Poids de l’aristocratie d’origine wisigothique et genèse de la noblesse septimanienne
p. 81-99
Texte intégral
1Aux côtés d’Elne, de Narbonne et de Maguelone, les cités et les pays qui entreront au XIe siècle dans le domaine des Trencavels (Carcassonne, Béziers, Agde, Nîmes), étaient situés dans la Provincia Galliae, nom donné par les textes wisigoths à ce que nous avons pris l’habitude d’appeler la Septimanie1 : la partie de la Narbonnaise Première rattachée au royaume de Tolède des années 460 à la conquête arabe.
2Entre Elne, Lodève et Nîmes, la Lex Wisigothorum2 modela durablement les pratiques testamentaires : pensons à la possibilité qu’elle laissait à chacun de favoriser tel enfant, fille ou fils, cadet ou aîné, par la clause de melioratio qui eut autour de Béziers la vie tenace3, et elle influença durablement le statut des filles et des épouses auxquelles elle accordait des droits étendus, dont témoignent des documents du Xe siècle4. Ceci et cela expliquent en partie leur résistance à l’effacement au siècle suivant et la place qu’elles conservèrent aux côtés des cadets dans la maison aristocratique ; nous comprenons mieux pourquoi le lignage languedocien est dans un premier temps tout autant marqué par l’horizontalité que par la verticalité attendue. L’édifice des redevances5 au XIe siècle porte lui aussi l’empreinte wisigothique. Un ensemble culturel et institutionnel dessinait donc une aire « septimano-catalane », dont on a un exemple avec l’adoption aux IXe et Xe siècles d’un plan identique pour les églises pré-romanes6, commandé par des nécessités liturgiques communes où peut figurer la lutte contre l’adoptianisme qui avait gagné la Narbonnaise depuis ses bases hispaniques. Au XIIe siècle encore, les répertoires d’outre-Pyrénées et du Bas-Languedoc méditerranéen continueront de se mêler : façons de vivre, façons de faire, formes de sociabilité aristocratique7 et structure féodo-vassalique spécifique8.
3Passons au niveau politique : aux XIe et XIIe s., les relations entre les Trencavels (vicomtes de Béziers, d’Agde, de Nîmes, d’Albi, comtes un temps9 de Carcassonne et de Rhèdes), et les Raimondins (comtes de Toulouse), furent exceptionnellement peu marquées par la proximité : pratiquement pas d’alliances matrimoniales10, peu de sang commun donc peu d’amitié, de rares moments de trêve. Sur ces terres le pouvoir comtal était pratiquement inexistant, sauf à Nîmes qui était enclavé dans les terres raimondines et à Albi situé au confront du Toulousain et du Rouergue, où la haute aristocratie était apparentée à la famille comtale. Pourquoi cette incapacité des Raimondins à asseoir leur autorité dans despagi qui relevaient du marquisat de Gothie dont ils revendiquaient le titre ? La question est au cœur de la problématique d’un état occitan. Quelque chose faisait barrage à la nécessité pour eux d’homogénéiser toutes les terres relevant du domaine. Sous leur autorité théorique, un héritage immatériel, – habitudes mentales, pratiques matrimoniales ou testamentaires, système d’alliances aussi – étranger à leur maison, continuait d’être partagé de part et d’autre des Pyrénées, continuité favorisée par la forte composante gothique de la population et par le poids des vieilles institutions ; et c’est tout naturellement le camp catalan que choisirent les Trencavels et les Guilhems de Montpellier, au cours de la guerre qui opposa, pendant le XIIe siècle, Toulouse à Barcelone11. Au centre du grand ensemble méridional une zone d’instabilité était durablement installée, un antagonisme sans résolution dont l’issue sera, au siècle qui suit, le rattachement au royaume capétien après élimination des princes régionaux.
4Pour comprendre les divisions, il faut remonter le temps et partir de la décision carolingienne de détacher la Gothie de la Marche d’Espagne12, mais il faut aussi s’attacher à l’histoire de certains acteurs : la permanence dans les réseaux de transmission des idées et des formes sociales fut favorisée par la solidité d’une trame tissée depuis Guilhem (de Gellone), cousin de Charlemagne, un ami et un disciple de Witiza le Goth, mieux connu sous le nom de Benoît d’Aniane, trame d’autant plus ferme que la descendance de Guilhem avait repris à son compte le philogothisme manifesté par l’ancêtre fondateur.
5A-t-on assez bien perçu le rôle des Guilhemides dans la Gothie, mesuré leur impact dans les pays de Béziers et de Lodève et sur les marges occidentales du pays de Montpellier ? Quelles furent les orientations majeures du grand réseau matrimonial, au plus haut niveau local jusqu’à l’an Mil ?
6Plus précisément, quelle était la nature des liens les reliant aux Raimondins ? À quel moment observe-t-on les effets d’alliances croisées entre les Guilhemides, les familles dirigeantes gothes et des Francs rattachés à la souche raimondine ? A-t-on décelé les liens unissant ceux des aprisionnaires repérés dans le Biterrois et le Narbonnais, et les grandes familles des pays où ils s’installaient ? Les questions sont liées ; y répondre permettrait d’évaluer l’influence des uns et des autres sur les destinées d’une grande partie de la Gothie.
Guilhemides et Raimondins13
7Parce que les descendants de Guilhem avaient fait d’autres choix que celui du vainqueur dans la lutte pour le pouvoir entre les fils de Louis le Pieux, et qu’ils avaient été, pour la maîtrise de la Gothie, les adversaires malheureux des premiers des Raimondins (l’un d’entre eux, nommé Fredelon, d’abord installé à Toulouse par Pépin (II), prit en 849 le parti de Charles le Chauve qui, malgré le ralliement tardif, le maintint dans ses honneurs), on n’a retenu des nombreux enfants de Guilhem et de ses petits-fils que le destin tragique des enfants d’abord : Herbert fut supplicié14, la moniale Gerberge noyée dans la Saône par les partisans de Lothaire15, à Chalón en 834, où, au même moment, son frère le « comte » Gaucelm16 était lui aussi éliminé ; leur autre frère Bernard de Septimanie sera exécuté sur l’ordre de Charles en 84417 ; fin dramatique pour les petits-fils, nés de Bernard et de Dhuoda, qui allaient mourir eux aussi de mort violente, Guilhem vers85018, et Bernard en 87219.
8La lignée ne fut pourtant pas éradiquée, et même, partie cachée de la brillante et tragique nébuleuse, des membres de la famille étaient restés sur place, dans le Lodévois, le Substantion, le comté de Béziers, sur les terres devenues patrimoniales20, fiscs dans lesquels Guilhem de Gellone avait largement puisé pour doter Saint-Sauveur. L’existence de ces descendants faisant souche, têtes de lignées secondaires, est évidemment moins immédiatement décelable que celle de leurs illustres parents et contemporains, Bernard Plantevelue (841-886), comte d’Auvergne, et Guilhem le Pieux (886-918), duc d’Aquitaine, son fils. Pourtant comme leurs ancêtres communs, tous ces Francs gagnés aux manières gothiques favorisèrent sur place, c’est-à-dire dans la Gothie, une expression méridionale de la tradition carolingienne : l’amitié entre Guilhem et Benoît (à l’origine de la fondation de Gellone à quelques kilomètres d’Aniane), le rôle du réformateur auprès de Louis Le Pieux, l’importance de lettrés wisigoths aux cours carolingiennes21, les loyautés « catalanes » envers les souverains carolingiens22, sont autant de signes d’une rencontre réussie entre des communautés anciennes nourries de traditions romaines et wisigothiques et la jeune puissance franque, fidélités qui se vérifient jusqu’aux derniers carolingiens, et qui expliquent sans doute l’entrée tardive des Capétiens dans le champ politique du Languedoc méditerranéen.
9Le poids des plus puissants des Guilhemides dans la vie culturelle de l’Occident chrétien, jusqu’à la fondation de Cluny23, la dispersion de leur patrimoine entre l’Autunois, la Bourgogne, l’Auvergne et la Gothie, leur rôle dans les querelles dynastiques qui avaient mis tout le royaume à feu et à sang, alimentèrent Annales et Chroniques, occultant l’aspect territorial de leur influence sur les destinées locales et un ancrage qu’il a fallu déceler par la méthode régressive, en partant des textes rédigés au temps des châtellenies. La remontée aux origines, offrant pour le XIe et même pour le Xe siècle une assez belle moisson d’indices, butte sur le IXe dès que l’on cherche à atteindre les niveaux aristocratiques placés immédiatement sous le niveau comtal ; et pourtant les textes livrent des indications, comme par exemple l’intervention, dans le périmètre patrimonial guilhemide, d’hommes et de femmes portant, au IXe siècle, des noms en usage dans la famille de Guilhem, tels Teudericus24, Teudo25, et un peu plus tard, dans le même contexte, mais beaucoup mieux éclairé, ceux d’Ildinus26, Senegonda27, Gaucelmus28, Adalindis29, Aldeberga30 et d’autres encore... ; sans compter les noms d’individus situés dans la proximité des vicomtes de Lodève et des premiers Guilhems de Montpellier, formés avec des composantes « guilhemides », variations thématiques, avec, dominant l’ensemble, -bert, et d’autres, tels Alda-, Teud-, ou -berg... J’ai envisagé ces questions d’anthroponymie pour la reconstitution de la trame complexe de relations, et la recherche que j’ai menée sur l’aristocratie biterroise ayant fait ressortir l’importance de la souche guilhemide dans la formation du groupe nobiliaire de cette partie de la Gothie31, j’insisterai plutôt ici sur l’alliance préférentielle avec les familles comtales d’origine wisigothique. Il me faut revenir d’abord sur le postulat de liens entre Guilhemides et Raimondins. Pour soutenir l’idée d’une alliance entre une sœur de Guilhem de Gellone et un Fredelon, aïeul maternel de Raimond (I), L. Levillain, après avoir relevé des coïncidences anthroponymiques troublantes entre les deux familles32, avance d’autres arguments, parmi lesquels la présence d’hommes appelés « Fredelon » en Autunois et dans la proximité comtale33, et l’identification de l’avoué du comte Nibelung (II), nommé Fulchardus34 avec Foucaud / Fulcoaldus, père de Raimond (I), missus en Rouergue dès 836. Les ancêtres de Raimond (I), tant du côté maternel (avec Fredelon avoué du comte d’Autun autour de 800), que du côté paternel (avec Foucaud), servirent le comte ou le roi dans l’Autunois et dans le Midi de la Gaule, dans un cadre politique défini, à partir de 817, par le partage attribuant au roi Pépin premier « le royaume d’Aquitaine agrandi de trois comtés bourguignons parmi lesquels le comté d’Autun... »35.
