L’expertise en matière d’alimentation au Moyen Âge
Problèmes, méthodes et perspectives
p. 19-35
Texte intégral
1Afin de bien saisir les diverses voies que pourrait emprunter la recherche sur l’expertise dans le domaine alimentaire, il me semble utile de répondre à trois questions préalables : que doit-on entendre par « expertise » ? Quels sont les domaines dans lesquels s’exerce une expertise proprement alimentaire ? Et enfin quelles en sont les sources les plus pertinentes ? C’est ensuite seulement que l’on essaiera de saisir l’originalité de cette question dans le champ historiographique, d’en comprendre tous les tenants et aboutissants à travers deux dossiers — la boucherie et les relations entre juifs et chrétiens — qui retiennent actuellement l’attention des historiens1 et, enfin, de tracer quelques perspectives de recherche pour l’avenir.
Que doit-on entendre par « expertise » ?
2Les définitions actuelles et « subactuelles » (c’est-à-dire postérieures au Moyen Âge tout en étant antérieures à l’époque actuelle) donnent au terme « expertise » une connotation fortement juridique et en lien avec le domaine économique. On peut partir du dictionnaire le plus courant, le Petit Larousse, pour lequel l’expertise est l’« examen de quelque chose en vue de son estimation, de son évaluation, etc. » — avec comme exemple l’« expertise d’un appartement » —, ou encore l’« examen d’une œuvre d’art, d’une pièce de mobilier, etc., pour en attester l’authenticité2 » et l’exemple cité pour « expertiser » est précisément « expertiser un tableau »3. Cette définition a son décalque dans celle de l’expert, caractérisé comme une « personne dont la profession consiste à évaluer la valeur de quelque chose, le montant de dégâts, etc., ou à attester l’authenticité des objets d’art : selon les experts, ce tableau est un faux ». Même si l’accent est mis sur le « métier » d’expert, il est clair que la validité de l’expertise repose sur une procédure et que sa nécessité est à la fois juridique et économique : déterminer l’authenticité d’un tableau c’est contribuer à déterminer sa valeur marchande. La notion centrale que met en avant cette définition courante est donc celle de l’évaluation : dans le cas des assurances, c’est l’évaluation des pertes qui diminuent d’autant la valeur marchande d’un objet ; dans le cas des objets d’art, l’évaluation porte sur l’authenticité c’est-à-dire sur le savoir-faire qui lui a donné naissance. En même temps, le mot « expert » charrie d’autres connotations qui ne sont pas sans importance pour l’approche que peuvent en avoir les historiens. Sans même parler des Experts (de Miami, New York ou Las Vegas !) qui appliquent des procédures raffinées et codifiées à la recherche « désintéressée » de la vérité en matière de meurtres, disparitions, etc., on peut citer la deuxième définition du Petit Larousse : « Personne apte à juger de quelque chose, connaisseur : c’est un expert en la matière ». Cette définition plus large, plus « molle » a été en réalité la première et pendant longtemps sans doute la seule4.
3Car le sens courant du terme « expert » que nous connaissons aujourd’hui est le résultat d’une longue évolution terminologique, entamée depuis le xviie siècle et qui a abouti à la constitution progressive d’un champ sémantique, celui précisément de l’expertise (qui n’existe donc pas comme tel au Moyen Âge). En nous limitant au français, le terme le plus ancien est « expert ». Il a d’abord été un adjectif, issu du latin expertus (« éprouvé, qui a fait ses preuves »), lui-même participe passé de experiri (« faire l’essai de ») : en 1606, le Thresor de la langue francoyse de Jean Nicot le connaît encore seulement comme tel5. Puis « expert » est devenu un substantif, notamment dans le domaine juridique. La comparaison entre les éditions successives du Dictionnaire de l’Académie française est éclairante : selon celle de 1694, l’adjectif expert « se met quelquefois au substantif » ; en 1835, il « s’emploie souvent comme substantif » ; enfin, un siècle plus tard, l’édition de 1932- 1935 précise qu’il « s’emploie surtout comme nom »6. À partir du xixe et notamment au xxe siècle, « expert » s’intègre dans des mots composés, dont le plus célèbre est « expert-comptable » (mais on peut citer aussi « expert-chimiste », « expert-géomètre », « expert-conseil », etc.).
4Autre point important à noter dans cette évolution sémantique brossée à grands traits, l’apparition progressive de dérivés du terme « expert ». « Expertise » existe depuis le Moyen Âge mais au sens large de « adresse, habileté, expérience ». C’est seulement à la fin du xviiie siècle que ce mot fait son entrée dans le Dictionnaire de l’Académie française et c’est principalement au xixe siècle qu’il prend son sens juridique de procédure ou d’examen (avec notamment son utilisation dans la référence en la matière, le Code civil de 18047). « Expertiser » est le dernier né, le Dictionnaire de l’Académie française ne l’intégrant qu’en 18788. Son usage se développera au xxe siècle, suite notamment à l’affaire Dreyfus (et à l’importance qu’y revêtit l’expertise en écriture).
5Au-delà de ces variations et de ces variantes, je me demande si le champ sémantique de l’expertise n’a pas pour cœur, durant l’Ancien Régime, quelque chose comme la connaissance pratique et poussée d’un art qu’on aurait volontiers qualifié de « mécanique » au Moyen Âge. Le Littré, si sensible aux nuances subtiles de la langue française, est sans doute le dictionnaire le plus éclairant à cet égard. Après avoir rappelé les deux sens majeurs du terme « expert » — celui, plus ancien, plus large et s’appliquant plutôt à l’adjectif, de « qui a, par l’expérience, acquis une grande habileté dans un métier, dans quelque chose » (chaque mot pèse ici) et celui, plus récent, de nature juridique et s’appliquant au substantif de « nom donné à des hommes qui, ayant la connaissance acquise de certaines choses, sont commis pour les vérifier et pour en décider » —, il insiste sur l’expression, effectivement symptomatique, de « à dire d’experts » qui signifie « sans réserve » ; et Émile Littré d’expliquer que cela « vient de ce que le dire des experts est définitif et sans réserve ». Autrement dit, la parole des experts fait droit. Enfin il propose une très intéressante distinction entre deux termes manifestement proches et partageant la même origine, « expérimenté » et « expert » : le premier, explique-t-il, signifie celui qui a de l’expérience, à qui les choses sont connues par un long usage, tandis que le second signifie celui qui a acquis, par l’usage aussi, non pas une connaissance générale, mais une habileté spéciale ; et de citer deux exemples assez éclairants : « un homme est expérimenté dans les affaires mais il est expert dans son métier » et « ce chirurgien, très expérimenté, est expert à traiter les maladies des voies urinaires9 ». Autrement dit, l’expertise est bel et bien fondée sur le savoir acquis par l’expérience mais elle va plus loin, jusqu’à une connaissance supérieure, qui fonde la légitimité de l’expert. L’habileté spéciale qu’évoque Le Littré n’est évidemment pas universelle ni même courante : parmi les maîtres d’un métier, seuls certains sont donc susceptibles d’être experts. Et c’est déjà le cas au Moyen Âge, comme on va le voir.
