La péninsule Ibérique et l’entomologie européenne au xixe siècle
p. 479-501
Texte intégral
En suivant le cours du Xénil au-dessus de Huejar jusqu’à une distance presque aussi considérable que celle qui sépare ce village de Grenade, on atteint une mine de cuivre en exploitation. Quelques maisons ont été bâties en cet endroit et […] le chef des ouvriers mineurs voulut bien nous y donner l’hospitalité. […] La Sierra Nevada recèle en maint endroit des mines fort riches de divers métaux, et chaque année on commence à en exploiter de nouvelles. Auprès de ces mines, situées parfois à une grande hauteur, il est toujours possible de trouver un gîte. Vous donc qui avez une étincelle de feu sacré, bonnes jambes et bon estomac, allez voir la Sierra Nevada ; peu de contrées sont aussi riches en insectes ; je n’en connais pas de plus admirable sous le rapport des beautés naturelles, et ses habitants sont aussi honnêtes qu’affables et hospitaliers1.
1Le récit de cette surprenante rencontre qui eut lieu dans un recoin montagneux de la Sierra Nevada, en mai 1865, entre un groupe d’entomologistes allemands, français et anglais et les mineurs de Güéjar-Sierra, m’a incité à offrir à Gérard Chastagnaret quelques réflexions sur l’histoire des sciences naturelles dans l’Espagne du xixe siècle.
2Témoins du dynamisme d’une industrie minière en plein essor, les jeunes savants qui parcourent l’Espagne cette année-là sous les auspices de la Société entomologique de France2 donnent en même temps l’exemple de la mainmise des chercheurs venus d’autres pays européens sur l’inventaire scientifique des richesses minéralogiques, botaniques et zoologiques de la péninsule Ibérique. Quand on sait que la faiblesse des moyens de prospection géologique a longtemps entravé le développement des entreprises minières espagnoles ou réduit leur efficacité3, on jugera aisément, à plus forte raison, du retard de la recherche dans des domaines des sciences naturelles qui n’avaient pas, comme la géologie, des implications économiques immédiates.
3Le cadre historique général et les causes structurelles de ce retard sont trop connues pour qu’il soit nécessaire d’y revenir4 : résistances sociales et intellectuelles, retard de la révolution industrielle, conséquences désastreuses de la guerre d’indépendance… J’essaierai plutôt de montrer, en me limitant à une discipline scientifique particulière — l’entomologie —, comment les pratiques scientifiques propres à la première moitié du xixe siècle s’exercent dans un pays qui est perçu comme une terre vierge en matière de sciences naturelles, et comment ces pratiques ont retardé l’entrée des chercheurs nationaux dans le concert européen.
4Je m’intéresserai donc au fonctionnement d’un groupe d’individus unis par des intérêts scientifiques communs, mais aussi par des enjeux de carrière et, dans certains cas, par des mobiles économiques, et non pas au progrès des connaissances dans la discipline concernée. Pour le dire en deux mots, ce n’est pas de l’histoire de l’entomologie qu’il sera question, mais de celle des entomologistes, du point de vue des pratiques sociales liées à la production du savoir.
5Pour asseoir ce travail encore préliminaire sur des données quantitatives fermes, il ne pouvait être question de prendre en compte l’immense territoire de l’entomologie et ses bataillons de centaines de savants, illustres ou obscurs, qui ont fait passer le nombre d’espèces décrites de Coléoptères (pour ne citer que cet ordre) de 4766 en 18015 à 77000 en 18766 et sans doute à plus de 150000 à la veille de la première guerre mondiale. J’ai choisi de limiter cette étude à la famille des Carabidae, qui est une subdivision de l’ordre des Coléoptères. Un catalogue récent des 1158 espèces ibériques actuellement validées permet de retracer avec une certaine précision l’histoire des recherches menées sur ce groupe et, plus particulièrement, de suivre le rythme des descriptions d’espèces nouvelles découvertes dans la péninsule Ibérique7. Sur du matériel collecté en Espagne ou au Portugal, 305 espèces ont été décrites8 entre 1801 et 1914 (tableau 1 et fig. 1 [pp. 481 et 482]).
6Ces descriptions sont l’œuvre de 60 entomologistes : 24 Français, 22 Allemands, 6 Espagnols, 3 Russes, 2 Britanniques, 1 Belge, 1 Danois et 1 Portugais. La moitié des espèces ont été décrites par des Français, 28 % par des Allemands, 8 % par un savant belge, 7 % par des Espagnols et de Portugais, les 6 % restants se partageant entre Russes, Britanniques et Danois. La part qui revient aux savants de la péninsule Ibérique s’avère donc très modeste ; elle le restera même jusqu’en 1939, si l’on poursuit le décompte jusqu’à cette date (fig. 1, p. 482). Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que l’entomologie espagnole et portugaise prendra véritablement son essor. Mis à part ce constat qui ne fait que confirmer une tendance générale bien établie dans l’ensemble des sciences naturelles, on est surpris par la faiblesse de la contribution anglaise (seulement quatre espèces décrites en l’espace d’un siècle), alors qu’on sait que l’entomologie britannique, sur cette période, ne fut pas moins productive en termes généraux que celle de ses voisins continentaux. Il faudrait étendre l’enquête à d’autres familles d’insectes pour savoir s’il s’agit d’une situation conjoncturelle due aux aléas de la recherche et des spécialisations, ou d’une tendance générale de la zoologie britannique qui aurait négligé les faunes européennes autres que celle des îles Britanniques, au profit des faunes exotiques et notamment de celles de l’Empire colonial. Quoi qu’il en soit, ce sont les Français et les Allemands qui se taillent la part du lion dans l’entreprise taxinomique du xixe siècle en péninsule Ibérique, puisque les trois quarts des descripteurs (pour 79 % des espèces décrites) appartiennent à ces deux nations. Pour comprendre cette domination, et pour mieux prendre la mesure des obstacles qui retardèrent si longtemps l’essor d’une entomologie nationale en Espagne et au Portugal, il convient de rappeler brièvement quels sont les objectifs, les structures et les modes de fonctionnement de l’entomologie européenne de la première moitié du xixe siècle.
7À cette époque, la discipline entomologique est presque tout entière consacrée à la tâche gigantesque de l’inventaire et de la classification rationnelle du vivant, dans le sillage de Linné. La physiologie et le mode de vie des insectes sont encore peu étudiés, sauf pour un petit nombre d’espèces ayant un intérêt économique comme l’abeille, le ver à soie ou les ravageurs des cultures. Les entomologistes sont pour la plupart des taxinomistes, des systématiciens, des descripteurs. Même très spécialisés, leurs travaux n’exigent pas une formation scientifique approfondie ; ils demandent en revanche du temps et des moyens, afin de constituer une collection de référence sans laquelle l’examen comparatif que nécessite toute entreprise taxinomique ne peut être mené à bien. Comme on le verra plus loin, cet aspect explique pour une bonne part le profil social des premières générations d’entomologistes.
8La faible technicité de l’entomologie telle qu’elle se pratique dans les premières décennies du xixe siècle n’en fait pas pour autant une science au rabais. Depuis Réaumur et Buffon, l’histoire naturelle est jugée digne d’occuper les meilleurs esprits et fait partie des savoirs qu’un honnête homme peut se prévaloir de cultiver. Héritière des cabinets de curiosités du xviie et du xviiie siècle, la collection d’insectes, de coquillages ou de minéraux, au même titre que l’herbier, est au début du xixe siècle une occupation recommandée par les moralistes : non seulement elle prémunit l’individu contre des distractions funestes et entretient la santé grâce à de fréquentes excursions dans la nature, mais elle peut aussi contribuer au progrès de la science. L’entomologie fait donc partie, à l’instar de la botanique ou de la minéralogie, des activités auxquelles des personnes fortunées disposant de loisirs peuvent se consacrer sans déroger (tout au plus risquent-ils de passer pour des originaux ou des farfelus si leur passion devient par trop dévorante). De la chasse aux papillons du Rouge et le Noir (1830) au savant distrait d’Un capitaine de quinze ans de Jules Verne (1878), des souvenirs de Charles Nodier9 à ceux de Vladimir Nabokov10 et d’Ernst Jünger11 — ultime représentant de cette lignée —, la littérature est émaillée de figures d’entomologistes et de collectionneurs d’insectes qui témoignent de ce statut particulier, qu’on ne saurait sans anachronisme confondre avec la notion actuelle de hobby ou d’activité de loisir.
9Dans ce contexte, la distinction entre « amateurs » et « professionnels », cruciale dans le développement des sciences naturelles depuis le milieu du xxe siècle, est dépourvue de sens. Au xixe siècle, dans le domaine des sciences naturelles, être reconnu comme un savant à part entière résulte d’un jugement entre pairs qui ne repose que sur la valeur attribuée aux travaux scientifiques. La profession exercée (ou l’absence de profession) n’apparaît jamais comme un critère discriminant, et le fait d’être ce qu’on appellerait aujourd’hui, anachroniquement, un entomologiste professionnel — il s’agit à l’époque des professeurs d’université, des conservateurs et préparateurs de quelques musées d’histoire naturelle — ne confère aucune supériorité, aucun gain de légitimité du point de vue scientifique. Cela est particulièrement vrai en France où, jusqu’au début de la Troisième République, les professeurs des universités et du Muséum ne contribuent que pour une part minime aux progrès de l’entomologie systématique12. C’est du reste à des initiatives privées (voyages d’exploration, constitution de grandes collections, travaux systématiques de longue haleine) que l’on doit l’essentiel des progrès de la connaissance de la faune entomologique de l’Europe, puis des autres continents. Corrélativement, il faudra attendre de longues années avant que ne se forment, dans les musées ou les universités, des collections publiques de référence. C’est ainsi que l’un des meilleurs entomologistes français pouvait écrire en 1868 que
la première place appartient aux collections privées […]. Elles constituent la vraie source de la science et lui fournissent ses meilleurs éléments. Il est loin d’en être ainsi des collections publiques […] ; elles sont en général sans valeur comme collections nationales ou locales13.
