Annexe
p. 371-387
Texte intégral
1Les textes recueillis dans cette annexe permettent de reconstruire le discours théorique suscité par la poésie burlesque. J’ai sélectionné ceux qui développaient véritablement une réflexion et marquaient une volonté d’approfondir la théorisation du burlesque à travers ses aspects stylistiques ou interprétatifs. Le lecteur pourra, en les examinant, apprécier la richesse et la spécificité de la dissertation de González de Salas (1648), le premier texte transcrit. Viennent ensuite ceux de Tassoni1, Guez de Balzac (1651-1653), Furetière (1690), Perrault (1692) puis la définition proposée par l’Encyclopédie au milieu du xviiie siècle. On constate que le discours de González de Salas n’est à aucun moment repris par les auteurs français, alors que l’idée de modernité du burlesque apparaît sous la plume de Furetière, Perrault puis dans l’Encyclopédie.
2González de Salas cherche à trouver une légitimité à la licence des vers de Quevedo. Il voit dans le mime antique de Publilius Syrus et Labérius un modèle possible du burlesque. Comme nous l’avons signalé, les jugements portés au xviie siècle sur le mime antique sont unanimement négatifs. À la fin de cette annexe, nous transcrivons trois commentaires de López Pinciano, Cascales et Ortiz, qui permettent d’avoir une idée assez précise du rang qu’occupait le mime pour les contemporains de González de Salas. Pour que son plaidoyer pour le burlesque soit convaincant, il insiste sur une caractéristique du mime, celle qui, à ses yeux, prévaut sur les autres : le mélange des registres, la présence de sentences mêlées aux propos les plus légers. González de Salas considère que le burlesque recèle un enseignement susceptible d’amender le lecteur en lui faisant découvrir une leçon morale.
3Aucun autre texte parmi ceux qui sont réunis n’évoquera le burlesque en ces termes. Certes, Tassoni considère qu’un poème peut parfaitement mélanger les registres. Encore faut-il le faire avec talent, en entremêlant les tonalités de telle manière qu’elles paraissent en quelque sorte se confondre. On ne saurait donc se contenter, par exemple, de les faire alterner. Ces tonalités sont désignées à travers deux adjectifs, grave et burlesque. On ne peut donc pas dire que le burlesque puisse être en partie grave, contrairement à ce que déclare González de Salas. L’adjectif permet juste de renvoyer à l’un des éléments constitutifs de l’esthétique développée par Tassoni.
4Guez de Balzac adresse au Père Vavasseur un document intitulé « Du style burlesque ». Il transcrit le long discours de l’un de ses amis, une sorte de réquisitoire contre le burlesque. Ce style se caractérise avant tout par une langue archaïque, un « jargon » digne de la farce. Il s’agit là d’une mauvaise raillerie, qu’il ne faut pas confondre avec la « bonne raillerie », qui « vient de l’esprit et va à l’esprit ». L’Ami de Guez de Balzac ne distingue donc pas, comme le fera Perrault, plusieurs burlesques, il associe le burlesque à cette mauvaise raillerie dénuée d’esprit. Guez de Balzac se montre moins sévère que son Ami, considérant que quelques œuvres mériteraient d’être sauvées. Il n’en cite que trois, suffisamment dignes pour être retenues et, s’il postule que d’autres mériteraient qu’on les conserve, il préfère s’en tenir aux trois premières. « L’exemple en serait dangereux, il nous rejetterait dans la Barbarie ». Là non plus, le burlesque n’est guère perçu comme un registre permettant de corriger de quelque façon les mœurs du lecteur, il s’agit avant tout d’une langue désuète et impropre, que ne vient même pas relever l’esprit.
5À la fin du siècle, Furetière évoque le déclin du burlesque, provoqué par sa licence excessive. Il signale que, dans son De ludicra dictione, le père Vavasseur considère que le burlesque « a été absolument inconnu aux Anciens », modernité qui rejoint les jugements prononcés par Perrault à la même époque. Dans le texte de Perrault, le lecteur perçoit aisément deux sentiments divergents, celui du Président, qui ne goûte guère « une poésie qui parle comme les Halles, qui ne se plaît que dans la bassesse et dans l’ordure » et celui de l’Abbé, qui veut distinguer le « méchant burlesque » de celui « qui a ses grâces et ses beautés » et dont Scarron est le champion. Le Président convient qu’il existe un burlesque « fait pour divertir les honnêtes gens », illustré par le Lutrin de Boileau. Le Chevalier remarque que le burlesque du Lutrin est un « burlesque retourné » et qu’il ne diffère donc pas fondamentalement des autres poèmes burlesques. L’Abbé répond au Chevalier en développant ce qui constitue le cœur de sa théorie. La poésie burlesque repose sur la « disconvenance », qui consiste à présenter les choses ou à faire parler les personnages en des termes qui paraîtront impropres. Didon s’exprimera comme une petite bourgeoise et une petite bourgeoise s’exprimera comme Didon. Cette disconvenance ne correspond pas aux procédés dont use Tassoni dans sa Secchia Rapita. Homère ne peut pas non plus faire figure de véritable modèle. Cette réflexion mène les personnages de Perrault à reconnaître la modernité du burlesque. Comme on le voit, là encore, l’idée d’une morale du burlesque est tout à fait absente et la recherches de modèles anciens n’est pas concluante. Rien ne correspond véritablement au burlesque tel que le pratiquent les poètes français. L’idée de disconvenance, qui permet à Perrault de désigner l’ensemble des formes prises par la parodie, mérite d’être retenue et étendue. En fait, on pourrait considérer que Guez de Balzac lui aussi considère que le burlesque relève de la disconvenance, une disconvenance linguistique consistant à parler en usant d’un jargon.
6Enfin, le jugement de l’Encyclopédie est aussi sévère que ceux de Guez de Balzac ou Furetière. Le burlesque est une « extravagance » née d’une « erreur » commise par les auteurs qui voulurent imiter le style naïf et versèrent dans la licence. Les auteurs de l’Encyclopédie reprennent l’idée de modernité du burlesque, aucun modèle antique ne correspondant exactement au burlesque. Il se caractérise par ses « termes bas », ses « expressions triviales », ses « imaginations ridicules ». Le xviiie siècle n’apprécie plus ce style, « contraire au bon sens et à la nature ».
7La spécificité de la dissertation de González de Salas tient donc à l’interprétation qu’il nous invite à réaliser du burlesque, en proposant de rechercher l’enseignement que l’auteur veut transmettre. Mais son texte présente également l’originalité de soutenir qu’il existe un modèle antique pour le burlesque, alors que la plupart des Français considèrent qu’aucun parallèle ne peut vraiment être établi entre les textes anciens et ce qui constitue un registre profondément moderne. Le burlesque français est généralement associé au ridicule le plus vil, au « mauvais goût », à une forme de raillerie qui peut rencontrer un certain succès, mais n’a pas d’avenir littéraire.