6Un des moyens les plus évidents (mais, curieusement, l’un des moins usités par les historiens) de cerner le champ sémantique de l’expertise au Moyen Âge est de se tourner vers les dictionnaires de l’époque. Fondés sur les dictionnaires latins de Papias (xie siècle) ou de Giovanni Balbi (xiiie siècle), les lexiques latins-français qui se multiplient du xive au xve siècle donnent au verbe experiri le sens fort large d’« éprouver » et/ou de « connaître10 ». Il faut attendre les grandes compilations lexicographiques du xve siècle pour voir apparaître l’adjectif expertus, traduit fort logiquement par « esprouvé, congnus » mais aussi par « sage », « enseigniés » et « expert » : le dictionnaire publié vers 1490 par Guillaume Le Talleur comme celui qu’acheva Firmin Le Ver vers 1440 rapprochent expertus d’un côté de probatus, cognitus et clarus — qui renvoient à l’expérience — mais, de l’autre, de peritus, sapiens et doctus, qui peuvent évoquer l’expertise11.
7Ces instruments lexicographiques attestent que le mot « expert » existe bien en moyen français dès le xve siècle. Les règlements des métiers parisiens de l’alimentation l’utilisent en réalité dès le xive siècle et de plus en plus aux deux siècles suivants (graphique 1), mais toujours comme adjectif : le substantif n’est attesté qu’en 1776, dans l’expression « rapport d’expert » et pour un édit concernant tous les métiers parisiens12. Dans ces textes réglementaires, est qualifié d’expert celui qui a une connaissance approfondie de son art et cette qualification s’accompagne le plus souvent d’autres adjectifs : « convenable », « suffisant », « connaissant », « idoine » et « expérimenté » ; à partir du xviie siècle, on trouve également « capable », « habile » et « reconnu ». Le contexte d’utilisation est systématiquement le droit d’exercer une profession, notamment l’accès à la maîtrise (remplacement de maîtres décédés, aide apportée par un compagnon aux veuves de maîtres ayant maintenu l’activité de leur défunt époux, accès à la maîtrise de simples compagnons n’étant ni fils ni gendres de maîtres, possibilité pour des valets bouchers d’acheter de la viande). La capacité à exercer cette profession est jugée par les maîtres-jurés du métier qui, à nos yeux, sont donc des experts mais sans en avoir le titre : par exemple, les « commissaires, appelez a ce les plus souffisans et convenables dudit mestier des harengiers et poissonniers13 ». L’impétrant est donc « expérimenté et trouvé », « examiné et approuvé », « reconnu » (xviie siècle), verbes traduisant bel et bien une expertise de la part de jurés qui le « rapportent14 » et en témoignent15.
8S’il est de plus en plus utilisé pour les métiers alimentaires, le terme « expert » le reste moins que dans les règlements d’autres métiers parisiens, notamment au xve siècle16, avec une fréquence maximale dans les métiers du métal (haubergiers, armuriers, émouleurs de grandes forces, graveurs sur métaux, maréchaux-ferrants, chaudronniers) et dans ceux du bâtiment (maçons, charpentiers, couvreurs) et, dès le xive siècle, dans les métiers du textile. À l’instar des métiers de l’alimentation, il désigne ici le plus souvent l’une des qualités que l’on attend du candidat à la maîtrise, mais le mot est également utilisé pour qualifier les experts chargés de vérifier les capacités des candidats à la maîtrise. Par exemple, le juré paveur de la ville de Paris en 1397 est « le plus expert, idoine et convenable », les maîtres-jurés du métier des maçons-charpentiers en 1405, ou les « notables experts et connaissants » mentionnés dans les statuts des armuriers-heaumiers de 141617. À la fin du xviie siècle, on voit apparaître, dans les métiers du bâtiment, des offices d’experts-jurés18. Je n’ai pas les compétences pour pousser plus loin l’analyse dans le domaine du bâtiment, qui pourrait avoir été un terrain d’expérience en matière d’expertise — et du vocabulaire de l’expertise.
9L’activité des professionnels de bouche ne se limite pas au cadre des métiers organisés. La fin du Moyen Âge voit se développer un milieu en grande partie nouveau, celui de la cour princière. Les règlements des hôtels rassemblant les services domestiques se multiplient alors et l’on peut tenter d’y repérer les usages des termes de l’expertise. Un bon point d’observation est constitué par les Leges Palatinae, éditées par Jaume III de Majorque en 1337, dans un contexte de grosses difficultés (notamment financières) pour son royaume19. Ce règlement extrêmement méticuleux de l’ensemble de la maison royale a connu une certaine diffusion : sur place il a été repris quasiment tel quel dans l’ordonnance du roi d’Aragon Pierre IV le Cérémonieux en 134420 et le manuscrit — magnifiquement illustré — des Leges a fini par aboutir dans les États bourguignons21. Le mot expertus y est employé à cinq reprises, dont trois pour des métiers de bouche : écuyer tranchant22, porteur d’écuelle23 et cuisinier de bouche24. Il renvoie à des qualités que recouvrent également d’autres termes, qui lui sont associés, tels aptus, providus, cautus ou bonus, fidelis et même scientifficus. L’expertise de ces officiers ne réside pas seulement dans leur capacité technique — le cuisinier doit évidemment savoir faire cuire (cibaria decoquere) et l’écuyer tranchant savoir découper (scindere coram domino) —, mais il leur convient aussi de disposer de compétences de gestionnaires, par exemple lorsque le cuisinier assure les approvisionnements en cas d’absence de l’acheteur. S’y ajoute le souci de préserver la santé ou la sécurité du maître, un peu à la manière dont les métiers urbains se doivent de garantir celles de leurs clients ; ce pourquoi l’écuyer tranchant veille à avoir des couteaux propres (cultellos mundos et bene scindentes) et le queux de bouche, une cuisine impeccable ; ce dernier goûte les mets avant de les faire apporter à table (cibaria minime gustare praeter mittant, sans doute pour éviter les empoisonnements) et s’astreint en toute occasion à la prudence (« caute »). La vitesse d’exécution comme le décorum du service renforcent enfin le prestige du maître, auquel ses officiers de bouche font ainsi honneur.