10Le collectif des entomologistes européens — quelques centaines de personnes — est donc majoritairement composé d’individus aisés qui vivent de leurs rentes ou disposent d’importants loisirs en marge de leur activité professionnelle. La noblesse et la bourgeoisie s’y côtoient. À côté de patronymes célèbres, comme celui d’Amédée Lepeletier de Saint-Fargeau (1770-1845), spécialiste des hyménoptères et frère de deux conventionnels, ou du prince d’Essling, fils du maréchal Masséna14, on trouve sur les tablettes de la Société entomologique de France un marquis de La Ferté-Sénectère, un vicomte Achard de Bonvouloir, un comte de Kiesenwetter (allemand), un baron de Chaudoir (russe), un comte Mniszech15 (polonais), etc. Certains, qu’une fortune insuffisante ou des contraintes familiales ont obligés à exercer une profession, l’abandonnent dès qu’ils le peuvent. Pour prendre quelques exemples dans notre petit corpus de descripteurs d’espèces ibériques, Hermann Rudolph Schaum (1819-1865) exerça la médecine pendant quelques années à Stettin, mais « dès qu’il eut rassemblé une fortune convenable, il abandonna entièrement la médecine pour se livrer exclusivement à l’étude des sciences naturelles16 ». Charles Brisout de Barneville (1822-1893), fils d’un conseiller à la cour d’appel de Paris, sorti de l’École Centrale en 1844, renonça à sa carrière d’ingénieur en 1848 pour se consacrer entièrement à l’entomologie17. Charles Piochard de la Brûlerie (1845-1876) se destinait à la médecine, mais il abandonna ses études à 19 ans pour se consacrer, lui aussi, à l’étude des Coléoptères18. À côté de ces rentiers, plusieurs professions sont bien représentées parmi les entomologistes actifs au milieu du xixe siècle, selon des proportions qui varient quelque peu d’un pays à l’autre : médecins19 et pharmaciens, officiers, fonctionnaires20, plus rarement négociants et industriels. On compte aussi quelques ecclésiastiques, mais ces derniers semblent moins souvent attirés par l’entomologie que par la botanique. Il faut attendre le dernier tiers du siècle pour assister à une démocratisation progressive du milieu entomologique. La part des « propriétaires » vivant de rentes, issus de l’aristocratie terrienne ou de la bourgeoisie la plus fortunée, devient marginale, laissant la place aux classes moyennes et à des individus exerçant les métiers les plus divers21.
11Reste à évoquer une catégorie qui joue dans ce collectif un rôle très important : les voyageurs naturalistes et les marchands naturalistes. Car la course à la description des espèces et des genres nouveaux, qui est le moteur principal de l’entomologie à cette époque, ne tarde pas à créer un marché : qui dit collections, dit commerce d’articles d’histoire naturelle. Cet aspect de la pratique entomologique est celui sur lequel nous sommes le plus mal renseignés, car la littérature scientifique tend à le dissimuler22. Quelques allusions en révèlent néanmoins l’importance, comme cette déclaration d’Étienne Mulsant :
… il faut aujourd’hui se trouver dans des circonstances toutes particulières, ou posséder une fortune exceptionnelle, pour avoir un nombre respectable de ces petits Coléoptères exotiques, dont l’or seul peut généralement procurer la possession23.
12Plusieurs marchands naturalistes spécialisés en entomologie avaient pignon sur rue, et créèrent de véritables dynasties : les Staudinger en Allemagne, les Deyrolle24 en France. Les insectes exotiques étaient les plus recherchés, mais ceux des régions les moins fréquentées de l’Europe méditerranéenne attiraient aussi la convoitise. Des voyageurs naturalistes, véritables mercenaires de l’entomologie, étaient envoyés dans ces pays pour des séjours d’exploration plus ou moins longs, financés soit par des marchands, soit par des pools de collectionneurs qui se partageaient leurs chasses25.
13En ce qui concerne la péninsule Ibérique, plusieurs pratiques sont observées :
Des voyages entrepris par les marchands naturalistes eux-mêmes. Otto Staudinger (1830-1900), fondateur à Dresde d’une maison de commerce d’articles d’histoire naturelle qui deviendra à la fin du siècle la plus importante d’Europe, se rend en Andalousie en 1857-1858, puis en Castille en 186226. Ludwig Wilhelm Schaufuss (1833-1890), lui aussi marchand d’histoire naturelle à Dresde, voyage dans le nord de l’Espagne en 1860, dans l’est de l’Espagne et aux Baléares en 1866, au Portugal en 186727.
L’envoi d’un voyageur naturaliste par un marchand ou par des collectionneurs associés. C’est le cas de l’Italien Victor Ghiliani, qualifié d’« habile chasseur » par le marquis de La Ferté28, d’« habile voyageur » par le marchand Achille Deyrolle29, qui sillonne l’Espagne en 1841-1842. C’est aussi le cas, en 1840, du propre frère d’Achille Deyrolle30. Ce Narcisse Deyrolle manqua d’y laisser la vie : « M. Reiche annonce à la Société que M. Deyrolle fils a failli être tué aux environs de Faro, dans les Algarves. Ce malheureux voyageur a reçu trois coups de poignard qui l’ont mis dans le plus grand danger31 ». Pour rentabiliser au maximum ces missions d’exploration, les récoltes étaient divisées en lots qui étaient vendus séparément à plusieurs collectionneurs. Plusieurs entomologistes pouvaient ainsi être destinataires des exemplaires d’une seule et même espèce ; lorsque celle-ci était nouvelle pour la science, il est arrivé qu’elle fût décrite à plusieurs reprises, sous des noms différents, par des entomologistes qui ignoraient qu’ils recevaient de leur fournisseur les mêmes insectes que leurs collègues et rivaux32, ajoutant ainsi à la confusion d’une nomenclature qui mit longtemps à se stabiliser.
La mise en place d’un réseau de correspondants locaux qui font régulièrement des envois d’insectes. Egésippe Duval, médecin résidant à Porto, envoie des espèces rares à plusieurs entomologistes parisiens dans les années 184033. Mais ce sont surtout des Espagnols et des Portugais que les entomologistes allemands et français s’efforcent d’attirer dans leurs réseaux, nous en reparlerons.
Le voyage d’un entomologiste (seul ou en groupe) qui se propose d’explorer lui-même, à ses frais, une région ou un pays. Ce cas de figure apparaît avec le Dr Rambur en 1834, mais ne deviendra fréquent qu’après le milieu du siècle, notamment avec les « excursions » de la Société entomologique de France. Nous reviendrons plus loin sur ces épisodes qui mettent en scène des naturalistes complets, souvent fortunés, qui avaient une conception « totale » de leur science : entretien et enrichissement d’une vaste collection, excursions ou expéditions à l’étranger, publications scientifiques nombreuses.
14On voit que dans cette entomologie des premières décennies du xixe siècle, la frontière entre la pratique scientifique et le loisir n’existait pas, et, ce qui est plus surprenant encore pour un observateur actuel, que la limite entre échanges scientifiques et relations commerciales était singulièrement poreuse. Le fait qu’Achille et Henri Deyrolle fussent des marchands d’insectes n’était pas un obstacle à leur admission dans la Société entomologique de France, et l’on voit Achille publier un article visant à débrouiller la synonymie d’espèces de Carabidae ibériques qu’il avait lui-même vendus à des collectionneurs parisiens34. Le Dr Joseph Waltl publie en 1834, en français, un « Catalogue des Lépidoptères de Hongrie et prix auquel on peut se les procurer »35, ce qui laisse à penser que les chasses qu’il fit en Espagne donnèrent également lieu à des transactions commerciales. Ludwig Wilhelm Schaufuss, qui avait découvert en 1860, dans les monts Cantabriques, les premiers exemples ibériques d’insectes cavernicoles aveugles, procède lui-même à la publication scientifique de ces espèces remarquables36, avant de les inclure dans sa « dix-huitième liste de prix »37 : la description scientifique augmentait la valeur des « types » mis en vente…
15Dernière caractéristique digne d’être mentionnée : la société des entomologistes formait un réseau international dont les membres se connaissaient, entretenaient des relations épistolaires intenses et n’hésitaient pas à entreprendre des voyages lointains qui leur permettaient à la fois de rencontrer leurs correspondants étrangers et d’examiner les raretés des collections privées les plus célèbres38. Sans être absent, le nationalisme perce rarement dans le comportement des savants européens des trois premiers quarts du siècle ; on verra plus loin qu’en 1865, une excursion de la Société entomologique de France a conduit en Espagne une troupe hétéroclite d’entomologistes allemands, français et anglais. Les sociétés savantes jouent un rôle important dans ce réseau de sociabilité. La Société entomologique de France est fondée la première en 1832, suivie par celles de Londres (1833), de Stettin (1840), de Belgique (1857), de Suisse (1858), de Philadelphie (1859), etc. Les entomologistes les plus actifs sont fréquemment membres de plusieurs de ces sociétés.
