Chapitre premier. Une poétique du détour
p. 19-52
Texte intégral
« Demócrate, deléitate y bebamos »
Diego Hurtado de Mendoza
« Todo gaznate esté con mal de gota »
Quevedo
1Au royaume de la muse Thalie, il n’est pas rare de croiser des personnages dont le ridicule transparaît immédiatement : vieux encore verts et coquettes déjà décaties, arrière-petites-filles de Célestine et cousins de Diego Moreno, mules rachitiques dignes de Rossinante, médecins ou poètes pédants mais d’une sombre ignorance… la liste est longue et inspire bien des discours railleurs, en vers comme en prose. Le burlesque ne se résume point aux représentations typiques de cette zone du Parnasse. Le poète les intègre dans des énoncés ingénieux et pleins de malice dont la formulation nous renseigne bien mieux sur la spécificité du burlesque que ne le font de tels motifs, qui d’ailleurs remontent parfois à l’Antiquité. González de Salas enquête sur ces sources classiques et s’emploie à démontrer que Quevedo agit avant tout en artiste du langage. Sa plume est ainsi au service d’une poésie savante et qu’il convient de lire comme telle. Une poésie dont l’inconvenance ne choquera donc vraiment que ceux qui ne savent pas goûter l’excellence de l’art et l’érudition du trait. L’éditeur considère qu’il appartient au lecteur de retrouver l’allusion voilée ou le sous-entendu sur lesquels repose véritablement l’effet burlesque. Ce travail suppose à la fois une compétence lectoriale et une démarche intellectuelle favorable à cette inconvenance que l’écriture voile à moitié et que la lecture recherche. Entre la lecture et la perception de l’effet burlesque, il y a toujours un espace herméneutique à parcourir, espace infime ou pas selon que l’équivoque est plus ou moins savante. Ainsi, le burlesque repose sur une poétique du détour. Le travail de reconstitution d’un sens qui ne se livre qu’au terme de détours sémantiques, syntaxiques et souvent même phonétiques se trouve au cœur de la tâche à laquelle le poète invite son lecteur à s’atteler.
2On connaît bien les diverses formes prises par la pointe dans la poésie burlesque de Quevedo. Ignacio Arellano en avait dressé un tableau précis en s’appuyant sur des exemples abondants. Ce n’est d’ailleurs qu’un aspect d’un phénomène plus vaste et qui affecte toute la littérature espagnole, le conceptisme1. L’écrivain doit faire preuve de cette « qualité essentielle, supérieure en importance à toutes les autres2 » qu’est devenu l’ingenio. Aussi, qui prétend faire rire sans susciter l’admiration risque de laisser son public de marbre et encourt le risque de la froideur3. En France, Saint-Amant déplore dans sa préface au Passage de Gibraltar les « bouffonneries plattes et ridicules qui ne sont assaisonnées d’aucune gentillesse ny d’aucune pointe d’esprit4 ». Notre approche du trait d’esprit dans le burlesque vise à montrer qu’il contribue à retarder la compréhension de la facétie en obligeant le lecteur à reconstruire le sens de l’énoncé. La pointe implique une participation active du lecteur, qui s’engage, à travers les détours du discours, dans la construction d’un sens d’abord voilé. Cela transparaît notamment dans les cas de polysémie. Par ailleurs, la poétique du détour repose sur des formes rhétoriques diverses, qui ne relèvent pas toutes du trait d’esprit mais révèlent combien le poète burlesque s’emploie à briller en véritable virtuose de la facétie. L’arsenal stylistique mis en œuvre vient ainsi appuyer une poétique qui suppose une hiérarchisation entre effet poétique et facétie favorable au premier. Cet aspect essentiel du burlesque permet de le distinguer de la poésie comique des décennies qui précèdent son émergence.
I. — À LA RECHERCHE DES PLAISIRS INTERDITS
3Pourquoi lit-on un poème burlesque ? Parmi les raisons à invoquer il en est une qui tient spécifiquement au plaisir attendu de tels poèmes. Au terme des détours qui éloignent le lecteur du sens immédiat pour le rapprocher de l’effet burlesque figure un trait malicieux, une pointe inconvenante que le lecteur découvre avec la satisfaction que procure la résolution d’une énigme5. Et il s’agit là d’un plaisir partagé, ce qui ne gâche rien à l’affaire : non seulement le lecteur est complice des polissonneries du poète, mais, en retrouvant le chemin menant à l’effet burlesque, il se hisse à sa hauteur dans l’art de la polissonnerie. Auteur et lecteur partagent un code linguistique et culturel grâce auquel il devient possible d’en dire peu et d’en sous-entendre beaucoup. La polysémie devient ainsi l’alliée de la polissonnerie linguistique. Prenons, par exemple, les premiers vers d’une chanson quévédienne (POC, 623). Le locuteur s’adresse à Marica et se livre à une confession qui mêle deux discours sarcastiques, l’un raillant la séductrice cupide et l’autre l’amoureux transi. Enfin éclairé sur la véritable Marica, le locuteur déclare :
Marica, yo confieso
que, por tenerte amor, no tuve seso.
Pensé que eras honrada:
no hay verdad en el mundo tan probada.
4Le personnage qui s’exprime ici a cru que Marica était honnête (honrada) et il affirme que personne au monde n’en doute. Le propos serait d’une affreuse platitude sans le deuxième sens possible de honrada, qui désigne précisément une forme d’espièglerie à la limite de la malhonnêteté6. La bisémie, ici, permet de distinguer un sens définissant la Marica idéalisée dans le passé (« pensé que eras honrada ») et la véritable Marica, celle dont le locuteur sous-entend, au présent, qu’elle est malhonnête (« no hay verdad en el mundo tan probada »). Remarquons bien que rien n’impose cette lecture avisée, complice et poétiquement plus satisfaisante que la lecture naïve qui ne mène qu’à une affirmation très prosaïque. Rien d’autre que la compétence du lecteur qui devine dans la platitude apparente le signe qu’il y a anguille sous roche et dans le dernier vers l’indice qu’une autre lecture est possible7. De nombreux exemples pourraient illustrer cette recherche du plaisir poétique dans les détours qui éloignent d’une lecture naïve. Ainsi, dire, à propos d’une femme dont la maigreur extrême ne rebute pas tous les amants, que certains d’entre eux se piquent d’amour pour elle, n’a de sens dans un poème burlesque qu’à la condition de bien interpréter picados. Ces amants là se piquent littéralement au contact de la squelettique Señora Notomía, également comparée aux instruments pointus du cordonnier8. Dans les vers suivants, au contraire, c’est en cherchant au-delà du sens littéral que le lecteur découvre l’effet burlesque. Góngora évoque les activités auxquelles il se livrait lorsqu’il recevait des visites féminines :
Lavábanme ellas la ropa,
y en las obras de costura
ellas ponían el dedal
y yo ponía la aguja9.
5La bisémie érotique induite par le mot dedal10 permet de superposer deux interprétations. L’une, naïve, évoque les activités de couture des personnages, l’autre, plus malicieuse, tient compte du deuxième sens de dedal et renvoie aux relations sexuelles. Dans un poème A una alcahueta, Cáncer y Velasco pondère en ces termes combien Casilda savait gré des visites qu’on lui rendait : « A cuantos la visitaban, / los puso sobre sus niñas. » Le deuxième vers indique que l’entremetteuse montre à ses visiteurs l’estime qu’elle leur porte, mais aussi qu’elle leur offre les services des prostituées (niñas) dont elle a la charge11.
6Dans les divers cas envisagés, il était possible de distinguer deux lectures poétiquement hiérarchisées mais dont chacune faisait sens. Dans la strophe suivante, également empruntée à la chanson quévédienne sur Marica, la polysémie prend, dans le dernier vers, une forme ne permettant plus la double lecture. Il faut alors rechercher la bisémie qui, cette fois, fera naître l’effet burlesque mais aussi le sens de l’énoncé :
Y lo que más me aqueja
es la memoria de esa santa vieja,
cuya casa pudiera
ser, por sus muchas trampas, ratonera;
cuyos consejos son, sin faltar uno,
todos de hacienda, de órdenes ninguno.
Pelóme; mas, en suma,
para su frente me quité la pluma.
7Le jeu de mot sur consejos de hacienda / consejos de órdenes se comprend aisément : l’entremetteuse qui marchande les services de Marica donne des conseils en matière de finances et n’a que faire du bon ordre ou de l’ordre public et moral. Seule cette lecture importe ; l’allusion au Consejo de Hacienda et au Consejo de Órdenes ne sous-tend pas un deuxième sens possible. Il ne s’agit là que d’un clin d’œil amusé. Le distique final renvoie à l’argent déboursé par le personnage pour se gagner les faveurs de Marica (« pluma : … riqueza, bienes y hacienda », Aut.) mais aussi au sort réservé à l’entremetteuse, bientôt couverte de plumes ou emplumada. Le lecteur réalise un travail de double actualisation du sens de pluma pour comprendre que l’argent perdu s’est transformé en plumes posées sur le visage de l’entremetteuse : para su frente me quité la pluma. Dans l’exemple suivant, tiré de la Fábula de Marte y Venus de Castillo Solórzano, la bisémie porte sur compuestos et, là non plus, elle ne permet pas de double lecture :
No se valió de artificios,
solimanes resplandores,
alcanfores12, albayaldes13,
con que al rostro dan unciones.
Ni por hallarse en la fiesta
puso muda14 aquella noche,
con más compuestos que tiene
la doctrina de Aberroes15.
8Par le mot compuestos, le poète désigne le fard dont la belle Venus n’a nul besoin pour assister aux fêtes organisées par les dieux16. Mais ce mot renvoie également aux médicaments composés qui apparaissent dans les théories médicales d’Averroès. La perception de la bisémie est indispensable pour que la comparaison prenne sens. Le lecteur doit retrouver le chemin qui va mener des deux sens possibles de compuestos à l’image que porte le discours, celle du visage fardé à l’excès. Cette fois, ce n’est pas la banalité de l’énoncé qui indique la possibilité d’un deuxième sens, mais, au contraire, son caractère énigmatique et le risque de tomber dans le disparate si l’on identifie les compuestos de la doctrina de Aberroes à des produits cosmétiques.
9La polysémie est parfois mise à profit dans des énoncés où le terme est répété sous une forme identique ou dérivée. Le poète choisit alors de matérialiser la pluralité de sens en répétant, ne serait-ce qu’en partie, tel ou tel signifiant avec des changements de sens. Góngora fustige un prêtre qui, bien qu’ayant reçu les ordres, mène une vie dissolue (« y aunque órdenes recibió / hoy tan sin orden se ve17 »). Quevedo écrit une letrilla burlesque contre une jeune femme cupide. Il découvre enfin son goût prononcé pour l’argent, la mosca, alors que jusqu’à présent sa cupidité passait inaperçue (« mosca muerta parecía ») :
Mosca muerta parecía
tu codicia, cuando hablabas,
y eras araña que andabas,
tras la pobre mosca mía18.
10On pourrait citer du même auteur la chanson sur Marica. Au vers 46, les deux sens de correr sont actualisés, d’abord « courir » puis « avoir honte ». Le lecteur ne peut qu’être sensible à la multiplication des effets de style en constatant, en outre, les diverses figures reposant sur la répétition partielle d’un lexème (annominatio aux vers 6, 12, ou traductio aux vers 45-46). Ces procédés se perçoivent d’autant mieux que l’énoncé qui les enserre ne dépasse pas l’extension d’un ou deux vers. Là où la chanson lyrique use des procédés de l’ornatus pour renforcer le pathos, la chanson burlesque de Quevedo prodigue ces mêmes figures au service du ridiculum.