10À partir de ces exemples — dont il ne faut pas se cacher la disparité — on peut proposer la définition suivante de l’expertise en matière alimentaire, volontairement large : elle désigne la capacité d’un individu, acquise par l’étude et/ou l’expérience et reconnue par une autorité publique ou une organisation professionnelle, de préparer ou fabriquer un aliment, d’en mesurer la quantité, d’en évaluer la composition et/ou la valeur marchande, et d’en reconnaître les qualités organoleptiques et/ou l’état sanitaire. Cette expertise peut, selon la typologie proposée ici même pour le bâtiment, déboucher sur l’édiction de normes, la prescription de conseils ou la formalisation de sanctions. À ce titre ses champs d’intervention sont aussi variés que vastes.
Les domaines de l’expertise alimentaire
11Dans le champ de l’expertise alimentaire, le commerce des denrées occupe une place prépondérante — même si le marché n’est pas le seul domaine où des experts reconnus comme tels puissent parler et statuer d’aliments : le corps du mangeur comme du mangé a donné naissance à une expertise de type médical25, les processus d’élaboration des aliments engendrant de leur côté une expertise que l’on pourrait qualifier de culinaire26. Le marché alimentaire, auquel je me limiterai pour l’instant, met en relation vendeurs, consommateurs et pouvoirs publics, et ceci à plusieurs niveaux et dans des configurations fort variées, en fonction du degré d’organisation des métiers. Les métiers a priori les plus concernés sont ceux qui tournent autour des commerces du vin, du poisson et de la viande, pour des raisons spécifiques qu’il convient d’expliciter.
12Pour les métiers du vin, l’exemple de Bruges, l’une des grandes places commerciales de la fin du Moyen Âge et, en outre, placée dans une région qui ne pouvait compter sur aucune production locale, est relativement bien connu27. À côté des mesureurs, on peut citer les cracheurs de vin, qui occupent un office directement rattaché au magistrat de la ville et goûtent la première gorgée de chaque tonneau, afin de vérifier que le vin est propre à la consommation. Ils s’assurent en outre chaque année de la bonne conservation du vin de l’année précédente, puisqu’il est possible de le mélanger avec le nouveau. Cela demande de l’expérience et l’on exige des cracheurs de vin qu’ils aient 32 ans révolus28.
13Le poisson est un produit à la fois capital et difficile, du fait de son extrême fragilité, notamment pour le poisson frais, et du fait aussi de son importance en temps de carême : au xive siècle une chambre spécialisée du Parlement de Paris, la « chambre de la marée », a été affectée à la surveillance de l’approvisionnement de la capitale en poissons29. Ces caractéristiques expliquent une expertise très partagée, ainsi que le montre l’exemple du poisson de mer (graphique 2)30.
14La complexité du circuit commercial est voulue par les autorités publiques, et ceci afin d’éviter tout risque de monopole — et donc de blocage dans les approvisionnements de Paris : d’où la mise en place d’intermédiaires indépendants entre les marchands forains (grossistes) et les poissonniers (détaillants), les vendeurs de poisson de mer qui sont rémunérés au prorata des ventes. Parallèlement sont prévues des instances de contrôle multiples, émanant tant du métier parisien (organisé dès le xiiie siècle) ou des marchands forains (dans les années 1360) que des pouvoirs publics (Parlement, Châtelet) qui cherchent avant tout à sécuriser l’ensemble de la filière. Parmi les multiples expertises qui sont ainsi requises, on peut pointer le rôle fondamental des vendeurs de poisson de mer, qui est de fixer le « juste prix » des poissons apportés aux Halles, de garantir le paiement aux marchands forains et de contrôler la qualité ; de leur côté, les gardes-jurés et leurs adjoints défendent les intérêts des poissonniers, en vérifiant la conformité du marché aux règlements du métier (visite avant la mise en vente, vérification des mesures utilisées, y compris les petits paniers pour le commerce de détail).
15Le commerce de la viande a été fort étudié par les historiens. Afin de décrypter la logique qui sous-tend la réglementation d’un des commerces les plus importants de l’époque, on peut partir des statuts de la boucherie d’Évreux, établis en 1434 et qui se situent dans le cadre des métiers jurés où le maximum d’initiative est laissé à la communauté professionnelle31. Quoique fort souples, ils permettent de repérer les divers domaines dans lesquels s’exerce l’expertise, les techniques qu’elle met en œuvre et enfin les documents auxquels elle aboutit. De manière générale, il s’agit d’« obvier aux fraudes, mauvaisetés, déceptions » pour à la fois « le bien et profit du métier » et le « bien de la chose publique » ; dans le bien du métier, il y a aussi, clairement explicité, le souci de sa réputation, de son honneur. Tout un groupe d’articles concerne les conditions d’exercice du métier : droit pour les apprentis de tenir un étal, réduction ou non de la durée d’apprentissage, et à chaque fois les gardes-jurés du métier sont sollicités ; il y a aussi les cas de violation du monopole d’abattage (par exemple par des pâtissiers). Également important est l’ensemble d’articles sur l’état de la viande : l’article 1 rappelle qu’il s’agit de proposer des chairs bonnes, loyales et dignes d’être vendues. Mais qu’est-ce qu’une bonne viande ? C’est d’abord une viande qui doit porter sur elle les signes de sa qualité, de sa bonté : elle doit comporter de la graisse et de la moelle en quantité suffisante, on ne doit pas avoir ajouté à la graisse quelque « liqueur » que ce soit, elle doit être vendue par bête entière ou par quartiers où restent encore accrochés poumon et cœur ; il y a donc une visibilité de la bonne viande. D’autre part une bonne viande est une viande de bœuf, de mouton ou de porc, mais ni de chèvre ni de bouc. C’est encore une viande qui doit avoir bénéficié des meilleures conditions avant et après l’abattage : on ne doit pas abattre de veau au-dessous de trois semaines, il faut ménager repos et nourriture aux bêtes venues de loin ou ayant récemment vêlé et assurer un « refroidissement » suffisant de la viande après abattage (notamment du gibier). Enfin, la bonne viande est une viande saine, c’est-à-dire provenant d’un animal non malade, n’ayant ni la clavelée, ni le « fy » (bovins) ; le porc, particulièrement, est surveillé : il ne doit pas être « sursemé » (sa langue ne doit pas comporter de petits grains) ni avoir été nourri chez un saunier ou dans une léproserie.