10Même si l’on se doit de considérer le sérieux de la construction de L. Levillain, on peut constater qu’après la mort de Louis le Pieux, donc après l’alliance matrimoniale prise en compte, de grands déchirements affectèrent tout le Midi. Des événements graves marqués par la haine, le meurtre, établirent la distance entre les descendants de Fredelon et de Guilhem de Gellone36 et donnèrent aux deux généalogies une orientation différente. L’idée d’une opposition à l’influence raimondine, front structuré par les Guilhemides précisément, reste tout à fait soutenable. Car une simple origine commune n’est pas suffisante pour caractériser un groupe de parenté : à chaque transformation de l’arrière-plan politique, avec un rythme plus ou moins rapide selon les crises, de nouvelles alliances sont nécessaires pour réassurer des solidarités ou rétablir un équilibre. Nouvelles de deux façons : en allant chercher à nouveau une fille dans un groupe d’anciens affins, chaque famille ayant ainsi ses traditions, ses orientations majeures, des conjonctions de cousins renouvelées dont tout tracé généalogique porte témoignage et en innovant par un mariage qui inaugure une chaîne de relations, pouvant être à son tour renforcée, accusant le cousinage ou bien tournant court comme il semble que cela se soit produit pour les deux familles considérées.
Les Guilhemides et la noblesse gothique
11Les querelles anciennes s’éteignent, nous sommes dans les années 900. La fusion des aristocraties d’origines diverses est un processus permanent, plus ou moins désactivé en temps de crise, et la phase critique est passée. Dans le climat d’apaisement, comment les descendants des deux partis rivaux vivaient-ils leurs rapports au pouvoir dans la Gothie, lesquels éprouvaient le plus intensément des sentiments de légitimité ? N’était-ce pas ceux qui se situaient dans la filiation la plus ancienne et la plus prestigieuse, ceux qui de surcroît s’étaient enracinés dans le sol même où s’exerçait l’autorité incarnée maintenant par les Raimondins ? Or, plus tardif, l’apport de ces derniers dans les réseaux d’alliance locaux se place loin derrière celui des Guilhemides et des Goths, venus plus tôt se fondre dans l’aristocratie d’origine, produit de la fusion entre « provinciaux » gallo-romains et wisigoths du temps de Tolède.
12Selon une tradition familiale précisément, obéissant à une de ces orientations majeures que révèle toute généalogie, qu’il s’agisse des grands fondateurs ou de parents moins illustres enracinés entre Lodève, Substantion et Béziers, les Guilhemides favorisèrent l’installation d’Hispani, filles et fils de l’aristocratie « gothique » invités à s’allier avec ceux de l’aristocratie narbonnaise ou biterroise, ou réfugiés aprisionnaires.
13Voici quelques-unes de ces alliances :
14P. Ponsich propose une filiation de Bera I comte de Barcelone, avec Guilhem de Gellone lui-même37. L’arrière petit fils de Guillem, Guillem le Pieux, n’ayant pas de successeurs directs, transmit ses biens et ses titres à deux neveux nés d’une sœur, nommée Adalendis, mariée peu avant 900 avec un seigneur goth, Acfredus, comte de Carcassonne38.
15Au niveau immédiatement inférieur, une lignée rattachée aux guilhemides, ayant fait construire la tour privée de Saint-Amans de Teulet mentionnée au milieu du Xe siècle (elle était située tout près du site où sera érigé vers l’an Mil un des castra majeurs de la vallée moyenne de l’Hérault, appelé Le Pouget), comptait très probablement parmi ses ancêtres un membre de la lignée comtale du Roussillon en vie vers 90039.
16Dans l’entourage des vicomtes de Lodève, dont j’ai par ailleurs montré qu’ils étaient situés dans la filiation des Guilhemides40, et qui s’étaient alliés, sans doute au Xe s., à des membres de la famille comtale de Toulouse-Rouergue, figurent vers 930 une Richilde41, contemporaine de la vicomtesse de Narbonne, fille du comte de Barcelone dont il sera question tout à l’heure, et des Goths, tel un Guifred42.
17- Saint-Amans de Teulet et le Pouget formaient avec le beau terroir de Lestang un ensemble patrimonial, situé à proximité de Saint-Sauveur d’Aniane, donc dans le Nord-Est du Biterrois, où (par quel hasard ?) l’évêque d’Agde nommé Salomon (948-980), un Goth lui aussi, possédait des alleux : un acte du Cartulaire des évêques d’Agde, daté de 95443, fait état d’un échange entre cet évêque et un couple ; l’homme s’appelle Béra, nom on ne peut plus gothique44, occurrence exceptionnelle dans les actes septimaniens ; Adalinde l’épouse pone le nom qui était celui de la sœur de Guilhem le Pieux. Ils reçoivent de Salomon un alleu situé près du Pouget, à Lestang, c’est-à-dire dans l’aire patrimoniale où j’ai repéré au seuil du Xe siècle une alliance entre une lignée guilhemide et celle des comtes de Roussillon (Elne). L’évêque d’Agde était l’homonyme du comte de Cerdagne-Urgell (862-868), auquel l’historien Ramón d’Abadal a consacré un chapitre de son étude sur les premiers comtes catalans, rétablissant son origine gothique45. Parmi les chanoines entourant Salomon, il y avait plusieurs Goths : Ansemond dit « de Gellone », homonyme d’un autre Ansemond, un Goth septimanien vivant au VIIIe siècle, et dont on a dit qu’il avait soutenu les Francs dans la conquête du Narbonnais46, Miro47, Radulfus48. Les quelques laïcs contemporains de l’évêque, appelés comme lui Salomonus, étaient apparentés à Matfred, vicomte de Narbonne en 952/96649, et au vicomte de Béziers des années 990/99350. Le nom est intégré ensuite dans deux généalogies de grands seigneurs châtelains : celle des Rainardi dits de Béziers, de Villeneuve et de Cers, rameau détaché de la lignée vicomtale, et celle des Faugères dont il vient d’être question avec Ansemunduset Gisalfrefus.
18- Avec ces témoignages de la vitalité des échanges matrimoniaux selon l’axe nord-sud/sud-nord, dans le Biterrois et le Narbonnais au Xe siècle, beaucoup de pistes semblent converger vers un personnage central : Richildis (924 à 955)51, épouse d’Eudes/Odo, vicomte de Narbonne. Elle était fille du comte Guifred II Borrel et de Garsinde, et petite-fille du comte d’Urgell, de Barcelone, de Cerdagne et de Besalú, Guifred I « le velu » (troisième tiers du IXe siècle). Le réseau de relations articulé autour de cette femme et d’Eudes, puis de leur fils Matfred, conduit du Roussillon au Lodévois. Douze actes rédigés entre 950 et 1020 montrent Colombiers et Saint-Bauzile d’Esclatian, deux villae du suburbium de Béziers, entre les mains des familles vicomtales de Narbonne et de Lodève52. Ce dossier est une bonne illustration, sans en être pour autant le seul indice, du renforcement autour de Narbonne, Béziers et Agde, ou vers Aniane, d’une aristocratie d’origine gothique déjà installée aux siècles précédents, de ses alliances avec des descendants des Guilhemides, et de l’hégémonie politique des princes narbonnais qui paraissent avoir hérité au Xe siècle de leur capacité à organiser la noblesse locale.
Les Hispani
19Destinée à accueillir les réfugiés chrétiens sur les terres de fiscs septimaniennes et à leur offrir des garanties, l’aprision a été jusqu’ici étudiée surtout comme institution carolingienne. Il en est un aspect mal connu : celui qui concerne le flux d’Espagnols obligés d’abandonner par vagues successives à partir du VIIIe siècle des terroirs ou des cités wisigothiques aux mains des Arabes, ou menacés par leurs razzias53. Ces réfugiés finirent par renforcer la puissance vicomtale narbonnaise. Les noms des plus illustres aprisionnaires et ceux de leurs descendants mentionnés encore au Xe siècle dans ce contexte, des individus installés autour de Béziers ou dans le Narbonnais, renvoient à un groupe structuré par la parenté, filiation et alliance, ou par la fidélité, et maintenu longtemps sous l’influence du vicomte et de la vicomtesse de Narbonne. Car ces protégés entrèrent dans le vaste réseau de familiers, véritable groupe de pression que contrôlait la famille vicomtale jusque dans les comtés voisins de Béziers et d’Agde, où, par exemple, jusqu’au milieu du XIe siècle elle installait ses hommes sur le siège épiscopal ; on a aussi des témoignages pour Béziers54, où elle souscrivait les actes privés des Rainardi, vicomtes de Béziers et d’Agde, et possédait avec eux en commun des parts de patrimoine autour de Béziers et d’Agde, et plus haut vers Villemagne55.
