La concurrence comme politique moderne
La contribution de l’école de Gournay à la naissance d’une sphère publique dans la France des années 1750-1760
p. 213-227
Texte intégral
1Si le recours à l’opinion publique, selon la définition de Keith Baker, fut un instrument rhétorique et une invention1, il est important de souligner que l’école de Gournay, voulant obtenir des résultats politiques précis, contribua d’une façon tout à fait singulière à cette construction. Comme l’a bien souligné Gunn dans Queen of the World2, l’école de Gournay, ainsi que les physiocrates, loin de faire appel au peuple, mobilisèrent plutôt l’opinion des élites dirigeantes. Dans son effort de donner des réponses concrètes dans un contexte de compétition internationale accrue, l’école utilisa sciemment l’écrit imprimé pour mettre en concurrence des idées de réformes économiques qui impliquaient un changement profond des priorités en matière de politique étrangère. Confrontant, d’une part, une conception des relations internationales centrée sur l’« équilibre sur terre » et, de l’autre, une conception axée sur la notion d’« équilibre maritime », l’école contribua indiscutablement à saper l’un des présupposées qui avaient jusqu’alors orienté « la bonne politique », à savoir la subordination des intérêts économiques aux aspirations dynastiques des Bourbons de France3. Ayant adopté cette stratégie, l’école créa les conditions d’existence d’une « nouvelle politique », nouvelle précisément parce qu’elle mettait publiquement en discussion le modèle de société ainsi que les priorités en matière de politique étrangère suivies jusqu’alors par la monarchie française. Le groupe de Gournay, en effet, utilisa toute son influence pour créer un consensus autour du projet visant à donner à la France un rôle de puissance économique de premier plan, ce qui passait, d’après lui, par l’adoption d’une véritable politique coloniale : concentré sur l’Europe, le gouvernement français avait délibérément oublié ses colonies, si bien que son attitude a pu être qualifiée de reluctant imperialist4.
2Parmi les publications d’ouvrages à caractère économique qu’on peut sans doute directement lier à l’école, les traductions parues en espagnol ainsi qu’en anglais jouèrent un rôle crucial5. Bien que le thème des traductions comme instruments de pression et de formation d’un espace public, ait été au cœur des réflexions d’Ernest Lluch6, j’ai choisi de suivre une autre orientation méthodologique liée à son enseignement, celle qui consiste à replacer dans son contexte propre l’objet d’analyse. Aussi, ai-je essayé de reconstruire les motivations et les circonstances qui poussèrent Forbonnais, l’un des membres les plus emblématiques du groupe, à envisager comme indispensable pour la formation « des sujets d’État […] l’usage de traiter en public les matiéres oeconomiques ». Ayant soutenu au cours de la guerre de Sept Ans la nécessité de transformer ces matières « en sujet de conversation », il dut se défendre de l’accusation de fournir à l’ennemi des informations sensibles. Une analyse précise du contexte politique dans lequel Forbonnais expliqua son action, et une étude philologiquement attentive à la composition de ses textes nous permettent de mieux comprendre le sens de son appel à une « sage liberté »7.
3Pour mieux appréhender la question placée au centre de cet essai, il est nécessaire de souligner qu’au sein de l’école de Gournay, deux conceptions majeures d’intervention entrèrent en concurrence : la première, qui fut soutenue par Gournay et par son groupe certainement jusqu’en 1752-1753, et que l’on peut résumer dans la formule « liberté et protection », prévoyait la transformation de la France en une puissance commerçante, dotée d’une marine capable de faire face à ses propres nécessités et de contester, sur son propre terrain, la suprématie hollandaise et anglaise. Pour cela, il s’agissait notamment d’adopter un acte de navigation, essentiellement dirigé contre les Hollandais, tandis que la construction d’une marine commerçante devait éliminer les intermédiaires et fournir les bases d’une marine militaire de poids ; le but était ici la réorientation d’une politique étrangère qui, au lieu de rechercher l’équilibre sur le continent, visait à créer un équilibre maritime.
4Le second projet, élaboré notamment par Forbonnais après 1752, et plus précisément après les débuts de la guerre des Sept Ans, cherchait également à faire de la France une monarchie commerçante ; résumé par la formule « liberté et concurrence », la France ne devait pas ambitionner de concurrencer l’Angleterre sur son propre terrain : le développement de la marine marchande française, en outre, ne devait pas porter atteinte aux activités des neutres. La France, au contraire, devait utiliser toutes les marines marchandes en les mettant en concurrence entre elles afin de réduire les coûts de transport et faciliter ainsi le débit de ses produits ; dans cette optique, l’hégémonie des Provinces-Unies était donc contestée, sans que l’on ait besoin de recourir à l’édiction d’un acte de navigation ; la mise en concurrence des voituriers aurait en outre permis de balancer les exigences de la métropole avec les aspirations de la propriété coloniale8.
5Pour vérifier l’impact que ces deux solutions eurent dans la création d’une sphère publique en France, j’ai choisi d’analyser de près deux débats fortement liés entre eux : l’un qui a pour objet la promulgation de l’acte de navigation, l’autre le sens et l’utilité des traités de commerce.
6Le premier plan de réforme pensé par Vincent de Gournay et synthétisé dans la formule « liberté et protection », liberté des monopoles et protection de la marine marchande française, fut élaboré dans un contexte politique précis. C’est, en effet, durant la guerre de Succession d’Autriche que Gournay essaya de renouveler l’agenda de la politique intérieure et extérieure de la France en faisant entrer les considérations économiques dans les prises de décisions politiques. Dans son Mémoire de 1747-1748, Gournay exposa pour la première fois son projet de « liberté et protection »9, qui annonce ses Remarques au traité de Child10. Le Mémoire s’inscrit dans un contexte marqué par la décision prise en 1745 de ne pas renouveler le traité de commerce qui, depuis 1713, liait les Provinces-Unies à la France. Par ailleurs, ce traité avait été renouvelé en 1739 par Fleury afin de détourner les Provinces-Unies de leur allié anglais. Dans son Mémoire de 1747-1748, écrit, d’après Schelle, pour orienter l’action des participants aux conférences de Breda, interrompues en mai 1747 à la suite de l’invasion française des Provinces-Unies11, Gournay avança que, pour obtenir la neutralité militaire des Provinces-Unies, la France lui avait sacrifié ses manufactures ainsi que sa marine marchande et, avec elle, sa marine militaire. Dans ses Remarques sur le traité de Child, Gournay adopta précisément ces arguments pour solliciter la promulgation d’un acte de navigation afin de contrecarrer la prédominance que les Provinces-Unies avaient acquise sur la France grâce au traité de commerce d’Utrecht de 1713 ; ce traité, renouvelé en 1739, avait en effet établi le libre commerce entre les deux pays, assurant aux Hollandais les mêmes conditions dont jouissaient les ressortissants français12. Gournay termine ses Remarques à la traduction de Child avec un Extrait du traité de navigation et de commerce conclu a Utrecht en 1713 entre la France et les Etats généraux, où il soutient que la liberté des échanges est souhaitable seulement en présence d’une égalité des conditions. La liberté réciproque garantie par le traité d’Utrecht, qui semblait assurer une parfaite égalité entre les deux nations, s’était en réalité transformée, à cause des différents taux d’intérêt pratiqués dans les deux pays et des différences existantes entre les deux marines marchandes, en un puissant levier favorable à la navigation hollandaise, au détriment des négociants français.