16Le règlement d’Évreux est moins disert en matière de procédures d’expertise. Des visites régulières sont prévues et l’essentiel passe par un examen visuel où il s’agit de « voir », « trouver », « reconnaître », notamment pour le porc sursemé, qu’un spécialiste, le langueyeur, examinait de près. En-dehors du marquage auriculaire effectué par le même langueyeur ou de la destruction des chairs jugées indignes à la consommation, les résultats de l’expertise s’expriment oralement (« avis », « conseils », « dits », rappelant la fameuse formule « au dire des experts ») ; les rapports en justice peuvent être mis par écrit, et les actes judiciaires (ordonnances, sommations, amendes) le sont sans aucun doute. Que nous est-il resté de cette production documentaire spécialisée, vers laquelle l’effort des chercheurs doit se tourner en priorité ? C’est l’une des questions sur lesquelles nous reviendrons.
17Avec les statuts de la Boucherie de Bordeaux — pris en 1461 mais entérinant ceux de 1418 — on se trouve dans un métier réglé, c’est-à-dire surveillé de près par les autorités locales32, et dans le sud de la France, c’est-à-dire une région où la distinction est nette entre la grande boucherie (publique, officielle, réglementée, dans les remparts) et la petite boucherie (« autra brecaria que quat de porta Boqueyra ») qui propose une viande de deuxième catégorie. La part accordée aux préoccupations de santé y est grande : les « fraudes, fautes et abus » entraînent des inconvénients pour le « corps humain » (sur la « sanctat, salut et servation deu corps humain », précise la version occitane de 1418) et il ne faut pas décevoir le consommateur : « affin que nulla persona y sia decebuda ny enquiada, creden crompar bona carn et marchanda, et que sia le contrari33 ». Il n’est donc pas étonnant que le règlement bordelais donne tant de précisions sur la qualité de la viande : le bœuf doit être gras ; la viande limosa (« baveuse » ?) doit être jetée ; les morceaux seront fermes, durs, sansseys (« sains » ?) ; le bétail blessé, qui ne peut aller à pied jusqu’à la boucherie, c’est-à-dire jusqu’à son lieu d’abattage, doit être rejeté, etc.
18L’exemple de la boucherie permet de repérer, en matière de commerce alimentaire, au moins trois terrains virtuels d’expertise. D’abord, la qualité des produits, qui est déterminée par une inspection systématique au marché portant sur l’état de fraîcheur, l’état sanitaire et la composition, c’est-à-dire au fond les « normes de fabrication » ; elle suppose la capacité à identifier les produits alimentaires34 et leurs éventuels morceaux. Ensuite, la quantité des produits mis en vente, qui implique une normalisation des poids et mesures, et devient un enjeu de première importance à partir du moment où l’on vend au poids et non pas à la pièce, à partir du moment aussi où l’assiette d’imposition est basée sur le poids et non plus sur l’unité35. Enfin le prix, à la fois dans sa détermination (la préoccupation du juste prix n’étant pas qu’une question scolastique) et dans ses implications, avec notamment la taxation des bénéfices36.
Les sources de l’expertise alimentaire
19Parmi les sources susceptibles de nous renseigner sur l’expertise alimentaire, il faut distinguer, me semble-t-il, les sources générales qui peuvent traiter ou évoquer l’expertise et les sources spécialisées qui dérivent directement d’une expertise. Les développements qui précèdent ont montré l’importance des sources règlementaires, qu’elles s’appliquent à un métier ou à l’ensemble du commerce et de l’artisanat alimentaires, à une ville ou bien à tout un territoire : un temps négligées par les historiens de l’alimentation, elles ont récemment retrouvé grâce à leurs yeux dans la mesure où il est désormais possible d’en mieux mesurer la portée par la confrontation avec une documentation pratique (comptes d’approvisionnement) ou, au contraire, purement prescriptive (livres de cuisine, entre autres37). On s’étonnera d’autant plus de l’absence de toute base de données en la matière que les recueils ne manquent pas, tant sous forme imprimée qu’à l’état encore manuscrit : voilà un chantier qu’il convient sans doute d’ouvrir.
20Un nouvel horizon de la recherche paraît être également l’exploitation des riches sources judiciaires. La thèse de Ramón Agustín Banegas López sur l’approvisionnement en viande de Barcelone a montré tout le parti qu’on pouvait tirer des pièces de procédure issues des juridictions locales — exploitées en même temps que les registres de délibération des municipalités et les minutes notariales38 ; ce chercheur a commencé à étendre cette fructueuse quête aux métiers de la viande à Rouen39. Il est question d’expertise alimentaire plus haut encore dans la hiérarchie des tribunaux. L’article de Bernadette Auzary-Schmaltz sur les contentieux en matière d’approvisionnement devant le Parlement de Paris est resté malheureusement isolé : il révèle pourtant la richesse potentielle des plaidoiries, qui donnent tous les détails par souci de convaincre, même si elles présentent des risque certains de déformations40. Ne pourrait-on étendre ce genre d’enquête à d’autres juridictions, telle la Cour des aides dont le fonctionnement devait sans doute intégrer l’expertise alimentaire41 ?
21L’utilisation intensive des registres notariés — qui, comme on le sait, n’est guère possible que dans les régions méditerranéennes — a fourni une abondante matière aux monographies urbaines ou à des travaux plus spécialisés sur les métiers comme sur l’alimentation42. Le volume et l’hétérogénéité de ces fonds constituent un obstacle réel à une utilisation plus « extensive » qui, au-delà des trajectoires individuelles ou des observations ponctuelles, autoriserait une comparaison à l’échelle européenne (dans les limites que l’on vient d’indiquer) et avec d’autres types de sources.
22Évidemment capitale, la production de sources spécifiques à l’expertise est difficile à mesurer. Les rapports, témoignages ou « dires » que mentionnent les règlements n’empruntaient pas nécessairement une forme écrite et il nous en est resté bien peu de choses. Le registre de la Grande Boucherie parisienne — sur lequel on reviendra — est un unicum mais il est à craindre qu’il soit aussi un hapax43.