11Par un mécanisme proche, d’autres poèmes mettent à profit l’onomastique à travers un processus de sémantisation virtuelle qui dote le nom propre d’une double facette : d’une part, il conserve sa fonction de désignation et d’identification, d’autre part il est chargé d’un poids sémantique déterminé par la racine lexicale que le poète feint de lui prêter. Le procédé est étudié par Gracián dans le chapitre consacré à la agudeza nominal19. Tomé de Burguillos, désespérément pauvre, déplore ainsi que le destin l’ait voué « a ser Tomé, sin que jamás tomase20 ». Dans un romance de Quevedo, le Cid invite les infants souillés par leurs propres excréments à se jeter dans les eaux de lessive, la colada, faute d’avoir pris courage en voyant son épée, baptisée Colada21. Ailleurs, jouant sur le verbe hurtar (voler) et sur le nom d’une grande famille d’Espagne, Hurtado, Quevedo écrit : « Y es linaje más honrado / el hurtar que el ser Hurtado22. »
12Le plaisir de la pointe, pasto del alma selon la célèbre formule de Gracián, la justifie à lui seul. González de Salas, dans sa fameuse dissertation, affirme que le meilleur du burlesque tient précisément dans l’équivoque. Mais à cette explication esthétique il faut également en ajouter une autre, d’ordre éthique. Pour l’éditeur de Quevedo23, si la pointe recouvre un sens obscène que le trope ne montre pas directement, seul le lecteur est responsable de chercher à le dévoiler puisque personne ne l’y contraint24. Il y aurait, en quelque sorte, une lecture naïve qu’il serait possible de faire de tout fragment burlesque ménageant une zone d’ambiguïté. Cette justification a retenu l’attention d’Anthony Close, qui considère qu’il ne s’agit pas là d’une argutie de sophiste mais bien d’un principe poétique : l’ambiguïté d’un énoncé situe l’obscénité dans un au-delà du texte qui permet de l’en préserver et de le rendre acceptable pour le lecteur25. Cela rejoint en partie les études de Freud sur le mot d’esprit. Tout individu exerce sur son discours une censure inconsciente déterminée par son éducation. Freud remarque que cette « stase psychique » semble ne pas se produire de la même façon si le propos, autrement inacceptable, est exprimé avec esprit26. En outre, l’inconvenance des propos d’un personnage noble sera probablement plus facilement admise par le lecteur s’ils ne manquent pas d’esprit. En effet, tout lecteur du Siècle d’or assume le postulat aristotélicien selon lequel la noblesse du personnage doit aller de pair avec un langage de registre élevé. Ce langage ne tolère pas les référents vils. Le burlesque rompt cette règle, mais le plus souvent l’inconvenance transparaît à travers des figures de style qui pourraient correspondre à l’ornatus prôné pour le registre sublime. Le lecteur reconnaît un instant le style qui doit être celui de l’aristocrate et ce crédit esthétique autorise à ses yeux un discours par ailleurs inconvenant. Il devient, sinon probable, du moins concevable que doña Alda invite Belerma à consoler son chagrin dans les bras d’un de ces clercs « … que andan en mulas / y algo tienen de mulos » et à préférer aux amoureux qui partent en guerre les plaisirs de la guerre d’amour ( « armados hombres queremos / armados, pero desnudos27 »). De même, Medoro peut adresser une prière à la belle Angélique, « por quien hoy andan enhiestas / tanta lanza y tanta pica28 ».
13Par ailleurs, si l’obscénité est moins tolérée à mesure que le xvie et le xviie siècles progressent, comme le montre Anthony Close29, alors on conçoit aisément que la pointe ait naturellement intégré le registre burlesque. Elle permettait de contourner des normes de plus en plus rigoureuses et favorisait ce pacte entre la parole interdite et l’expression la plus délicate qu’observe Mercedes Blanco dans la poésie burlesque, notamment dans celle de Góngora30. Il était ainsi possible de glisser un compliment érotique dans ces quintils quévédiens, écrits A una dama que bailando cayó :
Si el chapín se te torció,
anda sobre mí, no pares;
no temas que tuerza, no;
pues cuanto más me pisares,
más me enderezaré yo31.
14Le verbe enderezarse veut dire « se redresser ». On pourrait craindre que la danseuse, en trébuchant et en marchant sur les pieds du personnage, ne l’entraîne dans sa chute. Mais celui-ci la rassure, en affirmant qu’à chaque fois que cela se produit, il se redresse. L’équivoque n’offre guère ici de difficulté interprétative. La pointe neutralise partiellement l’inconvenance de ces « choses lascives » dont le Père Pineda, censeur de Góngora, rappelait que l’index romain les bannit32. Les manifestations de l’esprit enrobent les réalités les plus sordides d’un vernis qui les montre sous un jour acceptable. Le signifié n’est aperçu qu’à travers le prisme du jeu de mots, il y a une forme de compétition entre les différents sèmes du signifiant. Le sens le plus ingénu, « la significación más sencilla » dont parle González de Salas, est en général dénué de véritable intérêt, ce qui permet d’attirer l’attention du lecteur tout en contournant à la fois sa résistance mentale et la censure. Dilué dans l’espace herméneutique des détours du discours, le sentiment de culpabilité du lecteur s’estompe peu à peu, transformant les plaisirs interdits en plaisirs (presque) innocents.
II. — QUELQUES FORMES DU CHEMINEMENT INTERPRÉTATIF
15L’étude des jeux polysémiques a permis de constater combien, à travers un même énoncé, le poète parvient à sous-entendre des choses fort différentes, voire opposées. Ainsi, la pointe contenue dans « Pensé que eras honrada / no hay verdad en el mundo tan probada » repose sur un procédé bien connu et qui consiste à dire une chose pour désigner son contraire : l’ironie. Dans la fable de Castillo Solórzano, le mot compuestos portait un trait d’esprit formulé à travers une comparaison (« con más compuestos que tiene / la doctrina de Aberroes »). Si l’ironie et la comparaison étaient ici au service de la pointe, il arrive que le poète prodigue tropes et figures simplement parce qu’ils contribuent à l’ornement du discours. Leur abondance indique combien l’image du bouffon ne constitue qu’un masque cachant le vrai visage du poète burlesque, qui s’exprime aussi et au moins autant en fin connaisseur des procédés de l’élocution dont dispose l’orateur. Loin de montrer directement l’objet ridicule ou obscène, il s’emploie le plus souvent à le désigner par mille détours. Certes, il ne nous échappe pas que le poète burlesque adopte parfois des accents assez crus. L’obscénité et la scatologie constituent en quelque sorte la matière première du comique depuis l’Antiquité. Toutefois, le poète burlesque transforme le plus souvent ces matériaux pour leur donner forme, il les désigne plus qu’il ne les montre. Cela implique de jouer sur un registre plus subtil et moins ordurier, préférant le clin d’œil complice au voyeurisme impudent, l’érotisme à la pornographie. Les figures de l’élocution imposent une médiation stylistique, un détour, entre la lecture et la perception de ce que désigne l’énoncé. Nous avons choisi d’étudier brièvement quelques tropes et figures (hyperbole, ironie, périphrase, métaphore et allitération) afin de mieux connaître les formes prises par ce détour. Il arrive, bien entendu, que ces procédés se recouvrent, que la métaphore soit ironique ou la comparaison hyperbolique, et parfois ils sous-tendent un trait d’esprit. Ce n’est là qu’un signe de l’exigence formelle dont fait preuve le poète.
16L’hyperbole est volontiers spirituelle dès lors qu’elle établit une analogie surprenante, par exemple quand les termes de l’exagération paraissent notoirement incompatibles avec l’objet décrit ou comparé. Pour exprimer la violence d’un chagrin, un poète lyrique pourrait, par exemple, associer les larmes au cours abondant d’un fleuve. Un poète burlesque préférera identifier les yeux au pot de chambre de Neptune, copieusement rempli puisqu’il est le dieu de la mer. Ainsi, dans un romance de Góngora, doña Alda découvre Belerma « … muy triste / sobre un estrado de luto, / con los ojos que ya eran / orinales de Neptuno33 ». L’hyperbole, qui se superpose ici à une métaphore, attribue à un sujet noble, les yeux de Belerma, un prédicat vulgaire, le pot de chambre, pour exagérer la déformation grotesque du corps. Le romance 788 de Quevedo fournit d’autres exemples d’hyperboles. Il y narre une anecdote truculente d’inspiration carnavalesque. Le personnage-locuteur, par une nuit étoilée, s’aventure dans les rues quand soudain il trébuche et tombe dans une flaque d’eau. Attirée par le bruit, une jeune femme sort et éclate de rire en apercevant la triste allure du personnage. Mais la surprise de ce dernier n’est pas moindre en constatant que l’apparence de la jeune femme est au moins aussi ridicule que sa propre situation. Face à un laideron aux proportions dignes d’un géant, il craint, barbotant dans sa mare, d’être englouti comme Jonas par la baleine. La jeune femme l’invite à se réchauffer chez elle, s’occupe à vider les pots de chambre puis lui offre un ragoût pour le moins douteux avant de le rejoindre au lit. Notre personnage, supportant avec bravoure la douleur provoquée par la jambe de dix quintaux que son hôtesse pose nonchalamment sur lui (v. 92), doit également endurer les « redoutables coups de tonnerre » qui émanent de la demoiselle. N’en pouvant plus supporter l’odeur, il finit par sortir du lit. La jeune femme se lève alors, découvrant des jambes noires et blanches comme le plumage d’une pie et couvertes d’immenses grains de beauté. L’horrible spectacle provoque les vomissements du héros, qui décide de prendre congé. Sa joie, dit-il, dépassa celle du marin qui gagne le rivage après une traversée agitée, ou celle du prisonnier qui retrouve ses enfants :
Nunca pisa marinero,
cuando de borrasca sale,
más contento las arenas
que hacen a las aguas margen;
ni más alegre el cautivo
que estuvo preso entre alarbes
abraza sus tiernos hijos,
que yo abracé los umbrales34.
17Comparer la vie à une traversée périlleuse relève du lieu commun35, le lecteur ne s’étonnerait pas de trouver une telle image dans la poésie lyrique ou amoureuse. Dans les vers de Quevedo, la comparaison avec le marin dans la tempête est annoncée par une métaphore hyperbolique associant le corps de l’énorme laideron à un « océan de chair » (v. 84). Par ailleurs, on sait combien la nuit du personnage fut agitée : croyant entendre le tonnerre, il craignit d’essuyer une tempête et se mit à implorer Sainte Barbe (v. 93-100). Coucher avec une telle femme paraît donc aussi dangereux que traverser l’océan par gros temps. Le soulagement du personnage peut, par conséquent, être associé à celui d’un marin. Le décalage hyperbolique produit la surprise et l’amusement en haussant une mésaventure d’alcôve à la hauteur d’un épisode de haute intensité tragique. Par un habile détour, le poète fait entrevoir à son lecteur les images pathétiques du marin et du prisonnier pour mieux pondérer le soulagement du personnage et le ridicule de sa situation.
18L’incompatibilité des termes qui sous-tendent l’hyperbole peut également résider dans l’attribution d’un prédicat quantitatif si excessif que cela paraît d’une absurdité cocasse. Ainsi, lorsque Maluenda pondère le grand âge d’une vieille qui se maquille pour cacher ses rides, il affirme que le total des années qu’elle cumule dépasse celles réunies dans les archives de Simancas :
Que aunque tus arrugas blancas
están causando engañados,
tienen más años guardados
quel archivo de Simancas36.
19Polo de Medina écrit également d’un vieillard :
Es un archivo de años,
y con éste el de Simancas
nació ayer, y con él tiene
la leche en los labios Sara37.
