Chapitre VII. Qu’est-ce qu’un mouvement d’opinion ?
p. 257-304
Texte intégral
1L’approche des guerres de plumes par le biais de stratégie de mobilisation n’épuise pas le questionnement. Pour faire émerger un public plus large que celui résultant des logiques de réseau et d’interconnaissance, les auteurs des textes doivent défendre une cause ou du moins rendre visible un problème. Différentes modalités d’engagement s’accumulent : valeurs et sentiments agissent aussi sûrement que le calcul des intérêts. Notre analyse de la « fabrique de l’ennemi » et des pratiques diffamatoires a souligné le poids des émotions dans la mobilisation.
2Notre étude de la récupération des mécontentements par les juanistes a montré que la teneur et le sens profond des mécontentements n’étaient pas forcément trahis et manipulés dans les textes par des publicistes démagogues. Et même s’ils l’étaient, le simple fait d’avoir énoncé des griefs contre un gouvernement dit injuste leur donne corps. Toute dénonciation, même cynique, pose celui qui l’a formulée en champion d’une cause pour laquelle il doit se battre, sous peine de se voir décrédibilisé et de perdre son gain stratégique. Enfin, les intérêts sont liés à la croyance en certaines valeurs.
3Certes, la diabolisation de Nithard vise à redonner une place de choix au sein de la polysynodie à ceux que le système de régence désavantageait. Mais elle tend aussi à rappeler, entre autres, l’importance de l’idéal du roi-justicier, de la grandeur de la monarchie, de la vertu comme fondement de la pratique politique. Si la hargne contre Valenzuela naît de frustrations politiques de nobles évincés, elle exprime aussi le scandale face à l’atteinte à l’éthos nobiliaire que piétine Mariana. Comme le rappelait à juste titre Daniel Cefaï :
Les processus de publicisation « ne servent pas » seulement à fabriquer des outils, des armes ou des recettes dans un rapport de forces : ils déploient des rapports de sens1.
4Une question surgit alors : qu’est-ce qu’un mouvement d’opinion ?
I. — L´HÉTÉROGÉNÉITÉ DES GROUPES PARTISANS
Des sources hétérogènes
5Afin d’appréhender les nébuleuses partisanes qui se groupent autour de don Juan ou des validos successifs de la régente, l’historien dispose de sources hétérogènes, livrant parfois des informations biaisées.
6Un premier ensemble se compose de textes qui traduisent sans équivoque la prise de parti d’un individu dans un des camps. Il peut s’agir de lettres de soutien ou d’allégeance pour l’un des acteurs. Les ouvrages partisans d’hommes de plume gravitant autour d’un personnage, eux, dévoilent sans ambages les liens tissés avec leur destinataire à qui ils adressent un panégyrique. Certains documents donnent des listes entières de partisans. C’est le cas du manifeste des Grands du 15 décembre 1676 qui appellent à combattre Valenzuela. Quant aux archives municipales, elles font état des débats suscités par les lettres ouvertes de don Juan lors de ses offensives épistolaires de 1668-1669. Elles dévoilent donc, à l’échelle urbaine, les lignes de facture qui divisent les assemblées représentatives et dessinent des groupes d’individus pour ou contre le prince. Enfin, le chercheur peut s’appuyer sur les décrets prononçant la déchéance ou la promotion de certains acteurs lorsque don Juan arrive au gouvernement en 1677 pour identifier des valenzuelistes désormais voués à l’exil politique ou des juanistes récompensés pour leurs services. Une fois un groupe juaniste identifié, on peut confronter les listes de noms obtenus aux archives de la maison de don Juan et à celles de la Couronne d’Aragon afin de mesurer comment le prince a constitué une clientèle aragonaise lors de son séjour à Saragosse et dans quelle mesure il a concilié ses intérêts avec ceux des représentants des institutions aragonaises.
7L’autre série de documents doit être analysée avec précaution car, si les informations y foisonnent, leur dimension partisane gauchit les données. Ce sont des chroniques, des correspondances d’informateurs, de particuliers ou d’ambassadeurs, les récits des deux marches sur Madrid et les récits des fêtes en l’honneur de la nomination de don Juan comme Premier ministre. Il est possible de répertorier trois types de distorsion de l’information produite par ces textes.
8Les Mémoires inédites, farouchement nithardistes, offrent une vision caricaturale de l’adversaire visant à susciter la désapprobation du lecteur envers la « lie » juaniste. Du coup, les motivations des prises de parti en faveur de don Juan sont simplifiées, voire erronées. Le long plaidoyer nithardiste des Mémoires inédites fait surgir une galerie de monstres juanistes, vils, jaloux, corrompus et rancuniers. Quant aux textes évoquant les marches, dans leur souci de clamer l’enthousiasme universel que provoque don Juan sur son passage, ils livrent davantage un scénario idéal qu’un compte-rendu fiable des événements. Le tissage de la trame narrative rend indissociable le récit de l’épisode du sens que, d’après l’auteur, il recouvre (la réalisation des desseins de la Providence). C’est pourquoi le soutien du « peuple » — qu’il ne s’agit pas de remettre en cause — est souvent exprimé par une anecdote paradigmatique relevant de la fiction, mais auquel le lecteur inattentif accorde son crédit parce qu’elle est invérifiable et donc incontestable. En général, le passage de la description de mouvements de foules en liesse à celle d’un individu de basse extraction affirmant son amour pour le prince par un geste symbolique résume l’attachement du « peuple » pour le fils naturel de Philippe IV. Ce type d’assertion fait florès. Il n’est que de citer les propos d’un informateur de Louis XIV :
On assure que l’autre jour un paysan de la campagne étant allé trouver [don Juan] avec trois de ses enfants, tous bien armés, voulut qu’on leur donne la permission de lui parler sans pourtant les obliger de laisser leurs pistolets et que le plus ancien lui ayant fait un compliment […] pour avoir empêché de brûler sa maison, quand on la lui voulait brûler pour avoir servi la France, il se disait obligé de lui offrir ses services et sa bourse qui consistait en cent cinquante écus2.
9En somme, si le soutien du peuple-plèbe pour don Juan est sans cesse affirmé, clamé, instrumentalisé de texte en texte, l’historien ne peut en tirer qu’une vision impressionniste. Enfin, cette catégorie de textes manichéens incite le chercheur à des simplifications dommageables. Ils suggèrent que les groupes sociaux prennent parti de façon monolithique. L’exemple des jésuites invalide cette lecture. Tant les récits juanistes que les récits nithardistes affirment que ces derniers auraient tous prêté leur soutien au valido en 1668-1669. Or, cet engagement n’a rien d’unanime. Une analyse de la correspondance du général de la Compagnie, le père Juan Pablo Oliva, jette une lumière crue sur les réticences de la direction romaine des jésuites face à l’ascension de Nithard à la fois Inquisiteur Général, confesseur de la reine, membre de la Junte de gouvernement et, dans les faits, valido. Certes, cette situation offrait aux jésuites un ancrage inespéré à la cour espagnole après une traversée du désert consécutive à la disgrâce d’Olivares. Mais Nithard était surexposé et risquait d’attirer des préjudices à la Compagnie à qui l’on pouvait reprocher son intrusion dans les affaires de cour. Jacinto Pérez, qui fait office d’espion à Madrid pour Oliva, évoque l’épée de Damoclès qui menace Nithard. Peu après la mort de Philippe IV, il écrit au général de l’ordre que le confesseur
s’est montré extérieurement très évasif et réticent (seul Dieu connaît ce qu’il y a à l’intérieur) à l’égard des propositions qu’on lui a faites de devenir Inquisiteur Général et c’est une très bonne chose, et pour lui et pour nous, qu’il ait agi ainsi car les prétendants sont nombreux et tous détiennent des fonctions prestigieuses et appartiennent à d’illustres lignages, chacun tire le plus de force possible de son parti et en même temps tente d’éliminer tous ceux qui lui apparaissent comme des rivaux3.
10Jacinto, désabusé par la personnalité de Nithard qu’il juge peu flexible et orgueilleux, se désole d’une situation dans laquelle « il ne manque presque rien pour que nous [les jésuites] devenions la fable de l’Europe4 ». On comprend dès lors qu’Oliva exhorte Nithard à refuser le poste d’Inquisiteur Général5.
Faction, parti, mouvement d’opinion
11Ce tour d’horizon indique l’hétérogénéité des sources, la grande diversité des partisans et l’absence d’engagement monolithique des groupes pour un des partis. Comment évoquer les nébuleuses partisanes sans tomber dans la mise à plat réductrice ? Les deux principaux historiens qui se sont attachés au problème ont suivi des voix différentes. Fernando Sánchez Marcos a opté pour un découpage en strates sociales, tout en évoquant dans la trame narrative les figures des principaux acteurs ayant œuvré à la cause juaniste et qui appartiennent tous à la grandeza6. Albrecht G. von Kalnein, lui, a adopté une classification en fonction des motifs de soutien à une cause7. Nous proposons de moduler ces approches en l’enrichissant d’une étude sur les différents types d’adhésion prenant en compte la dynamique de constitution des regroupements, tout en apportant de nouvelles figures, jusqu’ici non répertoriées, qui nous paraissent significatives.
12Dans ce but, nous utilisons la notion de mouvement d’opinion. En effet, ce terme vague permet d’englober l’ensemble des réalités d’adhésion tout en érigeant la question de la publicité en clef de voûte du dispositif. Car, et c’est là la modernité de l’entreprise du bâtard royal, si les réseaux restent une réalité structurante des partis, le vivier de recrutement juaniste s´élargit au fil de ses deux campagnes d’opinion et ne fonctionne plus seulement selon une logique d’interconnaissance. La publicité des guerres de plumes autorise les amalgames hétéroclites de partisans jusqu’à rendre problématique la cohésion de l’ensemble.
13Si l’on retrace les étapes de constitution des regroupements autour de don Juan aussi bien en 1668-1669 qu’en 1676-1677, une même dynamique opère. Tout commence par des alliances entre des mécontents. On peut alors qualifier ce regroupement de faction, qui agit essentiellement par l’intrigue et le conciliabule, en exerçant diverses pressions. Nous avons ainsi décrit ces mécanismes en 1667-1668 et en 1675-1676. La journée des Dupes constitue une des manifestations paroxystiques des intrigues curiales de 1675 et des pressions contradictoires exercées sur le jeune Charles. L’année suivante, face à l’ascension de Valenzuela, la mécanique s’emballe et débouche sur une action concertée, fédératrice et spectaculaire, avec le manifeste des Grands, annoncé par la grève de la noblesse curiale. Les libelles mis en circulation à ce stade ont précisément pour fonction de structurer des pôles de regroupement en exacerbant la colère de l’aristocratie afin de constituer un parti. Ils ne visent alors qu’un public de cour restreint.
14La faction devient un parti quand les motifs du mécontentement sont exposés et donnent lieu à des revendications claires. Un manifeste publiant ces doléances fait en général office de point de bascule. C’est le cas le 15 décembre 1676. Dans la campagne d’opinion contre Nithard, la lettre de Consuegra peut être considérée comme le manifeste qui autorise à qualifier les juanistes de parti, même si ce texte avait été annoncé par la lettre que don Juan avait envoyée au gouvernement depuis La Corogne, le 25 juin 1668, pour justifier son refus de partir pour les Flandres8. Le passage à la visibilité permet de justifier une prise de position par le dispositif publicitaire, tout en rendant possible d’élargir le vivier des publics potentiels et donc des partisans. Des textes polémiques accompagnent et relaient le ou les manifestes, dans la mesure où ils constituent un levier redoutable de mobilisation.
15Lors de ces deux étapes, réseaux, clientèles et phénomènes d’interconnaissance se révèlent primordiaux. Ce sont souvent des familles qui nouent des liens avec le prince, à l’instar des Borja. Cette puissante famille du Nord-Ouest de l’Aragon et de Valence a œuvré à la cause juaniste dès 1668. Un nithardiste signale que don Josep de Borja, fils de Rodrigo de Borja, écrit des satires calomniant le confesseur et rappelle que son frère, Baltasar de Borja, a été le messager du bâtard royal et qu’il a apporté les missives de son maître à Valence9. Quant à Rodrigo de Borja, il est le correspondant madrilène de don Juan en 1675. C’est avec son concours que le bâtard prépare son départ secret pour Madrid, lorsque Charles II l’appelle à l’occasion de sa majorité10.
16Le cas du baron de Rocafort manifeste l’importance des réseaux divers et des familiers des alliés du fils naturel de Philippe IV dans la structuration du parti juaniste. Andrés Mendo, dans une lettre du 19 décembre 1668, en décrit le mécanisme. D’après le jésuite, le prince voudrait édifier un réseau d’alliés dans les Pyrénées. Dans ce but, il demande au baron qui sont ses affiliés dans cette zone et charge son fidèle émissaire, Nicolas de Robas, de gagner la région et d’exhorter les familiers du baron à le soutenir contre un Nithard qualifié de « méchant prêtre sans crédit ni honneur11 ». Rocafort endosse ainsi la fonction d’intermédiaire, articulant sa propre clientèle à celle de don Juan. Côté nithardiste, les réflexes sont identiques. Dans un courrier au valido du 14 novembre 1668, l’évêque de Ségovie assure à ce dernier qu’une fois mis au courant des affaires qui agitaient la monarchie et du danger que représentait don Juan pour la paix publique :
[Il a] chargé tous les prélats et les chefs des congrégations ecclésiastiques de cette ville (sans donner l’ordre par écrit pour ne pas occasionner plus de rumeurs) de conjurer Notre Seigneur, à force de suppliques, d’aider Sa Majesté comme il convient à la très grande quiétude de cette monarchie et de ses bons sujets. Je demande, en personne, la même chose aux vicaires et aux curés qui me sollicitent pour faire aboutir leurs requêtes12.
17La manifestation la plus spectaculaire de l’activation de ces réseaux est la marche de 1677. Celle-ci en apparaît comme la traduction directe. Plusieurs nobles ou militaires rassemblent leurs gens pour assurer à don Juan une escorte impressionnante au point de rendre impossible un coup de théâtre sur le modèle de la journée des Dupes. Ainsi, le marquis de Camarasa se rend en Aragon dès novembre sous prétexte de visiter ses états et, ayant gagné en décembre sa seigneurie de Muel, il prévient ses gens et achète des cavaliers. José de Pinós, soldat aux ordres de don Juan depuis la reprise de Barcelone en 1652 et qui était revenu dans cette ville dès l’arrivée du prince en novembre 1668, se trouve à la tête de deux mille trois cents cavaliers recrutés parmi les réservistes et les vétérans d’Aragon, de Valence et de Castille13. On cerne l’importance de l’amitié dans la structuration des clientèles et des partis, mais aussi de l’intérêt ainsi que des rapports de fidélité qui en dérivent. L’intrication évolutive des raisons qui poussent les acteurs à soutenir don Juan invite cependant à proscrire une typologie juaniste en fonction des seules motivations des acteurs.
18À côté de ces logiques clientélaires, les alliances entre mécontents renvoient à un fonctionnement différent dans la mesure où il s’agit de liens noués entre égaux, n’impliquant pas la fidélité de la relation clientélaire. Ces alliances, parfois opportunistes, expliquent la versatilité de certains partisans. Le duc d’Osuna illustre cette réalité. Don Gaspar Téllez Girón Gómez de Sandoval y Enríquez de Ribera, Grand d’Espagne, né en 1626, avait occupé la charge de gentilhombre de cámara et avait brillé dans le service des armes : général de cavalerie de Milan en 1655 puis capitaine général des galères de Sicile, il s’était ensuite battu sur le front portugais, notamment comme chef de l’armée de la Nouvelle Castille, sous les ordres de don Juan de 1661 à 166414. En 1668, il est vice-roi de Catalogne quand don Juan vient trouver refuge dans le Principat et lui demande assistance. Sans l’avoir cherché, Osuna se trouve dans la position d’intermédiaire entre le prince et les institutions catalanes qui demandent unanimement conseil à leur vice-roi dans cette situation délicate. Le duc, qui vise alors le gouvernement de Milan, veut éviter qu’un soutien trop franc à la cause juanise ne brise sa carrière. Il tente néanmoins de saisir toutes les opportunités et exploite à son profit l’évolution des rapports de forces en faveur de don Juan. En novembre, il autorise le prince à résider à la Torre de Lledó et célèbre avec faste son arrivée, mais jamais il ne prend position officiellement et se contente de répondre évasivement aux consellers sur la question du soutien à donner au prince que soulèvent les lettres du 13 novembre 1668. En somme, il tache d’apparaître comme le loyal sujet de Mariana sans rompre avec don Juan. L’épisode du 22 janvier 1669 montre l’habileté avec laquelle Osuna parvient à maintenir ce double jeu. Il fournit une escorte de trois cents hommes en armes au prince pour qu’il se rende à Madrid sans craindre les vélléités assassines de Nithard, mais ne prend pas congé de lui officiellement. En même temps, il envoie une lettre ouverte à la reine où il veut la convaincre qu’il a mené à bien sa mission d’interlocuteur avec le prince puisque celle-ci l’avait chargé de persuader don Juan de quitter Barcelone, dans une lettre du 3 décembre 1668. Il feint d’adhérer au discours du bâtard royal pour se dédouanner et donner de lui l’image d’un sujet dévoué au bien commun15. Selon Osuna, le départ de don Juan du Principat viserait seulement à signifier aux Français qu’aucune action concertée avec lui n’était envisageable et à accélérer les négociations en cours avec Madrid. Le duc aurait ainsi contribué à la plus grande gloire de la monarchie en aidant à la résolution de la crise. Enfin, il insiste sur la fonction purement défensive de l’escorte qui accompagne don Juan. Par ailleurs, pour conforter son image, Osuna écrit une autre lettre ouverte imprimée au comte de Peñaranda, où il développe plus amplement l’épineuse question de l’escorte armée pour mieux se justifier et où il rappelle au comte qu’un homme de sa qualité doit soigner et cultiver sa réputation, que celle-ci est en jeu dans l’affaire don Juan et qu’ils sont solidaires en quelque sorte puisqu’ils sont parents16. Lorsque la crise se dénoue et que don Juan devient vicaire général à Saragosse, Osuna envoie une missive à la reine pour se justifier de l’octroi d’une escorte au prince en se lamentant de ce que ce dernier en ait détourné l’usage, convertissant en menace un corps qui ne devait initialement qu’assurer sa sécurité. Lors de la crise politique de 1676-1677, le duc adopte la même attitude ambiguë. Il reste proche de Valenzuela jusqu’à l’été 1676, redevable d’avoir obtenu la charge de président du Conseil des Ordres. Cependant, il signe le manifeste des Grands et prend ses distances avec le valido au bon moment. Une fois Premier ministre, don Juan le nomme au Conseil d’Italie.
19Alors que le parti est fragile, a une longévité éphémère et ouvre le plus possible le vivier de recrutement, la clientèle est stable, durable et d’extension limitée, celle-ci dépendant de la qualité du patron (statut, richesse, relation avec le roi, etc.). Si l’on reprend le vocabulaire de Sharon Kettering, on peut dire que don Juan est perçu par les grands comme un « broker », un intermédiaire privilégié entre eux et le roi, tandis que les nobles qui eux-mêmes activent leurs réseaux au profit de la cause juaniste endossent à la cour cette fonction de « broker ».