23Les comptes rendus des « essais » (ou « épreuves ») ont été à juste titre privilégiés par les historiens du pain. Il s’agissait pour les autorités locales de tester la composition la plus adéquate du pain en fonction du prix de ses composants, afin que les boulangers puissent couvrir leurs frais et répercuter l’augmentation éventuelle de coûts incompressibles comme celui du bois — et ceci quel que soit le système commercial choisi : prix unique mais avec poids variable ou, au contraire, prix variable mais pour des qualités et des poids déterminés, système qui s’impose en France à des dates diverses (en 1439 à Paris mais dès la fin du xive siècle en Champagne et en revanche pas avant le xvie siècle dans bien des endroits). En même temps que se multiplient les essais44 se mettent en place des mercuriales de céréales : à compter du xve siècle, les mesureurs de grains assermentés sont chargés de rapporter, une ou deux fois par semaine, les prix relevés sur les marchés de la ville. Pilotée par des responsables commis d’office qui sont assistés par des témoins (jurés boulangers et bourgeois notables) et des sergents de ville, l’essai de pain se déroule sur deux ou trois jours, selon une procédure codifiée et consignée au fur et à mesure dans un procès-verbal ensuite transmis aux autorités de tutelle45. Elle comprend les étapes suivantes :
- — achat au marché ou chez les marchands grainetiers d’une quantité de grains déterminée (suffisante pour, une fois transformée en pâte, emplir un four) ;
- — transport des sacs au poids public où un mesureur assermenté pèse contenu et contenant (sac et corde) ;
- — transport à un moulin de la ville et transformation en farine ;
- — pesage de la boulange ;
- — préparatifs du pain (blutage, préparation des levains), la plupart du temps chez un boulanger local ;
- — mesurage des farines qui sont mises au repos dans un pétrin fermé à clef ou ficelé ;
- — ajout du levain aux pâtes, pétrissage, façonnage en pièces qui sont comptées et pesées une à une ;
- — enfournage, en mettant ensemble les pains de qualité identique qui exigent le même temps de cuisson ;
- — cuisson ;
- — examen des pains (allure, volume, couleur) avec éventuellement rejet si l’essai est manqué (excès de cuisson par exemple) ;
- — pesée globale et particulière ;
- — calcul des frais (prix des céréales, droit de mesurage, prix de la mouture, paiement du transporteur, prix du blutage, salaire pour la panification, coût du bois, coût des chandelles si l’essai a lieu de nuit ;
- — comparaison des frais et du produit attendu de la vente ;
- — transport du compte rendu et des spécimens de pains expérimentaux aux autorités.
24À peu près tous ces moments exigent la présence d’experts, d’autant que l’essai peut aboutir souvent à la publication d’un tarif.
Historiographie et perspectives de recherches
25S’il est resté jusqu’ici peu exploité, le thème de l’expertise s’intègre bien dans les axes actuels de la recherche en histoire de l’alimentation. Un des rares auteurs à en avoir fait un élément important de sa réflexion est la moderniste Madeleine Ferrières. On notera toutefois que dans sa brillante — et désormais classique — analyse de la charte de Mirepoix (1303), les seuls experts qu’elle mentionne sont les notaires, autrement dit des experts du droit et de l’écriture46.
26À bien des égards, l’expertise en matière alimentaire est un sujet qui vient à point, car il se situe à la confluence de plusieurs tendances de fond qui ont récemment renouvelé l’histoire de l’alimentation. Le premier est le succès du thème de la sécurité alimentaire, illustré notamment par l’ouvrage déjà cité de Madeleine Ferrières mais qui reste encore peu prospecté par les médiévistes. On observe d’autre part le retour à une histoire économico-sociale de l’alimentation, qui n’avait jamais été complètement abandonnée — notamment en Espagne — mais qui a été remise au goût du jour par certains modernistes47 et dont témoignent les thèses récentes et importantes de Benoît Descamps et Ramón Agustín Banegas López48, privilégiant une approche globale qui combine l’économique et le culturel. Le souci — et, je dirais, la nécessité — de reprendre les sources, y compris dans leur matérialité la plus concrète, rejoint le courant de ce que l’on pourrait appeler la « nouvelle érudition », centrée sur les pratiques de l’écrit et les textes pragmatiques49. Ces tendances se sont déjà manifestées dans des colloques récents, qui accordent une place plus ou moins large à l’expertise alimentaire50.
La boucherie
27Le premier exemple traité dans cet ouvrage est celui de la boucherie51. Rien d’étonnant à ce que les historiens se soient tant intéressés à ce métier : les documents dont ils disposent sur ce sujet sont en effet abondants. Mais pourquoi les autorités qui produisirent ces documents se sont tant préoccupées des bouchers, de leur organisation et du contrôle qu’il convenait de leur imposer ? Sans doute d’abord parce que la viande est une denrée stratégique. Extrêmement périssable — à l’instar du poisson —, elle est supposée fortement dangereuse, comme l’a montré Madeleine Ferrières52 : la peur de la charogne est un fil rouge dans la perception médiévale de la viande, que l’on peut suivre des pénitentiels du haut Moyen Âge jusqu’aux règlements du xve siècle. Or, la consommation de viande a beaucoup crû à la fin du Moyen Âge — même si les chiffres avancés par les historiens allemands de l’entre-deux-guerres doivent être pris avec précaution — et cette forte consommation entretient dans les villes un grand nombre de bouchers. Entre de multiples exemples, retenons celui d’Avignon, dont le terrier de l’évêque Anglic Grimoard établi en 1366-1368 fournit une image vivante sinon exacte53 : les bouchers y sont au nombre de 56 (soit, pour une population de 40 000 à 50 000 habitants, plus d’un boucher pour 100 habitants et sans doute beaucoup plus), se classant nettement en tête des métiers de l’alimentation54, et parmi les tout premiers, tout secteur d’activité confondu55. Les autorités se méfient évidemment de cette population nombreuse qui s’est dotée parfois très tôt de sa propre organisation56 — il y aurait aussi une enquête internationale à faire sur les modes d’organisation de la boucherie — et dont certains traits distinctifs ne laissent pas d’inquiéter leurs concitoyens : les bouchers ont affaire au sang et à la mort car, en général, ils abattent eux-mêmes les bêtes dont ils vont commercialiser la viande ; leurs outils peuvent facilement se transformer en armes.