LE BURLESQUE SELON GONZÁLEZ DE SALAS
8[Talía, musa vi] canta poesías jocoserias, que llamó burlescas el autor, esto es descripciones graciosas, sucesos de donaire, y censuras satíricas de culpables costumbres, cuyo estilo es todo templado de burlas y de veras.
9[…]
10Pasemos, empero, a inquirir ya qué vislumbres han permitido los siglos antecedentes a la edad nuestra de aquellas poesías que de temperamento igual de burlas y veras tuvieron los antiguos. Y verdaderamente, que después de alguna asistencia a los auctores latinos y griegos, vengo a persuadirme que en ninguna se conformaron tanto como en el género todo que llamaron mímico. De él han tratado cuidadosamente Lilio Giraldo2 y Julio Scaligero3, pero no creo que han comunicado toda la luz que hoy necesitan las tinieblas de nuestra escasa noticia. Importuna fuera aquí la contienda, y más aún con V. S., a quien será fácil la presencia de lo que se adelantare mi observación a la suya. De los mimos, bailes y danzas, hablé no escasamente en mi Poética, de aquellos, digo, de quien solos eran los ojos los oyentes. Hubo muchas otras especies también, de quien los oídos fueron árbitros, pero que la mayor parte suya se redujo a semejanza de representación cómica, porque de ella tuvo el origen. Quieren que fuese intermisión de sus actos como esta edad alcanzó la interlocución música, cantada y bailada, de que antes en otra disertación he yo discurrido. Y que después fuesen representación distinta los mimos por sí, Suetonio lo insinúa, y Evanthio, gramático antiguo, bien atento a la sucesión y variedad de estas acciones escénicas, lo esfuerza ansimismo cuando en unos preludios que hizo a su comentario de las comedias de Terencio (pues otros también, como Donato, aplicaron a este preciado cómico igual diligencia) distingue expresamente las comedias nombradas attelanas, mimos y planipedias (que confunden injustamente los modernos) de las otras fábulas principales togatas, palliatas, etc. De donde pasa mi observación con novedad mucha a quedar persuadido que habiendo los mimos adelantádose a ser género de representación dramática, jocosa y lúdicra (como lo fueron también las attelanas mismas y planipedias), hubo ansimismo género de poesías con el nombre propio de mimos y sin interlocución de personas, sino en contexto continuado de estilo donairoso y jocoserio que de todo punto correspondían al genio de las que en esta Musa se han de contener, y en que reinó el ingenio de Don Francisco.
11Convénzolo, no de conjeturas, sino de los mismos reales ejemplos, esto es, los mimos proprios. Atheneo hace memoria de mimógrafos muchos, y trae sus testimonios sin que se conozca la interlocución de los personajes, como de los cómicos y trágicos repetidos por él se percibe. Luego, en el lib. xiv, señala dos poetas: Telenico Bizantio, y Argas, que, según son sus palabras, esta naturaleza de versificación es la que profesaron; y poco después refiere a un Gnesippo, en quien el humor de nuestro poeta en esta parte, que ahora ilustramos, se exprime singularmente. A su original queda remitido el crédito de su comprobación por no dilatarnos y por la disparidad y ineptitud de las lenguas, mas es sin duda singularmente al propósito. Pero quien me parece que aún persuade más este mi pensamiento son los dos famosos mimólogos de los latinos, Publio Syro y Laberio, de quienes nos duran hoy fragmentos festivísimos, sin que de algunos se conozca rastro de interlocutores que quiebren la contextura de su composición, siendo su argucia, su donaire y su agudeza una rara expresión de esta jocoseria mixtura y gracia incomparable.
12Enteramente con estos poemáticos vienen a tener hoy los nuestros correspondencia. Pero con otros también de los antiguos la tuvieron en mucha parte por concurrir ansimismo en el chiste y la gracia que les eran con decencia permitidos; bien que frecuentados más de unos que de otros, siendo de una misma profesión, según era la diversidad de los ingenios. Los poetas cómicos (dejo aquellos a quien por la naturaleza de sus fábulas que arriba nombramos attelanas, mimos y planipedias más proprio les era el estilo lúdicro de los donaires), comúnmente, es cierto que todos al gracejo se legitimaban con proprio derecho; pero unos le usaban con frecuencia más natural, y otros o raras veces o nunca. Y de ambos humores son vivísimos ejemplos dos, Terencio y Plauto, en quien la disparidad de las condiciones diferenció tanto su propria permisión. Plauto todo una mera gracia y sal donairosa, y Terencio casi siempre elegancia y mesura. Lo mismo sucedió a los satíricos poetas y a los epigrammatarios que mucho parentesco tienen entre sí, y en esa parte del morder y picar entre sus donaires, muy emparentados fueron también con nuestro don Francisco, y con todo el concento festivo de esta Musa, cuyo estilo jocoserio que de sí promete, a dos respectos mira, como lo mismo se verificaba en los poetas referidos mimógraphos, cómicos, epigrammatistas y satíricos. Uno es aquella mezcla de las burlas con las veras, que en ingenioso condimento se sazona al sabor y paladar más difícil. El otro respecto a que mira es que, con la parte, conviene a saber, que deleita, también contiene la que es tan estimable de la utilidad, castigando y pretendiendo corregir las costumbres con artificiosa disimulación y mañoso engaño; pues tantas veces el que llegare a la golosina del donoso decir quedará sin cuidarlo advertido y enmendado alguna vez de los defectos y errores que, siéndole muy proprios, aún no los conocía y se logrará felizmente entre la graciosidad que regale los oídos aquel gran puncto y encarecido maridaje de lo útil con lo dulce.
13Tres partes concebí yo en que se hubiese de distribuir el discurso de esta disertación. La primera, a la musa Talía hubo de pertenecer; la segunda, a la cualidad de su canto, y con ellas creo que habemos ya cumplido; la tercera nos resta ahora, en donde intento yo considerar algunos modos de aquel canto mismo que circunstancias son, y como accidentes suyos, previniendo ansí la contingente disonancia que puedan hacer a alguna delicadeza escrupulosa, que sería en la verdad destemplanza sólo de su melancolía.