20Le passage au mouvement d’opinion se produit lorsque les textes polémiques et partisans mis en circulation se montrent assez flexibles pour agréger les publics les plus hétérogènes, en défendant des intérêts catégoriels ou en s’adressant conjointement à différents publics en imbriquant dans un même écrit plusieurs registres de culture, de langue, de croyance, etc. Le seul maillon entre le « champion » — don Juan — et celui qui embrasse sa cause est alors l’ensemble des textes émis. La mobilisation apparaît dans sa dimension processuelle et interactionnelle, susceptible d’engendrer des configurations inédites. Les deux marches sur Madrid, annoncées et relayées par les libelles, en offrent un exemple. Des phénomènes complémentaires de mobilisation où interagissent textes, rumeurs, défilé militaire, mouvements de foule et que couronne un ballet pendulaire d’émissaires entre les partis, permettent d’associer un noyau dur d’individus mus par des intérêts personnels amalgamant cause privée et cause publique, des gens pris dans des solidarités de réseau, des individus pensant voir leur intérêts défendus et, enfin, des individus animés par un sentiment d’adhésion ressortissant de l’émotion et d’une croyance en la résolution de la crise grâce à don Juan, parfois proche du messianisme. Cette dernière catégorie ne laisse aucune trace dans les archives hormis à travers des témoignages biaisés. C’est que, volatile, elle ne constitue pas une ressource exploitable à l’envi. Si les textes juanistes manient avec brio l’arme tératologique qu’est la plèbe, don Juan ne peut contrôler d’éventuels débordements. Ce manque de contrôle explique qu’il soit tant décrié par ceux qui l’avaient soutenu dans la campagne contre Valenzuela, quelques mois après son arrivée au gouvernement. En outre, si le prince a tiré un avantage décisif d’être porté par un mouvement d’opinion, l’absence de cohérence de cette configuration protéiforme le fragilise. Nous avons vu quelles lignes de factures la présence de partisans issus de la plèbe dessinait au sein de la nébuleuse juaniste. Si l’on se cantonne au seul groupe de la noblesse, les motifs de ralliement à la cause du prince apparaissent si hétéroclites qu’ils dévoilent la fragilité de la position du fils naturel de Philippe IV. Monsieur de Bonzy affirme, dans un courrier de 1670 à Louis XIV faisant allusion au parti juaniste :
Il m’a été dit que dans les dernières affaires de don Juan plusieurs Grands lui ont dit qu’ils seraient de ses amis jusqu’à un certain point. Mais pour lui mettre la couronne sur la tête, ils se partageraient plutôt en province ou se donneraient à la reine de France si on pouvait trouver des accommodements avec Votre Majesté17.
21Cette stratification en faction, parti et mouvement d’opinion trouve grossièrement une traduction dans un découpage en groupes sociaux dont les contours sont déterminés par les contemporains eux-mêmes : certains ordres religieux, des regroupements en fonction d’une appartenance géographique (la Catalogne, l’Aragon), les ordres — les « bras » — tels que les représentent certaines institutions municipales (noblesse, clergé, militaires) et qui se révèlent à l’heure de défendre des intérêts catégoriels.
22Au stade de la faction, les alliances se scellent là où se nouent et dénouent les enjeux de pouvoir, c’est-à-dire à la cour. Le vivier de recrutement recouvre les élites politiques, nobles, letrados et clercs et s’élargit aux clients et familiers des factieux18. Ce sont davantage les individus défendant des intérêts personnels que des groupes luttant pour des intérêts catégoriels qui se trouvent concernés. Au stade du parti, la réalité du groupe s’impose dans la mesure où la rédaction d’un manifeste suppose la désingularisation d’une cause ce qui concerne, encore une fois au premier chef, les élites politiques fortes de leur clientèle. En 1668-1669, les instances représentatives de la monarchie sollicitées par les lettres ouvertes de don Juan se trouvent « piégées » par l’entreprise du prince car contraintes de se prononcer pour un des camps. Elles sont happées dans le processus de constitution des partis rivaux. La publicité des revendications, par le biais d’un manifeste, permet à certains individus de faire allégeance et de proposer leurs services à l’un des adversaires aux prises. C’est là qu’intervient la fraction des militaires juanistes. Quelques témoignages le confirment. Un informateur nithardiste à Barcelone avertit la cour que le marquis de Leyden, colonel d’un tercio d’Allemands présent dans la capitale du Principat
est un client de monseigneur don Juan et il dirige avec tant de poigne les Allemands qu’il laisserait l’autre colonel (très partisan de l’Inquisiteur Général) sans un seul soldat si l’occasion se présentait19.
23Quand un nithardiste évoque les affinités d’un militaire avec la cause juaniste, c’est la peur de voir se constituer une troupe à la solde du prince qui s’exprime. Par ailleurs, proposer ses services revient à entrer dans la clientèle de don Juan. Une des illustrations les plus nettes nous est offerte par le marquis de Castel-Rodrigo en 1676. Selon un chroniqueur anonyme :
Don Juan [parvient] à gagner au préalable quelques chefs de l’armée de Catalogne qui, au début de la campagne, étaient passés par Saragosse, dont le jeune marquis de Castel-Rodrigo, général de la cavalerie, qui […] vendit frauduleusement la confiance qu’on lui avait accordée et obtint en récompense la charge de vice-roi de Sicile20.
24On comprend la méfiance d’Andrés Mendo pour les soldats. Parmi les informations qu’il diffuse, il leur réserve une place conséquente21. Les allégeances de militaires à don Juan tiennent à la présence massive de soldats en Catalogne car le Principat est un lieu d’affrontement permanent entre France et Espagne. La paix des Pyrénées de 1659 ne freine nullement les incursions des armées françaises et les hostilités reprennent entre les deux pays dans le cadre de la guerre de Hollande. Les Habsbourg n’ont jamais baissé la garde, regroupant des milices et veillant à l’entretien des forts frontaliers de ce limes.
25Enfin, lorsque le parti devient mouvement d’opinion et élargit ainsi au maximum l’éventail social des adhérents, les classes populaires occupent une place importante et c’est là une des spécificités marquantes de cette étape. On peut en répertorier une autre. Pour évoquer les adhésions de liesse unanimes à don Juan lors des marches, les scripteurs emploient un vocabulaire particulier. Ils n’évoquent plus la défense d’intérêts, la haine pour le valido ou divers phénomènes de solidarité, mais un élan né de l’amour pour le prince. Il semble remarquable que tous les sujets, quel que soit leur rang dans la hiérarchie sociale, soient présentés comme répondant à ce schéma.
Juanistes et antijuanistes : figures de partisans
a) Le parti juaniste à la cour
26Après avoir restitué la dynamique globale de la constitution du mouvement juaniste, il s’agit de retracer les trajectoires de quelques juanistes notoires dont l’appui à la cause du prince fut important, en 1668-1669 et en 1676-1677. Cet aspect nous apparaît essentiel car l’engagement juaniste de nobles prenant part aux Conseils et plus présents à la cour interdit d’opposer de façon binaire un camp des rebelles et un camp incarnant le respect de l’autorité. Les clivages fissurent les institutions mêmes de la Régence et entraînent une gamme d’effets imprévus sans lesquels le prince n’aurait pu triompher.
27Certains nobles se sont donc mobilisés dans la lutte contre Nithard. L’un des plus actifs est certainement Medina de las Torres. Gabriel Ramiro Nuñez de Guzmán, comte d’Oñate et de Villamediana, duc de Sanlucar et de Medina de las Torres, est l’une des figures incontournables de la vie politique de Philippe IV et du début de minorité de Charles II — il meurt en décembre 1668. Ce parent d’Olivares commence sa carrière politique comme trésorier général du Conseil d’Aragon, en remplacement du marquis de Montesclaros, et est ambassadeur à Rome où il reste quelques années. Fin connaisseur de la politique internationale, il conseille à Philippe IV de faire la paix avec le Portugal et de reconnaître l’indépendance de ce pays, idées rejetées par le Habsbourg. Medina de las Torres avait hérité d’Olivares ses idées réformistes et ses stratégies de politique extérieure basée sur une alliance forte avec l’Empire complétée par un renforcement des relations diplomatiques avec l’Angleterre. Selon María Carmen Sevilla González, du temps de ce roi, Medina de las Torres fait figure d’éternel sacrifié, n’ayant pu obtenir de place au Conseil d’État22. À partir de la fin des années 1650, même s’il demeure influent et s’il détient des charges honorifiques, sa position se détériore, alors que des personnages comme le marquis de Caracena, le duc de Medinaceli, le duc de Peñaranda et don Luis de Haro ne cessent de gagner du terrain. Après la mort de Philippe IV, la situation ne s’améliore guère puisqu’il n’occupe aucune fonction dans la Régence. Par ailleurs, Mariana le déteste, probablement parce qu’il fut le principal compagnon des épopées nocturnes de Philippe IV, du temps de ses frasques. Medina avait payé cher ce compagnonage : des mauvaises langues avaient fait courir le bruit que ce serait lui le vrai père de don Juan. Enfin, entre janvier et avril 1666, le duc est victime d’une campagne d’isolement à la cour. Ses propositions concernant la politique étrangère sont mises en échec par la Junte. En janvier, Peñaranda s’oppose à ses propositions d’alliance avec l’Angleterre23. Le scénario se reproduit le 8 février et le 15 avril, quand Medina suggère de monter une fédération contre la France24. Le duc représente le noble mécontent par excellence, prêt à saisir une opportunité pour s’élever à la cour.
28Le cardinal de Moncada, don Luis Guillem de Moncada Aragón de la Cerda y de la Cueva, duc de Montalto, fut l’un des juanistes les plus virulents. Héritier du duché de Montalto, ce n’est qu’à cinquante-six ans qu’il embrasse la carrière ecclésiastique, après deux veuvages. Il avait contracté de lourdes dettes lorsqu’il avait été vice-roi de Sicile, en 1635-1639, dettes qu’il tenta de résorber par la dot de sa seconde épouse, sa cousine doña Catalina de Moncada, sœur du marquis d’Aytona. Gouverneur de Cerdagne en 1645-1649, il parvient à maintenir cette zone hors de la tourmente révolutionnaire et collabore militairement avec don Juan avec qui il se lie d’amitié. Il devient par la suite gentilhombre de cámara de Philippe IV, obtient la fonction de vice-roi de Valence de 1652 à 1659, il est nommé par le roi caballerizo et mayordomo mayor de Mariana. Malgré cette collection de titres prestigieux, Montalto croule toujours sous les dettes et prend ombrage de ne pas avoir été admis à la Junte de gouvernement en tant que représentant de la grandeza au profit de son beau-frère, le marquis d’Aytona. En 1666, il entre au Conseil d’État et, en 1667, devient cardinal, promotion à laquelle Nithard n’est pas étranger25. Après l’échec de l’entrée dans la Junte, Mariana s’oppose à ce qu’il continue à percevoir ses gages de mayordomo mayor, en raison du cumul de ses fonctions. Cette décision le convertit en juaniste farouche26. Il correspond avec le prince, l’informe des événements de la cour et lui aurait conseillé de fuir en Catalogne après le « coup de tonnerre » de Consuegra27. Il répand des rumeurs sur Nithard et surtout écrit au moins deux textes assassins dans la guerre de plumes de 1668-1669, la Censure politique de la lettre de Consuegra et le texte à l’incipit « Señora, los cauterios duelen28 ». Il meurt en 1671.
29Dans cette galerie de portraits, il convient de souligner la présence du duc d’Albe et du comte de Peñaranda, qui soutiennent don Juan pendant les deux crises de la minorité.
30Ce sont des aléas qui ont conduit le duc d’Albe, don Antonio Álvarez de Toledo à fraterniser avec le prince en 1668. Tout commence par une intrigue qui défie la loi. Le fils du duc, don Antonio de Toledo, et quelques uns de ses amis forcent la prison de Madrid pour faire échapper l’un des leurs. Condamné, don Antonio fuit sans ses terres avec l’aide de son père29. À ces démêlés avec la justice s’ajoute un sentiment de déception politique puique le duc n’obtient que l’office, qu’il juge médiocre, de mayordomo mayor de la reine. Il est difficile de trouver beaucoup d’éléments concrets concernant l’aide que le duc a effectivement apportée au bâtard royal. Il semble probable qu’il ait transmis au prince les résultats des délibérations de certains Conseils réunis pour traiter du conflit avec Nithard. Dans les archives privées de la maison d’Albe, figure la copie de la consulte du Conseil d’Aragon se prononçant pour la destitution du jésuite, réalisée par Crespí de Valldaura à l’intention du duc30. Ce dernier en a sans doute remis une copie au prince à moins que ce soit le vice-chancelier. Il était important pour don Juan de détenir ces informations puisqu’elles lui donnaient la preuve du désaccord de la reine avec ses Consneils et révélaient ainsi le blocage institutionnel inextricable dans lequel le système de régence se trouvait. Par ailleurs, Albe soutient publiquement don Juan dans une lettre ouverte imprimée du 27 janvier 1669 où il remercie le prince de lui avoir exprimé ses encouragements au moment de l’imbroglio judiciaire où Antonio de Toledo se trouvait impliqué. Le duc fait alors l’éloge de don Juan, tient des propos violents et menaçants à l’encontre de Nithard et se met au service du prince. Il écrit ainsi « Ce père [Nithard] est si mal informé qu’il lui a semblé possible que la noblesse ait un chef qu’elle n’ait pas choisi […] il en sera châtié31. » Un gazetier commentant quelques mois plus tard cette missive affirme qu’elle a porté un rude coup aux partisans du confesseur qui ont dès lors craint qu’un nombre important de nobles se rallient au prince32. Albe a ainsi manifesté au grand jour que de nombreux Grands avaient choisi le parti de don Juan. En évoquant l’honneur bafoué de la noblesse par la maladresse de Nithard, il suggère la possibilité d’un ralliement de la grandeza autour du prince.
31Le duc d’Albe suit à nouveau don Juan dans la tourmente qui l’oppose à Valenzuela en 1676-1677. Albe, désappointé de n’avoir obtenu aucune charge dans la maison du roi, complote avec Monterrey et Talara pour que Charles II appelle don Juan le 6 novembre 1675. Après l’échec de la journée des Dupes, il intrigue pour que don Juan rentre à Madrid. L’accession de Valenzuela à la grandeza fait basculer le duc du côté des opposants. Il reçoit chez lui les mécontents (Medellín et Osuna) et répond au père Moya, envoyé chez lui par la reine pour le réprimander, qu’il tenait effectivement des conciliabules pour le service du roi et que ces réunions n’étaient nullement hostiles à Valenzuela puisque, pour parler d’un tel individu, il n’aurait pas rassemblé en sa demeure des gentilhommes, mais plutôt des laquais33 ! Ultime preuve de l’engagement du duc, c’est son fils aîné, Antonio de Toledo qui dirige une des deux troupes qui font le siège de l’Escorial pour capturer Valenzuela, le 22 janvier 167734.
32Le comte de Peñaranda, lui, soutient don Juan de façon ambiguë. Gaspar de Bracamonte y Gúzman avait fait des études à l’université de Salamanque, au Colegio Mayor de San Bartolome et, en 1615, était devenu chapelain de ce colegio. En 1618, il est licencié en droit canon et entreprend une carrière politique comme mayordomo de l’infant don Fernando, frère de Philippe IV, qui était archevêque de Tolède. C’est le début d’une lente ascension à la cour. En 1628, il est chevalier de l’ordre d’Alcantara et entre peu après au Conseil des Ordres puis à la Chambre de Castille, en 1642. Quatre ans plus tard, il est chargé de négocier la paix de Münster et à son retour en Espagne, en 1650, il obtient la grandeza et devient conseiller d’État. De 1658 à 1664, il est vice-roi de Naples et fait partie de la Junte de gouvernement en tant que président du Conseil d’État, à sa création en 1665. Peñaranda n’appartient donc pas à la cohorte des exclus des institutions de la Régence. Cependant, son statut privilégié ne l’empêche pas de mener un double jeu aussi bien avec don Juan qu’avec la reine. Il entretient ainsi une correspondance secrète avec le bâtard royal par le biais de don Diego de Velasco et l’informe de ce qui se passe à la cour35. Mais en même temps, en décembre, il incite le fugitif à quitter Barcelone pour Consuegra afin de faciliter les négociations avec Mariana. Autrement dit, il travaille aux intérêts de la reine qui avait elle-même émis cette requête peu auparavant sans succès36. La lettre qu’Osuna envoie au comte pour se justifier d’avoir donné une escorte armée à don Juan et pour clamer son indéfectible fidélité à la régente montre combien Peñaranda fait figure d’autorité à la cour37. Cependant, au gré de l’évolution des rapports de forces, Peñaranda s’éloigne de Nithard et appuie don Juan plus fermement. En 1671, il cède la charge de président des Indes pour celle de président du Conseil d’Italie. S’il reste discret lors des premières années de l’ascension de Valenzuela, l’ordre que reçoivent, en novembre 1676, les présidents des Conseils de correspondre non plus avec le roi mais directement avec le Premier ministre, engage définitivement le comte contre le Duende. Alité depuis le début de l’année, il garde suffisamment d’énergie pour fulminer contre Valenzuela, rassemblant des gens et prenant la plume. Il meurt le 14 décembre 1676, avant d’avoir pu signer le manifeste des Grands.
33Dans la campagne d’opinion contre Valenzuela, le manifeste des Grands permet au chercheur d’isoler un certain nombre de figures, comme celles du duc d’Albe et de son fils ou encore du duc d’Osuna dont nous avons parlé. Tous présentent un profil plus ou mois identique. Écœurés de ne pas avoir obtenu de charges dans la maison du roi ou au gouvernement, indignés par l’élévation de Valenzuela à la grandeza, craignant que son titre de Premier ministre ne réduise à la portion congrue le rôle dévolu à la noblesse en tant qu’élite politique naturelle au sein de la polysynodie, ils misent sur don Juan — non sans quelques réticences pour certains — parce qu’il est le seul à pouvoir fédérer les énergies. À côté de ce premier groupe, d’autres personnages se rangent aux côtés du prince à la dernière minute. N’ayant pas signé le manifeste du 15 décembre, ces nobles louvoient tant que l’issue de la crise apparaît incertaine. Parmi ces « juanistes de la dernière heure », la figure du duc de Medinaceli nous a semblé emblématique.
34En 1671, à la mort de son père, don Juan Francisco Tomás Lorenzo de la Cerda Enríquez Afán de Ribera Portocarrero y Cárdenas devient duc d’Alcalá y Medinaceli, le huitième du nom, à la tête d’une plus importantes fortunes d’Espagne. En 1675, il est au Conseil des Indes et au Conseil d’État et a la charge de sumiller de corps. En janvier 1676, alors que Valenzuela est envoyé à Grenade, il affirme se désolidariser de la cause du valido qui le choque par son attitude de parvenu. Cependant, au retour de Valenzuela en avril, il n’a renoncé à aucun poste. Medinaceli ne cesse de louvoyer et abandonne petit à petit la faction de la régente sans s’aliéner aucun bord. Ainsi, il ne signe pas le manifeste des Grands.
