invent.Arq) ; ces descriptions archivistiques offrent également des liens avec les fichiers d’autorité, avec les informations sur la description du/des producteur(s) de l’information selon l’ISAAR (CPF), et des fichiers contenant des informations sur les institutions de conservation décrites selon l’ISDIAH.
23Le travail en réseau avec des groupes de recherche internationaux, consolidé par la participation au programme Archifam et par Invent.Arq, a permis de grands progrès pour la recherche scientifique, et a donné une visibilité à ces archives, en offrant des possibilités de présentation, de réflexion et de discussion autour de ces moyens de diffusion.
24D’autre part, le lien d’ARQFAM à la page Facebook Arquivos em Rede64 — instrument de contact pour partager des expériences et publier les nouveautés sur les archives — complète la stratégie de diffusion et permet une ouverture vers d’autres publics en dehors de la sphère académique.
25Finalement, il convient de noter que le site ARQFAM fournit également un accès à des thèses de doctorat ou master et à des livres électroniques produits par les membres de l’équipe, comme le guide pour la protection et l’étude d’un patrimoine en péril Arquivos de família: Memórias habitadas65, et l’ouvrage Rethinking the Archive in Pre-Modern Europe: Family Archives and their Inventories from the 15th to 19th Century produit par l’équipe du projet Invent.Arq66.
Quel avenir pour la diffusion des archives familiales portugaises dans le monde virtuel ?
26L’espace qu’occupe le Web aujourd’hui parmi les modes de communication fait de lui un excellent moyen pour diffuser, valoriser et sauvegarder des archives. Cependant, nous nous demandons si le Portugal tire le meilleur parti possible de ces potentialités pour la diffusion des archives familiales. Les initiatives de ces dernières années, notamment celles qui résultent des partenariats entre les universités ou centres de recherche, les propriétaires privés et/ou les entités publiques, ont été fondamentales pour la mise en valeur du patrimoine et de la culture de ces archives. Il suffit de penser aux archives détenues par les maisons privées — auxquelles il est difficile d’accéder — un grand nombre de leurs informations pourraient « d’un seul clic » être à portée.
27L’ARQFAM de la FCSH/NOVA est sans aucun doute une initiative pionnière et une référence au niveau national, un portail riche en informations pour ceux qui veulent en savoir plus sur les archives, sur la famille ou sur l’histoire racontée par des sources non officielles. L’ouverture de ce portail à d’autres contributions de qualité ou la création d’une plateforme « agrégatrice » de bases de données, de publications et d’autres ressources connexes aux archives familiales — et pourquoi pas, aux archives de communauté(s) — portugaises pourrait être une voie à explorer, tout en profitant des fonctionnalités du Web 2.0.
28Toutefois, il reste beaucoup à faire pour enrichir une telle plateforme. Il est souhaitable que toutes les entités et communautés intéressées collaborent et coopèrent pour recenser des archives familiales et de communautés qui existent au Portugal, détenues par des entités publiques ou privées, et pour avancer dans leur traitement archivistique. En même temps, il est nécessaire qu’elles soient ouvertes à la réflexion et à une discussion véritablement interdisciplinaires, à la fois sur la représentation de l’information de ce genre d’archives et sur la meilleure façon de la rendre disponible au public sur le Web, en dépassant les réflexes institutionnels et de conservation qui ont caractérisé la discipline archivistique depuis le xixe siècle.
Notes de bas de page
1 Nous remercions Lydie Presteux pour sa révision de notre texte en français et Véronique Lamazou-Duplan de toutes ses suggestions lors de ses relectures. Ce texte, initialement présenté en 2015, a été actualisé en 2020. Entre temps, nous avons poursuivi nos recherches en Doctorat, dans le cadre d’une cotutelle entre l’Universidade Nova de Lisboa et l’École nationale des chartes, avec une bourse de doctorat financée par la Fundação para a Ciência e a Tecnologia et le Fonds social européen (SFRH/BD/114873/2016).