14Designio fue muy pretendido de nuestro poeta el cumplir con atenta observancia la varia obligación que propria es a la diversidad de los estilos, procurando enriquecer a cada uno en su carácter con frases nuevas y modos elegantes del hablar, ya de la invención propria, ya traídos con la imitación de las lenguas eruditas. Y si la torpeza de mi entender no me obscurece el juicio, con felicidad siento que se haya conseguido en las Musas antecedentes. En esta, empero, a que ahora venimos, emprendió juntamente esforzar a nuestros oídos la paciencia para que en el lenguaje suyo se permitiesen algunas desnudeces atrevidas del Amor y la Venus, hallando para facilitar este aliento en nosotros grande ejemplar en la severidad más censoria de las costumbres romanas. Inmutables y ciegos aquellos Curios, Cornelios y Fabios, ansí en la asistencia a la libertad lasciva de juegos florales, como ensordecidos a la horrible deshonestidad de sus escriptores, siendo, por otro viso, los mesmos pasmo y terror a la misma juventud ceñida más y bien disciplinada, y cada semblante suyo, inculto y áspero, una idea rigurosa de severísimas costumbres. Superiores eran sin duda aquellos espíritus grandes a las desnudas acciones que escuchaban o veían. Y Livia Drusila, si débil por su sexo, valiente por mujer del César Augusto, mostró bien ese esfuerzo y con aguda honestidad cuando dijo4 que no las diferenciaba de las estatuas, que desnudas eran tan familiares a este pueblo. Introducir quiso, pues, Don Francisco esta licencia en nuestras orejas con resguardo tan fuerte, deslizándose en los donaires a libres locuciones que exprimían atrevidos conceptos. Pero yo nunca a eso me convine ni asentí a su dictamen, aunque instruido bien de que no hubiesen repugnado su semejante introducción los vulgares y cultos idiomas italiano y francés. Y ansí hoy, para comunicar estas poesías a los nuestros, todo aquello hube de expungir con estilo riguroso, si corregido y mitigado (como bastó en algunos lugares) aún no quedaba decente.
15Pero pende tal vez la sazón suya toda, que ha de deleitar, de unas que nosotros llamamos equivocaciones, los latinos ambigüedades, y los griegos dilogías, que provienen en las lenguas de la pobreza de palabras, como enseña nuestro Séneca5 ; pues es ansí ser mucha la cantidad de las cosas en todas (bien que en unas más y en otras menos) sin nombre que proprio les sea, y para significarlas, se usurpan los ajenos y los prestados de otras cosas; en donde el filósofo largamente discurre. Este, pues, que en la verdad defecto es de los idiomas, da ocasión muchas veces a conceptos de suma gracia y agudeza, y en ellos nuestro poeta logró primores singulares, que infaliblemente, si no se admitiesen en estos donairosos escritos, casi sería extinguirles la mayor parte y más viva con que se excitan y sazonan. Y más cuando en rigurosa censura son inculpables, y que, si la maligna interpretación6, como dice nuestro epigrammatorio, no los calumnia, indignos absolutamente han de quedar del reparo más mínimo. Compruébelo el ejemplo, que si molesto fue siempre el multiplicarlos, alguno necesario es también que preste por muchos crédito. Agudísimo es todo el romance en estos equívocos escrito a alguna mozuela, que distrujo en malos ejercicios su salud, con el buen parecer, y que después procuraba repararla tomando unciones. Es su principio A Marica la Chupona, etc., y entre muchas coplas del mismo genio dice una:
Resfrióse de enfaldarse
muy a menudo las sayas;
de cubrirse, y descubrirse,
siendo cosas tan contrarias.
16En donde si la agudeza se resbala a maliciar otro sentido del que se ofrece literal, suya es la culpa; cuando el proprio y el que legítimamente suenan las palabras, tan al propósito es de la ocasión misma de su resfrío. Equivocación admiten aquellas voces que diversamente significan; pero el que las pervierte ha de pecar, no el que las pudo decir en la significación más sencilla.
17Maligna más se ha de confesar la inspección de otros equívocos, que advertidos primero del concepto en que se quieren usurpar, ya parece va instruido el oyente del sentido interior que esconden, y que denotan también, supuesto que hacen a dos luces. El ejemplo lo manifiesta mejor, y oportuno será el que podrá traerse, no de don Francisco, pues él aún no usó de su malicia tan descubierta; será, empero, un epigrama del lib. xv de nuestro Redivivo Marcial, escrito a un abogado, que siendo gran comprador de libros era también mal logrero de la mercadería de su mujer. Dice de este modo:
Su mujer vende, y, importuno,
libros compra; si avariento
vende un cuerpo, y compra ciento,
logro es de ciento por uno.
Bien el ser docto le viene
con libros tales, pues cuantos
Hircio tiene, aunque son tantos,
en la cabeza los tiene.
18Expresamente empieza previniendo el defecto que castiga en aquella enunciación: su mujer vende, con que después de ella todos los equívocos que la siguen advertidos quedan en qué significación se hayan de tomar. Y siendo aún ansí, se podría juzgar7 por inicuamente ingenioso en ajeno libro el que atribuyese la dilogía a la parte peor. Extrínseco, pues, se ha de reconocer este delicto; a fuera le comete el que escucha, y indiferente queda cuando más culpado el autor, y de la comparación con estos aún más permitidos se deberán reputar ya los equívocos de nuestro poeta.
19Yo ansí lo he sentido, cuando abominado he también (como ya dije) la licenciosa libertad, pues más fáciles de ofender en iguales disonancias conozco a mis oídos, que los que delicados sean más de raer, como dijo algún satírico, ya docto fuere y no afectado su examen. Bien, pues, aquí el de V. S.8 vengo yo a solicitar por colocado en el Tribunal Supremo, de cuya etérea región las influencias puras descienden, que con prudencia y acierto hayan de corregir las costumbres de esta monarquía; y lo que más es aún, por docto y por discreto juez, le he destinado para el examen mismo. Y cuando esta Musa acertadamente como a legítimo Parnaso, a V. S. llega, y a su Museo, felicidad alcanza, pudiendo hallar su defensa juntamente. En donde yo participo también de conveniencias proprias, que me comunica en correspondencia de haberla ilustrado, dándome noble ocasión para manifestar mi aprecio de los excelentes méritos de V.S., de nuestro comercio literario, de la antigua amistad, derivada de los padres mismos con piadosa religión. Escuche ya, V. S, sus ritmos y califique sus donaires, descubriendo, como máscara, son que miente risueña la melancólica más y estoica doctrina. [… ]9
Ya aquí, dándola del codo,
la dijo Euterpe muy fría:
« Señora doña Talía,
¿piensa cantárselo todo? »
Ella dejó su canción
y en chanza volvió a su queja:
« Ya eché la pulga en la oreja:
haga agora operación ».
20El haber crecido tanto las poesías de las seis Musas antecedentes y no parecer capaz un volumen solo para contener a Euterpe, Urania y Caliope, que ahora restan, obligó a que se hubiese de partir su coro y con buen acuerdo; pues dividirse ansí en dos partes todo coro de músicas voces muy desde sus principios nos enseña Julio Pólux haber sido puesto en costumbre y ya lo observé yo también en la Poética. A estas otras musas que después han de salir a que escuchen sus versos, acompañarán otros géneros de poesías dramáticas que por ser más legítimas a la acción de interlocutores, se separaron de todo estotro canto, que proprio respecto tiene a la música que sus maestros llaman harmónica y podrán ansimismo, siendo de mucha sazón y donaire, recrear y remitir la mesura y grandeza con que habrán cantado antes aquellas tres Musas, a quien proprio es aquel ritmo más grave. A ellas, pues, ahora queda remitido el auditorio que hasta aquí ha asistido en este Parnaso, si no ha juzgado por mal entretenida su atención10.