20Les archives de Simancas sont comme les gardiens de la mémoire, on peut donc dire que ces archives gardent le temps, les années. Dès lors, le poète peut aisément introduire une hyperbole par laquelle il affirme que les années gardées à Simancas sont peu nombreuses par rapport à celles du personnage qu’il raille38. Selon un procédé comparable, Quevedo déclare d’une gourgandine qui prétend lui attribuer la paternité de son enfant:
Fuimos sobre vos, señora,
al engendrar el nacido,
más gente que sobre Roma,
con Borbón por Carlos Quinto39.
21Les soldats qui marchèrent sur Rome aux côtés du connétable de Bourbon étaient moins nombreux que les amants qui participèrent à la conception de l’enfant. Le détour consiste cette fois à ramener la cohorte d’amants de cette Doña Dinguindaina à une véritable armée en marche. Citons un dernier exemple d’hyperbole, dans laquelle cette fois l’exagération ne repose ni sur la déformation grotesque ni sur une comparaison avilissante. Au contraire, dans ce poème de Lope, elle doit pondérer la beauté de Juana. La pomme de Pâris n’a de valeur que par sa fonction dans le mythe du jugement rendu par le fils de Priam. Tomé de Burguillos, l’hétéronyme de Lope, déclare pourtant que, si le héros avait connu Juana, non content de lui remettre une pomme, c’est un panier tout entier qu’il aurait offert :
Pues cuarta diosa, en el discorde puesto,
no sólo a ti te diera, hermosa Juana,
una manzana pero todo un cesto40.
22L’univers mythologique de Pâris, Vénus et de la pomme d’or se trouve ainsi ramené à celui de Tomé, Juana et du panier de fruits par une méiose qui commence avec l’évocation de « Venus en pelota » (v. 3). Ce que Tomé considère comme une hyperbole flatteuse participe au portrait d’une Juana à la beauté ordinaire et, en cela, digne du locuteur burlesque. L’hyperbole nie la singularité d’un sujet doté d’un prédicat noble, la pomme mythique, pour le ramener aux multiples sujets dépourvus de ce prédicat et par conséquent triviaux. En quelque sorte, pour le poète burlesque, la quantité prime sur la qualité. Le détour, ici, mène le lecteur vers une réalité du quotidien que Tomé prétend hisser à la hauteur du mythe pour donner la mesure de son amour pour Juana.
23L’ironie constitue également un procédé essentiel au burlesque. Au sens le plus restreint, l’ironie consiste à dire une chose pour signifier son contraire. Ainsi du locuteur quévédien déclarant naguère que Marica était honrada : honnête et malhonnête. Ou encore du locuteur gongorin lorsque le poète raille l’ignorance d’un descendant de Peranzules qui, après avoir écouté un romance, demande à entendre à nouveau ce sonnet. Le vers promettant que ce personnage a tout compris au poème signifie qu’en fait, il n’a rien compris :
Romance fue el cantado, y que no pudo
dejarlo de entender, si el muy discreto
no era sordo, o el músico era mudo;
y de que lo entendió yo os lo prometo,
pues envïó a decir con don Bermudo:
« Que vuelvan a cantar aquel soneto41. »
24L’onomastique se voit teintée d’ironie lorsque le poète choisit des prénoms qui contredisent la caractéristique principale des personnages qu’il invente. Quevedo, dès le premier vers du poème 688, baptise une femme de grande taille la Chica. González de Salas, comme pour mieux guider le lecteur, annote sobrement : « par ironie ». Dans une jácara, un personnage qualifie des ruffians de « Rodriguitos de Vivar, / por conejos, no por obras42 ». Vivar, la patrie du Cid, désigne également le terrier du lapin. C’est sur cette signification que repose le prédicat ironique. Pantaleón de Ribera, dans un sonnet A una dama de mal aliento43, choisit pour son personnage le prénom de Flora. Góngora nomme Clavellina une petite chienne tout aussi malodorante44 :
Clavellina se llama la perra,
quien no lo creyere, bájese a olella.
No tiene el soto ni el valle
tan dulce olorosa flor,
que todo es aire45 su olor,
comparado con su talle…
25L’évocation, dès les vers qui ouvrent le poème et lui servent de refrain, d’une chienne baptisée Petit œillet, jointe à l’invitation à se pencher pour sentir l’animal si l’on doute qu’il mérite ce nom, laissent s’immiscer quelque incertitude sur son odeur réelle. Les vers « otras huelen por la hoja, / y esta por el ojo huele46 » confirment définitivement que le prénom de la chienne implique un jugement ironique. Le « composant linguistique », dans ces exemples comme dans les précédents, doit être interprété en fonction du « composant rhétorique47 », c’est-à-dire des circonstances énonciatives qui modifient le sens immédiat. Sans ce détour, le prédicat induit par l’onomastique ne serait guère paradoxal48, Marica paraîtrait honnête et le descendant de Peranzules pourrait passer pour un véritable amateur de poésie.
26L’ironie prend également des formes distinctes des précédentes. Les exemples qui vont suivre relèvent plutôt de ce que l’on pourrait appeler la distanciation ironique. Le locuteur ne prononce pas l’énoncé A pour signifier son contraire mais pour indiquer que A est absurde ou singulièrement inapproprié. Il en va ainsi dans certaines questions oratoires. Songeons à ce poème dans lequel Quevedo, tout en décrivant la noyade de Léandre, lui demande s’il joue à cache-cache. Ou à ce sonnet dans lequel Góngora, comparant à des guenons les deux femmes qui l’accueillirent à Cuenca, voudrait savoir de quelle région d’Afrique ou d’Amérique elles proviennent49… L’ironie consiste ici à formuler une question en feignant que l’on fait abstraction de quelque donnée préalable qui, pour le lecteur, est acquise : l’humanité des femmes de Cuenca et le caractère tragique de la légende de Héro et Léandre. Il arrive que l’ironie soit plus complexe encore, ou en tout cas plus éloignée d’une définition la limitant à dire A pour signifier le contraire de A. Revenons un instant à ce personnage quévédien aux prises avec un laideron grotesque. Une fois au lit, la jeune femme demande à son galant d’un soir de se fendre de quelque propos galant en hommage à sa beauté. Celui-ci s’exécute en des termes tout à fait appropriés à l’univers carnavalesque du poème et son hôtesse se satisfait de ses compliments grotesques :
Desnudóse, y desnudéme;
dijo que la requebrase,
luego que empecé a nadar
en el piélago de carne.
« Es tu cara peregrina
— la dije con voz muy grave—,
calabaza es tu cabeza,
bordón tu nariz gigante. »
Con esto quedó contenta50.
27La situation dépeinte ne manque pas de piquant : les compliments du personnage sont censés relever du discours amoureux puisque la jeune femme lui réclame des propos galants, « dijo que la requebrase », qu’il les formule très sérieusement, « con voz muy grave » et qu’elle s’en satisfait, « … quedó contenta ». Or, il associe sa tête à une citrouille et son nez au bâton du pèlerin. Le locuteur qui raconte cette anecdote met en scène le locuteur-personnage dont il retrace les aventures, les inflexions de sa voix et l’efficacité de son propos. Or, il saute aux yeux que le discours du personnage repose sur des métaphores dont la nature grotesque va à rebours de la vocation galante de ce discours, clairement précisée par le locuteur. Cette réorientation introduit une distanciation ironique. Si l’on nous permet de reprendre ici librement la terminologie de Ducrot, fort utile en la matière, nous dirons que le composant rhétorique modifie, non pas le composant linguistique, mais la vocation qui devrait être celle du discours en vertu de ce composant linguistique. L’énonciation est structurée de telle sorte que le lecteur distingue un locuteur dont les propos amoureux sont rapportés par un autre, qui raconte le tout avec dérision.
28Un poème de Góngora fournira un dernier exemple de distanciation ironique. Dans ce romance, le poète attribue la parole à des roussins qui, comme tout domestique (v. 12), se plaignent de leurs maîtres. L’un des roussins raconte qu’il sert un Portugais venu à la Cour pour obtenir la main d’une jeune femme et la croix de l’ordre d’Avis. Les mérites sur lesquels le Portugais fonde ses espérances paraissent bien dérisoires et le roussin prédit qu’à force d’importuner, son maître, avant même de porter une croix, portera des stigmates :
Dos cosas pretende en corte,
y ambas me cuestan mis pasos:
la verde insignia de Avís
y un serafín castellano;
porque en África su abuelo
mató un león cuartanario,
desde una palma subido,
de cuarenta arcabuzazos,
fatiga tanto al Consejo,
y al Amor fatiga tanto,
que no irá cruzado el pecho
sin ir el rostro cruzado,
porque el padre de la moza
me dicen que le ha jurado
de darle la cruz, en leño,
que él pide al Consejo en paño51.
29Góngora renouvelle en partie la figure du miles gloriosus en inventant ce Portugais qui prétend mériter l’insigne de l’ordre d’Avis parce que son grand-père, perché dans un palmier, réalisa l’exploit de tuer, au terme de quarante coups d’arquebuse, un lion souffrant de fièvre quarte… En quelque sorte, il prétend s’attribuer par procuration les faux mérites de son grand-père et en être récompensé. Quiconque estime qu’un personnage qui prétend être décoré doit avoir à son actif de réels mérites jugera ridicule l’attitude du Portugais. L’énonciation de ses exploits implique une distanciation ironique dès lors que le roussin annonce que son maître fonde sur de tels états de service l’espoir de recevoir une décoration. En termes de pragmatique linguistique, on dirait que le roussin est le locuteur mais que ses propos laissent entendre le point de vue défendu par son maître, qui a ici le statut d’énonciateur52. C’est sur cette polyphonie que repose la distanciation ironique de ce passage. Dans un autre romance, Góngora introduit le discours du soldat fanfaron qui croit séduire une jeune femme en dressant une chronique de ses exploits militaires53. Il révèle en fait, sans s’en rendre vraiment compte, qu’il demeurait toujours à l’abri du péril. Le point de vue du personnage sûr de ses mérites semble d’autant plus ridicule que le locuteur poétique décrit au préalable cet « alférez de mentira » qui n’en finit pas de plastronner.
30Les exemples précédents prouvent que le poète burlesque sait tirer profit des formes les plus simples comme des plus subtiles du détour ironique, en formulant un énoncé pour signifier son contraire ou en mettant en scène un personnage qui ne semble pas conscient de tenir un discours ridicule ou singulièrement inadapté. L’inadaptation tient au fait qu’une instance d’énonciation invite à percevoir le ridicule du discours tenu par tel ou tel personnage. Sous ce rapport, il semble légitime de considérer comme foncièrement ironique le cas des citations cachées : à chaque fois qu’un personnage burlesque cite un vers consacré de la poésie sérieuse, il y a une forme de reprise ironique. On peut ici songer aux chats de la Gatomaquia, de Lope de Vega, qui citent Garcilaso (VI, v. 167-168).
31La périphrase permet de montrer sans nommer ; comme l’ironie elle oblige le lecteur à percevoir ce qui n’est pas exprimé en des termes explicites. Elles postulent une connivence du lecteur, résolu à trouver dans le texte ce qui relève du ridiculum, notamment les laideurs physiques et morales. Elles permettent de désigner indirectement ce qu’une poésie moins ingénieuse évoquerait plus crûment. Dans une jácara, Quevedo raconte en ces termes comment se comporte le client d’un lupanar lorsqu’il rencontre la Plaga :
Volcóla en el trincadero
con furor paternidad,
descubriéndola el bostezo
que nos sorbe de orinal54.
32La prostituée, couchée sur le lit, laisse voir ce que Quevedo nomme métaphoriquement son « bâillement ». Il s’agit du sexe de la Plaga, qui reçoit celui des clients, comme un urinoir, « de orinal ». Par la périphrase suivante, Góngora nous mène au même endroit, mais par un chemin différent :
Si el pobre a su mujer bella
le da licencia que vaya
a pedir sobre la saya,
y le dan debajo della,
¿qué gruñe, qué se querella
que se burlan de él los ecos55?