16On mesure aisément les difficultés qu’ont rencontrées les naturalistes espagnols pour s’insérer dans ce réseau européen. Le premier obstacle était d’ordre social : dans les classes hautes et moyennes de la société espagnole du début du xixe siècle, l’entomologie pouvait difficilement passer pour une activité ou une profession « aimable » — nous dirions aujourd’hui : socialement valorisante. Mais les entraves étaient surtout d’ordre structurel et scientifique. Malgré la création précoce d’une chaire de zoologie des invertébrés à Madrid (1837), l’enseignement était d’un niveau médiocre et n’attirait de toute façon qu’un nombre extrêmement réduit d’étudiants39. Faute d’une formation de qualité, faute de collections de référence dignes de ce nom dans les musées d’histoire naturelle40, le retard pris au début du siècle demandera plusieurs générations pour être comblé. Les naturalistes étrangers avaient précédé les Espagnols et les Portugais dans l’exploration de leur propre faune, et des centaines d’espèces d’insectes ont été décrites dans la première moitié du xixe siècle dans des publications allemandes, françaises, anglaises, danoises, belges ou russes. Ces descriptions étaient basées sur des exemplaires « types » qui étaient conservés dans des collections le plus souvent privées, à Paris, à Bruxelles, à Londres, à Vienne, à Dresde ou à Berlin. À une époque où la nomenclature n’était pas stabilisée et où, à défaut de révisions systématiques dignes de ce nom, l’examen des types ou d’exemplaires dûment comparés aux types était une nécessité, comment un naturaliste espagnol se trouvant dans l’incapacité matérielle de faire le tour des collections d’Europe pouvait-il entrer dans la carrière ? La seule solution qui s’offrait à lui consistait à entrer en correspondance avec des spécialistes étrangers, à leur envoyer les insectes qu’il était incapable d’identifier en espérant qu’on lui en renverrait une partie nommée, ou qu’en échange d’espèces ibériques rares on lui ferait parvenir des insectes provenant d’autres pays. Il pouvait ainsi envisager de constituer peu à peu une collection pouvant servir de référence au niveau régional ou national.
17C’est ce que sut faire avec intelligence et ténacité Mariano de la Paz Graells y de la Agüera (1809-1898), qui fut titulaire de la chaire de zoologie du Musée de sciences naturelles (1837) puis directeur du musée et du Jardin botanique (1851-1867), avant de terminer sa carrière à la chaire d’anatomie et de physiologie comparée de l’université centrale41. Formé à Barcelone, lié par sa famille aux milieux libéraux et notamment au botaniste Mariano La Gasca (1776- 1839) qui avait été exilé en Angleterre pendant le règne de Ferdinand VII et qui l’aida dans sa carrière, il eut très tôt conscience de la nécessité de s’intégrer lui-même et d’intégrer la science espagnole dans des réseaux européens. Fait remarquable, il est reçu dès novembre 1833 membre de la Société entomologique de France, alors que celle-ci n’avait été fondée qu’un an plus tôt. Ses correspondants sont nombreux, surtout en France, et des allusions témoignent de l’importance de l’activité d’échanges qu’il maintient avec eux42. Il recueille les fruits de cette entreprise de longue haleine en commençant à publier, à partir de 1842 — d’abord en français dans les Annales de la Société entomologique de France — des espèces nouvelles capturées par lui dans les environs de Madrid et dans la Sierra de Guadarrama, marquant ainsi la date de naissance de l’entomologie espagnole43. Il connaîtra bientôt son heure de gloire en découvrant et en publiant un rare papillon endémique, l’un des plus grands et des plus beaux de la faune européenne, qu’il dédie en 1849 à la reine d’Espagne, en habile courtisan, sous le nom de Saturnia isabellae44.
18L’entomologie espagnole est désormais reconnue, mais elle peine à suivre le rythme de la production scientifique internationale. Graells, après le coup d’éclat scientifique qui a définitivement assuré sa situation, se détache peu à peu, les honneurs venant, de la recherche scientifique active ; ses successeurs, Laureano Pérez Arcas puis Ignacio Bolívar y Urrutia45, sont trop isolés, malgré la qualité de leurs travaux, pour combler le retard. Dans une lettre récemment publiée, un naturaliste espagnol d’origine suisse, Juan Mieg, décrit ainsi la situation de dépendance de l’entomologie espagnole à l’époque de la découverte de Saturnia isabellae :
Graëls y Pérez46, con todos los naturalistas de este país, nos equivocamos a veces, necesitando consultar los corresponsales de Francia, y estos al describir los insectos nuevos en sus obras añaden comúnmente el nombre del que se lo había regalado. Así lo hacen regularmente MM. Dufour y Fairmaire, respecto a los muchos insectos nuevos que yo les había enviado, ya sea in natura ó bien retratados: M. Dufour me hizo conocer la mayor parte de los Hymenópteros y de los Dípteros difíciles, y hace poco tiempo que yo había proporcionado a Pérez el conocimiento literario de este celebre naturalista casi universal, así como el de M. Fairmaire que no se ocupa sino de Coleópteros47.
19Juan Mieg met ici le doigt sur un aspect fondamental du fonctionnement des réseaux entomologiques : le don du nom, moteur principal d’une véritable économie des biens symboliques. Concrètement, le naturaliste qui a découvert une espèce jusqu’alors inconnue cède son exemplaire (ou ses exemplaires) à un spécialiste qui, en échange, nomme l’espèce nouvelle, selon les règles linnéennes, d’après le patronyme latinisé du découvreur. D’où la quantité de graellsi, perezi, miegi, ariasi, martinezi, qui parsèment les publications des entomologistes français et allemands de l’époque et témoignent de leur dette à l’égard des naturalistes espagnols.
20Il me reste, dans la deuxième partie de cette contribution, à tracer à grands traits les principales étapes de l’exploration entomologique de l’Espagne et du Portugal jusqu’au deuxième tiers du xixe siècle, en m’attachant plus particulièrement aux chercheurs français et allemands, étant donné que les entomologistes espagnols ont déjà reçu toute l’attention qu’ils méritaient de la part de Carmen Bach et d’Arturo Compte48.
21C’est autour de la personnalité du Danois Johann Christian Fabricius (1745-1808), père fondateur de l’entomologie moderne, que s’ébauche à la fin du xviiie siècle un véritable projet d’exploration des faunes de la périphérie européenne et des autres continents. Fabricius forma un réseau de correspondants à l’étranger et de voyageurs naturalistes49 qui drainèrent vers lui un abondant matériel dont il enrichit les éditions successives de son essai de classification systématique des insectes, jusqu’aux premières années du xixe siècle. Or, la péninsule Ibérique est peu présente dans cette première somme de l’entomologie moderne. Il est frappant de constater que Fabricius décrivit, entre 1790 et 1810, plus d’espèces d’insectes provenant d’Afrique du Nord que d’Espagne. Un bon nombre d’espèces présentes dans le sud de l’Espagne et au Maroc furent d’abord décrites sur du matériel étiqueté « Tanger ». Et l’on ne tarda pas à se rendre compte que l’un des rares insectes que Fabricius ait baptisés d’un nom qui renvoie à une origine espagnole, Carabus hispanus, était originaire en réalité des Cévennes et du sud du Massif central ! Dans notre petit corpus, la seule espèce authentiquement ibérique décrite par Fabricius est Carabus lusitanicus50.
22Il apparaît donc qu’à la différence de la botanique ou de la minéralogie, l’entomologie ne fit pas partie des sciences qui profitèrent des réformes portées par le mouvement intellectuel et pédagogique des Lumières et par la mise en place, sous les règnes de Ferdinand VI et de Charles III, d’un cadre d’institutions scientifiques remarquablement conçu, parmi lesquelles le Real Gabinete de Historia Natural (1771) tint une place de choix. Quoi qu’il en soit, la guerre d’Indépendance plongea ces institutions, pour longtemps, dans un état de presque complète déshérence.
23Cette guerre qui eut des conséquences si néfastes sur le développement des sciences en Espagne, fut paradoxalement la cause indirecte de la toute première publication d’une étude scientifique consacrée à un représentant ibérique de la famille des Carabidae. En 1808, Léon Dufour (1780-1865), jeune médecin de Saint-Sever dans les Landes, passionné d’histoire naturelle, est affecté en tant que médecin ordinaire à l’état-major du troisième corps de l’armée d’Espagne51. Il y restera jusqu’en 1814, successivement à Madrid, en Aragon, en Navarre, à Valence et en Catalogne, profitant de chacun de ses cantonnements pour explorer la faune des environs, plus d’une fois au péril de sa vie, et offrant des récompenses aux soldats qui lui ramenaient araignées, sauterelles et scarabées. En 1810, il prend la précaution d’envoyer à Paris les 4000 spécimens qu’il avait collectés jusque-là. En 1811, il publie une note sur l’anatomie d’un coléoptère, Brachinus displosor, découvert pendant ses campagnes « dans les terrains secs et élevés de la Navarre, de l’Aragon et de la Catalogne », coléoptère qui présente la particularité d’émettre par les voies anales un gaz détonant destiné à faire fuir d’éventuels prédateurs52. On ne peut laisser de s’interroger sur le choix de cet objet d’étude : il n’était en tout cas pas anodin de jeter son dévolu, en temps de guerre, sur un coléoptère d’un genre qu’on appelait vulgairement « bombardier », et dont d’autres espèces portaient en latin le nom d’explodens ou de bellicosus…
24Cette première publication donnait le signal de départ d’une longue carrière de naturaliste tout-terrain. Outre 287 publications entomologiques, Léon Dufour est l’auteur de nombreux travaux relatifs à la botanique, à la géologie, à la météorologie, à l’agriculture et à la médecine. Il est reconnu comme l’un des fondateurs de l’anatomie comparée et de la physiologie des arthropodes, et comme un précurseur de l’éthologie et de l’écologie des insectes. Il noua en 1808 de solides amitiés avec des botanistes madrilènes, notamment Lagasca, Ruiz et Pavón, puis après la guerre avec Juan Mieg53 et avec Mariano de la Paz Graells qu’il reçut à Saint-Sever avant de lui rendre visite à Madrid, en 1854, à l’âge de 74 ans, un demi-siècle après son premier séjour dans la capitale espagnole54.