ALESSANDRO TASSONI COMMENTE SA SECCHIA RAPITA
21Gaspare Salviani ai lettori,
22Quest’opera fu composta dall’autore l’anno 1611. Fu cominciata il mese d’aprile, e finita l’ottobre. Cavalieri e prelati ne possono far fede, che la videro comporre quell’anno, mentre praticavano coll’autore; e fra gli altri monsignor Querengo, monsignor Giovanni Ciampoli, il signor Baldassare Paolucci, e il signor cavaliere Fulvio Testi. Fu prima pubblicata che composta; perciò che di dieci canti n’erano già fuori in penna più di cento copie, prima che fossero finiti gli ultimi due. Non fu mai opera ricevuta con più avidità; perciò che in meno di un anno n’andarono attorno più copie in penna, che in dieci non sogliono andare delle più famose che escano alla stampa. Un copista solo ne fece tante copie a otto scudi l’una, che in pochi mesi ne cavò circa 200 ducati. Il signor abate Albertino Barisoni, l’anno stesso que fu composta, le fece gli argomenti, e la portò a Padova; dove fu letta con universale applauso, e quindi mandata in diverse parti. Il che vedendo alcuni begli ingegni tentarono di comporre anch’essi nella stessa maniera; ma parte perché non ebbero vena a proposito, e parte perché non intesero l’artificio, si rimasero in secco. I versi facili e naturali, ognuno crede di saperli comporre; ma la prova poi non riesce.
23Quest’opera, per chi ben la considera, è tessuta in maniera che non le manca parte alcuna di quelle che circa la materia e lo stile si richieggono a perfetto poema grave e burlesco. E non è un panno, come disse colui, tessuto a vergato o, come disse un altro, una livrea da svizzero; ma è un drappo cangiante in cui mirabilmente risplendono ambidue i colori del burlesco e del grave. E in questo si sono ingannati alcuni che si hanno creduto di poter fare il medesimo col cantare una materia tutta burlesca con versi gravi, o una materia tutta grave con versi burleschi. Altri hanno avuta opinione che non occorresse osservare le regole della Poetica d’Aristotele; ed hanno infilzate insieme delle favole trovate a caso senza giudicio, senza metodo, e senza imitazione; perdendoci intorno la fatica e il nome di poeta. Il cantare delle scipitezze inverisimili è proprio degl’idioti che hanno vena, ma non hanno giudicio. Il cantare delle seccaggini stentate è proprio de’ dotti, che compongono senza vena. Il comporre come si deve, richiede l’arte e la natura insieme. Però vaneggiano coloro che, senza natura e senz’arte, si credono d’uguagliare le cose fatte con natura e con arte. Ma lasciamo i discorsi, e veniamo al testo, e accresciamo il diletto, dichiarando le cose oscure o, per dir meglio, oscurate a posta11.
24Gaspare Salviani aux lecteurs.
25L’auteur composa cette œuvre en 1611. Elle fut commencée en avril et achevée en octobre. Nobles et prélats peuvent en témoigner, qui la virent composer cette même année, tandis qu’ils fréquentaient l’auteur. Parmi eux figurent Monseigneur Querengo, Monseigneur Giovanni Ciampoli, Monsieur Baldassare Paolucci et Monsieur le chevalier Fulvio Testi. Elle fut diffusée avant même d’être composée, puisque dix chants manuscrits volaient déjà à travers plus de cent copies alors que les deux derniers chants n’étaient pas terminés. Jamais œuvre ne fut reçue avec tant d’avidité, à tel point que plus de copies circulèrent en un an que l’on n’en imprime d’habitude en dix pour les plus célèbres. Un seul copiste en fit tant de copies à huit écus chacune qu’il en gagna près de deux cents ducats en quelques mois. Monsieur l’abbé Albertino Barisono, l’année même où elle fut composée, en rédigea l’argument puis emporta l’œuvre à Padoue. Là, tout le monde applaudit à sa lecture, et on la manda en divers lieux. Considérant cela, quelques beaux esprits essayèrent d’écrire selon la même manière, mais, manquant de l’inspiration nécessaire à cette fin, ou n’en percevant pas l’artifice, leurs efforts furent vains. Chacun se croit capable de composer des vers simples et naturels, mais, dès lors qu’il essaie, il échoue.
26Cette œuvre, pour celui qui l’examine avec soin, est tissée de telle sorte qu’il ne lui manque aucun des éléments qui, tant pour la matière que pour le style, sont requis dans le parfait poème grave et burlesque. Et ce n’est pas, comme d’aucuns l’affirment, une étoffe à rayures, ou, comme le veulent d’autres, la livrée d’un Suisse, mais plutôt un tissu moiré, dans lequel les deux couleurs du grave et du burlesque resplendissent admirablement. Et, sur ce point, certains se sont trompés, qui crurent faire la même chose en chantant une matière totalement burlesque avec des vers graves, ou une matière totalement grave avec des vers burlesques. D’autres n’ont pas jugé nécessaire d’observer les règles de la Poétique d’Aristote, et ont noué ensemble plusieurs histoires sans qu’aucun fil les relie, sans méthode ni modèles, perdant ainsi leur temps et le nom de poète. Chanter d’invraisemblables fadaises est propre aux imbéciles qui ont de l’inspiration mais point d’esprit. Les chants pénibles et qui assomment sont propres aux doctes, qui composent sans inspiration. Il faut et l’art et la nature pour composer comme il convient. Ils sont en proie au délire ceux-là qui, sans l’art ni la nature, croient égaler les choses faites avec l’art et la nature. Mais laissons les discours, venons-en au texte et goûtons notre plaisir en déclarant ce qui est obscur ou, plus exactement, ce qui est obscurci à dessein12.
LE BURLESQUE JUGÉ PAR GUEZ DE BALZAC
27Dans ce chapitre, je ne suis que le greffier de mon Ami, et sans aucune préface de ma façon, je vous rapporte fidèlement son avis sur la question du Style Burlesque. Monsieur*** nous lisait des vers de ce style là, qu’il avait reçus nouvellement de Touraine. La patience de mon Ami, (que j’ai appelé, depuis ce temps-là, mon Ami sévère) ne fut pas assez grande pour aller jusqu’au bout du poème, quoique le poème ne fût pas fort long. Il se hâta de se déclarer, de peur d’en perdre l’occasion, si quelque compagnie étrangère fut survenue, et faisant ce que je ne lui avais jamais vu faire, il interrompit, par ces paroles, la lecture de Monsieur***.