33La périphrase situe l’objet désigné par rapport à un autre tout en jouant sur l’opposition entre sobre et debajo. Quevedo nous offre un autre exemple de ce que l’on pourrait qualifier de périphrase topographique. Un candidat au mariage invite toute femme désireuse de trouver un époux peu regardant à s’adresser à lui. Plutôt que d’affirmer tout rondement qu’il accepte de porter les cornes, cet avatar de Diego Moreno préfère désigner la partie de son corps qui les recevra :
La que hubiere menester
un marido de retorno,
que viene a casarse en vago
y halla su mujer con otro,
acudirá a mi cabeza,
más arriba de mi rostro,
como entramos por las sienes
entre Cervantes y Toro56.
34Les cornes se trouvent au dessus du visage, entre les tempes, elles délimitent un espace dont les bornes se nomment Cervantes et Toro, deux noms qui rappellent les bêtes à cornes (le cerf, ciervo, et le taureau). Les cornes auraient pu être nommées directement, sans détour, comme Quevedo le fait souvent. Le choix de la périphrase, contrairement à ce qui se produisait dans les deux exemples précédents, ne répond donc pas à une résistance morale, sa motivation est esthétique. Il est bon de rappeler à nouveau que l’ornement du discours constitue une fin en soi dans le burlesque. Les périphrases généalogiques, qui par définition ne cachent rien d’obscène, en apportent la preuve. Ainsi, dans une letrilla gongorine, une jeune femme clame que les meilleurs amants sont les serviteurs de Dieu. Les autres peuvent bien la servir de jour, c’est aux curés qu’elle réserve ses nuits. Aussi n’a-t-elle que faire de l’élégance des beaux Narcisses et autres Rolands Amoureux :
Orlandos enamorados,
que después dan en furiosos,
en las paces belicosos,
en las guerras envainados,
de bigotes engomados
y de astróloga contera,
¡nunca Dios me haga nuera
de la hermana de su tía57!
35« Que Dieu me protège de devenir la belle-fille de la sœur de leur tante », c’est-à-dire « Dieu veuille que je n’épouse jamais l’un de ces prétendants ». Par la périphrase le poète désigne sans nommer, mécanisme assez proche d’un trope que nous avons déjà souvent rencontré et qui est peut-être le plus fréquent, la métaphore58. Elle semble ingénieuse et espiègle lorsqu’un galérien raconte comment, dès le plus jeune âge, il fut « portero de cofres » ou « llavero de cerraduras59 ». La formulation, qui élude les connotations négatives d’un terme comme ladrón, décrit l’activité de Montilla à travers des occupations tout à fait louables. La distance établie par le galérien entre ses anciennes activités et la banalité qu’il leur prête en les associant à des emplois parfaitement communs oblige le lecteur à percevoir ces activités répréhensibles à travers un filtre stylistique qui séduit par sa subtilité. Dans un romance gongorin, on retrouve cet emploi de la métaphore pour frapper l’énoncé au sceau de l’esprit :
A un tiempo dejaba el sol
los colchones de las ondas,
y el orinal de mi alma,
la vasera de su choza60.
36Le Soleil, lorsqu’il se lève, émerge de l’océan. Cette image conventionnelle suscite l’association des ondes au matelas, que l’on abandonne au sortir du lit et qui, par ailleurs, peut être fait de plumes blanches comme les flots écumants. En outre, sa superficie est aussi irrégulière que la surface des eaux. Ces coïncidences inattendues motivent la pointe qui, sous une forme métaphorique, identifie plaisamment les ondes de l’océan au matelas. La description dégradante se poursuit avec la mention, également métaphorique, de la jeune bergère (el orinal de mi alma) qui sort de sa chaumière (la vasera de su choza). Le pot de chambre et le vaisselier, objets prosaïques s’il en est, contribuent ici à l’évocation de cet avatar burlesque de la belle matineuse. Cette strophe montre comment une figure rhétorique, ici la métaphore, permet d’établir un contraste saisissant entre l’artifice de la formulation, propre à l’ornement de l’expression poétique, et la trivialité du lexique et des référents choisis. On retrouve fréquemment cet effet de contraste. Ainsi, dans tel autre romance gongorin, le personnage se moque gentiment de l’amant qu’il était naguère, alors qu’il restait planté sous les fenêtres de sa belle, transi par le froid, et que les chiens finissaient par le confondre avec le décor au moment de lever la patte :
Qué de noches frías
que me tuvo el hielo
tal, que por esquina
me juzgó tu perro,
y alzando la pierna
con gentil denuedo
me argentó de plata
los zapatos negros61.
37La métaphore désigne évidemment l’urine. Góngora a parfois recours au procédé inverse, lorsque l’urine permet de désigner métaphoriquement la pluie (« se desatacó la noche / y se orinaron las nubes ») ou la rouille déposée par le temps sur une lance (« el lanzón en cuyo hierro / se han orinado los meses62 »). Ce contraste entre une réalité ordinaire ou ridicule et une formulation qui prétend ne pas l’être crée la surprise en donnant au lecteur l’impression que le détour à travers un chemin semé de fleurs rhétoriques ramène vers une réalité sordide ou prosaïque. En ce sens, les figures rhétoriques dans le burlesque contribuent à la fois à l’ornatus et à l’admiratio.
38Un son bien choisi et bien placé suffit à faire ressortir le signifiant et à donner une épaisseur phonétique au texte en transposant sur le plan sonore le ridicule de l’univers burlesque. Si le son est signifiant en poésie, il l’est peut-être plus encore dans un registre qui compte tant sur le sous-entendu et le non-dit. En ce sens, cet aspect relève également de la poétique du détour. Les vers suivants illustreront mon propos. Góngora y crée le personnage de Galayo, double parodique du maure Azarque qui apparaissait dans « Ensíllenme el potro rucio » de Lope de Vega. Dans ce dernier poème, Azarque part en guerre et prend congé de la belle Adalifa. Dans la version gongorine, c’est en ces termes que Galayo invite Teresa à ne pas se morfondre :
Teresa de mis entrañas,
no te gazmies ni ajaqueques,
que no faltarán zarazas
para los perros que muerden63.
39Les sonorités âpres participent à la dégradation du désarroi de Teresa. Il n’y a, à proprement parler, aucun discours sur son chagrin, mais les sonorités qui le désignent (« no te gazmies ni ajaqueques ») indiquent, de façon détournée, combien l’énonciateur, à travers les propos de Galayo, associe ce chagrin à une manifestation des sentiments un peu ridicule. D’ailleurs, Galayo invitera ensuite Teresa à se consoler en dévorant un jambon. Dans l’univers de ces personnages, le chagrin d’amour est assimilé à une forme de sensiblerie proche de l’ingénuité : les plaisirs terrestres compenseront toujours les peines de cœur.
40Les procédés cacophoniques manifestent l’orientation burlesque du poème. Le lecteur doit trouver un indice du registre choisi dans la présence de mots dont les sonorités frappantes ne semblent compatibles qu’avec le burlesque (zurrapa, busilis, bazucar, mondongo, pucheros, gangoso, calvatrueno…). E. Alarcos Llorach montre que dans la poésie burlesque de Quevedo la présence des phonèmes /p, ĉ, k, g, x, m/ dépasse largement leur emploi dans le langage ordinaire et que /b, t, ř/ sont légèrement plus présents64. Le choix de syllabes peu euphoniques sera encore plus marqué lorsqu’elles apparaîtront à la place de la rime. L’assonance en u-o, choisie par Góngora dans sa Fábula de Píramo y Tisbe, apparaît également dans un romance de Quevedo, Funeral a los huesos de una fortaleza que gritan mudos desengaños65 et dans un autre de Castillo Solórzano66. Quevedo, dans un sonnet, parvient à placer en fin de vers loza, taza, haza, remoza, choza, maza, embaraza, goza, bostezo, aguza, pescuezo, espeluza, arrapiezo, caperuza67. Dans l’excellent « La vida empieza en lágrimas y caca », les mots matraca, trabuca, perendeca, mala cuca, bazuca constituent à eux seuls des indices du registre choisi. Góngora a un sonnet qui mêle les terminaisons en -ío, -ules, -udo, -eto, Maluenda en écrivit un autre enchaînant -ojo, -ejo, -ajo, -ijo68. Vicente Sánchez nous a laissé cette composition qui, dans l’édition de 1688, porte l’épigraphe soneto en consonantes forzados :
Al ojo del gigante Polifemo, que lo sacó Ulises con un asta.
Con el griego a quien tuvo por meñique,
se jugó el ojo Polifemo a un truque,
sintiendo que el ojazo le trabuque,
un hombre en su cotejo de alfeñique.
Y aguardando sazón en que le pique
cuando con sueño el Cíclope le cuque,
le hizo saltar el ojo como un buque
y que las peñas con su humor salpique.
De vista a buenas noches quedó el jaque,
y haciendo en voz de cólera un tembleque69,
de que le llamen confesor dio un toque.
Mas viendo que pedía el ojo ataque,
fue a pedir al albéitar de Pinseque
un emplasto de polvos de alcornoque70.
41Le premier quatrain résume ce que le poète narre dans les vers qui suivent. Le récit est concentré sur la figure d’un Polyphème plus pitoyable qu’effrayant et qui, braillant et appelant à l’aide confesseur et vétérinaire, semble bien démuni face à Ulysse. On songe plus volontiers aux géants de Rabelais qu’au Polyphème des origines. La cacophonie souligne le ridicule du personnage. Là encore, ce n’est pas le seul procédé rhétorique à l’œuvre dans ce poème. Deux hyperboles permettent de manifester la petite taille d’Ulysse face au géant Polyphème (meñique, alfeñique) ; l’aveuglement du Cyclope transparaît dans la métaphore de la nuit qui tombe soudainement (quedarse a buenas noches) et ses cris sont ramenés métaphoriquement au tembleque, un bijou constitué d’une aiguille qui vibre sous le poids de la pierre précieuse qu’elle soutient. L’image dénote une fragilité et un raffinement un peu ridicules chez un géant. On retrouve ainsi diverses formes de ce cheminement à travers les traits d’esprit et autres clins d’œil malicieux auquel le poète convie son lecteur.
42Les exemples cités prouvent que le burlesque fait un usage abondant des figures d’ornement et que la production de l’effet burlesque repose aussi bien sur les procédés rhétoriques les plus simples, comme la cacophonie, que sur les plus complexes. Surtout, il est apparu à diverses reprises que plusieurs mécanismes pouvaient se superposer les uns aux autres. L’hyperbole et la métaphore, par exemple, peuvent à la fois contribuer au ridiculum par la dégradation grotesque mais aussi en marquant l’énoncé au sceau de l’esprit, parce qu’elles associeront ingénieusement deux référents qui, a priori, appartiennent à des univers différents (l’océan et le matelas, ou l’océan et la chair abondante qui engloutit le personnage de Quevedo). Enfin, ces exemples démontrent que l’ornement rhétorique n’est pas nécessairement au service de la plaisanterie. Le poète burlesque, par conséquent, tend à accumuler les procédés de l’ornatus en considérant que leur valeur esthétique les justifie à elle seule. Le lecteur doit donc trouver dans le poète burlesque un artiste du langage, qui maîtrise parfaitement sa matérialité phonétique et signifiante, qui sait en tirer parti tant au niveau du mot que du syntagme ou de la phrase. Ce constat va permettre d’envisager la singularité du burlesque par rapport à la poésie comique des décennies qui précèdent son émergence.