35Début 1676, Medinaceli s’efforce d’aplanir les revendications forales de la députation aragonaise qui font le jeu de don Juan, en appuyant au Conseil d’État les décisions du vice-chancelier Melchor de Navarra et en dépêchant le marquis de Villaverde à Saragosse pour qu’il achète les votes des députés. Mi-juin, il refuse de prêter serment à Valenzuela, comme le requérait pourtant sa fonction de sumiller de corps38. Après l’élévation de ce dernier à la grandeza, il déserte l’Alcazar sous prétexte d’une maladie, participant activement à la « grève des Grands ». Cependant, il apparaît disposé à collaborer à une junte avec Valenzuela, hypothèse un instant envisagée pour sortir de la crise, et tente en vain de convaincre Pascual de Aragón du projet en lui proposant d’y participer. Il ne manifeste clairement son adhésion à la cause juaniste qu’une fois celle de Valenzuela perdue. Medinaceli devient Premier ministre le 21 février 1680.
b) Les nithardistes
36La figure de Nithard, contesté parmi les jésuites eux-mêmes, a moins suscité l’enthousiasme. Les figures de partisans recensées apparaissent avant tout désireuses de profiter de la crise pour capter les bonnes grâces du puissant valido et obtenir des avantages de carrière. Cette logique anime plusieurs types de démarches d’allégeance, que ce soit pour entrer dans la clientèle du confesseur, pour renforcer des liens anciens, pour obtenir explicitement de lui certains avantages moyennant la promesse d’un soutien ou encore pour défendre la cause jésuite par les effets d’une solidarité de groupe et de conjonction d’intérêts, quand c’est un autre jésuite qui prend la plume. Contrairement aux juanistes dont la gamme des motifs et des modalités d’adhésion apparaissait riche, les nithardistes présentent une palette plus réduite : ils constituent un parti, mais n’animent aucun mouvement d’opinion. Parmi les lettres de soutien adressées au jésuite dans les premiers mois de sa lutte contre don Juan, nous en avons retenu deux, offrant des cas de figure complémentaires.
37Dans la missive qu’il envoie à Nithard, le 16 décembre 1668 depuis Lérida, Joseph de Marañyosa propose ses services au valido. En offrant sa propre personne et en mettant à la disposition du jésuite les hommes de sa famille, eux-mêmes à la tête de puissants réseaux, il tente de s’attirer la protection du confesseur afin de se voir dispenser grâces et offices, selon une logique de don et de contre-don39. Il évoque donc les précautions « avec laquelle ma ville et ses habitants agissent face aux troubles occasionnés par la venue de monsieur don Juan de Austria40 ». Il affirme qu’ils continueront dans cette voie « pour rendre le mieux possible service à Sa Majesté et au bien de cette monarchie, sans que dans cette résolution puisse entrer en compte d’autres considérations41 ». Joseph de Marañyosa montre ainsi qu’il détient une emprise forte sur la ville dont il est juge de paix. Le détail semble d’autant plus intéressant pour Nithard que Lérida se situe en Catalogne, en plein bastion juaniste, et qu’y avoir un allié peut se révéler indispensable pour savoir ce qui s’y passe ou pour empêcher les localités voisines d’adhérer à la cause ennemie. Dans un dernier temps, Marañyosa prend les devants en demandant au jésuite des ordres concrets pour le soutenir contre don Juan, tout en lui faisant miroiter la puissance du réseau de sa famille :
Il m’a semblé bon de supplier Votre Excellence pour son propre service, de m’envoyer dire ce que nous devons dorénavant faire, de même qu’à mon cousin, l’archidiacre de Saint-Laurent de Tarragone, ou à Monsieur San Thomas Marañyosa y Arañyo mon frère42.
38La lettre de soutien de Gines de la Puente à Nithard offre un cas d’entrée dans la lutte par solidarité jésuite. La haine envers le confesseur se nourrissait d’un sentiment antijésuite entretenu par les textes juanistes. Effrayés à l’idée que la chute du valido n’assène un coup fatal à cet ordre, certains jésuites proposèrent leurs services à Nithard parce qu’il estimaient leurs intérêts liés à ceux du confesseur. Le 8 décembre 1668, Gines de la Puente, archevêque de Ségovie, prend donc la plume43. D’emblée, il écrit qu’il soutient, au-delà de Nithard, la cause de la Compagnie :
J’ai prié Dieu pour le succès de votre affaire concernant la lettre de monseigneur don Juan et pour celui de la compagnie et les religieux de cette maison ont fait de même44.
39De même, à la fin de sa lettre, il s’offre à Nithard, expliquant qu’il espère ainsi servir les intérêts de la Compagnie de Jésus45. Surtout, et c’est là le propre du partisan, il se présente comme un relais fidèle mettant sa piété au service de la lutte contre le bâtard royal : « Dès que l’on a publié la lettre de Monsieur don Juan, j’ai fait que dans toute la province on adresse des prières à Dieu46. »
40Enfin, certains soutiennent Nithard pas tant par attachement au confesseur mais pour signifier à Mariana leur fidélité. La marquise de Los Velez doit sa promotion à la cour à la reine. Avec la mort de Philippe IV, celle qui était « gouvernante des infants » devient gouvernante du roi. Mariana n’a de cesse de soutenir la marquise et de signifier son rôle-clef et sa prééminence à la cour par des marques de distinction qui en ont irrités plus d’un. Ainsi, la marquise assiste à toutes les cérémonies où apparaît le jeune roi. En novembre 1668, lorsque don Juan lance son offensive épistolaire de Torre de Lledó, la marquise se montre donc particulièrement efficace en activant tous ses réseaux au service de Nithard. Elle est ainsi largement responsable de l’hostilité qui accueille le messager porteur des missives de don Juan aux autorités municipales à Murcie où elle possède une très forte influence. L’émissaire doit fuit la ville afin d’échapper au conseil municipal venu le chercher dans son auberge pour l’emprisonner. Après la campagne d’opinion contre son valido, Mariana récompense la gouvernante en favorisant les gens de sa famille et de sa clientèle. Pötting rappelle souvent dans son journal que le comte d’Oropesa, Eduardo Álvarez de Toledo Pimentel, septième comte d’Oropesa et frère de la marquise de Los Velez, ne doit sa place qu’à l’influence de sa sœur. Il écrit à propos du comte, le 13 avril 1670, que son plus grand talent lui vient d’être le frère de la gouvernante du roi47.
c) Des valenzuelistes ?
41Existe-t-il des partisans convaincus de Valenzuela ? Rien ne semble moins évident. Certes, certains nobles ont profité des avantages que leur accordaient la reine et le valido. Mais aucun n’a réellement défendu ce dernier. Si l’on excepte les textes du père Moya, qui soutient davantage la reine que son Duende, presqu’aucun écrit ne part en guerre pour Valenzuela. Lors de la grève des grands, très peu de nobles affichent leur solidarité avec le nouveau Premier ministre : le 6 novembre 1676, jour de l’anniversaire du roi, seuls cinq grands participent à la cérémonie du baisemain. Le 7, Valenzuela est seul à occuper le banc des grands à la chapelle royale et le 8, pour l’Immaculée Conception, seuls le marquis de Velada et le Condestable assistent à la célébration. En décembre, l’Alcazar est déserté, si l’on excepte Astorga, Mondéjar, le Condestable et l’Almirante qui continuent de fréquenter le palais48. De même, les conseillers de la polysynodie n’apparaissent pas particulièrement désireux de laisser le Duende aux commandes. Le 17 décembre 1676, le Conseil de Castille et le Conseil d’État se prononcent pour l’emprisonnement de Valenzuela et pour son remplacement par le cardinal d’Aragon. La Junte, créée le 23 décembre autour de ce dernier, et qui comprend Medinaceli, le Condestable et l’Almirante, confirme la décision de l’emprisonnement.
42En réalité, la ligne de partage qui sépare les juanistes de la dernière heure de ceux qui restent dans l’attentisme — davantage mus par une extrême méfiance envers don Juan que par une inclination pour Valenzuela —, n’est pas claire. Soit le prince d’Astillano, fils de Medina de las Torres. Selon Albrecht G. von Kalnein, il aurait participé aux manigances visant à inciter Charles II à appeler son demi-frère à la cour, à l’occasion de sa majorité49. En tant que président du Conseil des Flandres, il refuse de traiter directement avec le nouveau Premier ministre sans passer par le roi et il participe aux réunions de mécontents qu’organise le duc d’Albe, aux côtés de Medellín et d’Osuna50. Cependant, le 19 décembre 1676, il propose de concert avec l’Almirante et Valenzuela d’aller mettre en sûreté Mariana et le jeune roi à l’Alcazar de Ségovie, ce qui lui vaut d’être exilé par don Juan à son arrivée au gouvernement. Si l’on compare ce parcours à celui de Medinaceli, on constate que l’ambivalence prévaut dans les deux cas. Le Texte des oiseaux évoque Astillano sous les traits d’une perdrix :
Et la perdrix, éternelle timide
Malgré sa sagesse, je ne crois pas
Qu’elle ait réalisé le mal qu’elle faisait
En n’ayant pas de position claire51.
43Quant aux partisans les plus notoires de Valenzuela, le Condestable et l’Almirante, ils adoptent, dans la courte période qui s’étend de la parution du manifeste des Grands, le 15 décembre 1676, à l’appel de don Juan par Charles II, le 27 décembre de la même année, une ligne de conduite erratique et désespérée, non exempte d’opportunisme. Ainsi, le Condestable s’oppose à la proposition de mettre en sûreté la reine et le Habsbourg à Ségovie, contre l’avis de Valenzuela. L’Almirante, lui, une fois l’emprisonnement du Duende acquis, approuve l’idée d’appeler don Juan au gouvernement, rejoignant les vues du cardinal d’Aragon pour qui il s’agit d’un mal nécessaire52. Il est significatif que le duc de Medinaceli, pourtant qualifié de juaniste, s’y oppose53 ! Ce bref tour d’horizon nous conforte donc dans l’idée qu’il n’existe pas de grands valenzuelistes à proprement parler, mais plutôt des antijuanistes et des partisans de la reine. De façon générale, hormis les signataires du manifeste du 15 décembre 1676, les nobles manœuvrent à vue, en évitant de prendre ostensiblement parti tant que le dénouement de la crise reste incertain.
44En revanche, Valenzuela a su s’attacher des personnages appartenant à des catégories sociales plus humbles qui lui doivent leur ascension. C’est le cas de l’architecte José del Olmo54. Quand Valenzuela est nommé Superintendant des Œuvres royales en janvier 1675, il dépossède de son autorité la puissante Junta de Obras y bosques et profite de la vacance de la maestría mayor pour y placer son protégé, le second aparejador José de Olmo. Une cédule royale du 14 juin 1676 sanctionne la nomination. José de Olmo avait auparavant candidaté pour occuper ce poste en 1671, mais c’est Gaspar de la Peña qui avait obtenu la faveur, le 8 avril. Il doit donc clairement sa place au valido. La chute de Valenzuela entraîne celle de l’architecte. On prend prétexte de l’effondrement du pont de pierre du Pardo, dont Olmo avait été le maître d’œuvre, pour le mettre en prison puis le destituer. Lors le procès qu’on lui intente, on l’accuse d’avoir réagi à la fuite de Valenzuela à l’Escorial en rassemblant des maçons pour voler au secours de son maître, le cas échéant. D’après Maura, l’architecte était coutumier du fait. Ainsi, après la journée des Dupes, Valenzuela aurait chargé José de Olmo de réunir des petites gens et de les faire patrouiller dans les rues de Madrid pour empêcher que le prince ne revienne dans la capitale après en avoir été congédié. Le valido l’aurait sollicité à nouveau en décembre 1676 pour former des troupes de gagne-petit [ « ganapanes »] dans le but de faire barrage à don Juan55. Les maçons et les charpentiers sur lesquels Olmo avait de l’ascendant en raison de sa profession ont certainement fourni une part importante des rangs de ces patrouilles. La harrangue d’Olmo à la corporation des maçons de Madrid stigmatisant les abus de la reine, le 10 avril 1699, confirme bien son influence sur les petites gens de la capitale et renseigne sur la façon dont il cherchait à les mobiliser56.
II. — CORTES ET FORALISME : ÉQUILIBRE DES POUVOIRS ET JEUX DE CLIENTÈLES EN ARAGON
45Il s’agit ici d’étudier la composante aragonaise du mouvement d’opinion qui porte don Juan au pouvoir en 1676-1677. Dans ce but, il convient de restituer la politique du fils naturel de Philippe IV comme vicaire général d’Aragon et d’analyser comment il se constitue une clientèle aragonaise afin de comprendre pourquoi les nobles de ce royaume placent leurs espoirs en lui pour accéder à la cour et au gouvernement de la monarchie. On sera alors en mesure d’expliquer les raisons et la manière dont les revendications forales aragonaises se greffent sur le mouvement d’opinion contre Valenzuela pour le profit de don Juan.
La politique de don Juan comme vicaire général : le socle d’une alliance avec l’Aragon
46Don Juan est nommé vicaire général d’Aragon le 2 juin 1669. De nombreuses festivités célèbrent son arrivée, sur les instances du Conseil municipal de Saragosse57. Dépêché par les jurados de Saragosse, le syndic de la ville Bernardo de Erbas se rend à Cariñena où le prince s’arrête avant de gagner la capitale aragonaise pour recevoir ce dernier avec le faste nécessaire. Des nobles de tout le royaume l’y avaient précédé. Le 30 juin, don Juan s’installe solennellement à Saragosse, à l’Aljafería, ancien palais maure. Les jurados et les instances représentatives de la ville viennent alors saluer en grande pompe celui dorénavant chargé de maintenir l’ordre et la sécurité, d’administrer la justice et de veiller à la fortification des frontières58.
47Il n’était pourtant pas acquis que don Juan devienne le protecteur de la cause aragonaise. Face à un vice-roi d’Aragon qui avait capté l’effectivité du pouvoir, la lieutenance générale était devenue honorifique. Mais don Juan a su redonner du lustre à une fonction qui pâtissait d’une bicéphalie institutionnelle. Arrivé à Saragosse, le prince s’empresse de résoudre la question de la concurrence des pôles décisionnels en éliminant son adversaire, le comte d’Aranda, partisan de la reine. Dans la nuit du 11 mars 1670, des cavaliers pénètrent chez le vice-roi sous prétexte de le convaincre d’avouer le sombre dessein qu’il aurait conçu d’empoisonner Son Altesse, afin d’empêcher le traître de récidiver. Cette expédition punitive se solde par le départ incognito d’Aranda quatre jours plus tard. Don Juan a eu beau jeu d’exploiter, par les ressorts de la publicité, cette affaire trouble. Le 29 mars 1670, une gazette présente une version juaniste des événements59. Les choses en restèrent là et dès lors, don Juan détint la réalité du pouvoir en Aragon.
48Il nous importe de montrer comment la politique du nouveau vicaire général lui forge une stature de défenseur et de promoteur de l’Aragon et de ses libertés, prédisposant les sujets de ce royaume à en faire le champion de leur cause. Ainsi, la politique de levées des troupes face à la reprise de la guerre avec la France, la mise en place d’une junte de commerce par don Juan et les démarches auprès de la cour faites par ce dernier pour défendre l’oligarchie locale donnent à voir comment il devient le pivot de la négociation entre l’Aragon et Madrid, à la fois indispensable à Madrid pour être le seul à persuader les Aragonais de mobiliser des hommes, malgré les difficultés financières et la déprise démographique, et indispensable aux Aragonais pour parvenir à leur obtenir certains avantages en échange des levées.
49La guerre contre Louis XIV éclate dans un contexte difficile pour l’Aragon. Dans les négociations entre Mariana et la municipalité de Saragosse pour organiser la défense de la monarchie, don Juan apparaît comme le seul intermédiaire capable d’accorder les partis. Le 24 mars 1672, une lettre de la reine, soutenue par une missive du prince, demande des secours militaires pour aider la Catalogne60. Saragosse verse deux cent mille escudos et quémande, en compensation, le droit de frapper monnaie. En mai 1675, une ultime lettre de la régente, accompagnée d’un billet de don Juan, ordonne de former un autre tercio. La situation critique de Gérone, dont les Français voulaient s’emparer, laissait présager une déroute qui « menacerait non seulement le Principat mais aussi toute la monarchie61 ». Devant les tergiversations de Saragosse, don Juan envoie deux autres missives pour l’inciter à obtempérer, le 1er et le 3 juin62. Le 26, la ville cède, mais demande en contrepartie le droit de frapper monnaie qu’elle n’avait pas obtenu en 1672 et requiert de don Juan une lettre de soutien. Le succès relatif de l’effort de mobilisation tient donc en grande partie à l’action du vicaire général au point que, selon Antonio Álvarez-Ossorio, certains membres de l’oligarchie municipale ont conçu l’effort d’approuver le service de 1675 en termes de fidélité personnelle à don Juan63.
50La création d’une junte de commerce à l’instigation du prince le consacre comme champion de la cause aragonaise. Les désastres de la guerre avaient fragilisé l’agriculture et l’industrie souffrait d’un grave retard technique. La faible productivité laissait le champ libre aux exportations françaises qui confisquaient le marché. Constatant le décalage entre les deux puissances, don Juan crée une junte de commerce en 1674 pour fortifier le commerce et l’industrie. La tâche assignée consistait à traiter les mémoires et les pétitions des municipes pour délibérer des réformes à élaborer. En somme, il s’agit de faire prendre un tour mercantiliste à l’économie aragonaise et d’en appeler au patriotisme et à l’intérêt commun pour assurer la bonne marche du projet.
51Les résultats déçoivent car les obstacles étaient nombreux. Ainsi, les tensions entre la Députation et les villes, qui formaient les deux piliers de la junte, condamnent toute perspective d’évolution. Les députés voulaient introduire la libre circulation des marchandises à l’intérieur du royaume, ce à quoi s’opposaient les villes représentées par les jurés64.
52De façon plus diffuse, on constate à de nombreuses reprises que don Juan défend les intérêts de l’oligarchie, soucieuse de maintenir un certain contrôle sur le vivier de recrutement des notables, jurés et députés. Les grandes familles de Saragosse, comme les Ezmir ou les Arañón, veulent fermer les charges municipales aux nouveaux venus. Les archives du Conseil d’Aragon montrent que le prince joue un rôle de médiateur entre la reine et les élites politiques locales, afin de rayer des listes des insaculaciones les noms de ceux que la reine avait ajoutés et que les Aragonais jugeaient indignes d’appartenir à leurs institutions en raison de leur extraction sociale trop basse65. Kalnein rappelle ainsi que, grâce à l’insistance de don Juan lui-même sollicité par les jurés, Mariana avait accepté de retirer des listes de tirage au sort deux personnes qu’elle avait elle-même placées, Juan de Portarrie et Pedro de Pasamonte, sous prétexte qu’ il était « nuisible au service de [Sa] Majesté que des personnes d’un si vil emploi, rendus encore plus inaptes par leurs coutumes, entrent comme représentants de si grands et si méritants citadins66 ».
53Le bilan mitigé de la politique de don Juan en Aragon tient donc en grande partie à ce que la capacité constitutionnelle d’un représentant du roi n’est en rien comparable à celle du roi. Le prince n’a pu concrétiser par voie de décret les réformes proposées par la junte, pas plus qu’il n’a eu le pouvoir d’octroyer le droit de battre monnaie pour dédommager le royaume des levées militaires. Ces limites structurelles qui entravent toute embellie expliquent la joie des Aragonais lorsque don Juan est appelé à la cour en novembre 1675 — un interlocuteur de poids allait, pensaient-ils, faire aboutir leurs revendications à Madrid — ainsi que leur insistance à demander de réunir les Cortes. La remarque vaut d’autant plus que, grâce au respect qu’a valu au bâtard royal l’initiative de la junte, les députés le naturalisent le 6 novembre 1674 et le déclarent aragonais67. Il devient ainsi dans les faits le défenseur de la cause aragonaise tout en ayant mené une politique de négociation pacifiée avec Madrid.