20Aprisionnaires du Narbonnais et du Biterrois :
21– Fontjoncouse56 : Jean, combattant près de Barcelone aux côtés des troupes franques lors de l’offensive arabe de 792, avait perdu tous ses biens. Il sollicita de Louis, roi d’Aquitaine, le domaine de Fontjoncouse dans le Narbonnais, et s’y installa au titre de l’aprision avec une vingtaine de ses hommes ; la concession est confirmée par Charlemagne lui-même dans un diplôme57 daté de mars 795. L’aprision provoqua des remous, les querelles donnèrent lieu à plaintes : ainsi le fils de Jean, Theodefred, figure parmi la quarantaine d’Hispani ayant fait appel à l’empereur contre les exactions et les violences des comtes et de leurs agents dans un diplôme de 81258. Les aprisionnaires avaient à défendre âprement les terres qu’ils avaient reçues. Le procès, tenu près de Narbonne en 83459, qui opposait ce même Theodefred à un certain Dextre revendiquant le domaine de Fontjoncouse, révèle des affrontements antérieurs avec le comte Ademar, avec le comte Liebulfe, la question de fond étant le statut de ces terres qui échappaient au contrôle comtal. C’est le texte qui nous en apprend le plus sur le statut social de Jean : il arriva sur les terres des Corbières, accompagné des siens et de plusieurs colons, mariés et célibataires, chargés d’exploiter à son profit la villa aprisionnaire.
22Un siècle et demi plus tard, un descendant, autre Jean, époux d’Oda – nom porté à la fois dans les familles vicomtales narbonnaise et lodévoise-, offrit60 le domaine de Fontjoncouse à l’archevêque de Narbonne Aimeric ; parmi les souscripteurs figuraient le vicomte Matfred et des proches, tels le Goth Radulfus. Comment interpréter l’aumône du 17 avril 963 ? Elle paraît relever de ces pratiques courantes – don/contre-don – qui harmonisaient et consolidaient les relations au sein d’un groupe de parents ; après les premiers temps de turbulence et de rancœur, ceux qui pouvaient être considérés au Xe siècle comme des intrus avaient fini par se fondre dans la haute aristocratie locale.
23– Aspiran et Lignan61 : c’est à la requête d’individus comme Ranemire, Ansemond, Auriol, Elias, Mirabilis et Cicilia, portant pour la plupart des noms goths, que Charles Le Chauve délivra le 19 mai 844 un diplôme62 en faveur d’Hispani (Ilderic, Pierre, Ermenisile et alii), installés dans deux villae situées près de Béziers. Comme pour Fontjoncouse, nous pouvons établir l’existence d’une forte relation entre les Hispaniet les terres d’aprision de 844 d’une part, et la famille vicomtale – cette fois-ci de Béziers – de l’autre : en effet, le 29 août 88163 le roi Carloman confirma en faveur de son fidelis Rainard, vicomte de Béziers, les deux villae ; et c’est un peu plus tard qu’elles entrèrent dans le patrimoine de Saint-Nazaire, à la faveur d’un échange64 entre le vicomte et l’évêque.
24– Saint-Jean-d’Aureilhan : la femme dite Sissilonis ou Sesillo ailleurs dans le texte, dans le testament de son frère le Goth Amelius en 98365, porte un anthroponyme qui pourrait être une variante de Cicilia (844), un nom qui aurait été mal retranscrit par le copiste du Livre Noir de Béziers. Dans la villa de Saint-Jean dAureilhan, terre de fisc où avaient été installés au début du IXe siècle des aprisionnaires66 et où la famille vicomtale possédait aussi des alleux67, le défunt possédait des vignes.
25– Saint-Geniès de Cuminiano (ou Comiurano) : le 4 novembre 88968, Ansemundus, sa femme Columba, et Giscalfredus (Gisclafredus dans le résumé qu’en donne Dom Vaissete), vendent à l’évêque de Béziers le cinquième de la villa de Cuminiano et de son église dédiée à saint Geniès. Ils la tenaient de leurs parents, et ceux-ci de Charles le Chauve ; mais est-on pour autant assuré qu’il s’agissait d’aprision ? Quoiqu’il en soit, il est sans doute intéressant de relever le rattachement plus que probable d’Ansemond et de Gisalfred à la lignée fondatrice du lignage de Faugères69, castrum voisin de Lunas, situé au nord du Bédérés dans l’espace placé, encore au début du XIIIe siècle, dans l’aire d’influence des vicomtes de Narbonne70. Les noms des deux hommes renvoient, l’un à ce Goth septimanien ayant contribué au milieu du VIIIe siècle à l’installation de la dynastie carolingienne dans l’ancienne Narbonnaise Première, l’autre au lignage comtal issu de Bello, comte wisigoth au IXe siècle71. Au siècle qui suit, des hommes appelés Gisalfred sont associés aux actes privés des vicomtes de Narbonne72.
26Relever ces connexions entre aprisionnaires et vicomtes ou entre terres aprisionnaires et patrimoine vicomtal peut conduire à d’autres conclusions que celles qui furent défendues en son temps par A. Dupont, qui y voyait le signe du développement de la féodalité à la fin du IXe siècle, et l’effet d’une rétorsion comtale ou vicomtale73. Telle était la perspective de l’historiographie d’alors. Sans la récuser résolument, on peut nuancer le propos. En remarquant d’abord que la vague aprisionnaire dans le Narbonnais et dans le Biterrois eut sans doute moins d’ampleur qu’il n’a été dit : les témoignages conservés sont en assez petit nombre, et l’insistance avec laquelle les textes tardifs (Xe siècle) invoquent l’origine aprisionnaire d’une terre, privilège d’authenticité supplémentaire au contenu symbolique encore fort, fait penser que la minceur du dossier est très directement liée à la relativité du phénomène. Le poids de la colonisation aprisionnaire dans le dynamisme rural de cette région au IXe siècle doit être réduit. On doit ensuite relier plus fermement les quelques dossiers subsistants à ce courant d’intermariages entre l’aristocratie locale et les grandes familles wisigothiques ; il apparaît en effet qu’une fois de plus, la fonction de parenté se soit trouvée au cœur d’une dérive institutionnelle. En ce sens, on est autorisé à prononcer le mot de « privatisation », mais pas celui d’« abus de pouvoir », pas encore celui de « féodalité ».
27C’est bien la qualité de la trame solidement tissée depuis Guilhem de Gellone entre les vagues successives de Goths et une aristocratie locale composite qui permit à cette formation sociale localisée de passer le cap de l’an mil sans les violences habituellement reconnues à cet âge. Jusqu’au second tiers du XIe siècle, les fronts de parenté, ces lieux où étaient prises pour tout individu les décisions d’alliance ou de stratégie patrimoniale, étaient constitués à l’échelle macrorégionale ; la notion de grand réseau y était encore souveraine. Il en ira autrement ensuite, quand ces fronts rétrécirent, et qu’une stratification accélérée du groupe aristocratique fera varier la disposition des enjeux, et par conséquent des pratiques.
28Pour la communauté inscrite entre l’Orb et l’Hérault, et les Cévennes et l’Aude, l’axe nord-sud fut donc et devait rester l’orientation majeure. Plus précisément, il était orienté nord-est/sud-ouest à partir des dernières années du VIIIe siècle : tracé depuis Autun dont le père de Guilhem de Gellone était comte, il s’enfonçait à l’autre extrémité dans l’ancien royaume wisigothique. Un siècle plus tard, dans l’entourage de Guilhem le Pieux, un fils du vicomte de Narbonne allait faire souche dans le Mâconnais, et saint Maïeul allait naître d’une conjonction d’alliances, narbonnaise et provençale : le triangle de relations entre Cluny, la Provence et la Catalogne allait renouveler la figure construite depuis le royaume de Burgondie.
29Le débat engagé en ouverture n’aboutit pas tant à opposer des Francs et des Wisigoths, puisqu’étaient francs à la fois les Guilhemides et les Raimondins ; il amène plutôt à reconnaître la séduction exercée par la culture philoromane et philogothique sur les premiers : cette famille mythique associée, aux deux pôles de l’imaginaire européen, aux Nibelungen historiques et à plusieurs cycles de chansons de geste d’où émerge la figure de Guillaume d’Orange. Il fait voir aussi que la légitimité incarnée par les Raimondins, après la décision de rattacher la Septimanie au commandement du Toulousain, se heurta très naturellement à cette légitimité plus ancienne et beaucoup plus prestigieuse, en un temps où il n’était pas de politique qui ne fût étroitement installée dans un réseau charnel de relations de parenté et de mentalités communes.
Annexe
Abréviations :
A. Cartulaire du Chapitre Saint-Etienne.
An. Cartulaire de Saint-Sauveur dAniane.
C. E. Cartulaire des Evêques d’Agde.
G. Cartulaire de Saint-Sauveur de Gellone.
HGL Histoire Générale du Languedoc (T. V, éd. 1875).
LN. Livre Noir de Béziers (Cartulaire du Chapitre Saint-Nazaire.
Notes de bas de page
1 Comme le montrent deux articles récents (E. Demougeot, « La Septimanie dans le royaume wisigothique de la fin du Ve s. à la fin du VIIIe s. » p. 17-40, et A. Bonnery, « Géographie historique de la Septimanie au temps de Sidoine Apollinaire et de Grégoire de Tours », p. 41-46), parus dans les Actes des IXe journées d’Archéologie Mérovingienne – Gaule mérovingienne et monde méditerranéen – (Musée Archéologique de Lattes, février 1988) : le néologisme Septimania, repéré pour la première fois dans une lettre de Sidoine Apollinaire (471), qui désignait par là peut-être tout autre chose que cette partie de la Narbonnaise Première dont parlera Grégoire de Tours dans son Historia Francorum (575), n’appartenait pas au vocabulaire des auteurs littéraires wisigoths et ne fut par ailleurs jamais utilisé dans les Actes des Conciles de Tolède (entre 589 et 694). Ces derniers usèrent, pour évoquer la partie de la Gallia rattachée au Royaume wisigoth, de : Gallia, Provincia Galliae ou Provincia Narbonnae. Pour nous d’usage commode, Septimania fut donc d’emploi plus rare qu’il n’y paraît, repris de la dénomination de Grégoire qui l’avait lui-même sans doute empruntée à Sidoine, « réminiscence littéraire des chroniqueurs qui se sont penchés sur 1’Historia Francorum » (ibid., A. Bonnery, p. 44), d’usage intermittent aux IXe et Xe s. (actes de la pratique et lettrés carolingiens). Quant à Gothia, désignant aussi la partie wisigothe de la Provincia Narbonnae, le mot apparaît à l’époque carolingienne (Annales d’Aniane).