2 Rosa, 2009, pp. 24-25.
3 Peixoto, 1991, et les publications suivantes sur ce sujet.
4 Silva, 1997 ; Id., 2004.
5 Sousa, 2014, p. 97.
6 Sur l’« archivistique historique », voir Rosa, 2017.
7 Ead., Nóvoa, 2014b, pp. 10-12.
8 Rosa, 2009, pp. 10-38 ; Ead., 2012b ; Ead., 2014, pp. 45-46.
9 Sur l’Archival Science et son paradigme épistémologique, voir : Cook, 2001 ; Id., 2013.
10 Au Portugal, cette position a surtout été préconisée par Fernanda Ribeiro et Armando Malheiro da Silva. Voir l’essai épistémologique de Silva, Ribeiro, 2008.
11 Selon l’expression employée en anglais et en portugais, c’est-à-dire post-conservation.
12 Caswell, 2020, pp. 23-25.
13 Le concept de Community Archives [« archives de communauté(s) »] est d’origine anglo-saxonne, mais est aujourd’hui utilisé dans divers contextes, comme on peut le voir dans l’ouvrage édité par Jeannette Bastian et Ben Alexander, qui présente une série d’études de cas sur des archives de communauté(s) qui révèlent l’importance des archives pour la construction de la mémoire, l’identité, la responsabilité et le pouvoir d’une grande variété de communautés à travers le monde [Bastian, Alexander (éd.), 2009]. Un ouvrage récent présente un ensemble d’essais analytiques et d’études de cas pour mieux comprendre le mouvement des « pratiques d’archivage communautaires » dans les dix dernières années, élargissant ainsi la définition d’archives de communauté(s) [Bastian, Flinn (éd.), 2020].
14 Morsel, 2004c ; Kuchenbuch, 2004 ; Anheim, Poncet, 2004 ; Anheim, 2004.
15 Chastang, 2008.
16 Morsel, 2008a ; Id., 2010.
17 Head, 2010.
18 Cunha, Monteiro, Cardim (éd.), 2005 ; Cunha, Monteiro, 2010.
19 Filippozzi, 2008.
20 Cook, 2001, pp. 18-24 ; Id., 2012.
21 Silva, Ribeiro, 2008, p. 157.
22 Filippozzi, 2008.
23 Nous pouvons investir, par exemple, dans des actions de marketing ou utiliser le crowdfunding (« financement participatif ») pour la réalisation des projets. Voir les propositions présentées aux propriétaires d’archives familiales privées dans Sousa, 2014, pp. 109, 114.
24 En ligne sur <https://www.archivesfamillepictet.ch/>.
25 En ligne sur <http://www.istitutodatini.it/schede/archivio/fra/arc-dat1.htm>.
26 En ligne sur <http://www.everingham.com/family/>.
27 En ligne sur <http://shawfamilyarchives.com/>.
28 En ligne sur <http://www.communityarchives.org.uk/> ; il promeut et soutient des archives de communautés au Royaume-Uni et en Irlande.
29 Il contribue à la conservation, gestion et présentation des collections de divers organismes avec des archives en Nouvelle-Zélande ; en ligne sur <http://thecommunityarchive.org.nz/>. Il y a aussi un forum de discussion pour les utilisateurs.
30 Ce centre, créé pour rendre accessible la mémoire documentaire du diocèse de Bilbao et pour sensibiliser et responsabiliser le public à la préservation de la documentation et de la mémoire actuelles, comprend un programme éducatif, des programmes de visites guidées et des activités culturelles adaptées à différents utilisateurs (Barroso Arahuetes, inédite). Sa page Web, en ligne sur <http://www.centroicaro.net/>, permet à l’utilisateur l’accès et le dépôt de documentation (comme des photos, des textes, des vidéos ou des témoignages oraux), ainsi que l’interaction avec d’autres utilisateurs à travers les réseaux sociaux.
31 « defesa de uma concepção não estatalista dos arquivos e da produção documental » (Rosa, 2014, p. 46, trad. française de F. Lopes).
32 Cook, 2013, p. 116.
33 « A força da identidade comunitária leva ao aumento do interesse intrínseco pelo património comum. A família, sem ter mais os enquadramentos legais do Antigo Regime, e cada vez mais diversa, no mundo actual, pode encontrar novos enquadramentos nesta ideia de “comunidade” — o seu arquivo, na constelação dos “arquivos de comunidades” » (Rosa, 2014, p. 59, trad. française de F. Lopes).