54Ces considérations prennent un nouveau relief devant la persistance des tensions entre la cour et l’Aragon pendant cette période. Le conflit entre l’église de la Vierge du Pilar et l’église de San Salvador (la Seo) en témoigne. L’église du Pilar, qui arguait de la guérison miraculeuse d’un berger infirme par l’intercession de la Vierge du Pilar en 1640 et qui s’appuyait sur la politique de diffusion du culte marial et de l’Immaculée Conception mise en œuvre par la Couronne, revendiquait le titre d’église métropolitaine au détriment de la Seo. Deux camps s’étaient alors formés, celui de la Seo, unanimement soutenu par les Aragonais, et celui du Pilar, appuyé par Madrid. Si les échanges restent sur le mode de la négociation entre le Conseil d’Aragon, le vice-roi et la Députation, les enjeux n’en sont pas moins considérables puisqu’il s’agit en vérité de redéfinir la répartition des pouvoirs entre Madrid et l’Aragon. En vain, puisque les jurés ne parviennent pas à s’émanciper du vice-roi et du Conseil d’Aragon pour pouvoir s’adresser directement à la reine : les consultes du Conseil d’Aragon montrent que ces requêtes se heurtent à un refus ferme68. L’envoi par Saragosse de sa propre ambassade à Rome agrège à la dispute la question du monopole des négociations avec le Saint-Siège69. C’est une voie médiane qui s’impose. En février 1675, la bulle apostolique de l’« Union des deux Églises » est promulguée. Ratifiée le 11 février 1676, elle clôt le conflit par la fusion des deux anciennes rivales.
55Ainsi, pendant les années où don Juan séjourne à Saragosse, la nécessité de réunir des Cortes ne perd nullement de son acuité, elle est seulement contenue jusqu’à la proclamation de la majorité du roi. Les Aragonais souhaitent des ajustements dans leurs rapports avec Madrid. La consultation des archives de la Députation de Saragosse permet de cerner les principaux points d’achoppement avec le centre : la question de la nomination des charges municipales (les ordinaciones) et en corollaire celle de l’insaculación ainsi que le problème plus général de la répartition des offices au sein du gouvernement central. Les Aragonais qui s’estiment floués, réclament une plus grande part, notamment au sein du Conseil des finances et des Conseil des Indes ou d’Italie. L’insatisfaction des Aragonais et le prestige croissant d’un don Juan considéré comme un allié solide, protecteur de la conception corporatiste et oligarchique qu’avaient les élites locales de leurs institutions, constituent un jalon essentiel du processus qui conduit ce royaume à soutenir le prince contre Valenzuela.
Clientèle et amalgame d’intérêts
56L’importance de la composante aragonaise dans la seconde marche sur Madrid et l’imbrication entre revendications forales et protestation contre la journée des Dupes témoignent de l’appui qu’accordent les Aragonais à don Juan, lors de la campagne d’opinion contre Valenzuela. Si le succès des levées de troupes et la position du vicaire général comme intermédiaire privilégié entre Saragosse et Madrid signalaient l’influence de ce dernier sur les institutions aragonaises, d’autres rouages expliquent que les ressortissants de ce royaume se rangent à ses côtés. En effet, le prince s’est créé une ample clientèle dans cette région, laquelle lui a donné la possibilité d’amalgamer ses intérêts à ceux de ses clients.
57Dans cette optique, l’entreprise de don Juan suit deux grandes lignes. D’une part, il fait entrer dans sa maison des notables appartenant aux institutions aragonaises ou des membres de grandes familles de la noblesse aragonaise. D’autre part, les levées de troupes nouent un lien particulier entre don Juan et certaines familles de l’aristocratie pour qui le service militaire offrait une opportunité de promotion.
58Avoir des alliés au sein de la Députation et du Conseil municipal (jurés) conférait un atout redoutable à don Juan. La Députation, dont le recrutement était plus aristocratique et fermé que celui du Conseil municipal, avait pour rôle principal de défendre les fueros. Ce sont donc les députés qui animent le bras de fer foral avec la cour, afin de protester contre l’éviction jugée scandaleuse de don Juan au terme de la journée des Dupes. Les huit députés étaient élus tous les ans. Quant aux cinq jurés du Conseil municipal, assistés de trente-cinq cavaliers, ils avaient en charge la gestion de la ville et étaient également renouvelés tous les ans. Leur collaboration apparaissait indispensable à la bonne marche de la politique de don Juan (l’organisation des levées militaires et la mise en place de la junte de commerce) et au succès de son entreprise de médiateur avec Madrid.
59Afin de restituer de telles logiques clientélaires, il faut croiser plusieurs types de sources : les archives municipales et les archives de la Députation de Saragosse, les récits de la seconde marche sur Madrid, les archives de la maison de don Juan à Simancas, les décrets nommant un nouveau personnel politique quand le prince prend ses fonctions de Premier ministre et, enfin, les dédicaces d’ouvrages écrits pour lui durant son séjour en Aragon.
60En 1673, le troisième juré, Felipe Bardaxi, issu d’une famille de juges et de notables de Ribagorza est également caballerizo de don Juan. Ces liens semblent d’autant plus solides que c’est toute la famille Bardaxi qui gravite autour du vicaire général. Frère Manuel Ortigas y Bardaxi lui a dédié un recueil de sermons qu’il ouvre par un panégyrique de don Juan70. Quant à Bartolomé León de Albión, également député, il avait été mayordomo du bâtard royal71.
61Par ailleurs, don Juan a favorisé l’ascension de certains personnages qui lui seront redevables. Miguel Marta y Gómez y Mendoza, recteur de l’université de Saragosse, correspond à ce cas. En février 1672, le prince intercède en sa faveur à la cour pour qu’on lui paie une prébende promise du temps de Philippe IV72. Reconnaissant, Marta y Mendoza lui dédie un ouvrage intitulé Bellica tritogeniae palladis encyclopedia73 en 1674. La dédicace signale l’existence d’une académie protégée par le prince, la caesaraugustana academia, discutant de sujets littéraires et philosophiques à laquelle participait Marta y Mendoza. Quant au fils de Miguel, Jerónimo Marta y Mendoza, il est juge à la Sala Civil de l’Audience d’Aragon en 1672. Cette même année, le troisième juré est également un Marta, Miguel Alasanz y Marta. Voici donc une autre famille puissante et influente de Saragosse prise dans les rets clientélaires du prince. Force est d’admettre que don Juan a su exercer une forte influence sur les principales familles de l’élite politique et sociale de l’Aragon en nouant des liens de différente nature.
62Le service militaire constitue la dernière modalité grâce à laquelle don Juan s’attache des appuis. Les élites locales considéraient la participation aux levées militaires, exigées par les impératifs de la nouvelle guerre avec la France, comme un puissant levier d’ascension sociale. Kalnein analyse les archives du Conseil d’Aragon afin de montrer comment, lors des Cortes de 1678, l’aristocratie aragonaise se prévaut des services militaires rendus pour quémander grâces et faveurs, comme don Juan Abarca. Fort de sa participation à la guerre contre la France sur le limes catalan, il demande à entrer dans un des ordres militaire espagnols74. Don Juan de la Sierra y Azlor, chevalier de l’ordre de Saint-Jacques, fournit un exemple de personnage issu d’une famille de la noblesse militaire — son père, don Juan de Azlor, avait été capitaine dans le Principat et son oncle avait servi quatorze ans dans les Flandres — qui rassemble une compagnie de soldats à la fois pour répondre aux appels alarmés de Madrid et œuvrer au bien commun, pour faire acte d’allégeance envers don Juan et pour lancer une carrière militaire qui lui permit de gravir des échelons75. Ainsi, il lutte contre la France, mais lorsque don Juan s’achemine à Madrid, répondant à l’appel de son frère en novembre 1675, Azlor l’accompagne. Il participe à la seconde marche sur la capitale, prenant la tête de soixante cavaliers. Le prince ne manque pas de le remercier pour ses loyaux services. Il le nomme capitaine d’un tercio et lui octroie le titre de comte de Guara76.
La greffe sur la campagne d’opinion contre Valenzuela : le bras de fer foral entre la cour et l’Aragon
63La journée des Dupes entraîne la stupeur des Aragonais. Voilà anéanti l’espoir d’avoir un interlocuteur privilégié à la cour pour défendre leurs intérêts. Décidés à ne pas renoncer, ils comptent se faire entendre à Madrid. C’est pourquoi une offensive forale qui se greffe sur la campagne d’opinion contre Valenzuela, se met en place, tant les Aragonais estiment leur sort lié à celui du prince. Ce phénomène d’imbrication invalide la lecture généralement offerte de l’événement qui consiste à y voir l’instrumentalisation par don Juan de la structure composite de la monarchie espagnole, misant sur la défense des fueros pour faire pression sur la cour. Il s’agit plutôt d’une négociation politique musclée avec la cour, sur la base d’un jeu à somme positive où toute avancée des revendications aragonaises profite à don Juan et vice versa. L’utilisation de l’arme forale n’est pas vraiment concertée et l’initiative en revient à la Députation. C’est seulement en prenant en compte toutes ces données que le bras de fer foral doit être intégré dans la campagne d’opinion contre Valenzuela.
64L’offensive forale se déploie selon une triple direction : les Aragonais refusent de reconnaître le nouveau vice-roi tant que le dernier Habsbourg ne sera pas venu jurer les fueros, ils développent une littérature historico-juridique autour des fueros qui réactive le mythe de Sobrarbe et ils dépêchent des ambassades à Madrid afin de convaincre de la nécessité d’un voyage de Charles II à Saragosse dans le cadre de Cortes.
65Après la journée des Dupes, la Députation entreprend à la cour un bras de fer foral, susceptible de provoquer un blocage institutionnel. Tout d’abord, la ville n’accepte pas le nouveau vice-roi, le duc de Híjar, tant que Charles II ne sera pas venu prêter serment à Saragosse77. Les quatre avocats de la Députation présentent une supplique au Justicia de Aragón, juge gardien des fueros, arguant de leur bon droit au nom du fuero Coram quibus Dominus Rex octroyé par Jean II aux Cortes de Calatayud. D’après ce fuero :
Nous et nos successeurs sommes tenus de prêter serment avant de pouvoir exercer quelque juridiction. Ainsi, de par la volonté de la cour, nous statuons que nos successeurs et les lieutenants généraux […], avant de pouvoir user d’une quelconque juridiction, seront tenus de prêter serment à Saragosse, à la Seo de San Salvador, devant le grand autel, publiquement, en la présence du Justicia de Aragón […] et en présence de quatre députés du royaume, un de chaque bras, et de trois jurados de la ville de Saragosse78.
66Si l’on suit la lettre du fuero Coram quibus, la requête de la Députation va encore plus loin puisqu’elle demande la suspension temporaire de la juridiction de Charles tant qu’il n’aura pas juré les lois constitutionnelles à la Seo. La gravité de l’affaire n’échappait guère aux contemporains dont certains interprétaient ce geste comme une manœuvre de don Juan pour attirer le Habsbourg dans son fief afin de revenir à la cour79.
67Une certitude donc, les contemporains percevaient bien les liens, aussi complexes fussent-ils, entre les revendications forales et la cause juaniste. L’auteur du Nouveau livre de l’Espagne perdue par Mariana qui lançait un vibrant appel à don Juan pour le persuader de revenir à la cour considérant l’ordre de s’en retourner à Saragosse comme nul et non advenu, ne s’était pas privé de tonner contre le vice-chancelier du Conseil d’Aragon, Melchor de Navarra, accusé d’avoir voulu acheter des députés pour les dissuader de poursuivre leur offensive forale80. Kalnein a répertorié un mémoire du vicecanciler aux archives du Conseil d’Aragon étayant cette affirmation81. Dans ce texte, Melchor de Navarra conseille à la reine de s’attirer les faveurs de certains députés et de notables de Saragosse : don Rodrigo Pujadas, député, Oscariz y Vélez, juré en chef, et le docteur Jorge de la Balsa, lieutenant du Justicia mayor82. Les efforts des députés échouent pourtant, car, si le Justicia et ses lieutenants donnent raison à leur remontrance, ils valident le même jour, le 14 décembre 1675, le plaidoyer de l’Abogado fiscal y patrimonio du roi, le juriste Joseph Oscariz y Vélez, qui défendait la thèse contraire83. L’affaire n’est donc pas réglée et ce premier dénouement n’ôte nullement à la Députation la possibilité d’aller plaider sa cause plus fermement au Conseil d’Aragon et à la cour.
68Le 6 janvier 1676, le Conseil municipal examine la protestation des procuradores des députés qui voulaient refuser de recevoir le serment de Vicente Ladrón, nommé zalmedina84 par le roi, dans la mesure où le souverain n’avait pas juré les fueros85. Cependant, le Conseil municipal ne suit pas les députés. Les jurés reçoivent le serment du nouveau zalmedina, expliquant que le cas s’était déjà produit et qu’il n’avait pas soulevé de polémique, que la mise en œuvre de la justice ne souffrait aucun contretemps et enfin, qu’un voyage en Aragon en cette mauvaise saison pourrait se révéler fatal au jeune roi encore fragile86.
69Nullement découragés, les députés entretiennent avec le roi une correspondance dont le ton assure de leur détermination. Cet échange épistolaire s’étale du 19 novembre 1675 à la fin de mars 167687, alors même que les discussions sont ouvertes au Conseil d’Aragon, l’arsenal juridique des Aragonais se voyant contrecarré par plusieurs textes, notamment celui du Régent Heredia intitulé Dissertat. amplissima huius materiae. N’ayant pas obtenu gain de cause, les députés ne relâchent pas la pression et tiennent des propos menaçants, entretenant une atmosphère de malaise aux Conseils d’Aragon et d’État, qui n’épargne guère les ministres ou les lieutenants du zalmedina88.
70L’effort théorique des régnicoles incite les députés et les défenseurs du Coram quibus à investir plus largement un autre terrain, celui de l’écrit, afin d’assurer un soubassement théorique à leur démarche. Plusieurs ouvrages historico-juridiques paraissent donc en 1675 et en 1676, traitant de la défense des fueros. On recense en particulier le Discurso historico-foral, juridico politico en orden al juramento que los supremos y soberanos señores Reyes de Aragon (salva su real clemencia) deben prestar en el nuevo ingreso de su gobierno y antes que puedan usar de alguna juridicción, imprimé par les héritiers de Diego Dormer en 1676 et le livre de Domingo La Ripa, Defensa histórica por la antiguedad del Reino de Sobrarbe en 1675. L’argumentation se laisse saisir aisément : pour être roi d’Aragon, le roi de Castille doit venir jurer les fueros. Si le souverain ne se conforme pas à cette loi, les Aragonais peuvent s’estimer délivrés de toute allégeance.
71Si nous avons souligné les précautions à prendre à l’heure d’évoquer une possible instrumentalisation des lois constitutionnelles par don Juan, il est en revanche indéniable que ce dernier a encouragé les revendications forales, lui-même sollicité par les juristes aragonais. Ainsi, l’ouvrage de La Ripa est introduit par une censure très élogieuse de Francisco Fabro Bremundans, secrétaire de don Juan. En réalité, ce livre se voulait aussi une riposte à l’œuvre du jésuite Moret, Investigaciones históricas de las antiguedades del Reyno de Navarra, qui ironisait sur l’importance des fors.
72La reconstitution de réseaux, cette fois à travers les jeux de dédicaces, dévoile les liens entre don Juan et les auteurs d’ouvrages défendant les fors. L’engagement de Fabro Bremundans dans la censure de La Ripa montrait clairement sa position et celle de son maître. Nul hasard à ce que Sancho de Abarca, un proche de don Juan, comme nous l’avons indiqué, livre lui aussi un éloge enflammé de ce traité. Cette association entre la figure de don Juan et la défense des fueros éclaire le sens de l’hommage rendu par le prestigieux juriste valencien, don Lorenzo Matheu y Sanz, régent du Conseil d’Aragon, au prince lorsqu’il lui dédie son Tratado de la celebracción de Cortes generales del reino de Valencia. La présence de don Juan à Saragosse a donc revivifié les mythes fondateurs aragonais que l’affaire Antonio Pérez de 1591 avait contribué à mettre en sommeil et a entretenu l’espoir de la réunion de Cortes.
73La dernière ligne qu’adoptent les Aragonais pour défendre leur cause consiste dans l’envoi d’une ambassade. La décision en est prise, comme nous l’avons dit, à la fin de mars 1676. Dès le 17 décembre 1675, les députés avaient rédigé une missive à l’adresse du Président du Conseil d’Aragon, Melchor de Navarra, arguant du péril d’une incursion française en Aragon pour accélérer la venue de Charles à Saragosse afin de jurer les fueros et de réunir des Cortes89. Les députés avaient joint à cette missive un traité justifiant la nécessité de venir jurer les lois constitutionnelles. Le vice-chancelier avait répliqué sans tarder, défendant l’impossibilité pour le Habsbourg de se déplacer dans l’immédiat, fort du même argumentaire plusieurs fois développé, par exemple chez Oscariz y Vélez90. En septembre 1676, la Députation envoie des ambassadeurs à la cour afin d’inciter le roi à venir en Aragon. Les deux envoyés choisis sont deux représentants de la haute noblesse : le marquis de Coscojuela et don Jaime de Palafox. Le 18 novembre, une audience royale leur est enfin accordée. Le 20, la question des Cortes fait à nouveau l’objet de discussion au Conseil d’État et, le 30, Charles promet à la Députation de venir en Aragon en mai 167791. Encore une fois, on peut percevoir l’imbrication de ces démarches avec la cause juaniste, qui explique certainement en partie le succès de l’ambassade. L’élévation à la grandeza de Valenzuela et sa nomination comme Premier ministre au début de novembre avait provoqué la fureur de la noblesse curiale. Or, les émissaires, dont certains, comme Coscojuela, appartiennent au réseau clientélaire aragonais de don Juan, rencontrent le parti encore embryonnaire des mécontents, intriguent à la cour et fréquentent quelques partisans notoires du prince. On lit ainsi dans des chroniques :
Les envoyés de l’Aragon, venus convaincre le roi de se rendre à la ville de Saragosse, capitale de ce royaume, pour qu’il y soit couronné, étaient accompagnés par don Antonio de Toledo et par son père, le duc d’Albe, et de nombreux messieurs qui les escortaient jusqu’à leur demeure92.
74De l’adhésion réfléchie à l’adoration proche de l’espérance messianique, de l’opportunisme à l’instrumentalisation pure et simple, du calcul d’intérêts à la fidélité de liens clientélaires ou amicaux, les motivations de ceux qu’on qualifie de « juanistes » montrent combien l’expression « prendre parti » recouvre un kaléidoscope de réalités hétérogènes dont rend partiellement compte la distinction que nous avons établie entre faction, parti et mouvement d’opinion. Cependant, le tableau reste incomplet. Il nous manque à explorer comment d’autres conflits ou d’autres logiques se greffent sur les guerres de plumes contre les validos de Mariana, entraînant la prise de plumes d’individus dont la fin première n’est pas de défendre Nithard, Valenzuela ou don Juan. Nous proposons donc d’analyser le poids des rivalités entre les ordres religieux, celui des stratégies individuelles ou collectives de certains acteurs qui profitent de l’espace de publicité né de la dynamique textuelle ainsi que le rôle des conflits ou des enjeux à l’échelle locale dans certains engagements politiques.