7Fidèle à cette conception, Gournay, une fois entré dans l’administration comme intendant du commerce, orchestra un débat public autour de l’utilité d’édicter en France un acte de navigation. Ce ne fut pas par hasard si, entre 1749 et 1760, parurent plusieurs traductions de l’Acte de navigation anglais, instrument fortement apprécié par Child, dont Gournay fit paraître, en 1754, la traduction de ses Traités13. La traduction en 1750 des Considérations sur le commerce et la navigation de la Grande-Bretagne de Gee marque une étape importante dans ce débat14 ; due au fils de Montesquieu, ce Secondat qui participait aux réunions de Gournay15, la traduction de ce texte présentait brutalement le fonctionnement du système impérial intégré anglais ; elle était suivie par la « Traduction des Articles principaux de l’Acte de la Navigation Anglaise dont il est souvent fait mention dans l’Ouvrage »16. La stratégie visant à valoriser l’adoption d’un acte de navigation, trouva son expression la plus complète dans l’Essai sur les intérêts du commerce maritime ; cet ouvrage bénéficia, après l’édition de 1754, d’une large circulation européenne grâce à sa réimpression dans un recueil à grand succès, publié à Amsterdam en 1756, sous le titre de Discours politiques de Mr. Hume17. Dans son Essai, O’Héguerty souligna l’infidélité des Provinces-Unies vis-à-vis de la France et insista sur l’alliance naturelle qui existait entre cette république et le système anglais, car les Hollandais étaient les souscripteurs de la dette publique anglaise. L’adoption d’un acte de navigation aurait permis de protéger non seulement la marine marchande française de leur concurrence ; mais liant l’économie de la métropole à celle de ses colonies, il aurait pu aussi créer un marché colonial intégré, comme jadis l’avait fait l’Angleterre. Dans Les intérêts de la France mal entendus (1756), Ange Goudar développa les considérations avancées par O’Héguerty en soulignant que l’adoption de l’acte de navigation anglais, qu’il présenta en traduction intégrale, aurait permis à la France, pays agricole et manufacturier, de se réapproprier le commerce que les marines anglaise et hollandaise lui avaient soustrait :
Pour porter un échec considérable à la Marine angloise ou hollandoise, il y a un grand moyen, qui est d’ordonner qu’à l’avenir les denrées de notre crû ne pourront être transportées pour l’étranger, que sur nos propres vaisseaux, le capitaine françois et les trois quarts de l’équipage au moins également françois. […] Chaque Peuple n’a qu’à reprendre ses droits et la marine de chacun de ces états sera réduite à un très-petit nombre de vaisseaux. Le règlement qu’on propose ici, seroit d’autant plus convenable, qu’il ne seroit point opposé à l’Acte de Navigation d’Angleterre, et qu’au contraire il y seroit conforme. Etant ordonné dans celui-ci, que les marchandises et denrées de l’Europe ne pourront être apportées en Angleterre, par d’autres vaisseaux que par ceux qui sortiront des ports des pays où se fabriquent les marchandises, et où croissent les denrées18.
8Néanmoins, il faut signaler ici que, parmi les membres du groupe, la promulgation d’un acte de navigation ne faisait pas l’unanimité : au débat autour de la nécessité de se passer du rôle d’intermédiaire hollandais à travers l’adoption de cet instrument, participa un autre proche de Gournay, Butel-Dumont, personnage central dans la réflexion sur la vocation impériale de la France dans les années cinquante et soixante : censeur royal, Butel-Dumont joua le rôle de secrétaire de la commission créée pour établir les confins dans les colonies de l’Amérique septentrionale ; il utilisa cette expérience pour écrire, en 1755, en collaboration avec Forbonnais, cette Histoire et commerce des colonies angloises dans l’Amérique septentrionale qui, à travers l’analyse du succès du commerce anglais avec ses colonies, suggérait au gouvernement français l’adoption d’une stratégie précise en matière de politique coloniale19.
9Ce fut Butel qui, dans l’Histoire et commerce des Antilles angloises (1758), plaça l’acte de navigation à l’intérieur d’une réflexion plus vaste sur la vocation impériale de la France. Examinant les caractéristiques d’un empire colonial intégré, Butel-Dumont présenta avec force l’acte de navigation anglais et ses modifications successives, car il était conscient que cette législation avait été l’instrument utilisé par les Anglais pour subordonner les intérêts des colonies à ceux de la métropole. Réfléchissant sur cette législation, Butel-Dumont s’interroge bien évidemment sur l’utilité de l’Exclusif, le système qui réglait en France les relations avec ses colonies et écrit :
Les colonies [anglaises] s’éleverent contre cette nouvelle police [acte de navigation], dès qu’elle fut établie ; et elles n’ont jamais cessé de se plaindre du préjudice qu’elle leur a apporté. Il est très certain en effet, que le cours de leur prospérité a été altéré par-là. Le gouvernement et la législature d’Angleterre, s’attendoient à cet effet, mais le ministére de même que le parlement, considérant que tout l’Empire Britannique ne formoit qu’un seul arbre à divers rameaux, crurent devoir faire refluer vers le tronc des sucs qui se portoient avec trop d’abondance dans quelques branches20.