III. — COMPLEXITÉ ET DÉTOURS
43La poétique du détour qui vient d’être d’esquissée correspond à une poésie que l’on peut qualifier de complexe, dans le sens étymologique de l’adjectif, qui qualifie ce qui est plié, entrelacé (plectere). Au lecteur incombe la tâche de déconstruire l’énoncé afin d’en reconstruire le sens, de défaire les nœuds sémantiques et syntaxiques du discours pour libérer la tension qui retarde la production de l’effet burlesque71. Précisons d’emblée que les notions de complexité et de détour décrivent la manière dont le poète élabore l’effet burlesque mais ne disent rien de l’éventuelle difficulté72 rencontrée par le lecteur. Un poème complexe n’est pas nécessairement difficile dès lors que le lecteur connaît les codes et le système d’allusions. La complexité du burlesque distingue ce registre typiquement baroque de la poésie moins ingénieuse et formellement plus simple des décennies qui précèdent les premières compositions gongorines. La réticence mentale ou institutionnelle à désigner l’inconvenant en des termes explicites provoque une métamorphose esthétique. Robert Jammes avait évoqué une « promotion esthétique du burlesque73 » entre les premières compositions de Góngora et celles qui suivirent ; cette expression heureuse peut être reprise pour désigner plus généralement la trajectoire de la poésie comique écrite aux xvie et xviie siècles.
44Sous le règne de Charles V et pendant les premières décennies de celui de Philippe II, il suffisait pour verser dans ce relâchement psychologique et intellectuel auquel invitait la poésie comique de s’arrêter sur un référent vulgaire ou même, simplement, ordinaire, quotidien. La Cena jocosa de Baltasar del Alcázar (1530-1606), poète qui représente bien la transition d’une esthétique à l’autre, constitue un bon exemple de poésie qui se rapproche du burlesque sans s’identifier tout à fait à lui. Le poème repose sur l’annonce d’un récit étonnant, qui est en fait retardé par la description des mets appétissants d’un repas. C’est un procédé comique ancien, décrit par Cicéron et Quintilien, qui consiste à susciter la curiosité du lecteur sans jamais la satisfaire (decepta exceptatio). La composition de Baltasar del Alcázar demeure assez proche du style humble, la plaisanterie est mesurée, les figures n’abondent pas. L’intérêt de la Cena jocosa réside pour une large part dans l’habileté avec laquelle le poète retarde un récit qui, finalement, ne viendra pas. S’y substitue une description détaillée et enthousiaste de la jouissance procurée par le banquet. En voici quelques extraits :
En Jaén, donde resido,
vive Don Lope de Sosa,
y diréte, Inés, la cosa
más brava dél que has oído.
Tenía este caballero
un criado portugués…
Pero cenemos, Inés,
si te parece, primero.
La mesa tenemos puesta;
lo que se ha de cenar, junto;
las tazas y el vino, a punto:
falta comenzar la fiesta.
Rebana pan. Bueno está.
La ensaladilla es del cielo,
y el salpicón con su ajuelo,
¿no miras qué tufo da?
[…]
La ensalada y salpicón
hizo fin; ¿qué viene ahora?
La morcilla, ¡oh, gran señora,
digna de veneración!
¡Qué oronda viene y qué bella!
¡Qué través y enjundias tiene!
Paréceme, Inés, que viene
para que demos en ella74.
45L’évocation gourmande de l’excellent repas et du plaisir des convives se suffit à elle-même. Point n’est besoin de briller par la complexité formelle, par l’artifice stylistique, il suffit d’écrire un texte enjoué sur un thème qui, a priori, ne permet pas un développement poussé. La prouesse est là. On conçoit donc qu’une anecdote amusante puisse faire l’objet d’un poème sans que le poète s’emploie à user d’un style fleuri. Pour peu que le référent soit trivial et se prête au comique, il peut apparaître directement dans le discours.
46Il en va différemment avec le burlesque. Le poète cherche également à surprendre, mais par sa faculté à faire naître le propos facétieux d’un usage proprement artistique du langage. La différence entre les deux modes d’énonciation est assez perceptible si l’on compare les sonnets suivants, de Diego Hurtado de Mendoza et Quevedo. Le titre du second conviendrait également au premier : Leyes bacanales de un convite. On appréciera au passage le mélange de burlas y veras opéré par Hurtado de Mendoza, qui annonce une modalité du burlesque fréquente chez bien des poètes du xviie siècle.
Demócrate [s], deléitate y bebamos,
que para siempre no se ha de durar.
No puede para siempre el hombre estar
en la vida que ahora nos holgamos.
Pues nos perdemos cuanto acá dejamos,
con ungüento oloroso nos untar
y en guirnaldas las frentes coronar
se procure, que al fin al fin llegamos.
La honra que me hace la mortaja
quiéromela yo hacer en este mundo
y remojarme en cuanto vino sé.
Y si de acá me llevo esta ventaja,
cuando después llegare en el profundo
¡ahógueme el diluvio de Noé!
(Hurtado de Mendoza75)
47Leyes bacanales de un convite.
Con la sombra del jarro y de las nueces,
la sed bien inclinada se alborota;
todo gaznate esté con mal de gota,
hasta dejar las cubas en las heces.
Los brindis repetidos y las veces
crezcan el alarido y la chacota;
y la aguachirle, que las peñas trota,
buen provecho les haga a rana y peces.
De medio abajo se permiten voces;
para los gormadores hay capuces;
a los alegres se pondrán terlices.
Los aguados se vistan albornoces;
los mosquitos sean plaga a los testuces,
y levántense zorras, y no mices. (Quevedo76)
48L’exhortation à jouir des plaisirs bachiques prend une forme complexe dans le sonnet quévédien (« todo gaznate esté con mal de gota », « y levántense zorras, y no mices »), alors qu’elle était plus directe chez Hurtado de Mendoza (« … deléitate y bebamos », « [quiero…] /… remojarme en cuanto vino sé »)77. Cet usage artistique du langage dans le burlesque impose de considérer Quevedo et Góngora comme deux poètes essentiels à sa trajectoire. Sous leur impulsion, la poésie comique devient savante, elle repose sur un langage ouvertement artificiel. Si, par exemple, tout poème ayant une dimension scatologique relève de la poésie comique quelle que soit l’époque, cette composante ne suffit pas, quand écrivent Quevedo ou Góngora, pour qu’un poème illustre la poétique du burlesque. Celui qui ne ferait que rédiger des vers obscènes peu élaborés et dénués d’esprit paraîtrait certainement anachronique78. Les coplas reales que Sebastián Horozco (1510-1580) rédige A un amigo suyo boticario sont assez réussies, mais quelques dizaines d’années plus tard les lecteurs les auraient probablement trouvées de mauvais goût, trop directes :
Convertir el agua en vino,
también las piedras en pan
es un misterio divino
que a sólo Cristo convino
mas otros no lo harán.
Pero vos cuanto hacéis
lo transformáis de tal suerte,
que todo cuanto tenéis
y en la botica vendéis
todo en mierda se convierte.
E aunque nos cuesta dineros
sin aprovecharnos nada,
lo que hace enriqueceros
todo va por los gargueros
a parar en la privada.
Pues por mucho que guardés
la botica no se os pierda,
si querés saber lo que es
como dice el portugués,
voto á Deus todo é merda79.
49On pourrait imaginer qu’un poète burlesque aurait tiré parti de la bisémie possible sur « privada » (v. 15) et que « aprovechar » (v. 12) aurait également renvoyé au profit que l’apothicaire retire de ses ventes. Dans un célèbre poème burlesque, Juan de Salinas évoque la douloureuse mésaventure d’un clerc qui, cherchant un pot de chambre au beau milieu de la nuit, s’assoit malencontreusement sur un brasero. Tout l’art du poète tient dans sa faculté à multiplier les énoncés gros d’un double sens ou d’un calembour scatologiques. Le lecteur doit percevoir l’allusion derrière des mots comme ojo, palominos, tronidos, necesaria, arrabal, Fuenterrabía, circular, particular, especular, vincular, in secula seculorum. Quand Torre y Sevil écrit un poème sur una novia que saliendo de missa en medio de la calle caminando, antes de llegar a casa, se fue, c’est-à-dire qu’elle fut prise de coliques en pleine rue, tout l’intérêt du poème réside dans l’art d’exprimer avec esprit les détails les plus grotesques. Sans le conceptisme, ces 36 redondillas seraient insupportables. Le signifié scatologique ne diffère pas fondamentalement dans les poèmes de Horozco, Salinas ou Torre y Sevil, contrairement au mode d’énonciation qui les désigne (« todo en mierda se convierte », « y abrásase un palomar / que provee de palominos / a toda la vecindad80 », « la cámara pública haze, / y haze la calle secreta81 »). La formulation ingénieuse frappe le discours d’un sceau anoblissant qui affecte nécessairement sa réception.
50Ces poèmes nous confrontent à un art de la concentration sémantique dont l’intensité les distingue des pratiques antérieures. L’intérêt de la burla réside désormais dans la façon dont elle est amenée, dans les verba et leur pouvoir de suggestion plutôt que dans la res82. L’anecdote amusante ne suffit donc plus. Un poème comme Sobre un desastre que aconteció a un confeso, de Castillejo (c. 1490-1550)83, est comique tout en demeurant bien éloigné du burlesque. Le poète raconte comment un converti loue une jument impétueuse et oublie le conseil de son propriétaire : ne jamais la détacher ! L’animal passe la nuit dans l’écurie, mais au petit matin, le converti est bien en peine pour grimper sur sa monture, décidément récalcitrante. Pour couronner le tout, Castillejo précise que la peur du converti a eu sur lui l’effet d’une purge. Le détail scatologique vient renforcer la raillerie suscitée par le personnage. Il n’y a rien de bien spirituel dans tout cela, ce qui ne préjuge pas de la qualité poétique que l’on peut reconnaître à la composition. En voici un extrait :
Él hizo cierta jornada
bien pensada,
y provechosa le fuera,
si mal no le sucediera
con una haca alquilada,
que nunca llevar debiera.
Fue avisado
este malaventurado
que no la dexe jamás
suelta, si como Jonás
no quiere verse tragado.
Mas, siendo ya su caída
prevenida
para el trance d’esta lid,
descuidado y sin ardid,
el aviso se le olvida
entrando en Valladolid.
Muy ufano
se levanta muy temprano
a entender en su cobrança,
y en el establo se lança
con su cebada en la mano.
Ella, en viéndole asomar,
por le dar
gracias por esos cuidados,
arrojóle dos bocados
y empeçóle a saludar
con los dientes regañados.
Ved, Señor,
qué trance de pecador,
que, del miedo que cobró,
ningún pulso le quedó
arriba del salvohonor.
Pues en tan gran turbación
y perdición,
viéndole todo temblar,
ofrecióse de llegar
una moça del mesón
a ayudársela a tomar.
La rabiosa
haca falsa, maliciosa,
teniendo por muerto a él,
arremetió muy cruel
a la moça piadosa.
Él, en vez de socorrer
la mujer,
viendo la haca tan fiera,
no se acordando quién era,
huyó, por se guarecer,
aprisa por la escalera;
y esto visto,
argüido este malquisto
de los que huir le vieron,
respondió: « También huyeron los discípulos de Cristo. »
51La même histoire, cinquante ou soixante ans plus tard, aurait été racontée différemment. Le poète burlesque aurait ponctué le récit de traits d’esprit, d’allusions, de jeux de mots plus ingénieux et plus fréquents. Castillejo rédige des obras de conversación y pasatiempo, il cherche à divertir et pour divertir il n’est pas indispensable de briller par l’éloquence du propos.