III. — UNE TRIBUNE POUR RÉGLER D’AUTRES DIFFÉRENDS : LES CONFLITS ENTRE LES ORDRES RELIGIEUX
75Les rivalités entre jésuites, franciscains et dominicains rendent compte de l’intervention de certains acteurs dans la guerre de plumes contre Nithard, qui oublient parfois l’enjeu initial, la défense de don Juan et le renvoi du valido. L’auteur des Mémoires inédites va jusqu’à inverser la perspective. Selon lui, les franciscains se serviraient de don Juan et de l’agitation qu’il crée pour se venger de la réussite du confesseur93. Le discours alarmiste que les clercs brodent autour du topique de l’étranger et des conséquences délétères de la présence d’un Allemand au gouvernement ne dresserait ainsi qu’un écran de fumée pour cacher la jalousie des dominicains et des franciscains envers les jésuites, inavouable telle quelle94.
La question de l’antijésuitisme
a) La greffe de l’antijésuitisme sur le conflit don Juan / Nithard
76Cette greffe des rivalités des ordres cristallise des différends déjà anciens, que l’accession d’un père de la Compagnie au titre de confesseur de la reine, au rang d’Inquisiteur Général et de membre de la Junte de gouvernement, exacerbe. L’auteur des Mémoires inédites déplore ainsi : « la haine invétérée et implacable que conçoivent les dominicains à l’égard de tous les enfants de la Compagnie de Jésus, qui les incite à essayer de les discréditer et à les rendre odieux aux autres95 ».
77D’autres éléments valident la pertinence de l’approche de la guerre de plumes de 1668-1669 par le prisme de l’antijésuitisme, comme la trajectoire de certains auteurs. Si le jésuite Juan Cortés Ossorio prend la plume pour ferrailler contre don Juan, c’est avant tout pour défendre la Compagnie contre les calomnies du prince. De même, le dominicain Álvarez de Montenegro, confesseur royal de 1668 à 1675 et de 1677 à 1678 et proche de don Juan, a défendu les intérêt de son ordre ainsi que le monopole dominicain sur l’office de confesseur du roi par une plume fougueuse. Dans un contexte où jésuites et frères prêcheurs s’affrontent par libelles interposés, les membres de la Compagnie de Jésus attaquant leur position sur l’Immaculée Conception et proclamant la nécessité de les éloigner du monde courtisan, Álvarez de Montenegro riposte96. Il commande à Diego José Dormer une œuvre retraçant la vie et el rôle des confesseurs dominicains des rois d’Aragon pour livrer en filigrane un éloge de cet ordre97. Il reprend certains arguments de ce texte dans sa lettre ouverte à Charles II où il défend les dominicains et le bien-fondé de leur prédominance au poste de confesseur royal98. Enfin, il faut souligner l’amalgame construit à l’époque — et en partie fondé — entre les intérêts de Nithard et ceux de l’ordre jésuite au point de les rendre indissociables. Si les préoccupations épistémologiques de notre démarche ont conduit à noter l’absence d’engagement monolithique au sein de groupes préalablement constitués, il reste que, sauf exception, les membres espagnols de la Compagnie ont dans leur majorité soutenu Nithard. La purge sévère que leur inflige don Juan à son arrivée au pouvoir corrobore l’hypothèse. Douze jésuites prennent la route de l’exil le 8 juin 1677, suspectés d’avoir écrit des textes nithardistes ou d’avoir prononcé des sermons desservant la cause du prince99.
78Cette imbrication a pu entraîner des effets imprévus, comme le souligne le père Mendo. La stratégie de harcèlement et de brimade de l’adversaire aurait tellement effrayé les jésuites qu’ils seraient désormais tentés d’éloigner Nithard, de peur de représailles :
On a dit à Son Altesse qu’il serait bon de mettre le feu à Notre Collège de Madrid et que ce serait un moindre mal que d’en brûler les portes. Les membres de la Compagnie, voyant que monsieur l’Inquisiteur Général leur vaut d’être si haïs, essaient eux-mêmes de le faire renvoyer100.
79C’est que les juanistes ne ménageaient pas leurs mots. Le récit de l’avancée de don Juan de la Puebla à Saragosse, lors de la marche sur Madrid, l’illustre. Entre les acclamations qui accueillent le prince, des invectives et des menaces contre les jésuites sont lancées. Certains affirmèrent à leur champion qu’ils ne s’en retourneraient pas s’en avoir exterminé les jésuites101.
80La confusion entre les intérêts de Nithard et ceux de la Compagnie vient aussi de ce que le confesseur a effectivement travaillé à la cause jésuite, obéissant aux ordres de la direction romaine102. Ainsi, le confesseur s’est employé entièrement à faire aboutir les requêtes dont l’assaillait le père Oliva en faveur de diverses personnalités jésuites ou alliées. Cette dynamique de distribution des honneurs dont Nithard était la plaque tournante, n’avait pu passer inaperçue. Elle avait irrité ceux à qui elle ne profitait pas. Évoquons certaines de ces intercessions relayées par Nithard. Il recommande le marquis Schidano au duc de Medina de las Torres, il demande un poste plus élevé pour Felipe Doria, fils du vice-roi de Cerdagne, enfin, il demande la fonction de général des galères de Sicile pour le marquis de Pescara103. L’impunité de l’ingérence jésuite dans les affaires de la monarchie suscite des réactions violentes de la part des juanistes qui accusent l’« internationale » de mener, à travers Nithard, une politique dangereuse dans le seul but de ménager ses intérêts particuliers, quitte à provoquer une crise au sein de l’Espagne.
b) Antijésuitisme structurel, antijésuitisme conjoncturel
81On saisit là le nœud entre un antijésuitisme structurel, forgé dans des différends théologiques et un antijésuitisme tout conjoncturel104. En effet, cette vague d’antijésuitisme ne peut s’exprimer qu’en raison de la configuration née du système de régence. Seuls les équilibres de pouvoir nouveaux qu’un tel système instaure entre les ordres expliquent l’offensive massive des dominicains et des franciscains par voie de sermons et de textes corrosifs105, dont l’écho se trouve amplifié par les conversations et les rumeurs qu’ils font courir à la cour106.
82On peut reconstituer l’ensemble des griefs imputés à Nithard et, au-delà, aux jésuites. Premier grief, les dominicains avaient détenu jusqu’alors le monopole de l’office de confesseur du roi de sorte qu’ils s’estimaient floués par Nithard107. Les dominicains avaient toujours prêté une attention particulière à la confession, ce qui avait favorisé leur nomination aux postes de confesseur royal dans toute l’Europe108. L’ordre des frères prêcheurs règne sans partage sur cette fonction prestigieuse du xiiie au xvie siècles, aussi bien en Angleterre, qu’en France, qu’en Espagne. La fondation de la Compagnie de Jésus modifie la donne. Les dominicains se voient détrônés presque partout au xviie siècle, excepté dans la péninsule ibérique. Cependant, l’entrée massive de jésuite à la cour de Madrid éveille la méfiance de leurs confrères. Les jésuites détiennent de plus en plus fréquemment des offices de prêcheur à la chapelle royale et certains deviennent les confesseurs de personnages de premier plan comme Olivares. Les dominicains connaîtront une nouvelle grande offensive contre leur monopole au poste de confesseur royal en 1700, le changement de dynastie impliquant pour certains la nécessité de changer l’ordre d’appartenance des confesseur du souverain109. De fait, Philippe V choisit un jésuite, le père Daubenton. Deuxième chef d’accusation, les clercs craignaient que le cumul des charges du valido et notamment son titre d’Inquisiteur Général ne lui permettent de monopoliser les offices pour les redistribuer aux membres de la Compagnie. C’est en ce sens que les dominicains s’insurgent lorsque Nithard place dans les universités de Salamanque et d’Alcalá de Henares deux jésuites110.
83Enfin, le fait que Nithard a défendu et promu le mystère de l’Immaculée Conception en Espagne lui vaut tant la haine des dominincains et des franciscains, que le soutien des jésuites qualifiés dans les textes de théatins. Un satiriste écrit ainsi, faisant allusion à l’amiral de Castille, libelliste nithardiste puis valenzueliste : « Chaque théatin est un amiral et chaque amiral un théatin, car la conception lui doit sa beauté, comme si la conception était un jardin à eux à côté des récollets111. »
Quand le conflit entre les ordres prend le pas sur le conflit don Juan / Nithard
84Afin de terminer cette étude, il convient de montrer, sans briser la dynamique des guerres de plumes, comment les querelles entre les ordres religieux éclipsent par instants la lutte de don Juan contre Nithard. Car, si le lecteur recense par intermittence des piques contre les membres de la Compagnie de Jésus, il arrive que des pans entiers de textes lancent des diatribes contre les jésuites, bâtissant des îlots autonomes. La satire des Trois de la Renommée s’emporte contre la « sophistique » des jésuites, qui manient les Saintes Écritures, sans scrupules, à leur convenance. Un des personnages tonne contre Nithard et les membres de la Compagnie :
Ils professaient une théologie pour faire une paix infâme avec un tyran qui a gardé un royaume et qu’on n’a pas qualifié de traître. Et ils n’en avaient plus pour innocenter le frère plein de zèle chrétien de leur propre roi de l’accusation de traîtrise, alors qu’ils en avaient une pour démontrer l’inverse et même pour justifier qu’il fallait le tuer […]. Cette doctrine, aussi partagée par le Père Moya, Salinas et tout son ordre, disait qu’on pouvait tuer volontairement un innocent au couteau pour libérer la patrie de l’oppression et qu’on pouvait couler une flotte au canon et faire sauter tous ceux qui sont dessus pour éviter que l’ennemi ne se l’approprie, ce qui aurait nui à la patrie ; et que quelqu’un pouvait se laisser noyer, cédant la planche qui l’a sauvé à un autre qui serait plus utile au bien commun. Mais le Père confesseur et les siens refusent de mettre en pratique cette maxime, je ne dis pas en se donnant la mort, on ne lui en demande pas tant, ni en se dépouillant de ses honneurs et de ses richesses, qu’il les emporte pourvu qu’il rentre dans sa patrie112.
85Par ailleurs, on repère des séquences textuelles où les règlements de compte entre les ordres religieux s’imposent au détriment de toute autre considération. Une série de trois libelles, qui se répondent successivement, l’illustre. Il s’agit de l’ensemble formé par la Lettre de Saint Ignace de Loyola par Son Altesse monseigneur don Juan, de la Lettre du Séraphique Franciscain pour Ignace et enfin des Esdrújulos contre ceux qui ont écrit la lettre de Saint Ignace113. La première lettre constitue une diatribe contre Nithard, accusé de déshonorer l’ordre jésuite. Sous prétexte de plaindre la Compagnie du préjudice que le confesseur lui infligerait, le faux Ignace porte un rude coup à son crédit. Dans la Lettre pour Ignace, le ton monte. L’auteur défend la Compagnie en louant les Inquisiteurs Généraux qui en furent membre. Dans les Esdrújulos, un glissement s’opère d’un discours ancré dans la querelle don Juan/Nithard, à une querelle véhémente entre jésuites et dominicains. Le scripteur commence par démontrer qu’Ignace ne peut avoir écrit ce tissu de calomnies. Abandonnant toute révérence, il insulte l’auteur et crie au complot dominicain. Celui qui se campe en redresseur de torts ne parle plus seulement pour lui mais au nom de son ordre, les jésuites114. Et quand il en vient à démasquer les auteurs, il constitue la vilenie et la médiocrité du propos en preuve irréfutable que ce texte est de la main de dominicains.
86À la lumière de la greffe du conflit entre les ordres religieux sur la campagne d’opinion contre le confesseur de Mariana, quel bilan peut-on dresser de l’engagement des jésuites dans cette crise ? Si, dans leur majorité, les membres de la Compagnie défendent Nithard, en particulier par sentiment de solidarité jésuite et en réaction aux attaques des partisans de don Juan, on ne peut en faire une généralité. On a vu la réticence de la direction romaine de la Compagnie de Jésus à l’égard de Nithard ainsi que l’action plus ou moins discrète de jésuites en faveur de don Juan (Dionisio Tempul, le père Plà). Il est probable qu’un grand nombre ait adopté une attitude discrète et attentiste de peur de représailles juanistes car on ne peut déduire de quelques prises de parti nithardistes fortes de jésuites que l’ensemble des Compagnie ait procédé de même. Il semble tout aussi impossible de distinguer des différences (qui existent probablement) dans cet engagement selon un découpage géographique par royaume. Les quelques jésuites aragonais ou catalans qui rédigent des lettres d’allégeance à Nithard exploitent leur localisation dans le fief juaniste pour valoriser le rôle décisif qu’ils pourraient tenir en tant qu’informateur ou en tant qu’obstacle à l’extension du mouvement juaniste. En somme, l’occasion est trop belle pour entrer dans la clientèle de Nithard sans encourir de risques sérieux puisque, dans les faits, ces jésuites proposent, en toute discrétion, de correspondre avec Nithard pour l’avertir de l’évolution de la situation et de faire dire des prières pour le salut de la Compagnie et du valido. Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur la sincérité des ces épistoliers, mais de signifier qu’on ne peut se prévaloir de ces missives pour déduire que l’engagement des jésuites aragonais et catalans serait plus fort que celle des Castillans.
IV. — QUE SIGNIFIE PRENDRE PARTI ? LES ÉCLAIRAGES D’UNE APPROCHE À L’ÉCHELLE LOCALE
87Considérer les polémiques entre les ordres religieux ainsi que les stratégies individuelles et collectives de certains acteurs prenant part aux guerres de plumes nous a permis de faire ressortir l’ambiguïté et la complexité que renfermait la notion vague de mouvement d’opinion. Nous proposons, pour achever cette étude, d’adopter une échelle locale afin de voir quel sens donner à l’expression « prendre parti » pour les années 1668 et 1669. À travers l’exemple de Barcelone, la portée du soutien que les juanistes ont effectivement apporté à leur champion sera interrogée. Le cas de Valence, lui, offre la possibilité de mesurer concrètement le poids des pressions et des enjeux locaux dans l’engagement des acteurs. Enfin, avec un ancrage à Grenade où les conflits locaux viennent se greffer sur les ambitions de don Juan, nous montrerons la difficulté qu’il y a à mesurer le degré d’adhésion réel des partisans ou des sympathisants à une cause politique.
Barcelone ou la question de l’effectivité du soutien apporté à don Juan et le débat historiographique sur le « néoforalisme »
88Il est généralement admis que la capitale de la Catalogne a apporté un soutien sans failles à don Juan. De fait, la campagne épistolaire de novembre 1668, inaugurée par les lettres rédigées le 13 novembre à Torre de Lledó, remporte un succès à Barcelone115. Le Conseil municipal, appelé Consell de Cent, la Députation et le chapitre écrivent à la reine pour la conjurer d’accéder aux requêtes de don Juan. Les témoignages d’Andrés Mendo ont montré la force du parti juaniste catalan, composé de nobles, de clercs, de soldats, d’artisans et des couches les plus modestes de la société.
89Nous proposons de partir du texte satirique le Desbelo de Juan Rana qui livre une lecture nuancée de la réalité et de la portée symbolique de l’appui de la Catalogne en 1668-1669, pour souligner combien il est difficile d’évaluer la part effective du soutien accordé au prince.
90Le Desvelo de Juan Rana paraît à Barcelone, comme l’attestent les références d’archives et le lieu où le texte est conservé116. Le fonds ancien de la Biblioteca Universitaria de Barcelone possède des manuscrits provenant de couvents des environs de Barcelone, le manuscrit 6384 de la Biblioteca Nacional de España rassemble des textes qui ont circulé en Aragon et le manuscrit 18.443 est une collection de libelles réunie par un habitant de Barbastro, non loin de Huesca. Par ailleurs ce texte surgit le 13 décembre, en pleine négociation entre la reine, don Juan et le Conseil des Cent et cherche à peser sur les transactions en cours. C’est une satire qui associe un titre de comédie à chacun des grands acteurs de la première guerre de plumes de la Régence, que ce soient des acteurs individuels ou des acteurs collectifs, comme la Junte de gouvernement ou des royaumes, tel l’Aragon. Si l’on s’attache au paragraphe consacré au Principat, on relève trois titres : Du roi à don Juan ; Tout donner sans rien donner et La sincère reconnaissance117. Proches du proverbe, ils commentent l’attitude du Principat à l’égard de don Juan, tout en encourageant le Conseil à réitérer son appui au fils naturel de Philippe IV et à manifester ce soutien à la reine. Or, loin des idées reçues d’un enthousiasme unanime de Barcelone pour le prince, la lutte entre don Juan et Mariana pour gagner le soutien du Principat apparaît en réalité serrée.
91Face à la réponse favorable du Conseil aux lettres de Torre de Lledó, la régente joue la carte de la diplomatie. Dans une lettre adressée à cette vénérable institution datée du 1er décembre 1669, elle en fait l’éloge et lui attribue le rôle de conseiller de don Juan118. Elle souhaite que le Conseil incite le prince à obéir aux ordres qu’elle lui avait donnés : se rendre à Consuegra pour faciliter, selon elle, la discussion. Quelques jours plus tard, une ambassade formée par Josep de Navel, Jeroni Miquel, Pere de Montaner et Francesc de Mora y Marimon prévient don Juan du propos de la reine. C’est ce qui décide le prince à reprendre la plume le 12 décembre dans une missive à Mariana où il explique pourquoi il ne peut se rendre en Castille119. Il en profite pour clamer une nouvelle fois sa loyauté et diaboliser Nithard qui, affirme-t-il, ne manquerait pas de vouloir l’assassiner dès lors qu’il s’approcherait de Madrid. Le 14 décembre, il écrit au Conseil et à la Députation afin de s’assurer de leur soutien dans cette nouvelle étape du conflit120. Devant le silence du Conseil et l’urgence de la situation, le prince reprend la plume le 23 décembre pour redemander à la municipalité de prier la reine de renvoyer Nithard et de proclamer que don Juan fait l’unanimité en Catalogne121. Le Desvelo de Juan Rana, mis en circulation le 13 décembre, a précisément vocation à sortir ces institutions de leur réserve prudente, ce qui remet en cause la thèse du soutien juaniste unanime et inconditionnel de la Catalogne. Voyons comment ce texte opère.
92La première comédie associée au Principat s’intitule Du roi à Don Juan. Cette formule opaque signifie qu’après le roi, le plus grand enthousiasme va à don Juan. Il faut retenir ici l’idée de fidélité de la Catalogne qui affirme n’avoir jamais trahi son roi, au contraire de ce que sous-entendaient les avisos alarmistes des nithardistes. Il est vrai que depuis 1652, avec le contrôle des insaculaciones, le gouvernement du Principat était aux mains de personnes dont l’adhésion à la monarchie est examinée et approuvée au préalable. Lors du conflit opposant le bâtard royal et le jésuite, les corporations de Barcelone sont toujours restées dans les limites de la fidélité à la Couronne, elles n’ont cessé de mettre en avant leur loyauté et ont systématiquement procédé en accord avec le vice-roi.