2 Au Xe s. encore, la vitalité de la-personnalité des lois », est attestée dans l’espace septimanien. Deux des trois codes en usage (le troisième étant destiné aux hommes se réclamant d’une origine franque) avaient une origine wisigothique : la Lex Wisigothorum proprement dite, ou code d’Euric (vers 480), pouvait être invoquée par les Goths, tandis que, de la Lex Romana Wisigothorum dite Bréviaire d’Alaric, aussi ancienne, se réclamaient des hommes se considérant comme appartenant au vieux fonds d’origine gallo-romaine (les-provinciaux-de la Basse Antiquité). « Saliques », « Goths », « Romains »... les notions d’identité devaient déjà renvoyer, autour de 900, à des traditions familiales et culturelles dominantes plutôt qu’à une réalité ethnique bien définie, aucun des trois groupes n’ayant échappé au processus permanent de fusion, comme en témoigne le repérage des alliance matrimoniales au sein de l’aristocratie. Parmi les apports wisigothiques dans le domaine institutionnel, héritage actif après l’an Mil, citons la validation de l’aumône par un contre-don (quasi systématique dans les donations pieuses ou les restitutions biterroises des XIe et XIIe), la responsabilité pénale des parents, ou la définition stable des compositions pécuniaires : E. Magnou Nortier, La société laïque et l’Église dans la province ecclésiastique de Narbonne-fin du VIIIe fin du XIe, Toulouse-le-Mirail, 1974, p. 144 et suiv., p. 157, p. 263-281.
3 Clause rencontrée encore au XIIe dans des actes biterrois, ainsi en décembre 1105 où un jeune garçon promis à l’une des filles du vicomte de Béziers recevra de ses parents, lorsqu’il sera en âge de se marier, divers honores comportant des châtellenies, et notamment un castrum, .. per meliorationem super alios fratres tuos... post mortem nostram... (HGL, T. V, n° 422, II, c. 796) ; ou en mai 1184 (LN., n° 296, p. 421-23), où une certaine Gaillarde, qui avait cinq frères et sœurs, fut avantagée dans le testament maternel ; l’honor reçu sine parte fratrum meorum et sororum faisait auparavant partie de la melior pars de la mère.
4 On a pour le Biterrois au Xe siècle des exemples de femmes, propriétaires terriens, gérant les biens-fonds qui leur avaient été transmis et parmi lesquels, outre des villae ou parts de villae et des églises, pouvaient figurer des tours ; intervenant seules, elles vendaient, achetaient, offraient, léguaient, avec parfois le consentement des époux qui pouvaient en outre leur léguer leurs propres biens et les désigner comme exécuteurs testamentaires : Udalfreda en 956 (A., n° 320), Inginilda en 958 (C. E., n° 8), Adpaix avant 978 (An., n° CCLXXV), Sigillaiga entre 954 et 982 (C. E., n° 18), Archimberta et Ingilrada, deux sœurs, en 983 et 986 (An., n° CCCV, n° CCLXII, n° CCLXVIII), les filles d’Arimanus et leur mère Richilda en 991 (LN., n° 50), Adalenda vers 1030 (G. n° CCLXX).
5 Importance accordée au decimum (droit de pacage), ou à l’alberga, droit de gîte spécifiquement rattaché au censum, cens à la catalane. P. Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle, (Toulouse-Le Mirail, 1975, p. 160) a montré qu’outre-Pyrénées, au Xe s., la functio répondait à la notion de service (ost, garde, entretien des fortifications), et était distinguée du censum (fourniture de denrées et albergues), distinction qui me paraît expliquer en partie l’intégration rapide (fin du XIe dans le Biterrois) de l’albergue dans la catégorie des usages fonciers.
6 A. Bonnery, (« Architecture et liturgie à l’époque carolingienne dans la Province de Narbonne », in Études sur l’Hérault 1988, nc 4, p. 47-52) offre un état de la question, et rappelle à la suite des liturgistes catalans (biblio. en note 17 de l’art., cité), que le changement de liturgie fut l’œuvre de clercs narbonnais entourant l’archevêque Nebridius (vers 800). Du même auteur, « Le changement de liturgie au IXe s. en Septimanie et dans la Marche d’Espagne – Causes et conséquences », in Études Roussillonnaises, 9, 1989, p. 11-31.
7 Nous pouvons considérer comme telles : 1. d’abord l’ostaticum, un service vassalique rendu de la même façon d’un côté et de l’autre des Pyrénées. Cette pratique si répandue entre Barcelone, Carcassonne, Albi et Nîmes, aux XIe et XIIe siècle, semble être dérivée de la fidejussio repérée peu après l’an Mil, elle-même version médiévale, « catalane-et languedocienne, du cautionnement et de la garantie d’origine romaine. Après 1030, c’est dans la société des compagnons que les garants, les-otages », « fidéjusseurs naturels du seigneur » (P. Bonnassie, ibid, p. 770), seront choisis pour illustrer les principes de fidélité (fides) et de droit (jussio), afin de soutenir leur senior auprès d’un autre patron dans certaines conventions, traités de paix ou mariages. 2. ensuite la convenientia, de fonction et de structure identique en Catalogne (P. Bonnassie, « Les conventions féodales dans la Catalogne du XIe siècle », in Structures Sociales de l’Aquitaine, du Languedoc et de l’Espagne au Premier Âge Féodal, Annales du Midi, Toulouse, n° 89, 1968, p. 529-562), et dans le Languedoc (P. Ourliac, « La Convenientia », in Études d’Histoire du Droit Privé offertes à Pierre Petot, 1959, p. 413-422 ; réédition in Études d’Histoire du droit médiéval, Paris, p. 243-258).
8 L’hypothèse étant que les structures féodo-vassaliques les plus cohérentes (par l’existence d’articulations entre le fief, la fidélité, l’hommage et le service) rencontrées dans le Languedoc, adoptées par les Guilhems de Montpellier (XIIe), avaient pour modèle la construction féodale catalane.
9 Ils le furent jusqu’aux ventes des comtés de Carcassonne et de Rhèdes en faveur des comtes de Barcelone (1070), mais ils en demeurèrent ensuite les véritables maîtres sous leur théorique suzeraineté.
10 H. Debax, « Stratégies matrimoniales des comtes de Toulouse (850-1270) », et « Les comtesses de Toulouse : notices biographiques », dans Annales du Midi, 100, n° 182, avril-juin 1988, p. 131-151 et p. 215-234. Il semble qu’une seule des comtesses de Toulouse puisse être rattachée à la maison de Béziers, Béatrix, fille de Raymond Trencavel, mariée peu après 1176 à Raymond VI, répudiée avant 1193 ; à son mariage, tentative pour sceller la paix, correspondit le mariage (symétrique) de son frère Roger avec Adélaïde, sœur de Raymond VI.
11 Peu de répit dans les hostilités entre les Trencavels et les comtes de Toulouse entre 1140 et la Croisade albigeoise, car les mariages croisés au cours des années 1170 n’eurent pas les effets escomptés.
12 Décision prise en 865 par Charles Le Chauve : J. Calmette, « Les marquis de Gothie sous Charles le Chauve », dans Annales du Midi, 14, 1902, p. 193.
13 Je remercie Jérôme Belmon d’avoir attiré mon attention sur l’article de L. Levillain : « Les Nibelungen historiques et leurs alliances de famille. 1. La famille des Nibelungen. Les comtes d’Autun au IXe siècle », dans Annales du Midi, 49, 1937, p. 337-408. 2. -Les alliances des Nibelungen avec la famille de saint Guilhem et celle des Gérold », ib., 50, 1938, p. 5-66 ; dans la deuxième partie de cet article l’auteur reconstitue le réseau où il pense que s’insèrent les Guilhemides et les Raimondins. Il propose l’hypothèse d’une alliance entre ces deux dernières maisons, qui se serait produite avant que n’éclatât la crise dynastique qui suivit la mort de Louis le Pieux. Pour la question des liens de parenté entre Guilhem (de Gellone) et Charlemagne, L. Levillain reprit les travaux de Joseph Calmette (« La Famille de saint Guilhem », dans Annales du Midi, 18, 1906, p. 145-165, et-La Famille de Saint Guilhem et l’ascendance de Robert le Fort », ib., 39, 1928, p. 225-245). Un des apports nouveaux fut donc d’offrir des arguments à l’appui d’un mariage entre une sœur de saint Guilhem et Frédelon, grand-père maternel du premier Raimond connu (852-863), l’époux de Berteiz. Voici une partie du schéma proposé par l’auteur (d’après l’art, cité, hors texte, suite p. 46), tracé dont je ne retiendrai que les lignées utiles pour la démonstration :
Selon les conventions de L. Levillain lui-même : les noms en capitales répondent « aux parentés certaines », en minuscules ils indiquent-les parentés probables ou attestées par des textes dont l’autorité peut être discutée-. J’ai souligné (caractères renforcés) l’alliance qui aurait, selon l’hypothèse de L. Levillain, rattaché les Raimondins aux Guilhemides. Le dossier (art. deuxième partie, p. 18-30), par les références à des sources variées et l’utilisation (prudente) d’indices anthroponymiques nombreux, est très cohérent.