52Cette primauté de la res sur les verba explique également la faible armature rhétorique des burlas des premières décennies du xvie siècle, la tendance à préférer l’ordo naturalis à l’ordo artificialis. Dans bien des poèmes du Cancionero de obras de burlas provocantes a risa (1519), les seules contraintes imposées par le vers semblent la rime et le mètre. Peu d’artifices rhétoriques modifient l’ordre usuel de la syntaxe. La rareté de l’hyperbate participe à la clarté du discours. Il en ressort une impression de grande lisibilité, d’immédiateté du sens. Cette définition de l’éructation en rend compte :
Dos mil sabios ayuntados,
todos juntos sin libeldos,
dixeron que los regüeldos
que son pedos mal logrados
de todos cuatro costados,
que vienen como esforçados
haziendo notables hechos
y pararon en los pechos,
do perdieron sus estados
los tristes desventurados84.
53Le poète se complaît dans la description détaillée de la res, son style repose sur la juxtaposition et la coordination de propositions définissant « los regüeldos », « que son pedos mal logrados… que vienen… y pararon… do perdieron… ». À l’époque de Góngora et Quevedo, on ne conçoit plus pareille écriture, il lui manque la concision du bon mot, l’élégance du propos qui fait mouche et surprend, l’artifice stylistique qui permet de reconnaître le poète baroque.
54Pour autant, il serait abusif de parler de changement brusque, voire de rupture, ce qui reviendrait à considérer la poésie qui précède le burlesque comme un tout homogène. Si l’on cite le Cancionero de obras de burlas provocantes a risa (1519) au même titre que la poésie de Castillejo ou Horozco, c’est pour mieux manifester la singularité du burlesque par rapport aux pratiques antérieures. Le pluriel est ici indispensable pour désigner des œuvres que sépare parfois un demi-siècle. La poésie comique écrite vers le milieu du xvie siècle n’est plus tout à fait celle que purent écrire, au début du siècle, les auteurs de la Carajicomedia, publiée en 1519, ou du Pleito del Manto, qui apparaissait déjà dans l’édition de 1514 du Cancionero General. La trajectoire de la poésie comique est faite d’héritages et d’inflexions. Ainsi, les disparates, que l’on trouve par exemple dans « Hanme dicho, hermanas » de Góngora85, reflètent une pratique littéraire qui trouve ses racines dans l’Europe médiévale86. En Espagne, plusieurs exemples apparaissent dans le Cancionero de obras de burlas provocantes a risa. Les Coplas que hizo el ropero a un aparato de guerra relèvent de la poésie de disparate :
O qué pompa y qué arreo,
o qué aparato de guerra,
tres blancas tengo de tierra
pagadas por jubileo;
no tengo de comprar nada,
que no me falta hevilla.
Si la guerra es pregonada,
caballo tengo en Granada,
en Egipto está la silla.
Las cinchas tengo en Vitoria,
los látigos en Plazençia,
los aciones87 tengo en Soria,
estriberas en Florencia,
el capraçón en Guinea;
ved, si la guerra se enciende,
el petral en Çalamea,
el freno en Basilea,
las cabeçadas allende.
Las riendas en Almería,
los alacranes en Ronda,
cordones en Lombardía,
el frontal en Trapesonda,
arreos de mi persona
como guarnido galán.
Las coraças en Carmona,
la bavera en Pamplona,
el capacete en Milán88.
55Castillejo use également du disparate dans un de ses poèmes, la Fiesta de las chamarras89. Certaines formes du burlesque et certaines tendances incitent également à parler de continuité plutôt que de rupture. La satire personnelle plonge probablement ses racines dans l’art du mote et des invectives médiévales, telles que les Coplas del ropero ou celles qui visent Juan Poeta90, tout comme elle trouve dans l’épigramme antique une source d’inspiration. La parodie ne constitue pas non plus une innovation du burlesque. La réécriture comique de l’Orlando Innamorato de Boiardo que réalise Quevedo dans son Poema heroico de las necedades y locuras de Orlando el enamorado, comme les fables ovidiennes parodiées par Góngora ou Pantaleón de Ribera, comptent d’illustres antécédents, telle la Carajicomedia, qui transpose sur un registre comique le Laberinto de Fortuna. Alors que le poème de Juan de Mena est dédié Al muy prepotente don Juan el Segundo, sa parodie, consacrée au remède qu’apporte à la misère sexuelle du vieux Diego Fajardo une « puta vieja, alcahueta y hechizera », s’ouvre par :
Al muy impotente carajo profundo
de Diego Fajardo, de todos ahuelo,
que tanta de parte se ha dado del mundo
que ha cuarenta años que no mira al cielo;
aquel que con coños tuvo tal zelo
cuanto ellos de él tienen agora desgrado,
aquel que está siempre cabeça abaxado
que nunca levanta su ojo del suelo91.
56Certains poèmes comiques du xvie siècle annoncent également l’auto-dérision et l’ironie avec laquelle le locuteur burlesque commente parfois son propre discours. Les gloses que Fray Bugeo Montesino ajoute aux vers de sa Carajicomedia participent de cet état d’esprit. Dans l’extrait suivant, l’auteur se félicite de l’élégance et du profit que l’on saura tirer d’une comparaison entre le membre viril d’un vieillard, contraint par l’âge à la résignation, et celui d’un jeune homme, qui n’a de cesse qu’on ne le satisfasse :
Como carajo que va en el poniente,
si halla algún coño que no sufre punta,
se dobla, se buelve, porque barrunta
su fuerça allí no ser suficiente,
empero el carajo del barviponiente,
si sus cojones el culo sintieron,
nunca descansan hasta que vieron
el coño rompió, que está paciente.
(Ésta es una hermosa comparación y van en ella muy devotos entendimientos para personas contemplativas)92.
57L’importance que les poètes burlesques accordent à la pointe constitue une autre marque caractéristique qui semble parfois en germe chez certains de leurs prédécesseurs. Parmi les quelques poèmes regroupés derrière l’épigraphe obras de burlas dans le recueil poétique de Jorge de Montemayor, le lecteur trouve un Diálogo entre un Paje y una mula maliciosa que le emprestó una Dama qui ne manque pas d’esprit. Dans l’extrait suivant, on appréciera, par exemple, l’antanaclase sur correr. Le page demande à sa mule de ne pas courir (« no corrais ») et celle-ci lui répond que c’est lui qui, s’il ne descend pas, sera ridiculisé (« quedareys corrido »). Plus loin, le jeu de mots repose sur le verbe caer, qui au sens propre veut dire « tomber ». Mais, employé dans un sens figuré, le verbe permet d’affirmer que la mule de ce page est avisée, elle connaît parfaitement les usages de ceux qui l’entourent, qu’elle a compris (« de maliciosa caeys », « cayo luego en cualquier cosa »). Le page déclare donc que sa mule sait caer, mais sans tomber :
Paje.
Passo mula no corrais,
vos no veys que voy molido?
Mula.
Mas vos quedareys corrido
paje si no os apeays.
Paje.
Porque, no haziendo os ultraje
teneys comigo baraja?
Mula.
Porque quanto amo la paja
tanto me aborrece un paje.
Paje.
Hablastes como discreta.
Mula.
Sabed que mi condición
es más de dama y sillón,
que no de paje y maleta.
Paje.
Veo que de maliciosa
caeys sin topar en nada.
Mula.
No es sino que de avisada,
cayo luego en cualquier cosa.
Paje.
En las orejas llevays
la silla, o mala pieça.
Mula.
Llevo os sobre mi cabeça,
y aun vos señor os quexays93.
58La conjonction du comique et de l’esprit, qui acquerra une valeur paradigmatique pour le burlesque sous l’impulsion de Góngora et Quevedo, transparaît clairement sous la plume de Baltasar del Alcázar. L’auteur de la Cena jocosa est aussi un excellent épigrammatiste, dont l’importance est fondamentale pour comprendre l’inflexion marquée par le burlesque dans la trajectoire de la poésie comique. Il faut également citer Diego Hurtado de Mendoza, mort en 1575, qui permettra au sonnet burlesque de parvenir en Espagne94. Berni, Burchiello et leurs imitateurs l’avaient largement imposé en Italie95. Ces sonnets contribuaient à développer un art de la forme brève et ingénieuse. Ils participaient à leur manière à la promotion esthétique de la poésie comique en montrant que l’on pouvait insérer un contenu trivial dans une forme noble, n’en déplaise à Pinciano qui, en 1596, estimait encore qu’il fallait réserver les vers humbles à la poésie comique et notamment préférer la redondilla au sonnet ou à la chanson. Les capitoli italiens, largement pratiqués en castillan par Hurtado de Mendoza, participaient du même mouvement tout en ayant une origine médiévale. Il s’agissait de faire l’éloge d’un objet tout à fait commun, de convertir la salade ou le pot de chambre en sujets dignes de la poésie épidictique. Diego Hurtado de Mendoza chante les vertus de la carotte, comme Berni avait fait l’éloge de la peste. Lodovico Dolce écrit un Capitolo del Naso, tout comme Quevedo aura un romance sur le nez d’une dame (POC, 684). Cette noblesse virtuellement conférée, par la forme métrique ou le propos déclaré, aux objets les plus triviaux autorisait également à faire subir le mouvement inverse aux héros chevaleresques ou aux dieux antiques. C’est le traitement que Diego Hurtado de Mendoza réserve à Diane dans un sonnet de facture proche du burlesque :
Señora, la del arco y las saetas,
que anda siempre cazando en despoblado,
dígame, por su vida, ¿no ha topado
quien le meta las manos en las tetas?
Andando entre las selvas más secretas
corriendo tras algún corzo o venado
¿no ha habido algún pastor desvergonzado
que le enseñe el son de las gambetas?
Hará unos milagrones y asquecillos
diciendo que a una diosa consagrada
nadie se atreverá, siendo tan casta.
Allá para sus ninfas eso basta,
mas acá para el vulgo ¡por Dios, nada!
que quienquiera se pasa dos gritillos96.
59L’apport italien contribua à créer un état d’esprit qui faisait bouger les frontières du Parnasse en permettant la contamination des registres sérieux et comique97. La majesté du style élevé, la perfection rhétorique de formes nobles comme le sonnet ou la chanson pouvaient s’accommoder des objets les plus triviaux tout comme ils autorisaient à dégrader les sujets les plus graves. Rien ne semblait incompatible avec le burlesque. Par ailleurs, le recul de l’importance accordée à la res par rapport aux verba facilitait le mélange des registres et notamment le traitement léger des sujets les plus nobles.
60Peu à peu, la poésie comique prend une valeur métatextuelle, elle devient un discours implicite sur la poésie de ton noble, discours qui, dans le cas de la parodie, se veut plus explicite. L’univers mythologique, l’idéalisme amoureux, la vertu du chevalier ou du courtisan, ne sont plus l’apanage du poète de registre élevé ou moyen. Les sujets poétiques sérieux n’existent plus en tant que tels, tout devient affaire de traitement littéraire, de positionnement stylistique par rapport à ces sujets. Ce discours sur la poésie est également un discours sur le monde et ses hiérarchies, que le poète burlesque décrit sur un ton souvent sarcastique. Il jette sur le monde un regard désabusé, celui du pince-sans-rire suspicieux qui a compris les rouages de la société et s’en amuse. Si l’on compare le Razonamiento de un capitán a su gente, de Castillejo98, aux poèmes burlesques moquant la pusillanimité d’un soldat, on constate que le personnage de Castillejo n’est pas présenté comme un simple lâche. Il raisonne, justifie sa fuite et celle de ses hommes :
Agora, por los pecados
de alguno, veis que nos vemos
do de hambre perecemos,
de todas parte cerrados.
Veis los turcos poderosos
y más fuertes a la fin,
y muerto Pedro Rachín
y otros hombres valerosos.
[…]
Y por nuestra mala suerte,
si esperamos a mañana,
moriremos, y no gana
el Rey nada en nuestra muerte.