10Bien qu’il accepte de subordonner l’économie des colonies à celle de la métropole, Butel-Dumont prend ses distances vis-à-vis de l’acte de navigation car après avoir utilisé la comparaison du tronc et de l’arbre, il souligne que cet acte n’avait été effectivement utilisé qu’en 1660. L’Angleterre avait constamment modifié le régime, en l’assouplissant : destiné à contrecarrer la suprématie hollandaise et à accroître la richesse nationale, l’acte de navigation avait contribué à la fortune des colonies françaises sucrières :
Telle fut leur idée : et ils l’ont suivie aussi long-temps, que la diminution de l’opulence dans leurs colonies, n’a pas affecté le corps général de la nation Angloise. Lorsque les restrictions imposées sur leur commerce ont paru en trop affoiblir le cours, la même autorité qui les avoit établies, les a abolies ou modifiées. On doit pourtant convenir, que, comme il faut que les inconvéniens soient bien sensibles avant que la législature se détermine à altérer ses statuts, les remédes ne viennent pas toujours assez tôt. C’est ainsi que les limites dans lesquelles l’acte de navigation à resserré trop long-temps le commerce du sucre, à contribué à l’accroissement des sucreries dans les Antilles Françoises. En renchérissant le fret, elles ont diminué les facilités dont les Anglois avoient besoin pour nuire au débit que leurs rivaux faisoient de cette denrée : l’Angleterre a tenté à la fin, diverses mesures pour regagner un commerce de la perte duquel elle s’est aperçue trop tard21.
11Derrière cette prise de distance quant à l’adoption en France d’un acte de navigation, il est possible de déceler l’influence de la réflexion de Forbonnais : théoricien de la compatibilité entre monarchie et commerce, ce dernier s’était détaché progressivement du projet synthétisé dans la formule « liberté et protection », pour concevoir un projet que l’on pourrait résumer par « liberté et concurrence », à savoir liberté des monopoles et concurrence entre les producteurs et les commerçants à l’intérieur du royaume ainsi que dans les colonies. Comme le démontra une note de sa main, au temps de la rédaction des Remarques au Traité de Child, Forbonnais partageait l’avis de Gournay, en particulier la nécessité d’arriver à obtenir des conditions de réciprocité et de voir respecter les engagements réciproques et, pour ces raisons, il avait soutenu l’idée de faire adopter un acte de navigation22.
12Lorsqu’il traduisit en 1752 le British Merchant, Forbonnais prit, au contraire, ses distances par rapport à une vision toute centrée sur la nécessité de doter la France d’une marine marchande autonome. Dans la « Préface du Traducteur » qui ouvre le manuscrit du Négotiant anglois, Forbonnais avance le projet de transformer la France en une puissance économique, sans pour autant viser une situation hégémonique. Réfléchissant sur l’esprit de parti qui animait l’ouvrage qu’il était en train de traduire, et sur le rôle même de ses propres observations, Forbonnais écrit en effet :
J’ai pris soin de le faire remarquer dans les endroits les plus frappans ou les plus essentiels, uniquement pour rectifier les idées des Lecteurs qui ne seroient pas éclairés par eux mêmes : la dispute seroit desormais inutile, et s’il étoit permis de dire ce que je pense sur un pareil sujet, le plus sûr pour la France me paroit être l’état actuel des choses. Elle n’a jamais ambitionné le commerce du monde entier comme l’Angleterre, mais elle doit estre jalouse de la portion que lui permet sa position23.
13 Forbonnais exposa clairement son point de vue dans les Elémens du commerce : bien qu’il soit conscient de la concurrence que représentait la marine marchande hollandaise, il refusait l’idée de promulguer un acte de navigation ; d’après lui, il n’était pas possible de suivre l’exemple anglais de 1660 car cet acte aurait poussé les nations concurrentes à chercher des marchés alternatifs, entraînant ainsi la mise à l’écart d’importants secteurs de l’économie française :
toutes les circonstances ne sont pas propres à appliquer les principes de la même manière. Si chacune des nations avec lesquelles l’Angleterre commerçoit, eût dans le tems fait respectivement à elle un pareil acte, elle eût perdu plusieurs branches utiles de son commerce, comme celui du Levant, des Indes orientales. Quelques branches même souffrirent jusqu’à ce qu’elle eût acquis un fond suffisant de vaisseaux, quoique ses chantiers fussent déjà très nombreux24.
14Il utilisa la même expression qu’il avait employée dans la « Préface du Traducteur » au Négotiant anglois, pour s’opposer à l’adoption d’un acte de navigation et écrit : « Aujourd’hui tous les peuples sont trop éclairés sur les intérêts du commerce, pour qu’un dentr’eux osât entreprendre une opération si vigoureuse »25.
15Bien qu’il ait développé une vision claire de la France comme puissance coloniale, Forbonnais poussa le gouvernement à accroître sa capacité à gagner la préférence des acheteurs internationaux à travers une concurrence accrue à l’intérieur du pays, d’où ses attaques contre les monopoles et les inspecteurs26. Loin de recourir à l’adoption d’un acte de navigation, il invita le gouvernement à mettre en concurrence tous les pays intéressés à exercer la fonction de voituriers pour la France :
Mais il est un autre expédient plus doux et d’un effet plus certain. Je ne parle point de la prohibition où doit être vis-à-vis des étrangers, l’exportation des denrées nationales de port en port et le long des côtes d’un état, parce qu’elle est indispensable et ne peut exciter la moindre plainte ; d’ailleurs l’égalité du traitement n’est pas dangereuse dès qu’on est réduit à arrêter les progrès de cette tolérance. Le seul moyen efficace de se soustraire à la supériorité des navigateurs étrangers, c’est d’établir la plus grande concurrence possible dans sa navigation27.
16 Ce fut cette prise de position précise contre l’adoption en France d’un acte de navigation qui troubla l’entente qui s’était établie pendant les années cinquante entre Forbonnais et Choiseul : en effet, ce dernier avait recherché la collaboration des membres de l’école de Gournay car il était convaincu que la création d’un équilibre maritime était indispensable pour soutenir une politique de puissance d’envergure28. Nommé ministre des Affaires étrangères en 1758, Choiseul exerça une forte pression diplomatique sur la Hollande, utilisant précisément l’arme de l’acte de navigation : d’Affry, envoyé en Hollande pour négocier sa neutralité commerciale, fut autorisé par Choiseul à affirmer positivement que la France était prête à édicter un acte de navigation, dans le cas où la république ne respectait pas le droit, qui remontait au traité de 1674, de commercer librement avec les puissances en guerre avec l’Angleterre29.