14 J. Calmette, « La famille de Saint Guilhem », dans Annales du Midi, 18, 1906, p. 7 et note 1 : ses adversaires le rendirent aveugle (Annales Bertiniani, 830 – Vita Hludowici, cap. XLV – Epitaphium Arsenii, II, 10, éd. E. Dümmler, p. 74) ; selon Nithard il fut ensuite exilé en Italie.
15 Sur la mort de Gerberge : Thegan, Ann. Bert., 834, Cap. LII.
16 Cet autre fils n’apparaît pas dans la généalogie proposée par L. Levillain, qui s’en explique dans le texte accompagnant le tableau généalogique intitulé-Les alliances des Nibelungen » : « Pour la famille de saint Guillaume, nous n’avons retenu que les noms qui ont servi à notre recherche... » Comme « fils de Guilhem » (de Gellone), Gaucelm Gotcelmus, est mentionné dans un acte du Cartulaire de Gellone, daté du 14 décembre 804 (G., n° 160). Selon M. Th. Morlet (Les noms de personne sur le territoire de l’ancienne Gaule du Vie au XIIe siècle, 1, p. 104 b et p. 107 a), le nom est un des hypocoristiques formés avec Gaut-, Gauz-, ou Goz-, un élément rattaché « au nom du peuple gotique ». Il s’agit de lui encore dans un acte du Cartulaire de Gellone, daté du 28 décembre 807 (G. n° 249) où il apparaît avec le titre de comte, « missus » de Louis le Pieux, chargé de délimiter le fisc « Miliacus », possession de Saint-Sauveur dans le Biterrois qui faisait partie des donations de Guilhem (de Gellone). Comme d’autres actes le montrent, son champ d’action s’étendit au Roussillon, au Razès et au Nîmois.
17 Sur les circonstances et sur la date de l’exécution de Bernard (de Septimanie), époux de Dhuoda, sur l’ordre de Charles le Chauve : J. Calmette (ibid., p. 21-22), qui propose avril ou mai pour l’année 844 (siège de Toulouse).
18 Guilhem, né le 29 novembre 826, comme nous l’apprend sa mère elle-même (Manuel, éd. Bondurand p. 52), aurait été tué au cours d’un affrontement à Barcelone, en 849 ou 850 (J. Calmette, « Les Marquis de Gothie sous Charles Le Chauve », dans Annales du Midi, 14, p. 187 et suiv.).
19 Né à Uzès le 22 mars 841 (Manuel), Bernard mourut en 872 (Ann. Bertin., 872 ; J. Calmeite, De Bernardo, thèse latine, Toulouse-Privat 1902, p. 94.).
20 Trois actes du Cartulaire de Gellone, datés de 804 et de 807, nous font connaître le réseau des possessions de Guilhem et les terres et droits offerts à Saint-Sauveur : le premier daté du 14 décembre 804 (supra note 16), le second rédigé vers 807 (G., n° 4), le troisième dont il vient d’être question (note 16). L’ensemble patrimonial s’étirait le long de l’axe constitué par le cours moyen de l’Hérault, vingt kilomètres au nord de Saint-Guilhem-le-Désert, vingt-quatre kilomètres au sud, au niveau du village actuel de Saint-Pargoire (villa dès le Ville s. comprise dans le fisc Miliacus (supra), autant de part et d’autre du fleuve (plaine lodévoise et viguerie de Cabrières sur la rive droite, viguerie de Popian et marges sur la rive gauche). C’est dans cet espace que se trouvait la plus forte concentration de fiscs, tels qu’ils seront connus par des actes ultérieurs (Xe-XIe siècles) ; les familles seigneuriales des castra qui y seront construits étaient presque toutes issues de la souche guilhemide (sur ces questions voir références, infra note 31).
21 Cf. les communications de J. Fontaine, A. Freeman, D. Iogna-Prat, P. Riche, et J. Vezin.
22 R. D’abadal I de Vinyals en apporte de nombreuses preuves dans son histoire des premiers comtes (Els Primers Comtes Catalans, éd. Teide, Barcelone, 1958, seconde partie) et d’autres à sa suite.
23 C. Lauranson-Rosaz, « L’Auvergne et ses marges (Velay, Gevaudan) du VIIIe au XIe s », Le Puy-en-Velay, 1987, p. 70, situe la fondation de Cluny par Guilhem le Pieux dans la durée séculaire d’une tradition méridionale : « Guillaume donne à Rome ; imitant Géraud (d’Aurillac), l’exemple de l’aristocratie locale de tradition romaine, il « laisse » ce qu’il y a de franc dans sa propre culture. Comme cent ans plus tôt la réforme de Benoît d’Aniane, la congrégation clunisienne est, plus que l’héritage des Guilhemides, l’expression de la tradition philoromane dans laquelle ceux-ci se sont fondus. Ce rôle de conservatoire et de creuset culturels, Cluny le joue dès le début : c’est auprès d’elle que se réfugient naturellement les grands de la noblesse méridionale victimes des troubles de Provence ».
24 Teudericus : le 29 septembre de la troisième année qui suivit la mort « de l’empereur Louis-(843, An., n° CCLXXXIX, p. 412-413), un Teudericus figure parmi les quatre exécuteurs testamentaires de Teubertus, qui avait transmis à un certain Amalbertus un alleu situé à Lestang (infra note 43), part de villa et église, et ailleurs, autour de Popian d’autres parts de villae. Au Xe siècle, deux hommes appelés Teutbertus sont repérés dans la proximité d Ilduinus, vicomte de Lodève, et un individu nommé Amalbertus (autour de 1000) est apparenté aux premiers Guilhems de Montpellier. En 897 un Teudericus intervient, cette fois-ci dans l’entourage du vicomte de Béziers (cf. note suivante).
25 Teudo : en 824 (G., n° CCLXXVIIII, p. 230-231), aux côtés d’un Odo, un Teudo « prêtre », portant le même nom que le comte d’Autun, frère de saint Guilhem et fils de Teudericus, appose son signum à une solennelle aumône par des proches de Bernard de Septimanie : Rainaldus et Agilburgis (ont en effet une donation à Saint-Teuderit d’Uzès dont Amelius est alors l’évêque, abandonnant des biens que Rainaldus tenait de ses père et mère-dans le comté d’Uzès-et-dans celui d’Agde- ; l’aumône comporte entre autres la villa de Caucs, la tour et l’église. On peut noter plusieurs choses à propos de cet acte et de Saint-Martin de Caucs, qui sera jusqu’aux années 1130 disputé entre clercs et moines : qu’il s’agissait de la cité où Dhuoda allait séjourner, quelques années après la donation de 824, y rédigeant son Manuel... et que les dîmes de Saint-Martin de Caucs seront, encore au XIe, entre les mains des seigneurs des Deux-Vierges (issus de la lignée vicomtale de Lodève), qui les restituèrent volontiers, et des Castelnau (Castelnau-de-Guers, pays d’Agde), plus réticents, dont un des chefs de lignage portait un nom Guilhemide : Garnerius (nom d’un des fils de saint Guilhem). Le nom de Teudo, d’usage exceptionnel dans le Biterrois, fut donné au vicomte de Béziers et d’Agde (v. 924-v. 936), père présumé de Guillemus (I) ; j’ai développé ailleurs les raisons qui me font penser que les vicomtes étaient situés, eux aussi, dans la filiation des Guilhemides (infra note 31).
26 Ildinus : nom du premier vicomte de Lodève connu (961-982), il était père d’Ermengaudus, d’Allidulfus et d’Odo, il avait sans doute dans son ascendance un Eldenonus, mentionné en 926 (G., n° 12, alleutier à Tauladias que j’identifie avec Teulet près du Pouget), et il était fils de Senegonda et de Leutardus. L. Levillain propose de situer Hilduin, fils de Vulgrin, dans la descendance de Bernard et de Dhuoda (art. cité, p. 18 et suiv., et généalogie : « les alliances des Nibelungen ») :
27 Senegonda : nom porté par la mère d’Ilduin, vicomte de Lodève (supra), donné à une des filles de Guilhem (II), vicomte de Béziers et d’Agde (fin Xe s.). Le nom féminin prestigieux est ensuite très répandu : mentionnons entre autres l’épouse de Guilhem, mère de Gaucelm (vers 1070, G., n° 42, p. 43), qui restitue l’église Saint-Félix de Lodez, laquelle avait fait partie des dotations de Saint-Sauveur de Gellone par saint Guilhem.
28 Gaucelmus : une riche alleutière à Saint-Pargoire, c’est-à-dire sur des terres de fisc autrefois données à Saint-Sauveur de Gellone par saint Guilhem, et qui se nomme Adalendis, a six fils mentionnés vers 1030, le dernier nommé s’appelant Gaucelm (mai 1027-1031, G. n° CCLXX, p. 223-224) ; c’était un nom en usage dans plusieurs familles de la haute aristocratie régionale, familles apparentées d’ailleurs : retenons celles des seigneurs de Montpeyroux, et du Pouget, castra guilhemides par excellence.
29 Adalanda : nom de la sœur de Guilhem le Pieux (infra note 38), de l’alleutière de Saint-Pargoire, et de l’épouse d’Amalric, maître au Xe s. de la villa et de la tour de Saint-Amans de Teulet.
30 Aldeberga : exemple de nom formé à partir de composants guilhemides (Aida- et -berg), il est repéré dans la descendance du couple formé par Arman et Richilde (réseau vicomtal lodévois), et dans l’ascendance des premiers seigneurs de Montpeyroux.