28Ne saurait-on rire en bon français, et en style raisonnable ? Pour se réjouir, faut-il aller chercher un mauvais jargon dans la mémoire des choses passées, et tâcher de remettre en usage des termes que l’usage a condamnés ? Est-il possible de donner un spectacle aux sujets de Louis quatorzième à moins que de remuer un fantôme qui représente le règne de François premier, à moins que d’évoquer l’âme de Clément Marot, et de désenterrer une langue morte, ou, ce que je trouve plus mauvais, à moins que de confondre les deux langues, et, mêlant la vivante avec la morte, faire ce que faisait le Tyran, dont le poète a dit :
Mortua quin etiam jungebat corpora vivis.
Il attachait les morts avec les vivants13.
29C’est un abus, qu’il n’y a pas moyen de souffrir dans la République des Belles-Lettres, et s’il y avait, comme autrefois, un Arbitre des Délices, ou un Tribun des Voluptés, je lui présenterais requête, afin que cet abus fut réformé.
30Avoir recours à Marot, et au siècle de Marot, pour plaire aux gens de ce siècle ici, c’est trop se défier de soi-même, et ce n’est pas assez estimer son siècle. L’Antiquité ne doit pas être imitée par cet endroit là. On aurait autant de raison de prendre les modes des habillements dans les vieilles tapisseries, et de porter les restes de son trisaïeul. Il faudrait faire revenir les pourpoints à busc, et les chausses à la suisse. Il faudrait que les femmes fussent encore, comme elles étaient, tout manches et tout vertugadins.
31Pour ne rien dire de pis de cette sorte de raillerie, elle sent plus la comédie que la conversation, et plus la farce que la comédie. Ce n’est pas railler en honnête homme. Madame Des-Loges disait qu’elle aimerait autant voir faire l’Ivrogne ou le Gascon, et le Gros Guillaume14, comme vous savez, réussissait admirablement en l’un et en l’autre. Mais elle disait bien davantage, elle n’estimait pas plus un pareil jargon qu’une épée de bois au côté et de la farine sur le visage.
32En cet endroit, mon Ami, adressant particulièrement sa parole au Docteur*** : Au nom de Dieu, lui dit-il, que votre Gentilhomme de Touraine ne s’enfarine plus sur le papier, lui qui, partout ailleurs, est si bien fait, et si agréable. Il vaut mieux être triste que d’être plaisant de cette façon, et, la première fois que vous le verrez, rendez-le capable de nos raisons, avec cette douceur insinuante qui vous est si naturelle, et que Monsieur de la Thibaudière appelle le véhicule de la persuasion. Faites-lui savoir de la part de l’Académie de notre village que celui qui fait le plus rire sur le théâtre, et qui est le premier personnage en ce genre-là, se nomme le Badin de la Comédie. Vous vous souvenez de ce vers du poète de Fontenay, familier de Monsieur le Président de Thou :
Qui badine le mieux, Valeran ou la Porte15 ?
33Mais je pense qu’il n’y aurait point de mal de parler de la raillerie un peu plus sérieusement, et d’essayer de faire l’Aristote en français. Quatre mots donc dans le genre dogmatique, afin de conclure après cela.
34La bonne Raillerie est une marque de la bonne naissance, et de la bonne nourriture, est un effet de la raison vive et réveillée, instruite par l’étude, et polie par le grand Monde. Étant bien apprise comme elle est, elle ne choque ni la coutume, ni la bienséance ; en se jouant même, elle conserve quelque dignité, elle vient de l’esprit, et va à l’esprit, sans travail et sans agitation. Celle-ci au contraire, qui veut qu’on écrive d’une façon que personne n’oserait parler, n’a rien d’ingénieux, n’a rien de noble, n’a rien de galant. Ni l’heureux Naturel, ni le vrai Art, ni la teinture de la sage Antiquité, ni l’air de la belle Cour, ne se reconnaissent point en cette raillerie. Elle anime une carcasse, pour obliger les gens à avoir de l’attention ; c’est-à-dire elle use de machine faute d’esprit : manquant de l’Agréable et du Beau, elle emploie l’Étrange & le Monstrueux. Et ainsi présupposé qu’elle fasse rire, je soutiens qu’elle fait rire par force et violemment.
35Il n’est rien de plus vrai que cela, les vilaines grimaces, les postures déshonnêtes, les masques difformes et hideux, qui donnent de l’effroi aux enfants, et de l’admiration au peuple, sont quelque chose de semblable à cette manière basse et grossière, qu’on voudrait introduire dans la poésie. Je ne m’étonne pas néanmoins qu’un semblable genre d’écrire ait été suivi et qu’il ait fait secte. Coûtant peu à l’esprit, et ayant été trouvé commode par ceux qui ne pouvaient pas réussir en l’autre, sa facilité lui a donné cours et a rempli les villes et la campagne d’un nombre infini de mauvais rimeurs. Mais ne les tourmentons pas davantage, renouvelons seulement pour l’amour d’eux, ou rhabillons un ancien proverbe. Disons qu’ils ont voulu être ménétriers à quelque prix que ce soit, que n’ayant pu apprendre à jouer du violon, ils se sont fait joueurs de vielle.
36Ce sont les sentiments de mon Ami, que j’appelle mon Ami sévère. Une autre fois vous saurez les miens, dans lesquels je garde quelque tempérament, entre la trop grande indulgence et la trop grande sévérité. Comme je n’approuve pas le mauvais goût du vulgaire, je ne suis pas ennemi de tous les plaisirs. Il y a des badineries qui sont tout à fait insupportables, et qui offensent l’esprit, il y en a qui l’amusent agréablement, et qui ne sont pas à rejeter. Les contes de vieilles ne doivent point faire tort au mérite des Fables d’Esope : Socrate, Platon et les autres Philosophes les ont alléguées. Dans les plus viles matières, il se trouve quelque prix et quelque valeur, et s’il fallait irrémissiblement que le style de Marot et que le genre burlesque périssent, je serais de l’avis de Monsieur le Marquis de Montauzier : en cette générale proscription je demanderais grâce pour les aventures de la Souris16, pour la requête de Scarron au Cardinal, et pour celle des Dictionnaires à l’Académie17.
37Peut-être qu’il y aurait d’autres pièces de cette nature qu’il faudrait sauver, mais je n’en ai voulu proposer que trois, de peur de la conséquence : ce sont des actions dont il n’est pas permis de faire des habitudes. L’exemple en serait dangereux, il nous rejetterait dans la Barbarie, d’où nous avons tant de peine à nous tirer. Qu’elles soient donc rares et singulières, ces actions dangereuses, que l’espèce s’en conserve dans deux ou trois individus, sans multiplier jusqu’à l’infini.