El remedio es retraer,
por escusar tanto mal…
61La mentalité seigneuriale réprouve son discours, mais le poète n’en fait pas pour autant un fantoche hyperbolique, dans la tradition du miles gloriosus. Un poète burlesque aurait fait voir le caractère honteusement poltron du personnage jusque dans les raisons respectables qu’il allègue pour sa fuite. L’attitude du personnage de Castillejo n’est pas aussi ridicule que celle des fanfarons de Góngora (« mató un león cuartanario / desde una palma subido »), ou Cervantes (« miró al soslayo, fuese, y no hubo nada99 »). En passant au burlesque, le discours apparaît relevé par toute sorte d’artifices de style et par toute la gamme des figures de l’esprit, mais il devient également plus mordant et caustique. Un dernier exemple permet de l’illustrer en comparant deux poèmes de Quevedo et Castillejo, consacrés aux vêtements à la mode. Dans sa Fiesta de las Chamarras100, Castillejo n’évoque que des « délits » bien légers, les chamarras ne sont coupables que de leur laideur et leur piteux état. En revanche, Quevedo, dans Confisión que hacen los mantos de sus culpas en la premática de no taparse las mujeres101, entend révéler ce que cachent les voiles : des fronts ridés (v. 17), des regards borgnes (v. 27), des femmes qui trompent leurs maris (v. 56), d’autres qui mentent sur leur âge (v. 104), des visages enduits des fards les plus douteux :
Un manto de lana y seda,
lleno de manchas y rasgos,
contrito y arrepentido
dijo delitos extraños:
« Tapé a una mujer gran tiempo
en su rostro boticario,
por mejillas y por frente
polvos, cerillas y emplastos.
Con poco temor de Dios
pecaba en pastel de a cuatro,
pues vendí en traje de carne,
huesos, moscas, vaca y caldo102… »
62Le vêtement exprime son repentir, il confesse les délits dont il s’est rendu coupable en cachant ce visage. À la place des joues on trouvait, comme chez un apothicaire, toute sorte de poudres, mais aussi les ingrédients répugnants qu’utilisaient certains pâtissiers. Ce qui compte n’est pas tant que le vêtement soit sale et déchiré (« lleno de manchas y rasgos ») que la laideur physique et morale qu’il occultait. Le ton est assez grinçant, le thème, plutôt léger, des vêtements désormais interdits sous-tend un propos plus incisif.
63Si quelques tendances qui affleurent dans la poésie comique du xvie siècle s’épanouissent dans le burlesque au point d’en constituer des signes distinctifs, il semble opportun de considérer que l’état d’esprit qui les inspire n’est plus le même. L’époque de la bouffonnerie naïve est révolue, le substrat qu’elle livre au burlesque doit prendre une forme nouvelle. Cette forme montre le monde à travers un prisme qui n’est pas dénué de gravité. Aussi, les burlas ne sont pas incompatibles avec les veras et la satire peut être énoncée sur un mode burlesque. Mais, nous le verrons, à chaque fois que le poète choisit de suivre les pas de Thalie, il nous détourne du contenu moral ou simplement sérieux de son poème, il nous entraîne dans une logique essentiellement poétique, qui accorde plus de poids aux mots qu’aux choses, aux effets de style qu’à la réflexion contenue.
LE BURLESQUE, UN ART DU DÉTOUR
64En jetant un voile pudique sur ce qui pouvait paraître inconvenant, la pointe permit au burlesque de se nourrir à toutes les sources du ridiculum. Le conceptisme est donc fondamental, d’abord parce qu’il permet au poète de faire feu de tout bois pour produire l’effet burlesque, ensuite parce qu’il confère à l’expression un lustre qui contribue à sa singularité. Il serait ambitieux mais stérile de prétendre isoler une « pointe burlesque » qui compléterait le tableau dressé par Gracián. Comme pour la métaphore burlesque, ce n’est pas le mécanisme du trope qui est singulier, mais les matériaux sur lesquels il repose et l’effet qu’il cherche à produire.
65Les héritages transmis par la poésie comique des trois premiers quarts du xvie siècle ne doivent pas nous empêcher de reconnaître la spécificité d’une poétique du burlesque, phénomène baroque et qui prend son essor avec la première génération de poètes qui marque cette période, avec Góngora notamment. Il paraît vain de proposer une chronologie trop stricte. Si le burlesque proprement dit commence avec les premiers poèmes de Góngora, autour de 1580, certains poètes qui fleurissent dans le troisième quart du xvie siècle, comme Diego Hurtado de Mendoza et Baltasar del Alcázar, en sont déjà très proches dans une partie de leur production. Il a donc paru plus pertinent de parler d’une trajectoire faite d’héritages et d’inflexions plutôt que de ruptures. Pour autant, certaines dominantes de la poésie burlesque permettent de la distinguer nettement de la poésie comique des époques précédentes. La poésie burlesque repose sur un arsenal rhétorique qui donne au discours une forme complexe, le poète multipliant les traits d’esprit et les figures de style. Cette complexité formelle retarde la perception de la facétie, qui n’apparaît qu’au terme d’un travail de reconstruction du sens réalisé par le lecteur qui emprunte les détours du discours. Il convient maintenant de découvrir ce qui rend cette reconstruction possible.
Notes de bas de page
1 « … Es el barroco del xvii el período que hace del conceptismo su procedimiento creador por excelencia, desarrollándolo hasta límites no alcanzados antes ni después, y configurándolo como la base esencial de su literatura », I. Arellano, Poesía satírico burlesca de Quevedo, p. 273. Sur le conceptisme dans la poésie burlesque de Quevedo, ibidem, pp. 273-319 et I. Arellano, Comentarios.
2 M. Blanco, Les Rhétoriques de la pointe, p. 30.
3 « Frialdad : … necedad, dicho u despropósito sin gracia ni viveza que dexa frío al que lo oye… ». Aut. Sur la froideur, consulter l’introduction d’Antonio Carreira à L. de Góngora, Antología poética, pp. 43-44.
4 Saint-Amant, Œuvres complètes, t. I, p. 284.
5 Pour le plaisir procuré par la pointe, lire l’étude de M. Blanco, Les Rhétoriques de la pointe, notamment les pages 227-243, consacrées aux théories de Peregrini.
6 « Honrado : irónicamente se toma por bellaco, pícaro, travieso », Aut.
7 U. Eco, Lector in fabula, p. 255, commente en ces termes la nouvelle d’Alphonse Allais, Un drame bien parisien : « Un drame a été écrit pour être lu deux fois (au moins) : la première lecture présuppose un Lecteur Naïf, la seconde un Lecteur Critique qui interprète l’échec de l’entreprise du premier. »
8 F. de Quevedo, POC, 620, v. 21 et 30.
9 L. de Góngora, OC, p. 101, v. 61-64.
10 On apprend, dans PESO, p. 335, que dedal signifie cunnus.
11 J. de Cáncer yvelasco, Obras varias, p. 99. L’éditrice précise en note : « En lenguaje marginal, niña es “prostituta”… Se alude al comercio sexual mediante la expresión sobre las niñas de los ojos, “tener en gran estima”. »
12 « Alcamphor : goma que produce un árbol de extraordinaria grandeza por alto y pomposo, el qual se cría en las tierras orientales. Le trahen a Europa de dos géneros, uno en bruto, como se cogió del árbol, y este es de color roxo ; otro purificado por medio de la sublimación : este se tiene por el mejor, y es blanquísimo… », Aut.
13 « Albayalde : la substancia del plomo, que metido en vinagre fuerte se disuelve y evapora en polvo a manera de cal, blanquísimo… », ibid.
14 « Muda : … cierta especie de afeite o untura que se suelen poner las mujeres en el rostro », ibid.
15 A. de Castillo Solórzano, Donayres del Parnaso, f° 56r°.
16 « Componerse : … afeitarse o acicalarse la cara con drogas y afeites », Aut.
17 L. de Góngora, OC, p. 201, v. 7-8.
18 F. de Quevedo, POC, 662, v. 25-28. « Mosca muerta : apodo que se aplica al que es al parecer de ánimo u genio apagado pero no pierde la ocasión de su provecho… », Aut. La mosca désigne également l’argent, selon le même dictionnaire.
19 B. Gracián, Obras completas, t. II, pp. 559-568. Sur l’onomastique burlesque chez Quevedo, on lira I. Arellano, Poesía satírico burlesca de Quevedo, pp. 143-158.
20 L. de Vega, Rimas humanas y divinas, p. 275, v. 8.
21 F. de Quevedo, POC, 764, v. 129-132, « Ya que Colada no os fizo / valiente aquesta vegada, / fágavos colada limpio : / echaos, buen conde, en colada. »
22 Ibid., 647, v. 18-19. D’autres exemples recensés dans F. de Quevedo, Un Heráclito cristiano, pp. 901-902.
23 Comme me le fait remarquer Rodrigo Cacho, González de Salas s’inspire ici du texte liminaire du premier livre des Épigrammes de Martial (« Absit a jocorum nostrorum simplicitate malignus interpres nec epigrammata mea scribat : improbe facit qui in alieno libro ingeniosus est »). On retrouvera plus tard cette stratégie de censure des censeurs potentiels dans La Critique de l’Ecole des femmes, de Molière. Le plaidoyer pour l’innocence de la pièce prend la forme d’un réquisitoire contre ses censeurs, représentés par Climène. Uranie lui déclare ainsi, alors que Climène remet en cause le discours tenu par le personnage d’Agnès (scène 3) : « … Elle ne dit pas un mot qui de soi ne soit fort honnête ; et si vous voulez entendre dessous quelque autre chose, c’est vous qui faites l’ordure, et non pas elle… »
24 Á. L. Luján Atienza, « Estrategias discursivas », p. 44, écrit à propos de plusieurs fragments gongorins : « Estos ejemplos nos enseñan que no es el poeta el que establece la lectura figurada del término sino que, al situarlo en un territorio ambiguo que hace perfectamente posible la lectura literal, deja toda libertad al lector no sólo para que elija la lectura figurada o no (siendo posibles ambas) sino incluso para que escoja el tipo de figura con que va a leer el texto. » Luján examine dans cet important article le rôle du lecteur comme coauteur et déclare, p. 50 : « Podía decir Góngora con respecto a la obscenidad lo que dice respecto a la oscuridad de las Soledades, que está en “la malicia de las voluntades” de sus lectores. » Nous nous intéresserons à ce rôle du lecteur dans le chapitre suivant.
25 « The argument sounds to us like ingenious sophistry ; yet it should be noted, first, that Salas was a severe moralist, second, that as a learned humanist he would have accepted licentiousness from poets like Martial and Propertius propter elegantiam sermonis, and third, that he was Quevedo’s friend. It is reasonable to suppose that his rationale is a serious statement of poetic principle, shared by Quevedo himself who, just like Góngora, cultivated ambiguity deliberately in order to bypass the censorious reader’s objections », A. Close, Cervantes and the Comic Mind of his Age, p. 238.
26 S. Freud, Le mot d’esprit, notamment pp. 224-25.
27 L. de Góngora, OC, p. 37, v. 107-108 et 119-120.
28 F. de Quevedo, POC, 704, v. 19-20.
29 « … López Pinciano reveals a noteworthy selectiveness. The blasphemy and irreverence that were typical of the humour of his forefathers only survives in mildly attenuated form, to the accompaniment of pious bows towards the Church. Ribaldry has vanished ; obscenity merely persists in the form of scatology, which, doubtless by way of compensation, is strongly emphasized », A. Close, Cervantes and the Comic Mind of his Age, p. 257.