31 Cl. Duhamel-Amado, « Pouvoirs et noblesse dans la Gothie : formation du réseau aristocratique biterrois au Xe siècle », dans Actes du Colloque de Barcelone, (juillet 1987), France Méridionale, Catalogne, Aragon et Navarre Autour de l’an Mil – Loin du Roi ? Pouvoirs et sociétés aux marches méridionales du royaume aux alentours de l’an Mil, éd. Barcelone, sous presse. L’article s’appuie sur 34 monographies lignagères réalisées dans le cadre d’un doctorat d’Etat (à soutenir) : Du groupe aristocratique au lignage. Parenté, familles et patrimoines dans les vicomtes de Béziers et d’Agde, Xe-milieu XIIe siècle. Outre les vicomtes de Lodève (Xe) et les Guilhems de Montpellier, seigneurs d’Aumelas dans le Biterrois (repérés depuis le troisième tiers du Xe s.), neuf lignages castraux ont été ainsi rattachés aux Guilhemides : Deux-Vierges, Montpeyroux, Gignac, Popian, Le Pouget, Saint-Pons-de-Mauchiens, Cabrières, Vias. C’est sans compter avec l’investigation qui pourrait être envisagée dans le Substantion/comté de Melgueil et le Nîmois. Pour l’implantation des Guilhemides en Auvergne, voir C. Lauranson-Rosaz, op. cit. ch. I.
32 Les petits-fils de Foucaud/Fulcoaldus et de Senegonde, fille présumée née d’un mariage, lui aussi présumé, d’un Fredolon et d’une sœur de Guilhem (Aube ou Berthe), portent des noms Guilhemides : Bemardus, Eudes/Odo, Herbert/Arbertus/Aribertus. Quand au nom, pourtant prestigieux, de Guillem, il n’est repris dans la généalogie des comtes de Toulouse que beaucoup plus tard, à la génération située dans la filiation de Raimond (III)-Pons, ce qui n’est sans doute pas sans signification.
33 Rappelons que le père de Guilhem de Gellone, son frère Thiouin/Teudonus, et le fils de ce dernier, Teudericus, étaient comtes d’Autun. Quand aux « Fredelon » dont parle L. Levillain (art. cité, p. 26-28), ils sont repérés dans l’entourage (familiarité et service) de ces derniers et du Nibelung Childebrand (II), de l’extrême fin du VIIIe siècle aux années 820.
34 Ibid. p. 28, note 3 : « Le nom de Fulchardus est un composé de Fulco, et de la terminaison bard qui souvent dans les textes, s’altère en ald, surtout dans le midi de la France. Ainsi Vulfardus = Vulfoaldus, Adalhardus = Adaloaldus (ou Adalwaldus), Gerardus = Geraldus, Reginardus = Reginaldus, etc. ».
35 Ibid, p. 29, puis l’auteur précise : « Transplanter un rameau d’une grande famille autunoise dans une lointaine contrée aquitanique, c’était suivre la politique pratiquée par tous les souverains carolingiens pour rattacher étroitement les unes aux autres les diverses régions de leurs états. Utiliser les chefs de cette colonie comme fonctionnaires publics, c’était créer dans les esprits la notion de l’unité d’un royaume formé d’éléments disparates. Les comtes choisis dans ce dessein paraissaient devoir être des instruments d’autant mieux appropriés à cette fin, des-fidèles » plus respectueux de leurs serments, qu’ils étaient apparentés au souverain qui les avait choisis ». Suit l’hypothèse, bien défendue, selon laquelle Foucaud/Fulchardus/Fulcoaldus, missus en Rouergue dès 836, était sans doute aussi comte de Rodez, comme le sera, pense-t-il, son fils aîné Fredelon.
36 Il y eut d’abord l’exécution de Bernard de Septimanie à Toulouse, alors que Charles le Chauve confirmait Fredelon dans ses honneurs toulousains (sup. note 17), puis l’assassinat, sur l’ordre de Bernard Plantevelue (Bernard (II) comte d’Auvergne et comte d’Autun, fils de Bernard de Septimanie et de Dhuoda), de son rival Bernard dit de Toulouse, fils de Raimond (I), après 872 et avant décembre 874. Sur la date de sa mort : J. Calmette « Les comtés et les comtes de Toulouse et de Rodez sous Charles Le Chauve », dans Annales du Midi, 1905, p. 5-26, et plus précisément p. 8-11 ; sur les circonstances de l’assassinat : L. Auzias, « Bernard le Veau et Bernard Plantevelue », dans Annales du Midi, 1932 ; sur les épisodes de la rivalité entre les deux familles : C. Lauranson-Rosaz, opus cit., p. 51 et suiv. (réf. sup. note 23).
37 « Bera I, comte de Barcelone et ses descendants. Le problème de leur juridiction comtale », dans Conflent. Vallespir et Montagnes Catalanes, F. H. L. M. R., 1980, p. 51-69. L’auteur s’appuie sur un acte disparu dont le t. 2 de l’HGL nous donne la teneur (vers 813, HGL, t. 2, Preuves 23), par lequel le « comte » Bera, dont il est dit qu’il est-fils du comte Guilhem, récemment décédé » et son épouse Romilla, fondent l’abbaye d’Alet. L’authenticité de l’acte ayant été mise en doute, l’argument étant que l’abbaye ne pouvait être aussi ancienne parce que la liste des abbés est beaucoup plus tardive, P. Ponsich donne des exemples de fondations dans le Roussillon ou le Razès pour lesquelles on est assuré de l’ancienneté et dont les listes commencent tard ; il avance ensuite des preuves anthroponymiques : 1. deux des enfants de Bera, Guillemundus et Rotruda (comme la fille aînée de Charlemagne), portaient des noms carolingiens. 2. une fille du lignage, Relindes/Rotlindes (troisième tiers du IXe), était dénommée comme la grand-mère paternelle de saint Guilhem, et l’une de ses filles (connexions renforcées par le nom d’Adalindis (seuil du Xe), portée par une autre fille du lignage). D’autres arguments défendus par l’auteur, articulés aux indices anthroponymiques, renforcent l’hypothèse du rattachement de Bera au réseau carolingien : présence de Bera, qualifié de prínceps Gothorum par Ermold le Noir, au siège de Barcelone (803) sous les ordres du duc Guillaume (saint Guilhem), contexte politique de la rivalité entre Bera et Gaucelm, demi-frère présumé, dans le Razès et le Roussillon dont il expose la complexité et à partir duquel il construit un dossier sur la fonction comtale de Bera dans le Razès, et cette souscription par Bera du testament de Charlemagne en 811 (Eginhard, Vita Caroli Magni) dans laquelle il voit une preuve indirecte de son appartenance au clan Guilhemide.
38 Le testament d’Acfred I est daté de 906 (HGL, t. 5, n° 31, c. 113-114). Ses fils nés d’Adalendis, succèdent à Guilhem le Pieux comme duc d’Aquitaine et comte d’Auvergne en 918 : Guilhem le Jeune de 918 à 926, son frère Acfred de 926 à l’année suivante (C. Lauranson-Rosaz, op. cit., p. 72-78). La succession d’Acfred I aux comtés de Carcassonne et du Razès sera assurée par son neveu Acfred II, fils d’Oliba.
39 Schéma généalogique des maîtres de la tour de Saint-Amans de Teulet (avant 978, An. n° 275 ; nov. 978, An. n° 314 ; nov. 990, An. n° 292) :
Deux de ces noms étaient attribués dans la lignée des comtes de Roussillon au seuil du Xe siècle (Ramón D’abadal, op. cit., p. 294) : Gaufred, comte d’Empories et de Roussillon, et Guadald, son oncle, évêque d’Elne à partir de 930. Il avait succédé au siège épiscopal à son propre frère, Almerad. On peut aussi faire remarquer que les noms d’Almerad et d’Amalric sont associés (à partir de l’an Mil) chez les seigneurs de Claret, famille ayant des liens avec celle des seigneurs du Pouget (Saint-Amans de Teulet).
40 Aux arguments avancés plus haut (note 26 et thèse en cours : monographie consacrée à la famille des Deux-Vierges), ajoutons celui-ci : les évêques occupant le siège de Lodève au Xe siècle étaient très probablement apparentés aux vicomtes. Augier (906-909) portait un nom en usage dans la famille vicomtale, son successeur se nommait Teuderic ; pour les liens de Fulcran (949-1006) et des vicomtes les preuves sont directes : exemple des alleux aux mains de l’évêque et de la famille vicomtale dans les villae suburbaines, à plus de 60 kilomètres de Lodève, à propos desquels intervient un homme nommé Teuderic (infra note 52).
41 Arman est veuf de Richilde lorsqu’il offre à Saint-Sauveur de Gellone, pour son âme et celle d’un de leurs fils nommé Augier, un alleu situé au pied du castrum des Deux-Vierges (930, G. n° 36, p. 37-38) ; enfants survivants : Autramn, Ilduin, Bernard, Gérald, Pierre et Gungerga (voir schéma généalogique dans art. cité, supra, note 31).
42 L’homme souscrit en juin 986 (An., n° 262, p. 388-389) une aumône d’Archimberte, vicomtesse de Lodève, veuve d’Ilduin, en faveur de Saint-Sauveur d’Aniane. Le même ou un proche souscrit un acte rédigé entre 972 et 1003 (An., n° 299, p. 422) ; il est aux côtés d’un individu nommé Autramn (supra) parmi les signa d’une aumône concernant Sentou (Aumelas, castrum des Guilhems de Montpellier).
43 954 (C. E., n° 7) : en échange de l’alleu de Lestang, Bera et Adalinde abandonnent à Salomon « de l’alleu qu’ils avaient dans le comté de Substantion, dans la villa de Poussan, avec le tiers de l’église Saint-Pierre et de la tour ».
44 Supra note 37.
45 Op. cit., p. 29-40, chapitre 3 : « La légende et l’histoire du comte Salomon d’Urgell-Cerdagne », L’auteur cite plusieurs « Salomon » dans cet environnement : l’évêque d’Elne mentionné en 832 et 834, le juge du comte d’Empories (842), et le juge de Salomon comte d’Urgell, lui-même (862) ; enfin le juge et missus du vicomte de Narbonne nommé Isimbert (873), d’autres encore.