38On peut se travestir, et se barbouiller au Carnaval, mais le Carnaval ne doit pas durer toute l’année. On peut dire une fois en sa vie Monsieur le Destin et Dame Junon, trousser en malle et faire florès, mais de ne dire jamais autre chose, mais d’amasser toute la boue et toutes les ordures du mauvais langage pour salir du papier blanc, c’est ce que je ne saurais trouver bon en la personne du meilleur de mes Amis. Si cette licence n’était arrêtée, elle irait bien plus avant. A la fin, il se trouverait des esprits si amateurs des vilaines nouveautés, qu’ils voudraient introduire à la Cour la langue des gueux et celle des bohèmes. Nous verrions des Requêtes et des Épître en l’une et en l’autre de ces deux langues. Ce qu’on appelle le Narquois18 aurait ses poètes et ses auteurs. L’heureux succès du style burlesque donnerait courage à cet autre style d’entrer dans les cabinets et de se faire imprimer en la rue S. Jaques19…
FURETIÈRE DÉFINIT LE BURLESQUE
39Burlesque. Adj. m. & f. Plaisant, gaillard, tirant sur le ridicule. Ce mot est assez moderne, et nous est venu d’Italie où il y a quantité de poètes burlesques, dont le premier a été Bernica, et ensuite Lalli, Caporali, etc. Les vers burlesques en français n’ont pas régné longtemps, à cause qu’on y a introduit trop de licence, tant dans le sujet que dans les vers, et trop de ridicules plaisanteries. On appelle aussi en prose le style burlesque, celui où on emploie des mots qui se disent par pure plaisanterie, et qu’on ne se souffre point dans le sérieux. Le père Vavasseur a soutenu dans son livre de ludicra dictione que le burlesque a été absolument inconnu aux Anciens, quoique quelques-uns disent que du temps de Ptolomée fils de Lagus un nommé Raintou avait traité en ridicule des sujets sérieux de Tragédie.
40Burlesquement. adv: D’une manière burlesque. Cet homme parle toujours burlesquement. Il est vêtu burlesquement, c’est-à-dire, plaisamment20.
PERRAULT DISTINGUE DEUX BURLESQUES, CELUI DE SCARRON ET CELUI DE BOILEAU
41L’Abbé
42… Quoi qu’il en soit, parlons présentement du Burlesque.
43Le Président
44[…] Est-il possible, Monsieur l’Abbé, que vous vouliez faire honneur à notre siècle de la honte du Parnasse, d’une poésie qui parle comme les halles, qui ne se plaît que dans la bassesse et dans l’ordure, et qui toute salle et couverte de haillons qu’elle est, a osé, pendant un fort long temps, se produire effrontément dans le beau monde ?
45L’Abbé
46J’avoue que le Burlesque tel que vous le dépeignez est une très mauvaise poésie, mais il y a un Burlesque qui n’est point effronté, qui ne parle point le langage des halles, quoi qu’il se serve quelquefois d’expressions un peu populaires, il y a un Burlesque qui a ses grâces et ses beautés, tel que celui de l’auteur du Virgile Travesti. Il est vrai que dans le temps que cet ouvrage parut il se fit quantité de méchant Burlesque qui donna du dégoût pour tout ce genre de poésie, mais pendant que presque tout le Burlesque de ceux qui l’ont imité sentait la boue et la harangère, celui-là a toujours senti le galant homme et a toujours eu l’air de la Cour et du beau monde. Nous avons parlé comme nous le devions du Roman Comique, ouvrage unique en son espèce, et des Nouvelles du même auteur tirées de l’espagnol, mais sa poésie ne mérite pas moins d’être louée.
47Le Chevalier
48Y a-t-il rien de plus divertissant que sa Baronéide ?
49[…]
50Le Président
51Est-ce que Pétrone n’est pas tout plein de ces mêmes plaisanteries ?
52Le Chevalier
53Non. Le ridicule de Pétrone ne va qu’à dérider le front du lecteur, mais on ne peut entendre lire la Baronéide sans éclater de rire, ce qui ne peut venir d’autre chose, sinon que les images en sont plus vives et plus touchantes.
54L’Abbé
55Il est bon de remarquer ici que la Baronéide et plusieurs autres pièces de la même nature ne sont pas dans le genre du Burlesque dont nous parlons, mais d’un nouveau genre de plaisant et de satyrique dont les Anciens ne nous ont point aussi laissé de modèle.
56Le Chevalier
57Après l’aversion qu’un des satyriques modernes a témoignée pour le Burlesque dans son Art Poétique, j’ai été étonné qu’il ait composé un poème dans ce genre de poésie.
58Le Président
59C’est un beau et noble Burlesque que celui-là, un Burlesque fait pour divertir les honnêtes gens, pendant que l’autre bas et rampant ne réjouit que le menu peuple et la canaille.
60Le Chevalier
61Cependant à le bien prendre le Burlesque du Lutrin, quelque beau qu’il soit, n’est qu’un Burlesque retourné.
62L’Abbé
63Monsieur le Chevalier ne dit pas mal : le burlesque, qui est une espèce de ridicule, consiste dans la disconvenance de l’idée qu’on donne d’une chose d’avec son idée véritable, de même que le raisonnable consiste dans la convenance de ces deux idées. Or, cette disconvenance se fait en deux manières, l’une en parlant bassement des choses les plus relevées, et l’autre en parlant magnifiquement des choses les plus basses. Ce sont ces deux disconvenances qui ont formé les deux burlesques dont nous parlons. L’auteur du Virgile Travesti a revêtu d’expressions communes et triviales les choses les plus grandes et les plus nobles, et l’auteur du Lutrin en prenant le contre-pied, a parlé des choses les plus communes et les plus abjectes en des termes pompeux et magnifiques. Dans l’ancien burlesque le ridicule est en dehors et le sérieux en dedans, dans le nouveau que Monsieur le Chevalier appelle un burlesque retourné, le ridicule est en dedans et le sérieux en dehors.
64Le Chevalier
65Quoi qu’il en soit, j’aime mieux le Burlesque qui est à l’endroit que le Burlesque qui est à l’envers.
66L’Abbé
67Je veux vous donner une comparaison là-dessus ; le Burlesque du Virgile Travesti est une princesse sous les habits d’une villageoise, et le Burlesque du Lutrin est une villageoise sous les habits d’une princesse, et comme une princesse est plus aimable avec un bavolet qu’une villageoise avec une couronne, de même les choses graves et sérieuses cachées sous des expressions communes et enjouées donnent plus de plaisir que n’en donnent les choses triviales et populaires sous des expressions pompeuses et brillantes. Quand Didon parle comme une petite bourgeoise, j’ai plus de joie à voir sa douleur, son désespoir et sa qualité de Reine au travers des plaisanteries dont on se sert pour les exprimer parce que l’attention se termine à quelque chose qui en est digne, que d’entendre une petite bourgeoise qui parle comme Didon, parce que dans le fond cette bourgeoise ne dit que des impertinences qui ne méritent pas l’attention qu’on leur donne, et qui laissent un déboire fade et désagréable. Quoi qu’il en soit, on est redevable à l’auteur du Lutrin d’avoir inventé ce Burlesque qui a son mérite, et on ne peut pas lui refuser toutes les louanges qui sont dues aux premiers inventeurs.