17L’utilisation politique de l’acte de navigation fut âprement contestée par Forbonnais, à qui l’on doit attribuer la publication en 1760 d’un ouvrage qui, reprenant littéralement les passages les plus importants contenus dans ses Elémens ainsi que dans l’ouvrage de Butel de 1758, ambitionnait de rallier tous les membres de l’école sur ce sujet après la mort de Gournay. Dans l’Acte du parlement d’Angleterre, connu sous le nom d’Acte de Navigation, passé en 1660 traduit littéralement de l’Anglois, avec des notes, le commentateur évoque le débat en cours :
On entend tous les jours louer en France l’Acte de Navigation passé en Angleterre. Les grands effets qu’il a produits dans ce Royaume voisin éblouissent ; et le besoin présent d’une Marine nombreuse inspire des regrets sur l’absence d’une police semblable parmi nous30.
18Après l’avoir décrit, il soutint que l’imitation d’un modèle, tout bon qu’il soit, présuppose une exacte évaluation des circonstances des lieux31. L’auteur de l’Acte certainement Forbonnais étant donné la similarité de point de vue avec ses Elémens, souligna que l’acte de navigation avait été utilisé par l’Angleterre pour régler son commerce avec les colonies ainsi que pour accroître sa marine marchande. Après avoir illustré ce double aspect, il démontra que le principal objectif de l’Angleterre en adoptant cet acte avait été de « se faire craindre » : la création d’une marine de poids était en effet indispensable à la défense d’une île32. L’avantage défensif assuré par l’édiction d’un acte de navigation compensait amplement ses coûts car cet instrument n’était pas sans défauts : il empêchait de vendre « les productions naturelles de l’Angleterre et les ouvrages de ses manufactures plus cher et en plus grande quantité par la concurrence et le grand nombre des acheteurs qui viendroient du dehors ». Sans cet acte,
les marchandises étrangeres se donneroient à meilleur marché dans ce Royaume par la concurrence et le grand nombre de vendeurs qui viendroient pareillement du dehors et que le bénéfice de fret ne dédommage peut-être pas la Nation de ce qu’elle perd par ce Réglement sur ses ventes et sur ses achats33.
19Profitable dans le cas d’une île, l’acte de navigation pouvait causer des problèmes dans le cas d’« un grand Etat environné de Peuples puissans établis dans l’intérieur des terres, et riche en productions naturelles, en manufactures ». Un État ainsi caractérisé ne pouvait pas tirer les avantages militaires dont l’Angleterre jouissait ; par conséquent, il ne pouvait
balancer les désavantages qui en [de la promulgation d’un acte de navigation] seroient la suite, puisque ses armées navales ne défendront point ses frontières, et qu’il résulteroit de cet arrangement un débit extérieur de ses denrées moins avantageux. Il paroît que la seule Police que l’Etat hypothétique dont on parle doive établir sur ce point, est d’interdire aux Etrangers le commerce de ses Colonies, et le cabotage sur ses propres côtes, leur ouvrant d’ailleurs tous ses Ports34.
20De toute évidence, l’État hypothétique évoqué par Forbonnais était la France : la décision prise en 1760 « d’expliquer davantage cette façon de penser »35 doit être mise en relation avec un autre point de désaccord apparu au cours de la guerre de Sept Ans entre le projet de « liberté et concurrence » et la stratégie diplomatique poursuivie par Choiseul. Pour renforcer en Hollande le parti philo-français favorable à la neutralité, le ministre des Affaires étrangères avait autorisé d’Affry à négocier le renouvellement du traité de commerce de 1713, concession économique suspendue en 1745 et qui, en 1759, trouvait en Hollande un accueil bien évidemment très favorable36.
21Comme on l’a vu, la stratégie diplomatique visant à subordonner les intérêts économiques aux objectifs diplomatiques de la France, avait été âprement contestée par Gournay, dès son Mémoire de 1747-1748. Fidèle à l’enseignement de son maître, Forbonnais développa le projet « liberté et concurrence », mettant résolument en question l’utilité des traités de commerce comme instruments de règlement des relations entre États37.
22Plusieurs notes contenues dans le manuscrit du Négociant anglois nous autorisent à affirmer que Forbonnais avait participé aux négociations conduites par la diplomatie française afin d’éviter l’ouverture du conflit avec l’Angleterre et qu’il avait cherché à en orienter le résultat. En effet, en 1752, il était question non seulement du possible renouvellement du traité de commerce avec les Provinces-Unies et de la signature du traité de commerce avec la Prusse ; on était en train de vérifier la disponibilité anglaise à traiter38. À ce propos, il est important de souligner que les ministres anglais et français ne savaient pas si le traité de 1713 était toujours en vigueur, car bien que signé, il n’avait pas été ratifié par le Parlement anglais39. Face à la possibilité de « renouer avec les Anglois » un traité de commerce, Forbonnais avait objecté que
Les deux nations sont aujord’hui trop éclairées pour espérer de les voir se lier par un traité de commerce ; l’on ne conviendroit jamais du point de l’égalité, la différence des avantages naturels le rend presque impossible à trouver : quand même on y parviendroit ce seroit peut être restreindre ces avantages que de se soumettre à l’égalité40.
23Tenant compte de la participation de Forbonnais aux négociations de 1752, il est possible d’affirmer que ses annotations ainsi que la publication de ce texte répondaient à un but politique précis : l’élève de Gournay traduisit et commenta le British Merchant pour démontrer que le traité de 1713 entre la France et l’Angleterre ne pouvait pas être proposé comme base à la négociation, dans la mesure où il était défavorable à la France à cause de l’inflation. Forbonnais faisait remarquer que, si l’on voulait à nouveau utiliser ce traité, il était indispensable d’abaisser les droits anglais afin de trouver « le point de l’égalité » ; le problème du change devait en outre être pris en compte41. Réfléchissant précisément au traité anglo-français d’Utrecht de 1713 et au traité anglo-portugais de Methuen de 170342, Forbonnais parvint à la conclusion que l’instrument des traités de commerce était fondamentalement incapable de concilier les intérêts économiques nationaux avec le maintien de relations interétatiques pacifiques.