46 Ansemundus : premier des chanoines aux côtés de Salomon dans le procès qu’ils soutiennent contre une laïque en 956 (A. n° 330, p. 293) ; les noms de trois autres sont mentionnés dans l’ordre, après Ansemond : Nazaire, Radulf, Mir, cum caeterorum canonicorum. L’anthroponyme était d’usage exceptionnel : selon l’annaliste de Saint-Sauveur d’Aniane, c’était celui d’un Goth septimanien influent à Nîmes, Agde et Béziers, au milieu du VIIIe s., qui aurait aidé Pépin le Bref dans la conquête des cités septimaniennes aux mains des arabes ; quelques occurrences ensuite : au milieu du IXe s., dans le contexte aprisionnaire biterrois (infra note 62) ; en 889 (LN., n° 6, proche (un frère) de Gisalfred, au nom gothique, ancêtre des seigneurs du castrum de Faugères) ; en 906 (HGL, t. 5, n° 31) deux hommes, dont le scribe, appartiennent à l’entourage du comte de Carcassonne Acfred, fils d’Oliba ; à Elne en 941 (HGL, t. 5, c. 1511), un laïc est alleutier dans les comtés de Roussillon, de Cerdagne et de Besalú ; enfin dans l’entourage des vicomtes de Lodève, le nom est en connexion avec celui de Leutard : en 956 (supra), en 978 (An., n° CCCXIV), en 983 (An., n° CCCV), en 1005 (G., n° 27).
47 Miro : même contexte gothique. C’est un des anthroponymes dominants des généalogies comtales catalanes, mais aussi du corpus anthroponymique nobiliaire catalan (exemples de Miro, arrière petit-fils de Bera I (supra note 37) et fils de Bera II, qui s’était révolté contre Charles le Chauve (877), ou de Miro, comte de Roussillon et de Confient, frère de Radulfus comte de Besalú, évêque de Gérone, et frère de Guifredus « el Pilos » comte de Barcelone, d’Urgell-Cerdagne, Gérone-Ausone au troisième tiers du IXe siècle). Les occurences sont beaucoup plus rares dans les textes septimaniens : un des premiers dont on ait mention est ce chanoine appartenant au chapitre de Salomon en même temps que Radulfus ou qu’Ansemundus (956, réf. supra). La référence suivante est celle d’un Miro surnommé Bellus, souscripteur d’un échange de terres (au confront de l’une d’entre elles se trouve la terre d’un certain Radulfus) situées à Colombiers, une de ces villae suburbaines de Béziers aux mains de lignées vicomtales, narbonnaise et lodévoise, où la présence de Goths est si forte (infra note 52).
48 Radulfus : le nom apparaît autour de Béziers ou à Agde dans le même contexte que celui d’Ansemundus ou de Miro. Il appartenait au trésor anthroponymique des familles comtales catalanes dont il vient d’être question. J’ai ailleurs établi la relation entre un Radulfus (maître d’une tour privée de l’Agadés qui avait eu de sérieux démêlés avec la famille vicomtale de Béziers et d’Agde autour de l’an Mil), et la famille vicomtale de Carcassonne, une lignée rattachée au vaste arbre de parenté des comtes catalans du Xe siècle : Cl. Duhamel-Amado, « Les pouvoirs et les parents autour de Béziers (980-1100) », dans Cadres de vie et société dans le Midi médiéval, Hommage à Charles Higounet = Annales du Midi, 1990.
49 Association à Narbonne en 867 d’un Salomon et du vicomte Isimbert (Gallia Christ., 6, instr. c. 313, II). Contemporains de l’évêque d’Agde Salomon : Salomon signum d’une vente du vicomte Matfred en 952 (HGL, t. 5, n° 93, c. 215) ; Août 966 (HGL, t. 5, n° 115, c. 256), mention d’un Matfred fils de Salomon ayant passé avec Matfred vicomte une convention à propos d’alleux biterrois.
50 Dans son testament de 990 (HGL, t. 5, n° 150, c. 319), le vicomte de Béziers et d’Agde, Guilhem, prévoit un legs en faveur d’un Salomon (identifié ensuite comme appartenant au lignage des Rainardi). Même relation de proximité dans un acte de 993 (LN., n° 52, p. 57-59).
51 À titre d’exemples, voici quelques anthroponymes familiers relevés dans deux actes touchant Richilde :
- Septembre 924 (HGL, t. 5, n° 52, c. 151-153) : une donation à la cathédrale de Narbonne par Teuderic et son épouse Sposia (biens situés à Sijean) est souscrite dans l’ordre, d’abord par les deux donateurs, puis par Jean prêtre (infra dossier des aprisionnaires), Volverad, Audesinde, Toringus, Alaric, Guifred, Teudon (nom du vicomte de Béziers au même moment), Walcarius, Widinilde comtesse, Richilde vicomtesse, Durand, et trois autres. Widinilde est un nom donné vers l’an Mil à une femme, tête de lignage avec son époux Ingelinus pour les maisons du Pouget et de Saint-Pons-de-Mauchiens, dont il y a tout lieu de penser qu’il s’agissait de la fille de Wido (Guido) et de la sœur de Guilhem (I) de Montpellier.
- Décembre 924 (HGL, t. 5, n° 50, c. 147-150) : la donation par le couple vicomtal à l’abbaye de Montolieu (située dans le Carcassés) est souscrite par des évêques septimaniens, puis par Eudes et Richilde, enfin par des proches et des familiers en tête desquels Volverad (frère d’Eudes), Aimon, Salomon, Miro...
52 Cl. Duhamel-Amado, « L’alleu paysan a-t-il existé en France méridionale autour de l’an Mil ? », dans La France de l’an Mil, dir. R. Delort, Seuil, 1990, p. 142-161.
53 Ib. p. 415 : « Aprision (du latin aprisio, synonyme de ruptura) : défoncement du sol. À la fin du VIIIe siècle et au IXe, les souverains carolingiens favorisèrent l’accueil et la fixation, sur des terres vacantes de la Septimanie, des Hispani chassés de la péninsule Ibérique par les avancées musulmanes ; l’aprisio portait sur des terres du fisc et l’aprisionnaire devenait, au bout de trente années, propriétaire du sol qu’il avait défriché et mis en valeur ». Cf. J. A. Brutails, Étude sur ta condition des populations rurales dans le Roussillon au Moyen Âge, Paris, 1891 (voir les p. 5, et 102-105) ; E. Cauvet, Étude historique sur l’établissement des Espagnols dans la Septimanie, Montpellier, 1898 ; A. Dupont, Les cités de la Narbonnaise Première depuis les invasions germaniques jusqu’à l’apparition du Consulat, Nîmes, 1942 (voir les p. 328-338) ; Articles : « Considérations sur la colonisation et la vie rurale dans le Roussillon et la marche d’Espagne au IXe siècle », Annales du Midi, 67, 1955 ; « L’aprision et le régime aprisionnaire dans le Midi de la France », Le Moyen Âge, 1965, n° 2 à 4 ; « L’aprision en Biterrois aux IXe et Xe siècles », Béziers et le Biterrois, XLIIe Congrès F. H. L. M. R., mai 1970, Montpellier, 1971 ; « Le rôle des Hispani aprisionnaires » in E. Magnou-Nortier, La société laïque et l’Église, Toulouse, 1974, p. 111-113.
54 Notes 23 et 24 de-Pouvoirs et noblesse dans la Gothie... » (réf. article supra note 31).
55 Ils étaient concentrés entre Béziers et le cours de l’Aude, près de Servían au nord de la cité ; autour d’Agde, à Florensac notamment ; et au nord-ouest du Biterrois, autour de l’abbaye de Villemagne (même. art. : paragraphe, « les vicomtes de Narbonne, grands alleutiers dans les pays de Béziers et d’Agde-et carte fig. 3).
56 Situé à la lisière orientale des Corbières, à seize kilomètres de Sijean. Au Xe (963, infra note 60), la villa est mentionnée avec ses trois églises : Sainte-Léocadie (sainte wisigothe, martyre de Tolède au IVe siècle sous Dioclétien), Saint-Christophe, Saint-Victor. En 1106 (Arch. Départ, de l’Aude, G. 8), mention du castrum de Fontjoncouse.
57 Mars 795 (HGL, t. 2, texte IX, c. 60).
58 Mars 795 (HGL, t. 2, n° 20).
59 11 septembre 834 (HGL, t. 2, texte 85, c. 185-186).
60 17 avril 963 (HGL, t. 5, n° 113, c. 251-253).
61 Mai 844 : Albinianus, Aspirianus.... Il ne s’agissait pas, comme il est soutenu dans le Recueil des Actes de Charles le Chauve (F. Lot et G. Tessier), de Saint-Pierre-d’Albagnan ni du village actuel d’Aspiran, l’un au nord-ouest du Biterrois, l’autre au nord-est. L. Noguier, « Les vicomtes de Béziers », dans Bulletin de la Société Archéologique de Béziers, 2e série, 13, 1885, p. 237-502, a le premier considéré qu’il fallait identifier les deux toponymes, l’un avec la villa de Lignan (aujourd’hui village de Lignan-sur-Orb), l’autre avec une villa située dans son voisinage (aujourd’hui terroir enclavé dans la commune de Thézan). A. Dupont, soutenant cette thèse, l’a consolidée (« L’aprision en Biterrois aux IXe et Xe s », réf. supra note 53).
62 14 mai 844 (HGL, t. 2 c. 228).
63 29 août 881 (HGL, t. 5, n° 4, c. 71-72).