68Le Chevalier
69Est-ce que La Secchia Rapita n’est pas du même genre que le Burlesque du Lutrin ?
70L’Abbé
71Non. Il y ressemble un peu, mais dans le fond il est fort différent, celui de La Secchia Rapita ne va qu’à mêler le plaisant avec le sérieux, mais celui du Lutrin consiste à exprimer des choses basses et triviales en des termes pompeux et magnifiques.
72Le Président
73Je pourrais dire que la guerre des Rats et des Grenouilles, que quelques-uns attribuent à Homère, en est le vrai modèle.
74L’Abbé
75Ce n’est point la même chose. Les Rats et les Grenouilles ne sont point des choses basses, non plus que les mouches à miel dont Virgile a parlé si magnifiquement.
76Le Chevalier
77Un de mes amis disait dernièrement que le Burlesque dont nous reconnaissons deux espèces n’est point une chose nouvelle, qu’Homère a l’honneur de les avoir inventés l’un et l’autre, et qu’il est le plus excellent Poète Burlesque qui ait jamais été.
78Le Président
79O, ciel ! cela se peut-il dire ?
80L’Abbé
81Puisque toutes choses se trouvent dans Homère, Arts, Sciences, Secrets, Chimie, Pierre Philosophale, Divination et tout ce qu’on saurait s’imaginer, car bien des savants l’ont dit ainsi, pourquoi ne s’y trouverait-il pas du Burlesque de toutes les façons, et du plus excellent ?
82Le Chevalier
83Il y a des gens qui y trouvent bien toute la morale de l’Évangile.
84L’Abbé
85Quelle chimère ! Et quelle prévention ! Mais laissons cela, et croyons plutôt que parmi les actions vicieuses de ses dieux et de ses héros, il y a du Burlesque, que de croire qu’il s’y trouve de saintes et pieuses maximes.
86Le Chevalier
87Quand Achille et Agamemnon, nous disait cet ami, se querellent et s’appellent ivrogne, impudent, tête de chien, sac à vin, n’est-ce pas du Burlesque de la première espèce, où les grandes choses, comme les disputes qui interviennent entre des Rois et des Capitaines, se traitent avec des expressions basses et triviales ? Et quand il décrit en vers héroïques le combat d’Ulysse revêtu de haillons avec Yrus le plus vilain de tous les gueux, n’est-ce pas du Burlesque de la seconde espèce, où le sujet qui est bas et rampant se traite d’une manière sublime et relevée ? Il nous rapporta quantité d’autres exemples de la même force dont il ne me souvient pas présentement.
88Le Président
89Si vous appelez Burlesque cette judicieuse et admirable naïveté qui règne dans Homère, je conviendrai qu’il y a du Burlesque excellent dans ses ouvrages, mais assurément ce n’est pas donner aux belles choses, dont vous parlez, le nom qu’elles méritent.
90[…]
91L’Abbé
92Puisque vous ne voulez pas, Monsieur le Président, qu’on attribue à Homère l’invention du Burlesque, souffrez donc que nous en fassions honneur aux Modernes, et qu’il passe pour constant qu’on leur doit les Opéras, les Poésies Galantes et le Burlesque.
93Le Président
94Je ne leur dispute aucun de ces trois avantages21…
LE BURLESQUE DANS L’ENCYCLOPÉDIE
95Burlesque. Adj. qui se prend quelquefois substantivement, […] sorte de poésie triviale, et plaisante qu’on emploie pour jeter du ridicule sur les choses et sur les personnes […]
96La poésie burlesque paraît être moderne, aussi bien que le nom qu’on a donné à ce genre singulier. Le P. Vavasseur, jésuite, dans un traité qu’il a donné sur cette matière, intitulé De ludicra dictione, assure que le burlesque était entièrement inconnu aux anciens. Cependant quelques auteurs parlent d’un certain Raintovius, qui du temps de Ptolémée Lagus travestit en burlesque quelques tragédies grecques : mais ce fait, s’il est constant, prouve plutôt l’antiquité de la farce que celle du burlesque. D’autres, qui veulent qu’on trouve dans l’Antiquité des traces de tous les genres, même les moins parfaits, font remonter l’origine du burlesque jusqu’à Homère, dont la Batrachomyomachie, disentils, n’est composée que de lambeaux de l’Illiade et de l’Odyssée travestis et tournés en ridicule, par l’application qu’on y fait de ce qu’il a dit des combats des héros à la guerre des rats et des grenouilles […]
97On regarde pourtant les Italiens comme les vrais inventeurs du burlesque. Le premier d’entre eux qui se signala en ce genre fut Bernia, imité par Lalli Caporali, etc. D’Italie, le burlesque passa en France, où il devint tellement à la mode qu’il parut en 1649 un livre sous le titre de La Passion de Notre Seigneur en vers burlesques. En vain a-t-on voulu l’introduire en Angleterre ; le flegme de la nation n’a jamais pu goûter cette extravagance, et à peine compte-t-on deux auteurs qui y aient réussi.
98Boileau, dans son Art Poétique, a frondé le burlesque, dont il avait pu voir le règne, qu’il attribue à la nouveauté.
99Il semble, dit à cette occasion un auteur qui a écrit depuis peu sur la poésie, que la première aurore du bon goût ne dût luire qu’à travers les nuages ténébreux que le mauvais goût s’efforçait de lui opposer. En effet, rien était-il plus contraire au bon sens et à la nature qu’un style qui choquait directement l’un et l’autre, et dont les termes bas, les expressions triviales, les imaginations ridicules formaient les prétendues grâces, sans parler du mépris que ses partisans faisaient des bienséances ? On a peine à comprendre comment une nation qui les connaît et qui les observe si exactement aujourd’hui, les négligeait et se faisait en quelque sorte honneur de les violer il n’y a pas cent ans. Quoique l’Académie Française eût été établie par le cardinal de Richelieu pour ramener et fixer le bon goût, quelques membres de cette compagnie, tels que Voiture, Benserade etc, étaient encore partisans du burlesque.
100Il est cependant croyable, ajoute-t-il, et il faut le dire pour l’honneur de notre nation, que ce genre si justement méprisé doit son origine à une erreur par laquelle ceux qui ont donné dans le burlesque ont été entraînés insensiblement et comme par degrés, ne distinguant pas assez le naïf du plat et du bouffon, comme l’insinue M. Despreaux. En conséquence on a d’abord employé le burlesque à décrire des aventures ordinaires, comme ayant plus d’aisance et plus de simplicité que le style noble affecté aux grands sujets. On l’a donc confondu avec le style naïf qui embellit les plus simples bagatelles. La facilité apparente de celui-ci a séduit ceux qui s’y sont attachés les premiers, mais elle a bientôt dégénérée en négligence, celle-ci a entraîné la bassesse, et la bassesse a produit la licence. Cette conjecture est fondée : 1. Sur ce que la plus grande partie des vers burlesques de ce temps-là consiste en récits. 2. Sur ce que des auteurs contemporains, tels que Balzac, ont confondu ces deux genres néanmoins si différents. Abusés par la facilité d’un style bas, il se sont persuadés faussement qu’ils avaient trouvé l’art d’écrire avec cette molle aisance, avec ce badinage délicat dans lequel Marot a excellé […]
101Tout le monde sait que Scarron a mis l’Énéide en vers burlesques, sous le titre de Virgile Travesti, et D’Assoucy les Métamorphoses en même style, sous celui d’Ovide en belle humeur, et que ces ouvrages sont aujourd’hui aussi décriés qu’ils étaient autrefois goûtés22.