24À l’instrument des traités, Forbonnais opposa le projet d’ouvrir dans les ports français « un entrepôt perpétuel et absolument libre de droits à toutes les denrées, soit du Nord, soit du Midi » transportées par les neutres du Nord, c’est-à-dire les Danois, les Suédois et les Moscovites43. À la place des traités de commerce bilatéraux, Forbonnais proposa donc la création de ports francs de dépôt ; en lieu et place d’un acte de navigation, il argumentait en faveur d’une politique douanière favorable à la marine des pays producteurs. Son projet, qui minait évidemment les intérêts des Hollandais44, ne fut pas apprécié par Choiseul : essayant de s’attacher la république, le ministre prépondérant avait proposé la création d’une nouvelle compagnie chargée du commerce colonial français, où les capitaux de la Compagnie hollandaise des Indes orientales et ceux d’une nouvelle compagnie privilégiée française, devaient être réunis « de façon à contenir celle d’Angleterre par rapport au commerce »45.
25Grâce à l’école de Gournay, la réutilisation possible du traité de commerce signé avec la Grande Bretagne en 1713, ainsi que le renouvellement éventuel du traité de commerce avec les Provinces-Unies, devinrent un « sujet de conversation ». Jamais la signature des traités de commerce n’avait été si ouvertement débattue en France : il suffit de se rappeler par exemple le secret qui avait entouré les négociations qui, en 1713, aboutirent à la signature des traités de commerce d’Utrecht avec l’Angleterre et les Provinces-Unies. Bien que Louis XIV fît appel à un représentant du monde du commerce rouennais, ainsi qu’à deux représentants des chambres de commerce de Lyon et de Bordeaux, les démarches accomplies pour parvenir à des condition de réciprocité n’eurent pas d’écho. Ce ne fut pas un hasard si les Mémoires de Torcy, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères qui avait joué un rôle important dans la signature des traités de commerce d’Utrecht, furent publiés en 175646, après la signature des préliminaires du traité de commerce avec la Prusse de 1753, et le renouvellement en 1754 des traités de commerce avec la Suède et le Danemark47.
26Il est évident que les notes au British Merchant que Forbonnais avait composées dans l’espoir de « rectifier les idées des Lecteurs qui ne seroient pas éclairés par eux-mêmes », ainsi que la décision prise en 1760 « d’expliquer davantage cette façon de penser » en matière d’acte de navigation, visaient à créer un consensus autour de son projet d’équilibre maritime. C’est précisément pour pousser les élites dirigeantes à reformuler les objectifs de la politique étrangère, en tenant compte des aspirations et des demandes provenant de la société française, en particulier du monde du commerce de gros et de la propriété coloniale, qu’il réclama cette « sage liberté » de traiter en public « les matiéres utiles à l’Humanité ». La dimension publique qu’il attribuait aux « matiéres oeconomiques », et qu’il contribua à transformer « en sujet de conversation », est étroitement liée au combat qu’il mena pour une meilleure prise en compte des considérations économiques dans les décisions de politique étrangère : il n’est pas sans intérêt de remarquer que dans ses Réflexions, il associe la « sage liberté » à l’objectif de réaliser l’équilibre maritime, expression qu’il utilisa pour la première fois pour décrire les changements introduits par la société commerciale48.
27 En outre, il est évident que l’appel à une « sage liberté » répondait à la nécessité de créer un consensus autour de son projet de « liberté et concurrence » : c’est pour cette raison qu’il exerça une forte pression sur les administrateurs afin qu’ils adoptent les réformes en matière d’agriculture, de commerce et de finance qu’il était en train d’esquisser dans ses ouvrages. C’est Forbonnais lui-même qui nous incite à interpréter ainsi sa défense d’une « sage liberté » ; se défendant de l’accusation de révéler des secrets d’État, il affirmait en effet :
On ne peut pas dire non plus qu’il soit dangereux d’éclairer les étrangers sur des objets dont ils ne peuvent troubler l’ordre : l’attention qu’ils peuvent faire à ces sortes d’écrits sera moins à craindre à mesure que l’administration y en apportera davantage49.
28Il n’est pas étonnant que Forbonnais ait établi une stricte liaison entre la « sage liberté » et le « service du Prince et de [sa] Patrie », car les écrivains à qui il attribue la liberté de traiter les matières économiques, « sçavent se tenir dans les bornes du respect et de la soumission dûs au Magistrat »50.
29Coincé entre le désir d’orienter les choix de politique étrangère et de politique économique d’une part, et la nécessité de « se tenir dans les bornes du respect et de la soumission » de l’autre, Forbonnais dut souvent s’auto-exiler de Paris51 ; il dut, en outre, prendre acte que la publicité qu’il donnait à son projet de « liberté et concurrence » pouvait se transformer en un puissant obstacle à sa réalisation car :
En livrant mon travail à l’impression, j’aurois probablement nui à des réformes que je sollicitois avec ardeur, parce que les supérieurs n’aiment point à être enseignés en public, et que les parties intéressées aux désordres, qui me trouvoient assis dans leur chemin à chaque fait, se seroient réunies avec effort contre des plans développés52.
30Justement pour soustraire son projet aux attaques conjuguées des supérieurs et des parties intéressées par le maintien du statu quo, il avait décidé en 1765 de ne pas faire connaître son projet de réforme, sans pour autant l’abandonner. Le consensus qu’il avait recherché pendant sa jeunesse en utilisant l’écrit imprimé, souvent sous le couvert de l’anonymat53, l’emporta finalement à la fin de sa vie quand il vit son projet « réussir à pas lents ; et lorsque [il] fut invité à [s]e rendre au comité monétaire de l’assemblée constituante en 1790, [il] achev[a] d’y employer les matériaux de l’ouvrage ».