64 Juillet 897 (HGL, t. 5, n° 17, c. 92-93) : échange entre l’évêque Fructuarius et Rainardus vicomte ; certains des signa, outre ceux de la famille vicomtale elle-même (Dida épouse de Rainard, Arsinde, Boson), évoquent un contexte anthroponymique maintenant familier, de niveau comtal et vicomtal-catalan », narbonnais et guilhemide. Citons les tous : Riculfus, Walcharonis, Teuderici, Wivefredi, Arnaldi, Euvoni, Leotarii, Eusulfi, Theodoini, Udini, Amalrici, Bonissimus, Sevarlerdus, Ictarius, Ansacus, F. rmenmirus.
65 13 mai 983 (LN., n° 44, p. 44-46) : Et fuit probatus infra (conveniens) tempus, sicut in lege Gotorum resonat.
66 Sous le règne de Louis le Pieux (Gallia Christiana, 2, p. 411). Un acte du Livre Noir de Béziers, daté du 19 octobre 918 (LN., n° 17, p. 12-13, édition J. Rouquette) fait implicitement référence au contexte aprisionnaire. Ce jour-là Tructildis et son fils Fulcberius donnèrent à Saint-Nazaire : In regno Septimanie, in comitatu et territorio Biterrensi, in villa Aureliago, in ecclesia Sanctijobannis Baptiste, octo portiones, nobis debitas tricennali lege, a nobis et ab eredibus nostris possessas ; quorum hi sunt nomina. Aguicus, Seubilarius, Paulus Ardo, Dominicus, Elpericus, Stabilis, Samnus..., tandis que le prêtre Leudoin donne duasportiones de ipsa ecclesia Sanctijobannis, que micbi sunt debite de beredibus meis, quarum bi sunt nomina. Teudinus et Mulmirus. Il est fait mention des vingt-trois cofondateurs de l’église : Ista omnia, superius nominata, in tali deliberatione et difinitione donamus, tradimus et transfundimus ad potestatem, et dominium, et bereditatem Sancti Nazarii, tam ex voce suprascripta heredum nostrorum, quam ex voce aliorum fundatorum ipsius ecclesie Sanctijobannis, quantum ad nospotest legibuspertinere, sicut resonat in ipsa carta matrice, que facta est sub viginti trium fundatorum nomine. Deux interprétations à l’expression nobis debitas tricennali lege : A. Dupont (art. cité, sup. note 61) y voit, à mon avis avec raison, la trace effective d’une ancienne aprision : « Sans mentionner l’origine des biens, les donateurs essaient cependant de justifier leurs droits de propriété en les appuyant sur l’hérédité et sur la possession trentenaire, marques originelles du régime aprisionnaire auquel on semble attribuer une sorte de plus-value.-(p. 115), alors qu’E. Magnou-Nortier en réfère à la loi romaine du tricennium, dans un paragraphe consacré à l’esclavage : • Il ressort de cette charte que Tructildis est cofondatrice ou descendante d’un cofondateur de cette église avec vingt-deux autres personnes. Celles-ci avaient dû doter l’église d’un personnel servile d’origine romaine si l’on en juge par les prénoms et l’allusion à la loi du tricennium. Ce sont ces esclaves et leurs descendants que les fondateurs et leurs héritiers se partagent en portiones-(La Société Laïque et L’Église... p. 222-223). À la suite de Dom Vaissete (index HGL, t. 5), E. Magnou-Nortier identifie Aureliago, qu’elle a lu Aurebago, avec Lieuran-Cabrières (nord-est du Biterrois) : or, de nombreux actes postérieurs indiquent qu’il s’agit bien de Saint-Jean d’Aureilhan, situé presque aux portes de Béziers.
67 12 août 993 (LN., n° 52, p. 57-59), échange entre Guillaume vicomte et Matfred évêque, le premier cédant au second un manse, trois vignes et un champ situés in terminium de villa Capralis vel de Aureliaco : nombreuses indications toponymiques (réseau de chemins), mention de la vigne dite de Saint-Jean, et association de Saint-Jean d’Aureilhan et de Cabríais comme il en sera fait état par la suite à propos du patrimoine des Rainardi de Béziers et de Villeneuve.
68 4 novembre 889 (LN., n° 6, p. 4-6 ; Doat, n° 61, f. 6 r ; et résumé HGL, t. 5, n° 10, c. 81). Le résumé HGL, intitulé-extrait d’une charte du diocèse de Béziers », porte l’indication suivante : quod advenit illis ex aprisione parentum suorum et illis advertit per praeceptum Karoli régis, tandis que l’édition J. Rouquette du L N. parle d’ acquisitio : In nomine Domini. Ego Ansemundus, et uxormea Columba, et Giscafredus, nossimul in unum, venditores (sumus) vobis domino Agilberto, gratia Dei Sedis Bitirensis episcopo, emptoris. Constat nos vobis vendere, sicuti per banc scripturam venditionis nostre vendimus vobis, in territorio Bitirense infra terminium de villa que vocant Cuminiano (note de l’éditeur : Cumiurano ou Cumjurano dans la copie faite au XVIIIe siècle du Livre Noir), ibidem vendimus vobis in jam prefata villa, vel ejus terminia, omnem quintam partem, vel ubicumqueper ejusvocem invenirepotueritis, exceptus octavam partem quam ibi habetfemina nomine Felicia, alia vero tam in ecclesia Sancti Genesii, quam et in aliis locis : id est in ortis, in cellis, in sagerariis, in cemiteriis, in curtís, in oglatis, in casilaciis, in terris cuitis et incultis, in pratis, pascuis, silvis, garricis, arboribus pomiferis et impomiferis, aquis aquarumve eductibus (sic) earum, fontes et molinares, omnia et in omnibus quidquid dici aut nominaripotest, sicut superius dictum est, in potestate Sancti Nazarii vel vestre et successorum vestrorum transfundimus. Et advenit nobis ex acquisitione parentum nostrorum, et illis advenit per preceptum Karoli regis.
69 Quelle que soit l’interprétation qu’il convienne de donner au texte de 889 (dont le contexte aprisionnaire reste à démontrer, ne pouvant être sérieusement déduit de cette référence à un précepte de Charles Le Chauve comme le fit pourtant A. Dupont), je voudrais proposer une autre localisation pour Saint-Geniès, question intéressant l’histoire des origines des seigneurs de Faugères : l’éditeur du Livre Noir (réf. note précédente) et Dom Vaissette (ib.) l’ont identifié avec le hameau de Combejean, situé à près de trois kilomètres au nord de l’abbaye de Saint-Chinian, donc sous la juridiction de l’archevêque de Narbonne ; or le texte de 889 sur lequel ils s’appuient tous deux précise que la villa et que l’église Saint-Geniès étaient situés in territorio Bitirense ; un autre élément permet de préciser encore : en novembre 958 (LN., n° 27, p. 21-22), deux clercs nommés Celse et Amalric, donnaient à Saint-Nazaire in comitatu Biterrensi, in villa Leuniates, vel villare que vocant Commiurano (comme dans la copie du XVIIIe siècle du LN. ; voir note suivante), ecclesia vocabulo Sancti Genesii... avec la moitié d’une source, avec les cours d’eau et des champs. Cette fois, l’éditeur J. Rouquette, se fiant au texte, situe Saint-Geniès à Lunas, ce qui paraît convenir. On peut ajouter (témoignage indirect) que la généalogie des seigneurs de Faugères illustre jusqu’au XIIIe siècle les liens étroits avec les puissants seigneurs de Lunas.
70 Ils partageaient avec la famille vicomtale de Béziers les regalía sur le triangle argentifère de Villemagne, aire bien définie par la concordia passée entre la vicomtesse de Narbonne et le vicomte de Béziers en juillet 1164 (HGL, t. 5, n° 661, c. 1289-1291), où Faugères est indiqué comme un des repères du périmètre minier, – profits des mines auxquels les seigneurs de Faugères participaient : Cl. Duhamel-Amado, « La seigneurie des mines en pays de Béziers et en Razès. Analyse de trois documents de la seconde moitié du XIIe siècle », dans Mines et mineurs en Languedoc Roussillon et régions voisines de l’Antiquité à nos jours, in XLIXe congrès F. H. L. M. R., mai 1976, Montpellier, 1977, p. 125-144.
71 Bello (812) et son fils Gisclafredus, comtes de Carcassonne : généalogie R. d’Abadal, p. 25 (réf. sup. note 22). Les actes collationnés par Dom Devic et Dom Vaissette (HGL, t. 2 et 5) et ceux contenus dans le Cartulaire des Evêques d’Agde, font apparaître, à partir de 867, des hommes dont le nom est tantôt sous la forme Giscafredus, tantôt sous celle Gisalfredus, quand ce n’est pas Gisclafredus, au coude à coude avec d’autres nommés Ansemundus, Oliba, Leutardus, Isimbertus, Bello. L’étude attentive de tous ces actes permet d’affirmer qu’il s’agissait de trois variantes d’un même nom.
72 Exemple de ce Gisalfred, assez proche du vicomte de Narbonne pour avoir été désigné comme l’un de ses exécuteurs testamentaires (966 (HGL, t. 5, n° 115, c. 255-257) ; dans ce testament, il est précisément question de ces honneurs biterrois situés vers Villemagne, aux mains de la famille vicomtale. Au XIe siècle, des hommes qui portent le surnom toponymique, Raimond et Rodmond dits de Faugères, sont mentionnés dans le cadre de la curia vicomtale narbonnaise (1080, HGL, t. 5, n° 339, c. 658 ; et 1097, HGL, t. 5, n° 398, c. 752.
73 .A. Dupont, p. 113 de « L’aprision en Biterrois... » (art. cité, supra note 53) : « les souverains carolingiens qui succèdent à Charles Le Chauve n’eurent ni les moyens, ni même le désir de faire respecter les garanties consenties jadis aux aprisionnaires et le jus aprisionis fut ainsi privé de ces garanties qu’assurait jadis l’autorité royale ».
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