34 Pour un exemple sur l'interaction entre archives, médias et Internet dans la construction des identités, voir Little, 2011.
35 Andrade, inédit, p. 21.
36 Voir des exemples dans : Id., Silva, 2008 ; Yakel, Shaw, Reynolds, 2007.
37 Sérgio Simões a testé une méthodologie d’évaluation de la qualité des logiciels pour la description d’archives définitives et il a conclu que AtoM est celui qui présentait le plus d’avantages parmi d’autres solutions open source actuellement disponibles sur le marché, notamment Archon, Arqbase et DigitArq (Simões, inédit, pp. 76-132).
38 Sibille-de Grimoüard, 2011 ; Bushey, 2012. Plus informations disponibles sur le site Web du logiciel, en ligne sur <https://www.accesstomemory.org/fr/>.
39 Quelques exemples peuvent être consultés sur leur web, en ligne sur <https://wiki.ica-atom.org/ICA-AtoM_users>.
40 Une excellente et récente synthèse dresse l’état du traitement et de la mise à disposition de l’information présente dans les archives familiales dans les deux dernières décennies au Portugal, dans Rodrigues, 2018 (l’échantillon sélectionné porte sur des informations provenant des archives nationales, des archives de districts et la bibliothèque nationale).
41 Ibid., pp. 34, 37 ; Ribeiro, inédite, p. 449. Dans le cas de la Bibliothèque Nationale, en 2017, il n’y avait aucune information en ligne sur l’ensemble des archives familiales y déposées (voir Rodrigues, 2018, p. 37). Un guide préliminaire des fonds d'archives publié sur papier en 1994 inclut une section dédiée aux archives familiales ; il a été numérisé et mis en ligne, mais malgré les actualisations récentes sur les collections familiales présentes dans l'Arquivo de Cultura Portuguesa Contemporânea, l'information en ligne sur ce genre d'archives reste encore dispersée et incomplète.
42 Plus d’informations sur le projet en ligne sur <http://arquivos.dglab.gov.pt/projeto-tt-online/>.
43 Sur la mise à disposition des descriptions et des objets numériques de documentation de l’ANTT en ligne, voir Ribeiro, Penteado, inédite.
44 Soit des fonds qui sont à l’ANTT, soit ceux qui y ont été ou sont déposés temporairement.
45 C’est le cas des fonds Casa de Palmela, en ligne sur <http://digitarq.arquivos.pt/details?id=4161662> ; Casa de Abrantes, en ligne sur <http://digitarq.arquivos.pt/details?id=3908153> ; ou Viscondes de Vila Nova de Cerveira e Marqueses de Ponte de Lima, en ligne sur <http://digitarq.arquivos.pt/details?id=4343878>. En 2017, il y avait 44 instruments disponibles en ligne avec des informations sur les archives familiales (Rodrigues, 2018, p. 37, graphique 3).
46 À consulter dans le site Web [en ligne] (les archives des districts de Braga et de Coimbra dépendent des universités de ces villes et ne sont pas dans cette liste). Pour les archives des archipels des Açores et Madeira, voir Moscatel, 2019 (en particulier le tableau 1, pp. 327-328) et Barros, 2019 (notamment le tableau 1, p. 348) ; jusqu’en 2019, le nombre d’archives familiales possédées par ces dépôts a augmenté, ainsi que celui dont la description, totale ou partielle, est accessible en ligne, mais la priorité donnée à l’incorporation et au traitement des documents de l’administration publique est plus évidente.
47 Rodrigues, 2018, p. 37, graphique 3 (il inclut les archives de Braga et de Coimbra).
48 Il manque un inventaire complet et actualisé de toutes les archives familiales qui existent au Portugal, soit dans les institutions publiques (archivistiques ou pas), soit possédées par des entités privées (Nóvoa, Rosa, 2018, p. 89). En 1998, F. Ribeiro a identifié 16 archives familiales déposées aux archives de district (information dans Ribeiro, inédite, adaptée dans Rodrigues, 2018, p. 37).