25Avec le général comte Dejean55, plus encore qu’avec Léon Dufour, on peut parler d’une entomologie des champs de bataille56. Sa collection de Coléoptères était vers 1840 la plus grande du monde et la plus riche en espèces rares ; on venait la consulter de toute l’Europe. Dejean décrivit, entre 1826 et 1831, 37 espèces de Carabidae qu’il avait trouvées en Espagne et au Portugal en 1809-1811, pendant ses campagnes comme colonel du 11e régiment de dragons, dans l’armée de Masséna. Sa contribution à la connaissance des Carabidae de la Péninsule est donc l’une des plus importantes du siècle (fig. 1, p. 482). Certaines de ces espèces, découvertes dans des parages retirés des Asturies ou du nord du Portugal, ne seront capturées à nouveau que cinquante ans plus tard. On doit à Jean-Baptiste Dechauffour de Boisduval, qui fut son collaborateur, une description pittoresque de sa méthode de chasse en Espagne, adaptée aux circonstances militaires, et une anecdote héroïcoscientifique qui est devenue célèbre :
M. Dejean aimait à raconter par quel moyen il était parvenu à concilier des choses aussi opposées, et ce moyen est assez original ; il avait imaginé de doubler en liège son casque de dragon, arme dans laquelle il servait alors. Apercevait-il un insecte pendant une marche, il mettait pied à terre, piquait sa capture dans cette boîte de nouvelle espèce et remontant à cheval il continuait sa route57. À la bataille d’Alcañizas que M. Dejean gagna après un combat des plus opiniâtres et où il fit un grand nombre de prisonniers, il aperçoit près d’une petite rivière, au moment où l’armée ennemie était en présence et où il allait donner le signal, un Cebrio ustulatus posé sur une fleur ; aussitôt il met pied à terre, pique l’insecte dans son casque et immédiatement après l’affaire s’engage. Après la bataille le casque de M. Dejean est horriblement maltraité par la mitraille ; mais il a le bonheur de retrouver intact sur un morceau de liège son précieux Cebrio58.
26Cette anecdote, cent fois répétée, jamais sérieusement contrôlée à ma connaissance, a été beaucoup déformée. En voici, à titre d’exemple, l’un des derniers et des plus affligeants avatars :
At the height of the Battle of Alcañiz on May 23 1809, as he was about to give the order for a desperate charge by French troops into the center of the Spanish line, Col. P.F.M.A. Dejean happened to glance down. The air around him was thick with gunpowder and blood, but on a flower beside a stream, he saw something unusual. A beetle. Species unknown. He immediately dismounted, collected it, and pinned the specimen to the cork glued inside his helmet59.
27On se croirait à Waterloo, et l’auteur se trompe de bataille60 : celle d’Alcañiz fut une défaite, la cavalerie n’y chargea pas et l’armée concernée était celle de Suchet… Mais l’erreur n’est pas surprenante : le combat d’Alcañizas est rarement cité, et ce qu’on en sait ne cadre qu’en partie avec le bref récit de Boisduval. Le 7 juin 1810, le général Descorches de Sainte-Croix, à la tête de trois régiments provisoires de dragons61 formant partie de la cavalerie du 8e corps (Junot) de l’armée du Portugal, attaqua à Alcañizas — aujourd’hui Alcañices, petite ville frontalière de la province de Zamora — des troupes espagnoles commandées par le général Echevarría, au nombre d’environ 3000 hommes et 500 chevaux, qui s’étaient regroupées et barricadées dans cette bourgade. Sainte-Croix commanda lui-même une mouvement audacieux des dragons qui durent progresser d’abord à pied pour traverser un ravin, mirent l’ennemi en fuite et permirent la capture d’un colonel, 15 officiers et 400 hommes, outre des armes et des équipements militaires abandonnés sur place en nombre. Dejean n’est pas cité dans les deux récits, relativement détaillés, que j’ai pu consulter62. Or, Boisduval le place à la tête des troupes françaises engagées dans le combat. De plus, à ce moment de la guerre son régiment n’appartenait pas à la brigade de Sainte-Croix, mais à la réserve de cavalerie de l’armée de Masséna (général Montbrun)63. Il y a là une sérieuse difficulté, car pour admettre que Dejean ait été présent à Alcañizas le 7 juin, il faudrait supposer qu’il avait abandonné temporairement le commandement de son régiment pour accompagner Sainte-Croix64. L’histoire est-elle trop belle pour être vraie ? L’enquête devra être poursuivie65.
28Après l’époque troublée des guerres du début du siècle, l’exploration entomologique de l’Espagne, longtemps en sommeil, ne reprend que dans les années 1830. Dans un premier temps, les routes des naturalistes sont celles que suivaient les touristes de l’époque romantique, et dont Théophile Gautier a laissé le récit le plus coloré, sinon le plus exact. Après Madrid et éventuellement Tolède, c’est l’Andalousie qui est le but principal du voyage. On y retrouve plusieurs Allemands : Waltl66, Rosenhauer67, Handschuch68, et un Français, Pierre Jules Rambur (1801- 1870). Ce médecin fit un long séjour en Andalousie en 1834-1835 avec un ami, Adolphe de Graslin. Son voyage ne fut pas de tout repos, même si les rencontres avec des « bandits de grand chemin » qu’on lui prête dans quelques notices biographiques relèvent de l’amplification romantique69. Il révéla le premier l’importance de la faune endémique des strates supérieures de la Sierra Nevada70.
29Le rythme des voyages s’accélère dans les années 1840 et 1850, et ce sont désormais les régions du centre, de l’ouest et du nord de la Péninsule qui attirent les naturalistes allemands et français : Charles Coquerel à Lisbonne71, Egésippe Duval à Porto72, Narcisse Deyrolle, Jean Gougelet et Ludwig Wilhelm Schaufuss en Galice et dans les monts Cantabriques73, Hellmuth von Kiesenwetter en Catalogne74, Victor Ghiliani et Otto Staudinger en Castille75. Ces voyageurs sont en majorité des naturalistes à gages ou des commerçants (Ghiliani, Deyrolle, Schaufuss, Staudinger). Duval n’est qu’un collecteur occasionnel ; Coquerel, chirurgien de la marine, a probablement fait ses observations lors d’une brève escale à Lisbonne76 ; Gougelet n’a rien publié lui-même ; dans cette liste, Hellmuth von Kiesenwetter77 (1820-1880) est donc le seul qui soit un entomologiste au sens le plus complet du terme : collectionneur, voyageur et savant.
30Mais les temps vont bientôt changer. Passé le milieu du siècle, l’Espagne et le Portugal ont cessé d’être aux yeux des entomologistes du nord de l’Europe des pays exotiques où l’on peut rencontrer des périls ; on s’y rend commodément en chemin de fer ; on y trouve — à Madrid tout du moins — des collègues compétents et hospitaliers, qui s’occupent eux-mêmes de publier les richesses de leur faune nationale78. Les voyageurs naturalistes ne sont plus à leur place dans un tel pays ; les collectionneurs et les savants s’y rendront désormais eux-mêmes, attirés par une faune endémique singulière et encore mal connue qui excite les imaginations :
L’Espagne ! Est-il un nom qui fasse briller à l’imagination de plus séduisantes promesses ? […] Pour un entomologiste, est-il dans l’Europe occidentale une contrée plus riche en raretés enviables ? Ces fameux Carabes, rapportés en si petit nombre par Dejean, ces Dorcadions au pelage bigarré, confinés au fond de Sierras presque vierges de l’œil du naturaliste, ce mystérieux Attacus Isabellae, représentant d’une forme exotique égarée dans la faune européenne, en voilà plus qu’il n’en faut pour exciter à l’envi le zèle des amateurs de Coléoptères et de Lépidoptères79.
31Et c’est ainsi qu’un bataillon nourri d’entomologistes français, allemands et anglais fait en 1865 le voyage d’Espagne, sous les auspices de la Société entomologique de France. Cette société avait pour tradition d’organiser chaque année une excursion de quelques jours, au début de la belle saison, dans une province de France. Or voici qu’en 1865, « sur la demande de M. Künckel80, appuyée par plusieurs de nos membres, la Société décide que l’excursion entomologique de cette année aura lieu du 1er avril au 15 juin : 1° pour ceux qui le désireront dans les Pyrénées seulement, et 2° pour d’autres, dans le nord de l’Espagne de Madrid à la frontière française81 ». Ce compte rendu n’est pas tout à fait exact : il exprime la prudence, pour ne pas dire la réticence de la vieille garde de la Société face à de jeunes membres qui ne rêvaient qu’expéditions lointaines. Le récit du chroniqueur du voyage, Charles Piochard de La Brûlerie, alors âgé de vingt ans, dit tout autre chose :
Plusieurs de nos collègues allemands avaient pour cette année organisé un voyage en Espagne, et en même temps quelques entomologistes parisiens formaient un semblable projet. Ils eurent la bonne pensée de demander pour leur expédition le patronage de la Société, en lui proposant de choisir l’Espagne pour but de leur excursion. La décision fut prise séance tenante, à la presque unanimité des membres présents82.