31Il est important de souligner que l’ouvrage sur les « monnois à l’usage de l’administration », qu’il avait décidé de ne pas publier en 1765, parut en 1796. Acceptant la proposition de réimprimer durant l’époque révolutionnaire ses Elémens du commerce, il décida en effet de diffuser cet ouvrage car, ayant déjà été utilisé, il ne présentait plus d’intérêt immédiat : « Ainsi il n’auroit plus rien de piquant ni d’utile ; et il faut le regarder comme non avenu »54. Doit-on croire à cette interprétation réductrice que Forbonnais lui-même semblait attribuer, en 1796, à la liberté d’imprimer ? Certainement pas, car son engagement lors des événements révolutionnaires ainsi que ses prises de positions en matière d’assignats nous invitent à penser que l’insertion de son ouvrage inédit sur les « monnois à l’usage de l’administration » vise à nouveau, par l’écrit imprimé, à gagner l’opinion publique à son projet réformateur. Cela apparaît distinctement lorsque l’on feuillete l’édition des Elémens de 1796, dans laquelle Forbonnais décida d’accompagner la réimpression de son ouvrage de 1754 avec la réimpression des deux premières parties des Principes et Observations économiques (1767), c’est-à-dire ce qu’il avait fait, selon ses propres termes, « de plus soigné, et le véritable compendium de [s]a doctrine sur les matières économiques, c’est-à-dire commerce, finance, et crédit public dans toutes ses branches ». De toute évidence, l’édition de 1796 des Elémens ne fut certainement pas une opération d’érudition : cédant ses droits de propriété aux éditeurs, il utilisa l’expression qu’il avait employée en 1755 pour théoriser la nécessité de transformer les matières économiques en sujet de conversation ; de surcroît, il enrichit son appel à l’engagement politique d’une considération liée à l’évolution du lectorat. Autorisant la réimpression de son ouvrage, il lia strictement la recherche de l’utilité publique, qui avait inspiré son activité de publiciste au cours du xviiie siècle, à la nécessité de mettre un ouvrage à la disposition du plus grand nombre. Dans la lettre envoyée aux éditeurs en réponse à leur offre, il mit fortement l’accent sur le fait que, durant sa jeunesse, il avait « satisfait l’impulsion de [s]on cœur, en travaillant pour l’utilité publique » : « Je suis payé, si j’ai approché du but ; et, dans ce cas, je desire contribuer, autant qu’il est en moi, à ce que le prix [de vente des Elémens] soit modéré »55.
Notes de bas de page
1 Voir K. M. Baker, « Politics and Public Opinion », et pour une version modifiée, Inventing the French Revolution, le chap. viii qui a pour titre « Public Opinion as Political Invention », à confronter avec M. Ozouf, « L’opinion publique », qui, au contraire, parle de l’opinion publique comme d’une « réalité concrète » et plus récemment avec J. van H. Melton, The Rise of the Public.
2 J. A. W. Gunn, Queen of the World, pp. 246-281, 231-232 et 315 ; voir aussi A. Decroix, « L’instrumentalisation politique », et A. Hyard, « L’opinion publique et les physiocrates ».
3 Voir la « Conclusion des Remarques sur l’ouvrage du chevalier Child », dans V. de Gournay, Traités sur le commerce de Josiah Child, éd. T. Tsuda, où Gournay écrit : « Mais si l’habitude de traiter les Hollandois mieux que les sujets du Roy nous fait penser que la bonne politique l’a voulu ainsy, je réponds que cela ne vient que de l’indifférence que nous avons eue jusques à présent pour les matières de commerce et que la bonne politique n’a jamais voulu dans aucun temps, que l’on enrichit des alliés au préjudice de ses propres sujets ; mais quand même la nécessité des temps ou des circonstances particulières nous eussent obligé d’en agir ainsy, les choses sont tout à fait changées aujourd’huy » (p. 424).
4 G. R. Conrad, « Reluctant Imperialist » ; voir aussi D. Miquelon, « Envisioning the French Empire ».
5 Pour les traductions de l’anglais, voir A. E. Murphy, « Le développement des idées économiques en France », pour celles de l’espagnol, N. Guasti, « Forbonnais e Plumard », et de manière plus générale J.-C. Perrot, « Nouveautés », et C. Théré, « Economic Publishing and Authors, 1566-1789 ».
6 Pour la contribution d’Ernest Luch à l’étude des traductions dans la problématique plus large de la circulation et de la réception des idées économiques dans des contextes nationaux différents, voir V. Llombart Rosa, « Realidad nacional y circulación internacional » ; voir en outre J. L. Cardoso, « The International Diffusion of Economic Thought » ; B. Delmas, T. Demals et Ph. Steiner (éd.), La diffusion internationale de la physiocratie ; M. Bianchini et A. Tiran, « La Francia, l’Italia e la formazione dell’economia politica » ; V. Becagli, La diffusione della fisiocrazia nell’Italia del ‘700.
7 Pour la transformation des matières économiques en sujet de conversation et l’appel à une « sage liberté », voir les Réflexions sur la nécessité de comprendre l’étude du commerce et des finances dans celle de la politique, qu’il ajouta à la seconde édition de ses Considérations sur les finances d’Espagne, p. 247.
8 Voir A. Alimento, « Competition, true patriotism and colonial interests », pp. 68-87.
9 Le Mémoire sans titre (1747-1748 ?), dans V. de Gournay, Mémoires et Lettres de Vincent de Gournay, pp. 2-12.
10 Ces Remarques, qui restèrent manuscrites à cause de l’opposition du gouvernement, ont été éditées par T. Tsuda (éd.), Traités sur le commerce de Josiah Child, et plus récemment par S. Meyssonnier (éd.), Traités sur le commerce de Josiah Child.
11 Voir G. Schelle, Vincent de Gournay, p. 24.
12 « Conclusion des Remarques sur l’ouvrage du chevalier Child » : « qu’avons nous à appréhender en refusant de renouveller avec les Hollandais un traité, et de continuer à les favoriser en France comme ils l’ont été par le passé ? Craignons nous de les lier plus intimement avec les Anglois ? Mais depuis les changements arrivées en Hollande en 1748, ne peut-on pas dire que la Hollande est dans une espèce de dépendance de l’Angleterre, en sorte que dans le cas où nous aurions la guerre avec l’Angleterre, la Hollande se trouveroit forcée de suivre l’impulsion que luy donneroient les Anglois, et de tourner sa marine contre nous ; en sorte que former des matelots aux Hollandois comme nous le faisons en vertu de nos traités avec eux, c’est ajouter pour ainsi dire aux forces maritimes d’Angleterre. Mais quand meme nous pourrions nous flatter de voir un jour les Hollandois briser les liens qui les attachent aujourd’huy à l’Angleterre, et joindre leur marine à la notre pour brider une puissance aussi jalouse de leur propre commerce que du notre, pourrions nous compter assés solidement sur ce secours ? Et vaudroit-il jamais celui que le Roy trouvera toujours dans ses sujets, quand par un bon acte de navigation il en fera des matelots, et augmentera sa marine au lieu d’augmenter celle des Hollandois, comme nous n’avons pas cessé de le faire depuis l’établissement de la République », dans T. Tsuda (éd.), Traités sur le commerce de Josiah Child, pp. 424-425.