QUELQUES JUGEMENTS PORTÉS SUR LE MIME ANTIQUE AU SIÈCLE D’OR
102Pinciano associe le mime à la zarabanda.
103Y passemos a las coplas que para los mimos vienen a propósito, las quales diría yo que son las redondillas; y assí los zaravandistas, que el día de oy tienen mucho de los mimos, las usan; y también es su metro de lenguaje más común y plebeyo, el qual los mimos imitavan, assí como los cómicos, que a ellos eran muy semejantes23…
104Cascales insiste sur la lubricité du mime.
105El mimo, dize Donato, imitava las personas más viles y leves, descriviendo las actiones con grandes extremos de gesticulationes y meneos, muy luxuriosa y desvergonçadamente. Y tales fábulas los antiguos las llamaron planipedes. Cicerón, tratando de las gracias y sales, avisa al orador que se escuse de los juegos mímicos, por ser tan llenos de lascivia, que con aquellos movimientos provocan al auditorio a torpeza y abren el apetito de la luxuria. Y tanta fue la fealdad destos farsantes en representar cosas torpes y abominables, que fueron tenidos por infames. Y ésta es la causa que Aristóteles explica por donde casi todos los representantes son gente viciosa, aunque entre los romanos, Esopo y Roscio fueron tenidos en mucha honra24.
106Ortiz cherche à distinguer le mime de la comédie antique pour prouver la dignité de celle-ci.
107Llamábanse mimos los que en romance podemos llamar momos, gente perdidísima, y que sin reparar en si una cosa era honesta o deshonesta, remedaban y contrahacían todo cuanto les daba gusto y así su nombre mimos en griego quiere decir imitador. Adonde se han de advertir dos cosas importantes para este intento: la primera es que dejando a una parte este nombre mimos y lo que ellos eran, que en haber sido la mesma disolución no puede haber duda, aun debajo de este nombre de histriones o representantes por ser general y común están comprehendidos en los autores no solamente algunos que representaban con poca honestidad pero también unos volteadores hechiceros y encantadores, que por arte mágica y diabólica hacían apariencias increíbles a los ojos de los que los miraban […]; lo segundo que se ha de notar es que este nombre sçena viene de un vocablo griego que es sçenos que quiere decir cuerda o maroma.
108[…]
109Y así digo que los que el derecho da por infames son aquellos momos representantes desvergonzados y sucios y los que por arte mágica volteaban y hacían apariencias increíbles y no los honestos representantes de comedias y tragedias […] Budeo en el prohemio de las Anotaciones sobre Las Pandectas dice que los mimos eran unos hombres que sin ninguna reverencia del cielo ni respeto del auditorio imitaban todo género de lascivia y deshonestidad25…
Notes de bas de page
1 M. Blanco, « La agudeza en las Rimas de Tomé de Burguillos », précise que ces commentaires de Tassoni apparaissent dans l’édition de 1622.
2 « De Poetar., Hist., Dialog. 6 », note de González de Salas.
3 « Poetices, lib. I, cap. 10 », note de González de Salas.
4 « Dio. Casius, Li. 58 », note de González de Salas.
5 « Li. II, De Beneffic., c. 34 », note de González de Salas.
6 « Absit a jocorum nostrorum simplicitate malignus interpres », note de González de Salas.
7 « Improbe vi facit, qui in alieno libro ingeniosus est », note de González de Salas.
8 La dissertation de González de Salas est adressée « Al Señor don Lorenzo Ramírez de Prado, caballero de la orden de Santiago, del Consejo de su Majestad en el Supremo de Castilla ».
9 Après cette dissertation viennent les poèmes de Quevedo, suivis des propos conclusifs que je reproduis à présent.
10 F. de Quevedo, Obra Poética, t. I, pp. 131-138.
11 A. Tassoni, La Secchia Rapita, pp. xlvii-xlviii.
12 Traduction personnelle et indicative. Mercedes Blanco, qui précise que Salviati (Salviani dans notre édition de référence) est le pseudonyme de Tassoni, commente ce texte en ces termes : « … Según Tassoni-Salviati, un poema perfecto debe ser a la vez grave y burlesco, no yuxtaponiendo ambas cosas como una tela rayada o la librea de un suizo, o combinando materia y estilo de signo opuesto, sino volviendo inseparables los dos colores aunque sin absorberlos en un color único, como en un paño irisado o de reflejos cambiantes », M. Blanco, « La agudeza en las Rimas de Tomé de Burguillos ».
13 L’éditeur précise que ce vers est tiré du huitième chant de l’Énéide, v. 485.
14 « Robert Guérin, dit La Fleur ou Gros-Guillaume, comédien de l’Hôtel de Bourgogne, mort en 1634 », note de l’éditeur.
15 « Ce vers est de Nicolas Rapin dans sa traduction de l’épître 18 du livre I d’Horace : Œuvres latines et françoises de Nicolas Rapin, Paris, P. Chevalier, 1610, p. 103… », note de l’éditeur.
16 Leur auteur est J. F. Sarasin, d’après la note de l’éditeur.
17 Cette œuvre est de G. Ménage, toujours d’après l’éditeur de Guez de Balzac.
18 « Le jargon des gueux (Richelet) », note de l’éditeur.
19 « Du stile burlesque », dans J. L. Guez de Balzac, Les Entretiens, t. II, pp. 497-502. L’éditeur considère que ce texte fut écrit entre 1651 et 1653. Je modernise l’orthographe.
20 A. Furetière, Dictionnaire Universel, Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690.
21 C. Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, (t. III, 1692), pp. 291-303. Je modernise l’orthographe et la ponctuation.
22 Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, t. II, Paris, chez Briasson, 1751. Je modernise l’orthographe et la ponctuation.
23 A. López Pinciano, Epístola séptima dans Philosophia antigua poética, t. II, p. 291.
24 F. Cascales, Tablas Poéticas, pp. 130-131.
25 F. Ortiz, Apología en defensa de las comedias que se representan en España, pp. 52-53. L’éditeur considère que le manuscrit original est postérieur à 1611.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Quevedo et la poétique du burlesque au xviie siècle
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://0-freemium-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3