32Eugène Simon racontera plus tard qu’en réalité, la proposition avait dû vaincre de fortes résistances chez le président et plusieurs membres influents de la Société83.
33À l’aube de l’ère des transports en commun modernes, un tarif de groupe est victorieusement négocié :
M. de Vuillefroy, chargé de faire les démarches nécessaires près des compagnies des chemins de fer d’Orléans, du midi de la France et du nord de l’Espagne, obtint pour nous de la courtoisie de MM. les administrateurs des billets d’aller et retour à prix réduit de moitié de Paris a Madrid et vice versa, avec faculté de s’arrêter au retour aux stations principales de l’Escorial, Las Navas, Avila, Médina, Valladolid, Burgos, Pancorbo, Miranda, Vittoria, Olazagoïtia, Zumarraga et Saint-Sébastien. Ces billets devaient être valables du 1er avril au 15 juin84.
34Les seize inscrits se répartissent en trois groupes. Les cinq Allemands — tous membres de la Société entomologique de France — se rendent directement en Andalousie qu’ils parcourent du 21 avril au 12 juin entre Cordoue, Séville, Cadix, Grenade et la Sierra Nevada85. Mené par Kiesenwetter qui avait déjà voyagé en Espagne, ce groupe comprend aussi Gustav Kraatz, Clemens Müller, le comte Conradin Centurius von Hoffmansegg86 et Georg von Seidlitz. Après le retour en France des quatre premiers, « M. Seidlitz, l’intrépide chasseur, explore seul les Sierras d’Avila, de Bejar, de Gredos, de Francia et au milieu de ces montagnes la célèbre vallée des Batuecas qui a la réputation d’être la contrée la plus sauvage, la plus déserte et la plus pauvre de toute l’Espagne87 ».
35Le deuxième groupe, plus nombreux, compte neuf Français et un Anglais. Henri Marmottan88 (1832-1914) et Auguste Puton (1834-1913) sont médecins ; George Robert Crotch (1842-1874) est assistant-bibliothécaire à l’université de Cambridge ; Félix de Vuillefroy-Cassini (1841-1918) est artiste peintre ; Charles Brisout de Barneville (1822-1893), Lucien Lethierry (1830-1894), Fernand Ogier de Baulny (1839-1870), Charles Piochard de la Brûlerie (1845-1876) et Eugène Simon89 (1848-1924) sont rentiers ou étudiants. Du 1er avril à la mi-juin 1865, ils explorent la Manche, la région de Carthagène et du Mar Menor, Málaga, Grenade, la Sierra Nevada, les environs de Madrid, L’Escorial et La Granja, et enfin les Asturies autour de Reinosa90. Pour les plus jeunes d’entre eux, cette excursion est un avant-goût d’autres expéditions qui les mèneront beaucoup plus loin, en Afrique du Nord, au Proche-Orient ou en Amérique. Trois d’entre eux, Ogier de Baulny, Crotch et Piochard de la Brûlerie, allaient mourir à moins de 32 ans, des suites des fatigues et des maladies contractées lors de ces voyages91.
36Un troisième groupe est formé par Auguste Chevrolat (1799-1884), employé à l’octroi de Paris, et Jean-Baptiste Bellier de la Chavignerie (1819-1888), ancien fonctionnaire au ministère de la Justice. Ils se cantonnent dans la région de Madrid et en Vieille-Castille. Des allusions voilées laissent entrevoir une mésentente entre eux et le groupe principal que pilotaient Brisout de Barneville et Vuillefroy-Cassini92. L’âge et le milieu social ont-ils joué un rôle, à quelque degré, dans cette brouille ? On constate en tout cas que les deux entomologistes qui font bande à part sont les plus âgés, et que ce sont les seuls « ronds-de-cuir » de l’équipée, tous deux étant retraités de la fonction publique, face à une forte majorité de « fils de famille » avec lesquels ils avaient sans doute peu d’affinités.
37Quoi qu’il en soit, le succès est tel que trois ans plus tard, en 1868, une deuxième excursion en Espagne est organisée par la Société entomologique de France, avec le même noyau de participants, mais de façon tout aussi désunie. Pendant que Vuillefroy-Cassini parcourt seul le nord de l’Espagne93, un groupe formé par Simon, Ogier de Baulny et deux nouveau-venus, Lucas von Heyden (1838-1915) et Achille Raffray (1844-1923), refait du 15 avril au 31 juillet 1868 une partie de l’itinéraire de 1865. Von Heyden, rejoint par Charles Piochard de la Brûlerie, poursuivra le voyage dans la Sierra Nevada, la Sierra de Ronda, le Portugal, la Galice et les Asturies94, tandis qu’Eugène Simon et Ogier de Baulny pousseront jusqu’à Gibraltar, Tanger et Fès95.
38Cette intense activité de recherches sur le terrain se traduit par un bond spectaculaire des descriptions d’espèces dans la décennie 1865-1874 : il s’en publie 79 dans ce laps de temps pour la seule famille des Carabidae, soit 29 % du total des descriptions parues entre 1800 et 1899 (tableau 1 et figure 1, pp. 481 et 482). Presque toutes ces descriptions (sauf sept qui sont dues aux Espagnols Laureano Pérez Arcas et Francisco de Paula Martínez y Sáez) sont basées sur du matériel ramené par les « excursionnistes » de 1865 et de 1868.
39Les voyages d’entomologistes étrangers continueront ensuite, à un rythme soutenu, dans une Espagne de plus en plus ouverte sur l’Europe, mais ils se feront désormais à titre individuel. Surtout, le dernier tiers du siècle verra la consolidation progressive d’un petit groupe actif d’entomologistes espagnols. Même si leur activité ne se traduit pas encore par un nombre important de descriptions d’espèces, de révisions taxinomiques ou d’études faunistiques régionales, il ne sera désormais plus possible d’envisager l’étude d’un groupe d’insectes propre à la Péninsule sans consulter les collections nationales et sans compter sur la collaboration de chercheurs espagnols ou portugais. C’est une autre histoire qui commence.
Bibliographie
Sources imprimées
Achard de Bonvouloir, Henry, « Notice nécrologique sur Charles Brisout de Barneville », Annales de la Société entomologique de France, 63, 1894, pp. 439-448.
Chevrolat, Auguste, « Description de quelques Coléoptères de Gallice et du Portugal provenant d’un envoi de M. Deyrolle fils », Revue zoologique, 1840, pp. 8-18.
Coquerel, Charles, « Note sur quelques Insectes (Coléopt.) recueillis à Lisbonne et sur des Sauterelles qui pondent leurs œufs dans le bois », Annales de la Société entomologique de France, IIe série, 8, 1850, p. 44.
DechauffourdeBoisduval, Jean-Baptiste Alphonse, « Notice sur M. le Comte Dejean », Annales de la Société entomologique de France, IIe série, 3, 1845, pp. 499-520.
Dejean, Comte Pierre François Marie Auguste, Species général des Coléoptères de la collection de M. le comte Dejean, Paris, Crenot, 1825, t. I, p. xxi.
Deyrolle, Achille, « Note pour servir à l’histoire des Carabes d’Espagne et du Portugal et remarques sur quelques espèces du nord de l’Afrique », Annales de la Société entomologique de France, IIe série, 10, 1852, pp. 237-252.
Dictionnaire historique des batailles, sièges, et combats de terre et de mer qui ont en lieu pendant la Révolution Française, Paris, Ménard et Desenne fils, 1818, t. I.
Dufour, Léon, « Mémoire anatomique sur une nouvelle espèce d’Insecte du genre Brachine », Annales du Muséum d’histoire naturelle, 18, 1811, pp. 70-81.
— « Madrid en 1808 et Madrid en 1854. Excursion dans les Castilles et les montagnes de Guadarrama », Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, 21, 1856, pp. 115-151.
Fabricius, Johann Christian, Entomologia systematica emendata et aucta, Copenhague, 1792.
— Systema Eleutheratorum secundum ordines, genera, species, adjectis synonymis, locis, observationibus, descriptionibus, Kiel, Impensis Bibliopolii Academici Novi, 1801.
Fairmaire, Léon, « Description de quelques espèces nouvelles de Coléoptères récoltées par M. Gougelet pendant son voyage en Galice dans le courant de l’année 1859 », Annales de la Société entomologique de France, IIIe série, 7, 1859, pp. 150-152.
Fauvel, Albert, Faune Gallo-Rhénane, ou Species des Insectes qui habitent la France, la Belgique, la Hollande, le Luxembourg, la Prusse Rhénane, le Nassau et le Valais, Coléoptères, Caen, F. Le Blanc-Hardel, 1868, t. I.
Gemminger, Max, Harold, Edgar von, Catalogus Coleopterorum hucusque descriptorum synonymicus et systematicus, Munich, sumptu E.H. Gummi, 1868-1876.
Gistel, Johannes, « Verzeichniss von Käfern welche um Cadix, Porto Reale von Dr. Waltl gesammelt worden », Isis, 1832, pp. 148-153.
Gory, Hippolyte Louis, « Note sur quelques Coléoptères recueillis en Galice par le voyageur Deyrolle et description de trois espèces nouvelles », Revue zoologique, 1839, pp. 325-328.