28L’exemple parisien est singulièrement éclairé par un document en quelque sorte miraculé, un registre de la Grande Boucherie — c’est-à-dire une justice professionnelle — qui a peut-être été conservé plusieurs siècles dans une famille de bouchers57. Ajouté à d’autres témoins, il permet à Benoît Descamps de reconstituer l’ensemble de la « filière viande », depuis l’acquisition du bétail jusqu’à la gestion des résidus de la boucherie (y compris les chandelles de suif). Reproduisant les mots des bouchers parisiens, ce registre offre un éclairage inhabituel sur les morceaux de viande, qui — contrairement à ce que l’on a pu écrire ici ou là — entrent en ligne de compte dans les prix de la viande. Liées à une spécialisation poussée — et peut-être accrue — des tâches, les nombreuses expertises du xve siècle revêtent aussi une dimension sociale, voire politique, dans la mesure où c’est la réputation des bouchers parisiens qui s’y joue.
29De grandes thèses et de grands livres nous font connaître également — mais à partir de matériaux différents — le cas de Barcelone58, des cités (parfois minuscules) de Provence59 et, plus généralement, du Midi de la France60. Il faudrait reprendre aussi les innombrables articles — souvent parus dans des revues d’érudition locale — illustrant tel ou tel cas61 et l’on aurait là matière à une belle enquête comparative.
Juifs et chrétiens
30On le sait, la péninsule Ibérique est un laboratoire privilégié pour analyser le rôle de l’alimentation dans les relations entre juifs et chrétiens62. L’expertise est ici rendue absolument nécessaire par les contraintes très fortes que définit le judaïsme — et l’on peut dire que la conformité avec les prescriptions alimentaires de la Loi juive est un souci de chaque instant. Par ailleurs, les risques qu’entraîne la coexistence entre juifs et chrétiens incitent à constituer un véritable « apartheid » alimentaire. D’où deux traits spécifiques : d’abord, l’existence d’un corps d’experts allant de l’abatteur rituel (qui n’est pas un boucher et est lui-même très surveillé) au spécialiste de la Loi en passant par les contrôleurs de poids et mesures ; ensuite, une production textuelle abondante — celle des responsa, qui circulent en recueils — destinée à répondre aux problèmes que se posent ces experts63.
31Le cas provençal invite peut-être à nuancer la séparation alimentaire qui vient d’être évoquée64. Les bouchers juifs y sont assimilés à leurs confrères chrétiens dans la mesure où, comme eux, ils acquittent la rève — même si en plus ils sont soumis à une contribution spécifique, la tacana — et où ils doivent respecter les mêmes règles d’hygiène et d’honnêteté. On note également des échanges de viande, portant d’un côté sur les parties non rituelles, les ratages et rebuts de l’abattage rituel juif et, de l’autre, sur la viande commercialisée pendant le carême. Pratiques qui devaient être assez courantes : si en 1365 le conseil communal de Marseille interdit aux bouchers chrétiens de vendre de la viande cédée par leurs confrères juifs, deux ans plus tard, tout en renouvelant l’interdiction, on laisse la possibilité, en un lieu bien déterminé (le Portail du Levant), aux bouchers chrétiens de vendre de la viande cachère et aux bouchers juifs de la viande découlant d’une erreur d’abattage. Ailleurs en Provence — et notamment suite à leur déclin démographique —, les communautés juives sont si réduites qu’elles doivent avoir recours à des bouchers chrétiens, dont les tâches sont détaillées par contrat (prix fixes, quantités minimales, qui diminuent durant le carême). Une étude comparative, là encore, s’impose65.
32En conclusion, le besoin d’expertise en matière alimentaire est manifeste et s’exerce en fonction des nécessités culturelles aussi bien qu’économiques — et c’est un point capital. Les acteurs en sont avant tout les professionnels qui constituent l’élite des métiers de l’alimentation, mais aussi des officiels plus ou moins spécialisés — et l’on pense évidemment au mostassaf, gardien des marchés dans les pays ibériques — et enfin, éventuellement, des spécialistes extérieurs qui pourraient jouer le rôle d’arbitre66. C’est dans les différends aboutissant à une procédure juridictionnelle que se donne à voir le plus concrètement l’intervention de ces experts : les règlements que nous avons conservés en assez grand nombre fondent leurs activités que quelques actes de la pratique attestent, mais ce sont les documents du contentieux qui les justifient pleinement.
33On l’a déjà dit, une telle enquête n’a guère de sens que si elle s’étend sur le long terme (du xiiie au xvie siècle) et revêt une dimension clairement comparative. De ce fait, il est préférable de choisir un terrain d’expérience. La boucherie — ou plus exactement la viande —, à l’évidence, s’impose, tant en raison de l’abondant matériel documentaire qu’elle a suscitée que parce que la réflexion autour de l’expertise sur la viande rencontre des préoccupations actuelles. Il serait sans doute préférable de privilégier certains types de sources, je pense notamment aux registres judiciaires dont le recensement s’impose. A-t-il existé des registres de la viande comme il a existé un registre de la marée67 ?
34La littérature juridique est aussi à prendre en compte. On peut considérer comme un pendant des responsa rabbiniques les consilia produits à grande échelle, notamment par les juristes italiens tel Bartolo de Sassoferrato ou Baldo dei Ubaldi. Les quaestiones scolastiques, dont on a longtemps raillé le formalisme, se révèlent assez ouvertes aux problèmes concrets et d’actualité : de fait, plusieurs questions du recueil de l’avocat au Parlement, Robert Le Coq, portent sur le commerce du poisson de mer, Le Coq étant le défenseur des seigneurs qui ont saisi certains chargements68. Y eut-il pour autant des traités spécifiques sur le droit de l’alimentation ? Le De alimentis de Bartolo de Sassoferrato est, de ce point de vue, un faux-ami puisqu’il s’occupe de la « pension » alimentaire versée entre parents…
Notes de bas de page
1 Et font la matière, dans ce volume, des contributions de B. Descamps, « “Sera veu et extimé par les jurez et gens en ce cognoissans”. La nécessité des procédures de contrôle dans la boucherie parisienne à la fin du moyen âge », pp. 53-62 et de Cl. Soussen, « La cacherout ou le besoin d’une expertise juive en matière alimentaire », pp. 37-52.
2 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/expertise.
3 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/expertiser.
4 <http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/expert/32246>.
5 Les citations de ce paragraphe sont extraites du site « Dictionnaires d’autrefois », diffusé sous forme digitale <http://0-artflx-uchicago-edu.catalogue.libraries.london.ac.uk/cgi-bin/dicos//pubdico1look.pl?strippedhw=expertise> [consulté le : 8/11/2013].