30 M. Blanco, « Góngora o la libertad del ingenio », p. 28.
31 F. de Quevedo, POC, 676, v. 21-25.
32 Le texte de Pineda peut être consulté dans L. de Góngora, Obras en verso del Homero Español.
33 L. de Góngora, OC, p. 34, v. 13-16.
34 F. de Quevedo, 788, v. 145-152.
35 A. Azaustre et J. Casas, Manual de retórica española, pp. 67-68.
36 I. Arellano, Jacinto Alonso de Maluenda y su poesía jocosa, p. 54, v. 21-24.
37 J. Polo de Medina, Poesía, p. 123, v. 13-16.
38 F. de Quevedo, POC, 741, v. 71, identifie également une vieille avec les archives de Simancas.
39 Ibid., 732, v. 21-24.
40 L. de Vega, Rimas humanas y divinas, p. 144, v. 12-14.
41 L. de Góngora, OC, p. 274.
42 F. de Quevedo, POC, 853, v. 7-8.
43 A. Pantaleón de Ribera, Obra selecta, p. 104.
44 L. de Góngora, OC, pp. 132-133.
45 « Esto es un poco de aire, o esso es aire. Vale tanto como decir que es cosa sin substancia y despreciable, o que es cosa de poca o ninguna entidad y consideración », Aut.
46 La hoja désigne la feuille de l’œillet, alors que ojo désigne l’anus de l’animal.
47 O. Ducrot, Le dire et le dit, pp. 13-17.
48 « En el uso normal lingüístico el nombre propio es una etiqueta identificadora, que funciona como sujeto, pero no como predicado. En el uso literario puede sufrir una remotivación más o menos arbitraria (o, mejor dicho, poéticamente justificada), con diversas modalidades », I. Arellano, Poesía satírico burlesca de Quevedo, p. 143.
49 F. de Quevedo, POC, 771, v. 105 ; L. de Góngora, OC, p. 273.
50 F. de Quevedo, POC, 788, v. 81-89.
51 L. de Góngora, OC, pp. 153-154.
52 O. Ducrot, Le dire et le dit. « J’appelle “énonciateurs” ces êtres qui sont censés s’exprimer à travers l’énonciation, sans que pour autant on leur attribue des mots précis ; s’ils “parlent”, c’est seulement en ce sens que l’énonciation est vue comme exprimant leur point de vue, leur position, leur attitude, mais non pas, au sens matériel du terme, leurs paroles », p. 204. « Parler de façon ironique, cela revient, pour un locuteur L, à présenter l’énonciation comme exprimant la position d’un énonciateur E, position dont on sait par ailleurs que le locuteur L n’en prend pas la responsabilité et, bien plus, qu’il la tient pour absurde », p. 211.
53 L. de Góngora, OC, pp. 106-109.
54 F. de Quevedo, POC, 864, v. 53-56. Je modifie légèrement le texte de J. M. Blecua à partir de la note qui figure dans A. Carreira, « El conceptismo en las jácaras de Quevedo », p. 104, n. 32. L’auteur propose de lire « nos sorbe de orinal » et non « nos sorbe el orinal ». Le mot trincadero désigne le lit (PESO, 136, v. 6).
55 L. de Góngora, OC, p. 164.
56 F. de Quevedo, POC, 716, v. 1-8.
57 L. de Góngora, OC, pp. 149-150.
58 Sur les formes de la métaphore dans l’œuvre satirique de Quevedo, L. Schwartz, Metáfora y sátira.
59 F. de Quevedo, POC, 855, v. 42-43.
60 L. de Góngora, OC, p. 239, v. 1-4.
61 Ibid., p. 55, v. 57-64.
62 Ibid., p. 111, v. 15-16 et p. 70, v. 5-6.
63 Ibid., p. 71, v. 45-48.
64 E. Alarcos Llorach, « Expresividad fónica en la lírica de Quevedo ». Consulter également I. Arellano, Poesía satírico burlesca de Quevedo, pp. 128-143. F. Bar étudie brièvement les « jeux de sons » dans son ouvrage sur le burlesque en France. F. Bar, Le genre burlesque en France, pp. 341-343.
65 L. de Góngora, OC, pp. 500-513 et F. de Quevedo, POC, 766.
66 A. de Castillo Solórzano, Donayres del Parnaso, fos 1ro-4vo. M. Blanco, « Le burlesque mythologique dans l’œuvre de Góngora », p. 223, écrit : « Normalement, l’assonance unique du romance est basée sur les voyelles les plus fréquentes. Il est rare que la voyelle tonique dans l’assonance soit le /u/ qu’adopte la Fable de Pyrame et Thysbé, et ce choix implique presque nécessairement un registre comique pour le poème. »
67 F. de Quevedo, POC, 572. Pour la rime burlesque chez Quevedo, consulter I. Arellano, Poesía satírico burlesca de Quevedo, pp. 140-143. La rime extravagante n’est pas exclusive du burlesque, comme le montrent certains poèmes recueillis par M. G. Profeti, « Rimas bíblico-simbólicas ».
68 L. de Góngora, OC, p. 274 ; pour Maluenda voir I. Arellano, Jacinto Alonso de Maluenda y su poesía jocosa, p. 98.
69 « Adorno, que usan las mugeres para la cabeza, que es una flor, o boton de diamantes, u otras piedras, presso a una aguja de plata, u oro, que por estar retorcido tiembla con el peso, de donde parece tomó el nombre », Aut.
70 V. Sánchez, Lira poética, t. I, p. 81.
71 Défaire, dénouer, tension, sont des termes employés par Jolles dans son étude du trait d’esprit (A. Jolles, Formes simples, pp. 197-207). Je ne les emploie pas ici dans le même sens que lui.
72 Dans un célèbre article, F. Lázaro Carreter mène une réflexion fondamentale sur la « dificultad conceptista » (F. Lázaro Carreter, Estilo barroco y personalidad creadora, pp. 13-43). Les mécanismes qui entrent en jeu dans la formulation du burlesque ne relèvent pas uniquement du conceptisme, il eût donc été abusif de reprendre le terme de Lázaro Carreter tout en l’éloignant de son principal objet d’étude. L’étymologie du substantif « complexité » rend mieux compte des détours que prend le discours, qu’ils soient syntaxiques ou sémantiques.
73 R. Jammes, La obra poética, pp. 172 sqq.
74 B. del Alcázar, Obra poética, pp. 381 et 383 (v. 1-16 et 45-52). Pour une interprétation de ce poème, consulter les pages 102-103 de la même édition. V. Núñez Rivera y étudie l’érotisme de cette composition et ses rapports avec la littérature mettant en scène d’autres banquets, notamment les dialogues de la Renaissance.
75 D. Hurtado de Mendoza, Poesía completa, p. 130.
76 F. de Quevedo, POC, 581.
77 Sur l’évolution esthétique qui est perceptible entre l’œuvre de Hurtado de Mendoza et celle de Quevedo, consulter R. Cacho, « Marca Tulia se llamaba una dueña ».
78 F. Bar, Le genre burlesque en France, p. xxv, cite un texte des frères Perrault qui, si l’on omet la référence à la naïveté, pourrait illustrer mon propos : « La beauté du Burlesque, cette douce naïveté qui charme tous les esprits raisonnables, ne doit pas estre toute renfermée dans la petitesse de son sujet, ny encore moins dans la bassesse des termes, mais… elle doit paroistre dans l’invention ingénieuse des pensées, et dans ce tour agréable qu’on leur donne. »
79 Poesía satírica y burlesca de los siglos de oro, pp. 89-90.
80 J. de Salinas, Poesías humanas, p. 189, v. 14-16.
81 F. de la Torre y Sevil, Entretenimiento de las musas, p. 158. « Secreta » désigne les latrines (Aut.).
82 Sur l’opposition res/verba dans la poésie gongorine, consulter A. Pérez Lasheras, Más a lo moderno.
83 C. de Castillejo, Obras, t. II, pp. 240-244.
84 Cancionero de obras de burlas, p. 100. Quevedo paraît se souvenir de cette définition dans Excelencias y desgracias del salvo honor (« … el regüeldo / es un pedo malogrado… »), F. de Quevedo, Prosa festiva, p. 374.
85 L. de Góngora, OC, pp. 88-89, v. 89-104. Les disparates et autres lapalissades de Góngora sont analysés par A. Sánchez, « Aspectos de lo cómico en la poesía de Góngora ».
86 B. Periñán, Poeta ludens. Pour la France, consulter également F. Bar, Le genre burlesque en France, pp. 380-382.
87 « Acciones. “Correa de que pende el estribo en la silla de montar…” (DRAE) », note de l’éditeur.
88 Cancionero de obras de burlas provocantes a risa, p. 125, v. 1-27.
89 C. de Castillejo, Obras, t. II, pp. 202-208. Rogelio Reyes Cano précise en note dans son édition : « Este poema, que se enmarca en el paradigma compositivo de la fiesta…, tiene concomitancias con la literatura del disparate y con la literatura de cancionero sobre libreas, divisas, motes… y parece ofrecer ciertas claves biográficas del propio Castillejo y de algunos de sus amigos cortesanos », C. de Castillejo, Antología poética, p. 182.
90 Cancionero de obras de burlas provocantes a risa, passim. Consulter également K. Scholberg, Sátira e invectiva. Sur le mote, M. Chevalier, Quevedo y su tiempo et A. Close, Cervantes and the Comic Mind of his Age.
91 Cancionero de obras de burlas provocantes a risa, p. 171, v. 1-8. Sur la Carajicomedia il faut consulter les éditions de Carlos Varo, Madrid, Playor, 1981 et Álvaro Alonso, Archidona, Aljibe, 1995.
92 À la dérision et à l’ironie du commentaire s’ajoute une intention parodique qui vise les ouvrages de dévotion : « Dentro también de la temática religiosa que recorre la Carajicomedia tenemos los comentarios al margen de texto utilizados para animar al lector de devocionarios a la práctica de la devoción virtuosa », J. L. Alonso Hernández, « Burlas y marginalidad en el Siglo de Oro ».
93 J. de Montemayor, Cancionero del excelentíssimo poeta George de Montemayor, de nuevo emendado y corregido, Saragosse, 1562, fos 164-165.
94 « … Mendoza completa con su variedad la entrada de las maneras italianas en España. […] Lo importante, y porque tenía autoridad para ello, es la proyección y novedad que tiene su poesía des-mitificadora y burlona, porque en ella podrán engancharse el desengaño y la ironía barrocos e incluso oponerse a la severidad de Herrera el festivo Baltasar de Alcázar, empleando festivamente la sextina provenzal como Mendoza empleó la octava », A. Prieto, La Poesía española del siglo xvi, pp. 101- 102.
95 Pour la poésie burlesque italienne, consulter S. Longhi, Lusus. Il capitolo burlesco nel Cinquecento ; pour ses rapports avec la poésie espagnole, R. Cacho Casal, « La poesía burlesca del Siglo de Oro » et La poesía burlesca de Quevedo.
96 D. Hurtado de Mendoza, Poesía completa, pp. 274-275.
97 G. Bernardi, « Le sonnet bernesque », p. 202 évoque une « alliance élégante et inattendue d’éléments au premier abord difficiles à concilier » dans les derniers sonnets burlesques de Berni. Il estime en effet que « … la verve débridée, toujours bien présente, est soigneusement contenue par des schémas pétrarquistes, vis-à-vis desquels le poète ne prend aucune distance parodique », p. 201.
98 C. de Castillejo, Obras, t. II, pp. 210-211.
99 L. de Góngora, OC, p. 153, v. 34-35 ; pour Cervantes, le poème est édité dans Poesía satírica y burlesca de los Siglos de Oro, p. 129. Consulter également L. de Góngora, OC, pp. 425-426 (« ¡A la Mamora, militares cruces ! »).
100 C. de Castillejo, Obras, t. II, pp. 202-208.
101 F. de Quevedo, POC, 687.
102 Ibid., v. 109-120
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