Hagen, Hermann August, Bibliotheca Entomologica : Zweites Band N-Z mit einem systematischen Sachregister, Leipzig, W. Engelmann, 1863.
Jünger, Ernst, Subtile Jagden, Stuttgart, Klett, 1967 ; trad. française par Henri Plard, Paris, Christian Bourgois, 1969.
Kiesenwetter, Hellmuth von, « Énumération des Coléoptères trouvés dans le midi de la France et en Catalogne », Annales de la Société entomologique de France, IIe série, 9, 1851, pp. 385-440 et 577-630.
— « Notice sur la vie et les travaux entomologiques du Dr Schaum », Annales de la Société entomologique de France, IVe série, 5, 1865, pp. 643 sq.
Koch, Jean-Baptiste Frédéric, Mémoires de Masséna rédigés d’après les documents qu’il a laissés, Paris, Paulin et Le Chevalier, 1850, t. VII.
La Ferté-Sénectère, F. Thibault de La Carte de, « Description de quelques Carabes nouveaux de l’Espagne et du Portugal », Annales de la Société entomologique de France, IIe série, 5, 1847, pp. 445-452.
Motschulsky, Victor von, « Coléoptères reçus d’un voyage de M. Handschuch dans le midi de l’Espagne, énumérés et suivis de notes », Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou, 20, 1849, pp. 52-163.
Mulsant, Étienne, Souvenirs d’un voyage en Allemagne, Paris, Magnin, Blanchard et Cie, 1862.
Nabokov, Vladimir, Speak, Memory : An Autobiography Revisited, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1967.
Nodier, Charles, Souvenirs de jeunesse - Séraphine, Paris, E. Renduel, 1833.
Piochard de La Brûlerie, Charles, « Rapport sur l’excursion faite en Espagne par la Société entomologique de France pendant les mois d’avril, mai et juin 1865 », Annales de la Société entomologique de France, IVe série, 6, 1866, pp. 501-544.
Rambur, Pierre Jules, Faune entomologique de l’Andalousie, Paris, Arthus Bertrand, 1837-1840 (2 vol.).
Rosenhauer, Wilhelm Gottlob, Die Thiere Andalusiens nach dem Resultate einer Reise zusammengestellt nebst den Beschreibungen von 249 neuen oder bis jetzt noch unbeschriebenen Gattungen und Arten, Erlangen, Verlag von Theodor Blaesing, 1856.
Schaufuss, L. W., « Zwei neue Silphiden Gattungen », Stettiner entomologische Zeitung, 22, 1861, pp. 423-428.
Simon, Eugène, « Notice nécrologique sur Ogier de Baulny », Annales de la Société entomologique de France, Ve série, 1, 1871, pp. 122-124.
— « Notice nécrologique sur Charles Piochard de la Brûlerie », Annales de la Société entomologique de France, Ve série, 6, 1876, pp. 677-688.
Thoumas, Charles, Les grands cavaliers du Premier Empire. Notices biographiques. Série 2, Paris, Berger-Levrault, 1892.
Waltl, Joseph, Reise durch Tyrol, Oberitalien und Piemont nach dem südlichen Spanien, Passau, 1835.
Bibliographie
Acha Martín, Antonio, Fraga Vázquez, Xosé A., « La historia Natural en España en la “etapa intermedia” del siglo xix : la correspondencia entre Juan Mieg y León Dufour (1841-1858) », dans Actas del VIII Congreso de la Sociedad Española de Historia de las Ciencias y de las Técnicas, Logroño, Servicio de Publicaciones de la Universidad de La Rioja, 2004, t. II, pp. 519-536.
Aguilar, Jacques d’ –, Histoire de l’entomologie, Paris, Delachaux et Niestlé, 2006.
Aragón Albillos, Santiago, El zoológico del Museo de Ciencias Naturales. Mariano de la Paz Graells (1809-1898), la Sociedad de Aclimatación y los animales útiles, Madrid, CSIC, coll. « Monografías del Museo Nacional de Ciencias Naturales » (21), 2005.
Bach, Carmen, Compte, Arturo, « La Entomología moderna en España. Su desarrollo : de los orígenes a 1960 », Boletín de la Sociedad Entomológica Aragonesa, 20, 1997, pp. 367-392.
Boone, Chantal, Léon Dufour (1780-1865), savant naturaliste et médecin, Biarritz, Atlantica, 2003.
Chastagnaret, Gérard, L’Espagne, puissance minière dans l’Europe du xxe siècle, Madrid, Bibliothèque de la Casa de Velázquez (16), 2000.
Constantin, Robert, Mémorial des coléoptéristes français, Paris, ACOREP, 1992.
Duris, Pascal, Diaz, Elvire, Petite histoire naturelle. Léon Dufour (1780-1865), Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 1987.
Gouillard, Jean, Histoire des entomologistes français, Paris, Boubée, 2004 (2e éd.).
Hormigón Blánquez, Mariano, (éd.), Actas del II Congreso de la Sociedad Española de Historia de las Ciencias (Jaca, 27 de septiembre - 1 de octubre de 1982). La ciencia y la técnica en España entre 1850 y 1936, Madrid, Sociedad Española de Historia de las Ciencias y de las Técnicas, 1984 (2 vol.).
Horn, Walter, Friese, G., Gaedike, R., Kahle, I., Collectiones entomologicae. Ein Kompendium über den Verbleib entomologischer Sammlungen der Welt bis 1960, Berlin, Akademie der Landwirtschaftswissenschaften der Deutschen Demokratischen Republik, 1990 (2 vol.).
Jiménez Valverde, Alberto, Ortuño, Vicente M., « The history of endemic Iberian ground beetle description (Insecta, Coleoptera, Carabidae) : which species were described first ? », Acta Oecologica, 31 (1), 2007, pp. 13-31.
Korwin-Piotrowska, Sophie de, Balzac et le monde slave. Madame Hanska et l’œuvre balzacienne, Paris, Champion, 1933.
Lhoste, Jean, Les entomologistes français (1750-1950), Paris, Inra Éditions, 1987.
Moret, Pierre, « Entomologistes et chasseurs d’insectes en Amérique du Sud au xixe siècle », dans Yves Laissus (éd.), Les naturalistes français en Amérique du Sud (xvie-xixe siècles). 118e congrès national des sociétés historiques et scientifiques. Section d’histoire des sciences et des techniques (Pau, 1993), Paris, Éd. du CTHS, 1995, pp. 395-408.
Peyerimhoff, Pierre de, « La Société entomologique de France (1832-1931) », dans Livre du centenaire, Paris, Société entomologique de France, 1932, pp. 1-86.
Reig Ferrer, Abilio, « El profesor y naturalista Don Juan Mieg (1780-1859) : en el 150 aniversario de su fallecimiento (II) », Argutorio. Revista de la Asociación Cultural « Monte Irago », 24, 2010, pp. 4-14.
Rueda, Germán, « Cultura, saber y diversiones », dans Id., (coord.), El reinado de Isabel II. La España liberal, t. XXII de la Historia de España, Madrid, Temas de Hoy, 1996, pp. 48-52.
Salgado Costas, José María, Labrada Moreda, Lucía, González Luque, Carlos, « Nota sobre los tipos de Quaestus (Quaestus) arcanus y Quaestus (Quaesticulus) adnexus : nuevos datos (Coleoptera, Leiodidae, Lep-todirinae) », Boletín de la Asociación Española de Entomología, 31 (1-2), 2007, pp. 197-203.
Sánchezron, José Manuel, (éd.), Ciencia y sociedad en España : de la Ilustración a la Guerra Civil, Madrid, El Arquero, 1988.
Serrano, José, Catálogo de los Carabidae (Coleoptera) de la Península Ibérica, Saragosse, Sociedad Entomológica Aragonesa, coll. « Monografías SEA » (9), 2003.
Notes de bas de page
1 C. Piochard de La Brûlerie, « Rapport sur l’excursion faite en Espagne ». Sur l’exploitation des filons de cuivre argentifère de Güéjar-Sierra, qui commence au milieu du siècle dans un climat de fièvre spéculative, voir G. Chastagnaret, L’Espagne, puissance minière, p. 311, n. 18.
2 Nous reviendrons plus loin sur cet épisode emblématique.
3 G. Chastagnaret, L’Espagne, puissance minière, pp. 130 et 313.
4 Voir entre autres M. Hormigón Blánquez (éd.), Actas del II Congreso de la Sociedad Española de Historia de las Ciencias ; J. M. Sánchez Ron (éd.), Ciencia y sociedad en España.
5 J. C. Fabricius, Systema Eleutheratorum.
6 M. Gemminger et E. von Harold, Catalogus Coleopterorum.
7 J. Serrano, Catálogo de los Carabidae.
8 Un certain nombre de ces descriptions ont été invalidées par la suite, soit parce qu’un statut spécifique avait été indûment donné à de simples variations individuelles, soit parce que l’espèce avait déjà été décrite antérieurement par un autre auteur, ce qui entraîne la « mise en synonymie » du nom le plus récent, pour reprendre le terme technique des taxinomistes. Compte tenu de mes objectifs, il n’était pas nécessaire de faire une distinction entre les noms d’espèces que les générations suivantes ont consacrés et ceux qui sont tombés en synonymie. Pour cette raison, les chiffres que je fournis sont différents de ceux d’une étude récente qui ne tient compte que des espèces valides : A. Jiménez Valverde et V. M. Ortuño, « The history of endemic Iberian ground beetle description ».