93À travers le titre de la seconde comédie, Tout donner sans rien donner, l’ambivalence de l’appui de la Catalogne apparaît plus nettement. Certes, la Catalogne a soutenu le prince en lui réservant un accueil enthousiaste et en lui offrant l’asile. C’est le sens du « Tout donner ». Mais, en fait, ce soutien reste modeste. Il se cantonne à un appui épistolaire prudent car, après la lettre à Mariana rédigée le 17 novembre 1668, pleine de révérence, où les conseillers appuyaient don Juan, ces derniers restent dans l’expectative, laissant sans réponse la lettre de don Juan du 14 décembre.
94Le troisième titre, La sincère reconnaissance signale que la Catalogne et ses institutions sont redevables au fils naturel de Philippe IV de son action en faveur du Principat lorsqu’il en était vice-roi.
95Si l’on opère la synthèse de ces titres, le message que distille la satire se résume à : il faut aider plus fermement don Juan, ceci lui est dû et n’implique pas de trahison envers le roi. Du roi à don Juan signifie que servir don Juan ne revient pas à trahir le roi, Tout donner sans rien donner souligne le soutien trop léger et prudent du Conseil et de la Députation et, enfin, le titre La sincère reconnaissance avance que Barcelone doit appuyer le prince en remerciement de sa politique quand il était vice-roi de Catalogne.
96La satire de Juan Rana ne semble pas avoir persuadé les conseillers d’agir plus promptement puisque ceux-ci décident de tenir au courant de leurs débats à la fois don Juan et le vice-roi et de s’en remettre à ce dernier pour leur résolution finale. C’est en vain que le prince presse les délégués du Conseil, Navel et Montaner, d’accélérer la cadence comme l’imposait sa situation délicate122. Le 28 décembre, le Conseil décide une nouvelle fois de soutenir don Juan, mais sans se départir de sa prudence coutumière. Reprenant le schéma des lettres précédentes, les conseillers écrivent à Mariana pour la remercier de sa missive du 1er décembre et lui signaler que, conformément à ses ordres, ils avaient transmis ses volontés à don Juan. Ils terminent le texte par une formule vague de soutien au prince, qui leur permet de se maintenir dans les limites de la fidélité à la reine-mère, priant cette dernière de prendre « la meilleure résolution pour le service royal de Sa Majesté et pour consoler et soulager monsieur don Juan123. » Avant d’expédier la lettre, les conseillers la remettent à don Juan pour qu’il donne son sentiment.
97Une nouvelle péripétie survient qui confère rétrospectivement une plus grande crédibilité aux propos du prince. Les 18 et 21 décembre 1668, le Conseil de Castille et le Conseil d’État demandent par consulte à la reine le retrait de Nithard124. Le 31 décembre, don Juan, prévenu, réécrit à la Députation, au bras militaire et à la ville afin de les avertir de cette nouvelle qu’il met sous les auspices de la Vierge et il leur promet, en associant ses destinataires à sa propre cause, que la fin de la crise approche si ces derniers continuent à lui assurer leur soutien125. Devant ce bouleversement des rapports de forces en sa faveur, don Juan prie le Conseil des cent de ne pas envoyer la lettre du 28 décembre à la reine mais de rédiger un texte prenant plus fermement son parti. Cependant, les institutions catalanes évitent de se prononcer franchement pour un des deux adversaires et le Conseil se contente de ne pas envoyer à Mariana la lettre du 28 décembre. Louvoyer de la sorte permet donc aux autorités barcelonaises de ne pas abandonner leur attitude légaliste à l’égard de Mariana sans se montrer hostile à don Juan. L’assertion « Tout donner sans rien donner » semble donc appropriée. Le constat se confirme par la suite. En effet, l’escorte qui accompagne don Juan lors de sa marche sur la capitale de la monarchie ne se compose pas de volontaires catalans mais de trois compagnies de cavaliers de la garnison royale et de troupes issues des réseaux clientélaires du prince. Le 25 janvier, la chaleureuse cérémonie qui salue le départ de ce dernier pour Madrid compense maigrement l’absence de soutien matériel126. Selon Fernando Sánchez Marcos, c’est seulement parvenu en Castille que, constatant l’enthousiasme populaire et l’efficacité de sa campagne, don Juan aurait trouvé l’impulsion pour lancer son ultimatum de Torejón de Ardoz. Fort de cette hypothèse, Sánchez Marcos cite la lettre du Conseil du 6 juillet 1669 félicitant don Juan de sa nomination comme vice-roi d’Aragon. L’historien remarque à juste titre que le Conseil exprime le regret de n’avoir pas plus soutenu le prince. Ainsi, après avoir rappelé tout le soutien moral que la Catalogne lui a apporté, le Conseil ajoute que le Principat « se sent désolé de ne pas avoir mieux œuvré à son service127 ». Don Juan ne s’est donc pas imposé au valido grâce au soutien de la Catalogne, même si la réponse positive de l’ensemble des institutions barcelonaises aux lettres de Torre de Lledó a constitué un moment important de la première guerre de plumes de la minorité de Charles II. La prise de parti forte des autorités de la capitale du Principat en faveur du prince n’a été suivie d’aucun résultat tangible autre que celui d’alimenter la crainte des nithardistes face a un ennemi jugé peut-être plus solide qu’il ne l’était en réalité. En ce sens, il est possible que les prédictions catastrophiques des nithardistes affolés aient davantage fait le jeu du prince que les institutions barcelonaises elles-mêmes.
98Le thème des rapports de don Juan et de la Catalogne ainsi que la question du soutien effectif du Principat à l’entreprise du prince s’inscrit dans le débat historiographique du néoforalisme. Il semble important de le rapporter brièvement car il éclaire le sens du mouvement d’opinion juaniste. Ce débat souligne qu’au-delà des luttes de pouvoir, la question de l’articulation des royaumes de la monarchie est un paramètre important, comme nous l’avons vu dans le cas de l’Aragon et de la défense des fueros. Ce thème apparaît sur un mode mineur dans notre enquête car les guerres de plumes se déroulent essentiellement sur la scène madrilène, où la question des rapports entre la Castille et les autres royaumes n’est pas développée dans les libelles — hormis dans les lettres ouvertes de don Juan de 1668-1669 — et où l’objet de notre première partie consistait à analyser les modalités d’action politique nouvelles permises par l’écriture et la publicité. Dans la campagne d’opinion contre Valenzuela, ce sont d’abord les réseaux clientélaires qui s’activent en Catalogne, tissés, pour certains, depuis le temps où don Juan était vice-roi de ce royaume et renforcés en 1668-1669. La présence catalane apparaît donc importante dans la marche sur Madrid en janvier 1677. Il n’est que de citer Josep Pinos ou le comte d’Erill à la tête de forts contingents armés. Par ailleurs, nous avons souligné la joie que la nomination du prince comme Premier ministre provoque dans cette zone. Les fêtes qui célèbrent don Juan et les sermons prononcés à sa gloire sont en majorité catalans. Les défilés et les dédicataires de panégyriques adressés au prince permet de dresser des listes de notables gagnés à la cause juaniste : don Pedro Figuerola, Grimau, Juan de Escatllar, Feliciano Sayol, don Juan de Abarca, Jayme de Cortada, baron de Maldà, correo mayor de Sa Majesté dans le Principat, le Roussillon et la Cerdagne, etc. Des corporations (celle des orfêvres) ou des ordres religieux (les dominicains ou les trinitaires) se montrent aussi actifs à orchestrer l’allégresse et participer aux réjouissances. Le mouvement juaniste catalan s’assimile-t-il à la défense d’une plus grande autonomie catalane ? La victoire de don Juan signe-t-elle l’échec d’un absolutisme castillan ? L’attitude du prince de 1652 à 1656 qui s’est montré clément envers les insurgés après la réintégration du Principat dans la monarchie espagnole, qui a été un médiateur efficace entre la Catalogne et la Castille et qui a respecté les fueros, a pesé dans l’adhésion des Catalans au mouvement juaniste. Il est certain que ceux-ci aspiraient à retrouver l’équilibre politique antérieur à 1652 où le roi pouvait moins facilement contrôler la vie politique locale.
99Joan Reglà est le premier à avoir évoqué le thème de néoforalisme128. Selon lui, la décentralisation de la monarchie consécutive à la chute d’Olivares et de l’échec de l’Union des armes ainsi que le contraste entre l’épuisement démographique et économique de la Castille et le dynamisme des périphéries auraient favorisé une certaine autonomie des provinces. Dans cette perspective, la trajectoire de don Juan, ses liens privilégiés avec la Catalogne, son arrivée au pouvoir et sa politique en tant que Premier ministre — la réunion des Cortes aragonaises en 1677-1678 — traduiraient l’établissement d’une sorte de fédéralisme où la Catalogne serait particulièrement active. D’aucuns embrassent dans un mouvement téléologique le soulèvement de 1640, l’arrivée de don Juan au pouvoir, la révoltes des Barretines et certains épisodes de la guerre de Sucession129. Cette théorie est aujourd’hui abandonnée130. Fernando Sánchez Marcos, le premier, remet en cause un tel processus. Le contrôle des insaculaciones du Conseil des Cent par le vice-roi, le Conseil d’Aragon et le roi depuis la réintégation du Principat en 1652 interdit de parler d’autogouvernement catalan dans l’Espagne de Charles II131. Par ailleurs, la trajectoire de don Juan rend manifeste l’inanité d’une opposition binaire entre le centre et les périphéries. Les logiques clientélaires essentielles à la victoire du prince montrent que don Juan a pu être un intermédiaire entre la cour et les oligarchies locales et qu’un modèle dualiste est inopératoire pour évoquer l’articulation des royaumes de la monarchie composite à la fin du xviie siècle. Par ailleurs, le schéma de Reglà ignorait les rivalités de pouvoir entre les oligarchies locales et supposait une certaine communion d’intérêts en réalité fictive. Selon Antonio Álvarez Ossorio, l’épisode don Juan montre plutôt que l’ensemble du territoire devient un réservoir de clientèle pour qui tente de s’imposer à la cour et que les oligarchies locales cherchent à négocier avec Madrid132.
Valence ou le poids des contraintes institutionnelles et des enjeux locaux dans les prises de parti des acteurs
100L’exemple de Valence permet, à l’échelle locale, d’appréhender combien pressions et manœuvres d’intimidation conditionnent l’engagement des acteurs pour ou contre don Juan. L’ancrage valencien donne la possibilité de comprendre comment les structures institutionnelles au sein desquelles s’expriment les prises de parti, fort différentes selon qu’il s’agit de la Députation, ou du Conseil municipal restreint ou ouvert, modèlent pour beaucoup les choix politiques.
101Dans le sillage des lettres du 13 novembre 1668, don Juan envoie diverses missives aux autorités valenciennes afin de les appeler à lui manifester leur soutien auprès de la régente et de demander le renvoi de Nithard. Le bâtard royal sollicite d’abord l’appui du vice-roi, le comte Paredes de Nava et celui de l’archevêque, don Luis Alfonso de los Cameros133. Il essuie un double refus. L’attitude nithardiste du vice-roi n’a rien de surprenant. Récemment promu à cette fonction par Mariana qui, profitant de la mort inopinée du marquis de Leganes le 30 décembre 1666, avait placé un allié à ce poste important, Paredes tenait l’occasion de signifier sa gratitude à la régente en rejetant la proposition du prince. En revanche, la sèche réception qu’oppose l’archevêque à don Juan est plus inattendue. Luis Alfonso de los Cameros était entré en fonction le 8 septembre 1668134. Il avait connu don Juan en Italie lorsqu’il occupait la charge d’archevêque de Monreal, ce qui donnait au prince quelque espoir de soutien. Celui-ci exprime donc dans sa lettre la joie qu’il a à traiter avec un ami. Il pousse l’audace jusqu’à demander à l’archevêque d’incliner en sa faveur le chapitre :
J’ai été très heureux d’apprendre que Votre Illustrissime se trouvait ici et ce n’est pas en vain que Dieu vous a placé en ce lieu en cette occasion. […] Il faut s’acquitter de ses obligations envers chacun, en agissant avec finesse pour ce que j’ai dit plus haut et bien disposer le chapitre pour qu’il intervienne aussi auprès de la Reine et qu’il appuie ma supplique, ce sur quoi repose la rédemption du monde entier135.
102L’échec est patent. Le scénario se reproduit avec la Députation qui, contrairement à celle de Catalogne, était un organe administratif sans pouvoir de décision politique. En guise de réponse, les députés demandent à don Juan d’obéir aux ordres de Mariana136. Enfin, le bras militaire adopte une attitude dilatoire. Sous la houlette du syndic militaire, Francisco Vaziero, le Conseil se réunit à diverses reprises pour traiter du cas don Juan, sans qu’une décision définitive ne soit prise137.
103Au terme de ce tour d’horizon, il semblerait donc que Valence soit acquise à Nithard. Or, la confrontation de ces résultats aux archives municipales démontre le contraire. En effet, cette mise en regard de la documentation permet de dévoiler les pressions exercées par le vice-roi et l’archevêque sur les autres institutions de la ville. Chacune des missives de don Juan est ouverte au préalable par Paredes qui la remet en personne aux destinataires. Ce faisant, le vice-roi agit selon la demande de Mariana de tout mettre en œuvre pour que les instances sollicitées se prononcent pour le retour du fugitif à Consuegra138.
104Don Juan envoie d’abord une lettre aux jurés, au syndic et au racional, ce qui correspond au Conseil municipal restreint. Le 28 novembre 1668, Paredes remet la missive au syndic de la ville et celui-ci au juré en chef139. Le 5 décembre, le Conseil restreint répond à don Juan qu’il a résolu de consulter la reine pour prendre une décision. Le même jour, il écrit ainsi à Mariana afin de s’en remettre à elle140. La donne change complètement, le 11 décembre, quand les membres du Conseil municipal ouvert entrent en lice dans le but de protester de n’avoir pas été invités à participer aux réunions statuant de l’affaire don Juan :
Le Conseil général a su que messieurs les jurés, le racional et le syndic ont reçu des lettres du Sérénissime don Juan de Austria et ils doivent communiquer ces lettres à l’insigne Conseil pour qu’il délibère de ce qui convient le mieux au service du roi notre seigneur (Dieu le garde) […]. Le Conseil s’estime floué et proteste arguant de tous ses droits in omnibus et per omnia141.
105Une nouvelle péripétie survient le 27 décembre avec une missive de don Juan, cette fois adressée au Conseil général et aux jurés de la ville afin de contraindre ces derniers à satisfaire les conseillers142. L’enjeu est lourd. Don Juan emploie le pathos requis pour émouvoir les destinataires. Il affirme qu’il ne travaille pas à ses intérêts particuliers mais qu’il veut rendre justice aux Espagnols dont Nithard a compromis la réputation et qu’il cherche à débarrasser la monarchie d’un valido étranger et incompétent. Enfin, en rappelant l’origine aragonaise de Malladas, traîtreusement assassiné, il soulève la question du foralisme, cher aux Valenciens, pour s’en faire le protecteur. L’accueil est cette fois positif. Au terme de la délibération du 9 janvier 1669, la municipalité s’accorde pour offrir son soutien au bâtard royal143. Les lettres à Mariana et à don Juan sont rédigées par une commission de conseillers distingués et elles sont soumises à l’approbation du Conseil le 12 janvier144.
106Or, lorsqu’on lit les listes des personnalités de la commission, on constate que de nombreuses figures affichant leur soutien à don Juan appartiennent également au chapitre et au bras militaire. Ainsi du doyen don Francisco Fenollet, du sacristain de la cathédrale et chanoine don Gregorio Moreno et d’Eusebio Falcó y Iranzo, pour le chapitre. Concernant le bras militaire, on recense trois nobles titrés, le baron de Boil, le comte de Elda et le comte de Sinarcas, deux caballeros, don Ramón de Perellós et don Gerony Mercader, et enfin deux generosos, Francisco Llorenç et Severino Arboreda145. Voici qui remet en question la posture nithardiste du chapitre, qui éclaire l’attitude légaliste du Conseil municipal restreint et celle, dilatoire, du bras militaire.
107Dans les trois cas, les manœuvres d’intimidation du vice-roi ont joué à plein. Un autre facteur rend compte du légalisme du Conseil municipal restreint, sa structure. Composé de deux jurés chevaliers (Pere Artès i Roca et don Felix Falco), de quatre jurés ciutadans (Vicent de Samper, Geroni de Arinyó, Pau March, Jaume Nicolau), du racional Jaume Juan Toran et du sindic Ignacio Pérez Calbillo, le petit nombre de ses représentants constituait une faiblesse146. En effet, si le Conseil restreint avait accordé son soutien à don Juan, la reine, mécontente d’une posture qu’elle aurait qualifiée de rebelle aurait pu exercer de fortes représailles sur les jurés. Rien ne l’empêchait de les renvoyer ou de les frapper d’inéligibilité147. En revanche, la situation change lorsque c’est le Conseil municipal élargi qui statue. Comprenant plus de cent quarante membres, un renvoi massif n’était guère envisageable. Les jurés devant se prononcer au sein du Conseil restreint se trouvaient donc placés dans une situation délicate et ont choisi la prudence. Mais leur vote ne reflétait pas les convictions des Valenciens.
108Enfin, pour comprendre l’attitude dilatoire du bras militaire et son revirement juaniste, il faut observer la façon dont cette assemblée négocie, cette même année 1668, la question des levées militaires. Le 3 mars, Mariana avait demandé aux états valenciens un tercio de cinq cent hommes, comme les années précédentes, pour la campagne de printemps car on craignait que les troupes françaises concentrées dans le Roussillon n’attaquent la Catalogne. Le bras militaire ne donne alors aucune réponse, ce qui empêche d’effectuer la levée. Pour la première fois depuis 1635, Valence ne contribue pas à l’effort militaire. La péripétie traduit une lassitude face aux incessantes demandes de levées. Les nobles exprimaient aussi peut-être leur désapprobation de la politique de Nithard à qui l’on imputait les désastres de la guerre de Dévolution. Par ailleurs, selon Sebastián García Martínez, manœuvrer de la sorte permettait de ne pas s’opposer frontalement à la régente tout en ne cédant pas au final148. On en conclut que laisser certaines négociations en suspens équivalait à un refus. C’est en ce sens qu’il faut interpréter l’attitude évasive du bras militaire et non comme le signe de réticence à l’égard de don Juan.
109En novembre 1668, l’attitude en apparence nithardiste du Conseil restreint, du bras militaire et du chapitre de Valence s’explique par une politique d’intimidation du vice-roi et de l’archevêque et par la contrainte que fait peser le cadre institutionnel d’assemblée réunissant un nombre restreint d’individus rendus vulnérables par la transparence des votes. Il semblerait donc que Valence présente un cas opposé à celui de Barcelone. La capitale du Principat a été considérée dès le temps des événements comme une ville pleinement engagée aux côtés de don Juan bien que le soutien officiel effectif apporté à ce dernier ait été médiocre. Valence, elle, a laissé l’image d’une ville légaliste, alors même qu’elle semblait prête à apporter un soutien effectif au prince en se montrant assez habile pour affirmer son appui au bâtard royal sans courir le risque de représailles. Valence n’a simplement pas eu l’opportunité de manifester au grand jour son engagement. Si l’on poursuit les comparaisons, on peut avancer que Valence offre un cas présentant des similitudes avec Saragosse. La capitale aragonaise ne s’était pas distinguée lors de la campagne épistolaire du bâtard royal, mais elle avait fait bloc derrière don Juan lors de son passage tout près de cette ville, lors de la première marche sur Madrid.