13 J. Child, Traités sur le commerce.
14 J. Gee, Considérations sur le commerce.
15 Voir F. Cadilhon, Jean-Baptiste de Secondat de Montesquieu.
16 J. Gee, Considérations sur le commerce, la traduction aux pages 210-215.
17 [P.-A. O’Héguerty], Essai sur les intérêts, dans D. Hume, Discours politiques de Mr. Hume, t. II.
18 [A. Goudar], Les intérêts de la France, qui affirma : « il seroit inutile d’objecter que ces deux gouvernemens [de la Hollande et de l’Angleterre], pour mettre des obstacles à l’augmentation de cette nouvelle marine françoise, défendroient dans leurs etats l’entrée de nos propres denrées, transportées sur nos propres vaisseaux. Cette prohibition ne sçauroit avoir lieu. La France […], peut se passer de la Hollande et de l’Angleterre ; mais la Hollande et l’Angleterre ne peuvent pas se passer de la France. Leur climat leur refuse une infinité de choses nécessaires, que nous avons et qu’ils n’ont pas. Nous pouvons toujours leur donner la loi de ce côté-là, parce qu’elles sont en quelque façon sous notre dépendance physique. […] La puissance maritime des Anglois et des Hollandois, n’est fondée que sur l’indolence des autres Nations » (t. III, pp. 122-123).
19 Voir P. Cheney, Revolutionary Commerce, pp. 103-110.
20 [G.-M. Butel-Dumont], Histoire et commerce des Antilles angloises, pp. 138-139, à confronter avec les Questions sur le commerce des français au Levant où Forbonnait écrit : « Ceux qui connoissent le Commerce, savent suivre les divers rameaux, et ne perdent jamais de vue le tronc dont ils portent » (p. 131) ; voir P. Cheney, Revolutionary Commerce, p. 107.
21 [G.-M. Butel-Dumont], Histoire et commerce des Antilles angloises, pp. 139-140.
22 Voir la note aux Remarques où il écrit : « Il y a plus, ils ne sont pas même tels qu’ils pourroient être, puisque le nombre des habitans, la culture des terres et les manufactures pourroient les augmenter, ainsi que notre exportation au dehors, par les moyens indiqués dans un mémoire dont les principaux sont la réduction de l’intérêt, la suppression même des maîtrises actuelles, du moins des apprentissages pour l’avenir la réduction, les manufactures, le concours des armemens, et surtout la réduction des impôts en général, et en particulier, la suppression de ceux qui entraînent trop de frais, et un acte de navigation pareil à celui des Anglois » ; la note a été attribuée à Forbonnais par S. Meyssonnier dans sa nouvelle édition critique des Traités sur le commerce de Josiah Child (p. 217).
23 « Préface du Traducteur », dans [F. Véron de Forbonnais], Le Négotiant anglois, manuscrit conservé dans la Bibliothèque du Sénat, Paris, ms. 158, ancien 9017, fos 1-31 ; d’après une référence interne, la traduction fut terminée en août 1752.
24 [F. Véron de Forbonnais], Elémens du commerce (1754), t. I, p. 356 ; il est intéressant de souligner que dans l’« Avertissement » il affirma : « Ce n’est pas cependant que je me flatte d’être utile à tous ceux qui pourroient entreprendre la lecture de ce Traité : je dois même les prévenir qu’il n’est point écrit pour ceux qui lisent, afin de s’épargner la peine de penser. Mon plan a été de convaincre » (p. iii).
25 Ibid., t. I, p. 356.
26 Pour vaincre la concurrence des puissances maritimes, il poussa le gouvernement à ouvrir le commerce du Levant, abolissant le monopole dont bénéficiait Marseille ; il mit ainsi en question l’utilité des compagnies privilégiées, voir A. Alimento, « Entre animosité nationale et rivalité d’émulation », pp. 140-144.
27 [F. Véron de Forbonnais], Elémens du commerce (1754), t. I, p. 357.
28 Voir la lettre du 28 octobre 1759 à d’Affry, où Choiseul, réfléchissant sur l’importance de la perte du Québec pour la France, affirmait qu’elle touchait toutes les puissances qui avaient « des établissements dans les Indes occidentales. Les Anglais, devenus maîtres de toute l’Amérique septentrionale, ne laisseront aux autres nations commerçantes qu’une navigation précaire, et l’équilibre sur mer duquel dépend l’équilibre sur terre sera anéanti sans ressource. Il y a un siècle qu’on ne s’est occupé que de maintenir le dernier, que personne n’attaque, et on a laissé détruire l’autre, que personne n’a défendu. C’est un ample sujet de réflexion pour quiconque s’intéresse encore au repos et au bien public », cit. dans A. Bourguet, Études sur la politique étrangère, pp. 113-114.
29 Sur le principe du « Free ships-Free goods » contenu dans le traité de commerce de 1674 entre Angleterre et Provinces-Unies et sur les instructions que Choiseul donna à d’Affry, son envoyé extraordinaire en Hollande, voir R. Pares, Colonial Blockade and Neutral Rights, p. 265.
30 Acte du parlement d’Angleterre, p. xxxiv.
31 Ibid. : « On ne réfléchit pas assez que les circonstances des lieux changent la nature des loix qui leur sont propres, et qu’en imitant aveuglément un très-bon modèle on s’expose à prendre des mesures très-fausses » (p. xxxiv).
32 Ibid. : « Supposons que l’Angleterre fasse partie du continent, et qu’elle tienne par ses confins à de grandes Nations, dont ses forces de Mer ne lui serviroient que foiblement à se faire respecter ; voilà les restrictions qu’elle a imposées sur la Navigation devenues inutiles dans leur effet le plus essentiel ; puisqu’excepté ce qui regardoit le commerce des Colonies, le principal objet de la législature étoit, en augmentant la Marine du Royaume, de le rendre plus formidable. Au contraire, la position de la Grande Bretagne, au milieu des Mers rend ces Réglemens très intéressans pour elle ; car il ne suffit pas pour une Nation d’être riche, il faut qu’elle soit à portée de se faire craindre. L’Angleterre dénuée de ses flottes, bien loin d’en imposer à ses voisins, se verroit exposée aux insultes qu’ils voudroient lui faire, ou du moins n’obtiendroit d’eux qu’une considération précaire » (p. xxxv).