9 C. Nodier, Souvenirs de jeunesse - Séraphine.
10 V. Nabokov, Speak, Memory : An Autobiography Revisited.
11 E. Jünger, Subtile Jagden.
12 Les professeurs d’université entomologistes sont plus nombreux en Allemagne au xixe siècle, et leur contribution scientifique est également plus importante qu’en France.
13 A. Fauvel, Faune Gallo-Rhénane, p. 111.
14 C. Dejean, Species général des Coléoptères, p. xxi.
15 Gendre de Mme Hanska, Mniszech a sans doute inspiré à Balzac les quelques comparaisons entomologiques qui émaillent son œuvre. Sur ce personnage singulier, voir S. de Korwin-Piotrowska, Balzac et le monde slave, pp. 282-287.
16 H. von Kiesenwetter, « Notice sur la vie et les travaux entomologiques du Dr Schaum », pp. 643 sq.
17 H. Achard de Bonvouloir, « Notice nécrologique sur Charles Brisout de Barneville ».
18 E. Simon, « Notice nécrologique sur Charles Piochard de la Brûlerie ».
19 C’est le cas de Léon Dufour et de Jules Rambur dont nous reparlerons plus loin.
20 Parmi les entomologistes de notre corpus, Auguste Chevrolat est employé à l’octroi de Paris, Léon Fairmaire est fonctionnaire de l’Assistance publique et Jules Putzeys est chef de bureau au ministère de la Justice à Bruxelles.
21 L’histoire sociale de l’entomologie (comme des autres sciences naturelles) reste à faire. Les matériaux sont abondants mais dispersés ; en ce qui concerne les entomologistes français, on pourra se reporter aux fiches prosopographiques, plus ou moins détaillées, de J. Gouillard, Histoire des entomologistes français, et de R. Constantin, Mémorial des coléoptéristes français.
22 Dans les publications scientifiques de l’époque, des expressions comme « exemplaire reçu en communication de… », ou « ma collection s’est enrichie de cette espèce grâce à l’obligeance de… », etc., sont parfois des euphémismes sous lesquels il faut entendre des achats.
23 É. Mulsant, Souvenirs d’un voyage en Allemagne, pp. 24-25. La collection du comte Dejean, la plus riche alors de toute l’Europe, fut proposée à l’État français en 1840 pour 50000 francs (P. de Peyerimhoff, « La Société entomologique de France [1832-1931] », p. 70). La collection de Georges Mniszech fut vendue à Deyrolle vers 1880, bien en dessous de sa valeur, pour 60000 francs (S. de Korwin-Piotrowska, Balzac et le monde slave, n. 14, p. 287).
24 Affaire fondée à Paris en 1831 par Jean-Baptiste Deyrolle. Son fils Achille Deyrolle (1813- 1865) fit un voyage au Brésil pour le compte du musée de Bruxelles avant de prendre la succession de son père. Ses frères Henri et Narcisse voyagèrent au Gabon et en Espagne pour des collectionneurs parisiens ; son fils Émile Deyrolle (1838-1917) lui succéda.
25 Sur cette pratique, voir P. Moret, « Entomologistes et chasseurs d’insectes en Amérique du Sud au xixe siècle ».
26 W. Horn et alii, Collectiones entomologicae, t. II, p. 377.
27 Ibid., p. 345.
28 T. de Laferté-Sénectère, « Description de quelques Carabes nouveaux de l’Espagne et du Portugal », pp. 445 et 452. Ghiliani obtiendra ensuite un emploi d’attaché naturaliste au Musée de Turin.
29 A. Deyrolle, « Note pour servir à l’histoire des Carabes d’Espagne et du Portugal », p. 239.
30 Ibid., p. 240. Auguste Chevrolat et Hippolyte Gory furent ses principaux clients : H. L. Gory, « Note sur quelques Coléoptères recueillis en Galice » ; A. Chevrolat, « Description de quelques Coléoptères de Gallice et du Portugal ».
31 Annales de la Société entomologique de France, 9, 1840, p. xxiv.
32 On sait par exemple, d’après des allusions éparses dans les articles qui publient ses trouvailles (T. de La Ferté-Sénectère, « Description de quelques Carabes nouveaux de l’Espagne et du Portugal », p. 449, et A. Deyrolle, « Note pour servir à l’histoire des Carabes d’Espagne et du Portugal », p. 244), que les chasses espagnoles de Ghiliani avaient été réparties entre plusieurs clients, parmi lesquels le marquis de Brème, le marquis de La Ferté et Louis Reiche, peut-être par l’intermédiaire d’Achille Deyrolle, qui fait la remarque suivante : « M. Reiche a eu la bonté de me communiquer un insecte de sa collection qu’il rapporte à cette espèce, recueilli aux environs de Badajoz par M. Ghiliani. M. de la Ferté a omis de la citer parmi celles rapportées par cet habile voyageur, ignorant sans doute qu’un exemplaire était échu en partage à notre savant collègue ».
33 T. de La Ferté-Sénectère, « Description de quelques Carabes nouveaux de l’Espagne et du Portugal », pp. 446 sq. ; A. Deyrolle, « Note pour servir à l’histoire des Carabes d’Espagne et du Portugal », pp. 241 et 244.
34 Ibid.
35 Dans la Revue Entomologique de Gustave Silbermann, 2, 1834, pp. 131-136.
36 L. W. Schaufuss, « Zwei neue Silphiden Gattungen ». Sur les circonstances de la découverte, voir J. M. Salgado Costas et alii, « Nota sobre los tipos de Quaestus (Quaestus) arcanus y Quaestus (Quaesticulus) adnexus ».
37 L. W. Schaufuss, « Quaesticulus adnexus und arcanus, augenlose Silphiden aus Spanien. Notiz über einige in seiner Preissliste XVIII ausgeführte Käfer », Sitzungsberichte und Abhandlungen der Naturwissenschaftlichen Gesellschaft Isis in Dresden, 1862 (sans pagination, cité par H. A. Hagen, Bibliotheca Entomologica, sub nom.).
38 Particulièrement instructifs, de ce point de vue, sont les Souvenirs d’un voyage en Allemagne d’É. Mulsant.
39 On ne compte que 127 étudiants dans les facultés de sciences, toutes disciplines confondues, en 1857-1858 (G. Rueda, « Cultura, saber y diversiones »).
40 C’est sous la direction de Mariano de la Paz Graells, entre 1851 et 1867, que le Musée d’histoire naturelle de Madrid commence à être réorganisé et que ses collections sont enrichies de façon significative (S. Aragón Albillos, El zoológico del Museo de Ciencias Naturales).
41 C. Bach et A. Compte, « La Entomología moderna en España », pp. 373 sq. ; S. Aragón Albillos, El zoológico del Museo de Ciencias Naturales ; on trouvera également des renseignements très intéressants dans la correspondance publiée par A. Reig Ferrer, « El profesor y naturalista Don Juan Mieg (1780-1859) ».
42 Entre autres exemples, Achille Deyrolle signale que l’espèce Carabus guadarramus lui « a été envoyée, ainsi qu’à plusieurs de nos collègues, par le savant professeur, directeur du Musée de Madrid, M. M. P. Graells » (A. Deyrolle, « Note pour servir à l’histoire des Carabes d’Espagne et du Portugal », p. 239).
43 C. Bach et A. Compte, « La Entomología moderna en España », p. 373.
44 Par suite d’un changement taxinomique, le papillon fut rebaptisé en 1896, en son honneur, Graellsia isabellae.
45 C. Bach et A. Compte, « La Entomología moderna en España », pp. 376 et 377.
46 Il s’agit de Mariano de la Paz Graells et de Laureano Pérez Arcas.
47 Lettre de Juan Mieg à son fils Fernando, 20 mars 1850 (A. Reig Ferrer, « El profesor y naturalista Don Juan Mieg [1780-1859] », p. 5). L’orthographe de l’original est respectée.
48 C. Bach et A. Compte, « La Entomología moderna en España ».
49 « Amicorum discipulorumque dilectissimorum itinera mihi saepius proficua » (J. C. Fabricius, Entomologia systematica emendata et aucta, t. I, p. iv).
50 J. C. Fabricius, Systema Eleutheratorum, pp. 171 sq. : « Habitat in Lusitania. Dom. Schneider ». Sans doute s’agit-il de David Hinrich Schneider (1755-1826), avocat auprès du tribunal de Stralsund en Suède et amateur de papillons. On ne sait de qui il avait pu recevoir cet insecte ; sans doute pas, compte tenu des dates, de Johann Centurius Hoffmann Graf von Hoffmannsegg (1766-1849), célèbre naturaliste allemand qui visita l’Italie en 1795-1796 et le Portugal de 1797 à 1801.
51 P. Duris et E. Diaz, Petite histoire naturelle. Léon Dufour (1780-1865), en particulier pp. 85-111 ; C. Boone, Léon Dufour (1780-1865), savant naturaliste et médecin.
52 L. Dufour, « Mémoire anatomique sur une nouvelle espèce d’Insecte du genre Brachine ».
53 A. Acha Martín et X. A. Fraga Vázquez, « La historia Natural en España en la “etapa intermedia” del siglo xix ».
54 Dufour a laissé de cette visite un récit pittoresque émaillé de souvenirs de la guerre d’Indépendance : « Madrid en 1808 et Madrid en 1854. Excursion dans les Castilles et les montagnes de Guadarrama ».