Grenade ou la question du sens de l’engagement des acteurs, entre adhésion et instrumentalisation
110Le samedi 5 janvier 1669, un violent pasquin était affiché sur la porte de la chapelle royale de la cathédrale de Grenade :
Que tous les habitants de cette ville sachent comment monseigneur don Juan de Austria, mû par une sainte soif de justice a écrit à toutes les villes de ces royaumes sa juste requête, ému de voir combien les pauvres sujets étaient opprimés. Soyez prévenus que dans cette ville, on prendra leur défense en décapitant ces tyrans de président et d’oidores, suspendant leurs têtes aux créneaux pour en châtier d’autres, et que l’on fera de même avec les vingt-quatre qui n’ont pas rendu justice et qui n’ont rien fait pour leur république. Ces choses et d’autres encore trouveront une solution quand on les entreprendra et on ne fera pas comme les autres fois où l’on ne faisait que commencer à agir pour tout remettre à une meilleure occasion, car Séville ne veut pas payer les millions. Tout trouvera une solution avec la grâce de Dieu149.
111Ce placard menaçait en premier lieu la Chancellerie (le président et les oidores) et en second lieu le Conseil municipal (les vingt-quatre) de sévères représailles pour avoir ignoré le malheur des sujets accablés d’impôts. La conjoncture était critique. On a évoqué le naufrage de l’économie de la monarchie et le joug des impôts auquel étaient asservis des sujets sans ressources. Grenade n’échappe pas à la règle. Non seulement elle subissait la crise économique, mais encore, elle s’estimait flouée par rapport à Séville qui avait obtenu du Conseil des finances de répartir le paiement de l’impôt des millions entre les autres villes de sa juridiction, en la dispensant elle-même de l’effort financier. Si depuis le mois de décembre 1668, la propagande juaniste avait érigé le thème des impôts en axe fort du discours de destruction de Nithard et si le bâtard royal s’était drapé dans une posture de justicier en usant de tout le pathos requis pour exprimer sa désolation face à la misère des « Espagnols opprimés », la violence du propos du pasquin grenadin et sa promesse de vengeance sanglante cadrent mal avec la politique d’ensemble de don Juan. On a vu le soin de celui-ci à ne jamais franchir le seuil de la désobéissance ouverte et à éviter tout débordement. Il semble donc improbable qu’il soit à l’origine de la rédaction du placard séditieux. Le degré d’adhésion à la cause juaniste du publiciste n’est pas non plus évident à déterminer. Plusieurs hypothèses s’offrent au chercheur. Soit ce dernier est effectivement persuadé que don Juan viendra remédier aux inégalités les plus criantes. Soit il se sert du pouvoir d’évocation tératologique de ce prince pour effrayer les autorités grenadines et permettre une meilleure répartition des impôts.
112L’affaire ne s’arrête pas là. Le pasquin est remis au président de la Chancellerie qui est la première visée par le texte. Lorsque le corregidor l’apprend, il fait emprisonner le greffier pour le punir de ne pas l’avoir prévenu de l’affaire. En réalité, c’est un conflit de compétence qui s’amorce : le corregidor agit de la sorte car il s’estime relégué au second plan. Ce conflit tient au chevauchement juridicionnel des attributions du corregidor et de la Chancellerie. Cette dernière remplissait également des fonctions de gouvernement de la ville comme le ravitaillement ou la gestion des dépôts de blé, ce qui la mettait en concurrence directe avec le corregidor pour la prééminence dans la ville. Le président de la Chancellerie riposte en faisant libérer le greffier. Le litige est alors porté devant le Conseil de Castille pour qu’il tranche dans ce conflit de juridiction150. Or, chacun des adversaires aux prises se sert de l’éventualité d’un soulèvement juaniste rendue tangible par le pasquin, pour l’emporter. La cause de don Juan se trouve ainsi instrumentalisée au service de règlements de comptes de conflits locaux, en particulier par le président de la Chancellerie. Le corregidor justifie l’emprisonnement du greffier qu’il dénonce comme un homme « mal intentionné et peu fiable » et surtout, il proteste contre l’attitude du président de la Chancellerie qui a provoqué « un grand scandale dans la ville151 ». Il demande donc au Conseil qu’on restaure son crédit bafoué. Logiquement, le président de la Chancellerie lui porte la contradiction. Il s’offusque de l’imprudence du corregidor qui a diffusé la nouvelle du pasquin juaniste dans la ville en faisant incarcérer le greffier alors que, lui, avait pris toutes les mesures pour étouffer l’affaire, de peur qu’ainsi galvanisés les Grenadins ne se soulèvent152. Le président de la Chancellerie en profite pour se dépeindre sous des traits flatteurs en se targuant de sa politique sécuritaire. Il aurait multiplié les rondes et surveillé avec une vigilance accrue les dépôts d’armes de l’Alhambra et de la Casa de la ciudad pour éviter que des juanistes furieux ne s’emparent d’arquebuses. Le Conseil prend l’éventualité de la révolte très au sérieux. Selon lui, si le pasquin juaniste peut avoir des conséquences graves, c’est parce que don Juan a la possibilité d’exploiter une situation de misère explosive en Andalousie où le moindre encouragement est susceptible de dégénérer en émeute :
C’est pourquoi il faut accorder à ce cas l’attention qu’il mérite car la ville de Grenade se compose de 45 000 habitants qui sont en majorité des déracinés sans le sou, de sorte qu’au moindre accident, ce peuple, plus que tout autre, est prompt à se soulever. Et surtout, c’est ce manque de pain qui, dans ce genre de cas, est la raison principale qui occasionne des troubles et des émeutes, comme cela s’est produit dans cette même ville de Grenade et à Séville du temps du Roi Philippe IV153.
113Selon le Conseil, il faut plutôt rechercher l’auteur du pasquin et lui infliger un châtiment exemplaire pour couper court au vent de sédition juaniste154. Après quelques péripéties, raison est finalement donnée au corregidor.
114Le dossier de l’affaire du pasquin juaniste affiché le 5 janvier 1669 est examiné à la cour le 19 janvier. L’éventualité de mouvements séditieux orchestrés par don Juan et ses alliés en Andalousie est donc bien présente dans les esprits de la reine et des conseillers. Cette éventualité prend une ampleur inégalée quand, le 22 janvier, don Juan annonce par une lettre ouverte sa marche armée sur Madrid qui fait craindre un soulèvement général de l’Espagne capable de dénégérer en guerre civile. Or le 23 janvier, paraît à Madrid un Mémoire d’Andalousie qui reprend à grands traits les propos du pasquin grenadin155. Dans ce texte aux allures de supplique, l’Andalousie, qui apostrophe respectueusement Mariana, lui propose un programme de réformes économiques pour cette région. Elle se lamente de la crise et de ses ravages, notamment dans le secteur textile, elle déplore le poids des impôts, prône une politique protectionniste pour rééquilibrer le commerce, suggère de simplifier le système de prélèvement des impôts pour diminuer le plus possible les intermédiaires ; elle accuse la Chancellerie de Grenade de se conduire en maîtresse de l’Andalousie et d’appliquer des lois tyranniques. Après avoir exposé son programme, l’auteur évoque, à la toute fin, la figure de don Juan. Ayant critiqué la politique de Nithard qui n’a rien tenté pour soulager les sujets du joug financier alors que l’Espagne n’est pas en guerre, il demande à Mariana d’appeler le bâtard royal au gouvernement parce qu’il pourra l’aider à sortir la monarchie du marasme. Selon lui, le prince est un « enfant du pays » de sorte qu’il représente « le chemin le plus sûr ». L’auteur rappelle qu’il a été contraint de fuir afin de se mettre en sécurité et non en raison d’un forfait. Cependant, la portion congrue réservée à l’évocation de don Juan (deux quatrains sur soixante-treize) soulève à nouveau la question du degré d’adhésion du scripteur à la cause juaniste. Le vrai but du texte est clairement annoncé : le publiciste supplie la reine de rédiger un décret où elle reprendrait les mesures arbitristes énoncées. C’est cela qu’il cherche à obtenir avant tout, et non le retour de don Juan aux affaires. Pourquoi donc mentionner le bâtard royal ? Là encore plusieurs scénarios semblent recevables. L’auteur peut, comme l’auteur du pasquin, agiter la figure-épouvantail qu’est devenu le fils naturel de Philippe IV pour persuader la reine de l’urgence de la situation et de la nécessité de rédiger un décret. On ne détient aucun indice sur l’identité de l’auteur du mémoire, mais si ce dernier a eu vent des discussions du Conseil de Castille sur la menace d’un soulèvement grenadin sous la houlette de don Juan, il est probable qu’il en joue. L’auteur peut aussi croire que la présence du prince au gouvernement favorisera une embellie pour l’Andalousie et l’Espagne. Enfin, il est possible que, devant le basculement des rapports de forces en faveur de don Juan dont la marche sur Madrid est l’indice le plus évident, l’auteur cherche à ménager le caudillo, dans l’éventualité où il arriverait au pouvoir, pour que le décret de réformes tant attendu voit le jour malgré le changement de valido.
115Considérer l’ensemble de la chaîne de textes composée par le pasquin, les missives du président de la Chancellerie et du corregidor, la consulte à proprement parler des conseillers de Castille et enfin par le mémoire de l’Andalousie, éclaire le sens de l’expression « mouvement d’opinion ». En effet, on constate que, de bout en bout, jamais don Juan n’a été aux commandes ni même n’a eu d’initiative bien qu’il occupe le centre des discours. L’engagement juaniste des auteurs des libelles du 5 janvier et du 23 janvier apparaît impossible à déterminer : il oscille entre l’adhésion et l’instrumentalisation. Quant aux autorités grenadines concurrentes qui affichent toutes deux un loyalisme sans faille à l’égard de la régente, elles utilisent l’enthousiasme que suscite don Juan au sein de la plèbe pour régler leurs comptes et s’imposer sur la scène locale. Or, aussi bien le premier groupe de textes — juanistes — que le second — nithardistes — servent le fils naturel de Philippe IV en constituant une formidable caisse de résonance à sa cause et en rendant crédible la perspective d’un soulèvement de l’Espagne sous son égide, sans hésiter à déformer les faits, ni à lui accorder plus de pouvoir sur la plèbe qu’il n’en détient réellement. Ce que l’on décrit ainsi est un jeu à somme positive où des acteurs instrumentalisent le mouvement juaniste à des fins particulières sans rapport avec la crise politique de 1668-1669, mais où les différents discours ainsi tenus contribuent finalement à fortifier le parti du bâtard royal en faisant croire à sa puissance tentaculaire et menaçante. Cette dynamique de cercle vertueux explique donc en partie le succès de ce dernier sans qu’il soit besoin d’émettre d’abusives simplifications présentant don Juan en orchestrateur omnipotent et génial appuyé par un peuple unanimement rangé derrière lui.
116La prise de parti et les mouvements d’opinion qui en découlent ne peuvent être compris sans redonner sa part à la dimension processuelle du phénomène, aux effets des dynamiques d’entraînement, à l’ambiguïté des engagements et à leur diversité ainsi qu’au poids des hasards, afin de souligner la non inéluctabilité de la victoire du prince tout en expliquant pourquoi elle se produit au final.
117La dimension processuelle de la constitution d’un mouvement d’opinion nous semble primordiale. Nous avons distingué trois stades, la faction, le parti et le mouvement d’opinion proprement dit. La faction est un regroupement hétéroclite de mécontents qui cherchent à parvenir à leurs fins essentiellement par le biais de l’intrigue. On parle de parti quand les motifs du mécontentement sont exposés et donnent lieu à un certain nombre de revendications claires susceptibles d’élargir le recrutement, souvent sous la forme d’un manifeste. On passe au mouvement d’opinion lorsque, dépassant la logique de réseau et d’interconnaissance, des textes polémiques sont émis pour agréger les publics les plus hétérogènes, en défendant des intérêts catégoriels ou en s’adressant simultanément à divers publics par l’imbrication dans un même écrit plusieurs registres de culture, de langue, de croyance etc. L’usage de l’écriture et de la publicité ont un rôle croissant au sein de cette dynamique évolutive, dans le temps même où de nouvelles strates de la société — la plèbe notamment — sont intégrées au mouvement juaniste et où le spectre des types d’adhésion se diversifie (du calcul opportuniste à l’instrumentalisation en passant par l’adhésion réfléchie ou l’espérance messianique).
118L’analyse des motivations qui conduisent les acteurs à s’engager dans un des camps adverses souligne l’ambiguïté et la versatilité des alliances. Les cas de Barcelone et de Valence indiquent les problèmes qui se posent pour mesurer le soutien effectif que ses alliés ont apporté à don Juan ainsi que les difficultés pour les acteurs à exprimer leur engagement, en raison des diverses pressions qu’ils subissent dans le cadre d’institutions peu propices à accueillir une voix discordante. En somme, don Juan n’est jamais le maître des événements et l’hétérogénéité de son parti ne lui laisse qu’une faible marge de manœuvre. Cependant, il bénéficie d’une conjoncture favorable qui explique que de nombreux acteurs, mus par leurs visées propres, ont intérêt à collaborer avec lui. Les différents découpages que nous avons adoptés aboutissent à une même conclusion. Les Aragonais défenseurs de leurs fueros et de leur place au sein de la monarchie composite espagnole et des individus en quête d’ascension sociale font le jeu de don Juan. Le succès du bâtard royal tient aussi à ce que les conflits, extérieurs à la lutte contre les validos, qui se greffent sur les guerres de plumes, ont également des effets positifs pour les juanistes en alimentant l’engrenage polémique à la manière d’une caisse de résonance. Les règlements de compte entre les institutions grenadines, pourtant du côté des autorités, travaillent de façon inattendue à la cause du prince puisqu’ils attribuent à ce dernier une capacité de mobilisation et de subversion supèrieure à celle qu’il détient en réalité.
Notes de bas de page
1 D. Cefaï, Pourquoi se mobilise-t-on ?, pp. 258-259.
2 AMAE, CP, Espagne, no 56, fo 205vo, copie d’une lettre de Barcelone, du 24 novembre 1668.
3 « Se ha mostrado muy esquivo y reticente en lo exterior (que lo interior Dios solo lo conoce) a las proposiciones que se la han hecho sobre la plaza de inquisidor general, y por lo que se va descubriendo ha sido mucha dicha suya y nuestra el que lo haya hecho assi, porque siendo los pretendientes muchos, y todos de puestos y prosapias muy ilustres de España, cada uno esfuerza su partido lo mas que puede, y al mismo passo procura derribar al que juzga opositor » (ARSI, AH, Hisp. 92, fo 43ro, lettre du père Jacinto Pérez au général Juan Pablo Oliva, Madrid, 28 novembre 1665).
4 Ibid., fos 43vo-44ro.
5 A. Astrain, Historia de la Compañía de Jesús, p. 114.
6 F. Sánchez Marcos, Cataluña y el gobierno central.
7 A. G. von Kalnein, Juan José de Austria.
8 BNE, ms. 8345, fos 165ro-168ro.
9 BNE, ms. 8349, fo 171ro.
10 AGS, CSR, leg. 185.
11 « Mal fraile sin crédito ni honra » (AHUV, leg. 9265, fo 31ro).
12 « Encargue a todos los prelados y cavezas de las congregaciones eclesiasticas de esta ciudad (sin ordenarlo por escrito por no ocasionar mayor rumor) hiciessen encomendar a nuestro señor grandes instancias assista a Su Magestad como conviene a la mayor quietud de esta monarquia, y de sus buenos vasallos. La misma diligencia voy haziendo a boca con todos los vicarios y curas que a mi acuden a sus pretensiones » (RAH, 9/7120, no 176).
13 BNE, ms. 17.482, fo 88vo. Sur don Josep de Pinos : « Don Joseph de Pinos, qui depuis quelque temps n’avait demeuré en cette ville, à cause du déplaisir qu’il ressent d’un gentilhomme de la maison du vice-roi, est de retour depuis 3 ou 4 jours, il est tout à fait dans les intérêts de ce princep [don Juan] » (AMAE, CP, Espagne, no 56, fo 181ro, Nouvelles de Barcelone du 4 novembre 1668).
14 G. Maura y Gamazo, Carlos II y su Corte, t. I, p. 88.
15 Copia de la carta que el duque de Ossuna escribio a la Reyna nuestra señora en 22 de Enero de 1669 (BNE, R-2933, fos 42ro-42vo).
16 « VE vea que en esto tengo empañada la honra, el honor, y quanto soy y valgo, y los hombres de mi esfera, no tenemos otra cosa que estimar, que la reputacion […] hago recuerdo a VE […] de que es nieto de mis abuelos, con que en pocas palabras se lo digo todo » (Copia de la carta que escrivo el Duque de Ossuna al Conde de Peñaranda en 22 de Enero de 1669, ibid., fo 42vo).
17 AMAE, CP, Espagne, no 58, fo 120ro, courrier de Monsieur de Bonzy au roi, daté du 1er mars 1670.
18 J. Martínez Millán (dir.), La Corte de Felipe II.
19 « Es criado del señor don Juan y hombre de tanto mano con los alemanes, que al otro coronel (que se muy del Inquisidor General) le dejaria sin un soldado, si se ofriesse ocasion » (BNE, ms. 8350, fo 29ro).
20 « Don Juan [… procuro] ganar antecedentemente algunos Cabos del ejercito de Cataluña, que al principio de esta campaña avian transitado por Zaragoza, y entre ellos al nuevo marques de Castel-Rodrigo, general de la caballeria, que […] vendio fraudulento la confianzia y obtuvo en precio el virreinato de Sicilia » (CODOIN, vol. 67, p. 15).
21 AHUV, leg. 9261, lettre du 8 décembre 1668.
22 M. C. Sevilla González, « La Junta de Gobierno », p. 606.
23 R. Stradling, « A Spanish Statesman of Appeasement », p. 26.
24 Ibid.
25 BNE, ms. 8360, fo 71vo.
26 Ibid., fo 77vo.
27 Ibid., fo 78ro.
28 Ibid., fo 78vo.
29 A. Valladares de Sotomayor, Semanario erudito, pp. 129-132.
30 Copia de la consulta que hizo el consejo de Aragon sobre la salida del Padre Everardo. Hizola el señor vicecanciler don Cristobal Crespí dentro de consejo sin disolberse para el excelentissimo duque de Alba (ADA, C. 96, no 7).
31 « Este Padre vive tan mal informado que le ha parecido posible que la Nobleza destos Reynos tenga caudillo sin ser eleccion suya […] se hallara castigado » (Copia de la carta del duque de Alba a don Juan José de Austria. A 27 de Enero de 1669, BNE, R-2933, fo 43vo).
32 Ibid., fo 44ro.
33 G. Maura y Gamazo, Carlos II y su Corte, t. II, p. 298.
34 C’est Medina Sidonia qui se trouve à la tête de la deuxième troupe.
35 BNE, ms. 8360, fo 81ro.
36 Dans sa lettre du 3 décembre 1668 (BNE, ms. 8348, fos 29ro-29vo).
37 Copia de la carta escrita del duque de Osuna para el conde de Peñaranda (BNE, ms. 8349, fos 214vo-215ro).
38 G. Maura y Gamazo, Carlos II y su Corte, t. II., p. 268.
39 Il commence sa lettre par les mots suivants : « Je me mets au service de Votre Excellence parce que je suis juge de paix de Lérida » (« me ofre[zco] al servicio de Vuestra Excelencia por hallarme Paz de Lerida ») [RAH, 9/7120, no 177, fo 1ro].