6 C’est moi qui souligne.
7 Code civil de 1804 : <http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k1061517> [consulté le : 8/11/2013].
8 <http://0-artflx-uchicago-edu.catalogue.libraries.london.ac.uk/cgi-bin/dicos//pubdico1look.pl?strippedhw=expertiser>.
9 J.-Fr. Féraud, Dictionnaire critique de la langue française <http://0-artflsrv01-uchicago-edu.catalogue.libraries.london.ac.uk/cgibin/dicos/pubdico1look.pl?strippedhw=expert> [consulté le : 8/11/2013].
10 Les manuscrits les plus anciens du lexique Abavus ignorent le terme, mais ceux du Vatican et de Conches ainsi que le manuscrit Paris, BNF, lat. 7692, qui témoignent d’une deuxième version amplifiée et élaborée au xive siècle, le traduisent en « eprover »/ « esprover » (M. Roques (éd.), Recueil général des lexiques français, vol. 1, p. 154, l. 2502 et p. 330, l. 3065). Les différents exemplaires du lexique Aalma enregistrent experior qu’ils définissent comme « esprouver, cognoistre » (ibid., vol. 2, p. 129, l. 3712).
11 F. Le Ver, Dictionarius, p. 157, l. 72-73 (« Expertus […] eciam dicitur valde peritus, sapiens, doctus id est expert, sages, enseigniés ») ; G. LeTalleur, Dictionarius familiaris, p. 113, col. b, l. 14-15 (« Expert […] expert id est doctus, multum peritus »). Ces dictionnaires sont aussi consultables en ligne sur le site Database of Latin Dictionaries diffusé en forme digitale sur <http://0-www-brepolis-net.catalogue.libraries.london.ac.uk> [consulté le : 8/11/2013].
12 R. de Lespinasse, Les métiers et corporations, t. I, p. 172, n° 11.
13 Ordonnance du roi Jean II le Bon, 1351, dans ibid., p. 15, n° 18.
14 Statuts des charcutiers, 1476, dans ibid., p. 321, n° 3.
15 Statuts des brasseurs, 1514, dans ibid., p. 624, n° 11.
16 Ibid., où se compte 14 mentions du mot expert pour le t. I (dont seulement 5 pour les xive et xve siècles) contre 33 pour le t. II et 18 pour le t. III, alors que les trois volumes sont d’ampleur comparable.
17 Ibid., t. II, pp. 326, 602 et 618.
18 Ibid., t. II, p. 610, n° 6.
19 La seule édition imprimée, fournie par Daniel Van Papenbroech dans les Acta sanctorum, est ancienne. Une reproduction en fac-similé a été publiée en 1994 : Jaume III, Leges Palatinae. Grâce au programme dirigé par Gottfried Kerscher, la transcription du COD. n° 9169 de la Bibliothèque royale Albert Ier de Belgique est facilement consultable sur Internet et je me suis basé sur cette version : <http://germazope.uni-trier.de/Projekte/LP/edition> [consulté le : 11/12/2013] (ci-après Ms. Leges).
20 Ordenacions fetes per lo molt alt senyor, éd. P. de Bofarull y Mascaró. Voir l’article récent d’A. Beauchamp, « Ordonnances et réformes de l’hôtel royal ».
21 Une hypothèse classique veut qu’après avoir été expulsé de son royaume, Jaume III de Majorque ait emporté le manuscrit, dont il aurait fait don à son hôte, le roi de France Philippe VI de Valois, qui l’aurait lui-même laissé à son fils Jean le Bon, lequel l’aurait à son tour transmis à Philippe le Hardi, ce qui expliquerait que ce codex ait abouti dans la bibliothèque d’Isabelle de Bourbon, seconde épouse de Charles le Téméraire, puis dans celle de son chevalier d’honneur, Guillaume de la Baume et, de là et par divers détours, dans la Bibliothèque royale Albert Ier de Bruxelles (C. Gaspar et F. Lyna, Les principaux manuscrits à peintures, pp. 296-300, n° 120 ; L. M. J. Delaissé, Miniatures médiévales, pp. 62-65, n° 12 ; M. J. Hughes, « The Library of Philip the Bold », p. 180 ; voir la description du manuscrit par J. M. M. Van den Gheyn et alii, Catalogue des manuscrits, p. 6, n° 6762). Cette hypothèse a été contestée — de manière fort convaincante — par P. M. De Winter, La bibliothèque de Philippe le Hardi, p. 284, note 4.
22 « Hac igitur praesenti nostra sanctione ducimus statuendum quod tres vel quatuor scutiferi natalibus seu privilegiis militaribus insigniti, ad scindendum coram Nobis et aliis peragendis quae pro comestione erunt Nobis apposita, assumantur qui in talibus magis experti videbuntur » (Ms. Leges, f° 10r°. C’est moi qui souligne).
23 « Ad decorem nostrum respicere credimus quod domicellin ostrae personae servitio deputandi, praesertim illi qui Nobis cibaria ministrabunt, sint apti, providi et experti et sint in ministrando cauti quod deffectus aliquis reprehensione dignus nequeat reperiri » (ibid., f° 10v°. C’est moi qui souligne).
24 « Et ut praemissa facilius evitemus, hac praesenti nostra ordinatione ducimus statuendum quod duo boni homines et fideles coqui pro nostra speciali coquina assumantur, per Nos eligendi qui in officio praedicto scientiffici existant et experti » (ibid., f° 12r°-v°. C’est moi qui souligne). Les deux autres officiers qualifiés d’experts sont le maréchal et le fauconnier (ibid., fos 16v° et 18r°).
25 Voir, en première approche, M. Nicoud, Les régimes de santé au Moyen Âge.
26 Voir B. Laurioux, Une histoire culinaire.
27 A. Vandewalle, « Les professions du vin ».
28 B. Musset, « La circulation de l’information », a souligné, pour l’époque moderne, l’importance de l’expertise des courtiers dans la fixation des prix des vins de Champagne expédiés en Flandre : était-ce déjà le cas au Moyen Âge — y compris pour d’autres marchés ?
29 Composition et compétences de cette chambre sont décrites dans M. Merlin, Répertoire universel, p. 517. Il n’en reste qu’une pièce, du xviiie siècle, dans la sous-série Z1L des Archives nationales de France (ci-après AN).