49 C’est le cas de l’Arquivo Distrital de Braga : un groupe considérable de documents appartient aux fonds familiaux non inventoriés, et malgré les tentatives des chercheurs pour les faire connaître au public (voir Id., 2011), ils restent à classer et à décrire.
50 Silva, 2014, p. 85. Plus d’informations sur l’utilisation, par les archives municipales portugaises, de l’Internet et du Web 2.0 pour promouvoir l'accès et la diffusion de l’information archivistique, voir Ead., inédit, pp. 34-46.
51 Le travail en cours vise la mise à disposition intégrale de cette documentation dans la page Web des archives, avec la diffusion et la communication appropriée dans les applications du Web social (Peixoto, inédite).
52 L’exemple du partenariat établi entre l’Arquivo Municipal de Penafiel et la Quinta da Aveleda, avec le cofinancement de la Fundação Calouste Gulbenkian, a permis le traitement archivistique de la documentation des archives du Morgado da Aveleda et de fournir sa description [en ligne].
53 La préparation du catalogue du fonds Arquivo do Paço de Calheiros, réalisée par un projet développé par l’Associação Portuguesa de História da Vinha e do Vinho (APHVIN/GEHVID), avec l’appui de la Fundação Calouste Gulbenkian, de la Câmara Municipal de Ponte de Lima et de la Comissão de Viticultura da Região dos Vinhos Verdes, a permis la mise à disposition des descriptions d’une partie de cette documentation, en ligne sur <https://pesquisa-arquivo.cm-pontedelima.pt/details?id=984883>.
54 C’est l’exemple de la Casa de Mateus, avec des informations sur l’histoire, les archives et les publications de la fondation [en ligne], et une page Facebook, en ligne sur <https://www.facebook.com/palaciodemateus/>. De même pour l’Arquivo Histórico da Casa de Bragança, avec des informations sommaires dans le site de la Fundação Casa de Bragança [en ligne].
55 C’est l’exemple du fonds Arquivo da Quinta das Lágrimas, archives privées de la famille Osório Cabral de Alarcão, de la Fundação Inês de Castro ; il est possible d’accéder à la base de données et au plan de classification [en ligne].
56 Voir les exemples des partenariats avec les archives municipales citées ci-dessus.
57 Silva, 2004, pp. 61-77.
58 Sur le travail développé dans ce domaine, voir Rodrigues, 2018, pp. 38-39.
59 Un exemple dans Ventura, inédit, pp. 91-104.
60 En ligne sur <https://arqfam.fcsh.unl.pt/>.
61 En ligne sur <http://www.arquivisticahistorica.fcsh.unl.pt/>, ainsi qu’à l’avenir d’autres descriptions d’archives qui ont résulté d’autres recherches, comme la description du système d’information de la famille Castro Nova-Goa, classé et introduit dans AtoM par Patrícia Marques dans son travail de Master en Sciences de l’information et de la documentation de la FCSH/NOVA [en ligne].
62 Projet international « Inventários de arquivos de família, sécs. xv-xix : de gestão e prova a memórias perdidas. Repensando o arquivo pré-moderno (Invent.Arq) » [en ligne]. Récemment, le projet ERC « Vinculum. Entailing perpetuity: Family, power, identity. The social agency of a corporate body (Southern Europe, 14th-17th centuries) », aussi coordonné par Maria de Lurdes Rosa, a commencé à utiliser une autre installation d’AtoM pour mettre à disposition les informations recueillies sur majorats (morgadios) [en ligne].
63 Modèle de représentation des systèmes d’information familiaux et personnels (proposé dans Silva, 2004), qui est suivi par les chercheurs de l’UP et par des membres de l’équipe de la FCSH/NOVA.
64 En ligne sur <https://www.facebook.com/arquivosemrede?fref=ts>.
65 Rosa, Nóvoa (coord.), 2014a [en ligne].
66 Depuis cette parution en 2015, des thèses et d’autres publications sont disponibles en ligne sur <https://arqfam.fcsh.unl.pt/?page_id=2269>. Pour un état de l’art du travail développé, voir Nóvoa, Rosa, 2018.
Auteur
Universidade Nova de Lisboa / École nationale des chartes
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