40 « Atenciones con que mi ciudad y sus naturales proceden en los incidentes que se han ofrecido en la jornada del Señor don Juan de Austria » (ibid.).
41 « Al mayor servicio de Su Magestad y bien de la monarchia, sin que en esta resolucion pueda tener lugar otra consideracion » (ibid.).
42 « Me ha parecido suplicar a Vuestra Exelencia sea de su servicio mandarme advertir de lo que en adelante debemos disponer y al Arzidiano de San Lorenzo de Tarragona mi primo, o al Señor San Thomas Marañyosa y Arañyo mi ermano » (ibid., fo 1vo).
43 RAH, 9/7120, no 185.
44 « He encomendado a Dios el buen suceso de Vuestra Excelencia sobre la carta del señor don Juan y de la compañia y lo mismo han hecho los religiosos de aquella casa » (ibid., no 185).
45 Ibid.
46 « Luego que se publico la carta del Señor don Juan, hice que en toda la provincia dispentassen a Dios con oraciones » (ibid.).
47 « El conde de Oropesa, hermano de la Aya del rey, donde estriba su mayor talento » (F. E. de Pötting, Diario del Conde de Pötting, t. II, 13 avril 1670).
48 Sur tous ces points, voir BNE, ms. 2024, fos 60ro-61vo.
49 A. G. von Kalnein, Juan José de Austria, p. 356.
50 G. Maura y Gamazo, Carlos II y su Corte, t. II, p. 215.
51 « La perdiz, timida en todo/Aunque sabe bien, no creo/Que supo lo mal que hazia/En no tener fijo asiento » (BLO, Add. A. 142, fo 268vo).
52 G. Maura y Gamazo, Carlos II y su Corte, t. II, p. 190.
53 Ibid.
54 Pour tout ce qui suit, se reporter à B. Blasco Esquivias, « Sobre el debate entre arquitectos ».
55 G. Maura y Gamazo, Carlos II y su Corte, t. II, p. 187.
56 Noble exortación que Joseph de Olmo, Maestro Mayor de Palacio hizo a los esforzadores de su Gremio y Pueblo de Madrid el día 10 de abril del ano de 1699 (BNE, ms. 18.212).
57 AMZ, ms. 66, Registro de actos comunes, 1669, fos 89ro-90vo.
58 Ibid., fos 93ro-96vo.
59 Gazeta que vino de Madrid a 29 de marzo de 1670 (BNE, ms. 7787, fo 44ro).
60 AMZ, ms. 66, Registro de actos comunes, 1672, fos 136vo-137vo.
61 « No sol a tot lo present Principat sino tambe a tot la la real Monarquia » (AMZ, ms. 66, Registro de actos comunes, 1675, fo 83ro).
62 Ibid., fos 86ro-86vo et 87ro-89ro.
63 A. Álvarez-Ossorio, « Fueros, Cortes y clientelas », p. 259.
64 A. G. von Kalnein, Juan José de Austria, p. 316.
65 Les jurés et les députés étaient élus tous les ans par la procédure de l’insaculación qui consistait en un tirage au sort à partir de listes préalablement constituées, auquel le roi pouvait ajouter des noms et qu’il devait sanctionner en dernier ressort, ce qui conférait de fait au souverain un droit d’ingérence dans les nominations aragonaises.
66 « Contradice el servicio de V.M. que personas de tan baxos empleos a quienes hecen mas incapazes sus costumbres entren en el gremio de tantos y tan benemeritos Ciudadanos » (ACA, CA, leg. 161, les 17 et 21 mars 1671).
67 BNE, ms. 9825, fo 27vo.
68 AHN, Consejos, lib. 2251 : consultes du 19 juillet 1670, 8 septembre 1671 et 2 décembre 1673.
69 A. G. von Kalnein, Juan José de Austria, p. 284.
70 M. Ortigas y Bardaxi, Sumario de misiones.
71 En 1669 (BNE, ms. 9825, fo 4vo).
72 AHN, Consejos, lib. 1887, fo 90vo.
73 M. Marta y Mendoza, Bellica tritogeniae palladis encyclopedia.
74 A. G. von Kalnein, Juan José de Austria, p. 307.
75 Les données sur Azlor viennent du mémoire qu’il adresse à la cour en décembre 1675 (RAH, 11/7946, no 50).
76 BNE, ms. 6641, fos 67ro-67vo.
77 BNE, ms. 18.443, fo 217ro.
78 « Nos y nuestros succesores somos tenidos jurar antes que podamos de alguna Iuridiccion usar. Por tanto, de voluntad de la Corte estatuimos, que nuestros succesores, y los Lugartenientes Generales […] antes que puedan usar de alguna Iuridiccion, sean tenidos jurar en la Ciudad de Zaragoça, en la Seo de San Salvador, davant L’altar Mayor, publicament, present el Iusticia de Aragon, y presentes quatro Diputados del Reino, uno de cada Braço, y tres Iurados de la Ciudad de Zaragoça » (Discurso histórico-foral jurídico-politico en orden al juramento que los supremos y soberanos reyes de Aragón deben prestar en el nuevo ingreso de su gobierno y antes que pueden usar de alguna juridicción, BNE, ms. 7588, fo 20ro).
79 BNE, ms. 9399, fo 58ro.
80 Libro nuevo de la perdida de España por Mariana (AHN, Estado, lib. 880, fos 49ro-50ro).
81 ACA, CA, leg. 144, texte du 7 août 1676.
82 A. G. von Kalnein, Juan José de Austria, p. 322.
83 A. Álvarez-Ossorio, « Fueros, Cortes y clientelas », p. 271.
84 Le zalmedina est le juge ordinaire de la ville avec juridiction civile et criminelle, nommé par le roi.
85 AMZ, ms. 67, Registro de actos comunes, 1676, fos 34vo-36ro.
86 Ibid., fos 36vo-37ro.
87 À ce moment-là les Aragonais cessent leurs poursuites judiciaires et misent sur l’envoi d’une ambassade à Madrid.
88 CODOIN, vol. 67, p. 11.
89 Carta escrita de los diputados de Aragon al Vicecanciller del Consejo de Zaragoza, 17 de diciembre de 1675 (BNE, ms. 2034, fos 189ro-190vo).
90 Discurso sobre la obligacion de jurar los fueros de los Reynes de Aragon. Papel que remitió el vicecanciler Don Cristobal Crespí a la Diputación de Aragón (ibid., fos 191ro-197vo).
91 Carta de Carlos II a los Diputados Don Jaime de Palafox y el Marqués de Coscojuela y demas condiputados anunciando su viaje a este Reino en el mes de mayo siguiente. San Lorenzo, 30 noviembre de 1676 (ibid., fos 198ro-198vo).
92 « Vinieron los Ynviados de Aragon sobre el Yrsse nuestro Rey a Coronar a la Ciudad de Zaragoça Caveza del Reyno, acompañanlos Don Antonio de Toledo, y su Padre el Duque de Alva, y muchos señores, hasta dejarlos en su Cassa », Papel y noticias de la corte de Madrid desde el año 1665 hasta 1684 (BNE, ms. 2024, fo 59vo).
93 BNE, ms. 8360, fo 11vo.
94 Ibid., fo 198vo.
95 « El odio inveterado e implacable que los dominicos tienen contra la religion de la compañía de Jesus contra cada uno de sus hijos, procurando desacreditarlos y hazerlos odiosos » (ibid., fo 11ro).
96 Voir, côté jésuite, la Copia de que cierto prebendado en la corte escrivió a un religioso de Santo Domingo (BNE, VE, 211-78) et la réponse, du côté dominicain, la Copia de lo que un doctor de cierta Universidad de España escrivió a un probendado en la Corte (BNE, VE, 186-26).
97 D. J. Dormer, Noticia de los confesores (BNE, ms. 12.016).
98 Carta de fray Pedro Álvarez de Montenegro a Carlos II (BNE, ms. 11.005, fos 236ro-238vo).
99 BNE, ms. 17.482, fos 111vo-112ro.
100 « Alguno ha propuesto a Su Alteza que sera bueno poner fuego a Nuestro Colegio de Madrid, que sera poco daño quemarse las puertas. Y con eso de la Compañía, viendo que el señor Inquisidor General es la causa de ser tan odiados, procuraran ellos mismos que salga » (AHUV, leg. 9261, lettre du 19 décembre 1668). Des maisons jésuites avaient été attaquées à Barcelone et à Saragosse en décembre 1668 et en février 1669 (RAH, 9/643, fo 62ro) et, dans une lettre du 8 décembre 1668, le père Andrés Mendo s’offusque d’un pasquin insultant les jésuites, placardé sur les murs de Barcelone : « Si cum Jesuitis, sine Jesu itis » (AHUV, leg. 9261).
101 « No se volviesen sin la exterminacion jesuitica » (A. Valladares de Sotomayor, Semanario erudito, p. 143). Ce même auteur évoque plus haut « l’horreur qu’ils manifestaient contre les jésuites » (« el horror que manifestaban contra los Jesuitas ») [ibid.].
102 J. Lozano Navarro, La Compañía de Jesús, pp. 316-324.
103 Respectivement, ARSI, Epp. NN. 18, fo 266vo, lettre du 28 août 1666 ; fo 301ro, lettre du 10 juillet 1668 ; fo 207ro, lettre du 24 septembre 1667.
104 Le 8 décembre 1661 le pape Alexandre VII donne la constitution Sollicitudo omnium ecclesiarum, où il renouvelle l’interdiction de l’expression publique d’opinions contraires à l’Immaculée Conception et où il affirme avec plus de force cette croyance sans pour autant lui donner la force d’une vérité de foi définie. À cette occasion, jésuites et dominicains s’étaient opposés. La Compagnie de Jésus avait été le fer de lance de cette croyance pour laquelle les dominicains nourrissaient une forte suspicion. Nithard avait rédigé un ouvrage défendant l’Immaculée Conception qui lui avair valu la critique des dominicains. L’auteur des Mémoires inédites évoque le pasquin d’un dominicain du couvent de Saint-Paul de Valladolid, blasphémant contre le mystère de l’Immaculée et exprimant son désaccord avec la bulle d’Alexandre (BNE, ms. 8360, fo 207vo). Le dominicain accusait l’influence délétère de Nithard qui aurait convaincu la reine puis le roi de la validité de ce mystère. Il affirme que le jésuite fut « le serpent qui les persuada tous les deux de manger le fruit de l’arbre interdit » (« la serpiente que persuadia a ambos a que comesen de la fruta del arbol prohibido ») [ibid. fos 205vo-206ro].
105 Ibid., fo 199vo.
106 Ibid., fo 205ro.
107 Ibid., fo 211vo.
108 M. A. López Arandia, « El sacrílego tirano de la conciencia del Monarca », p. 475.
109 Un texte dominicain répond avec virulence à ces attaques : Un cavallero de la corte de Madrid escrive a un religioso Dominico sobre la novedad que se rezela, de que el Rey nuestro señor don Phelipe V no confesse con religiosos de dicha religión (BNE, VE, 31-64).
110 Los Tres de la Fama, RAH, 9/3630, no 19, fo 28ro.
111 « Cada teatino es un almirante y cada almirante un teatino debiendole su ermosura la concepzion como si la concepzion fuera jardin suyo junto a los recoletos » (BNE, ms. 5588, fo 192ro). L’amiral avait une maison avec un jardin en face du couvent des augustins récollets.
112 « En los suyos teología por hazer Pazes infames con un Tirano que se quedo con un reyno, escusandole de traydor, y no la tenga para escusar de traydor a el zelo de Christiana de un hermano de su propio Rey, y antes le muestre tener para lo contrario, que aun para matarle y esto […]. Siendo Doctrina del Padre Moya, Salinas y de su Orden toda, que puede entregarse voluntariamente un inocente al cuchillo por libertar de la opresión a su Patria, y puede bolarse con polvora una flota, y los que en ella viene por Mar, que resulta a la Pria de enriquecerse los enemigos, y puede uno dexarse ahogar, dando su tabla a otro para que se salve si es de mas importancia al común. Y que no quiera el Padre Confessor, ni los suyos usar de esta opinión no digo para darse la muerte, que no se le pide tanto, no para desposeerse de los honores, y comodidades, que esos se los lleva, sino par irse a su Patria » (Los Tres de la Fama, RAH, 9/3630, no 19, fo 28ro).
113 Respectivement, Carta de San Ygnacio de Loyola por Su Altesa el señor Don Juan (BNE, ms. 2034, fos 43ro-44vo) ; Carta del Serafín Franciscano para San Ygnacio (ibid., fos 45ro-46ro) ; Esdrujulos contra los que escribieron la carta de San Ygnacio (ibid., fos 46vo-47ro).
114 Ibid., fo 47ro.
115 Carta de don Juan al Consell de cent de Barcelona, a 16 de noviembre de 1668 (DACB, t. XVIII, pp. 91-96) ; Copia de carta de don juan a la diputacion de Barcelona, a 17 de noviembre de 1668 (BNE, ms. 8348, fos 70vo-71ro).
116 BNE, ms. 6384, fos 17vo-18ro et ms. 18.443, fos 70ro-71vo ; BUB, ms. 753, fo 45ro et ms. 969, fos 274ro-274vo.
117 Del rey abajo don Juan ; Dar lo todo y no dar nada ; El buen agradecimiento.
118 DACB, t. XVIII, p. 110.
119 RAH, 9/643, fos 62ro-63ro.
120 BNE, ms. 8349, fos 84ro-84vo.
121 DACB, t. XVIII, pp. 115-116.
122 Ibid., p. 121.
123 « Resolutió de major conveniència al real servei de Sa Majestat y consuelo y alivio del senyor Don Joan » (ibid., p. 122).
124 Respectivement, le 19 et le 21 décembre 1668.
125 « Espero que nos continuará su proteccion, de forma que salgamos muy brebe, y quietamente de estos empeños tan de su divino servicio del Rey nuestro señor y de toda la monarchia » (BNE, ms. 8349, fo 148ro).
126 DACB, t. XVIII, pp. 135-136.
127 « Restant sols desconsolada [Barcelona] de no haver pogut fer majors demonstracions en servey de Vuestra Alteza, pero en lo affecte i voluntat no es possible ningú la avance » (Archivo Histórico del Ayuentamiento de Barcelona, Lletres Closes, no 100, fo 77ro, cité dans F. Sánchez Marcos, Cataluña y el gobierno central, p. 197).
128 J. Reglà, Els Virreis de Catalunya ; Id., Historia de Cataluña.
129 Ibid.
130 Joaquim Dantí i Riu montre que la révolte paysanne des Barretines est un mouvement antiseigneurial qui n’a pas dressé une Catalogne unanime contre un oppresseur castillan : J. Danti Riu, Aixecaments populars als països catalans.
131 F. Sánchez Marcos, « El nuevo “status” de Barcelona ».
132 A. Álvarez-Ossorio, « Neoforalisma y Nueva Planta », p. 1064.
133 Voir, respectivement, Copia de la carta que el Señor Don Juan escribió al virrey de Valencia a la Torre de Lledó en 15 de noviembre de 1668 (BNE, ms. 8348, fos 65ro-66ro) ; Carta de Don Juan de Austria para el obispo de Valencia (ibid., fo 66ro) ; Carta de Don Juan de Austria para el cabildo eclesiastico (ibid., fo 67ro).
134 S. García Martínez, « Sobre la actitud valenciana », p. 434.
135 « Alégrome mucho de que Vuestra Ilustrisima se halle ahí, y no en balde lo ha puesto Dios en lugar tal en esta ocasión […]. No hay sino cumplir con todos, obrando con fineza en lo que digo arriba y disponiendo que el Cabildo se interponga también con la Reina para que venga en lo que he suplicado, en que consiste la redención del mundo entero » (BNE, ms. 8348, fo 67ro).
136 G. Maura y Gamazo, Carlos II y su Corte, t. I, p. 390.
137 S. García Martínez, « Sobre la actitud valenciana », p. 438.
138 G. Maura y Gamazo, Carlos II y su Corte, t. I, p. 373.
139 AMV, Manual de Consells, 1668-1669, A-200, fos 437vo-438vo.
140 AMV, Lletres missives, 1659-1669, Reg. g3-60.
141 « Concell General ha tingut noticia que dits Señors Jurats, Racional y Sindich han rebut unes cartes de dit Señor Don Joan de Austria, y que devent comunicar aquelles ab este Insigne Concell pera que delliberas lo que més convingués en servici del Rey nostre Señor (que Deu guarde) […] per lo que enten dit Insigne Consell quedar perjudicat, que per ço protestava de tots sos drets in omnibus et per omnia » (AMV, Manual de Consells, 1668-1669, A-200, fos 462vo-463ro).
142 Ibid., fos 515ro-518vo.
143 Ibid., fos 518vo-520vo.
144 Ibid., fos 522vo-525vo.
145 Ibid., fo 519ro.
146 AMV, Lletres missives, 1659-1669, Reg. g3-60, lettre du 5 décembre 1668.
147 S. García Martínez, « Sobre la actitud valenciana », p. 441.
148 Ibid., p. 437.
149 « Sepan todos los vecinos de esta Ciudad como el Sr D. Juan de Austria movido por su santo celo a escrito a todas las ciudades de estos Reinos su justa pretension movido de ver lo oprimido de estos pobres vasallos. Se advierte que en esta ciudad abra quien salga a la defensa cortando las cabezas a estos tiranos Presidentes y oidores poniendolos en las almenas para castigo de otros y lo mesmo se ara con los 24 que no icieron raçon y que no bolbieron por su republica ; estas y otras cosas se remedieran en empezando y no a de ser como las otras vezes que se empieçan y se dexan al mejor tiempo pues Sebilla no quiere pagar millones ni los cientos añadidos. Todo se remediara queriendo Dios » (AHN, Consejos, leg. 7179, no 11).
150 Le conflit entre le président de la Chancellerie et le corregidor autour de l’affaire du pasquin est analysé à partir de la consulte du Conseil de Castille qui traite du litige et qui comprend les lettres que les deux partis adressent au Conseil (ibid.). Pour une présentation synthétique, voir A. Álvarez-Ossorio, « Granada en la Corte ».
151 « Hombre de mala intencion y muy inquieto » (AHN, Consejos, leg. 7179, no 11).
152 « Moi, j’ai tenté de ne pas donner d’ampleur à l’affaire et d’empêcher qu’elle ne s’ébruite » (« yo procuré despreciar la materia y que no corriese en el lugar ») [ibid.].
153 « Y asi ne se deve despreciar este caso por componerse la Ciudad de Granada de 45.000 vecinos que la mayor parte es gente advenizada y sin ningun caudal con que por esta razon con cualquiera accidente esta sujeto aquel Pueblo a inquietud mas que otro alguno. Y en particular esta falta de pan que es motivo principal que en casos semejantes suele ocasionar inquietudes y alborotos como sucedio en la misma ciudad de Granada y en la de Sevilla en tiempo del Rey Felipe IV » (ibid.). Le texte fait allusion aux alteraciones andaluzas de 1648.
154 « Porque si se pudiese conseguir se hiciese en el un castigo ejemplar » (ibid.).
155 BLO, ms. Add. A. 152, fos 220ro-222ro.
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