33 Ibid., p. xxxiv.
34 Ibid., p. xxxv.
35 Ibid., p. xxxiij.
36 Voir A. Alimento, « Competition, true patriotism and colonial interests », pp. 91-94.
37 G. Fleury, François Véron de Fortbonnais, a signalé la présence de nombreuses Observations sur les traités de commerce signés entre 1739 et 1742 dans les manuscrits laissés par Forbonnais après sa mort (Appendice II).
38 Voir J. R. Dull, The French Navy, p. 8.
39 Voir R. Pares, Colonial Blockade and Neutral Rights, p. 179 et n. 2 et A. Alimento, « Commercial treaties and the harmonisation of national interests ».
40 Idéé générale du British Merchant avec quelques Observations sur le commerce de la France et de l’Angleterre, dans [F. Véron de Forbonnais], Le Négotiant anglois, ms., n.n. [401].
41 Cette interprétation est confirmée par une note des Recherches et considérations de F. Véron de Forbonnais : réfléchissant à la façon dont on devait conduire les négociations, « Si la France et la Hollande renouvelloient leurs tarifs, la France travailleroit à se faire payer les mêmes droits ou à les augmenter, et à diminuer ceux qu’elle paye en Hollande. Si la Hollande demandoit la diminution des droits de France, et que la France continuât de payer les mêmes droits en Hollande, la France n’accorderoit pas cette demande : pourtant en haussant les especes, elle fait autant en faveur de tous les pays étrangers, que si elle l’avoit accordé », Forbonnais place une note, la note a, où il écrit : « Le raisonnement est évident et de la plus haute importance ; c’est un des plus forts argumens employés dans les notes du Négociant Anglois, pour prouver que l’augmentation de droits portée dans le traité de commerce stipulé à Utrecht en faveur de nos manufactures étoit chimérique ; et le même calcul peut être appliqué à tous les traités de Commerce que nous avons renouvellés depuis 1689, époque fatale de nos surhaussemens de monnoies » (t. VI, p. 231).
42 Sur ce traité qui avait transformé la viticulture portugaise en une « excroissance anglaise de type quasi colonial », voir F. Crouzet, La guerre économique, Id., « Guerre, commerce, guerre commerciale » et la remarquable étude de J. V. C. Nye, War, Wine, and Taxes.
43 Voir ses Recherches et considérations : « il sembleroit de l’intérêt de la France d’adopter un systême conforme aux circonstances et à ses intérêts politiques. Nous ne pouvons évidemment tirer tout la parti possible du commerce du Midi, tant que nous nous contenterons d’y porter nos denrées, et que nos vaisseaux ne seront pas assurés d’un fret en retour. Pour leur assurer ce fret en retour, il faut absolument trouver un débouché dans le Nord des denrées superflues du Midi que notre Commerce peut nous apporter. Il paroît presque impossible que cette réexportation se fasse par nous-mêmes ; mais les Nations du Nord, les Danois, Suédois, Moscovites, ont des hommes et des vaisseaux à bon marché, et ces peuples manquent de capitaux […] Fournissons leur ces capitaux qui leur manquent, diminuons la dépense de leurs voyages, en ouvrant dans nos ports un entrepôt perpétuel et absolument libre de droits à toutes les denrées, soit du Nord, soit du Midi. La base de ce système de Commerce seroit une imposition de dix livres par tonneau sur tous les vaisseaux étrangers sans distinction, excepté dans le cas où ils apporteroient les denrées de leur propre cru, ou de leurs Colonies : de maniere que tous nos Traités de commerce consisteroient dans le Tarif respectif qui seroit arrêté avec chaque nation des denrées réputées de son cru et du nôtre » (t. III, pp. 23-24).
44 [F. Véron de Forbonnais], Recherches et considérations : « Ainsi nous sommes à l’abri de toute difficulté. D’un autre côté il est évident que nous mettons dans leur intérêt tous les peuples capables d’un commerce actif, qu’il n’en est aucun qui ne retirât de cet établissement des avantages, dont il ne jouit point aujourd’hui, et dont il est difficile qu’il jouisse autrement » (t. III, p. 24).
45 La lettre de Choiseul à d’Affry où il l’autorisait à faire cette proposition à Thomas Hope, directeur de la Compagnie des Indes orientale hollandaise est citée dans A. Alimento, « Competition, true patriotism and colonial interests », p. 94.
46 Mémoires de M. de Torcy.
47 Voir A. Alimento, « Entre animosité nationale et rivalité d’émulation ».
48 [F. Véron de Forbonnais], Réflexions sur la nécessité de comprendre l’étude : « l’équilibre maritime si nécessaire à l’Europe, et qui semble être ignoré d’elle ; tandis qu’un vain phantôme d’équilibre sur terre lui a fait verser inutilement des flots de sang. L’art de ceux qui se trouvoient intéressés à faire valoir le prestige pour détourner les yeux d’un objet plus réel, a réussi au point de faire oublier que l’équilibre sur terre est inaltérable par sa nature ; puisque toute conquête capable de le rendre chancelant, refroidit nécessairement les Alliés du Conquérant, lui suscite de nouveaux ennemis et les réunit tous contre lui. On n’envahit point des Provinces sans un éclat qui porte au loin les alarmes, et sans des efforts qui consument le Vainqueur. Mais un despotisme maritime peut s’établir sourdement, sur-tout s’il est favorisé par l’indolence de ceux mêmes auxquels il prépare des fers ; son invasion est subite, impétueuse ; l’étendue de son empire en assure la durée ; il le gouverne avec un sceptre d’airain ; et les nations étonnées reclament envain des droits que la nature leur avoit confiés pour un meilleur usage » (pp. 65-67).
49 Ibid., p. 78.
50 Ibid., p. 79.
51 A. Alimento, « Passione e disincanto ».
52 [F. Véron de Forbonnais], Elémens du commerce, an IV [1796], t. I, p. ix.
53 L. Charles, « French “New Politics” ».
54 [F. Véron de Forbonnais], Elémens du commerce, an IV [1796], p. ix.
55 Ibid., p. xii.
Auteur
Université de Pise
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