30 C. Bourlet, « L’approvisionnement de Paris en poisson de mer ».
31 Ordonnances des roys de France, t. XIII, éd. L.-G. de Vilevault et L. G. de Bréquigny, pp. 81-83.
32 Ibid., t. XV, éd. de Cl. E. A. de Pastoret, pp. 414-417.
33 Ibid.
34 La dénomination des produits alimentaires est encore largement terra incognita : les registres de la boucherie de Carpentras distinguent une vingtaine de catégories de viandes, tant en provençal qu’en latin (H. Dubled, « L’organisation de la boucherie », p. 166).
35 Ce qui est acquis pour la viande à Carpentras en 1418, donnant ainsi naissance à une série exceptionnelle de soixante ans de registres de la boucherie (ibid., pp. 152-153).
36 En 1361, le conseil municipal de Carpentras limite à 20 % la marge bénéficiaire des bouchers (ibid., p. 152).
37 En revanche, il n’y a rien à tirer de la littérature vétérinaire qui se concentre sur l’hippiatrie ou la volerie (G. Beaujouan et alii, Médecine humaine et vétérinaire). L’authenticité du Bon Berger de Jean de Brie, connu uniquement par une impression du xvie siècle, ne me paraît pas assurée.
38 R. A. Banegas López, L’aprovisionament de carn a Barcelona.
39 Dans le cadre d’une recherche postdoctorale (« El aprovisionamiento de carne en las ciudades del norte y el sur de Europa durante la Baja Edad Media, un estudio comparativo ») qui a bénéficié de l’appui du gouvernement espagnol.
40 B. Auzary-Schmaltz, « Les contentieux en matière d’approvisionnement ».
41 Étant donné qu’elle s’occupait des finances extraordinaires, qui comprenaient notamment les aides, gabelles et octrois (AN, série Z1A).
42 Entre autres exemples, voir l’usage qui en a été fait par I. Lori Sanfilippo, La Roma dei Romani.
43 Le cheminement qui l’a fait aboutir dans les fonds de la Bibliothèque historique de la ville de Paris reste encore mystérieux. B. Descamps, « Tuer, tailler et vendre char », suppose que ce registre a pu être conservé dans une famille de bouchers.
44 On en a recensé 2 à Paris au xive siècle mais 22 au xve siècle ; au total, en auraient été conservés pour la France plus de 140. Principales publications : G. Fagniez, Documents relatifs à l’histoire de l’industrie, t. I, pp. 291-292, (Douai, 1496) ; Ch. Samaran, « Un essai de pain » (St-Denis, ca 1384) ; E. Asselin, Les métiers du pain à Paris, pp. 6-93 (annexes, série d’essais de pain contenue dans le ms. fr. 5270 de la BNF, 1418-1477) ; L. Stouff, Ravitaillement et alimentation, pp. 372-273 (Tarascon, 1379).
45 Fr. Desportes, Le pain au Moyen Âge, pp. 160-163.
46 M. Ferrières, Histoire des peurs alimentaires, p. 18.
47 Voir la somme de R. Abad, Le grand marché. Ce « retour » de l’économico-social se perçoit aussi dans l’excellent manuel de P. Meyzie, L’alimentation en Europe.
48 B. Descamps, « Tuer, tailler et vendre char » ; R. A. Banegas lópez, L’aprovisionament de carn a Barcelona.
49 Voir un bilan récent dans Pratiques de l’écrit (revue Médiévales).
50 Le choix des aliments ; R. A. Banegas lópez et alii (éd.), Les métiers de l’alimentation.
51 Voir, dans et ouvrage, la contribution de B. Descamps, « “Sera veu et extimé par les jurez et gens en ce cognoissans”. La nécessité des procédures de contrôle dans la boucherie parisienne à la fin du Moyen Âge », pp. 53-62.
52 M. Ferrières, Histoire des peurs alimentaires, pp. 23-38 et 54-59.
53 Le Terrier avignonnais, éd. A.-M. Hayez. Le recensement est fondé sur une soigneuse enquête qui a duré trois ans, mais il ne concerne que la directe de l’évêque (il y a aussi celle de l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem ou de la famille de Cabassole), qui représente au mieux le dixième de la cité et est fort mal représentée dans les parties les plus denses de celle-ci.
54 Seulement 10 boulangers, 14 marchands de blé et 2 meuniers ; 13 poissonniers et 1 pêcheur ; 2 tripiers, 12 aubergistes et 11 taverniers ; 2 pâtissiers, 3 fromagers, 33 épiciers, 2 fruitiers, 1 marchand de sel et 2 marchands de vin.
55 Ils sont seulement dépassés par les notaires de tout poil qui atteignent la soixantaine.
56 Dès le xiie siècle pour la boucherie parisienne.
57 B. Descamps, « Tuer, tailler et vendre char ».
58 R. A. Banegas López, L’aprovisionament de carn a Barcelona.
59 L. Stouff, Ravitaillement et alimentation, pp. 111-143.
60 Privilégié par M. Ferrières, Histoire des peurs alimentaires.
61 Les articles de Ph. Wolff, « Les bouchers de Toulouse » et de H. Dubled, « L’organisation de la boucherie » sont connus, mais il y en a bien d’autres qui mériteraient d’être recensés.
62 M. Á. Motis Dolader et alii, « Régimen alimentario de las comunidades judías y conversas ».
63 Voir, dans ce volume, la contribution de Cl. Soussen, « La cacherout ou le besoin d’une expertise juive en matière alimentaire », pp. 37-52.
64 L. Stouff, Ravitaillement et alimentation, pp. 143-150 et id., « Les juifs et l’alimentation en Provence ».
65 Voir, d’un point de vue général, A. Toaff, Il vino e la carne.
66 À Arles, au xve siècle, parmi les quatre inspectores carnium et piscium choisis par le conseil municipal, deux ne sont ni poissonnier ni boucher mais des citoyens — l’un noble et l’autre bourgeois (L. Stouff, Ravitaillement et alimentation, p. 128).
67 Ce registre perdu mais que l’on peut reconstituer grâce aux nombreuses mentions qui en sont faites par N. Delamare, Traité de la police, t. III, livre V, comprenait à la fois des arrêts du Parlement, des lettres royales et des actes de la Prévôté de Paris, le tout étalé de 1314 à 1610.
68 B. Auzary-Schmaltz, « Les contentieux en matière d’approvisionnement », pp. 61-63.
Auteur
Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yveline
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