55 Pierre François Marie Auguste, comte Dejean (1780-1845), fils du ministre de l’administration de la Guerre de Napoléon, officier de cavalerie, général de brigade en 1811, aide-de-camp de Napoléon en 1813 et 1815, pair de France en 1824.
56 Ou d’autres lieux rendus célèbres par les guerres : le premier individu connu de Pterostichus multipunctatus fut capturé par Dejean lors du passage du col du Grand-Saint-Bernard, en 1800.
57 J.-B. A. Dechauffour de Boisduval, « Notice sur M. le Comte Dejean », p. 502.
58 Ibid., p. 503, n. 1.
59 R. Conniff, <http://strangebehaviors.wordpress.com/2010/12/16/a-coleopterist-goes-towar/> (extrait de Richard Conniff, The Species Seekers. Heroes, Fools, and the Mad Pursuit of Life on Earth, New York, W. W. Norton & Co., 2010).
60 Il n’est d’ailleurs pas le premier : voir J. d’Aguilar, Histoire de l’entomologie, p. 84.
61 Formés avec des escadrons prélevés sur les 1er, 2e, 4e, 9e, 14e et 26e dragons (C. Thoumas, Les grands cavaliers du Premier Empire, p. 360). Le 11e dragons, celui de Dejean, n’est pas concerné.
62 Dictionnaire historique des batailles, sièges, et combats de terre et de mer, pp. 41-42 ; J.-B. F. Koch, Mémoires de Masséna rédigés, t. VII, pp. 61 sq.
63 Ibid., p. 565.
64 Je passe sur le détail, très probablement inventé par Boisduval, de la mitraille qui « maltraite horriblement » le casque de Dejean…
65 Le dossier personnel d’Auguste Dejean aux Archives historiques de la défense (Vincennes), consulté par nos soins, est muet sur cet épisode de sa carrière.
66 J. Waltl, Reise durch Tyrol, Oberitalien und Piemont nach dem südlichen Spanien ; J. Gistel, « Verzeichniss von Käfern welche um Cadix, Porto Reale ».
67 W. G. Rosenhauer, Die Thiere Andalusiens nach dem Resultate einer Reise.
68 V. von Motschulsky, « Coléoptères reçus d’un voyage de M. Handschuch dans le midi de l’Espagne ».
69 « On a lieu de craindre que M. le Dr Rambur n’ait été dépouillé par des brigands dans le Royaume de Valence où il s’était rendu pour commencer ses explorations entomologiques. Les nouvelles indirectes qui viennent de cette partie de la péninsule disent, du reste, qu’il s’est heureusement échappé sain et sauf de leurs mains » (Annales de la Société entomologique de France, 3, 1834, p. xxxii). Ce que le même rédacteur anonyme corrige dans le compte rendu d’une séance ultérieure de la Société entomologique de France : le Dr Rambur « n’a pas été attaqué par des brigands, comme on l’avait rapporté, mais seulement volé », dans une auberge (Annales de la Société entomologique de France, 3, 1834, p. lxx).
70 P. J. Rambur, Faune entomologique de l’Andalousie.
71 C. Coquerel, « Note sur quelques Insectes (Coléopt.) recueillis à Lisbonne », p. 44.
72 Voir supra, n. 32.
73 Voir supra, n. 26 et 29 pour Deyrolle et Schaufuss. Jean Scipion Gougelet (1898-1870) voyagea en Espagne après avoir pris sa retraite d’employé à l’Administration de l’Octroi de Paris. Voir L. Fairmaire, « Description de quelques espèces nouvelles de Coléoptères », et J. Lhoste, Les entomologistes français, p. 70.
74 H. von Kiesenwetter, « Énumération des Coléoptères trouvés dans le midi de la France et en Catalogne ».
75 Voir supra, n. 25 et 27.
76 Sur cet entomologiste, surtout connu pour ses études sur la faune de la Réunion et de Madagascar, voir J. Gouillard, Histoire des entomologistes français, p. 42.
77 Zoologischer Anzeiger, 3, 1880, p. 216 (notice nécrologique anonyme).
78 Comme on l’a vu plus haut, les premières descriptions scientifiques de Graells datent de 1842, celles de Pérez Arcas de 1853.
79 C. Piochard de La Brûlerie, « Rapport sur l’excursion faite en Espagne », p. 502.
80 Jules Künckel d’Herculais (1843-1918), alors âgé de 22 ans, deviendra professeur au Muséum et spécialiste de la lutte contre le criquet migrateur. On ignore pourquoi il n’a finalement pas pris part au voyage en Espagne.
81 Annales de la Société entomologique de France, IVe Série, 5, 1865, Bulletin, p. vii (compte rendu de la séance du 22 février 1865).
82 C. Piochard de La Brûlerie, « Rapport sur l’excursion faite en Espagne », p. 501.
83 E. Simon, « Notice nécrologique sur Charles Piochard de la Brûlerie », p. 680.
84 C. Piochard de La Brûlerie, « Rapport sur l’excursion faite en Espagne », p. 502.
85 Annales de la Société entomologique de France, IVe Série, 5, 1865, Bulletin, p. xxix (bref compte rendu de Kiesenwetter).
86 Fils du comte de Hoffmansegg évoqué plus haut, n. 49.
87 C. Piochard de La Brûlerie, « Rapport sur l’excursion faite en Espagne », p. 504.
88 Issu d’une riche famille d’industriels du Nord, médecin et ingénieur des Mines, entomologiste et géologue, Marmottan fut député de Paris et maire du xvie arrondissement.
89 Fils d’un médecin qui lui-même n’exerçait pas, sa fortune lui permit de se consacrer sa vie durant à l’arachnologie dont il devint le plus éminent spécialiste européen. Il a 17 ans au moment du voyage et vient de publier, l’année précédente, le premier volume de son Histoire naturelle des araignées.
90 C. Piochard de La Brûlerie, « Rapport sur l’excursion faite en Espagne », pp. 505-544. Outre la chronique du voyage, pas moins de huit articles contenant des descriptions d’espèces nouvelles pour la science furent publiés dans l’année qui suivit, et d’autres étaient annoncés (ibid., p. 503).
91 E. Simon, « Notice nécrologique sur Charles Piochard de la Brûlerie », p. 680. Piochard semble ne pas s’être remis des épreuves d’un voyage en Palestine, Syrie et Chypre (1869) ; la santé d’Ogier fut ébranlée par des fièvres contractées au Maroc, dans la région de Fès, en 1868 (E. Simon, « Notice nécrologique sur Ogier de Baulny ») ; Crotch mourut de tuberculose en Californie en 1874.
92 Voici par exemple comment Piochard de La Brûlerie évoque avec un laconisme lourd de sous-entendus l’excursion de ses deux collègues : « Je ne vous citerai que pour mémoire le voyage de MM. Chevrolat et Bellier de la Chavignerie. Ils explorèrent, dit-on, les environs de Valladolid, et vinrent même, eux aussi, passer quelques jours à Madrid et à l’Escorial » (« Rapport sur l’excursion faite en Espagne », p. 504). Il est notamment reproché à Chevrolat d’avoir publié les résultats de ses chasses en Espagne dans une revue concurrente des Annales de la Société entomologique de France (ibid., p. 503).
93 Annales de la Société entomologique de France, IVe Série, 8, 1868, Bulletin, p. lxvi (bref rapport de Vuillefroy sur son excursion).
94 Annales de la Société entomologique de France, IVe Série, 8, 1868, Bulletin, p. lxxiv (bref rapport de Piochard de la Brûlerie).
95 E. Simon, « Notice nécrologique sur Ogier de Baulny », p. 123.
Auteur
UMR 5608 TRACES, CNRS - Université de Toulouse
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La gobernanza de los puertos atlánticos, siglos xiv-xx
Políticas y estructuras portuarias
Amélia Polónia et Ana María Rivera Medina (dir.)
2016
Orígenes y desarrollo de la guerra santa en la Península Ibérica
Palabras e imágenes para una legitimación (siglos x-xiv)
Carlos de Ayala Martínez, Patrick Henriet et J. Santiago Palacios Ontalva (dir.)
2016
Violencia y transiciones políticas a finales del siglo XX
Europa del Sur - América Latina
Sophie Baby, Olivier Compagnon et Eduardo González Calleja (dir.)
2009
Las monarquías española y francesa (siglos xvi-xviii)
¿Dos modelos políticos?
Anne Dubet et José Javier Ruiz Ibáñez (dir.)
2010
Les sociétés de frontière
De la Méditerranée à l'Atlantique (xvie-xviiie siècle)
Michel Bertrand et Natividad Planas (dir.)
2011
Guerras civiles
Una clave para entender la Europa de los siglos xix y xx
Jordi Canal et Eduardo González Calleja (dir.)
2012
Les esclavages en Méditerranée
Espaces et dynamiques économiques
Fabienne P. Guillén et Salah Trabelsi (dir.)
2012
Imaginarios y representaciones de España durante el franquismo
Stéphane Michonneau et Xosé M. Núñez-Seixas (dir.)
2014
L'État dans ses colonies
Les administrateurs de l'Empire espagnol au xixe siècle
Jean-Philippe Luis (dir.)
2015
À la place du roi
Vice-rois, gouverneurs et ambassadeurs dans les monarchies française et espagnole (xvie-xviiie siècles)
Daniel Aznar, Guillaume Hanotin et Niels F. May (dir.)
2015
Élites et ordres militaires au Moyen Âge
Rencontre autour d'Alain Demurger
Philippe Josserand, Luís Filipe Oliveira et Damien Carraz (dir.)
2015